46 militaires ivoiriens : à quand le dénouement ?

Le président du Togo Faure Gnassingbé s’est rendu mercredi à Bamako puis à Abidjan pour échanger avec les présidents Assimi Goita et Alassane Ouattara. Le Togo qui assure une médiation entre les deux pays se démène pour trouver une issue à la crise née de l’arrestation de 49 militaires ivoiriens dont 46 sont actuellement en détention au Mali. 

Les efforts de Faure Gnassingbé vont-ils porter fruit ? C’est la première fois que le président togolais dont le pays assure la médiation dans l’affaire des 46 militaires ivoiriens se rend à Bamako puis à Abidjan pour y rencontrer les présidents Assimi Goita et Alassane Ouattara. Aucun commentaire côté malien à l’issue de la rencontre, la présidence togolaise a elle assuré que les deux chefs d’Etat se sont entretenus entre autres sur des sujets régionaux d’intérêts communs. Sur la table notamment la question de la libération des militaires ivoiriens arrêtés à Bamako depuis le 10 juillet 2022, qualifiés dans un premier temps par les autorités maliennes des mercenaires. Le 30 décembre 2022, les 46 militaires ivoiriens ont été condamnés à 20 ans de réclusion criminelle alors que les trois soldates libérées en septembre 2022 ont, elles, écopé de la peine de mort par contumace. Ces militaires ivoiriens ont été reconnus coupables d’attentat et complot contre le gouvernement, « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». Selon une dépêche de l’AFP, le président Faure Gnassingbé aurait demandé une grâce présidentielle du Colonel Assimi Goita en faveur des militaires ivoiriens condamnés. Cette possibilité aurait été déjà laissé ouverte par le mémorandum conclu entre les deux parties, malienne et ivoirienne, le 22 décembre dernier à Bamako.

Dans une déclaration mercredi suite à une réunion du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly a assuré que le gouvernement ne commente jamais les décisions de justice prises en Côte d’Ivoire, et qu’il n’y a pas de raison de commenter les décisions de justice prises à l’étranger.  Il a en outre exhorté les Ivoiriens à faire confiance au Chef de l’Etat dans cette affaire où la Côte d’Ivoire a choisi la voie de la négociation et celle diplomatique.

Le président ivoirien Alassane Ouattara, lui, avait déjà promis dans son discours du nouvel an le 31 décembre dernier que les soldats condamnés regagneront bientôt le sol ivoirien.

46 militaires ivoiriens : désaccord entre le Mali et la CEDEAO

Après avoir demandé le 22 septembre la libération « sans conditions » des militaires ivoiriens détenus au Mali et envoyé une délégation de chefs d’État à cet effet à Bamako le 29 du même mois, la CEDEAO appelle les autorités maliennes à répondre favorablement aux différents appels à la libération des soldats.

L’affaire atteindra ce samedi, jour pour jour, son cinquième mois. C’est le 10 juillet dernier que 49 militaires ivoiriens – « des mercenaires selon les autorités maliennes » -ont été arrêtés et inculpés à la mi-août par la justice malienne pour « tentative d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État ». Depuis, les négociations se multiplient entre Bamako et Abidjan pour leur libération. En première ligne le Togo qui assure la médiation. L’implication togolaise a d’ailleurs permis la mise en liberté, en « guise de geste humanitaire » le 3 septembre, de 3 femmes soldats parmi les 49 détenus. Mais, depuis, la situation stagne du fait que le Mali a sollicité l’extradition de certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux.

Une « contrepartie » qu’ont déploré les chefs d’États de la CEDEAO, réunis en sommet extraordinaire à la demande de la Côte d’Ivoire, le 22 septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont condamné avec « fermeté le maintien en incarcération » des 46 soldats ivoiriens au Mali, « malgré tous les efforts de médiation entrepris par la région » et dénoncé « le chantage exercé par les autorités maliennes dans cette affaire ». Ainsi, ils demandent aux autorités maliennes la libération « sans conditions » des militaires.

