Wassim Nasr :  « Le temps joue en faveur des djihadistes »

Début mars, Iyad Ag Ghaly annonçait la formation d’un nouveau mouvement djihadiste, Jamaat Nusrat al-Islam wa-l-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), fusion d’Ansar Dine, d’AQMI au Sahel, d’Al-Mourabitoune et de la Katiba Macina. Wassim Nasr, journaliste et auteur de « État islamique, le fait accompli » (Plon), revient sur les motivations de cette inquiétante union djihadiste au Sahel.

Pourquoi ces 4 mouvements djihadistes ont-ils décidé de fusionner en un seul mouvement ? 

Ils ont fusionné parce que la situation géopolitique s’y prête. En même temps, cette formation s’est faite en opposition au processus de paix et à la mise en place des autorités intérimaires au Nord Mali. Cette nouvelle union qui regroupe différentes sensibilités, si je puis dire, ethniques, tribales et claniques de la région du Sahel, est dans la dynamique même de la politique d’Al-Qaïda : un ancrage solide qui s’accroche à un conflit local et des préoccupations locales. C’est comme ça qu’ils réussissent à chaque fois à faire perdurer leur mouvement dans le temps. Tant que le problème local n’est pas résolu, ils vont perdurer avec lui.

Cette union de mouvements djihadistes va-t-elle faire barrage à l’État islamique comme le disent certains observateurs ? 

Ce n’est pas juste en opposition à l’État islamique, c’est avant tout en application de la politique d’Al-Qaïda qui est d’unifier les groupes et de les ancrer sur des problématiques locales. Beaucoup d’experts sont sur l’État islamique parce que c’est l’actualité du moment, mais c’est beaucoup plus compliqué que ça. Ces djihadistes disent que le temps joue en leur faveur, c’est un souffle long. Cela en est l’application exacte. Ils ont attendu que le processus de paix et la mise en place des autorités se « cassent la gueule » pour lancer leur nouvelle formation qui va forcément attirer du monde. La patience et l’attente, c’est propre à Al-Qaïda.

Pourquoi le choix d’Iyad Ag Ghaly comme chef de cette union ?

Iyad Ag Ghaly n’est pas un choix anodin. Il a un ancrage local, des réseaux locaux et une influence locale qui pourra lui permettre d’attirer plus de monde dans son giron. C’est le meilleur candidat. C’est pour cela par exemple que l’on n’a pas choisi Mokhtar Belmokhtar, qui n’a aucun ancrage local ou tribal au Nord du Mali. Avoir un ancrage local solide est un aspect indispensable à toutes mouvances djihadistes, dont Al-Qaïda. C’est comme ça qu’ils fonctionnent depuis toujours. On a vu ça avec les Shebab en Somalie, au Yémen avec AQPA et avec le front Al-Nosra (Syrie) dans une moindre mesure aujourd’hui. Ce choix est un calcul.

Ont-ils de nouvelles revendications et qui visent-ils ?

Ils vont continuer sur la même veine, ils vont faire monter les enchères. Le but c’est toujours de frapper les forces étrangères au Nord du Mali et l’étendue de leurs opérations va bien au-delà. Cette nouvelle formation va avoir besoin d’un coup d’éclat quelque part. Est-ce que ça va être en France ? Est-ce que ça va être dans un pays africain au-delà du Sahel ? Parce que le Mali est maintenant habitué aux attentats et aux attaques de kamikazes, s’ils veulent faire un coup d’éclat, ils doivent aller au-delà. Il y a aussi une montée en puissance de la communication, par exemple contre la France. Alors frapperont-ils des intérêts français dans un pays africain ? Tout est possible.

Comment ont-ils pu se réunir sans que quiconque ne soit au courant ?

