3 questions à Ibrahim Maïga, chercheur à l’institut ISS Africa

 

Selon vous, la mort de Cheikh Ag Aoussa est-elle un accident ou un attentat ?

La mort de Cheikh Ag Aoussa c’est un peu comme celle d’Ibrahim Ag Bahanga, ce chef rebelle touareg radical, qui est mort dans un accident de voiture. Ce genre de choses arrive difficilement par hasard. On n’a pas beaucoup d’éléments actuellement, mais la théorie de la mine me semble un peu légère comme explication. Je pense qu’il était visé, maintenant il faut attendre les conclusions de l’enquête.

Pensez-vous que cet événement puisse constituer un tournant dans la crise au Nord du Mali ?

Effectivement, cela peut être bénéfique pour le processus de paix, dans la mesure où son absence va accélérer certaines choses. Mais l’autre façon de voir, c’est qu’il maîtrisait ses troupes. Il faisait consensus autour de sa personne, et le problème avec sa disparition, c’est que la suite n’est pas très prévisible, dans la mesure où on peut assister à une fragmentation, à la multiplication des pôles de décision.

La mort d’Ag Aoussa met-elle en danger l’Accord de paix ?

Ce qui est clair c’est que le processus est dans une impasse, car le gouvernement malien n’a pas de cap. En dehors de la mort de Cheikh Ag Aoussa, les combats entre le GATIA et la CMA montrent que personne n’est près à lâcher du leste, et ça bloque la mise en œuvre de l’accord de paix. Tout dépendra de l’évolution de la situation ces prochains jours, et de la direction que compte se fixer le HCUA au cours des prochaines semaines.

 

Cheikh Ag Aoussa : la mort suspecte d’un verrou à la paix

Cheikh Ag Aoussa, chef militaire redouté et sulfureux du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), est mort samedi 8 octobre dernier, dans l’explosion de sa voiture. La disparition de ce combattant aguerri et fin stratège politique, reste entourée de mystères. Si la rébellion crie à l’assassinat, pointant le doigt vers les forces étrangères, sa mort préfigure une plus grande fragmentation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), au moment où le processus de paix est déjà très fragilisé.

Un peu après 18h, le pick-up Toyota de Cheikh Ag Aoussa s’élance sur la piste qui mène à Kidal, s’éloignant du camp de la MINUSMA, dont les projecteurs percent l’obscurité qui s’étend. Quand la déflagration brise le silence du désert à des centaines de mètres, parvenant aux premières maisons du quartier Aliou, tout semble se figer. Des flammes hautes lèchent ce qui n’est désormais plus qu’une carcasse qui se consume dans la nuit. Cheikh Ag Aoussa n’est plus, soufflé par l’explosion. Une ironie du sort pour celui qui a été souvent suspecté d’être l’instigateur d’attentats qui ont frappé à maintes reprises les forces internationales dans la région de Kidal. Sa mort tragique ouvre une nouvelle séquence d’incertitudes dans ce territoire troublé du Nord, sans que l’on sache si elle sera mauvaise ou bonne.

La disparition de l’ex-bras droit d’Iyad Ag Ghaly a surpris dans son camp, comme ailleurs au Mali. Les premières informations faisant état d’une mine que son véhicule aurait heurté, ont été vite chassées par les rumeurs d’un attentat. La question alors posée a été de savoir si sa voiture avait été piégée avant d’entrer dans le camp de la  MINUSMA, qu’il venait de quitter, ou à l’intérieur de l’enceinte, sachant que les véhicules autorisés sont préalablement inspectés. « C’est un assassinat, j’ai bien vu les traces ! Si ça avait été une mine, en explosant elle aurait créé un trou et là ce n’est pas le cas. La déflagration est venue de la voiture vers la terre et pas l’inverse. L’engin explosif était placé en dessous de la place du chauffeur. On a pu récupérer les aimants qui ont servi a fixer l’engin à la voiture », déclare ce cadre du MNLA, qui a participé à l’enquête lancée par les groupes armés pour faire la lumière sur la mort de leur chef. Selon eux, il s’agissait d’un engin télécommandé à distance, du matériel sophistiqué, très peu utilisé dans le Nord. « Les personnes qui utilisent ce type de matériel sont des professionnels. Ils ont appuyé sur le bouton avant que la voiture ne soit à 300 m du camp de la MINUSMA, la bonne distance pour être vraiment sûr que ça explose. Nous ne savons pas qui en est l’auteur. Il y a beaucoup de monde ici, des internationaux. Tous les tueurs sont ici », affirme ce cadre de la CMA.

La main des forces internationales ? Dans la région de Kidal, les rumeurs vont bon train depuis sa mort. Certains pensent que les auteurs ont voulu couper la tête d’un important maillon de la CMA, qui freinait l’Accord de paix. « Ici on dit que c’est Barkhane, d’autres pensent que c’est la MINUSMA, ou ses amis djihadistes, ou encore un coup des Algériens, ou du Niger pour se venger de l’attentat de Tazalit », explique cette source proche des mouvements. Pour ce combattant du MNLA qui a bien connu Cheikh Ag Aoussa, « il est mort parce qu’il était affilié à des terroristes et qu’il manigançait quelque chose de mauvais ». La CMA, sans preuves, privilégie la piste Barkhane. « Cheikh est sur la liste des gens victimes des opérations de la France. Dans le camp de la MINUSMA, la France compte 4 corps différents : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service action de la DGSE, les forces spéciales et l’armée conventionnelle. Ce que nous savons c’est que c’est un assassinat qui a été monté depuis l’intérieur du camp, ça c’est sûr », assène ce gradé de l’ex-rébellion.

Depuis quelques mois, une fracture semble s’être opérée entre la force Barkhane et les mouvements armés, qui auparavant collaboraient ensemble contre les djihadistes. Une mise au banc mal vécue, qui remet en question leur sécurité. « La fracture entre nous et les Français se situe à un niveau politique qui nous dépasse », affirme ce membre de la CMA. « Je sais que des gens chez nous ont tenté d’avoir un soutien un peu plus clair, une sorte de reconnaissance politique officielle mais ça n’a pas été accordé. Depuis, la force Barkhane utilise ses propres renseignements, tirés de je ne sais où. Depuis 4 ou 5 mois, toutes leurs opérations nous visent et pas les vrais terroristes qui sont juste à côté », déplore-t-il avec amertume. Ce changement de position et la mort de leur chef, exclut aujourd’hui toute confiance envers les forces internationales. « Ils peuvent coller l’étiquette terroriste à ceux qu’ils veulent, pour montrer qu’ils rapportent des résultats à leur commandement. On a compris que c’est nous qui sommes visés maintenant », lâche un autre combattant.

 Dissensions et fragilité de l’accord de paix À Kidal, La mort de ce leader en a désemparé plus d’un, car ce chef à poigne, qui fédérait autour des Ifoghas la plupart des autres clans, était considéré comme un couteau à double tranchant, capable de négocier avec le gouvernement malien et en même temps de fomenter des attentats ou des enlèvements. « Il y a une très grande tristesse chez les membres du HCUA. Au MNLA, qui le traitait naguère de terroriste, on regrette amèrement sa mort, car dans le conflit contre le GATIA, il était un allié influent. Sa mort tombe mal pour eux », résume cette source proche des mouvements. Pour cet habitant de Kidal, joint au téléphone : « tôt ou tard, quelque chose comme ça devait lui arriver. Beaucoup de gens ici savaient que son nom était cité dans beaucoup d’affaires louches, et même les gens de la CMA disaient qu’un jour ou l’autre il serait rattrapé par ces affaires ».

Au lendemain de sa mort, des membres du MAA pro-Azawad ont déserté Kidal, et au dire de certains, les défections pourraient continuer. Aujourd’hui, les membres du HCUA regardent certains de leurs alliés avec méfiance, car cet attentat pourrait tout aussi bien avoir été fomenté à l’intérieur de la CMA. Ce climat délétère pourrait, selon certains observateurs, mener à une possible désintégration de ce mouvement, car Cheikh Ag Aoussa était pour beaucoup un ciment au niveau politique et militaire. « Il y aura un successeur, c’est logique, mais pas de son envergure. Ça pourrait être Iyad, mais il est dans le maquis. D’autres combattants plus aguerris au combat pourraient lui succéder, mais Cheikh Ag Aoussa, rassemblait tout », explique cette source.

Alors que le processus de paix est très fragilisé, on ne sait pas encore si la mort de Cheikh Ag Aoussa sera un tournant dans la mise en œuvre de l’accord, mais du côté de la CMA ont prévient : « Il n’y a pas d’accord de paix quand on tue un signataire à quelques centaines de mètres des gens qui l’ont poussé à signer cet accord ». Et de conclure : «  De toute façon, toute position qui ne nous inclut pas est une position qui prend la forme d’une bombe à retardement. C’est très mauvais pour le Mali, c’est très mauvais pour tout le monde ».

Nouveau groupe politico-armé : le Congrès pour la justice dans l’Azawad

Le Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA), est le dernier né des mouvements politico-armés. Il est dirigé par Hama Ag Mahmoud, l’ancien ministre de la fonction publique de la tribu Kel Ansar. Son objectif serait de garantir la viabilité et la fiabilité de l’application de l’Accord d’Alger particulièrement dans les régions de Tombouctou et de Taoudeni.

Dans leur appel au peuple malien, les acteurs de ce groupe politico-militaire ont tenu à préciser que le mouvement n’est pas uniquement un mouvement d’auto-défense. Son but principale est de parvenir à la paix, une véritable paix qui ne peut être crédible et effective qu’avec les vrais partenaires. Il s’agit de ceux qui souffrent réellement de l’insécurité et pour lesquels la paix ne peut être que bénéfique.

La communauté Kel Ansar, ses alliés et leurs forces armées prennent acte de leur exclusion dans le processus dapplication de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Tout en réaffirmant son adhésion au processus d’Alger, la communauté Kel Ansar et ses alliés décident de la création d’un mouvement politico-armé dénommé congrès pour la justice dans l’Azawad », explique le communiqué du mouvement. Selon ses initiateurs le CJA œuvrera pour la justice, le progrès et l’équité en faveur de tous. « Le mouvement mettra en place ses instances statutaires à l’issue d’un congrès qu’il tiendra dans les plus brefs délais dans l’Azawad. Enfin, nous réitérons notre disponibilité, auprès de la médiation et de communauté internationale, pour une application efficace et diligente de l’Accord d’Alger », conclut le communiqué.

Pour l’instant, le bureau provisoire du CJA est dirigé par l’ancien ministre de la fonction publique Hama Ag Mahmoud. L’État-major militaire est assuré par le colonel Abass Ag Mohamed Ahmad, déserteur de l’armée malienne qui a rejoint un moment le HCUA et le MNLA, avant d’intégrer le Congrès pour la justice dans l’Azawad.

La multiplication des mouvements armés s’explique, selon certains observateurs, par l’insécurité et l’absence de l’État dans ces régions. Selon eux, l’émergence de ces regroupements s’explique aussi par la perspective des cantonnements et de la réinsertion des ex-combattants. Elle s’explique aussi par le fait que la CMA qui était le principal mouvement politico-armé est en pleine fragmentation. Selon Brehima Chiaka Traoré, sociologue, enseignant chercheur à l’université de Bamako, « la multiplication des mouvements répond aux besoins de se protéger contre les agressions extérieures, vue l’absence de l’État sur l’ensemble du territoire, chacun essaie de s’appuyer sur sa communauté pour essayer de se sécuriser »explique-t-il.

Laurent Bigot : « Les gens autour de la table de négociation sur l’Accord de paix, sont là pour de multiples raisons mais pas pour le bien-être du Mali ou de sa population »

Au Nord du Mali, le conflit qui oppose la CMA et la Plateforme, deux signataires de l’Accord de paix a provoqué un enlisement du processus. Les attaques terroristes qui s’intensifient dans la zone et la mort de Cheikh Ag Aoussa, chef d’État-major du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), décédé dans l’explosion de son véhicule samedi dernier, sont autant d’événements très préoccupants. Le Journal du Mali s’est entretenu sur ces sujets avec Laurent Bigot, ancien diplomate français au département Afrique de l’Ouest du Quai d’Orsay, aujourd’hui consultant indépendant spécialisé dans le conseil en stratégie sur l’Afrique.

Quel est votre point de vue sur la situation au Nord du Mali, au vu des événements préoccupants de ces derniers mois ?

Ce qui se passe au Nord du Mali est un bazar sans nom. Il y a des groupes armés qui fleurissent en nombre à chaque fois qu’il y a un nouvel intérêt catégoriel, ou surtout lié au trafic. Il y a même des groupes armés soutenus par Bamako, c’est quand même assez incroyable, et on les accepte autour d’une table de négociation ! À partir du moment où on a accepté que tout et n’importe quoi pouvait être autour de la table de négociation, il ne faut pas s’étonner qu’après, les alliances soient changeantes, mouvantes et que la situation devienne très complexe.

Je crois que la nécessité absolue ce n’est pas d’essayer de comprendre, c’est surtout d’arrêter tout ça, d’arrêter cette mascarade, c’est l’urgence absolue. J’en discutais avec un ami Malien, la réalité c’est que tous les gens qui sont autour de la table des négociations sur l’Accord de paix, n’ont aucun souci pour leur pays, ils s’en fichent complètement. Ils sont là pour de multiples raisons, mais pas pour le bien-être du Mali ou de sa population.

Le numéro 2 du HCUA, Cheikh Ag Aoussa est mort dans des circonstances encore peu claires, pensez-vous que cela peut impacter la donne actuelle ?

Je ne sais pas si c’est un assassinat, mais ça y ressemble, en tout cas c’est surprenant parce que c’est un mode opératoire, sophistiqué, que l’on n’a pas l’habitude de voir dans la zone. Ceci dit, il y a toujours eu des morts suspectes dans la zone, des chefs Touaregs qui meurent dans des circonstances étranges. Avant ils mourraient dans des accidents de la route, Ibrahim Ag Bahanga est mort de cette façon. Mais je ne pense pas que cela change quoi que ce soit, les chefs se remplacent très vite. Il faut savoir qu’il (Cheikh Ag Aoussa Ndlr) avait la culture de la guerre, et la guerre fait des victimes. Les chefs de guerre Touaregs n’ont pas le même rapport à la mort que nous, ces groupes armés vivent tous les jours avec ça, la mort au combat. Mais l’escalade est tellement prévisible au regard de la structure de ces négociations de paix, au regard de l’acceptation de la MINUSMA et de la France par tous ces groupes armés, que je ne vois pas comment ça peut s’arranger.

Le gouvernement et la communauté internationale ne devraient-ils pas inclure, selon vous, les mouvements armés dans le processus de paix ?

Ces mouvements ont montré leur incapacité totale à mettre en œuvre ce processus de paix. Ils ont montré que ce n’était pas des interlocuteurs fiables, ils ont montré qu’ils ne pouvaient tenir aucun engagement. En disant cela, je mets tout le mode dans le même sac, à la fois les groupes armés et Bamako.

Les forces internationales, et la France en particulier, sont jugés responsables de la mort de Cheikh Ag Aoussa par certains mouvements armés, cela vous semble-t-il plausible ?

Barkhane, nos forces, sont enlisées au Nord du Mali et je ne pense pas qu’ils iraient se compliquer les choses en commettant un assassinat. De plus la règle veut que si vous éliminez une tête, une autre la remplace rapidement.

L’Accord de paix tel qu’il a été signé le 20 juin 2015, vous semble-t-il encore viable au vu de la guerre que se livrent la CMA et la Plateforme, et des nombreuses défections enregistrées à la CMA ?

