Gambie: arrivée du président Barrow à Banjul

Le nouveau président gambien Adama Barrow, accueilli au Sénégal voisin depuis le 15 janvier, est arrivé jeudi à Banjul vers 17H00 (locales et GMT), acclamé par une foule en liesse, ont constaté des journalistes de l’AFP.Parmi l’assistance venue attendre son arrivée, sous la surveillance de militaires sénégalais et nigérians cagoulés et lourdement armés, et d’un détachement de soldats gambiens, figurait la vice-présidente Fatoumata Jallow Tambajang.M. Barrow, en chéchia et tunique blanches, est descendu d’un avion militaire sénégalais portant l’emblème de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), accompagné par ses deux épouses et plusieurs de ses enfants.

A l’aéroport de Banjul, une foule était massée depuis le début de l’après-midi pour lui réserver un accueil triomphal, avec des groupes de danseurs et de joueurs de tambour.

Accueilli au Sénégal depuis le 15 janvier à la demande de la Cédéao, qui craignait pour lui tant que son prédécesseur Yahya Jammeh refusait de quitter le pouvoir, M. Barrow différait son retour, invoquant des inquiétudes pour sa sécurité.

Vainqueur de l’élection du 1er décembre face à Yahya Jammeh – qui avait initialement reconnu sa défaite avant de se raviser le 9 décembre – Adama Barrow a prêté serment le 19 janvier à l’ambassade de Gambie à Dakar.

Peu après, la Cédéao lançait une opération pour forcer au départ M. Jammeh, qui a finalement quitté le pays le soir du 21 janvier pour être accueilli par la Guinée équatoriale.

Depuis sa prestation de serment, M. Barrow n’était plus apparu en public.

Intervention militaire en Gambie pour installer le nouveau président Adama Barrow

Les troupes sénégalaises sont entrées le 19 janvier en Gambie, avec l’aval du conseil de sécurité de l’ONU pour soutenir le nouveau président gambien Adama Barrow dans sa confrontation avec Yahya Jammeh, qui refuse de démissionner.

«Nous sommes entrés en Gambie», a déclaré le Colonel Abdou Ndiaye à l’agence Reuters. Les troupes sénégalaises déployées aux frontières avec la Gambie en vue d’une opération ouest-africaine pour contraindre Yahya Jammeh à céder le pouvoir au nouveau président Adama Barrow sont entrées sur le sol gambien dans l’après-midi [19 janvier], a annoncé le porte-parole de l’armée.

Des coups de feu étaient entendus jeudi après-midi en Casamance, dans le sud du Sénégal, en provenance de plusieurs villages proches de la frontière gambienne, selon un correspondant de l’AFP.

Des accrochages ont également eu lieu entre des soldats sénégalais et des rebelles présumés du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) dans d’autres villages de la région, ont indiqué des témoins à l’AFP. Le MFDC, qui se bat depuis 1982 pour l’indépendance de la Casamance est réputé favorable au régime du président Jammeh.

Le début des opérations militaires en Gambie a été annoncé peu près la fin de la prestation de serment à l’ambassade de Gambie à Dakar du nouveau président gambien Adama Barrow, et le vote unanime du Conseil de sécurité de l’ONU appuyant les initiatives de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).

La Cédéao (15 Etats), qui presse M. Jammeh de quitter le pouvoir, avait prévenu à plusieurs reprises qu’elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort.

Le Sénégal est appuyé dans les opérations militaires en Gambie par le Nigeria, pays de poids et puissance régionale, qui avait annoncé auparavant que son aviation effectuait jeudi après-midi des vols de reconnaissance au-dessus de Banjul, se disant prêt à imposer la volonté de la Cédéao.

Le Ghana a également annoncé avoir mis 205 militaires à la disposition de la Cédéao.

Yahya Jammeh dirige sans partage depuis 1994 la Gambie, petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest de moins de deux millions d’habitants, enclavé dans le Sénégal à l’exception de sa façade atlantique.

Main de fer

Dans son discours d’investiture, Adama Barrow, élu à la surprise générale lors de la présidentielle du 1er décembre, a salué «un jour qu’aucun Gambien n’oubliera jamais», avant d’appeler les forces armées gambiennes à se rallier à lui, sous peine d’être traités comme des rebelles.

Des scènes de liesse ont éclaté peu après dans les rues de Banjul sans être réprimées par les militaires présents. Le chef d’état-major de l’armée a même été vu célébrant avec les manifestants, semblant indiquer un lâchage de Yahya Jammeh.

Le général Ousman Badjie avait dès la veille laissé entendre qu’il n’entendait pas résister et entraîner ses hommes dans un « combat stupide » autour d’une « dispute politique ».