Ces gens-là sont rompus à la clandestinité, sinon ils seraient déjà tous morts depuis un bon moment. C’est très facile pour eux de voyager. On ne peut pas imaginer que dans une zone aussi grande que le Sahel, l’on puisse les suivre à la trace. On peut difficilement les appréhender avec des moyens techniques, même très importants. Il faut du renseignement humain et c’est compliqué. Ce que nous avons vu n’est qu’une mise en en scène. Ils se sont certainement réunis plusieurs fois avant pour mettre les choses au clair et ensuite l’annoncer au public.

Terrorisme : Arrestation de jihadistes qui planifiaient un attentat à Bamako

Deux individus maliens présumés jihadistes  ont été arrêtés en possession notamment de matériel de guidage GPS et de munitions, a appris vendredi l’AFP de sources sécuritaires. Ils sont soupçonnés d’avoir planifier un attentat suicide dans Bamako

« Lors de deux opérations distinctes à Bamako jeudi, les forces spéciales des services de renseignements maliens ont arrêté deux jihadistes qui s’apprêtaient à commettre un attentat de +grande envergure+ à Bamako contre des cibles étrangères », a affirmé à l’AFP une source de sécurité malienne.

« L’attentat était prévu pendant le sommet Afrique-France à Bamako des 13 et 14 janvier. Mais compte tenu des mesures prises pour le sommet, les jihadistes ont décidé de le reporter « en comptant sur l’absence d’un dispositif de sécurité rigoureux à Bamako », a indiqué la même source de sécurité.

L’information a été confirmée à l’AFP par une autre source de sécurité malienne.

Les deux personnes ont été arrêtées en possession d’un « matériel compromettant », ont indiqué les deux sources. Ce matériel comprend notamment un matériel de guidage « GPS, des munitions et du matériel d’explosion », a ajouté la deuxième source, sans donner plus de détail.

 Les deux suspects, de nationalité malienne, sont nés dans le nord , respectivement en 1988 à Gao, et autour de 1996 à Intillit, a précisé cette source de sécurité.

« Le premier est le logisticien qui a fait le repérage », tandis que le second devait être un « kamikaze », a indiqué la même source, affirmant qu’ils appartenaient au groupe Al-Mourabitoune du jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar.

Ce groupe, rallié à à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a notamment revendiqué l’attentat suicide du 18 janvier à Gao contre un camp de regroupement de formations armées signataires de l’accord de paix au Mali, qui a fait près de 80 morts.

Cette attaque s’est produite cinq jours après une visite du président François Hollande,en route pour le sommet Afrique-France, sur la base française de Gao.

Peu avant le sommet, plusieurs suspects soupçonnés de préparer des attentats visant la réunion avaient été arrêtés par les forces spéciales françaises, selon des sources de sécurité maliennes et occidentales.

Mokhtar Belmokhtar serait vivant

Le chef d’Al-Mourabitoune, Mokhtar Belmokhtar ne serait pas décédé dans la frappe aérienne menée par la France dans le sud-ouest de la Libye. C’est ce que l’on a appris des aveux d’un infirmier nigérien, qui aurait soigné le chef djihadiste.

Selon, les services de renseignements algériens qui collaborent avec les services nigériens, Mokhtar Belmokhtar se serait pas mort dans la frappe aérienne menée par la France en novembre dernier. Il aurait réchappé à cette tentative d’assassinat et grièvement blessé, aurait été soigné par un médecin de Ghadamès actuellement recherché, et par un infirmier nigérien qui a été arrêté.

Après interrogatoire, ce dernier a confié que Belmokhtar souffrirait d’une grave blessure dans le dos qui l’empêcherait de se mouvoir, ainsi que de brûlures au deuxième degré, et une blessure au pied causée par un éclat de missile.

D’autres éléments laissent penser que celui que l’on surnomme « Le Borgne » (il a perdu un œil en Afghanistan) est toujours vivant.

