Oumar Cissé : « L’enlèvement d’Amadou Ndjoum avait pour seule motivation l’argent »

Le Collectif pour la libération d’Amadou Ndjoum et des Otages Maliens a été au cœur d’une large mobilisation, sur le terrain et les réseaux sociaux, pour faire libérer l’agent de l’INPS, kidnappé par la Katiba Macina le 26 avril et libéré le 13 septembre 2017. Oumar Cissé, l’un de ses membres fondateurs, révèle au Journal du Mali les raisons de son enlèvement, ainsi que les différents facteurs et acteurs qui ont œuvré à sa libération.

Pourquoi a-t-on kidnappé Amadou Ndjoum ?

Il y a beaucoup de versions. Selon ce que nous avons pu établir, l’enlèvement serait dû au fils d’un des retraités qui recevait sa pension d’Amadou Ndjoum. Ce jeune en déshérence a fait allégeance à la Katiba Macina et aurait décidé d’enlever Ndjoum pour se faire de l’argent, en lançant une fausse accusation contre lui. Leur intention n’était pas de lui faire du mal. L’enlèvement d’Amadou Ndjoum avait pour seule motivation l’argent.

Pourtant Amadou Ndjoum avait 10 millions de francs CFA, l’argent des pensions, sur lui quand il a été enlevé ?

Je ne pense pas que les ravisseurs savaient qu’il avait cet argent avec lui au moment où ils sont venus l’enlever.

Qu’est-ce qui a conduit à sa libération ?

C’est la conjonction de plusieurs facteurs. Au niveau du Collectif, nous avons été en contact un moment avec les ravisseurs d’Amadou Ndjoum. Nous avons essayé de négocier sa libération et avons largement mobilisé pour qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Il y a aussi des élus locaux qui sont intervenus pour tenter de le faire libérer. Une parente d’Amadou Ndjoum, une dame âgée, est allée voir les djihadistes à Dogo pour demander sa libération. Je pense que cela a été décisif, car il y a eu une sorte de conseil au niveau de la katiba, qui, par la suite, a décidé de relâcher Amadou Ndjoum.

Les autorités maliennes ont-elles joué un rôle dans cette libération ?

À mon avis, l’État n’a rien avoir avec cette libération.

Certains ont parlé d’une rançon versée. Qu’en est-il ?

J’ai appris d’un notable local que, lors des négociations avec les ravisseurs, ces derniers avaient demandé 750 000 francs CFA. Les notables ont pu rassembler 650 000 francs et les leur ont donnés, ce qui a amené une première promesse de libération.

Les djihadistes auraient aussi demandé la libération d’un prisonnier en échange d’Amadou Ndjoum ?

Oui, il y avait une intention de leur part d’obtenir un échange de prisonniers, mais cela ne s’est pas fait. Nous avons appris que durant les négociations pour faire libérer Amadou Ndjoum, l’un deux avait indiqué qu’un membre imminent de leur katiba, le beau-père d’Amadou Kouffa, un certain Dicko, avait été arrêté à Sévaré alors qu’il faisait route pour Bamako. Ils sont revenus sur leur première promesse pour faire libérer ce Dicko. La famille Ndjoum a saisi la section Droits de l’Homme de la Minusma, mais il y avait plus de 25 Dicko accusés d’activités terroristes incarcérés à Bamako. Finalement l’échange n’a pas eu lieu, Je crois que l’État n’a pas jugé bon de libérer ce terroriste considéré comme extrêmement dangereux.

 

EXCLUSIF : Amadou Ndjoum : « Mon bon comportement a été mon ticket de survie »

Mercredi 20 septembre aux environs de 18h, Amadou Ndjoum, l’agent de l’INPS kidnappé par la Katiba Macina, pénétrait dans Diafarabé, libre. L’homme fatigué, après plus de 4 mois de captivité en clandestinité, est malgré tout souriant. Quelques jours plus tard, il confiait au Journal du Mali le récit, parfois surprenant notamment sur la mansuétude de ses geôliers, de son enlèvement jusqu’à sa libération.

