Transition : Le silence intriguant des acteurs politiques

Relégués dans l’ombre depuis le début de la Transition dirigée par les militaires, les acteurs politiques peinent de plus en plus à donner de la voix. Si quelques-uns continuent tant bien que mal à prendre position sur des sujets-clés, la plupart font profil bas.

Qu’il est loin le temps où les hommes politiques s’exprimaient et critiquaient la gestion des affaires publiques sans s’attirer d’ennuis! Sous la Transition, les voix politiques critiques se sont tues au fil du temps.

S’ils n’ont pas complètement démissionné de leur rôle de veille de la conduite des affaires, les partis politiques se contentent désormais de quelques prises de positions mesurées, dans des communiqués, sans que les leaders ne montent au créneau dans les médias pour s’exprimer comme par le passé.

Figures politiques en retrait

Il était l’un des rares hommes politiques à s’exprimer sous la Transition. Mais, depuis quelques semaines, il semble avoir disparu des radars. Housseini Amion Guindo se fait de plus en plus discret, même si son parti, la Codem, continue de se prononcer régulièrement sur la situation sociopolitique du pays. Habituellement fréquent dans les médias, l’ancien ministre de l’Éducation a visiblement changé de posture.

De son coté, l’ancien ministre de la Justice Mohamed Aly Bathily, membre du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, connu pour ses déclarations tapageuses, fait également profil bas depuis un moment. Très critique envers les autorités de transition lors de la campagne référendaire de juin dernier, où il appelait à voter  « non », le Président du Front africain pour la solidarité et la démocratie (Fasode) se montre depuis très réservé sur la conduite de la Transition. L’une de ses dernières sorties médiatiques remonte à septembre 2023, quand il accusait plusieurs dignitaires du régime IBK d’être impliqués dans des spéculations foncières. Depuis, silence radio.

Quant à l’ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra, il n’a jamais véritablement donné de la voix depuis le début de la Transition, même si son parti, le RpDM, a appelé à voter « non » lors du référendum du 18 juin 2023, exprimant de profondes inquiétudes concernant le processus. La position de Cheick Modibo Diarra n’est pas surprenante, confie un analyste, qui rappelle que l’ancien Premier ministre de transition ne se signale que lorsque les échéances électorales se profilent, notamment la présidentielle.

L’ancien chef de la diplomatie malienne Tiébilé Dramé est également porté disparu sur la scène politique, en dépit de quelques prises de position de son parti, le Parena. Pour le Dr. Mahamadou Konaté, Président de la plateforme « Reconstruire Baara ni Yiriwa » et actuel Président en exercice du Comité stratégique du M5-RFP Malikura, « les homme politiques sont silencieux en raison d’un manque de courage qui n’est pas nécessairement lié au contexte actuel ». « Certains sont dans des calculs personnels, d’autres aspirent à certains avantages. Ce sont les appétits personnels qui frappent la plupart des hommes politiques, sinon, ce n’est pas le contexte politique actuel qui les empêche de s’exprimer », soutient-il.

Si certains leaders ou partis politiques continuent de s’exprimer, ils ne sont pas souvent dans une posture critique des autorités de la Transition, mais plutôt d’accompagnement de leurs actions. C’est le cas entre autres de Gouagnon Coulibaly de l’URD, d’Aliou Boubacar Diallo de l’ADP Maliba ou encore d’Abdoul Karim Konaté de l’Adema-Pasj.

Au sein de la classe politique, parmi les « opposants » à la Transition, seuls le M5-RFP Malikura et le parti Yelema semblent se démarquer et donnent encore de la voix. Les deux entités ont d’ailleurs signé en décembre dernier une déclaration commune de partenariat pour le « Renouveau Politique au Mali », dans laquelle ils exigeaient des autorités de la Transition l’organisation d’élections transparentes et crédibles auxquelles elles ne se présenteraient pas. Les positions du parti Yelema se confondent souvent avec celles de son Président d’honneur et fondateur Moussa Mara, qui est lui dans une dynamique « d’accompagnement » de la Transition.

« Situation de peur »

Selon certains observateurs, ce silence de la classe politique résulte de la peur des hommes politiques de subir le même sort que certains leaders d’opinions qui se sont montré critiques à l’égard de la Transition.

Parmi eux, le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, arrêté le 13 mars 2023 pour avoir déclaré que l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubeye Maiga, mort en détention sous la Transition, avait été « assassiné ». Depuis, il croupit en prison pour des faits « d’association de malfaiteurs », « atteinte au crédit de l’État, crime à caractère religieux et raciste », même s’il a été relaxé le 11 juillet 2023 pour les faits de simulation d’infractions pour lesquels il était initialement poursuivi.

De son côté, Adama Ben Diarra dit Ben le cerveau, dont le délibéré du jugement en appel du 15 janvier 2024 a été repoussé au 19 février prochain, a été lui aussi condamné à deux ans de prison, dont un ferme, le 14 septembre 2023 pour atteinte au crédit de l’État, après avoir insisté dans une émission radio sur la nécessité du respect du délai de la Transition avec l’organisation de l’élection présidentielle aux dates initialement prévues.

« Les affaires judiciaires visant des politiques et les ayant poussés à l’exil, le décès en détention de Soumeylou Boubeye Maiga ou encore la grande popularité du Colonel Assimi Goïta contraignent les politiques à la prudence », confiait récemment sous anonymat un analyste dans nos colonnes. Pour sa part, Issa Kaou N’djim, Président du parti ACRT- Faso Ka wele, estime que la classe politique est inaudible « tout simplement parce qu’elle est dans une situation où il n’est pas facile de prendre position ».

« Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans un système démocratique, alors que les partis politiques tirent d’abord leur légitimité du jeu démocratique qui leur donne des droits et des devoirs et leur permet de s’exprimer sur toutes les questions en toute liberté sans être poursuivis, inquiétés ou menacés », se lamente l’ancien 4ème Vice-président du CNT, lui-même condamné à 6 mois de prison avec sursis en 2021 pour « atteinte au crédit de l’État et trouble à l’ordre public ». Pour lui, les politiques s’expriment peu parce que « nous sommes dans une situation où nous avons peur ».

« D’autres leaders se réservent en raison de leurs ambitions politiques, parce qu’aujourd’hui il y a une véritable équipe de propagande qui est là pour détruire toute personne qui ose aller à l’encontre de la Transition. Or les hommes politiques ne veulent pas se mettre à dos l’opinion », poursuit l’ancienne figure du M5-RFP.

Un avis que partage Ismaël Sacko, Président de l’ancien parti PSDA, dissous en juin dernier sur requête du ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation pour « trouble à l’ordre public » et « atteinte à la souveraineté nationale ».

« De plus en plus de leaders sont envoyés en prison. Mais il y a aussi des leaders qui font la politique du ventre, qui guettent des nominations avec le régime. D’autres ont fait des choses et sont obligés de se taire pour ne pas subir de représailles. Et il est même difficile de tenir certaines critiques dans les médias », expliquait-il en décembre dernier dans une interview accordée à un média étranger.

Une « opposition » qui peine à s’installer

Le silence observé dans la classe politique rend difficile l’émergence d’une « opposition » aux autorités de la Transition. Alors qu’il a longtemps incarné cette voix discordante vis-à-vis des autorités transitoires, le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques d’abord pour une transition réussie, puis par la suite pour un retour à l’ordre constitutionnel, n’a jamais réussi à faire tourner le rapport des forces en sa faveur et s’est par la suite effrité, avec le départ de plusieurs partis et regroupements de partis-clés.

L’Appel du 20 février pour sauver le Mali a ensuite pris le relais mais s’est également essoufflé lorsque ses Coordinateurs, les anciens magistrats Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra, se sont mis en retrait pour se défendre suite à leur radiation de la Magistrature.

Secoué ces dernières semaines par des dissensions internes, le mouvement semble reprendre du poil de la bête avec ses prises de positions récentes, notamment sa réaction suite à l’annonce du retrait sans délai du Mali de la CEDEAO, qu’il a qualifié de « nul et non avenu ».