Le gouvernement malien avait déjà indiqué à l’annonce de la tenue du sommet qu’il n’est « nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire ». Via un communiqué, le 15 septembre, il a souligné que « l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale » et mis « en garde contre toute instrumentalisation de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité vis-à-vis du Mali ». Les autorités de la transition avaient également fait savoir qu’ils ne céderaient à aucun chantage.

Sanctions

Ce 4 décembre, lors de la 62ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’États et de gouvernements de la CEDEAO à Abuja, le Président de la Commission de l’organisation ouest-africaine, Dr Omar Alieu Touray, a annoncé aux médias que la CEDEAO « continuera à dialoguer avec les autorités maliennes pour obtenir la libération immédiate des 46 soldats détenus au Mali. Au cas où les soldats ne seraient pas libérés rapidement, les dirigeants se réservent le droit et ils ont pris la décision de prendre certaines mesures » sans plus de précisions. Pour faire céder le pays, selon un diplomate ouest-africain cité par l’AFP et largement relayé par la suite, la CEDEAO envisage des sanctions. Aucune mention n’est faite dans le communiqué final publié deux jours plus tard d’une menace de sanction ni d’un ultimatum pour la libération des soldats. Le ton est d’ailleurs plus diplomate et conciliant que celui du sommet de septembre. Dans les conclusions du sommet, la CEDEAO « appelle les autorités maliennes à répondre positivement aux différents appels à la libération desdits soldats ».

Selon Soumaïla Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la sécurité, le Mali ne subira pas d’autres sanctions de la CEDEAO, d’autant plus que la plus grande partie des autorités de la transition fait déjà l’objet de sanctions et que le pays est déjà suspendu de l’instance sous-régionale.

« En outre, je ne pense pas que la CEDEAO va rééditer ses sanctions économiques contre le Mali. Puisqu’autant le Mali a beaucoup à perdre, autant la CEDEAO a énormément à perdre, parce qu’une sanction de plus pourrait pousser le Mali à quitter l’instance. Son départ va mettre à mal les acquis de l’intégration et je pense que cela n’est pas le souhait de la CEDEAO », dit-il.

Des analystes mettent également en évidence le fait qu’un nouvel embargo contre le Mali ferait pâtir les ports de Dakar et Abidjan, dont le Mali est un important client dans l’importation de produits manufacturés. Et aussi les pays côtiers (Côte d’Ivoire, Ghana), qui dépendent du Mali pour l’importation du bétail-viande.

De plus, de l’avis des spécialistes, des sanctions de la CEDEAO contre le Mali dans le cadre de l’affaire des militaires ivoiriens pourraient se retourner contre l’organisation, déjà fragilisée auprès des opinions nationales et régionales.

Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo candidat déclaré pour 2025

Profitant de la célébration de l’AUn, le PPA-CI a annoncé dans la foulée la candidature de l’ancien Président ivoirien Laurent Gbagbo, contre toute attente, pour l’élection présidentielle de 2025.

Plus de temps à perdre pour Laurent Gbagbo. Comme il l’avait dit dès son retour en Côte d’Ivoire, en juin 2021, il ne prendra pas de sitôt sa retraite politique. Bien au contraire! Tout en organisant son parti, le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI), il ambitionne à nouveau gouverner son pays. Une revanche, sûrement, qu’il veut prendre sur l’histoire, après un mandat perturbé par une rébellion en 2002, deux ans après sa prise de pouvoir dans des conditions difficiles. En face, il trouvera sûrement Henri Konan Bédié, qui, dépossédé du pouvoir en 1999, rumine sa vengeance, et Alassane Ouattara, son éternel rival, au pouvoir depuis 2011. Un scénario pas loin de celui de 2010 pourrait se présenter.