Depuis votre libération, comment vous-portez-vous ?

Je suis fatigué mais je vais bien. Depuis que j’ai été libéré, j’ai l’impression que je suis toujours en train de rêver ma libération. Je me demande si c’est vrai, c’est encore un peu confus dans ma tête. Je me sens fatigué. Là-bas je me couchais à 21h et je me réveillais à 5 h du matin car je ne pouvais plus dormir. Quand un nouveau jour se levait, c’était le signe du retour à la réalité, des soucis qui commencent, une nouvelle journée à affronter. Chaque jour qui passait était comme des années pour moi.

Pouvez-vous revenir sur votre enlèvement, le 26 avril dernier, comment cela s’est-il passé ?

J’ai quitté Mopti le 25 avril, je partais à Youwarou pour le paiement des pensions, chose que je fais mensuellement depuis 2010. Arrivé à Walado qui est environ à 25 km de Youwarou, il faut prendre le bac pour traverser avec les véhicules et continuer sur Youwarou. Nous étions deux sotramas à attendre le bac. Un homme est venu à moto enturbanné, il a intimé au conducteur de bac de ne faire traverser personne et d’immobiliser tous les véhicules. Quelques minutes sont passées et des hommes à bord de trois motos ont traversé de l’autre côté pour venir dans notre direction. Ils étaient en tout six, enturbannés et armés. Ils se sont directement dirigés vers moi. Ils m’ont demandé mon identité, où j’allais. Je leur ai dit qui j’étais et que j’allais à Youwarou. Ils ont voulu savoir ce que j’allais faire là-bas. J’ai répondu que j’allais payer les pensions. « Ah, donc c’est toi! » a dit l’un d’entre eux. J’ai compris qu’ils avaient ordre de venir me chercher. Ils ont pris mon sac. Nous sommes partis. On a traversé le fleuve en pirogue avec les motos. Arrivé sur la terre ferme, on m’a bandé les yeux, on m’a mis sur une moto, on a beaucoup roulé, on s’est juste arrêté à un moment pour prier et la nuit, on est arrivé dans un endroit que je ne connaissais pas. Je n’avais pas l’esprit tranquille car je ne savais pas où ils me menaient et ce qu’ils voulaient.

Vous ont-ils dit à ce moment-là pourquoi ils vous ont enlevé ?

Oui. Après la prière, ils ont ouvert mon sac où j’avais mes bordereaux de paiement, mes portables et tout. Ils ont tout enlevé. Ils m’ont dit qu’ils savaient que je partais chaque mois à Youwarou pour aller payer le salaire des militaires et des gendarmes de Youwarou. Je leur ai dit que non. J’ai essayé de leur expliquer en leur montrant les bordereaux, les noms et les paiements mais ils étaient illettrés, ils n’arrivaient pas à comprendre. Ils m’ont dit que ce que je disais était faux. Je leur ai demandé d’enquêter à Youwarou et voir si ces noms sont des porteurs d’uniformes ou des civils. Je savais que ma vie dépendait de ça et que s’ils comprenaient que je ne m’occupe pas des salaires des militaires, ce ne serait pas les mêmes conséquences. Pour eux, j’étais un militaire en civil qui cachait ce qu’il faisait pour payer ses collègues de l’armée. Ils ont pris mes affaires, compter mon argent, ils ont tout daté et scellé et ils m’ont dit que le jour que je serais libre, ils me le rendront.

Photo: Olivier Dubois

Savez-vous qui a pu leur dire que vous faisiez ces tournées pour payer les militaires ?

Ils m’ont dit que c’est quelqu’un qui me connaît très bien, quelqu’un qui savait quand et où je partais faire ma tournée. Cette personne leur a raconté que comme je payais les militaires, j’étais leur ennemi aussi. Je n’ai pas encore de preuve formelle sur l’identité de cette personne, mais je le saurai.

