Force conjointe AES : Un nouveau tournant dans la lutte contre le terrorisme ?

Réunis à Niamey le 6 mars 2024, les Chefs d’état-major des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ont annoncé la mise en place d’une force conjointe pour la lutte contre le terrorisme dans l’espace. Après l’échec de celle du G5 Sahel, auquel appartenaient les 3 pays, cette nouvelle force est attendue pour mieux faire face à l’expansion terroriste au Sahel.

« Nous sommes arrivés à concevoir une force conjointe des pays de l’AES qui sera opérationnelle dans les plus brefs délais pour prendre en compte les défis sécuritaires dans notre espace », a déclaré le général de brigade Moussa Salaou Barmou, Chef d’état-major des armées du Niger, à l’issue de la première réunion avec ses pairs de l’AES tenue le 6 mars dernier à Niamey.

« Nous sommes convaincus qu’avec les efforts conjugués de nos trois pays nous parviendrons à créer les conditions d’une sécurité partagée, un objectif au centre des préoccupations de nos États et de nos vaillantes populations, en quête de paix et de stabilité », a-t-il ajouté.

Si la création de cette nouvelle force est ainsi actée entre les 3 pays, dont les armées menaient déjà des opérations militaires conjointes par moments, les contours de son opérationnalisation restent encore flous. Ni le niveau des financements ni les effectifs qui vont composer la force, encore moins les modalités administratives et logistiques de sa mise en place n’ont pas été précisés.

Nouveau pas contre le terrorisme

Pour plusieurs analystes, la création de cette nouvelle  force conjointe symbolise non seulement la volonté des trois pays de s’unir et de faire front commun face au terrorisme, mais marque également un nouveau chapitre dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, conformément à l’objectif de l’AES d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle et de lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bandes organisées dans l’espace commun de l’Alliance.

« Les forces conjointes sont faites pour faire face à des problèmes communs sur des zones communes, pour exploiter une mutualisation d’armes et c’est ce qui est l’urgence aujourd’hui. Au lieu que chaque pays utilise ses moyens pour sa zone simplement, la mutualisation dans le cadre d’une force conjointe permettra d’optimiser leur utilisation sans avoir besoin d’aller chercher encore plus », salue Gervais Marie Raoul Nadembega, consultant indépendant burkinabé.

« Avec ces 3  États qui se mettent ensemble pour créer un espace commun où les informations sont échangées et où on pourra traquer les terroristes de part et d’autre, on peut espérer un résultat probant, parce que les terroristes n’auront plus de cachettes ou de refuges », appuie l’analyste politique Luc Abaki.

Quel financement ?

Alors que la force conjointe du G5 Sahel, mise en place en 2017, s’est toujours trouvée confrontée à des problèmes de financement, la nouvelle force annoncée par les pays de l’Alliance des États du Sahel, pourra-t-elle mieux s’en sortir ?

Même si les modalités de financement de cette force n’ont pas été encore dévoilées, tout porte à croire que les charges financières nécessaires à son opérationnalisation seront endossées par les différents pays de l’Alliance. En effet, l’article 10 de la Charte du Liptako-gourma instituant l’alliance des États du Sahel stipule que « le financement de l’Alliance est assuré par les contributions des États parties ».

Au-delà de ces financements provenant des États eux-mêmes, certains analystes estiment que même les citoyens de ces 3 pays pourront contribuer à l’opérationnalisation de cette nouvelle force conjointe.

« Aujourd’hui avec la mise en place de cette nouvelle force, galvanisée par l’état d’esprit de dirigeants engagés pour une cause commune, même si on demande à chaque citoyen nigérien, malien ou burkinabé d’y contribuer volontairement, je pense qu’il y a aura assez de ressources », estime M. Abaki.

Barkhane : « Nous montons nos opérations sur la base de renseignements solides »

La force Barkhane, suite à plusieurs opérations récentes, se retrouve dans le collimateur de la population de Kidal, qui manifeste régulièrement pour exiger son départ. Sur les réseaux sociaux, elle est la cible d’une campagne de critiques virulentes. Le Lieutenant – Colonel Philippe Bou, porte-parole de la force, a répondu aux questions du Journal du Mali sur cette hostilité visant la force française, qui semble déranger, particulièrement dans la région de Kidal.