Cet accord n’a jamais été viable, il ne tient pas pour une bonne et simple raison, qui est fondamentale, c’est qu’Alger est à la manœuvre. Alger n’est pas un négociateur, c’est un « spoiler », en mauvais français. Alger n’a aucun intérêt à ce que le nord du Mali ne soit pacifié, et tous les groupes armés disent toujours la même chose : « ne nous laissez pas en tête à tête avec Alger ». Donc je pense qu’Alger doit-être autour de la table de négociation, mais ne peut pas piloter un processus de négociation. Et la France doit prendre ses responsabilités, c’est à dire qu’on a envoyé 6 000 soldats pour faire la guerre avec l’opération Serval, et on n’a pas été capable de rallier les équipes de négociation pour faire la paix. Quand on s’engage comme ça dans une partie du monde, il faut aussi penser à la paix et ce ne sont pas les militaires qui imposent la paix, ce sont des diplomates, des civils, des négociateurs chevronnés, et nous en avons qui connaissent bien la zone, mais le choix politique a été de ne pas s’immiscer dans ce processus. C’est parce que cette question n’est pas réglée que ça a dérapé, donc on n’est pas du tout cohérent, une fois qu’on a gagné une bataille, on ne se donne pas les moyens de réussir, donc un an ou 18 mois après, ça dérape de nouveau.

Comment voyez-vous la suite des événements ?

Objectivement, je pense que la situation au nord du Mali n’a jamais été aussi dégradée qu’aujourd’hui, jamais Bamako n’a autant perdu le contrôle du Nord, malgré la présence militaire étrangère. Certains même me disent que c’est un point de non-retour. Je n’irais pas jusque-là, mais en tout cas ce qui est sûr, c’est qu’historiquement, depuis l’indépendance, jamais Bamako n’a perdu autant le contrôle. Je ne suis donc pas très optimiste sur la suite des opérations, et si on se voile la face et qu’on ne regarde pas la réalité telle qu’elle est, il n’y a aucune chance que des solutions pertinentes et opérationnelles émergent. Ces solutions devront venir du terrain, et pas des Nations unies ou de la France, elles devront venir d’acteurs responsables qui décideront de s’occuper enfin de leur pays.

Processus de paix : Accord et désaccords

Depuis 3 mois, le processus de paix est suspendu à la guerre hégémonique et sans-merci que se livre la CMA et la Plateforme, deux mouvements armés signataires de l’accord de paix, autour de la gestion de Kidal et des questions de leadership entre Ifoghas et Imghad. La mise en œuvre de l’accord, qui devait progressivement entrer en vigueur cet été, est actuellement au point mort, sans que l’on ne sache vraiment si ce document connaitra un jour un début d’application.

« Le territoire de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se résume aujourd’hui à l’intérieur de Kidal, et ça renforce ma conviction que plus la CMA s’affaiblit, plus on va vers la paix », déclare Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA). Pour lui, le conflit qui oppose GATIA et CMA ne remet pas forcément en question l’accord de paix. « Je pense que c’est l’une des causes, mais pas totalement. On a fait la paix à partir d’Anéfis et l’accord n’a pas beaucoup bougé, donc je ne pense pas que ce soit le seul frein », affirme-t-il. Bien que la situation autour de Kidal soit relativement calme ces derniers jours, le GATIA encercle toujours la ville, contrôlant et interdisant l’accès à tout véhicule et chargement venant de Gao, et cantonnant la CMA dans cette unique espace urbain, sous protection de la MINUSMA et de la force Barkhane, enjeu des conflits qui ont agité la région ces 3 derniers mois. À l’intérieur de la ville, la CMA se réorganise massivement pour préparer sa riposte, tandis que la Plateforme, tenue à distance par des forces internationales intransigeantes, attendrait le moment opportun pour prendre Kidal. « Si Gamou, aidé par le Mali, veut négocier, pas de problème. Mais s’il monte par la force, ce sera le début de la 5ème rébellion touareg ! L’accord sera à l’eau et nous, on ne se reconnaitra plus dans cet accord. Ce sera l’éclatement général », affirme ce cadre militaire de la CMA.

Un accord en danger ? Pourtant, selon nos informations, la CMA soutiendrait toujours l’accord et ne compterait pas en quitter le cadre. Même si, à Kidal, le message qu’elle fait passer aux habitants ainsi qu’aux combattants les plus radicaux, pour les gagner à sa cause, prône l’indépendance et un refus de l’accord. Dimanche dernier, ses dignitaires se sont réunis en secret pour choisir les personnes qu’ils présenteront aux futures autorités intérimaires. « Ils veulent rester dans le cadre de l’Accord d’Alger, essayer de revenir à la paix et éviter la guerre. Ils disent que cette guerre ne les arrange pas parce qu’en réalité ce sont des Touaregs qui se battent entre eux. Ils peuvent combattre mais ils ne veulent pas le faire parce que cette guerre est manipulée par d’autres qui veulent vraiment que l’accord ne soit pas appliqué », explique Souleymane Ag Anara, photo-journaliste basé à Kidal. Pour certains observateurs, les trafiquants de drogue et, par certains aspects, la communauté internationale, ne verraient pas dans leur intérêt que l’accord soit appliqué. « Car pour ces gens, ça entretien le business », affirme une source locale. Pour ce diplomate proche du dossier, « les évènements qui se jouent actuellement dans ce conflit entre signataires, ne peuvent remettre en question l’accord, parce que c’est un compromis dont les garants sont la communauté internationale et les pays du champ ».

Néanmoins, les défections nombreuses au sein de la CMA, dont beaucoup de membres ont rejoint la Plateforme, sont un signal pour certains observateurs que l’Accord pour la paix et la réconciliation signé le 20 juin 2015 n’est plus viable. Car la CMA qui y a pris part et qui était en position de force, est aujourd’hui fragilisée, et que le GATIA, actuellement décrié par la communauté internationale, a débauché nombres d’acteurs du camp adverse, signataires de l’accord, changeant par là même toute la donne. « C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de défections du côté de la CMA, des notables, des chefs de factions, des officiers, des combattants, mais les figures emblématiques, les Ag Najim, Ag Haoussa, Ag Intalla, elles, n’ont pas bougées. Je pense que ce qui se passe, à défaut de déranger l’accord, ne vas pas l’arranger. Le danger, c’est que ça peut amener une autre guerre qui va durer et que les gens ne maitriseront pas », analyse ce proche des mouvements.

Ce conflit larvé entre les deux belligérants pour obtenir la chefferie de Kidal, ne serait pas la raison profonde qui pourrait entraver la mise en œuvre de l’accord de paix. « Ce qui se joue au fond, autour de ces évènements, c’est la difficulté de l’émergence d’une citoyenneté nationale pour ces groupes. Certaines sociétés touarègues arrivent difficilement à concevoir que leur antériorité nobiliaire soit dissoute dans la citoyenneté malienne, alors qu’aujourd’hui ils ont pris conscience de leur puissance économique et de leur intégration dans l’État », explique le Dr Naffet Keïta, anthropologue et chercheur.

Vers une porte de sortie ? Actuellement, les négociations pour un retour à la paix semblent au point mort. Les leaders du GATIA à Bamako ne mènent aucune négociation avec ceux de la CMA. « Ils ne s’appellent pas, ils ne se concertent pas. Il n’y a aucune médiation en cours, tout les préparatifs qui se font, se font dans l’optique de la guerre », révèle cette source proche du GATIA. Selon nos informations, les autorités nigériennes seraient en train de travailler à l’organisation d’une réunion, au Niger, pour relancer les négociations et faire cesser le conflit, mais on ne sait pas à l’heure actuelle si cette rencontre se tiendra, car l’Algérie n’y est pas favorable.

La difficulté pour un retour à la paix semble se trouver dans la capacité à concilier les agendas des différentes parties. Celui du GATIA qui veut occuper des responsabilités, celui du gouvernement, qui souhaite que tout les Maliens demeurent libres et égaux en droit et en devoir, et celui de la CMA, qui veut continuer à conserver sa position de leadership à Kidal. « Notre problème avec les Ifoghas est à côté de l’accord. Le processus d’Alger n’a pas pris ça en compte, malgré que nous ayons plaidé pour cela. Je pense que les acteurs doivent tout mettre en œuvre pour trouver une solution à ce problème », explique le secrétaire général du GATIA. « Il n’y aura pas de négociations qui auront des résultats tant que les autorités seront favorables aux miliciens et que nous serons dans cette position. Il faut absolument mener des actions politiques pour arranger les choses. Si ce problème avec le GATIA ne peut pas être résolu politiquement, alors nous l’élimineront militairement », rétorque ce cadre militaire de la CMA.

La balle, aujourd’hui, semble dans le camp du gouvernement malien, conscient de ces enjeux locaux, mais inaudible depuis 3 mois. Il devra conduire une médiation entre ces parties pour un nécessaire retour à la paix, car si l’on n’y prend garde, l’opposition entre CMA et GATIA pourrait basculer dans une guerre civile.

Accord de paix : les maliens n’en comprennent pas vraiment le contenu

Même si la majorité des bamakois gardent une image positive de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, censée amener une paix durable, plus de la moitié des personnes que nous avons interrogé ne connaissent pas vraiment le contenu de l’Accord.

Sur la vingtaine de personnes, toutes catégories confondues, interrogées dans le District de Bamako, nous avons mesuré le niveau de connaissance des Maliens par rapport aux contenus de l’Accord de paix, signé le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako entre le gouvernement, la CMA et la Plateforme pour boucler les pourparlers d’Alger avec le soutien  de la communauté internationale. Cet Accord pour la paix et la réconciliation est fondé sur la nécessité de reconstruire l’unité nationale du pays sur des bases novatrices. Il  a été accueilli par de cris de joie du peuple malien qui estimait que sa mise œuvre allait décrisper la situation du Nord. Un an, après la signature de l’Accord des questions demeurent et sa mise en œuvre avance au ralenti.

L’Accord pour la paix et la réconciliation peut-il nous ramener une paix durable ? Ousmane Diakité jeune diplômé, pense que l’Accord tel que signé ne peut pas nous amener cette paix tant recherchée par le peuple malien. « Nous avons signé cet accord sous la pression de la communauté internationale qui menaçait de sanctionner notre pays. Egalement, nous avons fait beaucoup de concessions, notre armée a été limitée dans ses mouvements sur notre propre territoire. Le vrai maître du nord n’a pas été impliqué dans le processus, à savoir Iyad Ag Aly, d’où tous ses problèmes constatés pour la mise en œuvre de l’Accord. La communauté internationale nous empêche de discuter avec lui, alors qu’il est le vrai patron dans la zone», explique-t-il. Selon lui, tous les Maliens doivent se retrouver dans cet accord pour éviter le repli communautaire et son instrumentalisation, devenu aujourd’hui, un effet de mode et qui risque d’aboutir à une explosion sociale et un démembrement progressif de l’Etat, voire son effondrement.  Quant à Ousmane Coulibaly, leader d’un mouvement associatif, il pense que l’accord n’a pas été bien préparé, « d’où la nécessité d’un dialogue inclusif avec toutes les parties. Sans cela, je pense qu’on est mal parti pour résoudre les problèmes ». Pour Nouhoum Sarr, président du Front africain pour le développement (FAD), « Cet accord est une très mauvaise voix pour la paix. Pour preuve les affrontements actuels entre la CMA et la plateforme pour le contrôle de Kidal. C’est aussi un accord qui viole la constitution, car il est contre le principe d’égalité entre les citoyens maliens. Il faut un congrès extraordinaire du peuple malien pour définir un nouveau départ», a-t-il dit. «Cet accord de paix est un véritable mouchoir, je pense qu’il ne peut pas amener la paix, personne ne peut réellement explique son contenu », explique M. Kanambaye.

A la question de savoir : quel est votre niveau de compréhension par rapport à la mise en place des autorités intérimaires. Il ressort que 60% des personnes interrogées disent ne pas comprendre les modalités de fonctionnement de ces autorités intérimaires. Ils estiment qu’il s’agit d’une affaire politique qui ne concerne que ‘’les hauts placés’’ de la République. Pourquoi une telle méconnaissance malgré l’adoption d’une loi par l’assemblée nationale depuis le d’avril et la signature d’une Entente entre le gouvernement et les groupes armés signataires de l’Accord au mois de juin ? « Parce que les députés ne font pas la restitution à la base, idem pour le gouvernement qui communique mal, les vrais acteurs ne sont pas toujours associés, pour ce qui est de la société civile, n’en parlons pas, elle n’existe même pas, elle est trop alimentaire », répond Tidiani Kané juriste. «L’accord dont il est question, n’est pas bien expliqué aux Maliens, j’ai seulement entendu les gens en parler. Tout ce que je sais, c’est que les maliens sont aujourd’hui divisé par rapport à sa mise en œuvre. L’opposition estime qu’il s’agit de la division programmée du pays et la majorité soutient le contraire », déclare Oumar Kanté.

Mais en fait de débat, nous avons eu droit à une lugubre scène de règlement de compte sur fond de médiocrité à nul autre pareille. Il serait temps qu’opposition et majorité fassent l’économie sur un débat stérile et aller dans le sens de la communication, la vraie, autour du sujet, pour expliquer  enfin avec précision, la place et les rôles des autorités intérimaires, quelles seront les marges de manœuvre de ces autorités dans la gouvernance locale et qui sera responsable de quoi ?

Mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali : La société civile se veut une sentinelle

Le mouvement patriote pour le Mali (MPM) qui regroupe plusieurs organisations de la société civile ont mis en place un comité de veille et d’alerte pour la mise en œuvre de l’Accord paix.

Cette rencontre, en cours à la maison des aînés pour l’élaboration des activités d’observation, se veut une de veille d’alerte des outils de l’accord. C’était à la faveur d’un atelier organisé par la mouvement patriotique pour le Mali et financé par le National Democratic Institute (NDI).

Selon le représentant du NDI, son organisation a joué pleinement sa participation dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, et permettra aux acteurs de la société civile de ne pas se sentir exclus du processus.

Le mouvement patriote pour le Mali (MPM), par la voix de son président Ahmed Mohamed Ag Hamani, ancien premier ministre, a déclaré qu’il s’agit à renforcer les capacités des acteurs de la société civile afin qu’ils soient à même d’interpeller les parties censées mettre en œuvre l’Accord pour éviter toute dérive. La participation de la société civile est même encouragée par l’Accord dans son articles 51 qui indique que : « les parties demandent à la classe politique ainsi qu’à la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, les medias, communicateurs, traditionnels et les autorités traditionnelles et religieuses d’apporter leur plein concours à la réalisation des objectifs de l’accord».

Cette initiative de la société civile pourrait éviter tout blocage dans la mise en œuvre de l’Accord qui a pris un certain retard.

Mahamadou Diagouraga « L’homme de la situation ? » 

Nommé le 15 juin dernier, l’inspecteur général de police Mahamadou Diagouraga est le nouveau Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’accord de paix.

Alors que l’on dresse un bilan mitigé de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, l’annonce de la nomination d’un nouveau Haut représentant du Chef de l’État a été plutôt bien accueillie. « La nomination de M. Diagouraga est une excellente nouvelle. C’est lui l’homme de la situation, il connait parfaitement le dossier du nord. Il connait la situation, il connait les hommes et c’est aussi un homme qui sait gérer les crises. Il est le mieux placé pour donner la bonne information au Chef de l’État Ibrahim Boubacar Keïta », explique le vice-président du MNLA, Mahamadou Djéri Maïga. D’autres estiment au contraire qu’ « il fallait mieux choisir une personnalité de plus grande envergure, un politique, plutôt qu’un technicien ».