Les mouvements des forces libyennes du Gouvernement d’union nationale (GNA) dans la région de Traghen, au sud-ouest de la Libye, alertées, seraient actuellement à sa recherche

Récemment au Nord Mali, à Boghassa, des militaires français de la force Barkhane sont venus pour effectuer des prélèvements sur le fils de Belmokhtar, qu’il a eu avec sa seconde épouse qui est de la tribu Amhar. L’Algérie dispose de l’ADN du terroriste depuis 2013.

Un autre élément pourrait laisser penser que l’insaisissable Belmokhtar est toujours vivant : le dernier communiqué d’Al-Mourabitoune revendiquant l’attaque qui a ciblé une position de l’armée malienne à 50 km au sud-est de Gao le 11 novembre ne fait pas mention de la disparition de son chef.

Un attentat suicide cible l’aéroport de Gao

Une tentative d’attentat suicide a visé mardi soir l’aéroport de Gao, dans le nord du Mali, et s’est soldée par la mort de son auteur. Le groupe terroriste Al-Mourabitoune a revendiqué l’attaque.

Aux environs de 18 heures entre le camp I de Gao et la MINUSMA sur la route de l’aéroport de Gao, un terroriste a fait exploser son véhicule et est mort sur le coup n’occasionnant aucunes victimes militaires ou civils. « Au moins un kamikaze a été tué après l’explosion de son véhicule sur la route de l’aéroport de Gao », a indiqué à l’AFP une source de sécurité au sein de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).

La Katiba d’AQMI, Al-Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, supposément tué dans une frappe aérienne française en novembre dernier, a revendiqué l’attentat.

En octobre, un kamikaze avai aussi tenté d’attaquer des forces étrangères en activant l’explosif qu’il portait sur lui au passage d’une patrouille de Casques bleus suédois à Tombouctou (nord-ouest), sans faire de blessé.

AQMI poste une vidéo de son otage roumain

Le groupe djihadiste Al Qaida au Maghreb islamique a mis en ligne une vidéo de son otage roumain. Détenu depuis plus d’un an, l’homme demande, en français, à son gouvernement de tout mettre en œuvre pour sa libération.

La vidéo a été distribuée par SITE, centre américain de surveillance des sites djihadistes. On y voit un Iulian Gherhut au teint blafard, à la barbe fournie réclamer à son gouvernement sa mise en liberté. Dans un français balbutiant ; il affirme assure être en bonne santé et affirme que la séquence a été tourné le 21 septembre. « Je demande à ma famille surtout à mon père Zeus, à ma mère Titilla, à ma femme Hayla et à tous mes frères et sœurs qu’ils fassent une solution avec le gouvernement de Roumanie à propos ma liberté. Je dis à vous que je pense à vous toujours » lançait-il.

Officier de sécurité dans une mine de manganèse de Tambao, dans le nord du Burkina Faso, il fut enlevé le 4 avril 2015 par cinq hommes armés. Son rapt avait par la suite été revendiqué par Al-Mourabitoune dirigé par l’algérien Mokhtar Belmokhtar. Initialement né de la fusion du MUJAO avec les signataires par le sang, le groupe a connu une scission lorsqu’en mai 2015, l’émir d’alors décide de se rallier à l’État Islamique. Belmokhtar et une frange du mouvement se désolidarise et décide de prêter allégeance à AQMI en décembre 2015.

Le groupe s’était fait discret depuis quelques temps après avoir vu la tête de son chef mise à prix à hauteur de 5 millions de dollar par le gouvernement américain. Mais à travers cette vidéo, nul doute qu’une demande de rançon suivra bientôt pour la libération de l’otage roumain.

https://www.youtube.com/watch?v=OacAg-jAuq0

COMMANDITAIRES : Une nébuleuse djihadiste, toujours plus complexe

Deux groupes ont revendiqué l’attentat de l’hôtel Radisson. D’abord la katiba Al-Mourabitoune, puis le Front de libération du Macina. Une menace multiforme qui laisse entrevoir des passerelles entre les divers groupes salafistes au Sahel.