Barkhane a procédé, ces dernières semaines à des interventions et des arrestations à Kidal et dans sa région. Qu’est-ce qui les a motivées et est-ce dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

Barkhane a pour mission principale de lutter contre le terrorisme. A ce titre, nous montons des opérations sur la base de renseignements solides et nous les conduisons seuls ou avec des forces partenaires, comme les FAMa. Ces interventions conduisent à prendre sur le fait des individus en possession de ressources liées à des activités terroristes, comme de l’armement, des munitions, du matériel explosif, ou pouvant servir à différents types d’attaques. De fait, les individus détenant ces ressources ont des comptes à rendre à la justice du Mali. Ceux qui n’ont rien à se reprocher mais qui se trouvent suspectés d’être en relation avec des groupes terroristes au moment de l’action sont naturellement relâchés après vérification.

Dans quelle mesure Barkhane peut-elle décider de perquisitionner le domicile d’un suspect, en utilisant la force si nécessaire ?

Contrairement aux groupes armés terroristes (GAT), nous agissons en toute transparence, dans un cadre en totale conformité avec le droit international et en liaison avec les autorités maliennes. Comme tout le monde le sait, les GAT sont armés et dangereux, pas seulement pour Barkhane. Faut-il rappeler le bilan des actions des GAT sur la population ? Donc, sans dévoiler quoi que ce soit sur nos méthodes, pour des questions de sécurité opérationnelle, Barkhane adapte son dispositif et ses moyens à la menace et à l’environnent du moment, en toute légalité.

Qu’ont permis toutes les dernières opérations ?

Elles ont été fructueuses. Dans le cas de l’action menée à Kidal le premier octobre, par exemple, du matériel conséquent a été saisi dans les habitations, notamment de l’armement, des munitions et des ressources importantes qui entrent dans la composition d’engins explosifs improvisés, comme des détonateurs ou du cordeau détonant. Ces engins explosifs provoquent la mort, indifféremment, de soldats ou de la population civile le long des routes. Les personnes résidant dans ces habitations ont donc des comptes à rendre à la justice. Ce qui n’a pu être saisi a été détruit, pour éviter un emploi pour des actions terroristes. Toutes nos actions, qui permettent localement de désorganiser, démanteler et neutraliser des réseaux de GAT ont été réalisées en totale transparence, avec les autorités de Kidal et la justice malienne.

Ces opérations ont déclenché plusieurs manifestations à Kidal. Barkhane est accusée d’avoir volé des bijoux, de l’argent. Pourquoi ces saisies et que deviennent ces biens personnels ?

Nous avons parfaitement suivi les manifestations dans la ville de Kidal. Qu’elles réunissent quelques centaines de personnes ou les plus modestes. Celles qui sont spontanées et celles qui sont orientées, provoquées, téléguidées. Il s’agit en fait de campagnes de dénigrement. Concernant les saisies, Barkhane agit en totale conformité avec le droit international et avec les autorités maliennes. Si du matériel saisi lors d’une opération doit être rendu après exploitation, il le sera systématiquement. Même si certaines procédures peuvent prendre un peu de temps. Plus précisément, s’agissant des bijoux et de l’argent par exemple, sachez que nos prises font l’objet d’un procès-verbal de la gendarmerie et que l’ensemble est remis, soit aux intéressés, si aucune charge n’est retenue contre eux, soit aux autorités maliennes, contre PV contradictoire, dans le cas inverse.

L’action de Barkhane est de plus en plus critiquée. Des véhicules de la force ont même été récemment caillassés. Certains vont même jusqu’à parler d’une « force d’occupation ». Comment expliquez-vous cela ?

Barkhane ne répond pas aux allégations. Elle agit, elle fait ce qu’elle dit, elle fait agir. Nos nombreux contacts avec la population et les autorités nous permettent de savoir que nos actions sont appréciées dans le domaine de la sécurité, mais aussi dans le partenariat avec les forces de sécurité maliennes, dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’eau. Depuis le début de l’année 2017, 78 actions d’aide au développement ont été entreprises. Plus d’une vingtaine sont des projets d’envergure. Il faut plutôt regarder ce que nous apportons au Mali et à sa population, en termes de contribution à la sécurité et au développement.

Que compte faire Barkhane contre ces opérations visant à discréditer son action ?