Vous avez été en captivité pendant plus de 4 mois, comment avez-vous été traité et comment êtes-vous parvenu à tenir ?

J’ai essayé d’être comme ils sont et de garder la foi. Je ne peux pas vraiment dire que j’ai été maltraité. Ce qu’ils mangeaient, c’est ce que je mangeais, c’était l’égalité totale. Je peux même dire que j’étais mieux traité que les autres du groupe. Ils faisaient tout pour me protéger. Malgré les conditions dans lesquelles nous vivions, ils faisaient en sorte que j’aille bien. Durant ma captivité, ils venaient me demander mes habitudes, ils voulaient savoir ce que je prenais, ce que je voulais. Ils m’apportaient de l’eau pour me laver, ce sont eux qui lavaient le linge pour moi. J’avais pas mal de droit sauf la cigarette car ils n’aiment pas ça, mais bon, moi je ne fume pas. Nous dormions principalement à l’extérieur. J’avais une natte, j’avais des couvertures. Côté nourriture, les 3 repas étaient respectés, on mangeait ensemble. J’ai observé les 30 jours de carême avec eux et malgré les conditions de détention, j’y suis parvenu à leur grand étonnement. La Tabaski, on l’a fêté ensemble. J’étais avec eux tout en pensant à ma famille. Je n’étais pas ligoté je pouvais quand même bouger. Je passais mes journées assis ou couché, je me levais pour la prière. Là-bas, on ne te dit rien, tu n’entends rien de l’extérieur, le temps était très long.

Avez-vous songé à vous échapper pendant votre captivité ?

Non je n’y ai pas pensé. C’est peut-être ça aussi qui m’a beaucoup favorisé. Je ne leur ai pas aussi menti. J’ai été enlevé pour une fausse accusation. J’ai pensé que comme ce qu’ils me reprochent est faux, je ne resterai pas longtemps leur prisonnier. Ça m’a permis de garder espoir. Je me suis bien comporté. Ils ont petit à petit eu confiance en moi. Au début, ils pensaient que j’allais m’échapper. Mais ils ont compris que je n’allais pas le faire. Les chefs me disaient que j’étais une personne de confiance. J’étais une sorte de prisonnier modèle pour eux. Ils m’ont même dit que c’est la première fois qu’ils capturent quelqu’un et qu’ils le félicitent et l’apprécient. Je pense que mon bon comportement durant ces longs mois a été mon ticket de survie.

Qui étaient vos ravisseurs, avez-vous pu communiquer avec eux, créer des liens ?

C’était les hommes d’Amadou Kouffa. Nous communiquions, car nous parlions la même langue, la langue peule et nous pratiquions la même religion, l’Islam. Il n’y avait que des hommes, il y avait aussi des enfants, des talibés, qui venaient nous visiter d’eux-mêmes. Je ne peux pas estimer leurs nombre car je n’étais pas directement avec eux. Il y avait une garde rapprochée, au moins 3 ou 4 personnes qui m’entouraient et me surveillaient. Ils discutaient toujours à distance, ils se méfiaient, ils ne voulaient pas que je les vois à visage découvert ou que j’entende certaines conversations.

Vous a-t-on souvent fait déplacer durant votre captivité ?

Jusqu’à ma libération, on m’a déplacé au moins 3 fois. J’avais toujours les yeux bandés pour ne pas savoir ou j’étais et ne pas les reconnaître. Les déplacements se faisaient à moto.

 

Y’avait-il d’autres otages avec vous ?

Non, j’étais le seul avec eux.

Vous ont-ils parlé de négociation visant à vous faire libérer ?

Non pas vraiment. Après 20 jours, ils sont venus me voir et ils m’ont dit que mes parents demandaient une preuve de vie et qu’il fallait faire une vidéo. C’est la vidéo que vous avez dû voir.

Quand j’ai demandé s’ils avaient fixé une rançon, ils n’ont rien dit. Chaque fois que je posais des questions ils me disaient « on est en train d’en parler avec ta direction, on est là-dessus ». Ils m’ont ensuite dit qu’ils n’ont jamais demandé de rançon à qui que ce soit. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont libéré. Je pense que c’est Dieu qui m’a blanchi.