Paix et cohésion sociale : des partis politiques lancent un appel

26 partis politiques ont lancé un appel pour la paix et la stabilité au Mali. À l’initiative de l’URD, ces formations politiques se sont réunies les 13 et 15 septembre au Palais de la Culture pour formaliser le contenu de ce document. Dans le texte, signé le 18 septembre, les partis condamnent de la manière la plus ferme les meurtres et autres actes criminels commis à l’encontre des populations civiles innocentes et de leurs biens. Ils encouragent le gouvernement à prendre toutes ses responsabilités avec fermeté pour défendre l’unité, l’intégrité territoriale, la paix et la stabilité dans le pays, dénoncent le mutisme persistant et incompréhensible des défenseurs des droits de l’Homme, des États démocratiques, des organisations sous-régionales et régionales et rappellent que l’intégrité territoriale et la souveraineté du Mali sur l’ensemble de son territoire ne sont pas négociables. Les partis signataires sont entre autres l’URD, l’ADP-Maliba, l’ADEMA-PASJ et des partis mineurs. De nombreux partis d’envergure n’ont pas signé, notamment SADI, la CODEM ou encore le PARENA, dont les responsables assurent que la déclaration leur est parvenue en retard et qu’ils prendront le temps de l’étudier avant d’apposer une éventuelle signature. Le parti Yelema s’est refusé à tout commentaire. Le MPR, parti du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga, a fait savoir qu’il n’avait pas besoin de signer un document pour montrer son soutien à la Transition.

Référendum : comment les partis politiques se préparent ?

Le référendum constitutionnel, prévu pour le 18 juin prochain, approche à grands pas. À deux semaines de l’ouverture de la campagne référendaire, la classe politique continue d’être divisée sur la légalité de ce scrutin, mais aussi sur la consigne de vote à donner. Malgré les divisions apparentes, les partis politiques ne comptent pas le boycotter. Si certains affichent déjà leur option pour le « Oui », d’autres, opposés au projet pour la plupart, jouent la carte de la prudence.

Le compte à rebours est bien lancé dans les partis politiques depuis l’annonce de la convocation du collège électoral le 5 mai dernier. Répondant à l’appel du Président de la Transition pour contribuer à la vulgarisation du texte du projet de nouvelle Constitution, certains s’investissent auprès de leurs bases pour une meilleure imprégnation de leurs militants. C’est le cas de l’URD, dont le « Oui » au référendum était un secret de polichinelle, ou encore de l’ADP-Maliba de l’ancien candidat à la présidentielle Aliou Boubacar Diallo.

Le parti de la Poignée de mains est d’ailleurs déjà dans l’arène, avec la Forsat Civile, pour la campagne de vulgarisation et surtout pour une victoire du « Oui » le 18 juin. Le 13 mai 2023, le Forum des forces du changement  (FFC), dont le Président de l’URD Gouagnon Coulibaly avait annoncé la gestation en début d’année, lors de la présentation de ses vœux à la presse, a été officiellement lancé. Outre ces deux fers de lance, il regroupe près d’une vingtaine d’organisations de la société civile, dont, entre autres, Yerewolo Debout sur les remparts et le Mouvement Mali Espoir (MME). Selon les responsables du FFC, une stratégie efficace de campagne sera définie dans les prochains jours pour atteindre une « victoire écrasante du Oui » à l’issue du référendum.

Même combat, approche différente. À l’ADP-Maliba, on mise beaucoup plus sur l’appropriation du document du projet de nouvelle Constitution au niveau des bases du parti. « Notre travail de vulgarisation se  matérialise au niveau de nos rentrées politiques à Nioro du Sahel, à Yanfolila et à Dioïla. Nous avons saisi l’occasion de ces différentes rencontres pour remettre symboliquement des copies du projet de Constitution à nos représentants qui viennent de ces sous-sections pour qu’ils le vulgarisent auprès de nos militants à la base », confie Me Abdoulaye Sidibé, Secrétaire général du parti.

« Prudence »

Au Rpdm comme chez les Fare An ka wuli, le ton est tout autre. Le parti de l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé, qui a déjà appelé les autorités de la Transition à abandonner le projet d’adoption d’une nouvelle Constitution, estime qu’il n’est pas encore question d’appeler au Oui ou au Non tant « que nous ne serons pas sûrs que la version finale du document est effectivement celle dont nous disposons ». À  en croire une source au sein du parti, plusieurs versions du projet de Constitution circulent et le risque que les partis politiques se prononcent sur la base d’un document non officiel est réel.

Le Rpdm de Cheick Modibo Diarra, malgré ses réserves sur le changement de Constitution, compte bien lui se plier à la volonté de la majorité des Maliens, mais continue toujours de plancher en interne sur la conduite à tenir face à ce « cas spécial, que le parti doit aborder avec sagesse », selon son Vice-président Yagaré Baba Diakité.

Reconquérir l’opinion

Selon Dr. Amidou Tidjani, enseignant-chercheur à l’Université Paris 13 (Sorbonne – Paris Nord), les partis politiques ne pourront pas se préparer en seulement un mois pour aller à ce référendum dans les conditions maximales. Mais, au-delà du timing, ils doivent faire également face à un défi de taille, celui de la reconquête de l’opinion populaire parce que, avance-t-il, « aujourd’hui ces partis politiques sont discrédités et c’est aussi en partie l’échec de cette classe politique qui justifie l’important soutien des populations au gouvernement de transition ».

À l’en croire, par ailleurs, rares sont les partis politiques qui oseront faire campagne pour le « Non » au risque d’être confrontés à un rejet de la population. « À mon sens », conclut-il, « ceux qui sont opposés au projet opteront pour l’option du silence plutôt que pour une véritable campagne ».

Aliou Boubacar Diallo : quelles chances pour Koulouba?

Il figure parmi les potentiels candidats à la course pour la prochaine élection présidentielle. Aliou Boubacar Diallo est également l’un des plus visibles en ce moment sur le terrain, aussi bien politique qu’au-delà. Auréolé, selon ses proches, du soutien de plus d’une quarantaine de partis politiques, l’ex-député de Kayes, arrivé 3ème lors de la présidentielle de 2018, peut viser grand en 2022.

Message de rentrée scolaire, vœux de Maouloud ou encore tribune de réflexion sur la question sécuritaire, le Président d’honneur de l’Alliance démocratique pour la Paix (ADP-Maliba), Aliou Boubacar Diallo, ne rate aucune occasion ces dernières semaines de s’adresser aux Maliens.

Après sa première candidature à la magistrature suprême du Mali en 2018, où il avait terminé troisième, les dernières sorties de Diallo s’apparentent déjà à une pré-campagne. S’il y a trois ans le coup d’essai ne s’est pas transformé en coup de maître pour le natif de Kayes, il a l’occasion de frapper à nouveau à la porte de Koulouba lors du prochain rendez-vous présidentiel, qui va consacrer le retour à un ordre constitutionnel normal après la Transition.

Déjà des voix appellent à sa candidature, même si l’intéressé se refuse pour le moment à y répondre favorablement ou non. Le 7 août dernier, l’Alliance des Démocrates Rénovateurs (ADR), qui avait soutenu la candidature de feu Soumaila Cissé en 2018, a jeté son dévolu sur Aliou Boubacar Diallo, expliquant avoir été séduite par le « patriotisme », « l’expérience dans la gestion des affaires » et le « parcours politique » de l’homme d’affaires et philanthrope.

Le 6 novembre 2021, ce fut le tour de 27 partis politiques non alignés de signer une convention appelant à la candidature de l’ex-député de Kayes. Différents soutiens accueillis « avec satisfaction » à l’ADP-Maliba et que le parti compte capitaliser.

« Les partis politiques sont suffisamment structurés et chaque fois qu’ils décident de cheminer ensemble tout se fait sur la base d’un cadre de travail bien élaboré et bien ficelé. Ce cadre de travail va continuer jusqu’à la prochaine élection présidentielle », se réjouit Me Abdoulaye Sidibé, Secrétaire général de l’ADP-Maliba.

Présidentielle 2022, la bonne ?

En février dernier, un sondage réalisé par le cabinet Statix sur un échantillon de 1 520 personnes inscrites sur les listes électorales à travers le Mali concernant la présidentielle de 2022 plaçait Aliou Boubacar Diallo en tête des intentions de vote, avec 27%, devant les anciens Premiers ministres Moussa Mara, Soumeylou Boubeye Maiga, Modibo Sidibé et Cheick Modibo Diarra.

« S’il y a une force politique aujourd’hui sur laquelle il faut compter indéniablement, quels que soient les changements sur l’échiquier politique, c’est l’ADP-Maliba, avec ses différents soutiens. Et s’il y a un grand favori aujourd’hui pour la présidentielle, c’est Aliou Boubacar Diallo. », croit fermement Maitre Sidibé.

