La peur de l’autre

Dans le monde entier, la tendance est au retour des « hommes (et femmes) forts ». Leur discours ferme voire vindicatif séduit…

Dans le monde entier, la tendance est au retour des « hommes (et femmes) forts ». Leur discours ferme voire vindicatif séduit les foules, et leurs promesses, qu’il suffit d’écouter pour deviner irréalisables, leur acquiert les masses, fatiguées par un quotidien de plus en plus dur, fait de privations et de violence.

Les « hommes forts », dont l’illustration la plus parfaite est le nouveau président des États Unis, travaillent avec une arme spéciale : la peur de l’autre. Enfouie au plus profond de chaque être humain, cette attitude de défiance vis-à-vis de l’inconnu, de l’autre que soi-même, est quasiment devenue une valeur dans la société ultra-individualiste.

Diaboliser l’étranger, qu’il soit immigré économique ou réfugié fuyant un conflit sanglant, stigmatiser celui qui est d’une couleur de peau, d’un sexe, ou d’une religion différents, tel est désormais le fond de commerce de certains dirigeants et aspirants de la planète.

Cette rhétorique toxique, comme la nomme Amnesty International, met sérieusement en danger la paix dans le monde. C’est le cri d’alarme que l’ONG a poussé à travers son rapport annuel 2016 publié ce 22 février. Le « nous contre eux », au cœur de tous les discours nationalistes, protectionnistes, populistes, inquiètent au plus haut point car il favorise le repli identitaire, levain propice à tous les extrémismes.

La dignité humaine, l’égalité, le respect des différences, que celles-ci soient physiologiques, sociales, spirituelles ou politiques, sont des valeurs en déperdition. L’autre, source de tous les maux, est rejeté, exclu, renvoyé de l’autre côté du mur.

L’autre, c’est moi, a dit Sartre. Les puissants d’aujourd’hui devraient tirer leçon de cette parole. Quelque soit d’ailleurs leur degré de « puissance ». Et se dire que les mots qui blessent, qui dressent les hommes les uns contre les autres, pourraient un jour les faire se retourner contre eux-mêmes.