Tôt ou tard, les masques tombent. Les gens comprennent où sont leurs intérêts. Les jeunes kidalois qui se sont vu récemment détruire leur sonorisation, mise en place pour une grande rencontre de football, dans le but de leur interdire le concert qui devait suivre, savent parfaitement ce que l’on veut leur imposer. C’est aux Maliens de se prendre en main et de préparer leur avenir, qui passe principalement par la sécurité. A Barkhane, nous poursuivrons notre mission en appui au Mali et à sa population.

 

Forsat : « Nous ne reculons pas »

Le commandant C. de la Forsat – police (Force spéciale antiterroriste) a le palmarès d’un chef de guerre. Après avoir été garde du corps, passé des années dans la police puis au GIPN (Groupe d’intervention de la police nationale), l’homme ne manque pas de bravoure. Cinq jours après l’assaut qu’il a mené avec la Forsat au campement Kangaba pour libérer des dizaines d’otages et neutraliser 4 terroristes, ce membre du groupe d’intervention aussi discret qu’efficace, dont la devise est « Conserver et maintenir la loi », a exposé, sans gilet pare-balles, au Journal du Mali, le fonctionnement de cette force spéciale qui lutte contre la menace terroriste, et a livré des précisions sur la récente intervention de la force, lors de l’attaque du campement Kangaba, revendiquée par Nusrat al-Islam et qui a fait 5 victimes. Interview exclusive.

 Qu’est-ce qui a motivé la création de la Forsat et quelles sont les missions et les spécificités de cette force ?

La Forsat existe depuis bientôt 1 an. Notre mission spécifique est l’antiterrorisme. Toutes les formations, tous les entraînements que nous faisons aujourd’hui se concentrent sur le terrorisme. Il y a la BAC (Brigade anti criminalité – ndlr), le GIPN, le PIGN (Peloton d’intervention de la gendarmerie nationale – ndlr) et le GIGN (Groupe d’intervention de la garde nationale – ndlr), des forces anti-gang contre le banditisme mais il n’y avait pas de force spécialisée dans la lutte antiterroriste. La Forsat est la première unité entièrement consacrée à cela. L’attaque du Radisson Blu a été une première pour tous ces corps d’intervention, car c’était la première fois que nous étions confrontés à une attaque terroriste en plein cœur de Bamako. Cela a été en quelque sorte une épreuve du feu.

 Cette force a-t-elle aussi comme mission de frapper les terroristes en profondeur, éliminer les racines, à savoir la contrebande, le trafic humain et les trafics d’armes et de drogue ?

Bien sûr. Ce qui est perceptible par la population ce sont les coups de feu, mais derrière, il y a toute une structure qui est là pour détecter comme le CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières), avec qui nous travaillons. Si une information au niveau financier tombe, nous sommes alertés pour que nous puissions faire des investigations. Ce sont des processus d’enquête que nous sommes en train de développer au niveau des Forsat et que nous allons améliorer. Mais oui, cela fait partie de nos missions.

 Le périmètre d’action de cette force est-il cantonné à Bamako et ses alentours ?

La Forsat a vocation à intervenir partout sur le territoire malien. Dernièrement nous étions dans la région de Mopti, lors de l’attaque de l’hôtel de Sévaré. Là-bas, nos unités sont intervenues avec la gendarmerie. Notre périmètre d’action est élargi à l’ensemble du territoire malien.

Quels sont les critères et épreuves pour intégrer cette force ?

Les recrues sont testées physiquement, psychologiquement et techniquement. Nous sommes épaulés dans cette sélection par nos partenaires comme Eucap Sahel, l’ambassade de France et les Américains, qui nous ont aidé à établir des programmes de test efficaces pour filtrer ceux qui veulent intégrer la Forsat et ne retenir que les meilleurs. Mais être recruté ne garantit pas de rester à la Forsat. Vous êtes sélectionnés et au cours des formations que nous imposons aux nouvelles recrues, si elles se montrent défaillantes, on les écarte. De même, si une recrue a toutes les capacités physiques demandées mais qu’elle a peur des coups de feu ou a un mauvais comportement sous une fusillade adverse, nous l’écartons, car nous faisons souvent face aux tirs nourris de l’ennemi et il faut pouvoir riposter. Les membres de la Forsat sont régulièrement testés pour être au top.