Pour lui, la « santé de fer » de l’ADP-Maliba, sa structuration, son degré d’implantation sur le territoire national et les nombreuses adhésions continuelles d’élus communaux, d’anciens députés et de conseillers régionaux, entre autres, sont des atouts importants. Le parti a toutefois dû faire face au départ de plusieurs de ses cadres jeunes, dont Amadou Thiam et Cheick Oumar Diallo.

« Aliou Boubacar Diallo est aussi dans l’humanitaire. Cela marque beaucoup les esprits. S’il continue dans la même dynamique et dans une politique de proximité, on peut sans risque de se tromper dire qu’il peut être en bonne position pour la présidentielle à venir. Il a ses chances, mais il y a un travail de fond qu’il doit faire », analyse le politologue Dr. Bréhima Mamadou Koné.

Ce dernier évoque toutefois un facteur qu’il juge indispensable pour l’élection du futur Président de la République : le soutien des militaires. Le candidat qui sera adoubé par les militaires, affirme-t-il, sera le candidat élu.

Pour sa part l’analyste politique Boubacar Bocoum insiste sur le fait que la configuration politique à l’époque de la dernière présidentielle est différente de celle d’aujourd’hui et que meme en ayant été 3ème avec un score de 8,33% des voix, Aliou Boubacar Diallo ne sera pas de facto vainqueur à la prochaine présidentielle, en l’absence de ses deux anciens challengers Ibrahim Boubacar Keita et Feu Soumaila Cissé. Qui plus est, le soutien du chérif de Nioro qui lui avait permis de réaliser ce score de 2018 ne lui serait plus garanti. De l’avis de Boubacar Bocoum, si la rupture avec l’ancien système politique est réelle, Aliou Boubacar Diallo n’a aucune chance.

Salimata Traoré : que devient la plus jeune députée ?

Comme ses 146 collègues issus du scrutin législatif de mars et avril 2020, Salimata Traoré a vu son mandat de député écourté suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, 4 mois à peine après son élection. Malgré l’amertume laissée par ce mandat éphémère, la plus jeune députée de la 6ème législature de la 3ème République reste optimiste et envisage sereinement son avenir politique.

« Nous étions prêts à nous battre pour les questions concernant notre commune. Cet élan a été perdu, c’est ce qui nous a fait mal par rapport à la dissolution de l’Assemblée nationale », affirme avec calme Salimata Traoré. « Sinon, ce n’est pas par intérêt personnel », s’empresse-t-elle d’ajouter. Et, compte tenu du fait que c’était sa « première fois » et qu’elle était la plus jeune députée, à 26 ans, elle nourrissait des ambitions légitimes pour porter la voix de la jeunesse et des femmes à la représentation nationale, au nom de la région de Ségou. Mais « l’homme propose et Dieu dispose », résume-t-elle.

Comme certains de ses collègues, elle avait espéré que la mise en place du Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif de la transition, lui donnerait l’occasion d’exercer son mandat. Parce que « j’avais compris que pour jouer le rôle de l’Assemblée nationale, ce sont les députés qui sont les mieux placés ». Même s’ils n’ont « pas été sollicités », elle ne le prend pas mal, parce qu’il s’agit de l’intérêt du Mali. Ceux qui ont été nommés ont même « sa bénédiction ».

Poursuivre l’engagement

Actuellement entre Bamako, où elle doit désormais jouer son rôle d’épouse, et Ségou, elle entend poursuivre ses activités. Pour notamment continuer à contribuer à  l’implantation de son parti, l’ADP-Maliba, qui se porte « à merveille » et compte plusieurs nouvelles adhésions, et surtout aider à la préparation des futures échéances électorales.

Si elle en a l’opportunité, elle poursuivra ses études, pour soutenir tout d’abord sa licence et faire une maîtrise en comptabilité, finance et audit, qu’elle a entamée à l’Institut de formation professionnelle (IFP) de Ségou.

Face à la « situation difficile de notre pays », elle invite les politiques à s’unir pour affronter les nombreux défis. Pour continuer sur la bonne voie, « les militaires doivent travailler et écouter  tout le monde », suggère Madame Kanté Salimata Traoré.

Malgré son changement de statut, elle compte mener de pair ses activités politiques et sa nouvelle vie,  car son mari est bien « conscient de ses engagements ».

Assemblée nationale : Jeux et enjeux de la 6ème législature

Alea jacta est. Le renouvellement tant attendu de l’Assemblée nationale est désormais acté. La nouvelle législature devrait très bientôt remplacer la 5ème, six ans après. La nouvelle composition de l’Hémicycle, selon les résultats provisoires du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, ne présente pas de changements majeurs pour les forces politiques en présence. Mais d’autres aspects, liés, entre autres, à la cohabitation, au fonctionnement même de l’Assemblée nationale et à l’orientation des débats sur les réformes en attente au cours de cette 6ème législature suscitent des interrogations.

43 députés pour le RPM, 23 pour l’Adema, 19 pour l’URD, et 11 pour le MPM. Tel se présente le nouveau quatuor de tête à l’Hémicycle. Ensuite suivent l’Asma-CFP et l’ADP-Maliba, avec 8 députés chacun, la Codem avec 6 élus, et l’UDD, Yelema ainsi que le PRVM Fasoko, qui auront chacun 4 représentants dans la nouvelle Assemblée nationale. D’autres partis comme le Parena, Sadi, le PDES ou encore l’UM-RDA complètent le tableau.

Des résultats qui n’augurent pas de réels changements au sein du Parlement, selon plusieurs analystes politiques. « Le premier constat est que la majorité se maintient. On aurait pu croire que l’opposition, après tant de bruits et de gesticulations, allait tirer beaucoup plus d’avantages de ces législatives, mais elle n’a pas percé. L’URD a tenté de résister, mais il y a d’autres partis qui ont complètement disparu. Ce qui me fait penser que, jusqu’à preuve du contraire, l’Adema originelle tient toujours la dragée haute au plan politique national », relève Salia Samaké, analyste politique.

Pour le politologue Boubacar Bocoum, il aurait été souhaitable qu’il y ait une force qui s’oppose au régime et donne une certaine impulsion pour que les choses aillent dans un autre sens. « Malheureusement, dès lors que le RPM est finissant, les partis qui s’inscrivent dans la logique de l’accompagner sont également vers la sortie. Ils n’ont donc pas d’autres choix que d’accompagner le régime pour que le Président IBK finisse tranquillement son mandat. Dans la configuration globale de l’Assemblée, il n’y aura pas de changement majeur, parce qu’il n’y aura pas de force réelle qui puisse s’opposer à la majorité », déplore-t-il.

Le RPM recule

Le parti présidentiel caracole toujours en tête en termes de nombre de députés élus à l’Assemblée nationale. Mais, comparativement à 2013 où il avait été largement plébiscité dans les différentes circonscriptions et avait obtenu 66 sièges, le RPM est cette fois en net recul, surtout à Bamako. 1 seul siège arraché sur les 14 à pourvoir dans la capitale, contre 9 il y a un peu plus de 6 ans.

Une régression que l’analyste politique et chercheur au CRAPES Ballan Diakité met sur le compte de l’insatisfaction de la majorité du peuple malien vis-à-vis de la gouvernance actuelle, les élections législatives n’étant pas séparées de la gestion politique générale du pays. « Le recul du RPM durant ces législatives peut d’abord s’expliquer par la non satisfaction des citoyens de la gouvernance d’IBK. Dans un deuxième temps, cet échec relatif est aussi dû à l’incapacité du parti à remobiliser ces électeurs. Quand les électeurs ne sont pas mobilisés, il est difficile d’asseoir une victoire écrasante, même si on est le parti au pouvoir », analyse-t-il.

Selon lui, il faut aussi pointer le relâchement du Président de la République lui-même vis-à-vis de sa propre formation politique, dû notamment au fait que son pouvoir tend vers la sortie et  qu’il ne peut constitutionnellement pas briguer de 3ème mandat.

Nouveau rapport de forces?

Pour la formation de la nouvelle majorité à l’Hémicycle, le RPM pourra compter sur certains de ses alliés politiques, au premier rang desquels l’Adema et le MPM. Mais pour les autres partis actuellement membres de la convention de la majorité et signataires de l’Accord politique de gouvernance du 2 mai 2019, rien n’indique qu’ils vont continuer dans cette direction.

Pour les analystes, tout dépendra des capacités des partis ayant des représentants à l’Assemblée nationale à former des groupes parlementaires, mais surtout de leurs stratégies d’alliances ou de coalitions, en fonction d’intérêts politiques pour l’heure non encore définis.