Comment s’est déroulée votre libération ?

Le mercredi 20 septembre, vers 15h, ils sont venus me chercher, je m’en souviens parce que j’ai prié à 14h. Ils m’ont dit de prendre mon sac et de les suivre. Je pensais que nous partions pour une autre destination. On a roulé jusqu’à environ deux ou trois kilomètres d’une ville. On s’est arrêté. On était deux seulement. Il m’a demandé si je connaissais l’endroit. J’ai répondu que non. Il m’a dit que c’était Diafarabé, puis il m’a dit que ses supérieurs lui ont demandé de me libérer aujourd’hui. Il m’a montré au loin des antennes et il m’a dit que c’est là-bas, dans la ville, que je devais aller. Il devait être 18h. Je n’avais plus qu’à marcher pour m’y rendre. Il m’a donné 5000Fcfa, pour payer le passage en pinasse ou en pirogue et il est parti. C’est quand il s’est éloigné avec sa moto que j’ai compris que j’étais réellement libre. J’ai marché et suis entré dans Diafarabé. Je ne connaissais personne là-bas. Il y avait des jeunes qui jouaient au ballon. Je me suis approché, j’ai demandé s’il connaissait la seule personne que je connaissais et qui habitait à Tenenkou. Chacun a appelé des camarades pour essayer de trouver cette personne. Je me suis présenté, je leur ai dit que j’étais Ndjoum, l’agent de l’INPS qui a été enlevé par les djihadistes. L’un des garçons présents a été très surpris, il était le fils du président des retraités de l’INPS de Diafarabé. On est allé voir son père qui était très ému. Je suis resté là-bas, je me suis lavé, j’ai mangé. Ensuite on a appelé notre direction. Ils ont pris la route pour venir me chercher en bateau, le rendez-vous était à 1h du matin. Ça a pris un peu de retard, le bateau est arrivé à 5h du matin, et on a enfin embarqué pour Mopti ou j’ai pu retrouver ma famille.

Aujourd’hui libre, que ressentez-vous et qu’allez-vous faire ?

Tous ces longs mois, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, je me disais pourquoi tout ça. On m’accuse de quelque chose qui n’est pas vrai. Ce qui m’est arrivé, c’est quelque chose que l’on ne peut pas prévoir. Là-bas on ne sait pas qui est qui. En tout cas je ne partirai pas, je resterai où je suis. Ma direction qui m’a demandé de venir à Bamako. Je dois les voir lundi. Je dois aussi voir les autorités. Je vais demander à avoir un congé pour me reposer et retrouver ma famille.

Amadou Ndjou entouré de proches à Bamako.

De nombreuses personnes se sont mobilisées pour faire en sorte qu’on ne vous oublie pas et tenter de vous faire libérer. Qu’avez-vous à leur dire ?

Quand j’ai appris cela, je ne savais même pas quoi dire. J’ai senti que vraiment on ne m’avait pas abandonné. Même si j’étais coupé de toutes informations, je tentais de garder espoir. Cette mobilisation, ces soutiens, ça m’a redonné des forces, savoir qu’il y avait tous ces hommes et ces femmes, ma famille, derrière moi. Si je suis aujourd’hui libre c’est grâce à eux et je les en remercie infiniment.

Amadou Djoum, agent de l’INPS pris en otage : Plus de cent trente jours de silence

Dans le Centre du Mali, un nouvel ordre s’est installé. Pas de loi, ni de foi, juste la terreur. Des hommes affiliés à l’illustre Amadou Kouffa y règnent en maitres incontestables. Intimidations, peur, braquages, prise d’otages, assassinats sont devenus monnaie courante dans ce cercle vicieux. Le 26 avril 2017, Amadou Ndjoum, la trentaine avancée, agent de l’INPS à Sévaré, marié et père de quatre enfants, a été enlevé par un groupe armé à Walado. Plus de quatre mois de détention ont passé dans un silence assourdissant de la part du gouvernement, malgré la mobilisation de sa famille et, depuis trois mois, d’un collectif qui œuvre à sa libération. Retour sur un fait qui dépasse l’entendement.