Pressions politiques

En désignant Laurent Gbagbo comme son candidat, le PPA-CI répond indirectement au Président de la République Alassane Ouattara, qui lui accordait une grâce présidentielle là où il s’attendait à une amnistie. Déjà, en 2020, Laurent Gbagbo avait été retiré de la liste électorale. Une grâce présidentielle compromet également sa candidature à l’élection présidentielle. L’espace politique ivoirien s’annonce houleux à un an des élections locales, véritable test après l’élection présidentielle de 2010 et annonciateur de ce que pourrait être l’élection présidentielle de 2025. Comme en 2010, la tension pourrait alors être très vive entre les trois gros poids de la politique ivoirienne, qui auront réussir à convaincre leurs partisans d’être les seuls à pouvoir porter les projets politiques de leurs partis respectifs. Mais, notent des observateurs politiques, rien n’est pour l’heure certain. Une révision à la baisse de l’âge pour être candidat à l’élection présidentielle n’est pas à écarter. En début d’année 2022, une proposition de loi avait à cet effet été déposée au Parlement ivoirien par un député, avant d’être retirée. Toutefois, tant au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qu’au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir), des voix se font entendre en faveur d’un passage de flambeau à une autre génération, moins âgée, afin de sortir des clivages qui perdurent depuis 1993, date du décès du Président Félix Houphouët-Boigny.

Mali – Côte d’Ivoire : 46 contre 2

L’affaire perturbe les relations entre la Côte d’Ivoire et le Mali depuis plus de deux mois. Alors que la libération de 3 soldates, membres des 49 militaires ivoiriens interpellés le 10 juillet 2022, le 3 septembre dernier suscité l’espoir d’un début d’issue définitive à cette crise, la situation a depuis pris une nouvelle tournure. Comme relayé par des sources diplomatiques proches des négociations, le Président de la Transition a finalement confirmé une demande de contrepartie du  Mali en échange de la libération des Ivoiriens détenus. Une exigence de la partie malienne qui présage d’une suite de plus en plus complexe à cette affaire, qui n’est déjà pas sans conséquences sur la cohésion entre les deux pays.

Pour la première fois depuis le début des négociations pour la libération des militaires ivoiriens, le Mali a officiellement exigé une contrepartie. Selon un communiqué de la Présidence en date du 9 septembre dernier, suite à la réception d’une délégation nigériane conduite par Geoffrey Onyema, ministre des Affaires étrangères de la République fédérale de Nigéria, au cœur de laquelle était la question des soldats ivoiriens, le Président de la transition, le Colonel Assimi Goita, a souligné la « nécessité d’une solution durable » à l’opposé d’une « solution à sens unique » qui consisterait à « accéder à la demande ivoirienne sans contrepartie pour le Mali ».

« Au moment même où la Côte d’Ivoire demande la libération de ses soldats, elle  continue de servir d’asile politique pour certaines personnalités maliennes faisant l’objet de mandats d’arrêt internationaux émis par la justice », a affirmé le Président Goita, déplorant que ces mêmes personnalités bénéficient de la protection de la Côte d’Ivoire pour  « déstabiliser le Mali ».

Le même jour, le Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maiga, a évoqué  un dossier « éminemment judiciaire » mais également affirmé être « surpris  de voir certains de nos compatriotes vivant en Côte d’ivoire utiliser ce pays comme terrain en vue d’attaquer ou de perturber la transition ».

Durcissement de ton ?

La Côte d’Ivoire considère désormais ses 46 militaires écroués à Bamako comme des « otages », d’autant plus que le pays ne serait pas prêt à accepter ce « marché inacceptable ». Les autorités ivoiriennes à l’issue d’une réunion extraordinaire du conseil national de sécurité tenue le 14 septembre à Abidjan. Par ailleurs, le Conseil national de sécurité a instruit, la ministre ivoirienne des Affaires Etrangères afin qu’elle saisisse la CEDEAO pour que cette institution sous-régionale organise une réunion extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement
sur la crise entre la Côte d’Ivoire et le Mali. Les personnalités maliennes que réclament les autorités de la transition sont au nombre de deux : Karim Keita, fils de l’ancien Président, feu Ibrahim Boubacar Keita, cité dans l’affaire de la disparition du journaliste Birama Touré, et Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la Défense, poursuivi dans l’affaire du marché public dite « Paramount » relative à l’acquisition d’équipements militaires.