« Pour le moment, tout cela n’est pas encore dévoilé. Mais on sait que dans notre système politique l’Exécutif a toujours une certaine mainmise sur l’Assemblée nationale. Je pense donc que le rapport de forces, s’il doit y en avoir, ne sera pas en défaveur du régime en place », indique Ballan Diakité.

Toutefois, à en croire l’analyste politique Salia Samaké, dans le contexte malien, après les législatives il y a des appétits qui s’aiguisent. Si certains partis politiques aujourd’hui membres de la convention majoritaire qui ont eu un nombre important de députés ne sont pas associés à la gouvernance, il n’est pas exclu qu’ils se démarquent.

« Si cela se passe ainsi, la majorité risque d’être fragilisée. Le RPM va devoir jouer très fin, sur le fil, pour ne pas provoquer cette fragilisation. Il n’a plus la capacité d’en imposer aux autres », pense M. Samaké

« En la matière, le combat risque d’être serré et il va falloir que le parti présidentiel bataille dur pour conserver cette majorité afin de pouvoir travailler. Ce qui, aujourd’hui n’est pas très évident, parce que les uns et les autres, après avoir engagé autant de moyens dans les élections, s’attendent à des retours », ajoute-t-il.

Un point de vue que ne partage pas Boubacar Bocoum, pour lequel, aujourd’hui, tous les partis politiques tournent autour du RPM. Il n’y aura donc pas de réelle démarcation vis-à-vis de ce parti à l’Assemblée nationale.

« Ces partis ont eu peur de s’opposer à l’organisation des élections dans le contexte que nous connaissons, juste pour ne pas que la machine les lâche. Cela veut dire qu’ils vont forcément chercher des équilibres à l’Assemblée. Il n’y a pas d’opposition fondamentale politiquement viable pour le Mali aujourd’hui », avance le politologue.

Réformes enfin effectives ?

Cette 6ème législature est fortement attendue pour l’adoption de différentes réformes institutionnelles et administratives, notamment la révision de la Constitution de 1992 et la relecture de certains paragraphes de l’Accord pour la paix dont l’application est bloquée en partie par la non effectivité des réformes.

Le 1er avril 2019, un comité d’experts chargé de la révision constitutionnelle avait  remis au Président de la République un nouveau projet comportant certaines propositions comme, entre autres, la création d’un Sénat, la redéfinition des rôles du Président de la République et du Premier ministre au sein de l’Exécutif , la mise en place d’une Cour des comptes, conformément au traité de l’UEMOA, ainsi que le réaménagement des attributions, des règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour suprême, de la Cour constitutionnelle et de la Haute cour de justice.

Le document prenait également en compte des propositions des précédentes tentatives de révision constitutionnelle, des clauses de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui relèvent de la matière constitutionnelle et d’autres aménagements devant être apportés à la Constitution vu l’évolution du contexte institutionnel et juridique du pays.

Ce projet de loi, qui attendait d’être soumis à une Assemblée nationale légitime, le sera donc très certainement dans les prochains mois. Et si son adoption passe à l’Hémicycle, ce qui d’ailleurs ne devrait pas souffrir de contestations majeures, vue sa nouvelle configuration, toujours favorable à la majorité présidentielle, selon les analystes, il reviendra au peuple malien de trancher lors du référendum qui s’ensuivra.

« Même les grandes figures de l’opposition sont d’accord sur le principe des réformes, mais il y a débat sur des questions d’ordres temporel et structurel. C’est donc surtout la position des citoyens qui va être déterminante, pas celle des partis politiques. Tout va dépendre des positions des uns et des autres mais aussi de la dynamique qui sera enclenchée par la société civile », tempère Ballan Diakité.

ADP – Maliba : Grandes divergences au sommet

Entre l’Honorable Amadou Thiam, Président du Comité exécutif sortant, et Aliou Boubacar Diallo, Président d’honneur du parti, le leadership de l’ADP – Maliba est très disputé depuis un certain temps. Si le mandat du premier a expiré depuis le 8 février dernier, le second ne semble pas légitime pour prendre les rênes du parti sans la tenue d’un congrès.

Dans une déclaration en date du 16 avril 2019, plusieurs membres du Comité exécutif sortant de l’ADP-Maliba, accompagnés de certains députés et membres des coordinations régionales, montaient au créneau pour constater la caducité du mandat du comité présidé par l’Honorable Amadou Thiam et « autoriser le Président d’honneur et fondateur du parti à gérer l’ADP – Maliba avant le prochain congrès ».

Voix discordantes

Loin de mettre fin au problème de légitimité du bureau à la tête du parti, cette sortie a plutôt accentué les divergences entre les deux camps protagonistes. « Cette déclaration n’est qu’une prétention de quelques membres du parti, qui ne sont même pas tous membres du Comité exécutif, à la solde d’un individu », pointe Sory Ibrahima Traoré, Secrétaire général sortant de l’ADP-Maliba. « Jusqu’à preuve du contraire, c’est l’Honorable Amadou Thiam qui est le Président de l’ADP Maliba et le Comité exécutif se prépare à tenir un congrès dans les plus brefs délais », précise-t-il.

Mais les proches du Président d’honneur, Aliou Boubacar Diallo, ont aussi un avis bien tranché. Pour eux, le mandat du Comité exécutif, dirigé par l’Honorable Amadou Thiam, étant arrivé à terme et le congrès n’ayant pas été tenu dans les délais, ce comité  ne peut plus représenter ou engager l’ADP – Maliba auprès de tierces parties.

Irréconciliables ?

« Il y a une question non seulement d’existence légale auprès de l’administration de ce Comité exécutif sortant, mais aussi une question de légitimité au vu de l’expiration de son mandat », relève Cheick Oumar Diallo, Secrétaire politique du Comité exécutif sortant, qui précise qu’il n’a jamais été enregistré auprès de l’Administration territoriale.

Même si une commission de conciliation a été mise en place en interne pour rapprocher les deux parties, cela n’empêche pas la poursuite normale de la procédure de justice intentée par Aliou Boubacar Diallo pour « reprendre la direction du parti et organiser le congrès ».

Le divorce serait-il consommé entre l’ancien candidat à l’élection présidentielle et son ex Directeur de campagne ? « Quoi qu’on dise, Amadou Thiam est une créature d’Aliou Diallo et le vrai problème à l’ADP-Maliba c’est qu’il y en a un qui est pressé d’entrer au gouvernement et l’autre qui s’y oppose », conclut un analyste politique.

Partis politiques au Mali : Que de leaders sans relève !

Au Mali, de grands partis ont émergé depuis l’avènement du multipartisme intégral, en 1992. La plupart d’entre eux n’ont qu’un seul leader visible sur la scène, sans une figure pour le seconder et assurer la relève.  

« À part l’Adema, qui est en train de faire sa mue, aujourd’hui tous les partis politiques ne tiennent qu’à une seule personne, ou presque ». C’est le constat dressé par Woyo Konaté, Docteur en philosophie politique et enseignant à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako. Au Mali, chaque parti politique est sous le monopole de son leader. À part lui, rares sont les membres du parti qui sont mis en lumière. « C’est la nature même de la politique qui veut que les différentes formations qui s’expriment sur le terrain démocratique soient tirées par des personnalités très charismatiques. Au Mali, en Afrique et ailleurs, ces partis sont identifiés à des personnes plutôt qu’à des formations politiques pures et dures », tente de plaider Cheick Oumar Diallo, Secrétaire politique de l’ADP Maliba. « Aux États-Unis, quand on parle du parti républicain on pense à Trump et pour le parti démocrate à Hillary Clinton. Les visages ont pris le dessus sur les partis, de telle sorte que quand on parle de l’ADP, c’est Aliou Diallo, de l’URD, c’est Soumaila Cissé et du RPM, c’est IBK. C’est une tournure des choses qui pose le problème de la pluralité des personnalités au sein des différentes formations », poursuit-il. Le multipartisme a été pourtant une exigence fondamentale en 1991, mais il a abouti aujourd’hui à « un désordre ».  « Tous les statuts et règlements des partis politiques sont les mêmes. Leur objectif, c’est d’obtenir le financement de l’État », dénonce Cheick Diallo, Secrétaire administratif chargé des structures au parti ASMA. Il en appelle à un « centralisme démocratique » et non à « des partis unipersonnels ».

Quelle incidence ?