Imprévisible et accusé de violations des droits de l’homme par de nombreuses ONG internationales, Yahya Jammeh, arrivé au pouvoir en 1994 par un coup d’Etat sans effusion de sang, dirige depuis le pays, qu’il a récemment proclamé «république islamique» d’une main de fer.

Après avoir initialement, et à la stupeur générale, reconnu sa défaite face à Adama Barrow, candidat d’une opposition pour une fois unie, il avait fait volte-face à la suite de la reconnaissance par la commission électorale d’une erreur n’affectant pas le résultat final.

Malgré les pressions internationales et abandonné au fil des jours par sa vice-présidente et plusieurs de ses ministres, il s’est obstiné à demeurer en place tant que la justice n’aurait pas statué sur ses recours électoraux.

Le risque de troubles a poussé de nombreux Gambiens, résidents étrangers et touristes à quitter le pays. Selon les agences de l’ONU, quelque 25 000 personnes, dont une moitié d’enfants, en sont partis depuis le début de la crise.

Mercredi, le président mauritanien Mohamed Abdel Aziz avait tenté une médiation de la dernière chance à Banjul, mais selon des sources proches du dossier, lors de ces entretiens Yahya Jammeh a exigé l’annulation de l’investiture de Adama Barrow à Dakar et la levée de toute menace d’intervention extérieure, deux conditions rejetées de facto.

Il n’était pas clair jeudi soir où se trouvait Yahya Jammeh. Le Sénégal, qui entretient une relation compliquée avec son petit voisin anglophone, était déjà intervenu militairement en Gambie en 1981, pour faire échec à un putsch contre le président Dawda Jawara.

Gambie: état d’urgence à la veille de l’investiture de Barrow

La Gambie était en état d’urgence mercredi, à la veille de l’investiture prévue de son président élu, Adama Barrow, à qui le chef de l’Etat sortant Yahya Jammeh refuse de céder la place après 22 ans au pouvoir.

M. Jammeh a proclamé mardi l’état d’urgence et dénoncé à la télévision « un niveau d’ingérence étrangère exceptionnel et sans précédent » dans le processus électoral et les affaires gambiennes, ainsi que « l’atmosphère hostile injustifiée qui menace la souveraineté, la paix et la stabilité du pays ».Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest enclavé dans le Sénégal, à l’exception de sa façade atlantique, est plongé dans une grave crise depuis que M. Jammeh a annoncé le 9 décembre qu’il ne reconnaissait plus les résultats de la présidentielle. Une semaine auparavant, il avait pourtant félicité M. Barrow pour sa victoire.

Yahya Jammeh, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 22 ans, affirme vouloir rester en place tant que la justice n’aura pas statué sur ses recours électoraux, malgré les pressions internationales pour qu’il cède le pouvoir jeudi après l’expiration de son mandat.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a notamment prévenu à plusieurs reprises qu’elle pourrait avoir recours à la force en dernier ressort.

A la demande de la Cédéao, le Sénégal accueille depuis dimanche le président élu en attendant son investiture, pour laquelle il a assuré qu’il serait en Gambie.

« Le président Jammeh rate l’occasion de respecter la parole du peuple gambien et celle d’une passation de pouvoir pacifique censée se dérouler jeudi avec le président élu », a déploré le département d’Etat américain, mettant en garde contre « un possible chaos ».

Le Nigeria, poids lourd régional et continental, a affirmé de son côté accélérer ses préparatifs militaires aériens.

« Nous allons très bientôt nous déployer à Dakar, au Sénégal », a indiqué à l’AFP une source au quartier général de la Défense nigériane, mentionnant l’envoi de « pilotes, de techniciens et de personnel d’entretien » des appareils. « Ce déploiement est lié aux événements en cours en Gambie ».

– Des touristes rapatriés –

Selon la Constitution, l’état d’urgence dure sept jours lorsqu’il est proclamé par le chef de l’Etat, mais peut être porté à 90 jours avec l’approbation de l’Assemblée nationale, qui l’a entériné mardi.

La proclamation, formulée en termes très généraux, « interdit de se livrer à des actes de désobéissance aux lois gambiennes, à l’incitation à la violence, ou troublant la paix et l’ordre public ».Yahya Jammeh a également ordonné aux forces de sécurité de maintenir l’ordre.La Grande-Bretagne et les Pays-Bas, les deux pays qui comptent le plus grand nombre de touristes en Gambie, ont conseillé à leurs ressortissants d’éviter de s’y rendre ou d’en repartir s’ils s’y trouvaient, sauf raison impérative.

« Le risque d’intervention militaire et de désordre civil est élevé et pourrait conduire à la fermeture sans préavis de l’aéroport international de Banjul », a prévenu le gouvernement britannique dans un communiqué.