Donc les unités de la Forsat qui partent au feu ne connaissent pas la peur ?

Non, nous faisons face et nous ne reculons pas.

Les Forsat s’entraîne quotidiennement pour être au top. Photo: DGPN

Qui assure la formation des Forsat ?

Le RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion – ndlr), l’unité d’élite française de la police, est en collaboration avec l’unité Forsat-police et nos forces suivent le programme SPEAR (Accroissement de la capacité de réponse – ndlr) de lutte antiterroriste, initié par le gouvernement des États-Unis. Ce qui nous amène à travailler en symbiose pour que chacun bénéficie de l’expérience de l’autre, donc au niveau des Forsat tout le monde a le même niveau de connaissance.

Comment est composée une unité Forsat ?

Une unité de la Forsat se compose généralement de 3 à 10 personnes. On y trouve des snipers, des tireurs d’élite formés uniquement pour les tirs de précision, des agents d’infiltration qui sont chargés de s’infiltrer pour la collecte de renseignement. Au campement Kangaba, quand nous sommes arrivés, nous n’étions que peu informés de la situation et il a fallu gérer. C’est le renseignement qui nous a permis de savoir s’il n’y avait pas d’obstacle entre l’entrée principale et la colline où les assaillants se trouvaient. Ces renseignements nous ont permis de monter sur la colline et d’en occuper les flancs, d’évoluer sur le terrain et de nous réorganiser pour faire face à l’ennemi. Nous avons des opérateurs, des communicateurs et aussi des techniciens qui facilitent notre progression tactique. Une unité Forsat, c’est un groupe de spécialistes dans leur domaine qui évoluent ensemble.

Photo : Emmanuel Daou Bakary/JDM

Quand la Forsat est amenée à intervenir, est-elle là pour arrêter ou tuer les terroristes ?

La mission primordiale pour nous c’est de tuer. Quand nous nous déplaçons, l’objectif est de neutraliser la menace, neutraliser voulant dire tuer. Le fait qu’on nous appelle veut dire que l’ennemi à déjà commencé à faire des victimes. C’est clair dans notre tête avant notre arrivée. Maintenant dans certains cas, comme un forcené qui prend par exemple sa famille en otage ou un terroriste qui a des revendications comme la libération de camarades et qui n’est pas là pour mourir au combat, nous pouvons entamer des négociations avec ces personnes via nos négociateurs. Nous avons un officier de renseignement en civil, généralement le premier sur zone, qui collecte et recoupe toutes les informations. Il nous informe si les preneurs d’otages sont en mesure de rentrer en contact avec nous. Mais une fois ce contact établi, ce même officier de renseignement nous permet de mettre en place nos snipers car ses renseignements sont précieux pour les positionner efficacement. Après nous constituons une équipe d’approche pendant la négociation pour pouvoir apprécier ce que fait l’ennemi . Comme dit le proverbe, « la confiance n’exclut pas le contrôle ». Mais si le terroriste tue un otage pendant la négociation, là nous cessons tout contact et nous intervenons pour le neutraliser.

Dans le cas de l’attaque du campement Kangaba, y a-t-il eu négociation avec les assaillants ?

Nous avons été accueilli par des coups de feu, donc il n’y avait pas lieu de discuter ou de négocier.

Comment avez-vous été alerté de l’attaque du campement Kangaba et en combien de temps êtes-vous arrivés sur zone ?

Nous avons été alertés sur nos talkies qu’il y avait tout d’abord une attaque de bandits au niveau du campement Kangaba. Nous avons donc demandé à nos équipes de se tenir prêtes et nous sommes restés sur le qui-vive. Dix minutes plus tard, on nous a confirmé que les coups de feu ne s’arrêtaient pas. Nous avons considéré que cela dépassait le seuil du grand banditisme et nous avons mis en branle les équipes. Malgré les difficultés de circulation nous sommes arrivés environ trente minutes plus tard, juste un peu après la Forsat-gendarmerie, car nous sommes en centre-ville. En moins de 40 minutes, les 3 corps de la Forsat étaient en débriefing face à la situation.

Photo : Emmanuel Daou Bakary/JDM
Quelle était la situation sur place ?