Les partis deviennent orphelins quand l’étoile de leur chef s’éteint, faute de dauphin. « Quand ATT a laissé le pouvoir, le PDES est allé en déconfiture. C’est la même chose avec les soubresauts que connait l’Adema depuis le départ d’Alpha Oumar Konaré », affirme Cheick Oumar Diallo, ajoutant  que « cela pose la question de l’organisation et du fonctionnement des partis politiques ». Pour le Dr Woyo Konaté « les valeurs et l’idéologie sont reléguées  au profit de celui qui finance ». Des réalités qui biaisent l’animation de la chose politique. Pour  un renouveau  politique, « il faut laisser s’exprimer des visages différents de ceux qu’on connait depuis des dizaines d’années », souhaite le Secrétaire politique de l’ADP Maliba, qui estime que son parti est un exemple.

Amadou Thiam : « Pour l’instant, nous sommes toujours dans l’opposition »

En pleine consultation pour la formation d’une coalition en vue des prochaines législatives, le Président du parti ADP – Maliba, Amadou Thiam, est très confiant dans l’issue du prochain rendez-vous électoral. A la tête du parti arrivé troisième à la dernière présidentielle, il affirme que ces législatives seront une confirmation de l’implantation de sa mouvance politique.

Vous aviez fait preuve de mutisme depuis la présidentielle. Était-ce pour mieux préparer les législatives ?

Oui, nous préparons les législatives. Nous ne sommes pas dans la logique d’un boycott quelconque. Nous prônons l’ouverture à d’éventuelles alliances. Ce sera comme toujours en fonction des réalités sur le terrain. Nous tablons sur le maximum de députés à l’Hémicycle, donc les alliances qui seront en mesure de nous donner cette garantie seront les bienvenues.

Ces législatives sont très importantes pour votre parti, après votre troisième place à la présidentielle…

Ces législatives seront une confirmation. Déjà, avec les alliances qui s’annoncent et les scores que nous avons fait par endroits, on nous donne favoris pour les législatives. Cela ne pourra être qu’une confirmation des scores que nous avons obtenus durant les dernières élections.

L’opposition vous accuse de ne pas l’avoir soutenue. Quel positionnement adopterez-vous à l’issue des législatives ?

Cette décision sera prise après les législatives. Pour l’instant, nous sommes toujours dans l’opposition politique. Ce n’est qu’après les législatives que nous pourrons parler d’opposition et de majorité. C’est à ce moment que cela va se dessiner. L’Assemblée nationale sera le lieu du débat et du positionnement majorité – opposition et dans deux mois il y aura certainement une reconfiguration de la scène politique malienne, même si cela dépendra aussi du nombre de députés que nous aurons. Quant au chef de file de l’opposition, ce sera le leader du groupe qui aura le maximum de députés au sortir des urnes.

Quelle analyse faites-vous du report des législatives ?

Plutôt du non report. Nous étions dans une logique d’un report de neuf mois. C’est ce que le Premier ministre avait dit à l’époque, c’était sa première proposition. Le temps selon lui, de faire les réformes et de créer des circonscriptions électorales dans les régions du nord. La Cour Constitutionnelle a débouté le Cadre de concertation des partis politiques en disant que les élections devaient se tenir avant fin décembre. Cela a eu pour effet de déconcentrer un peu les partis, qui avaient déjà renvoyé les élections à plus tard. Mais là nous n’avons pas le choix. Nous devons nous y mettre et consolider les acquis que nous avons pu asseoir lors de l’élection présidentielle.

Après la présidentielle, cap sur les législatives

Le premier défi majeur du gouvernement était la tenue de la présidentielle. Après cet épisode réussi, les regards se tournent maintenant vers les législatives, prévues pour novembre 2018. Certains regroupements peaufinent déjà leur stratégie.

L’effervescence du 2ème tour de la présidentielle est encore notable au ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation. Le nom du nouveau Président de la République sera connu dans quelques jours, lors de la proclamation des résultats définitifs par la Cour Constitutionnelle. Mais déjà les échéances de proximité, comme les législatives, sont dans le viseur des politiques.

Dans environ trois mois, les citoyens maliens seront en effet appelés à élire leurs députés. Ce scrutin apparait après la présidentielle comme très important, de par la légitimité qu’offrent les populations à leurs représentants à l’Hémicycle.

Rappel des troupes Si la guéguerre entre les deux finalistes de la présidentielle se poursuit, d’autres ténors politiques se concentrent sur l’avenir. « Nous sommes en train de battre le rappel des troupes pour que les uns et les autres s’engagent dans une dynamique de remobilisation de l’ensemble de la base militante », avertit le chargé de communication de l’Alliance pour la démocratie et la paix au Mali (ADP Maliba). Pour Cheick Oumar Diallo, très bientôt des réflexions seront engagées sur les potentielles listes que sa coalition proposera. « Ces propositions remonteront au Bureau exécutif, qui va les apprécier et qui engagera début octobre la phase des discussions approfondies avec les différentes structures et les alliés qu’elles auront choisis localement », révèle-t-il, très confiant. Avec neuf députés ADP, le porte-parole d’Aliou Diallo ne regrette pas leur présence à la présidentielle. « Nous sommes quand même un peu déçus du fait qu’il y ait eu autant d’irrégularités et de fraudes, mais dans l’ensemble nous sommes très fiers d’avoir pu nous hisser dans le trio de tête final et d’être aujourd’hui une force politique incontournable ».

Imposer le changement Dorénavant, la scène politique réserve du suspense. Parmi ceux qui comptent agir autrement, la Coalition Cheick Modibo Diarra. « Nous sommes en train de concentrer nos efforts sur l’intérieur du pays. Nous faisons des réunions. Nous avons conçu notre programme avant même la présidentielle », affirme Yehia Maiga, son chargé de communication. Sorti quatrième du 1er tour de la présidentielle, le mouvement mise sur les législatives pour semer les graines du changement. « Si on arrive à avoir de bons députés à l’Assemblée nationale, on pourra même imposer des choses au Président de la République et aux ministres dans leur façon de gérer le pays, le grand problème de ces 20 dernières années ».

L’opposition marche pour des « élections transparentes »

À l’appel de la coalition pour l’alternance et le changement, des milliers de personne ont marché ce vendredi pour réclamer des « élections libres et transparentes et l’égal accès aux médias d’Etat ». Sur les différentes pancartes brandis par les marcheurs pouvait-on lire « Libérer l’ORTM » ou encore « An tôro la » (on en a assez).


« C’est la volonté des Maliens qui s’expriment là, nous sommes déçus, nous n’attendons que juillet pour le (IBK) faire partir » assure Daouda, commerçant ayant fermé sa boutique pour participer à la marche. L’habituel slogan « Boua ka Bla » avait laissé place à un tout nouveau : « Boua Ka bla, Awn fa ka ta » (Boua laisse le pouvoir, afin que nos pères le prennent), référence directe aux propos tenus par le président de la République à Kangaba.


De la place de Liberté où ils ont pris le départ, les marcheurs se sont par la suite rassemblés devant la bourse du travail, où contre toute attente, les leaders de la Coalition pour l’alternance et le changement n’ont pas fait de déclaration. Soumaila Cissé, Tiébilé Dramé ou encore Amadou Thiam se sont contentés de remercier les manifestants d’avoir « massivement » répondu à leur appel.

Le chroniqueur Ras Bath s’est montré plus prolixe. « Nous vous avions élu pour avoir de l’eau, des emplois, voir la sécurité restaurer, au lieu de cela, nous n’avons eu que de la corruption, du népotisme, de l’incompétence, cela suffit désormais » lance-t-il sous les acclamations de plusieurs de ses partisans. « Ce n’est pas une confrontation physique, nous sommes des Gandhi, des Luther King, des Mandela, c’est une confrontation d’idées, nous demandons à tous ceux qui ont l’âge de voter de le faire afin d’exprimer librement leur opinion » ajoute-t-il. Sur son compte Twitter, le chef de file de l’opposition s’est félicité de la marche. Il a assuré que l’alternance est en marche, affirmant que nul ne pourra faire entrave à la détermination du peuple souverain.

L’opposition en colère au lendemain de sa marche « interdite »

Les parties politiques de l’Opposition et des organisations de la société civile ont organisé le dimanche une conférence à la maison de la presse de Bamako.  Les responsables ont condamné la répression de leur marche pacifique de la veille, ayant pour but des élections crédibles et transparentes et  l’égal accès à l’ORTM.  En colère,  ils prévoient une nouvelle manifestation le 8 juin 2018.

C’est dans une salle pleine à craquer que s’est tenue le 3 juin,  la conférence de presse de l’opposition et associations de la société civile, regroupée au sein de la Coalition pour l’alternance et le changement.