L’hôtel Radisson, a été la cible vendredi 24 novembre 2015, de djihadistes toujours plus déterminés à frapper au moment où l’on s’y attend le moins et à saper les efforts de stabilisation au Mali. Cette dernière attaque vient montrer la capacité de groupes terroristes comme Al-Mourabitoune (les Signataires par le sang) et AQMI (Al-Qaeda au Maghreb islamique) à ne plus se cantonner aux attaques dans le nord. Elle prouve aussi qu’entre ces différents groupes, il existe des passerelles étroites. La présence de membres d’origine nigériane au sein de l’organisation Al-Mourabitoune fait penser à une corrélation avec le groupe extrémiste Boko Haram qui opère au Nigeria et au nord du Cameroun et s’illustre par des tueries barbares en ayant recours à des kamikazes. « Ces groupes ont les mêmes objectifs et ont souvent des actions coordonnées. Ils cherchent des cibles symboliques où il y a des regroupements d’étrangers, avec la garantie d’une résonance médiatique importante», souligne à juste titre l’ancien ministre de la Défense, Soumeylou B. Maïga.

En effet, pour la seule année 2015, le Mali a été frappé au moins cinq fois sur son territoire par les groupes terroristes: Al-Mourabitoune, que dirige Mokhtar Belmokhtar, un djihadiste d’origine algé- rienne, le Front de Libération du Macina dirigé par le prédicateur Amadou Koufa, la katiba Khaled Ibn Al Walid ou encore le mouvement Jund Al Kilhafa qui prêta allégeance à Daesh, mais aussi les cellules actives issues du Mujao ou du mouvement Ansar Dine d’Iyad Ag Ghaly. Une manière de transporter le danger partout.

Ces 3 dernières années, le maillage des forces nationales et internationales appuyé par l’opération Barkhane, a fait subir des pertes lourdes à ces groupes extrémistes qui ont considérablement réduit leur marge de manœuvre », rappelle encore l’expert. Quant aux revendications d’Al-Mourabitoune et d’Aqmi, diffusé sur Al-Jazeera pendant l’attaque, elles exigeaient la libération des détenus djihadistes maliens et la fin de « l’agression » des populations au nord du Mali.

Radisson : 9 heures sous les balles des terroristes

Vendredi 20 novembre 2015, Bamako a vécu dans l’incertitude et l’effroi, alors qu’une prise d’otages était en cours dans l’établissement le plus chic de la ville, l’hôtel Radisson Blu. Des terroristes ont ouvert le feu et pris en otage 170 clients et employés de l’hôtel. C’est au bout de 9 heures d’âpres combats, qu’une opération conjointe et massive a fini par neutraliser les terroristes. Retour sur une prise d’otages sanglante.