Riche expérience L’homme, qui remplace l’actuel Premier ministre Modibo Keïta à ce poste stratégique, est âgé de 66 ans. Natif de Nioro du Sahel, celui que ses amis appellent « Diagouss » a derrière lui une riche carrière au service de l’État. Diplômé de l’École nationale de police, cet officier connait autant la situation que ses acteurs. Surnommé « l’homme des dossiers », il a une bonne maîtrise de la situation du nord. Dans les années 1990, alors que le Mali connait sa deuxième rébellion, il a en effet été appelé pour diriger le Commissariat au Nord créé pour suivre l’application de l’accord signé entre les mouvements rebelles et les autorités maliennes. Son sens de l’écoute lui sera d’une très grande aide dans un dossier aussi complexe que celui de la crise du nord et pour la mise à plat des difficultés résiduelles qui en freine la résolution définitive. L’inspecteur général Mahamadou Diagouraga a été commandant adjoint du contingent du Mali au Libéria et commandant d’Interpol pour le Mali. Il a aussi connu une longue carrière diplomatique. De septembre 2014, jusqu’à sa nomination, il était ambassadeur du Mali en République islamique de Mauritanie, après avoir occupé les fonctions de Consul général du Mali à Tamanrasset (Algérie), ambassadeur du Mali en Algérie et enfin conseiller consulaire du l’ambassade du Mali en Egypte en 2006. Les relations qu’il aura nouées lors de son expérience algérienne seront également un atout pour discuter avec le grand voisin du nord, qui préside la médiation internationale dans la crise malienne. Malgré le contexte difficile, Mahamadou Diagouraga est persuadé que le Mali pourra relever le défi. « Réussir la mission que m’a confiée le Chef de l’État est désormais mon unique ambition », affirme-t-il.

Djiguiba Keïta dit PPR, secrétaire général du PARENA : « La caractéristique de ce pouvoir, c’est qu’il a peur de dialoguer »

Ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, secrétaire général du Parti pour la renaissance nationale, Djiguiba Keïta dit PPR (prêt pour la révolution) revient, pour le Journal du Mali, sur la requête de son parti, le Parena, ainsi que de l’opposition, d’organiser des concertations nationales qu’il voit « comme une solution alternative à la mise à l’écart de pans entiers de notre pays… »

Depuis 2014, le Parena, à l’instar d’autres partis de l’opposition et de la majorité présidentielle, des mouvements de la société civile, réclame des concertations nationales. Pourquoi ?

Nous jugeons nécessaire la tenue des concertations nationales parce que nous les voyons comme une solution alternative à la mise à l’écart de pans entiers de notre pays dans les négociations ayant abouti à l’accord d’Alger. Cet Accord, négocié avec les rebelles du Nord du pays voudrait s’appliquer à l’ensemble de notre nation, d’où des inquiétudes innommables. Par ces concertations, que nous voudrons totalement inclusives, c’est toutes les composantes de notre pays et de notre nation qui diront leur mot sur le devenir du Mali. En effet, négocié par un pays totalement terrassé, en position d’extrême faiblesse depuis l’irresponsable équipée meurtrière du présomptueux Premier ministre en mai 2014, l’accord qui nous est venu d’Alger, s’il est mis en œuvre, va accoucher d’un autre Mali.

Qu’entendez-vous par un autre Mali ? 
D’un Mali à deux vitesses ! D’un côté, nous aurons dans un premier temps le Mali des enfants gâtés de la République pour avoir pris les armes contre leur pays, et de l’autre, ceux qui ont fait confiance à leur État qui les aura trahis. Les enfants gâtés, une fois consolidés par les milliards du pays et ceux venus d’ailleurs, n’auront, tranquillement, qu’à proclamer leur Azawad Indépendant. Si rien n’est fait donc, la partition du pays est en bonne voie depuis l’Accord de capitulation d’Alger. Les Concertations nationales sont une opportunité que nous exigeons pour sauver le Mali de nos pères!

Est-ce que le moment se prête à la tenue de ces concertations, qui, on s’en souvient très bien, étaient prévues dans l’accord-cadre du 6 avril 2012, mais n’ont jamais eu lieu jusqu’à aujourd’hui ?
Mieux vaut tard que jamais. Aujourd’hui, ça devient encore plus pressant parce que notre pays est en train de nous échapper, par capitulation de ceux qui nous gouvernent, et qui n’en ont pratiquement pas conscience. Aujourd’hui, au moment où le gouvernement viole allègrement le décret qu’il a signé le 18 mai 2016 sur les autorités intérimaires, en leur substituant une « Entente » entre lui et la CMA et la Plateforme, se retrouver immédiatement devient un devoir patriotique. Nous assistons à un mensonge d’État: Monsieur Ag Erlaf, devant la représentation nationale, lors du vote de la loi portant sur les « autoritaires intérimaires » a déclaré avec force que la fameuse loi de capitulation s’applique à l’ensemble du territoire. Un décret a été signé dans ce sens le 18 mai, et voilà que le 16 juin, les « autoritaires » ne se limitent qu’aux cinq régions du Nord, en fait au fantômatique Azawad! Du côté de l’opposition, depuis 2014 nous demandons les Concertations ou Assises Nationales. La caractéristique de ce pouvoir, c’est qu’il a peur de dialoguer. Au-delà des mots d’entente, de concorde ou de cohésion – comme l’adresse à la nation que le président de la République vient de prononcer le 19 juin, à l’occasion de l’An I de « l’Accord de capitulation » – chaque fois qu’il s’agit de « parler carte sur table », ce pouvoir a joué au dilatoire.

Mais une Conférence d’Entente Nationale est prévue par l’Accord de paix, même si on ne sait pas pour le moment quand elle aura lieu…
À défaut d’Assises nationales ou pour y parvenir, la Conférence d’Entente Nationale peut servir à faire se rencontrer les fils du pays pour le même objectif. À condition toutefois qu’elle soit inclusive et ne se limite pas au gouvernement, à la CMA et à la Plateforme. En effet, si nous n’allons pas au-delà du cadre trop limité de l’Accord d’Alger, la Conférence d’Entente Nationale sera une conférence de plus. Il faut, pour la réussir, que les forces vives du pays se retrouvent et qu’on sorte du tête à tête non productif du Gouvernement en panne d’idées et des groupes armés insatiables et qui n’ont pas tous renoncé à la partition du Mali.

Donc, vous adhérez à cette conférence d’Entente nationale ?

La Conférence d’Entente Nationale est une autre opportunité, que le pouvoir peut utiliser pour rassembler les Maliens, la tâche lui est d’autant plus facile que l’Accord prévoit cette Conférence. Quel contenu allons-nous y mettre, avec quelles ambitions ? Ici, il est bon de rappeler que tout au long des pourparlers d’Alger, les émissaires maliens ont brillé par leur suivisme des décisions venues d’ailleurs. La plus emblématique de ces décisions, c’est la mouture finale de l’Accord, qui comportait une dizaine de pages de réserve, ignorées par la Médiation. Mais, au moment où les rebelles ont dit qu’ils ne pouvaient pas signer sans s’en référer à leur base, le gouvernement malien est resté tranquille à Alger, attendant qu’il soit pieds et mains liés par ce fameux Accord. La suite, on la connaît: les rebelles ont posé des conditions telles qu’ils n’ont pas pu signer le 15 mai, mais le 20 juin, quand leurs exigences, toutes leurs exigences, ont été prises en compte, le Gouvernement a signé l’Accord sans avoir une vision d’ensemble, une stratégie et un plan pour une application diligente de l’Accord. En somme, il donne l’impression d’avoir voulu se débarrasser du problème, « en signant quelque chose ». La Conférence d’Entente Nationale, si elle est inclusive, apparaît aujourd’hui comme une fenêtre d’opportunité pour remobiliser la nation et lui permettre de s’approprier l’Accord aux pourparlers duquel elle n’a pas participé. La Conférence pourra ainsi poser les jalons d’une stratégie nationale autonome de sécurisation et de stabilisation du territoire en proposant au débat, l’incontournable « question du dialogue avec les djihadistes maliens » que propose le Parena depuis des lustres.

Bilal Ag Achérif : « l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain ».

Les secrétaires généraux de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dont Bilal Ag Achérif, et plusieurs protagonistes de l’Accord d’Alger ont pris part, lundi 20 juin à Bamako, à l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation. Les parties, soutenues pas la médiation algérienne et la communauté internationale, ont signé ce même 20 juin, un document intitulé « Entente » qui fixe le calendrier et les modalités de mise en oeuvre des autorités interimaires. En marge de ces rencontres officiels, Bilal Ag Achérif, secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), a répondu aux questions du Journal du Mali.

Nous sommes à l’an I de la signature de l’Accord de paix, le jugez-vous toujours satisfaisant ?

La CMA, a négocié toute une année à Alger avec le gouvernement malien. Nous avons signé l’Accord malgré les lacunes et les réserves, c’est notre accord et nous l’assumons. Nous avions fait beaucoup d’observations et d’amendements par rapport à l’Accord et si ces amendements et observations avaient été pris en compte, aujourd’hui on n’en serait pas là. La population malienne, le gouvernement en particulier et la population qui vit dans des zones qu’on appelle Azawad, doivent tirer des leçons des accords passés au cours de cinquante ans de conflit périodique. Il n’est pas utile de répéter les mêmes erreurs qui nous conduisent au même résultat. Le Mali n’a pas su trouvé de solution au conflit qui l’oppose à l’Azawad. Ce qui fait que le conflit revient tous les cinq ou dix ans. On a perdu tout ce temps, alors que nous pouvions oeuvrer à la construction et au développement d’une démocratie dans une cohésion sociale entre les populations où chacun ait son droit.

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Est-ce que votre présence à Bamako pour ce premier anniversaire est un signal fort pour la paix, lorsqu’on que sait vous étiez absent lors de la signature de l’accord ?

Pendant toute une année, nous avons observé comment s’établissait la confiance, le désir et la bonne volonté de tout un chacun pour appliquer cet accord, malgré les lacunes et les réserves que nous avions. Aujourd’hui, il est nécessaire que nous soyons là pour appuyer et aider à faire avancer le processus. Le président IBK a appelé les mouvements, leurs chefs, pour vraiment créer une mesure de confiance et nous avons répondu positivement à son appel, afin qu’on puisse avancer dans cette phase du processus pour obtenir un résultat concret sur le terrain. Le fait que nous soyons présents à Bamako, c’est pour réaffirmer notre volonté pour la mise en œuvre de cet accord. Pour nous, la paix, la vraie paix, c’est quand le simple citoyen sent qu’il y a du résultat. Ce n’est pas seulement entre les chefs, dans les bureaux ou dans les réunions, que la paix doit être effective, il faut que les populations des campagnes, hameaux en bénéficient. Il y a la paix lorsque des milliers de réfugiés rentrent chez eux et se sentent en sécurité.

Peut –on dire qu’avec cette « Entente » signée, il y a une confiance mutuelle assumée entre les groupes armés et le gouvernement ?

Pour moi, la confiance entre les parties est une chose qui vient au fur et à mesure qu’on avance dans l’application de l’Accord, qu’on avance dans le respect des engagements. C’est comme cela qu’on pourra gagner la confiance de l’un et de l’autre. Cela n’est possible que lorsqu’on travaille et qu’il y a du sérieux. Pour moi la signature du document intitulé ‘’Entente’’ est une étape très importante dans la mise en œuvre de l’accord. Mais l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain.

Le calendrier d’exécution des mesures, dans ce document d’Entente, n’est-il pas trop ambitieux ?

Si on se conforme au calendrier de la mise en œuvre de l’Accord, on devrait déjà en avoir fini, parce que les mesures devaient intervenir 60 jours après sa signature. Nous sommes fin juin, dans le calendrier, on doit commencer le travail à la mi-juillet. Il s’agira d’un test pour voir si les engagements sont respectés, ce qui créera plus de confiance. Cela dépendra de la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC). Aujourd’hui, le seul appareil ou mécanisme sur lequel, il y a unanimité, c’est le MOC. On doit lui donner les moyens et les matériels nécessaires afin qu’il mène sa mission pour sécuriser les zones. Sur ce point, il y a l’engagement de la communauté internationale.

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Justement par rapport à ce financement du MOC ,une réunion était prévue avec les partenaires techniques et financiers, où en sommes-nous exactement ?

C’est vrai, il est prévu de faire une rencontre avec les partenaires par rapport à ce point, mais ce qui est demandé est plus grand que les réponses de ce document. Le MOC est là, et a besoin de beaucoup d’aide. Aujourd’hui, le MOC n’existe que symboliquement, un peu à Gao, alors qu’il doit exister dans les cinq régions. Cela demande de fournir encore des efforts de la part des mouvements armés, du gouvernement malien et des partenaires. Pour que le MOC existe réellement sur le terrain, et pouvoir concrétiser ce qui est prévu dans l’Accord, c’est-à-dire respecter les dates et les chronogrammes, il faut un MOC robuste pour mener à bien la mission de sécurisation.

La signature de cette « Entente » a-t-elle été possible grâce à la médiation algérienne ?

L’Algérie a joué un rôle très important depuis le début des négociations, mais le résultat de cette Entente revient en premier lieu aux parties, gouvernement malien et mouvements signataires. En plus, toute la médiation internationale a joué un rôle important pour qu’on arrive à ce résultat. Mais le plus grand rôle revient aux parties.

Certains observateurs disent que ces autorités intérimaires sont une sorte de fédéralisme qui ne dit pas son nom, quel est votre avis sur la question ?

Le document qui est signé n’est que l’interprétation de l’Accord, c’était prévu dans l’Accord et ce n’est pas une chose nouvelle. Il s’agit juste de mettre en place ces autorités intérimaires dans les cinq régions de l’Azawad communément appelé Nord Mali. On ne doit pas avoir peur de ces appellations, l’essentiel c’est de construire un mécanisme, créer un climat pour que les populations que nous représentons tous, puissent vivre en paix et en harmonie entre elles pour un développement durable. Ce document appelé Entente n’est rien d’autre qu’une partie de l’Accord, donc, il n’y a pas lieu de parler de fédéralisme.

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Selon vous, le fédéralisme peut-il être une solution viable pour le Mali ?

On doit tout d’abord se poser certaines questions et la première c’est de savoir, quelles sont les solutions qui ont été trouvées aux différents problèmes qui se sont succédés depuis 1950. C’est-à-dire, si nous regardons depuis 30 ans tous les accords qui ont été signés avec les mouvements de l’Azawad, quels sont les accords qui ont apporté la stabilité pour le Mali ? Les Maliens doivent avoir le courage de trouver une solution aux problèmes qui sont posés à travers le dialogue. Il y a aujourd’hui des pays qui sont centralisés sur un pouvoir mais qui sont très faibles, il ya aussi des pays qui sont fédéraux mais plus forts. On doit sortir de cette prison qui consiste à croire que dès qu’on parle de fédéralisme, c’est affaiblir le Mali. Ce n’est pas le fédéralisme qui affaiblit le Mali, ce qui l’affaiblit c’est ce conflit à répétition qui nous ramène chaque année à la case de départ.

Peut-on obtenir une paix durable alors qu’il y a des tensions réelles, actuellement, entre groupes armés au nord ?