Cela ressemble à un fait divers, mais ça n’en est pas un. C’est plutôt un drame. Le 26 avril 2017, Amadou Ndjoum, agent de l’Institut National de Prévoyance Sociale de Sévaré, tombe dans les filets d’un groupe armé à Walado, dans la localité de Youwarou. Marié et père de quatre enfants, Amadou Ndjoum, en mission, empruntait un véhicule de transport en commun avec d’autres passagers. Ce jour-là, comme chaque mois depuis cinq ans, il s’était mis en route pour aller verser les pensions des retraités de l’Institut. Conscient de l’insécurité permanente, il avait pris l’habitude de dissimiler l’argent dans un carton, en mettant par dessus des mangues. 10 000 000 de francs CFA étaient contenus ce 26 avril dans ce coffre-fort de circonstance. Tout se passait heureusement en ce début de matinée, mais cela ne dura pas longtemps. Tout à coup, le bus fut immobilisé par des hommes armés de kalachnikovs, au nombre de trois, sur trois motos. L’un d’eux le montra du doigt en disant: « c’est lui Amadou Ndjoum ». Identifié, il fut  aussitôt appréhendé, ligoté, les yeux bandés et mis derrière l’un de ses trois ravisseurs sur une moto. Ils traversèrent avec lui la ville de Dogo en pleine journée. Contre toute attente, aucun bien, ni de Ndjoum, ni des autres passagers, n’a été emporté. Dès lors on pouvait s’interroger sur les motivations profondes de ce rapt si particulier. Pourquoi enlever cet homme au lieu de l’argent ? Quelle valeur avait-il au point d’être le seul extrait parmi tout ce monde ? D’après des informations émanant de la famille de l’infortuné, parmi les ravisseurs se trouvait l’un des fils d’un des retraités auxquels il versait leurs pensions. D’autres témoignages, recueillis auprès du frère de Ndjoum et du collectif, accréditent la thèse selon laquelle les djihadistes souhaitaient échanger l’agent de l’INPS contre l’un des leurs, détenu par les autorités maliennes. Pour l’association Kisal, il s’agirait d’un certain Dicko, qui serait, d’après des rumeurs persistantes, le beau-père d’Amadou Kouffa.