« Moi, j’ai confiance et je ne pense pas avoir posé d’acte en direction du Mali, ni en direction de qui que ce soit qui puisse me valoir de servir de monnaie d’échange dans un tel dossier », confiait ce dernier en août dernier, jugeant « inhabituel » que Karim Keita et lui soient devenus des « enjeux dans cette affaire-là ». Selon certaines sources Tiéman Hubert Coulibaly ne se trouverait actuellement plus en Côte d’Ivoire. En février dernier, Ainéa Ibrahim Camara, un politique peu connu, s’était autoproclamé Président de la Transition malienne. Dans un communiqué publié dans la foulée, les autorités ivoiriennes l’avaient mis en garde, assurant « ne pas tolérer la déstabilisation d’un pays frère à partir de son territoire ». À ce moment-là, les relations entre les deux pays commençaient déjà à s’effriter. Visé par un mandat d’arrêt international lancé par la justice ivoirienne, Sess Soukou Mohamed dit Ben Souk avait été arrêté au Mali en août 2021. Finalement, 2 jours après la prise des sanctions de la CEDEAO contre le Mali, alors que certains y voyaient la main lourde du Président ivoirien Alassane Ouattara, les autorités ont libéré cet opposant très proche de Guillaume Soro le 11 janvier dernier.

« La Côte d’Ivoire n’est pas contente, parce qu’elle estime que l’attitude malienne s’avoisine à du chantage. La Côte d’Ivoire veut régler cette crise de façon amicale, à cause des liens d’amitié entre les deux pays. Mais elle constate que le Mali est vraiment fermé à toute négociation », glisse un observateur ivoirien proche du dossier

Pour autant, la Côte d’Ivoire compte poursuivre les discussions en cours afin d’obtenir la libération de ses soldats. « Toutes les voies diplomatiques sont ouvertes pour obtenir cette libération, tant avec l’implication de la CEDEAO que des Nations unies. La Côte d’Ivoire compte respecter le droit d’asile de tous ceux qui sont sur son sol pour des raisons diverses », nous confie un membre du Conseil de sécurité ivoirien.

Selon une autre source proche des négociations, « la Côte d’Ivoire était d’accord jusqu’à un certain moment pour régler le problème à l’amiable. Mais le ton monte à Abidjan et dans l’entourage du Président Alassane Ouattara. On n’est pas content ».

La même source prévient que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pourrait « hausser le ton » dans cette affaire, qui devrait être parmi les sujets à l’ordre du jour d’un Sommet extraordinaire de l’instance sous-régionale la semaine prochaine à New York, en marge de la 77ème session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU).

« La situation peut prendre une autre tournure. Si une résolution est prise au niveau de la CEDEAO et appliquée contre le Mali à cause de cette situation, ou peut-être aussi bien contre la Côte d’Ivoire, j’ai peur que cela ne soit un point de non-retour, parce que c’est une instance sous-régionale. Ce serait assez délicat », craint Birahim Soumaré, ancien diplomate et analyste en stratégie internationale. Pour lui, aussi bien la Côte  d’Ivoire que le Mali ont intérêt à conserver une relation convenable entre les deux pays.

« En tout état de cause, la rupture dans ce genre de situation ne présage rien de bon, eut égard à la dangerosité de notre environnement actuellement. Dans ce cadre-là, il est  souhaitable qu’une solution définitive soit trouvée. J’ai bien peur que la situation  ne soit très sensible entre nos deux pays si l’on ne s’entend pas sur un règlement définitif », poursuit-il.

Relations impactées

Si les diasporas des deux pays présentes sur chacun des deux territoires n’ont jusque-là directement pas subi de graves répercussions liées à la crise entre les deux États, les messages incitant à la haine et les accusations réciproques de ressortissants des deux pays inondent les réseaux sociaux depuis le début de l’affaire.

