An tala anw ko Faso : Ante a bana bis ?

La 12 juin 2019, un nouveau mouvement, dénommé « An tala anw ko Faso » pour la « défense de la Constitution » a tenu sa première assemblée générale à la Pyramide du souvenir. Son objectif : se dresser contre le processus de révision de la Constitution du 25 février 92. Un souffle nouveau après le déclin supposé de la plateforme Ante a bana ?

Deux ans après le coup porté par la plateforme Ante a bana au projet de révision constitutionnelle, un nouveau front, réunissant des partis politiques de l’opposition et des associations de la société civile, s’empare de la question. La réforme est si importante qu’un ministère en charge des Réformes institutionnelles et des relations avec la société civile a été créé dans le nouveau « gouvernement de large ouverture ». Ironie du sort, ce département est dirigé par Amadou Thiam, ancien président de l’ADP Maliba, celui-là même qui était au-devant de toutes les manifestations contre le projet en 2017.

Face à la décomposition de la plateforme Ante a bana , le mouvement An tala anw ko Faso compte capitaliser les acquis et insuffler de l’énergie au combat, qu’il partage. « Nous nous sommes concertés et nous nous sommes dits qu’il était important qu’on prenne les devants sur nos ainés contre ce qui est en train de se préparer contre notre République. Nous ne sommes pas en antagonisme avec Ante a bana. Ils ont quelque chose qu’il faut capitaliser pour partir sur de nouvelles bases », explique, conciliant, Ibrahim  Nienta, membre du Front pour la sauvegarde de la démocratie, l’un des initiateurs du nouveau mouvement.

Même s’il  reconnait la nécessité de réviser la Constitution, des préalables doivent, selon lui, être respectés avant tout processus. « La Constitution actuelle comporte beaucoup d’insuffisances, mais on veut la réviser uniquement à cause de la pression de la communauté internationale pour y mettre coûte que coûte certaines dispositions de l’Accord d’Alger. Un accord qui n’a fait l’objet d’aucune appropriation au niveau national », dénonce-t-il.

Nouveau souffle ?

Les récentes reconfigurations politiques et prises de positions de certains ténors de la Plateforme Ante a bana ont eu raison de la consistance du mouvement. Mais, malgré tout, certains de ses militants se disent prêts pour la remobilisation. « Nos intentions n’ont pas du tout changé, parce que ce que nous disions depuis 2017 continue et que la situation a même empiré. Nous ne pouvons dire hier non à la révision et dire aujourd’hui oui. L’armée et l’administration ne sont pas à Kidal.  Qui peut organiser aujourd’hui ce referendum dans les zones où l’État est absent ? », interroge Kibili Demba, le chargé de communication et des réseaux sociaux de la plateforme. Il reconnait les difficultés que traverse le mouvement. « Nous avons eu beaucoup de problèmes avec Ante a bana, car après avoir gagné la lutte certaines personnes ont rejoint le régime. Pour ne pas aller vers un cafouillage, le mieux était de créer un nouveau groupe », admet-il.

Pour le politologue Boubacar Bocoum « Ante a bana n’existe plus ». « Tous les ténors du mouvement, Amadou Thiam, Tiébilé Dramé et d’autres, sont partis. Tiébilé faisait partie de ceux qui étaient contre l’Accord d’Alger, mais aujourd’hui que dit-il ? ».

De son point de vue, le débat doit se baser sur le contenu du projet de révision constitutionnelle et non sur son rejet pur et simple. « Cette révision est une nécessité. Tout le monde est conscient que cette Constitution ne sert à rien.  Consulter le peuple est légal et normal », clarifie l’analyste politique. « Que les gens se mobilisent pour un oui ou pour un non est une posture républicaine, mais dire qu’on n’a pas le droit de faire une révision est autre chose », ajoute-t-il.

Lors de sa dernière conférence de presse, le FSD conditionnait la révision à la restauration de « l’intégrité du territoire, en libérant Kidal, en le faisant revenir dans le giron national ».

Le dialogue national inclusif en préparation pourrait aplanir les dissensions sur les grandes questions de la vie de la Nation. Et Bocoum de rappeler que « la Constitution n’est ni la Bible ni le Coran. À un moment donné, il faut que nous acceptions de définir dans quelle direction nous voulons aller ».

Désobéissance civile : Un rempart démocratique essentiel

Souvent promue par certains acteurs de la société civile pour revendiquer leurs droits, la désobéissance civile est une disposition constitutionnelle qui découle même des principes qui fondent la démocratie, selon les spécialistes. Même si son exercice est garanti par la Constitution, sa mise en œuvre nécessite une conscience politique qui n’est pas encore acquise dans notre société.

« (…) La forme républicaine de l’État ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme républicaine de l’État (…) ». C’est en ces termes que l’article 121 de la Constitution du 25 février 1992 évoque ce « droit politique reconnu depuis le Moyen âge », selon le Dr. Woyo Konaté, professeur de philosophie politique à la faculté de Droit et sciences politiques de Bamako.

Élément déterminant de la démocratie, « ce pouvoir de défiance » en est le second pilier, indispensable. Il est le pendant du principe de confiance qui offre la légitimité nécessaire au détenteur de pouvoir, à qui en réalité le peuple ne fait que déléguer son pouvoir. Ce dernier a le devoir de « penser au bien commun et, dès lors qu’il s’en détourne, le peuple a le droit de désobéir », poursuit le Dr. Konaté.