Mobilisation familiale Le jour même de l’enlèvement, vers 16 heures environ, l’un des ravisseurs appela un ami d’Amadou Ndjoum pour l’informer du rapt de ce dernier. D’ailleurs, des images de l’otage lui ont été envoyées par Viber pour prouver qu’il allait bien. Aussitôt, cet ami de Ndjoum en informa l’un de ses neveux, qui répandra instantanément la nouvelle. Aucune demande formelle de rançon n’a été formulée, ni aucune revendication ou explication de l’enlèvement. Dès le lendemain, le neveu de Ndjoum, Hamadoun Bah, s’est rendu à la gendarmerie et chez le Gouverneur pour les informer de sa disparation. Il espérait que ce fils du pays, capturé en mission, ferait l’objet d’attention de la part des autorités. Que nenni.  Plusieurs fois il s’entendra répondre « on est là-dessus ». 10 jours après la capture, le 7 avril, le neveu de Ndjoum reçoit une vidéo réalisée par les geôliers. L’agent payeur y apparait à genoux. Derrière lui se tiennent des hommes armés et enturbannés. Il s’exprime en peul, puis en bambara et en français, se disant bien portant et bien traité. Souriant, il lance un appel pressant pour sa libération. Cette vidéo a permis de savoir qu’il était séquestré par des hommes de la Katiba du Macina, qui a fusionné avec des groupes opérant dans le Sahel pour donner « Jamaat Nosrat Al-Islam Wal-Mouslimin », sous le  commandement d’Iyad Ag Agaly. Dans cette partie du Mali, « après Dieu, c’est Amadou Kouffa », le détenteur d’autorité. Des hommes qui lui sont affiliés enlèvent presque au quotidien de paisibles citoyens. C’est un vase huis clos où les règlements de comptes empoisonnent la stabilité sociale. Le maire de Dogo, sollicité par la famille, avait assuré faire tout son possible. Entre temps, l’une des grandes sœurs de Ndjoum s’est rendue sur les lieux, où elle a rencontré, le jour de la foire de la localité, des éléments de la Katiba. Ceux-ci lui ont assuré que le jeudi d’après ils reviendraient avec son frère et que c’est le maire qui le recevrait.  Une lueur d’espoir naquit, le laps d’une semaine. Tout le monde crut à son imminente libération, quand survint un retournement de situation. Le maire, qui devait recevoir le prisonnier, aurait été inquiété par les allers-retours des FAMAs, qui le soupçonnaient d’être proche des djihadistes. Il quitta Dogo pour Bamako, où, depuis, il est injoignable. Le jeudi du rendez-vous arriva. L’otage était bel et bien là, mais, le maire étant absent, les éléments de la Katiba s’en retournèrent avec lui, après s’être approvisionnés au marché. Depuis lors, aucune nouvelle n’a filtré. Selon sa femme, « des gens sont souvent enlevés, mais deux ou trois jours après ils sont libérés », ce qui renforce l’hypothèse qu’il pourrait être détenu à des fins importantes, comme un échange. Quant au carton, il a été livré au logeur de Ndjoum, qui, quelques jours après, l’ouvrit et y trouva les 10 millions, qu’il remit peu après à l’INPS de Sévaré.

Mobilisation collective Face au constat d’immobilisme de l’Institut et du gouvernement, un collectif pour la libération de Ndjoum et de tous les otages maliens a vu le jour. Un mois après le rapt, un jeune fonctionnaire malien de Bandiagara, du nom d’Oumar Cissé, a sonné l’alarme via Twitter. Cinq personnes actives, toutes maliennes, deux de la diaspora et trois de l’intérieur, formèrent un collectif qui compte aujourd’hui une trentaine de sympathisants à travers le monde. Il mène une campagne quotidienne sur les réseaux sociaux, comme Twitter et Facebook. Des actions ont été entreprises, comme la publication de plusieurs articles qui ont permis de rallier à la cause plusieurs hommes politiques, hommes des médias, activistes et citoyens engagés. Une lettre ouverte a été adressée au Président de la République, appelant à son implication et à celle du gouvernement. Le collectif, dans son plaidoyer, lui disait combien il serait glorieux de s’investir pour qu’un fils du Mali sorte d’un danger de mort. Car, selon ses membres, cela est possible. « Combien de fois les autorités maliennes ont-elles fait libérer des otages étrangers, souvent dans l’ombre ? ». Au centième jour de sa mobilisation, correspondant aux 128 jours de détention de Ndjoum, le collectif a organisé un point de presse au mémorial Modibo Keita. Pour Dia Sacko, membre active, « l’objectif principal est d’appeler à un sursaut national autour des otages maliens. Pour ce qui concerne Amadou Ndjoum, il s’agit d’en appeler à la responsabilité de l’INPS et à l’action du gouvernement malien ». Une plainte a été déposée par son frère le 15 juin 2017 à Sévaré, puis transmise au tribunal de la Commune  VI de Bamako.