« Je crois que dans cette même salle, nous avons tenu beaucoup des conférences de presse, mais je ne l’ai jamais vue aussi comble. Cela prouve à suffisance, si besoin en était, la gravité du coup que ce régime a porté à la démocratie malienne hier », condamne dès son introduction l’honorable Amadou Thiam, président de l’ADP Maliba.

Au présidium, le jeune député a à ses côtés des leaders connus pour la force de frappe de leur verbe. Tiebelé Dramé du Parena, Me Mohamed Aly Bathily du Mouvement Appel du Mali(APM), Youssouf Mohamed Bathily dit Ras Bath du Collectif pour la Défense de la République(CDR), mais aussi Cheick Sidi Diarra du Mouvement Anw Bé Faso  Don, et le représentant du Mouvement Badenya Ton parrainé par l’Imam Mahmoud Dicko. Dans la salle,  d’autres personnalités telles que l’honorable Soumaila Cissé, candidat de l’URD à l’élection présidentielle et chef de file de l’Opposition, Aliou Boubacar Diallo candidat de l’ADP Maliba, Mamadou Igor Diarra candidat du Mali En Action, et bien d’autres figures importantes de la Coalition pour l’alternance et le changement étaient présentes.

Dans un communiqué lu par l’honorable Amadou Thiam, l’Opposition dénonce  l’attaque subie par ‘’les manifestants à mains nues, la violation du siège de l’ADP Maliba par les forces spéciales de la police qui y ont jeté des grenades » et accuse par la même occasion, les services de sécurité du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga d’avoir ‘’tiré à balles réelles sur des manifestants regroupés devant le siège de l’ADP Maliba. Affirmation jugée « mensongère et calomnieuse » par le Premier ministre. Aussi, l’opposition dénombre  une ‘’trentaine de blessés, trois responsables  violement frappés sur la tête avec gourdins et des matraques’’, accuse-t-elle. « L’intention du gouvernement était clair : terroriser l’opposition et toutes les forces démocratiques », souligne le communiqué du cabinet de chef de file l’opposition.

Pour l’ancien ministre d’IBK, Me Mohamed Aly Bathily,  il ne faut jamais perdre de vue les buts de leur manifestation réprimée. « Elle avait deux objectifs : l’accès aux medias d’Etat et la transparence des élections », précise-t-il, et s’explique. « La nouvelle loi dit tout simplement que le ministre de l’Administration territoriale peut pour une raison de force majeur déclarer qu’il n’y a pas d’élection dans certains bureaux. Il suffit qu’il regarde la carte, voit qu’IBK peut perdre dans cette région, et là, il va ramener les services protégeant les urnes là ou IBK va gagner et déclarer qu’on ne peut pas tenir les élections dans l’autre zone,  parce qu’IBK va perdre là-bas. C’est cela l’explication de la fraude inscrite dans la loi », s’insurge-t-il, la  qualifiant  de « la honte pour la démocratie ». Celui qui fut traité de « petit monsieur », devenu président de campagne de Soumaila Cisse, éprouve lui « un sentiment de dégoût de voir des hommes qui ont participé au combat pour l’avènement de la démocratie se transformer en acteur d’un fascisme rampant au Mali». « Où sommes-nous ? Dans une dictature sahélienne ? », s’interroge Tiebilé Dramé, après avoir dénoncé ce qui s’était passé.

Dans un communiqué datant du 2 juin,  le Secrétaire général des Nations Unies a invité « toutes  les parties au calme et à la retenue ». L’ONU se dit prête pour « soutenir un règlement pacifique des différends entre les parties »  et « déplore l’interdiction par le gouvernement de la tenue  des manifestations par les parties de l’opposition ».

Pour ne rien céder, l’opposition appelle à une nouvelle marche le vendredi 8 juin pour l’égal accès à l’ORTM, les élections transparentes et contre les violences policières. Une action qui pourrait détériorer le climat entre l’opposition et le gouvernement avant l’élection  cruciale du 29 juillet

Mohamed Salia Touré : « Pour l’instant, le mouvement Welé Welé ne soutient aucun candidat »

Le 28 mars, le candidat de l’Alliance pour la Démocratie et la Paix (ADP Maliba), Aliou Boubacar Diallo, recevait Mohamed Salia Touré, Président du mouvement Welé Welé, l’Appel. Après cette  rencontre, le PDG de Wassoul’Or affirmait sur son compte Facebook que l’ancien Président du Conseil national des jeunes soutenait sa candidature à l’élection de juillet. Mohamed Salia Touré affirme le contraire à Journal du Mali et explique sa ligne de conduite.

Comment se porte le mouvement Welé Welé?

Welé Welé se porte très bien. Depuis notre lancement, le 21 octobre 2017, nous avons entamé une vaste campagne de sensibilisation et d’implantation de nos comités, à Bamako et à l’intérieur du pays. Nous avons pu couvrir toutes les communes de Bamako et fait le lancement à Sikasso le 17 mars,  le 24 à Mopti et le 31 mars à Kayes, en plus de la région de Ségou. Koulikoro et les cinq régions du nord, où nous avons pu identifier nos points focaux, suivront.

Le candidat de l’ADP Maliba a affirmé  il y a quelques jours que vous souteniez sa candidature à la présidentielle. Qu’en est-il ?

Le mouvement social Welé Wélé est dans une démarche d’implantation, de promotion de la  citoyenneté, en milieu jeune. Nous sommes fermes, mais pas fermés.  Nous parlons avec tous ceux qui parlent d’alternance, car la finalité de notre action est de parvenir à une alternance générationnelle au sommet de l’Etat. Aliou Boubacar Diallo est une personne respectée et respectable. Il parle d’alternance et porte des nouvelles idées pour le Mali. C’est dans ce sens que je l’ai rencontré et que nous avons échangé. Je me suis rendu compte qu’il y avait une convergence parfaite de vision entre nous par rapport au Mali. Nous avons donc décidé de nous  revoir pour approfondir les échanges et voir dans quelle mesure pouvons mettre en place un cadre de collaboration pour nous mener à cette alternance. Mais, pour l’instant, le mouvement Welé Welé ne soutient aucun candidat.

Beaucoup d’observateurs estiment que vous êtes affiliés à Mamadou Igor Diarra…

Nous ne sommes affiliés à personne. C’est vrai qu’il y a des personnalités du monde politique, économique et culturel qui nous ont aidés dans la mise en place de ce mouvement. Alioune Ifra N’diaye, Président d’honneur du mouvement, est une personnalité connue du monde culturel. Quant à Mamadou Igor Diarra, il nous a aidé et soutient les idées du mouvement, comme d’autres personnalités avec qui nous parlons. Il y en a d’autres, dans l’anonymat, qui nous aident. Le jour où nous  déciderons de nous affilier à un courant politique donné, nous le ferons savoir. C’est la convention nationale des Horons qui décidera.

Sur quels principes  allez-vous opérer votre choix ?

Il y a des points sur lesquels nous ne pouvons transiger, car nous pensons que la crise dans laquelle notre pays a été  précipité est due au manque de sérieux et de responsabilité, souvent même collective. Pour en sortir, il faut que nous devenions des Horons responsables, qui respectent la parole donnée. Un autre point est le programme, les recettes proposées pour faire sortir le Mali de la crise. Nous devons garder à l’esprit que le Mali a besoin d’une personnalité politique nouvelle incarnant de nouvelles idées.

On constate de plus en plus d’implication des jeunes en politique. En quoi est-ce une nécessité ?

C’est une très bonne chose. C’est le discours que je tiens quand je vais dans les milieux jeunes. Je leur dis : « investissez le champ politique. Il faut qu’on déprofessionnalise ce secteur dans notre pays, qu’on cesse de penser que la politique est pour des malhonnêtes ou des gens qui ne tiennent pas parole. Parce que, si vous honnête et que vous vous désengagez, si moi qui suis honnête, je me désengage et que d’autres, qui le sont aussi, font de même, la politique restera entre les mains des malhonnêtes ». Sous d’autres cieux, quand on est menteur et qu’on ne respecte pas la chose publique, on ne peut devenir homme politique. L’exemple le plus patent est le cas de François Fillon en France. Il faut donc une nouvelle génération de jeunes, qui n’ait pas honte de faire de la politique, parce qu’il n’y a pas de travail plus noble que de se mettre au service de la communauté. C’est cette révolution citoyenne que nous appelons de nos vœux. Si les jeunes s’intéressent à nous, cela veut dire que  le message est en train d’être entendu.

