Aïd el fitr : Chers bœufs !

A une semaine de la fin du mois de Ramadan, le marché des bœufs est en effervescence. Mais les prix, jugés rédhibitoires par certains, pourraient bien constituer un frein.

Mamadou Sow, éleveur depuis une dizaine d’années, fait grise mine. Six jours qu’il n’a plus vendu le moindre bœuf. « Je peux voir passer plus de dix clients par jour, sans pour autant réaliser une seule vente. Cela accentue ma frustration ». Dans son enclos se trouve une centaine de bœufs, dont les prix vont de 155 à 700 000 francs CFA. « Les clients m’accusent d’être intraitable et de faire prendre l’ascenseur aux prix pour cause de fête. Ce n’est pas le cas. La nourriture revient très cher et je ne peux pas vendre à perte », explique-t-il. La cherté des bœufs serait donc due au prix de l’aliment-bétail. En mars 2018, Sidiki Diabaté, Secrétaire général de la fédération nationale des producteurs d’huile et d’aliment-bétail (FENAPHAB) confirmait cette flambée. De 25 000 francs CFA la tonne, l’aliment-bétail est passé à 125 ou 135 000 francs. Cela se ressent. Désireux de prendre de l’avance et de faire une bonne affaire, Malick a dû revoir ses plans. Rebuté par les prix de Sow, il décide d’aller au terrain « Shabah » de Lafiabougou où se tient une « opération Ramadan ».

Plafonnement ?

Par une entente signée avec le gouvernement, la coopérative des éleveurs et vendeurs de bœufs s’est engagée à  « maîtriser » les prix. Il y a « une première catégorie, qui coûte de 150 000 à 200 000 francs, une seconde, de 200 000 à 250 000 et la dernière avec un prix plafond de 300 000 francs CFA » explique Mamady Bouaré, membre de la coopérative. Il s’agit de bœufs âgés de deux à quatre ans. Sauf que dans les faits la réalité est différente. Même si notre interlocuteur ne l’avoue qu’à demi-mot,  les prix sont au-delà de ceux prescrits. « Nous venons de Boulkeissy et là-bas nous achetons de la nourriture 3 000 FCFA, ici il faut débourser le double pour la même quantité ».

Hors catégorie

Pour ceux qui, à juste titre, trouvent les bœufs proposés « petits », une alternative s’offre. Mais elle n’est pas donnée.  Agée de plus de cinq ans, aucune de ces bêtes ne coûte moins de 500 000 FCFA.  « C’est le premier choix de presque tous nos clients, mais très peuvent ou consentent à les payer », assure Bouaré. Sur les quelques 600 têtes qu’ils ont apportées, seulement une cinquantaine sont hors catégorie.

Aliment-bétail : Les prix en hausse

Le secteur de la production de l’aliment-bétail au Mali traverse une période tumultueuse et on constate une flambée des prix sur le marché. Il est constitué essentiellement de graines de coton et beaucoup de structures entrent dans son circuit, notamment la CMDT et l’APCAM. La cherté de cette denrée n’est donc pas due à la seule responsabilité de la Fédération nationale des producteurs d’huile et d’aliment-bétail (FENAPHAB). Quelles sont les véritables raisons de la hausse des prix ?

Il existe plusieurs sortes d’aliment-bétail, mais, à en croire, Sidiki Diabaté, Secrétaire général de la FENAPHAB, celui produit par la fédération est constitué à 90% de graines de coton. Cet intrant a subi une nette augmentation sur les dix dernières années. « On avait la tonne de graine à 12 500 francs CFA et on vendait la tonne d’aliment-bétail à 25 000 francs. Aujourd’hui, nous achetons la tonne de graine de coton à 110 000 francs. Donc nous vendons l’aliment-bétail à un prix qui varie entre 125 000 et 135 000 francs CFA la tonne selon la zone ».

La CMDT possède 17 usines dans le pays et elle délivre des bons d’enlèvement vers ces dernières pour l’approvisionnement en graines de coton, ce qui occasionne des frais de transport supplémentaires, à la charge des acheteurs. « Nous faisons des calculs de coût, ce qui fait que l’aliment-bétail revient cher », dévoile Sidiki Diabaté.

Du côté de l’APCAM, le discours est tout autre. Pour la faitière, la cherté de l’aliment-bétail est due au refus des producteurs d’adhérer à la subvention de l’État. « Nous avons demandé aux huiliers de participer à la subvention, d’accepter que l’État prenne une partie de nos charges, mais, jusqu’au jour d’aujourd’hui, ils refusent », déclare Sanoussi Bouya Sylla, Président de la chambre d’agriculture du District de Bamako.

Pourquoi un tel refus ? « Le document de subvention a été mené unilatéralement et nous n’avons pas été associés. A la fin, on nous l’impose de manière irréversible. C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas l’accepter », se justifie Sidiki Diabaté. A l’en croire, l’état peut accuser six mois de retard dans le paiement de la subvention. Pour trouver une sortie à cette crise, les deux parties semblent disposées à la négociation et aux concessions. « L’objectif, c’est que la graine du coton profite aux éleveurs maliens et que les huiliers qui la travaillent y gagnent aussi quelque chose », concède M. Sylla.