Les milieux culturels des deux pays sont les plus impactés. L’artiste malienne Mariam Bah Lagaré, devant se produire en concert en Côte d’Ivoire en août dernier, a vu son spectacle annulé « jusqu’au règlement du conflit », à l’initiative d’un mouvement de la Fédération de la jeunesse ivoirienne pour la libération des 49 soldats, « Je suis 49 ».

Par ailleurs, le concert du rappeur ivoirien Didi B, prévu pour le 24 septembre prochain à Bamako, a été finalement aussi été reporté à une date ultérieure par ses organisateurs. « Au vu des réactions très mitigées depuis l’annonce de la tenue du spectacle, nous, opérateurs culturels maliens et ivoiriens, responsables et soucieux de créer un environnement de paix, d’amitié et de fraternité à travers l’Art, décidons de reporter le concert de sensibilisation « Même Peuple » de Didi B », ont-ils indiqué après avoir, disent-ils, analysé « profondément et en détails » les réactions sur les réseaux sociaux.

Sur le plan économique, la situation ne semble pas pour l’heure impacter les échanges commerciaux entre les deux pays, dont les économies sont très liées, et, selon certains observateurs, Abidjan n’a pas l’intention d’exercer de pressions en ce sens sur Bamako. La Côte d’Ivoire exporte principalement des produits pétroliers vers le Mali, qui, de son côté, transporte de l’autre côté de la frontière du bétail.

Pour Birahim Soumaré, beaucoup de paramètres devront être pris en compte, du côté ivoirien comme malien, pour qu’une solution puisse être vite trouvée. « Les liens qu’il y a entre la Côte d’Ivoire et le Mali remontent à très longtemps. Il y a une grande communauté malienne active en Côte d’Ivoire. Pour des raisons économiques également, nous utilisons le port d’Abidjan », rappelle l’ancien diplomate.

Médiations tous azimuts

Depuis le début de l’affaire, des médiations sont en cours pour tenter d’aboutir à une issue diplomatique de cette crise. La médiation togolaise, demandée par le Mali, que conduit le Président Faure Gnassingbé depuis le 18 juillet dernier, suit son cours et a permis la libération des 3 femmes soldats ivoiriennes parmi les 49 interpellés, début septembre, à « titre humanitaire de la part du Président de la Transition », selon Robert Dussey, ministre togolais des Affaires étrangères.

Elle s’active toujours, selon Lomé, pour parvenir à la libération des autres soldats encore détenus à Bamako, qu’une délégation de diplomates ivoiriens avait pu rencontrer fin juillet à l’école de Gendarmerie et qui, d’après Abidjan, n’avaient subi aucun mauvais traitement.

La situation préoccupe également dans le reste de la sous-région. Le Président sénégalais Macky Sall, Président en exercice de l’Union Africaine, s’est aussi impliqué, évoquant lors de sa visite à Bamako le 15 août dernier des « solutions africaines » pour « faciliter le règlement de ce contentieux avec les militaires ivoiriens ».

Le Président nigérian Mahamadou Buhari tente également de s’investir dans le dénouement de cette crise entre la Côte  d’Ivoire et le Mali, par le biais de son ministre des Affaires étrangères, qu’il a dépêché sur Bamako la semaine dernière pour rencontrer le Colonel Assimi Goita. Outre ces tentatives diplomatiques, une médiation de leaders religieux auprès des autorités maliennes est aussi en cours.

Mais, au même moment, le processus judiciaire suit son cours. Pour rappel, avant la libération des 3 dames, les 49 militaires avaient été placés sous mandat de dépôt pour des « faits de crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et de complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes ».

Crise malienne: Cinq présidents ouest-africains à Bamako le 23 juillet

La crise malienne au centre de l’actualité nationale et internationale. A près un double séjour de la CEDEAO pour une médiation de sortie de crise en terre malienne, c’est au tour des présidents ouest-africains Mahamadou Issoufou du Niger, Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Nana Akufo-Addo du Ghana, Muhammadu Buhari du Nigeria et Macky Sall du Sénégal de tenter le tout pour le tout.