Il est 6h45 quand Mohamed, 25 ans, serveur au sein du “service banquet”, pénètre dans l’enceinte de l’hôtel Radisson, situé dans le quartier ACI 2000. Comme tous les jours, il prend son service à 7h. Tout est calme. Il gagne le vestiaire, en sous-sol, avec d’autres collègues, pour enfiler sa tenue de service. À 6h50, des membres du personnel font brutalement irruption dans le vestiaire. « Sortez, sortez, il y a des hommes en haut, ils sont en train de tirer ! », hurlent-ils. Mohammed se fige, effaré, ses collègues paniqués, se ruent vers l’extérieur. Ne manquant pas de sang-froid, le jeune homme décide d’aller voir ce qui se passe. Il remonte le couloir, entrouvre la petite porte de service et glisse sa tête à l’extérieur : « c’est à ce moment que j’ai vu un Blanc (NDLR – client de nationalité russe) se faire égorger. À l’intérieur il y avait des cris partout, ceux des clients, des djihadistes criant « Allahou akbar », partout des coups de feu, ils tiraient sur tout ce qui bougeait, tout était mélangé. Je n’ai plus cherché à savoir… J’ai refermé la porte et je suis redescendu en courant». À ce moment, la prise d’otages meurtrière du Radisson vient de débuter, il est 7h du matin. Tandis que Mohamed ressort à l’air libre, Konaré, un autre employé qui travaille au room service, se cache pour tenter de sauver sa peau. Il n’oubliera jamais le moment où il s’est retrouvé face à face avec deux des terroristes : « quand j’ai entendu les coups de feu, je me suis réfugié dans la salle des bagages, j’ai éteint les lumières et mon portable, et je suis resté dans l’ombre sans bouger. Ils sont entrés. Ils avaient la peau noire, étaient vêtus de chemises et de pantalons jean, et parlaient en anglais. L’un a aperçu mon pied qui dépassait de l’ombre et m’a tiré vers lui. J’ai pensé que c’était la fin ! Je me suis relevé, je me suis présenté à eux en récitant des sourates du Coran. Ils m’ont regardé sans ciller, puis l’un à parlé à l’autre dans une langue que je ne connaissais pas, et l’a tiré par le bras pour sortir de la pièce. Ce dernier a hésité, puis l’a suivi. Je les ai entendu partir, puis de nouveau des coups de feu. Je me suis enfermé, silencieux, dans l’obscurité, sans bouger ». L’attente sous les balles, pour les otages du Radisson pris au piège, durera 1h30 avant l’arrivée des premières forces de sécurité.

Une opération policière d’ampleur  L’alerte est donnée peu après 7 h, les premières forces de police à être sur place sont celles du commissariat du 14ème arrondissement, qui gère la commune IV où se trouve l’hôtel. Ils sont rapidement rejoints par les hommes de la BAC, les forces d’intervention de la police nationale (FIPN) et le peloton d’intervention de la gendarmerie nationale (PIGN). Pour ces unités surentraînées, c’est une première. «Nos forces d’intervention étaient physiquement et mentalement prêtes à intervenir sur le terrain malgré l’inconnu des lieux, ils étaient parés pour s’adapter à la situation», explique un gradé des forces de sécurité. En une vingtaine de minutes, les forces maliennes bouclent le périmètre de l’hôtel et commencent à planifier l’assaut.

Du côté du Radisson, des employés qui ont pu s’échapper se réfugient dans le salon de coiffure qui jouxte l’hôtel et tentent tant bien que mal d’aider les forces de sécurité. « Ils m’ont demandé si je pouvais localiser les issues de secours pour eux, et j’ai fait un schéma. On a essayé de leur donner un maximum d’informations sur l’hôtel, les clients », témoigne un serveur. Vers 8h, un important dispositif composé de la garde nationale, d’officiers de police et d’éléments d’intervention de la MINUSMA, de la protection civile, et de la brigade spéciale d’intervention a rejoint les unités déjà présentes. Ils sont appuyés par des forces spéciales française et américaine. Ces dernières apportent un appui logistique et de renseignement, permettant de se faire une idée plus précise de ce qui se passe à l’intérieur du bâtiment. Un PC de sécurité, une cellule de première urgence, pour assurer la prise en charge médicale des blessés ainsi qu’un soutien psychologique aux personnes évacuées, sont mis en place non loin du théâtre d’opération par la MINUSMA. Un centre de gestion de crise est constitué sous l’autorité directe du ministre de la Sécurité intérieure et du ministre de la Défense. Le Palais des sports de Bamako est réquisitionné pour accueillir et regrouper les otages qui seront exfiltrés lors de l’opération. Sur le terrain la tension est palpable, les véhicules blindés et les pick-up de la police arrivent et démarrent en trombe. Les premiers journalistes sont sur place, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. De nationale, la prise d’otages du Radisson de Bamako devient une information internationale, dont les rédactions mondiales se font l’écho. Le nombre et l’identité des terroristes, restent confus. La gorge serrée, l’angoisse et la peur dans le regard, des rescapés de cet enfer échangent avec les forces de l’ordre, sur ce qu’ils ont vu : «j’ai pu apercevoir au moins 3 terroristes différents », « ils venaient de plusieurs directions, ça tirait dans tous les coins, ils devaient être au moins une dizaine !». « Ils devaient avoir des complices qui étaient déjà à l’intérieur! ». Officiellement, les autorités font état de 2 à 3 terroristes dans l’établissement.