Aujourd’hui, il y a deux conflits différents. Le conflit entre le nord et le sud qui a fait profiter les autres conflits. Ce qui a même créé le conflit interne aux mouvements, entre les communautés et même à l’intérieur de Bamako. Les nombreux coups d’États sont les conséquences directes de ce conflit. Dès qu’on trouvera une solution exacte et adéquate à ce conflit entre le Nord Mali et le pouvoir central à Bamako, beaucoup de ces conflits vont disparaitre automatiquement, car ils ne sont que des conséquences. Il y a ce nouveau fléau, le terrorisme international, qui est rentré chez nous et a commencé à rendre la situation plus confuse, plus difficile et plus compliqué. Pour faire face à ce conflit qui est international, il faut d’abord résoudre le problème politiquement et unir nos rangs.

Tout récemment la France a clairement, par la voix de son ministre de la Défense Jean Yves le Drian, accusé le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) d’être un obstacle à la paix, que pensez-vous de cela ?

Je crois que le HCUA est un mouvement membre de la CMA et la CMA est un seul organe, qui a fourni beaucoup d’efforts pour arriver à trouver une paix. Les mouvements sont très solidaires entre eux, mais la CMA ne peut pas protéger les individus qui posent des actes solitaires qu’ils soient terroristes ou non. C’est-à-dire que tout individu qui mène des activités pareilles est condamnable par la CMA. Les mouvements qui composent la CMA ont beaucoup contribué pour la paix, mais chaque mouvement à son identité, mais ils ont tous beaucoup aidé pour parvenir à accomplir la mission, qui est de trouver une paix définitive.

Douentza, encore un pas en arrière pour la paix

On dira ce qu’on voudra, mais il est difficile d’occulter le fait que le problème des mouvements d’autodéfense est lié au tribalisme qui est devenu un mal profond dans cette partie du pays, et qui fait qu’on ne pense plus en Malien, mais plutôt en Imghad, Ifoghas, etc.

C’est un fait, dans le Nord, le Mali est loin de sortir du désordre. Rien ne le prouve mieux que les affrontements, sanglants, qui ont opposé samedi 11 juin, le Groupe d’autodéfense Imghads Touaregs et alliés (Gatia) au Groupe d’autodéfense Ganda Izo, à Ndacki, dans le Gourma. Le bilan fait état de 8 à 10 morts. Cet affrontement intervient dans un contexte de blocage de l’Accord de paix dont tout le monde attend la mise en œuvre pour fermer la page de la crise. Mais dans le Nord, les affrontements entre les groupes armés, les embuscades et tirs d’obus terroristes visant souvant les forces armées, les assassinats et pillages font partie du quotidien de ces populations qui se sentent abandonnées et absentes des préoccupations du pouvoir central.

Les derniers affrontements entre groupes d’autodéfense prouvent à suffisance que les obstacles sur le chemin de la stabilité sont encore nombreux. Car ce n’est pas la première fois que ces deux groupes décident d’en découdre. Depuis le début du mois de mai, les hostilités, entre eux, sont ouvertes. Dans son communiqué de ce matin, le mouvement Ganda Izo reproche au Gatia ses « velléités communautaristes longtemps cachées », mais « bien connues des autres communautés vivant dans la zone ». Le mobile de l’attaque serait que le Gatia voulait désarmer les éléments du mouvement Ganda Izo. Pour nombre d’observateurs, cela fait ressurgir la question qui était sur toutes les lèvres les jours qui ont suivi la création dumouvement : Faut-il se méfier du Gatia ?

À l’époque, nombreux sont ceux qui étaient d’avis que le Gatia avait été créé pour devenir « une force incontournable sur le terrain capable de s’imposer, d’exister, dans le dessein, éventuellement, de supplanter le leadership Ifoghas, la tribu dominante qui se trouve à la tête de la pyramide des Kel Adagh à Kidal. », écrivait le journaliste et écrivain touareg Intagrist El Ansari. Il est difficile d’occulter le fait que ce problème des mouvements d’autodéfense est lié au tribalisme, qui est devenu un mal profond dans cette partie du pays, et qui fait qu’on ne pense plus en Malien, mais plutôt en Imghad, Ifoghas…

Le plus grave reste que personne à l’heure actuelle, pas même l’État malien, ne peut obtenir de ces groupes qu’ils désarment, car tout reste suspendu désormais à l’accord de paix. Alors que l’insécurité va crescendo aussi bien au nord qu’au sud du pays. On imagine mal comment tout cela aboutira à une solution globale, à partir du moment où, dans cette situation de ni-paix ni guerre, l’Etat reste limité dans sa capacité d’intervention au nord du Mali. Alors que sa mission, des plus complexes, reste de réconcilier les « Maliens » de cette partie du territoire, sur fond de vengeance et de rivalités.

Processus de paix : vers la levée du blocage

La 9ème session du Comité de suivi de l’accord d’Alger qui avait été reportée à une date ultérieure, aura finalement les 13 et 14 juin prochains. Elle sera consacrée essentiellement aux questions relatives à la mise place de l’administration intérimaire et l’opérationnalisation des mécanismes sécuritaires, à savoir les patrouilles mixtes.

L’information a été donnée par la mission onusienne au cours de sa traditionnelle conférence de presse au QG de l’organisation. En effet, au cours de la période du 2 au 8 juin, la CMA et la Plateforme ont suspendu leur participation aux travaux des sous-comités thématiques, à l’exception de celui de Défense et de Sécurité pour des raisons liées au retard de la mise en place des autorités intérimaires. Par conséquent, la médiation internationale a jugé nécessaire de reporter la réunion du Comité de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger (CSA) qui devait se tenir les 3 et 4 juin dernier. Selon M. Salgado, au cours de cette période, «la MINUSMA et l’ensemble de la médiation internationale à Bamako ont organisé des séries de concertations avec les parties signataires de l’accord en vue d’accélérer sa mise en œuvre ». Compte tenu des discussions en cours, entre le gouvernement et les mouvements armés concernant les points susmentionnés, la médiation internationale a convenu de remettre la prochaine réunion du CSA aux 13 et 14 juin prochains.

Déjà, une mission mixte, jugée satisfaisante, a été effectuée sous la présidence du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) à Gao avec des combattants des trois parties signataires de l’Accord de paix, les FAMA, la CMA et la Plateforme. Pour les différents acteurs, la mission a été conçue comme une mesure d’établissement de confiance et avait pour but de fournir du matériel et des véhicules pour l’établissement du nouveau MOC à Tombouctou. Le principal point de blocage entre le gouvernement et les groupes armés dans le cadre des patrouilles mixtes est donc levé.

Pour les mouvements armés, leurs combattants doivent automatiquement être considérés comme des militaires maliens, sans passer par le DDR. Ce qui suppose qu’ils deviennent des salariés directs de l’armée. Un point de vue qui n’est pas partagé par Bamako, qui veut, avant les DDR verser des primes générales alimentaires (PGA) et des primes spéciales. Aux dires de M. Salgado, « grâce à la médiation, le gouvernement et les groupes armés se sont mis d’accord pour aller vers les DDR accélérés, en faisant des patrouilles mixtes dans le cadre des MOC ». Ce faisant, le 2 juin dernier, le Président IBK a rencontré à Bamako, les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui sont la Russie, la Grande Bretagne, la France, la Chine et les Etats-Unis. L’objectif était de discuter de la coopération dans la prévention des attaques terroristes contre les FAMA et les Casques bleus. Aux dires de M. Salgado, le président IBK et les cinq ambassadeurs ont convenu de la nécessité de faire la promotion du nouveau mandat de la MINUSMA afin notamment de clarifier les attentes.

Accord pour la paix et la réconciliation : la chaise vide

Alors qu’il y a quelques semaines encore, à l’occasion de son premier anniversaire, on dressait un bilan plutôt satisfaisant de la mise en œuvre de l’accord de paix et que les perspectives allaient dans le bon sens, depuis fin mai, plus rien ne va. Sur le terrain, au nord comme au centre du pays, la violence a redoublé d’ampleur et il ne se passe plus de journée sans attaque contre l’armée malienne ou la MINUSMA. Les mouvements armés et le gouvernement semblent installés dans un dialogue de sourds, chaque partie se rejetant la responsabilité du blocage, et même les discussions menées en Algérie sous l’égide du médiateur n’ont pas fait bouger les lignes. Si pour certains il s’agit juste de difficultés de compréhension entre les parties, la situation semble bel et bien bloquée…

La 9ème réunion du Comité de suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui devait s’ouvrir lundi 6 juin à Bamako, a été reportée une nouvelle fois. Aucune date n’est pour le moment fixée, sachant que la Plateforme et la CMA ont décidé de suspendre leur participation au comité de suivi et aux travaux des sous-comités qui étaient prévus les 1er et 2 juin derniers. La raison : le gouvernement et les groupes signataires ne sont pas parvenus à un compromis autour du processus de mise en place des autorités intérimaires. Pour mettre à plat les problèmes et tenter de résoudre ces « difficultés », une réunion s’est tenue à Alger du 27 au 30 mai avec pour objectif de « lever les blocages» dans le processus. Motus sur le contenu des échanges, les parties évoquent cependant leur optimisme. Mais après une semaine de conciliabules, les lignes n’ont guère bougé. Dans un communiqué conjoint, les deux groupes armés, la CMA et la Plateforme, jadis ennemis, ont annoncé leur décision de ne plus prendre part aux rencontres multipartites et reprochent au gouvernement « son manque de volonté à trouver des solutions consensuelles à la mise en place des autorités intérimaires et pour la suite de la mise en œuvre de l’accord ». À Bamako, on affiche une sérénité qui ne tient pas la discussion : pour le gouvernement, « la mise en place des autorités intérimaires concerne en premier lieu les communes où existent des dysfonctionnements dans les conseils communaux ». Pas question, donc, de généraliser la chose et un travail est en cours pour déterminer où doivent être installées ces collèges transitoires. De l’autre côté, on entend un autre son de cloche : « Il est urgent de mettre en place les autorités intérimaires, condition au début du cantonnement », explique une source proche des mouvement armés, car leurs responsables craignent les réactions des jeunes combattants qui sont de plus en plus impatients. « Il y a des centaines de jeunes qui sont arrivés depuis plusieurs mois, certains sont d’ailleurs repartis. J’en ai vu à Tessalit, à Aguelhock, mais aussi à Gao. Il s’agit de jeunes dont certains sont diplomés, qui sont au chômage depuis quelques années. Pour tous ces jeunes, l’intégration est la meilleure option pour réussir ». D’autres points sont évoqués par les groupes armés, désormais partisans de la politique de la chaise vide, à savoir leur representativité au sein des institutions et administration de l’État, le statut des combattants qui doivent participer aux patrouilles mixtes, la prise en charge des combattants et l’annulation de certaines décisions prises par le gouvernement en rapport avec le processus.

En sous-main « Il faut partir du fait que la crise malienne est d’abord une crise politique. Si tout le monde a placé d’immenses espoirs dans l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, c’est qu’aussi bien les Maliens que les amis du Mali espèraient que sa mise en œuvre allait changer quelque chose. Or, le constat aujourd’hui est que l’Accord pour la paix et la réconciliation n’avance pas ou avance un peu », déclarait Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies (RSSG) le 2 juin dernier, au lendemain d’une nouvelle attaque contre les casques bleus. En effet, depuis que les groupes armés ont annoncé leur retrait du processus le 20 mai 2016, l’insécurité est montée d’un cran. En l’espace de dix jours, la MINUSMA a perdu douze casques bleus (six Tchadiens, cinq Togolais, un Chinois) et trois prestataires civils. Idem pour les forces armées maliennes (FAMAs), qui ont subi aussi d’énormes pertes en vies humaines. Pour Monsieur Annadif, le lien entre la recrudescence des attaques et la situation de blocage est indiscutable et « la meilleure façon de combattre les terroristes, de les isoler, c’est la mise en œuvre effective de l’Accord de paix. Toute minute, tout temps perdu pour la mise en œuvre de cet accord est autant de temps gagné par les ennemis de la paix ».

Les ennemis de l’accord ne sont pas seulement ceux qu’on croit, soutient sous couvert de l’anonymat un membre du comité de suivi. La violence qui s’est généralisée et s’étend dans le centre du pays ne serait, selon lui, pas forcément le fait de djihadistes. « Il n’est pas exclu que les groupes armés, réunis au sein de la CMA ou de la Plateforme, renforcent ainsi la pression sur le terrain. Meeting et marches de protestations, pose de mines, tirs de roquettes, tout est mis en œuvre pour prouver leur détermination à ne point céder sur leurs revendications », assure-t-il. De l’analyse de spécialistes, le blocage dans la mise en œuvre de l’accord, trouverait plutôt son origne dans les rivalités personnelles au sein des mouvements armés, qu’à un quelconque désaccord avec le gouvernement. La multiplicité des acteurs et des intérêts rend fragile la cohésion de ces groupes où la hiérarchie sociale n’existe plus. Si autrefois, certaines catégories sociales avaient un certain pouvoir et maintenaient l’unité des groupes, aujourd’hui « a du pouvoir qui a de l’argent ». « Cette nouvelle race de riches affranchis de tout contrôle social par les chefs de tribus est hostile à un accord préjudiciable à leurs profits », explique un observateur. Près d’une dizaine de groupes ou mouvements armés sont signalés sur le terrain actuellement et « tous exigent leur présence dans les différences instances pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Absent de marque, Iyad Ag Ghaly. Il est en réalité le grand chef d’orchestre de tout ce qui se passe dans le septentrion malien. Il n’occupe aucun poste dans l’organigramme des mouvements et groupes cités, mais son ombre plane toujours», conclut notre interlocuteur.

« Pas question de céder au pessimisme », selon l’ambassadeur d’Algérie au Mali, dont le pays préside la médiation. La rencontre d’Alger devrait bientôt être suivie de la rencontre de la médiation internationale qui doit se pencher sur l’évolution du processus. Le grand voisin du nord a, à travers son ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, reçu en audience par le président IBK le 3 juin, réaffirmé sa volonté « de concrétiser les grandes lignes de cet accord ». À Bamako, même si rien n’est officiellement dit, on constate que les réunions se multiplient. De la Primature au ministère de l’Action humanitaire et de la Solidarité, on suit « de très près l’évolution de la situation » et on assure que « tout est mis en œuvre pour sortir de cette impasse qui ne fait que compliquer la quête de paix définitive des Maliens ».

Accord de paix d’Alger : l’enjeu « Kidal ».

Si aujourd’hui Kidal revenait de gré ou de force au Mali, cette histoire de rébellion dans le septentrion Malien qui nous mine depuis un moment déjà serait un mauvais souvenir, et nous serons épargnés du cinéma pour le moins inepte et insipide qu’on nous impose au quotidien avec d’un côté la Coordination des Mouvements de l’Azawad, qui malgré la signature de l’accord de paix tient mordicus à l’idée de séparation au-delà des apparences, et travaille d’arrache-pied à cette fin, et de l’autre, le gouvernement Malien, qui, comme un homme groggy ayant reçu un véritable uppercut, s’aplatit, se fait spectateur de sa propre déchéance, et ne jure que par un accord bidon aux conséquences graves pour la nation malienne.

En apparence toutes les parties veulent la paix, je dis bien en apparence. Certes, l’accord de paix a permis de faire taire les armes, mais l’on comprendra aisément qu’à part cela, rien de clair ne se fait dans le sens d’une avancée pour l’intégrité, l’unité du Mali et des Maliens. L’on a comme l’impression que tout est fini. Adieu Kidal, désormais, il faut compter le Mali sans Kidal considérée aujourd’hui comme une enclave autonome aux mains de la CMA

Duperie, hypocrisie, coups bas…

Pour un accord dont la mise en œuvre est plus qu’urgente, avec comme objectif, la récupération de Kidal, la réconciliation des Maliens, la résorption de la menace djihadiste, de l’insécurité rampante, il est clair que le spectacle qu’on nous offre aujourd’hui est lamentable. L’on se dépêche lentement dans l’implémentation, sans compter les multiples crocs en jambe et autres fourberies qui jalonnent le processus. Le temps joue contre le Mali, et plus la situation perdure, difficile sera la sortie de crise et surtout la récupération de Kidal.