Alors que certains acteurs évoquent la nécessité d’y recourir maintenant, d’autres estiment que « ce n’est pas nécessaire pour le moment » et surtout remettent en cause la légitimité de ceux qui la préconisent. «Tout le combat que l’on mène aujourd’hui, c’est pour le peuple malien. Mais ceux qui demandent la désobéissance civile et se réclament de la société civile ont aidé des partis dans la conquête du pouvoir. Nous ne nous retrouvons pas dans cela », note M. Kibili Demba Dembélé, porte parole du mouvement « On a tout compris ».

Cependant il n’exclut pas le recours à ce droit constitutionnel lorsque ce sera nécessaire. D’ailleurs, lors des manifestations de «  Antè Abana, nous  avons  dit que si la Constitution était adoptée sans concertation nous allions nous y opposer et appeler à la désobéissance civile. Mais, pour le moment, nous n’en sommes pas là ».

« L’arme » peut en tout cas fonctionner « lorsque le peuple se sentira trahi », prévient le Dr. Konaté. Cependant, il faut « une certaine culture politique » que nous n’avons pas pour le moment. Parce que la démocratie a besoin d’un ensemble de citoyens, le peuple.  Des « individus qui ont une certaine conscience et un engagement politique », ce que nous n’avons pas pour le moment, conclut  le Dr Konaté.

Cinq évènements qui ont marqué l’année 2017 au Mali

2017 tend vers sa fin et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle a été rythmée. L’occasion pour nous de revenir sur cette année riche en évènements. Avec cette liste, non exhaustive, le Journal du Mali vous retrace l’année 2017.

Sommet Afrique-France


Après 2005, Bamako abritait pour la seconde fois le sommet Afrique-France. Avec les nombreuses menaces d’attaques terroristes qui planaient, organiser ce forum était un immense défi. Réussi, durant les deux jours du forum (13 et 14 janvier), aucun incident n’a été déploré, en partie grâce à un important et dissuasif dispositif sécuritaire. Ce sommet était également l’occasion pour le président français, François Hollande de faire ses adieux à ses homologues africains, lui qui avait déclaré quelques semaines auparavant ne pas vouloir se représenter pour un second mandant. Un dernier baroud d’honneur donc qu’Hollande tenait absolument à ce que cela se fasse à Bamako, là où il avait déclaré « vivre la journée la plus importante de ma vie politique ». «De tous les chefs d’État français, François Hollande aura été celui dont le rapport à l’Afrique aura été le plus sincère et le plus loyal» assurait le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta. Placé sous le thème de la « paix, l’émergence et la sécurité » Hollande a réitéré l’engagement de la France à côté de l’Afrique. 23 milliards d’euros pour des projets de développement sur les cinq prochaines années, des formations pour les militaires sont entre autres quelques-unes des promesses faites lors de ce sommet.

Attentat du Camp MOC

2017 a été une année marquée par de nombreuses attaques, dans le Nord, le Centre et même au Sud du Mali. Mais l’attaque qui a causé le plus la psychose est celle perpétrée contre le camp du mécanisme opérationnel de coordination (MOC), le 18 janvier 2017. Un véhicule piégé aux couleurs du MOC, et conduit par un kamikaze du groupe djihadiste Al-Mourabitoune, force le barrage d’entrée du camp avant d’exploser . Une forte déflagration qui a laissé derrière elle un sinistre innommable. A chaud on dénombre, un bilan de 77 victimes, des corps déchiquetés, une centaine de blessés, et un traumatisme auprès des survivants. Un mois plus tard, le bilan est revu à la baisse, 54 morts selon la MINUSMA, mais dans la foulée l’AFP affirme qu’il y aurait eu 61 morts. Une chose est sure, c’est que cet attentat au modus operandi jusqu’alors inconnu au Mali est le plus meurtrier de l’histoire du pays.

Grève des médecins

Un front social en ébullition. Le Mali a connu plusieurs grèves cette année. Magistrats, secteur banquier, transporteurs, enseignement secondaire et supérieur, mais si une seule devait retenir l’attention, ce serait celle du secteur sanitaire. Entamée le 9 mars, la grève illimitée a duré en tout 38 jours. Une éternité pour les nombreux malades et leurs proches. En dépit du service minimum, et l’absence de chiffre concret sur les nombres de décès à cette période, on n’imagine sans mal que les conséquences ont été sinistres.

Plateforme An  a Bana

Elle est la personnification du combat contre la révision constitutionnelle voulue par le gouvernement cette année. Hommes politiques, activistes, artistes, et inconnus, tous se sont rassemblés sous cette bannière pour dire non à la révision de la constitution. Une véritable marée humaine a défilé dans les rues de Bamako le samedi 17 juin pour dire son refus à la réforme. Une mobilisation qui a fait reculer le gouvernement, qui le 21 juin a annoncé le report, avant d’annoncer deux mois plus tard surseoir à la réforme « dans l’intérêt supérieur de la Nation et de la préservation d’un climat social apaisé » selon les mots du président IBK.

Retour d’ATT

Cinq ans qu’il était à Dakar. L’ancien Président de la République, Amadou Toumani Touré, accompagné de sa famille a fait son retour à Bamako le 24 décembre. Un retour triomphal pour l’ex chef d’Etat, accueilli en véritable « rock star » par les Maliens. Nombreux d’entre eux ont réservé un accueil chaleureux à ATT, tout le long de sa parade triomphale de l’aéroport au domicile du Président IBK, où un déjeuner lui a été offert.