CMP : toujours vivante ?

Au fur et à mesure que les échéances électorales s’approchent, des partis membres de la Convention de la majorité présidentielle (CMP) jettent l’éponge. Le retrait de Yelema de Moussa Mara et du CAP de Racine Thiam, ainsi que la démission du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Mamadou Ismaila Konaté, témoignent du malaise au sein du regroupement. Pire, pour certains, ce n’est qu’un début.

Créée le 7 septembre 2014 par plus d’une soixantaine de partis politiques, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) avait pour objectif de défendre et de soutenir le programme politique du Président IBK. Trois ans après, le malaise s’installe. Il y a plus d’un an, SADI d’Oumar Mariko et l’ADP – Maliba d’Amadou Thiam donnaient le la du départ. Surviendra ensuite la démission de Racine Thiam de son poste de Directeur de la communication de la Présidence, suivie, le 28 octobre dernier, de la formalisation de son rapprochement avec l’URD, principal parti de l’opposition. Une divergence de vues dans la gouvernance du pays aurait motivé ce départ. Puis vint le tour du parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara de lâcher ses alliés d’hier, le 8 juillet 2017, retrait acté lors du 2ème congrès du parti, les 18 et 19 novembre à Mopti. Contrairement au CAP, Yelema n’a pas rejoint l’opposition, préférant adopter une position médiane.

La majorité affaiblie

Selon Mamadou Doumbia, député ADP – Maliba, ces départs s’expliquent par l’ambition de certains chefs de partis de se présenter aux élections à venir. « Les gens ont composé avec la majorité, mais avec l’approche des élections, certains choisissent de partir pour se présenter ». Selon lui, la majorité est affaiblie, mais « c’est à elle de travailler suffisamment. » Pour le chef de file de l’opposition, l’Honorable Soumaila Cissé, « la majorité n’existe que de nom ». Même la CODEM, selon lui, est confronté à des difficultés au sein de la CMP. Mais, d’après Mamedi Sidibé, député RPM, la majorité se porte bien. D’ailleurs, « nous avons la majorité absolue rien qu’avec le RPM à l’Assemblée nationale », souligne-t-il. « C’est dans le souci de fédérer les enfants du Mali pour faire face aux enjeux actuels que la CMP a été créée, car ce qui compte pour IBK, c’est le Mali ». Mais la démission du ministre de la Justice, le 27 novembre, confirme éloquemment, aux yeux de certains, la discorde qui régnerait au sein du gouvernement.

Amadou Thiam, président du groupe parlementaire ADP-Maliba – Sadi « Nous voulons que la lumière soit faite sur la mort de nos 11 militaires

Depuis la mort des 11 militaires maliens dans la nuit du 23 au 24 octobre, à la suite d’un raid de la force Barkhane, la polémique ne cesse d’enfler. Le groupe parlementaire ADP-Maliba – SADI, exigent qu’une enquête soit ouverte pour faire la lumière sur l’affaire et en situer les responsabilités. Le président du groupe parlementaire, le député Amadou Thiam, revient pour le Journal du Mali, sur les motivations de cette action.

Journal Du Mali : Vous demandez l’ouverture d’une enquête sur la mort des 11 militaires maliens, concrètement qu’attendez-vous de cette démarche ?

Amadou Thiam : Nous estimons en tant que groupe parlementaire ADP-Maliba ,SADI que la lumière soit faite sur la mort de nos onze militaires. Nous avons été surpris par la réaction du gouvernement là-dessus, qui d’un communiqué laconique, essaie à la limite de légitimer leurs morts. Il explique, mais il ne condamne pas pour autant, n’essaye pas de situer les responsabilités et n’essaye pas non plus d’éclaircir les circonstances qui entourent la mort de ses militaires. J’ai aussi entendu à travers certains médias français, des sources assez proches que ces militaires maliens seraient carrément devenus des terroristes. Ce qui est assez grave pour nous, que l’on fasse des insinuations et des suppositions sur la mort de ses militaires. Le temps qu’il a fallu au gouvernement et même à Barkhane de faire savoir qu’à travers ce raid, ces militaires sont morts, cela prête à suspicion. Il a fallu près d’une semaine pour cela. Tout cela crée beaucoup de zones d’ombres, il est important pour nous de savoir ce qui s’est passé, pas seulement pour que des sanctions soient prises contre les fauteurs, mais pour que ce soit un signal fort. Qu’à l’avenir, la force Barkhane ne puisse plus de manière unilatérale entreprendre des actions sur le territoire malien. Ils sont et il faut qu’ils demeurent une force d’appui, aux forces armées et de sécurité malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Vous pointez du doigt la faible action de l’État, estimez-vous qu’ils ont les mains liées dans cette affaire ?

En tant que représentation nationale, nous devons contrôler l’action du gouvernement, et aussi de représenter au mieux les populations. La question est au centre et nous nous sommes dits qu’au point de vue de la légalité internationale, cette intervention que ce soit de Barkhane ou de la MINUSMA qui se fait dans des zones où l’armée malienne est totalement absente, cela pose un véritable problème. Il s’agit pour nous de souligner cela, surtout que nous commençons à assister à de tels actes, il est important que nous attirions d’avantage l’opinion nationale et même internationale là-dessus.

Si le gouvernement n’accédait à votre requête, quels sont les recours dont vous disposez pour les « contraindre » ?

En tant que groupe parlementaire, nous disposons de beaucoup instruments. Dans cette quête de la vérité, nous nous réservons le droit d’interpeller le ministre de la Défense à l’Assemblée nationale. Au fur et à mesure, nous pourrions même demander que tout le gouvernement soit interpellé. Le Premier ministre et tous ses ministres concernés, qu’on nous explique ce qui s’est passé. Ce sont des moyens de recours que nous avons en tant que groupe parlementaire, et dont nous ne ferions pas l’économie si la situation n’évoluait pas.

Oumar Mariko, le président du SADI, est réputé pour ses prises de positions hostiles à l’égard de la France. Pensez-vous que ces inimitiés pourraient faire passer cette action pour une vengeance ?

Je suis le président du groupe parlementaire. Sur les 14 députés qui la compose, il y a 9 de l’ADP-Maliba, je crois que ce que nous menons comme lutte est tout à fait légitime. Ça ne vise aucun intérêt particulier, mais seulement à sauvegarder les intérêts du Mali et de ses partenaires, parce que si Barkhane est un partenaire du Mali, nous devons les aider à mieux nous aider.

Majorité : « Quand le moteur est grippé, la voiture fait du sur place »

En deux mois, une dizaine de députés ont quitté les rangs de la majorité présidentielle, ne partageant plus les mêmes aspirations politiques que le RPM, principal parti au pouvoir. Face à ces défections, la majorité n’entend pas se laisser abattre.

C’est sans précédent. En l’espace de deux mois, plus de dix députés ont décidé de quitter les rangs de la majorité présidentielle. C’est bien la première fois depuis le début de la législature, que des élus quittent le pouvoir pour se tourner vers l’opposition. On rappelle que l’ADP-Maliba a été le premier parti à prendre ce chemin en août dernier. Cette formation, renforcée par quatre députés démissionnaires du RPM, vient d’annoncer son alliance avec le SADI, qui dispose de cinq députés, pour créer une nouvelle force d’opposition au sein du parlement. Selon l’honorable Amadou Thiam, 2ème vice-président de l’Assemblée et président de l’ADP-Maliba, la gestion de l’État « ne répond plus aux fondamentaux de l‘engagement politique convenu en 2013 ».

Entre optimisme et déception Pour Moussa Mara, ancien Premier ministre et président du parti Yèlèma, il est incontestable que la majorité présidentielle fait face à des difficultés aussi bien dans son organisation que dans son fonctionnement. « La difficulté la plus importante est l’incertitude autour du RPM, qui est sa composante la plus importante et son moteur. Quand le moteur est grippé, la voiture fait du sur place », ajoute-t-il. Pour sa part, Moussa Timbiné, président du groupe parlementaire RPM, il reconnait que sa formation connaît des tourments, mais assure que « nous avons conscience de nos responsabilités au sein du parti et du côté de la majorité ». Récemment réélu à la tête des jeunes du RPM, il reste convaincu que le départ des députés n’entravera pas le bon fonctionnement de la majorité présidentielle et « n’influence en rien nos ambitions pour le Mali ». Des ambitions qui ne motivent plus certains, comme cet ancien militant qui estime que les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. « La crise du nord, la lutte contre la mauvaise gouvernance et la corruption sont des chantiers urgents qui demeurent encore aujourd’hui », explique Amadou Coulibaly, commerçant.