Les lignes sont brouillées à tous les niveaux donnant l’impression d’un sur place ou souvent même d’une régression. Un semblant de paix où Kidal est toujours coupée du reste du Mali depuis 2012, avec des occupants qui n’ont aucunement l’intention de s’effacer, et œuvrent « intelligemment » à l’atteinte de leur objectif. Mais c’est surtout le sentiment d’abandon, de défaitisme, de manque de réalisme des dirigeants Maliens qui fait mal et n’augure rien de bon pour la suite. Si ce n’est pas de la haute trahison ça …

Malgré la signature de l’accord de paix, il est clair que les questions de fond demeurent, et pire le constat sur le terrain, la manière dont les choses se déroulent n’incitent pas à l’optimisme. La paix est très fragile et rien ne nous dit que les hostilités ne seront pas ouvertes après, quand on sait que le cas Kidal, contrairement à ceux que beaucoup pensent est loin d’être résolu. Il faut le dire, Kidal est toujours coupée du Mali et c’est la CMA qui l’administre aujourd’hui. C’est cela la vérité. La CMA va-t-elle accepter l’Etat Malien de rependre son dû in fine ?

Des comportements et agissements qui intriguent.

Il est évident que La CMA souffle le froid et le chaud à la fois, pour dire finalement que cette histoire d’Accord de paix ne concerne que ceux qui y croient sinon leur objectif reste et demeure la séparation qu’importe le contenu qu’on lui donnera !

Comment comprendre que pendant que les uns et les autres s’investissent pour la mise en œuvre de l’accord, la CMA en toute arrogance, se permet de célébrer le quatrième anniversaire de son pseudo « indépendance », comme d’ailleurs elle l’a toujours fait depuis 2012 ? Leur drapeau flotte jusqu’à présent à Kidal et tout le monde s’en accommode visiblement, gare à celui qui prendra le risque d’exhiber un quelconque symbole du Mali. On interdit l’Etat du Mali à Kidal sans que personne ne lève le petit doigt et cela perdure malgré la signature de l’accord de paix avec son contenu pour autant clair. On se fend de communiqués alambiqués et provocateurs en brocardant au passage l’Etat du Mali. Aucune protestation ! On s’érige en administrateur autonome de Kidal, et traite avec la MINUSMA pour toutes questions touchant Kidal au vu et su de tout le monde sans qu’on s’en émeuve. On organise gaillardement des rencontres entre groupes armés communautaires à Kidal devenue depuis fief des rebelles. L’Etat du Mali, invité comme les autres sur son propre territoire par la CMA (humiliation suprême), encaisse et se fait tout petit laissant les groupes armés prendre toutes sortes d’initiatives. Pour la CMA, nul doute, Kidal et le Mali font deux. Des gens sont manipulés à Kidal pour s’attaquer à la grande MINUSMA, him self . L’Etat du Mali méconnaissable avec tous les grands discours qu’on nous gave, se tient coït, la Communauté internationale ne bronche pas. Auréolée de tant de « victoires » à elle seule, la CMA se voit pousser des ailes et n’hésitera plus à s’en prendre à quiconque oserait se mettre sur son chemin fut elle communauté internationale. Avec tous ces éléments, dire que Kidal n’est plus pour le Mali ne saurait être un mensonge ! Réveillons-nous, sinon demain, il sera trop tard !

Il ne s’agit point de faire la guerre, d’user de la force pour remettre les choses en l’état, mais de faire en sorte, ce qui n’est pas encore le cas, que l’Etat du Mali soit respecté dans son entièreté, dans sa souveraineté, Kidal incluse dans les meilleurs délais. Ce préalable s’impose absolument et les autorités Maliennes se doivent d’être intransigeantes à ce niveau. Pour se faire respecter par les autres, il faut se respecter déjà. L’Etat du Mali doit faire preuve de responsabilité dans tous les sens du terme. Il ne doit jamais se départir de son honneur, de sa dignité et ne doit jamais faiblir quel que soit la situation. Il y a des limites à ne pas franchir. L’accord de paix a bon dos, on le brandit quand ça arrange, sinon les objectifs des uns et des autres sont très clairs. Le Mali, Etat souverain, même vaincu par la CMA, ne doit pas et ne saurait se rabaisser au même niveau qu’un simple groupe rebelle hors la loi ou pire s’aplatir honteusement. L’arme la plus efficace pour le Mali, reste le Droit à condition que les autorités Maliennes œuvrent intelligemment… le courage aussi, car n’est pas responsable qui veut !

Le cas Iyad Ag Aly.

Ennemi public n°1, recherché par les services secrets des grandes puissances Occidentales, Iyad Ag Aly continue pour autant de faire la pluie et le beau temps au nez et à la barbe des gendarmes du sahel. De qui se moque-t-on ? Veut-on réellement mettre hors d’état de nuire ce personnage, qui constitue à dire d’experts un maillon essentiel dans ce bordel made in Sahel ? La pacification de la bande sahélo saharienne passe par la neutralisation d’Iyad Ag Aly et de son mouvement terroriste ANSAR EDDINE. C’est une donnée intangible connue de la communauté internationale. Barkhane est sur le terrain, la MINUSMA aussi, sans compter les services secrets occidentaux qui pullulent la zone. Avec tout cela Iyad Ag Aly est bien vivant et ne chôme surtout pas. On le signale tantôt en Algérie, tantôt en Mauritanie et à Kidal même. Il revendique des attentats, menace tout le monde et le terroriste n’est nullement inquiété. Toute cette hypocrisie donne à vomir ! C’est là qu’il faut comprendre qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Il faut le dire, le problème du nord n’est pas un problème touareg. La preuve, il y a des non Touaregs dans la CMA, et mieux ils sont nombreux, les Touaregs qui ne sont pas avec ces gens et aspirent plutôt à la paix et à l’unité dans un Mali pluriel. Il s’agit ni plus ni moins d’une minorité qui a décidé de vivre du business de la rébellion, du terrorisme et visiblement ça leur réussit bien. D’ailleurs, la métastase se répand, le pays s’embrase avec des foyers de tension un peu partout. Le cas du centre du Mali inquiète. La région de Mopti, point névralgique, et stratégique entre le Nord et le Sud du pays n’est pas en reste. Une situation dangereuse, qui fait oublier Kidal désormais tombée dans l’escarcelle de la CMA, à l’abri des « soubresauts », alors que les armes crépitent dans le centre du Mali amenant l’Etat Malien à parer au plus pressé. Et si tout cela était une diversion soigneusement mise en branle pour la cause des séparatistes de la CMA ?

Que Dieu préserve le MALI !

Makan DIALLO

Docteur en Droit Privé

Avocat inscrit aux Barreaux de Paris et du Mali

Mise en œuvre de l’accord : les organisations de la société civile vers un cadre unitaire

La société civile au Mali s’inscrit dans un cadre unitaire pour parler de la même voix dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de paix.

L’accord pour la paix et la réconciliation a été signé les 15 mai et 20 juin 2016 à Bamako, à l’issue d’un long et laborieux processus, sous le leadership politique de l’Algérie rejoint par tous les pays voisins du Mali, les organisations africaines, les Nations unies, la France et l’Union Européenne. Au Mali cet accord divise classe politique et société civile qui ne parviennent pas à s’accorder sur cet accord. C’est pour que la société civile s’exprime d’une seule voix qu’un forum a été initié.

Selon, l’article 51 de l’Accord,  « les parties demandent à la classe politique, ainsi qu’à la société civile, notamment les organisations de femmes et de jeunes, les medias, les communicateurs traditionnels et les autorités religieuses et coutumières, d’apporter leur plein concours à la réalisation des objectifs de l’Accord ».

C’est dans cet esprit que le mouvement patriotique pour le Mali (MPM), Global Mali 2025, la Plateforme et les leaders Kel Tamasheq pour l’unité nationale du Mali, la fondation Balanzan pour la gouvernance et la stabilité, le réseau Handi actions développement et perspectives et les organisations de la société civile, ont organisé les 13 et 14 mai dernier un Forum au CICB en vue de partager et d’échanger sur la contribution de la société civile à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger.

A la suite des travaux de ce forum, l’une des fortes recommandations est que les organisations de la société civile parlent d’une seule voix, en mettant en place un seul organe répondant au nom de toutes les organisations de la société civile du Mali.

Selon le président du forum des organisations de la société civile, Ahmed Mohamed Ag Hamani, il s’agit de réfléchir de manière plus approfondie à l’organisation et au fonctionnement d’un mécanisme de la société civile. Il ajoute que cette réflexion peut prendre la forme d’un observatoire de veille et d’alerte pour permettre à celle-ci de disposer d’un organe fédérateur qui serait l’interlocuteur de tous les partenaires de la société civile . « Nous voulons créer une synergie des efforts pour rehausser la contribution de la société civile malienne dans la mise en œuvre de l’accord pour la paix », a déclaré Ahmed Mohamed Ag Hamani président du forum des organisations de la société civile, lors d’une conférence de presse, mercredi dernier à l’hôtel Salam.

Signalons que certaines organisations de la société civile malienne ne se reconnaissent pas dans ce forum pour raison d’exclusion ou de marginalisation. Il faut souligner l’appui de l’USAID à travers le NDI pour l’organisation de ce forum.

Inhaye Ag Mohamed, « Bientôt se tiendra une conférence d’entente nationale »

Journal du Mali: Votre structure est quelque peu éclipsée par le Comité de suivi de l’accord. Quelles sont les différences entre les deux entités ? I. Ag Mohaà¹ed: l’article 57 de l’Accord prévoit la création, immédiatement après la signature, d’un Comité de Suivi de l’Accord (CSA) présidé par l’Algérie, chef de file de la médiation internationale. Il est composé du gouvernement, des mouvements signataires et de la médiation. Son rôle est d’assurer le suivi et de veiller à  l’application effective des dispositions de l’Accord. Le CNCA quant à  lui est une structure exclusivement nationale chargée de coordonner la mise en œuvre de l’Accord. Son rôle est essentiel dans la mesure o๠la mise en œuvre opérationnelle de l’Accord incombe en premier lieu au gouvernement qui en a la responsabilité. Il est présidé par le Chef du gouvernement et comprend des membres permanents que sont les ministres dont les départements sont directement impliqués, les secrétariats généraux du gouvernement et de la Présidence ainsi que le directeur de cabinet de la Primature. Il y a aussi, dans un esprit de large inclusivité, des membres associés : représentants des syndicats, des partis politiques, des religieux, des femmes, des jeunes, ainsi que de l’Assemblée nationale et du Haut Conseil des collectivités. Le CNCA est doté d’un Secrétariat permanent qui assure le travail technique. La différence entre les deux structures est que la première est en charge du suivi et la seconde de la mise en œuvre opérationnelle. La signature de l’accord aura bientôt un an. Quel bilan peut-on en tirer ? Je pense que le bilan qu’on peut tirer au terme de la première année est positif en plusieurs points. La mise en place du dispositif institutionnel est un acquis. C’’est comme la construction d’une maison, il faut faire d’abord une bonne fondation. Aujourd’hui, le CSA est à  sa 8ème session et le CNCA à  sa 3ème. Le gouvernement a fait des progrès avec l’opérationnalisation de deux nouvelles régions (Taoudéni et Ménaka), la nomination des gouverneurs et de leurs cabinets. Le gouvernement s’est également attaqué aux réformes institutionnelles avec l’adoption de la loi sur les autorités intérimaires qui attend sa promulgation. Pour la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, une équipe d’experts sera mise en place en tenant compte d’un certain nombres de facteurs. Dans tous les secteurs des avancées ont été constatées. On doit citer la création, au niveau défense et sécurité, de trois organes importants : la commission Désarmement démobilisation et réintégration (D, la commission nationale d’intégration et le conseil national de la réforme du secteur de la sécurité. Il faut noter également l’opérationnalisation très prochaine du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), qui doit coordonner la mise ne œuvre des arrangements sécuritaires et dont l’à‰tat-major est déjà  installé à  Gao, avec une représentation à  Tombouctou et à  Kidal. Ce mécanisme nous permettra de sécuriser le retour de l’administration ainsi que les services sociaux de base dans les zones o๠ils font toujours défaut. Mais que dire pour ce qui concerne directement les populations ? Sur le plan du développement économique, social et culturel, on peut citer la mise en œuvre du plan d’urgences humanitaires mais aussi de la reprise des projets de développement, dont les travaux de la route Gouma-Koura-Tombouctou qui sont sécurisés avec professionnalisme par les FAMas. Il y a également eu le 22 octobre 2015 à  Paris, la conférence sur le développement du Mali qui s’est conclue par l’annonce de 3,2 milliards d’euros d’appui au Mali. Un fond de développement durable des régions du Mali doit être mis en place, auquel l’à‰tat doit participer au compte de l’« effort de paix », à  hauteur de 100 milliards de francs CFA par année et sur trois ans (2016-2018). La justice et la réconciliation ne sont pas en reste et de nombreux chantiers ont été ouverts. Il y a eu des rencontres intercommunautaires, tendant à  recoudre le tissu social. La mise en place de la Commission vérité justice et réconciliation (CVJR) est un acquis et son plan d’action de trois ans a été adopté. Le gouvernement, par le biais du ministère de la Réconciliation est en train d’élaborer les termes de référence d’une conférence d’entente nationale. C’’est un rendez-vous important o๠l’on va reposer un certain nombre de questions pour lesquelles des solutions n’ont pas été trouvées à  Alger. l’une d’elles est la fameuse question de l’appellation « Azawad ». Les choses semblent avancer, pourtant lors de la dernière réunion du CSA, il y a eu une montée de tension. Que s’est-il passé ? Il n’y a pas eu de tension en réalité. Un constat a été fait par les groupes armés signataires du retard sur le chronogramme de la mise en œuvre de l’accord. Mais cela n’est pas dû à  une mauvaise volonté de la part du gouvernement. Nous avançons au gré des contingences techniques et avons même réalisé certaines actions par anticipation. La pierre d’achoppement lors de cette session, C’’était la mise en place des autorités intérimaires. Après le vote de la loi, l’opposition a saisi la Cour constitutionnelle et nous devons attendre la décision de cette dernière avant d’avancer sur ce dossier. La loi ne peut être promulguée sans cette décision. Les groupes armés signataires ont voulu conditionner la suite des travaux sur les autres dossiers à  la mise en œuvre de la loi, craignant que le gouvernement ne laisse cette question sans suite. Or, nous sommes dans un à‰tat de droit et nous ne pouvons pas faire fi d’une procédure en cours. Nous avons donc expliqué que nous pouvions continuer à  travailler, que les autorités intérimaires seront bel et bien mises en place si la Cour constitutionnelle l’autorise, et le malentendu a été levé.