Sortir du silence Le silence de l’INPS face à un tel acte, plus d’un ne l’a pas compris. D’ailleurs, d’après Cheick Oumar Ndjoum, la famille n’a reçu la visite des agents de Mopti que 4 jours après l’enlèvement. Aucune démarche n’a été entreprise pour sa libération. Son épouse a été invitée à prendre le salaire de son mari, mais elle a répondu que c’était son mari qu’elle voulait, non cet argent. Du côté du gouvernement, c’est le silence radio. Pas même un communiqué de presse. Le ministre de l’administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly, a à titre personnel appelé une fois Mme Ndjoum et suit la mobilisation sur Twitter. La plainte reçue par le procureur antiterroriste près le Tribunal de la Commune VI traine toujours. Un silence que certains assimilent à une inaction. « Nous ne pouvons rien vous dire, l’enquête est en cours », confie un agent de la Sécurité d’État. Selon le chargé de communication du ministre de la Justice, « le sujet est très difficile à aborder » et « à ce stade, il ne pourra rien dire ». Quant à celui du ministère de la Solidarité et l’action humanitaire, dont relève l’INPS, il n’a pas voulu s’exprimer. Y a-t-il une implication sérieuse des autorités dans le dossier ou est-ce le statu quo ? Sa famille et le collectif, eux, ne perdent pas espoir. « Chaque jour nous espérons sa libération » répète Dia Sacko, l’une des personnes se battant pour sa cause. Aujourd’hui, pouvons-nous dire avec sincérité : « les champs fleurissent d’espérance » et « les cœurs vibrent de confiance» ? Amadou Ndjoum mérite t-il de croupir en détention en silence ?

 

Amadou Ndjoum : 100 jours de captivité

Voilà cent jours que notre compatriote Amadou Ndjoum agent de l’Institut National de Prévoyance Sociale (INPS), est fait otage. Rappelons que sa disparition a été constatée le 26 avril 2017 et sa prise d’otage confirmée depuis par la Katiba de Macina.

Amadou Ndjoum se rendait sur des lieux habituels de paiement de pension de réversion,  lorsqu’il a été capturé par un groupe armé, dans le centre du Mali précisément à Youwarou. Un mois après sa captivité, l’opinion publique se trouve alertée par un jeune fonctionnaire de Badiangara, enclenchant une mobilisation. Une plainte par la suite est déposée à Sévaré, le 15 juin 2017,puis transmis au tribunal de la commune V de Bamako.

La mobilisation est suivie et couverte par certains médias nationaux, principalement ceux en ligne. Au deuxième mois de la mobilisation, le constat amer du silence du gouvernement pour ce qui concerne ses otages se montre inquiétant. Si nous référons à l’article de RFI du 04 août 2016 , le Mali enregistre actuellement six otages y compris Amadou Ndjoum : en effet, cinq FAMAS sont capturés par Ansar Dine le 19 juillet 2016, lors de l’attaque contre la base de Nampala. Nonobstant, des communications officielles remarquées dans la prise d’otage d’Occidentaux découvrent le silence régnant quant aux otages maliens, aujourd’hui entre les mains de Djihadistes. Deux articles dont une lettre ouverte au Président Ibrahim Boubacar Keïta, sur le cas d’Amadou Njoum, sont restés sans réponse.

En effet aucun signe du gouvernement sur le sort de nos otages jusqu’alors, si ce n’est des déclarations à demie-teintes portées par le Ministre de la solidarité et de l’action humanitaire, Hamadou Konaté pendant le lancement du dispositif « Les pupilles de la République » qui vise à protéger : « Les enfants mineurs des personnels des forces armées et de sécurité et autres corps paramilitaires, des fonctionnaires et agents de l’Etat et tout autre citoyen dont l’un des deux parents ou le tuteur légal sont morts, portés disparus ou déportés »1 (article L’Essor du jeudi 22 juin 2017). L’action est salutaire mais ne répond aucunement pas sur le sort des maliens retenus entre les mains d’Ansar Dine et de la Katiba de Macina.

Puisque le vent est favorable à la négociation aujourd’hui au Mali, avec les groupes armés, partant de la donne que l’Europe négocie et même parfois, paye pour ses ressortissants, l’opinion malienne, ne verrait d’aucun mauvais œil le retour de ces dignes enfants du Mali au sein des leurs, par le biais de la négociation. Le gouvernement du Mali en toute humanité, pourrait intenter par quelque moyen, afin de ramener ces hommes à leurs familles, auxquelles ils manquent tant et auxquelles leur manque est quotidien, sans compter l’anxiété que la situation génère. Nous devrons faire appel à ce sens humain qui anime chacun de nos actions, car la captivité n’est que grisaille quotidienne. Contribuer ou permettre à leur liberté serait cet espoir à donner à ce peuple qui demande tant à ses gouvernants, compte tenu du climat actuel, tant la situation leur semble complexe et révoltante.