Ces dirigeants vont effectuer le voyage en compagnie de Jonathan Goodluck, médiateur du président en exercice de la CEDEAO, Kalla Ankourao, ministre nigérien des Affaires étrangères, Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO, et Général Francis Béhanzin, commissaire aux Affaires Politiques, Paix et Sécurité de la CEDEAO.

Annoncés par la presse internationale, ils sont attendus le 23 juillet pour une Mission de médiation afin de tenter de trouver une issue à la crise socio-politique qui secoue le Mali depuis plusieurs mois.

Selon Jeune Afrique, l’objectif de leur présence est de rencontrer Ibrahim Boubacar Keïta et les leaders du Mouvement du 5-Juin -Rassemblement des Forces Patriotiques qui réclament la démission du président depuis plusieurs semaines.

 

Geoffroy Julien Kouao : « Les autorités ivoiriennes ont envoyé un message d’apaisement »

Condamnée en 2015 pour atteinte à la sûreté de l’État, Simone Gbagbo, l’ex Première Dame ivoirienne vient de bénéficier de l’amnistie accordée par le Président Alassane Dramane Ouattara le 6 août. Quelles sont les implications politiques d’une telle décision et peut-elle avoir des conséquences sur la procédure de la CPI ? Geoffroy Julien Kouao, analyste politique, répond à nos questions.

Quelles peuvent être les conséquences de cette amnistie ?

La première est la remise en liberté de l’ex Première Dame. Les conséquences politiques sont notamment la décrispation de l’atmosphère politique en Côte d’Ivoire. Le geste du chef de l’État est un geste d’apaisement à l’endroit de toute la classe politique.

Pourrait-il y avoir d’autres conséquences politiques, comme une participation à une élection de Madame Gbagbo ?

C’est d’abord et avant tout une femme politique, et il n’y a pas d’âge pour en faire. Elle va continuer, c’est une évidence. Maintenant, si vous me demandez si elle sera candidate à la prochaine élection présidentielle, dans tous les cas de figure la Constitution dit qu’il n’y a pas d’âge limite pour être candidat. 2020 c’est encore loin, mais elle va sûrement jouer un rôle majeur au sein du Front populaire ivoirien.

Est-ce que sur le plan personnel,  quelque chose a changé pour elle ?

Après 7 ans de prison, on ne peut être que physiquement affecté et moralement atteint. C’est une dame qui a une carapace assez solide pour endurer toutes ces souffrances. Les premières photos que l’on a d’elle sur les réseaux sociaux montrent que c’est une dame qui est physiquement et moralement  affectée, mais elle a une grande capacité de résilience et il faudra compter avec elle dans l’avenir sur le champ politique ivoirien.

Cette libération peut-elle influer sur la procédure en cours devant la CPI ?

Ce sont deux procédures différentes. Les juridictions ivoiriennes sont nationales et la CPI est internationale. Le principe de complémentarité veut que lorsque des poursuites sont faites au plan national, la CPI n’est plus compétente. Cependant ce ne sont pas sur les mêmes chefs d’accusation et la CPI avait lancé un mandat d’arrêt. Mais le message envoyé par les autorités ivoiriennes quant à l’apaisement et à la réconciliation nationale devrait être entendu et la CPI aller dans le même sens avec Messieurs Blé Goudé et Laurent Gbagbo. Aujourd’hui, les Ivoiriens ont un désir farouche de réconciliation et de paix.

Kémi Séba : « Le franc CFA permet à l’oligarchie française et aux serviteurs de la Françafrique de prospérer »

Alors que jeudi 31 août, à l’Élysée, les présidents français et ivoirien ont réaffirmé leur attachement à la zone franc et souhaité son extension à tout l’espace CEDEO, Kémi Séba, militant anti-impérialiste relaxé la semaine dernière pour avoir brûlé un billet de CFA, appelle à une gigantesque mobilisation en réponse aux « vautours » qui défendent cette « servitude monétaire ». Il a répondu aux questions de Journal du Mali mardi dernier, alors qu’il venait d’apprendre que le ministère de la justice sénégalais faisait appel de sa décision de relaxe. Le lendemain, 06 septembre, il était de nouveau arrêté par la justice sénégalaise qui l’a expulsé manu militari vers la France.