Hervé Ladsous au Mali : accélérer la mise œuvre de l’accord d’Alger

Dans le cadre du renouvellement du mandat de la MINUSMA au mois de juin prochain par le Conseil de Sécurité de l’ONU, le secrétaire général adjoint M. Hervé Ladsous vient de boucler une visite de travail de trois jours dans notre pays. Objectif amener les différents acteurs impliqués dans le processus à  travailler en totale harmonie pour une mise en œuvre rapide de l’accord d’Alger gage d’un développement durable tant souhaité. Cette visite tombe à  point nommé, car elle intervient à  un moment ou le gouvernement et les groupes armés s’accusent mutuellement de la lenteur de la mise en œuvre cet accord. A moins de deux semaines du premier anniversaire de la signature de l’accord (15 mai) complété le 20 juin 2015, M. Hervé Ladsous estime qu’il est temps que les acteurs se donnent la main et parlent le même langage. ‘’Le plus important est d’avancer sur le maximum de points, C’’est un effort qui doit être partagé par les uns et les autres ». Indique M. Ladsous. s’il a reconnu que d’importants progrès ont été réalisés pour mettre en œuvre l’accord, notamment l’adoption de plusieurs textes de loi qui définissent les modalités de fonctionnement des administrations transitoires à  Gao, Kidal, Ménaka, Taoudéni et Tombouctou, il a aussi jugé que les efforts étaient trop lents. Partant de là , il a appelé le gouvernement et les groupes armés signataires à  définir un calendrier d’exécution de toutes les questions pendantes qui sont prévues dans l’accord. Le secrétaire général adjoint a affirmé qu’il était urgent de rendre fonctionnel le mécanisme de coordination et de lancer les patrouilles mixtes qui joueront selon lui un rôle essentiel dans la sécurisation du cantonnement et du désarmement, démobilisation et réinsertion(D. Il a aussi appelé les groupes armés signataires à  fournir sans plus tarder les listes de leurs combattants censés être enrôlés dans le processus de cantonnement. Concernant le mandat de la MINUSMA et pour faire face aux menaces terroristes, M. Hervé Ladsous a confirmé que la MINUSMA sera renforcée dans sa posture avec des nouvelles unités. En ce qui concerne, les incidents survenus à  Kidal, il a affirmé que les enquêtes sont en cours pour situer les responsabilités. Cependant, souligne-t-il, des questions demeurent : comment un tel incident a pu se produire ? Comment peut-on mettre en avant des enfants comme des boucliers humains ? Comment peut-on lancer des cocktails sur les casques bleus ? ‘’Rien de tout cela n’était innocent » a-t-il déclaré. Pour ce qui est de la rénovation de l’aéroport, il dira qu’il faudra du temps et de l’argent. Il a surtout insisté sur fait que cela se fera en accord avec toutes les parties sur place pour qu’un tel incident ne se reproduise pas.

Autorités intérimaires : où est le piège ?

Mais pour le gouvernement et les groupes signataires de l’accord de paix, il s’agit d’une avancée dans la mise en œuvre de celui-ci. Malgré le battage médiatique autour de la question, peu de Maliens reconnaissent avoir compris les enjeux de cette nouvelle mesure. « Je ne comprend rien à  cette histoire. Il y a tellement d’informations que l’on s’y perd ! » Fousseyni Sidibé, employé de bureau, résume le point de vue de nombre de Maliens sur la question des autorités intérimaires. « Pourtant C’’est très simple », rétorque le secrétaire général du ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’à‰tat (MDRE), département principalement en charge du dossier. « l’Accord de paix prévoit d’améliorer la gouvernance des collectivités et de permettre, en attendant que des autorités légales ne soient installées, la mise en place d’autorités intérimaires, en charge, avec le représentant de l’à‰tat dans la zone concernée, de relancer le fonctionnement administratif, la fourniture des services sociaux aux populations, mais aussi de préparer de nouvelles élections », explique Adama Sissouma. La controverse provient, selon lui, d’un déficit d’information et de communication afin que l’opinion publique comprennne mieux la chose. « Auparavant, il y avait des délégations spéciales. Mais elles étaient limitées, tant par leur composition que par leur mandat. La modification du texte permet de corriger cela », poursuit-il. Arguments contre arguments l’opposition, unanime dans son refus d’accepter le nouveau texte, a tenu avant son passage à  l’Assemblé nationale, à  alerter l’opinion sur les risques qu’il fait courir, selon elle, à  l’intégrité territoriale du Mali. Djiguiba Kéà¯ta, dit PPR, secrétaire général du PARENA, s’insurgeait au lendemain du vote de la loi le 31 mars, contre « le manque de lucidité de la majorité suiviste qui veut nous amener à  la partition du pays ». En gros, comme le résume le chef de file de l’opposition, Soumaà¯la Cissé, « on va enlever les élus de certaines localités pour les remplacer par les gens désignés par la CMA », situation qui pourrait amener des tensions, voire une reprise des hostilités dans les localités concernées o๠l’à‰tat est absent depuis plus de quatre ans. C’’est justement ce dernier argument que le ministre de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, a utilisé lors d’une interview accordée à  l’Essor, pour expliquer le bien-fondé de cette mesure. « l’autorité intérimaire aura les attributions du conseil dans tous les domaines, sauf celui de contracter des emprunts, de recruter de nouveaux personnels et de prendre des engagements financiers qui ne sont pas inscrits dans le budget de la commune », explique le ministre pour qui, en plus d’entrer dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord d’Alger, les nouvelles dispositions confortent le processus de décentralisation dans lequel le Mali s’est lancé depuis 20 ans et qui fait actuellement l’objet de réformes. Il assure que les préoccupations de l’opposition ont bel et bien été prises en compte puisque contrairement à  sa première mouture, le texte adopté a élargi la possibilité d’installation d’autorités intérimaires à  toutes les collectivités du Mali, et non plus uniquement à  celles des régions du Nord. Les groupes armés ont affirmé leur adhésion et les tractations sont en cours pour l’effectivité de cette mesure, qui a été saluée ce 5 avril par Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint de l’ONU en charge des opérations de maintien de la paix, lors de la présentation à  l’Assemblée générale des Nations unies du rapport de Ban Ki-Moon sur la situation au Mali. Lire entre les lignes ? On est donc tenté de se demander pourquoi cette polémique, qui traduit une certaine inquiétude, ne s’estompe pas malgré toutes les explications. Pour le sociologue et spécialiste du nord du Mali, Naffet Kéà¯ta, « l’annexe 1 de l’Accord de paix, qui porte sur les réformes institutionnelles et politiques, n’indique pas que ces autorités intérimaires doivent jouer le rôle des conseils communaux », ajoutant qu’il est plutôt question d’associer les différentes composantes des communautés à  la gestion, en les incluant par exemple dans un conseil existant. « Leur donner prérogatives de Conseil, C’’est sortir de l’accord », conclut-il. « Au sein de la CMA comme de la Plateforme, la guerre de positionnement a déjà  commencé. Des noms circulent et chaque mouvement entend bien s’assurer une présence confortable au sein de ces instances qui devront diriger les collectivités de Kidal », explique un habitant de la ville. « Même les chefs traditionnels, les religieux, tout le monde est en ébullition ici » poursuit-il. Le Forum, qui s’y est déroulé du 28 au 31 mars devait d’ailleurs sceller les ententes autour du partage du pouvoir de l’accord d’Anéfis. Mais le fait que la CMA s’y soit finalement retrouvée seule, et qu’elle discute désormais avec Bamako pour la mise en place des autorités, n’est pas un bon présage, selon l’analyse de Naffet Kéà¯ta, qui estime que « s’ils ne se sentent plus liés par l’accord d’Anéfis, ce n’est pas une bonne chose pour le processus de paix ». La CMA a en effet posé comme condition à  la tenue d’un nouveau forum avec la Plateforme et le gouvernement, l’installation des autorités intérimaires. On se demande donc comment va se faire la désignation des membres de ces instances, et surtout comment va se passer la cohabitation entre les différentes composantes… Existe-t-il un risque de voir les groupes armés, finalement mettre en œuvre l’accord d’Anéfis et exercer un pouvoir exclusif sur les collectivités concernées, mettant en minorité les représentants de l’à‰tat ? Cette inquiétude est elle aussi balayée par le ministère de la Décentralisation, o๠on estime que « l’accord de paix et le code modifié encadrent bien les prérogatives et que l’objectif de la mise en place de ces collèges transitoires est justement de réinstaller, de manière durable et participative, l’à‰tat dans les zones o๠il est absent ». La durée extensible du mandat de ces autorités est également sujet à  questions, le texte stipulant que le collège intérimaire « restera en place tant que les circonstances l’exigent, jusqu’à  l’installation des nouveaux conseillers »Â… Dès lors qu’ils se partageront le pouvoir local, les groupes armés auront-ils intérêt à  favoriser l’organisation d’élections ? l’opposition n’entend pas en rester là  et demande que le gouvernement ouvre les discussions sur ces mesures, voire retourne à  l’Assemblée pour un réexamen du texte. à€ défaut, « si les conditions de saisine de la Cour constitutionnelle sont réunies, nous allons la saisir. […] La résistance à  cette loi devient un devoir pour tout patriote, tant l’injustice qu’elle crée, la place exorbitante qu’elle donne à  la CMA et à  la Plateforme est inacceptable ». « l’opposition est dans son rôle de critique de l’action gouvernementale. Mais nous devons avancer. Nous avons proposé une formule qui nous permet de le faire et l’Assemblée nous a suivi, C’’est cela l’essentiel », répond encore le secrétaire général du MDRE, qui assure que la détermination des collectivités concernées est en cours. Il s’agira de dresser le constat de la présence effective ou non d’un Conseil de collectivité, et de définir s’il y a lieu de le remplacer par une autorité intérimaire ou pas. « Tout est mis en œuvre pour que cette étape soit franchie dans les plus bref délais », conclut-il.

Iyad Ag Ghali ou la négociation impossible

Au moment des négociations à  Alger, il était clair pour tous qu’aucune discussion n’était possible avec les groupes terroristes qui avaient occupé le septentrion malien de 2012 à  2013. Depuis, l’accord a bien été signé sans eux et le processus de sa mise en œuvre avance tant bien que mal. Mais les attaques terroristes répétées et les menaces hypothèquent ce processus que beaucoup craignent de voir s’enliser. D’o๠les voix de plus en plus nombreuses qui demandent l’inclusion des djihadistes d’origine malienne. Dernière en date, celle de l’Amenokhal (chef traditionnel) de la tribu des Ifoghas de Kidal, Mohamed Ag Intallah. Intégrer les djihadistes maliens dans le processus de paix et de réconciliation équivaut aujourd’hui à  négocier avec Iyad Ag Ghali, Amadou Kouffa et autres. Cette option va à  l’encontre de la position officielle jusque-là  arrêtée aussi bien par le gouvernement, le Président Ibrahim Boubacar Kéà¯ta s’étant d’ailleurs publiquement opposé à  toute forme de négociation avec le chef d’Ançar Dine, que par la communauté internationale. On se souvient que lors de sa visite à  Bamako le 19 février dernier, le Premier ministre français, Manuel Valls, déclarait que l’ancien rebelle était la deuxième cible prioritaire de la force Barkhane, après l’Algérien Moktar Belmoktar, réitérant ainsi l’exclusion de tout dialogue avec les groupes terroristes. Cette option a pourtant ses défenseurs. Au nombre desquels Tiébilé Dramé, président du parti pour la Renaissance nationale (PARENA), ainsi que des leaders religieux qui multiplient les sorties pour que le « cas Iyad » soit posé. « De toutes les façons, tous les conflits finissent par la négociation. Si l’on veut en finir avec cette histoire au nord, et avoir la paix, il vaut mieux parler avec lui et les autres djihadistes maliens », assure l’un d’eux sous anonymat. Les initiatives sont ainsi de plus en plus nombreuses pour plaider cette « cause ». Le ministre de la Réconciliation, Zahabi Ould Sidi Mohamed, lui-même ancien chef rebelle pendant les années 1990, a ainsi déclaré sans citer de nom, qu’il aurait été sollicité pour négocier avec Iyad, l’argument principal étant que les cadres du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad (HCUA), signataire de l’accord, ne sont autres que les anciens lieutenants d’Iyad Ag Ghali. Ouvrir la porte à  celui qui menace aujourd’hui le processus de paix avec des attaques répétées contre les populations et les soldats de l’ONU, ou continuer sans lui au risque de voir le processus s’enliser ? Tel est l’enjeu. Mais si le dialogue avec Ançar Dine venait à  se concrétiser, nombre de questions essentielles demeureraient. La première étant les termes mêmes de la négociation. Jusqu’ici, les ambitions du leader djihadiste sont toujours d’instaurer un à‰tat islamique avec la charia pour règle et rien ne porte à  croire qu’il y ait renoncé. Sans compter qu’on lui prête d’autres activités telles que le trafic de drogue, qui ne saurait s’accommoder d’un retour d’un à‰tat fort dans le septentrion. Alors, si inviter Iyad dans l’accord peut aider au retour de la sérénité, en particulier dans la région de Kidal, le prix qu’il pourrait réclamer, la paix contre la charia, risque fort de rendre la transaction impossible.

Vers un fédéralisme qui ne dit pas son nom ?

L’accord de paix, signé en mai et juin derniers, préfigure les bases d’un nouveau système administratif et politique au Mali. Un cadre de la CMA, sous anonymat, a confié à Journal du Mali, son point de vue et sa vision pour l’avenir de la nation.

Au Mali, pays démocratique, certaines populations du nord se sentent éloignées du gouvernement central et de la conception d’État nation. Depuis longtemps, le pays est confronté à des problèmes régionaux. « Le problème du Nord et du Mali de façon générale est très mal cerné par les gens et par les responsables administratifs et politiques. On est dans une telle situation qu’il faut refonder l’État malien. C’est révélé dans l’accord. Il faut que l’on dépasse cette mentalité malienne qui pense que l’État est au cœur de tout, du départ à l’arrivée », explique ce cadre de la CMA. Selon lui, le peuple de l’Azawad (terme non géographique qui désigne l’ensemble des régions du Nord Mali, NDLR), ne pourrait se reconnaître dans un État centralisateur et dirigé par un homme : « il faut partager le pouvoir dans toute sa nature, dans toute sa complexité et dans toute sa projection. Il faut donner aux peuples du nord un intérêt à être Malien », affirme-t-il.

Après des revendications intégratrices, puis indépendantistes, la solution d’un État fédéral avec une certaine autonomie des régions du nord, semble la plus viable à son mouvement. « Nous sommes arrivés à un compromis. Un compromis, c’est renoncer à quelque chose pour pouvoir sauver l’essentiel. Le Mali doit renoncer à des choses pour pouvoir se sauver lui-même. Si ça ne marche pas avec la structure de l’État actuel, c’est que l’État est défaillant. Il faut donc le réformer, le refonder. La seule solution, pour le Mali, c’est le fédéralisme, c’est ce qui va sauver ce pays, sinon il sera divisé en plusieurs morceaux », conclut-il.

L’accord de paix vise à prendre en compte les intérêts des uns et des autres via des dispositions non contraignantes et acceptées par tous. Pour les anciens rebelles, cet accord positif semble, en quelque sorte, être le préambule d’une réflexion plus profonde à mener sur l’organisation politique du Mali et la prise en compte nécessaire des différentes populations qui le peuplent. La question est donc posée: pour garantir l’unité, ou au moins une réelle cohabitation, le fédéralisme est-il la solution ? Si oui, est-ce vraiment la dernière étape ?

 

Sidi Brahim Ould Sidati : « Après l’Accord, nous devons développer un sentiment national plus fort »

Peu connu du public jusqu’au 20 juin 2015, Sidi Brahim Ould Sidati, originaire de Tombouctou, est le Secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Ex-maire de la commune rurale de Ber (région de Tombouctou), il a, au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signé l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Cet enseignant de formation revient dans cette interview exclusive réalisée le 10 janvier à Bamako, sur les conditions de mise en œuvre du texte. Audelà des divergences supposées ou réelles au sein de la CMA, le combat d’Ould Sidati, qui participe aux travaux du Comité de suivi de l’accord (CSA), serait avant tout celui de l’unité des populations du Nord, envers qui le Mali n’aurait pas toujours été tendre.