Dans le cas d’Amadou Ndjoum nous avons frôlé plusieurs fois l’espoir d’une libération, contenu de tractations volontairement non divulgué ici. Nous avons  également touché du doigt l’espoir d’une action en faveur de la famille lorsque la femme de l’otage est agréablement appelée par Tieman Hubert Coulibaly, Ministre de l’administration territoriale. Mais hélas, nous observons en même temps, que les actions peinent à se concrétiser. Cependant il n’est point permis de perdre ESPOIR. La mobilisation garde espoir pour Amadou Ndjoum, pour sa famille et également pour nos soldats. La mobilisation continue : Aidons Amadou Ndjoum, ainsi que nos braves soldats.

Dia Djélimady Sacko (Diaspora malienne, France) pour le collectif Aidons Amadou Ndjoum.

Mobilisation pour Amadou Ndjoum

Près de deux mois après son enlèvement, le sort d’Amadou Ndjoum inquiète ses proches qui dénoncent le peu de cas fait de l’agent de l’INPS. Un collectif vient d’adresser une lettre ouverte au président de la République et à la classe politique toute entière.

Pris en otage depuis le 26 avril dernier à Walado, près de Youwarou, dans la région de Mopti, l’agent de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) est toujours aux mains de ses ravisseurs. Il est apparu dans une vidéo de revendication publiée le 7 mai par la katiba Ansar El Dine du Macina. Cette preuve de vie, si elle a soulagé ses proches, a augmenté l’inquiétude quant à son sort.

Le fonctionnaire a été enlevé parce qu’il est perçu justement comme un agent de l’État et donc un ennemi par les groupes armés, qui sont désormais légion dans cette partie du pays et qui tiennent les populations sous une chape de plomb. De l’État pourtant, aucune information sur le traitement réservé à cette affaire. De quoi mobiliser ses proches qui se sont regroupés au sein d’un collectif pour sa libération.

Faire bouger les choses La lettre ouverte publiée il y a une semaine par ce collectif, qui s’adresse « à toute la classe politique », souligne son vœu de voir mise en œuvre toute la mobilisation nécessaire pour sa libération. « Amadou Ndjoum est un père de famille et un mari qui manque à ses enfants, à sa femme, à sa famille et à ses amis », précise-t-il. Le collectif a d’ailleurs établi un contact avec son épouse afin de l’assister moralement. « Je pense que l’INPS et le ministère de tutelle devront prendre le dossier en main afin d’apporter à cette jeune femme l’assistance morale adéquate. Elle m’a confiée être enceinte de trois mois. Et est depuis quelques jours malade du fait de l’anxiété générée par la captivité de son mari », explique Dia Sacko, membre du collectif. Elle rappelle que la vidéo « ne fait pas cas de revendications », mais souligne également que le maire de Youwarou aurait reçu une demande d’« échange de prisonniers ».

La toute première action en faveur de sa libération était un appel lancé par O. Cissé, lui aussi fonctionnaire dans le centre du pays, qui a mobilisé autour de la cause et amené à la création du mouvement qui bénéficie du soutien de Maliens de l’intérieur et de la diaspora, ainsi que de personnalités, à l’image de Maître Mountaga Tall, ancien ministre, qui permet aux amis d’Amadou Ndjoum de « garder l’espoir ». Dernier acte en date : le dépôt d’une plainte le 15 juin dernier, auprès du tribunal de Mopti pour enlèvement. Ceci pourrait, comme l’espère la famille Ndjoum, accélérer la procédure pour permettre à Amadou de rentrer à la maison.