 Le ministère de la Justice sénégalais à fait appel mardi matin de la relaxe décidée par les tribunaux à votre endroit. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ?

C’est à mon sens lié à l’appel à la mobilisation que nous avons lancé pour le 16 septembre prochain, qui sera la plus grosse mobilisation de l’histoire contre le franc CFA sur le continent africain, mais aussi dans la diaspora, pour protester contre le néo-colonialisme émanant des élites politiques françaises. Quand j’ai été relaxé, ils pensaient que j’allais cesser le combat. Mais, à partir du moment où le Président ivoirien Alassane Ouattara, en partenariat avec le Président Macron, ont clamé leur volonté d’étendre le franc CFA à la CEDEAO, méprisant par là même les peuples qui s’opposent à cette servitude monétaire, cela nous pousse à lancer une nouvelle mobilisation et à faire notre possible pour que les voix des peuple soient entendues. C’est de la légitime défense.

Pourquoi, selon vous, le Président Alassane Ouattara, ainsi que d’autres, se posent-ils en défenseurs du franc CFA ?

Le franc CFA est quelque chose qui apporte à ces vautours un certain nombre de recettes substantielles, via les comptes d’opérations, et en aucun cas ils ne voudront couper le cordon. Car c’est ce cordon du franc CFA qui permet à l’oligarchie française et aux serviteurs de la Françafrique de prospérer, sur bon nombre de plans.

La solution pourrait-elle passer, comme évoqué par le Président Macron, par une « modernisation » du franc CFA ?

C’est comme moderniser les chaînes qu’ils nous font porter, en y mettant de la peinture dorée. Le peuple africain ne veut plus de servitude. Nous ne voulons pas de modernisation de la servitude, nous voulons la briser. C’est pour cela que la proposition de Macron, qui est peut-être vu comme progressiste, contrairement à celle de son serviteur Alassane Ouattara, qui est scandaleuse, n’est pas acceptable. Nous voulons une rupture définitive et complète d’avec ce franc CFA, une monnaie frappée chez nous, qui ne soit plus liée à la France, une monnaie africaine. Nous nous battrons pour cela.

Certains avancent que sortir du franc CFA pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les économies de ces pays ?

Il y a évidemment des scénarios catastrophiques, parce que le franc CFA est stable, qu’il est garanti par la France, qu’il a une homogénéité, une stabilité, sur un certain nombre de points. De la même façon, à l’époque de l’esclavage, il y avait une stabilité pour les esclaves, trois repas garantis, ce qui pouvait leur faire redouter de prendre leur liberté de peur de ne pas parvenir à se nourrir eux-mêmes. Mais il mieux vaut vivre libre dans l’incertitude que vivre dans le silence en étant dans un régime d’oppression.

Le projet de monnaie unique de la CEDEAO a été de nouveau repoussé. Y souscriviez-vous ?

On attendait de voir ce que cela allait apporter, s’il y allait avoir une rupture réelle d’avec le franc CFA, mais il y avait un grand manque de transparence. C’était un problème central. Mais, pour l’instant, on a aucun élément de réponse, a fortiori maintenant que ce projet a été de nouveau repoussé, alors que Alassane Ouattara veut étendre le franc CFA aux pays anglophones. Comme si on avait besoin de ça aujourd’hui !

Il y aura une grande mobilisation anti-CFA le 16 septembre. Nous ne comptez pas brûler des billets de CFA de nouveau ?

Ce n’est pas le projet. On a mis sur nos affiches un billet brûlé parce que c’est devenu le symbole d’une révolution. Le but n’est pas de lancer un appel à brûler des billets, mais de se mobiliser, avec toute la force et la pression sociale nécessaires, contre ce satané franc CFA et la servitude monétaire qu’il symbolise.