Journal du Mali : Huit mois après la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, quelle appréciation faîtes-vous de la mise en œuvre du texte, vous qui repré- sentez la CMA au sein du Comité de suivi de l’Accord ?

Sidi Brahim Ould Sidati : Il y a eu deux phases après la signature de l’accord. Trois premiers mois tendus avec des affrontements sur le terrain et un doute réel quant à sa mise en application. Cet état de fait a duré jusqu’en octobre 2015. Après la rencontre d’Anéfis, les lignes ont commencé à bouger. Pour moi, il y a clairement un avant et un après Anéfis. Après ces discussions, on a vu les différentes commissions travailler et réaliser des avancées sur les textes législatifs. Ces avancées ne sont certes pas visibles sur le terrain, mais c’est un début de mise en œuvre.

Cette mise en œuvre avance-t-elle au bon rythme ? N’est-elle pas un peu lente et pour quelles raisons ?

Nous n’avons pas encore une action physique, visible sur le terrain qui permet de dire que la mise en œuvre de l’accord avance. Des actions qui impacteraient sur le quotidien des populations. Au début, il n’existait pas de confiance entre parties signataires, ce qui a retardé les choses, et certains avaient même voulu remettre l’accord en cause.

Vous parlez de confiance. Existe-t-elle désormais au sein du comité de suivi après la phase critique ?

Il est difficile de construire une confiance lorsqu’on a peur. Il y a des mesures de confiance telles que la libération des prisonniers rebelles. Il y a bien sûr moins de tiraillement aujourd’hui dans le comité de suivi. Cette confiance, à mon humble avis, s’installe peu à peu. Mais pour l’heure, on ne peut pas dire qu’elle est définitive.

Vous avez eu à suspendre votre participation au comité de suivi de l’accord. Tout cela est-il derrière vous ?

On a voulu suspendre effectivement pour voir s’il y avait vraiment un accord ou pas, et un changement dans les comportements des parties. Il n’était pas possible de poursuivre avec l’avancée des troupes sur Anéfis. Après les discussions, les choses sont revenues au bon point de départ, avec l’arrêt des hostilités sous l’œil de la médiation.

Êtes-vous satisfait quant à la sécurisation des biens et des personnes sur le terrain ?

La majorité des prisonniers a été libérée, même s’il demeure des exceptions que nous traitons. Il faut bien sûr plus d’actions sur le terrain, comme la prise en charge de combattants pour sécuriser le Nord et éviter les troubles. Néanmoins, l’arrêt des hostilités est effectif. La Plateforme et la CMA parlent aujourd’hui de la même voix. Nous faisons même des communiqués conjoints. Ce qui permet de faire avancer le processus. L’accord prévoit en outre des autorités de transition pour permettre cette ré-administration, et le retour des réfugiés. On a tenté d’ouvrir les écoles à Kidal, mais il n’y a pas d’autorité à Kidal. Or, il faut des pouvoirs mixtes pour exécuter tout cela. Beaucoup reste à faire.

Est-il vrai qu’il existe, au sein de la CMA, un antagonisme entre le MNLA et le HCUA ?

Je crois qu’une confusion existe. Pour rappel, le HCUA faisait partie d’Ansar Dine et a rompu avec lui, pour divergences de vues. Et à chaque fois qu’il y a eu un problème entre le MNLA et Ansar Dine, on l’a mis au compte du HCUA, qui est aujourd’hui membre de la CMA. Pour moi, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux mouvements.

Que pensez-vous de l’attaque récente sur plusieurs éléments du MNLA, et revendiquée par Ansar Dine ? Cela vous inquiète-t-il ?

C’est justement ce problème récurrent entre le MNLA et Ansar Dine qui persiste. Vous savez, il y a aujourd’hui ceux qui sont contre l’Accord et le mettent en péril. Ils ont un objectif commun, celui de faire échouer le processus de paix.

Revenons sur le MNLA, on l’accuse de jouer un jeu solitaire. Notamment sur la nomination de Madame Nina Wallett Intalou au sein de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et sans consultation des autres mouvements de la CMA ?

Il n’y a pas de crise entre les mouvements de la CMA. Je le répète. Le problème vient d’Ansar Dine, qui est pour l’application de la charia. Je vous l’ai dit, certains membres du HCUA ont quitté ce mouvement. Par ailleurs, le MNLA ne fait pas cavalier seul. Il fait partie d’un ensemble qu’est la CMA. Quant à la nomination de Madame Intalou, elle a été proposée par la commission. Nous, nous n’étions pas d’accord sur le nombre de personnes représentées au sein de la CVJR, qui était de 2, au lieu de 5. Entretemps, trois personnes ont été nommées. Le problème est réglé.

Est-ce que la CVJR a réellement des marges de manœuvre ?

La commission n’est pas un outil de l’accord. Elle s’est faite avant l’accord. Nous avions demandé des modifications, car si elle ne dépend que d’un ministère, cela n’a pas de sens. Il faut lui donner une certaine liberté avec un ancrage qui lui permet de dire sa vérité. Dans sa forme actuelle, ce n’est pas la vision de la CMA.

Que pensez-vous de l’influence négative d’Iyad Ag Ghaly sur le processus de paix ? Est-elle réelle selon vous ?

Pour moi, le problème ne vient pas d’Iyad seul. Il y en a d’autres comme Amadou Koufa, du Front de libération du Macina. Ce sont des personnalités qui ont une autorité certaine sur les populations locales, et qui étaient là bien avant l’accord. Donc, ne peut nier cette équation. Maintenant, tout dépend de la vitesse d’exécution de l’accord. Plus on tarde, plus ils gagnent en influence, mais plus nous accélérons, plus leurs marges de manœuvre sont réduites et ils seront isolés.

Iyad Ag Ghaly continue pourtant de rallier à sa cause autour de Kidal et ailleurs. La paix est-elle possible et durable sans Iyad ?

Encore une fois, tout va dépendre de la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, c’est vrai, il est dans une logique de ratisser le plus largement possible. Mais l’accord doit permettre de contenir ces gens, ces velléités. Et si demain, on devait né- gocier, ce serait sur des choses isolées. Il nous faut accélérer le processus.

Parlons du MAA, votre mouvement, qui a deux branches. L’une plus proche du gouvernement, l’autre dissidente proche du MNLA et plus radicale ?

Cet état de fait existe depuis l’accord de Ouagadougou. Nous sommes restés proches du HCUA et aussi du MNLA depuis trois ans, avec les mêmes revendications politiques et organisations militaires sur le terrain. Mais il n’y a plus de différences, puisque nous sommes tous réunis au sein de la CMA et cela dans un seul objectif, appliquer l’accord de paix. Idem entre nous, le gouvernement et la Plateforme.

À propos de la Plateforme, Maître Toureh, son représentant, déplorait une inertie du gouvernement. Les autorités tiennent-elles leurs promesses ?

Je pense qu’il y a une nette amélioration depuis un mois et demi. Une évolution certaine du gouvernement quant à l’application de l’accord et des textes législatifs qui le régissent, comme par exemple le processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) ou encore, la mise en place des outils de transition. L’accord prévoit ces textes et même la révision de la Constitution, nécessaire pour mettre certaines dispositions en place.

Justement, tout ceci pourrait rallonger davantage la période transitoire…

Tout cela fait partie de l’accord. Ce sont des phases. Cela dit, la prise en charge des combattants est par exemple une chose qui urge. Les textes doivent être accélérés. Il nous faut reconstituer une armée capable de sécuriser les personnes. Ramener les réfugiés, rouvrir les écoles, des urgences qui ne doivent plus attendre, avant toute idée d’élections. Maintenant qu’on a signé cet accord, nous devons développer un nationalisme plus fort et éviter les tiraillements du passé. C’est un changement de comportement, de mentalité. Aussi bien pour la majorité que pour l’opposition. Tout le monde est concerné.

Sur la prise en charge des combattants, la MINUSMA attend la liste des personnes devant être cantonnées. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est dû au manque de confiance. Nous n’en sommes pas à notre premier coup d’essai, beaucoup d’accords ont été signés au Mali. Aujourd’hui, les gens ne veulent pas fournir une liste, se livrer, tant qu’ils n’ont pas la garantie que leurs revendications politiques seront prises en compte. Elles concernent évidemment le nord et l’Azawad. Ceci dit, à partir du moment où l’on connaît les sites de cantonnement, nous avons donné un chiffre de 600 hommes par site. En fonction de la prise en charge de ces combattants, nous donnerons les listes et nous pourrons avancer dans le processus. Vous savez, il est difficile de regrouper des gens qui sont dispersés dans un rayon très vaste.

Un délai est prévu pour mi janvier ? Est-ce réalisable ?

Les textes sont déjà faits. On s’entend sur la méthode et les quotas. J’estime qu’autour du 20 janvier, on sera dans la bonne démarche.

Sur un tout autre plan, un remaniement ministériel s’annonce. La Plateforme a un représentant depuis le dernier réaménagement. La CMA espère-t-elle encore faire partie d’un nouveau gouvernement, comme en juin ?

Lorsqu’on a signé cet accord, il y avait des priorités à régler avant de penser à intégrer le gouvernement. Par ordre, la libération de nos prisonniers, la prise en charge de nos combattants, la mise en place d’autorités de transition, etc. Après tout cela, on pourra penser à une éventuelle participation au gouvernement.

Est-ce que la nomination d’une personnalité du Nord au poste de Premier ministre pourrait faire avancer plus vite le processus et donner un signal fort ? Vous aviez auparavant demandé des postes clés…

Nous avons d’abord un timing à exécuter. L’entrée au gouvernement n’est pas notre priorité du moment. L’actuel Premier ministre est d’ailleurs un homme d’une grande sagesse. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes ou du président IBK, mais d’une volonté nationale afin que les gens aillent vers cette unité nationale. La fissure était grande et la solution demande un grand effort national.

La MINUSMA est au Mali depuis plus de deux ans. Comment jugez-vous son action ? Que peut-on attendre de l’arrivée de Mahamat Saleh Annadif, nouveau chef de la Mission ?

Faire sans la MINUSMA n’a pas de sens, puisque les Maliens ont accepté sa présence. C’est aussi aux parties maliennes de dégager une feuille de route claire quant à leurs attentes sur le rôle que doit jouer la MINUSMA pour sécuriser. Mais la paix, ce sont d’abord les Maliens qui la feront, avec une vision et une stratégie commune. Monsieur Annadif ? On lui souhaite du succès, évidemment. Il est nouveau, il lui faudra sans doute un temps de compréhension et d’adaptation au contexte et aux Maliens. Son prédécesseur Mongi Hamdi avait déjà intégré beaucoup de choses en un an.

Vous avez déclaré que l’attentat du Radisson visait l’accord de paix. Faut-il craindre d’autres actes ?

Les Maliens doivent apprendre à vivre avec le terrorisme et rester vigilants. Le danger est constant et permanent. On ne doit pas s’arrêter à dix jours de mobilisation pour laisser les choses s’essouffler. L’état d’urgence doit permettre une capacité de réaction plus rapide, des fouilles systématiques, ce qui demande des moyens et des dispositions juridiques efficaces.

L’état d’urgence s’applique-t-il au Nord?

L’état d’urgence s’applique là où il y a un État, ce qui n’est pas le cas au nord du Mali. Quand il n’y a pas d’État, pas d’état d’urgence donc…

Les fonds qui doivent être alloués au Nord, environ 300 milliards, sont-ils un élément fondamental pour enclencher le développement ?

On ne peut faire une paix sans ressources. Mais l’essentiel n’est pas dans l’argent. Plutôt dans le fait de comprendre qu’on doit travailler ensemble pour la paix, avant tout développement. Les différentes agences et les fonds de développement, on le sait, ont plus permis de construire des villas à Bamako que de développer le Nord. Ne tombons pas dans les mêmes erreurs.

Mais à long terme ?

Au Mali, les régions du nord repré- sentent les deux tiers du pays. Pour les politiques nationales de développement, d’éducation ou de santé, on a toujours regardé le facteur démographique. Dans 1/3 du pays (sud et centre) vous avez 90 % de la population qui vit et bénéficie de ces politiques. Imaginez que pour avoir un Centre de santé communautaire (CESCOM) au nord, il faut au minimum 5 000 personnes, ce qui exclut d’office de nombreuses localités dans le nord. L’État, c’est avant tout un contrat social avec les populations, et lorsque ce contrat n’est pas rempli, l’appartenance à l’État est difficile. J’ai été enseignant pendant 12 ans à Bamako. En discutant avec les populations au nord, j’ai compris qu’elles n’avaient aucun attachement à l’État malien. Dans l’accord, il y a la création du Sénat, avec une représentativité liée au territoire et non plus seulement au facteur démographique pour créer un réel partage du pouvoir. Si au sud vous avez 5 régions, pour le Nord qui représente les 2/3 du territoire, il faudrait en créer 15.

Pour finir, que souhaitez-vous pour la nouvelle année 2016 ?

Que les choses aillent plus vite. Que ce texte trouve son application réelle. Évidemment, je souhaite plus de paix pour les Maliens et que l’on puisse se mettre ensemble et au dessus de tous ceux qui sont contre cet accord de paix.

 

 

Futur gouvernement : à l’image de l’accord de paix ?