Le voyagiste britannique Thomas Cook a annoncé le rapatriement de 985 Britanniques en vacances en Gambie et va affréter quatre vols supplémentaires mercredi. Il a également contacté 2.500 autres clients pour leur proposer un retour anticipé vers la Grande-Bretagne.

Les Pays-Bas ont émis des recommandations similaires et plus de la moitié des quelque

1.600 Néerlandais séjournant actuellement en Gambie devraient être rapatriés dans les prochains jours.

Le géant du tourisme TUI compte rapatrier également « environ 800 » clients.

Auparavant, quatre autres ministres gambiens, ceux des Affaires étrangères, des Finances, du Commerce, et du Tourisme, ont démissionné, a indiqué une source proche du régime.

Les ministres de l’Information et des Sports avaient été remplacés la semaine dernière.

Des changements sont également intervenus dans l’armée: des officiers refusant de soutenir M. Jammeh contre M. Barrow, comme le leur demandaient des commandants de la Garde républicaine, chargée de la protection du président sortant, ont été arrêtés dimanche soir, selon une source de sécurité.

Face aux risques de guerre civile ou d’intervention militaire extérieure, le flot de Gambiens quittant le pays depuis le début de l’année grossissait sensiblement, à l’approche de l’échéance de jeudi, selon des témoins.

« Tout le monde est inquiet », a confié Bella, marchande sur une plage de Banjul, précisant qu’elle ne viendrait « pas travailler demain ni après-demain » (mercredi et jeudi).

Le Maroc mène actuellement une « médiation discrète et de la dernière chance » par l’entremise de son ministre délégué aux Affaires étrangères, Nasser Bourita, et Yassine Mansouri, chef des services de renseignements extérieurs du royaume, pour obtenir le départ de Yahya Jammeh, a révélé mardi un site d’information en ligne marocain.

Gambie : Yaya Jammeh ne cède pas

Malgré les pressions internationales, Yaya Jammeh se cramponne au pouvoir qu’il devrait quitter en janvier prochain. La médiation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest est pour le moment un échec.

En Gambie, Yaya Jammeh reste imperméable à l’appel de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de revenir sur sa décision de ne pas reconnaître les résultats des élections du 1er décembre, pour cause d’ « erreurs inacceptables ». « Autant j’ai accepté les résultats car j’ai cru que la commission était indépendante et honnête, désormais je rejette les résultats en totalité. Laissez-moi répéter : je n’accepterai pas les résultats », avait annoncé M. Jammeh le vendredi 9 décembre dernier. Une annonce qui a eu l’effet d’une douche froide sur la démocratie en Gambie, alors que la victoire du candidat de l’opposition, Adama Barrow, avec 43,2% contre 39,6% pour Jammeh, augurait une nouvelle ère dans ce pays d’une main de fer pendant 22 ans.

Médiation : un échec ?

Malgré les appels du président démocratiquement élu à respecter le verdict des urnes, Yaya Jammeh a fait preuve d‘obstination dans son envie de ne pas céder le pouvoir. Même les menaces de son grand voisin sénégalais n’y ont rien fait. Alors, la machine de la médiation de la Cédeao s’est mise en branle. Hier mardi 13 décembre, en attendant l’arrivée à Banjul des chefs d’Etat de la Cédeao avec à leur tête Ellen Johnson Sirleaf, la présidente, le parti présidentiel (APRC), a déposé un recours devant la Cour suprême laquelle, grand paradoxe, compte quatre juges manquants et n’a pas siégé depuis un an, selon le barreau gambien.

« Un accord ne pourra pas être trouvé en un jour », a prévenu hier Ellen Johnson Sirleaf, accompagnée du nigérian Mahammadu Buhari, John Dramani Mahama(qui vient de reconnaître sa défaite à la présidentielle au Ghana), et le sierra-léonais Ernest Bai Koroma, avant le début des discussions avec M. Jammeh. À l’issue de la rencontre avec M. Jammeh, et ensuite avec le président élu, Adama Barrow, aucun accord n’a été trouvé. La volonté de Yaya Jammeh de rester au pouvoir est manifeste. « Nous ne sommes pas venus pour un accord, nous venons aider les Gambiens à organiser la transition. Ce n’est pas quelque chose qui peut aboutir en un seul jour, il faut y travailler », a déclaré Mme Johnson Sirleaf. Elle a fait savoir que la délégation rendra compte des discussions avec Yaya Jammeh lors du sommet prévu samedi à Abuja. Interrogé par RFI, Marcel Alain de Souza, président de la commission de la Cédeao, a évoqué la possibilité d’un recours à « des décisions draconiennes », y compris l’intervention militaire, au cas où l’option diplomatique échouera.