Top assaut  À 9 h, l’assaut est donné. L’objectif principal des forces d’intervention est la libé- ration des otages. En première ligne, ils investissent les lieux, bouclier pare-balles en avant, le sang macule les rangers, les victimes jonchent le sol. « Dès qu’ils sont arrivés les terroristes ont commencé à tirer. Nos forces d’intervention les ont repoussés dans les étages. La configuration des escaliers de l’hôtel et leur position en hauteur, leur permettaient de tirer sur tout ce qui se présentait dans l’escalier », confie une source appartenant aux forces de sécurité maliennes. Les unités d’intervention parviennent à se tailler un passage dans les premiers niveaux de l’hôtel, forçant les djihadistes à se retrancher aux derniers étages. Cette action permet l’exfiltration progressive des otages. Les informations arrivent au compte-gouttes. Les rumeurs vont bon train. Les bilans divergent sur le nombre de morts de part et d’autre : 10, 18 puis 27 victimes. Selon les médias, les terroristes se trouveraient reclus au 7ème étage de l’hôtel Radisson, qui n’en compte que 5… Les caméras retransmettent au monde entier la situation en direct. À 11h, on dénombrait déjà 80 otages exfiltrés, mais aucune nouvelle quant au sort des terroristes. Pendant 3 heures, la situation semble figée. Un officier malien s’énerve: « l’opération a pris du temps parce que les Français ont fait appel à quarante éléments des forces spéciales françaises positionnées à Ouagadougou. L’ordre implicite était d’attendre pour pouvoir conjointement terminer l’opération ». Ce n’est qu’à 14h30 qu’ils arrivent sur le théâtre d’opération, 133 otages ont déjà été exfiltrés par les forces maliennes. À 15h les deux terroristes, quelque part dans les étages de l’hôtel, n’ont plus aucun otage à exécuter entre leurs mains. L’étau peut se resserrer. Dans le même temps, la chaîne de télévision pan-arabe, Al-Jazeera, diffuse la revendication de l’assaut par le groupe djihadiste Al-Mourabitoune dans une opération avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). À 16 h, tout s’accélère. Un assaut conjoint est lancé. Les Maliens montent les escaliers pour se porter au-devant des deux forcenés, acculés au quatrième étage devant une porte bloquée menant sur une terrasse. Les Français les prennent à revers, passant par l’extérieur, et les balles pleuvent. Les terroristes, criblés d’impacts, s’écroulent morts, sans avoir pu utiliser les grenades offensives qu’ils portaient sur eux.

Le bilan de l’attaque est lourd. Officiellement on dénombre 22 morts : 18 clients, 3 membres du personnel de l’hôtel, 1 gendarme malien et deux terroristes, et 7 blessés dont 3 policiers. La majorité des victimes sont d’origine étrangère: six Russes, trois Chinois, deux Belges, une Américaine, un Sénégalais et un Israélien. L’épisode sanglant de la prise d’otages de l’hôtel Radisson s’achève à la nuit tombée. Pour les forces de sécurité maliennes c’est une réussite. Ils accusent des pertes mineures et grâce à leur courage, 133 otages ont pu être sauvés. Le président IBK sur l’ORTM, décrète 10 jours d’état d’urgence et un deuil national de 3 jours.

Le calme revient peu à peu dans les rues de Bamako, et avec lui un malaise lancinant, mélangeant choc et peur de l’avenir. Une seconde séquence commence, celle de l’enquête, qui devra amener des réponses, sur de nombreux points.