Remaniement, nouveau réajustement ? Une chose semble être sure, l’équipe de Modibo Keà¯ta va changer de configuration. Ce dernier, maintes fois annoncé sur le départ, pourrait rempiler avec un nouvel effectif, qui verrait l’inclusion de représentants des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Un gouvernement d’ouverture qui répondrait ainsi à  l’une des clauses non écrites dudit accord, et devrait être une avancée significative dans le processus de paix, en contribuant à  l’apaisement, après de longs mois d’affrontements armés. Le président Ibrahim Boubacar Keà¯ta a clos le débat sur l’éventuel départ de son Premier ministre dans une interview récemment accordée à  l’hebdomadaire Jeune Afrique. « Modibo Keà¯ta reste et demeure à  son poste, du moins pour le moment ». Finies donc les rumeurs sur cette question ? Pas si sûr, si l’on en croit un cadre de la Convention de la majorité présidentielle (CMP). « Le départ du Premier ministre Modibo Keà¯ta est imminent. La Primature doit revenir au parti présidentiel (Rassemblement pour le Mali – RPM, ndlr), qui a la majorité absolue avec 76 députés à  l’Assemblée nationale. IBK doit s’assumer ». s’il devait y avoir un nouveau Premier ministre, deviner le nom de ce dernier n’est cependant pas si évident, tant personne ne semble s’imposer. Parmi les plus cités : le numéro 2 du gouvernement, Bocary Treta, ministre du développement rural, et non moins secrétaire général du RPM, et d’autres ministres, Mamadou Igor Diarra, en charge de l’économie, ou encore Mohamed Ag Erlaf, à  la décentralisation. Quid de l’opposition ? C’’est une fin de non recevoir qui sera opposée à  une quelconque proposition, si l’on en croit le groupe Vigilance républicaine et démocratique (VRD), qui regroupe les députés d’opposition présents à  l’Assemblée nationale. Son président, l’honorable Seydou Diawara est catégorique, « nous avons opté pour l’opposition nous y resterons. Nous n’avons pas été consulté par rapport à  cette question, qui n’est pas même à  l’ordre du jour ». La nomenclature du futur gouvernement? Les portefeuilles clés resteraient intacts, il ne devrait pas y avoir de scission comme lors du réajustement de septembre dernier. La vraie question est de savoir quand le changement interviendra t-il. Après la récente interview d’IBK, il est probable qu’il faudra encore patienter quelques semaines, voire plusieurs mois… Modibo FOFANA

Tiébilé Dramé : « Pour les signataires, l’Accord de Paix est en péril… »

Journal du Mali l’Hebdo : Aujourd’hui, beaucoup de voix s’accordent à  dire que l’Accord de paix est en danger, pour quelles raisons ? Tiébilé Dramé : Ce sont des signataires de l’Accord qui ont dit que « l’Accord était en péril ». Ils parlent en connaissance de cause. Il faut les écouter. Pour notre part, nous faisons le constat d’une dégradation inquiétante de la situation sécuritaire générale du pays, due à  la recrudescence des activités de divers groupes djihadistes qui font peser de sérieuses menaces sur l’avenir du pays. Vous appelez à  la tenue de la Conférence nationale d’entente (CNE) et à  un consensus opposition-majorité. Pensez-vous que le timing est le bon ? L’idée de conférence d’entente nationale est contenue dans l’Accord. Ce n’est pas une invention du PARENA. Nous avons invité le Gouvernement à  sortir de l’immobilisme et à  respecter les engagements qu’il a lui même pris au nom du pays. Par ailleurs, je ne prône pas le consensus comme on l’a connu dans ce pays. En revanche, dans les circonstances particulièrement difficiles que le pays traverse (menaces terroristes, enlisement du processus de paix), toutes ses filles et tous ses fils doivent se donner la main pour sauver la maison commune. On vous considère désormais comme l’une des voix actives de l’opposition malienne et qui critique régulièrement le pouvoir actuel. Fort heureusement, l’opposition républicaine dispose de plusieurs « voix actives » fortes qui défendent le peuple contre les dérives en tous genres des maà®tres du pays, expriment ses aspirations à  la paix, à  la bonne gouvernance et qui rappellent au Président et à  ses hommes qu’ils ne sont pas les propriétaires du Mali, et qu’ils n’ont qu’un bail de cinq ans qui arrivera à  son terme dans deux ans et demi. Quelles solutions proposez-vous pour sortir le Mali de l’ornière, puisque, dans un passé récent, vous avez été négociateur de l’Accord de Ouagadougou ? Il faut aller vite à  la conférence d’entente nationale, élargir son objet à  la gouvernance du pays et à  la refondation des institutions, et ouvrir la période intérimaire, elle aussi, prévue par l’Accord d’Alger, mettre en œuvre les réformes décidées de commun accord. Repartir de bon pied en ayant tiré les enseignements de l’effondrement du Mali en 2012. C’est à  cette condition qu’on sortira de l’ornière. Que pensez-vous de la situation sécuritaire actuelle, après l’attentat de l’hôtel Radisson ? L’attaque contre le Radisson est le 98ème incident de sécurité survenu au Mali depuis le 1er janvier 2015. Quelques 350 personnes sont mortes au Mali au cours des onze derniers mois. Il faut se réveiller et prendre la juste mesure de la gravité de la situation. La sécurité ne saurait être détachée de la gouvernance générale du pays. Le président de la République doit humblement regarder la réalité et changer de cap. C’est cela qui rassurera les Maliens. Pas les discours lénifiants d’auto-congratulation.

Les femmes, socles de la Paix

Présent au Mali depuis juin 2011, le Centre pour le Dialogue Humanitaire (HD)dont la mission est de prévenir les conflits armés, œuvre depuis quatre ans au Mali pour la reconstruction d’un Mali un et indivisible. Durant les quelques mois qui ont précédé la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, le HD a organisé maintes activités en collaboration avec le gouvernement du Mali afin de faciliter la compréhension uniforme du contenu de cet accord. Ce mois de décembre 2015, le Hd revient à  la charge à  travers la mise en place d’un atelier de formation de la presse nationale venue de toutes les régions du Mali sur la bonne compréhension de l’accord pour la Paix et la réconciliation. Cet atelier qui a duré trois jours a pris fin mercredi 16 décembre à  la maison de la presse de Bamako. Par ailleurs, le ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Mme Sangaré Oumou Bah a présidé hier à  l’école de maintient de la Paix, l’ouverture de l’atelier de deux jours dénommé, inclusion des femmes dans le processus de paix au Mali. Pour Sidibe Abdel Kader, représentant du Hd, son ONG a essentiellement focalisé ses actions sur la facilitation du dialogue inter-communautaire, alors que le nord du Mali était encore sous occupation. Du 16 au 17 décembre, les participantes devront réfléchir sur le rôle et la place des femmes maliennes dans la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Ce sera également l’occasion de proposer des actions concrètes visant à  favoriser la réconciliation nationale car dira une participante la femme est le socle de la Paix et de la cohésion nationale. Le ministre rappellera que la situation des femmes en période de crise mérite qu’on y prête beaucoup d’attention avant de remercier les unes et les autres d’avoir accepté de prendre part à  cet atelier. Au Mali, les femmes ont considérablement avancées dans les fonctions électives. Un aspect à  ne surtout pas minimiser.

Accord de paix: un guide pour faciliter sa compréhension

Après le processus d’Alger de négociation entre le gouvernement et les mouvements armés, le Mali dispose depuis le 20 juin 2015 d’un accord pour la paix et la Réconciliation, date à  laquelle la première étape du 15 mai à  Bamako a été parachevée. Alors même que sa mise en œuvre rencontre encore aujourd’hui quelques difficultés, les plus hautes autorités en l’occurrence le ministère de la Réconciliation Nationale à  travers le secrétariat permanent du comité national a organisé le samedi 12 décembre dernier au Grand Hôtel de Bamako un atelier de partage sur le guide méthodologique de formation sur le contenu de l’accord pour la paix et la Réconciliation. La cérémonie de lancement a été présidée par le ministre de la Paix et de la Réconciliation, Sidi Ould Zahabi en présence de toutes les parties prenantes à  l’accord de Paix et de Réconciliation. Pour LASSINE Bouaré, président du secrétariat permanent du comité national, ce guide permettra à  tous les maliens de toutes les régions du Mali de comprendre d’une seul façon le contenu de l’accord de paix. Financé par la coopération allemande à  travers la GIZ, ce guide est un outil de dissémination qui vise à  aller directement à  l’information des différents titres de l’accord de paix tout en évitant les interprétations. Présent à  cet atelier, Djeri Maiga, représentant de la CMA félicitera à  l’entame de son allocution le ministère de la Réconciliation Nationale pour ses efforts consentis avant de mentionner qu’il aurait été conseillé de leur associer à  l’élaboration de ce guide soumis à  approbation. Le ministre quant à  lui assurera toutes les parties que désormais aucune rencontre avec les communautés ne se fera sans que soit associé au paravent un responsable de chaque partie.L’échec du Mali est l’échec de tous, a-t-il conclu.

Processus de paix : nouvelle donne ?

Après avoir annoncé leur retour au sein du Comité de suivi de l’accord (CSA) le 29 septembre, les responsables de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les membres de la Plateforme ont publié un autre communiqué, conjoint cette fois, et qui allait à  contresens du communiqué précédent. Raison invoquée, « l’intrusion de nouveaux acteurs dans le processus de mise en œuvre de l’accord », et qui les motive à  suspendre leur participation aux travaux des sous comités thématiques, jusqu’à  ce que le CSA, en accord avec la médiation Internationale, clarifie la situation concernant ces nouveaux acteurs ». Signé d’Ambéry Ag Rhissa, connu pour être un membre influent du MNLA et d’Ibrahim Diallo, ce communiqué dénote d’une volonté de certains mouvements de gagner du temps. Tout se joue en effet autour de la localité stratégique d’Anefis, o๠des éléments armés, d’un côté comme de l’autre, font évaluer le rapport de force, au grand dam des populations, que doivent sécuriser les forces de la MINUSMA. Si une délégation ministérielle s’est récemment rendue à  Anefis pour tenter de relancer le processus, les efforts déployés par Bamako restent freinés par une minorité de mouvements réfractaires à  la paix. Côté plateforme, on fait preuve de plus de bonne volonté surtout après l’entrée au sein gouvernement de l’un de leurs représentants, en la personne de Samba Diallo, chargé du portefeuille de l’Aménagement du territoire et de la population. l’absence d’anciens rebelles pourrait même gripper le processus à  nouveau. Nouvel acte Face aux blocages, l’échange de prisonniers, qui a eu lieu entre le gouvernement et la CMA la semaine dernière, vise à  instaurer un nouveau climat de confiance. Bamako a en effet relâché une trentaine de rebelles, et la CMA, seize militaires maliens. Cet épisode fait croire à  une avancée : « on peut penser que l’échange de prisonniers constitue une preuve de bonne foi, puisqu’on ne peut gagner la paix en gardant les prisonniers. Mais es groupes armés sont comme les membres d’une famille avec des intérêts divergents… », résume ce cadre de l’administration, originaire de Gao. En attendant, on annonce une nouvelle rencontre entre groupes rebelles en fin de semaine, pour discuter du plan de cantonnement, avec des propositions de sites à  la clé. « Un processus dans lequel chaque mouvement aura à  C’œur de placer ses hommes, et parmi lesquels figurent des trafiquants, combattants, déserteurs, braqueurs, bandits armés, etc.», poursuit notre interlocuteur. Malgré tout, les groupes signataires de l’Accord de paix sembleraient être revenus à  de meilleures intentions. Faut-il leur faire confiance ?

Accords de paix: Les jeunes s’impliquent dans sa mise en œuvre

Quel rôle et place pour la jeunesse malienne dans le processus de réconciliation et la mise en œuvre de l’accord de paix? C’est pour répondre à  cette question que le centre pour le dialogue humanitaire en partenariat avec le Conseil National de la Jeunesse (CNJ) et le soutient de l’ambassade de Danemark au Mali a organisé un atelier de formation et d’explication de l’accord de paix issu du processus d’Alger. Prévu pour trois jours (30 septembre au 2 octobre) cet atelier qui se déroule depuis hier a réuni plusieurs jeunes venus de toutes les régions du Mali. Après les séries de rencontres organisées par le centre de Dialogue humanitaire entre février et juin 2015 qui a permis de présenter d’une part l’accord de paix et d’autre part de permettre aux jeunes de comprendre les principaux enjeux afin d’engager une réflexion sur leur implication dans sa mise en œuvre, l’heure est donc au démarrage d’une nouvelle dynamique, celle de la jeune, a témoigné Guliano Vascotto, chef de mission adjoint du centre pour le dialogue humanitaire, lors de la cérémonie d’ouverture de l’atelier ce matin à  l’école de maintient de la Paix. Dans le cadre de cet atelier, il s’agira de faire le point sur les différents organes qui seront mis en place pour permettre à  l’accord d’être effectif autour de ses principaux piliers. L’honorable Amadou Thiam, député à  l’Assemblée Nationale reconnaitra dans son allocution que le rôle important joué par les aà®nés qui ont posé les jalons de cet accord avant d’insister que le conduit à  bien appartient à  la jeunesse, l’avenir de la nation. Présent depuis septembre 2014 dans les discussions à  travers les organisations de la société civile, les jeunes ont sans nul doute leur part de responsabilité dans la mise en œuvre de cet accord, a réitère Zeà¯nab Mouleye, chef de cabinet du ministre de la Réconciliation nationale. Durant trois jours, les participants devront avec l’aide des experts tels que Ousmane Sy, développer des stratégies en terme de communication pour permettre à  l’ensemble de la jeunesse malienne de rester informée des progrès réalisés. Ils devront à  la fin de cet atelier formuler des propositions visant à  créer des passerelles entre les autorités et les organisations de la jeunesse. Les principaux piliers de l’Accord de paix. Il en existe quatre qui sont les questions: Politiques et institutionnelles Défense et sécurité Développement socio économique et Culturel Réconciliation justice et humanitaire.

Processus de paix au Mali : les femmes leaders montent au créneau

Les femmes du Mali ont toujours été à  l’avant-garde de tous les combats: de l’avènement de la démocratie en 1991 en passant par le retour à  l’ordre constitutionnel normal suite à  la crise de 2012. Aujourd’hui, la Plateforme des femmes leaders du Mali a dénoncé la faible représentation des femmes aux pourparlers d’Alger et demande une implication dans le comité de suivi de l’Accord.Elles l’on fait savoir le 27 juillet à  la maison de la Presse lors d’une conférence de presse animées entre autres par la présidente de la Plateforme, Mme Doumbia Mama Koité et Oumou Sall Seck, maire de la commune de Goumdam. Plusieurs organisations féminines et une forte délégation des femmes de Kidal étaient aussi présentes. Le constat est parti du fait que les femmes sont peu représentées dans les instances de décision pour le processus de paix. Or, selon la présidente de la Plateforme, Mme Doumbia Mama Koité, ce sont les femmes et les filles qui ont été les victimes de la crise. « Aujourd’hui, il n’y a pas de femme au comité de suivi de l’Accord de paix. Alors qu’il ne peut y avoir de paix sans les femmes. », a-t-elle dit. Mme Doumbia dira que les femmes sont déterminées à  aller de l’avant et à  prendre leur place dans le processus de paix car, a-t-elle poursuivi, cette place ne leur sera pas donnée sur un plateau d’or. A cet effet, la présidente a remercié ONU Femmes et la Minusma pour leur soutien constant. Dans une déclaration adressée aux autorités et aux partenaires financiers, la Plateforme demande l’implication à  50% des femmes dans la commission Vérité Justice et Réconciliation, l’allocation de 30 % des revenus issus de l’exploitation rétrocédée par l’Etat aux collectivités territoriales et 30 % des ressources naturelles notamment les ressources minières aux femmes. Elle demande aussi l’accompagnement et le soutien constant des partenaires techniques et financiers jusqu’à  l’instauration d’une paix définitive et durable. La Plateforme plaide aussi pour la mise en place d’un fonds de développement économique et socioculturel pour les femmes restées dans le Nord, e celles déplacées. Créée en juin 2014, la Plateforme veut faire contribuer les femmes au processus de paix et cette contribution n’est possible que lorsqu’elles ont accès aux instances de décisions.

Eclairage : La paix des dupes

Ces derniers tiennent à  leur Azawad. Ils veulent la reconnaissance de l’Azawad en tant qu’entité géographique et territoriale autrement dit une grosse calvitie sur la tête du Mali. Le gouvernement dit être de bonne foi en avalisant les amendements de la CMA. Le président de la république promet de ne pas abuser ses interlocuteurs. La plateforme s’engage à  aider la république à  parvenir à  une paix durable voire définitive. La CMA s’érige en faiseur de paix. Beau tableau ! Sur le terrain, la réalité sera autre puisque la CMA exige deux préalables : d’abord la récupération de ses positions à  Ménaka donc le retour au statu quo avant le cessez-le feu du 23 mai et la reconnaissance de l’entité Azawad. La première exigence est un point d’honneur non négociable avant toute tentative d’application des accords de Bamako. Djeri Maiga assimile la satisfaction de cette exigence au pansement d’une « humiliation subie par les peuples de l’Azawad ». La deuxième exigence est un couteau à  double tranchant d’autant que la satisfaire C’’est institutionnaliser l’Azawad et la rejeter serait la manifestation d’une mauvaise volonté de l’Etat sur la route de la paix. Que faire ? Le calendrier de travail du comité de suivi reste suspendu à  la satisfaction des deux préalables précités comme quoi « la signature n’est pas la paix et la paix totale dépend de ces deux préalables » qui ne divisent pas le Mali selon le vice –président du Mnla ! De qui se moque-t-on ?