Mais les Tisserands et leurs alliés veulent rester optimistes. Moussa Mara estime que « le RPM doit mieux organiser la majorité et travailler avec ses autres composantes sur des objectifs clairs qui pourront mobiliser ses forces ». Amadou Thiam, quant à lui, propose que le parti retourne à ses idéaux d’antan, ultime solution pour emmener une majorité qui aura perdu bien des plumes depuis 2013.

 

 

 

Honorable Amadou Thiam : « Il n’y a eu aucun marchandage »

Le président du parti ADP-Maliba qui a quitté les rangs de la majorité présidentielle il y a quelques mois, s’exprime sur les véritables raisons du ralliement des députés démissionnaires du RPM.

Est-ce vrai que les députés démissionnaires du RPM qui ont rejoint l’ADP-Maliba l’ont fait contre le versement d’une forte somme ?

Les députés démissionnaires de la majorité ont rejoint les rangs de l’ADP-Maliba par conviction. Il n’y a eu aucun marchandage. Ils ont démissionné parce qu’ils sont contre la gouvernance actuelle au sein du RPM, et contre la gouvernance en général du pays. Je crois que la question c’est ce qui ne va au RPM et non comment ces élus sont venus à l’ADP-Maliba. Ces députés sont connus pour leurs prises de position. Ce sont des personnes de conviction. Qu’ils aient quitté les rangs de la majorité ne me surprend pas. Qu’on veuille lier leur conviction politique à de l’argent, c’est un faux débat. Notre combat, c’est contre la mauvaise gouvernance, c’est contre le non-respect des engagements qui ont été pris. À aucun moment nous ne les avons démarchés avec de l’argent. La vérité c’est que le Malien lambda a soif de changement. C’est tout.

Qu’est-ce qui explique pareille rumeur ?

Sur la scène politique, il y a des personnes qui font de la surenchère pour avoir des bénéfices autrement. C’est certainement cela. Malheureusement vous entendrez beaucoup d’autres choses.

La société Wassoul’Or serait votre principal bailleur de fonds ?

Comme les autres partis, l’ADP-Maliba tire ses financements de ses cotisations. Nous avons des opérateurs économiques qui font des dons. Sans oublier notre fondation et beaucoup d’autres groupements apolitiques qui nous aident. Le président de Wassoul’Or (Aliou Boubacar Diallo Ndlr) fait partie certes des opérateurs économiques qui financent le parti, mais il n’y a aucun lien entre le parti et sa société. Il est le président d’honneur du parti mais le rapprochement s’arrête là.

L’ADP-Maliba semble se rapprocher de plus en plus de l’opposition. À quand l’officialisation de cette position ?

ADP-Maliba annoncera dans les jours à venir à quel pôle il appartient, sachant que la politique au Mali est gérée par deux pôles : la majorité au pouvoir et l’opposition.

Un mot sur les prochaines élections communales ?

L’ADP-Maliba a déjà déposé plusieurs listes et nous comptons voir élire plusieurs centaines de conseillers répartis sur l’ensemble du territoire national. Nous espérons que cela se passe dans les meilleures conditions.

 

Amadou Thiam « ADP Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition »

Quelques après jours l’annonce du retrait de son parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba), de la majorité présidentielle, l’honorable Amadou Thiam s’exprime sur cette décision.

Quelles sont les raisons du retrait définitif de l’ADP-Maliba de la majorité présidentielle ?

Nous avons été saisis par la base militante du parti qui a réclamé le retour aux fondamentaux de notre engagement lorsque nous avons accepté de conduire en 2013 la campagne du président de la République. Il s’agissait, entre autres, de la lutte contre la corruption et de la résolution de la crise du Nord. Aujourd’hui, la gouvernance actuelle s’est éloignée de ces fondamentaux. Aussi, la Convention de la majorité présidentielle (CMP) n’est pas arrivée à créer un espace d’échange démocratique franc sur les questions nationales. Le président de la République et l’exécutif ne consultent plus la majorité. Toutes ces raisons ont créé un vide qui apparait comme un dysfonctionnement au sein de la majorité présidentielle et de l’appareil étatique. C’est pourquoi nous avons analysé la motion de la base militante du parti. Depuis quelques semaines, nous avions entrepris une large concertation au niveau national et international, afin de recueillir les avis de nos militants sur cette question. Un très grand nombre a souhaité que le parti se retire de la majorité présidentielle. Ce retrait est pour le parti un changement de cap.

Faut-il donc considérer désormais l’ADP-Maliba comme membre de l’opposition ?

Aujourd’hui le mandat que le parti a reçu c’est de se retirer de la majorité. Les militants ont également décidé que nous organisions une conférence nationale qui va définir le nouveau cap et l’orientation politique du parti. Pour l’instant, ADP-Maliba est sorti de la majorité mais n’est pas de l’opposition. Les concertations vont continuer jusqu’à la conférence nationale que nous souhaitons organiser dès que possible. C’est seulement à l’issue de cela que nous pourrons véritablement donner une réponse à cette question.

Quelle est votre ligne de conduite en attendant cette décision ?

Dans un premier temps, nous allons aller une fois de plus auprès de cette population pour recueillir leurs avis sur l’état d’avancement du pays et s’enquérir de leurs difficultés. Ensuite nous comptons faire un diagnostic de l’état du pays. Toute chose qui nous permettra de dégager une nouvelle stratégie par rapport au parti et de connaitre la conduite à tenir désormais en rapport avec la situation actuelle du pays. Nous allons, de façon souveraine, travailler à être une force réelle de proposition pour qu’ensemble nous arrivions à contribuer à la résolution de la crise du Nord.

Majorité présidentielle : risque de contagion après le retrait de l’ADP-MALIBA

Loin d’être un bloc de granit, le camp de la majorité présidentielle affiche aujourd’hui une cohésion de façade. Deux discours pour un regroupement sensé incarné l’unité d’action pour soutenir les actions du chef de l’Etat IBK. Le récent retrait de l’ADP-Maliba est un signe annonciateur du profond malaise au sein de la majorité et le  risque d’un phénomène contagieux est très plausible.

La convention de la Majorité présidentielle (CMP) est ce regroupement né juste après les élections de 2013, pour soutenir les actions du président Ibrahim Boubacar Keita et regroupant plusieurs formations politiques dont l’ADEMA-PASJ, le MIRIA, la SADI, le Parti YELEMA, le CNID, le MPR, l’UDD etc. l’union sacrée de ce regroupement s’est émoussée face à la situation actuelle du pays et surtout, l’approche des élections présidentielles de 2018.

Très affaiblie par les multiples crises qui secouent le pays, la CMP sera-t-elle en mesure de passer outre ses dissensions pour maintenir la cohésion au sein du groupe ? Après  le retrait de l’Alliance Démocratique pour la Paix, ADP-MALIBA, rien n’est moins sûr. En tout cas, le contexte y est peu favorable. Faible et sans véritable cadre de concertation pour fédérer les partis ni vision stratégique à long terme pour appuyer les actions du chef de l’Etat, la CMP est dans la nasse. « Aujourd’hui les choses tournent vraiment au ralenti en notre sein.  Dans ces conditions, il ne faudrait pas écarter la possibilité de voir certains gros calibres se retirer pour être candidats », reconnait un cadre du parti des Abeilles.

L’information sur le retrait d’autres formations fait actuellement le tour de la Ville. «L’on est tenté d’accorder foi à tout ceci puisqu’il n’y a pas de fumée sans feu, particulièrement chez nous. Le retrait d’autres partis politiques n’est pas une idée nouvelle. Depuis longtemps l’initiative flottait dans l’air, des chefs comme Oumar Mariko, Moussa Mara, ont déjà envoyé le signal en déclarant leur candidature pour 2018 », explique le chef d’un parti politique membre de la CMP. «Dans un pays où les élections se gagnent à coup de millions, prendre le risque d’aller aux prochaines échéances les mains quasiment nues serait suicidaire », met en garde un responsable d’un parti de la CMP qui a requis l’anonymat. Son plaidoyer en faveur de l’union sacrée n’est pas partagé par cet autre  responsable  estimant que « mieux  vaut savoir se retirer à temps d’une gestion chaotique du pays  pour ne pas en  être comptable, et afin de bien  préparer les présidentielles de 2018, un travail de longue haleine pour une adhésion massive des électeurs à un programme clairement défini », conclut-il.