Quand nous sommes arrivés, on entendait tirer d’un peu partout. La difficulté était de localiser les tireurs, ce que nous sommes parvenus à faire. Les renseignements issus du terrain nous disaient qu’ils étaient très nombreux. Ensuite ça s’est réduit à 5, puis à 6, les versions divergeaient. Nos collègues de la BAC ont retrouvé le fusil d’un des assaillants. C’est lorsque nous avons établi la stratégie opérationnelle pour localiser les tireurs, qu’on a compris qu’il y avait deux points de départ des tirs, puis il y en a eu trois et enfin un quatrième, caché. Deux tireurs se trouvaient sur la colline au niveau de la piscine et deux autres étaient dans les ravins un peu derrière, en attente de notre passage.

Comment s’est déroulé l’assaut ?

Nos renseignements nous disaient que les assaillants étaient montés sur la colline, donc nous avons envoyé des équipes qui sont parvenues à exfiltrer pas mal de clients de l’établissement. Pendant qu’une équipe les exfiltrait, une autre équipe progressait pour tenter de localiser le danger. Notre objectif était d’exfiltrer le plus de personnes possible pour qu’il y ait le moins de victimes, alors qu’eux, au niveau de la piscine, voulaient faire un maximum de victime, et tiraient sur les gens qui couraient pour fuir. Il fallait arrêter cette hémorragie et ensuite parvenir à les neutraliser. Nous avons demandé à notre point focal au ministère de la Sécurité qui coordonne les opérations et qui est informé en temps réel, d’intervenir immédiatement, parce que les coups de feu ne s’arrêtaient pas et la vie des gens étaient en danger. Sous son autorité, qui émane directement de celle du ministre, nous avons donné l’assaut. Le premier assaut a été donné vers 18h pour les bousculer et estimer le nombre de tireurs car nous avons des gens qui pendant l’assaut sont chargés de localiser leur position. L’un avait perdu son fusil que la BAC a récupéré. Il restait à savoir s’il avait une autre arme et localiser les autres.

Le sommet de la colline du campement qui abritait une terrasse et un bar a été considérablement dévasté. Que s’est-il passé ? Les terroristes ou vos forces ont-elles  fait usage d’explosifs ?

Les assaillants nous ont imposés un combat de nuit. Il y a eu un premier feu vers le crépuscule déclenché par les assaillants pour faire de la fumée et s’échapper. Ils ne voulaient pas mourir avant d’engager le combat avec nous. La nuit tombant, le combat était tellement engagé, de manière si difficile, qu’il nous fallait « allumer », pour éclairer la zone et pouvoir opérer, donc faire flamber des choses. Nous avons les moyens de mettre le feu et on en a fait assez pour pouvoir se faire de la lumière et permettre à nos équipes de progresser. Ça été un facteur décisif pour les mettre hors d’état de nuire, surtout pour la dernière personne qui était très mobile. Elle a voulu fuir vers les collines mais s’est accrochée avec une de nos équipes en attente de l’autre côté de la colline, qui a pu le neutraliser. Au terme des combats, nous avons abattus 4 assaillants et nous avons appris dans la foulée qu’un suspect avait été appréhendé dans un village un peu plus loin par la population, qui l’a conduit à la gendarmerie. Nous ne savons pas s’il faisait partie du groupe. À 3h du matin, tout était fini. À 3h moins le quart, on a fait entrer les autorités, le juge antiterroriste pour lui montrer un premier corps, les autres dans les rochers étaient difficilement accessibles.

Une partie de la terrasse au sommet de la colline au campement Kangaba, au lendemain des combats. Photo :Olivier Dubois/JDM

Quelles difficultés particulières présentait une intervention sur le site du campement Kangaba ?

Nous sommes entraînés à évoluer sur différents types de terrains. La difficulté pour le campement Kangaba c’est que c’était la première fois que nous combattions dans la nuit noire. On avait de la lumière mais on ne pouvait pas se permettre de se faire repérer. Le terrain là-bas est difficile, mais nous sommes formés pour ça. De plus, il y a des cases qui sont un peu cachées dans la forêt. Nous sommes parvenus à toutes les fouiller avant le crépuscule et à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’infiltration. Pour opérer, il fallait que le terrain soit clair. Nous ne connaissions que peu les lieux. Une personne du campement nous a fait la description des deux piscines sur la colline et du bar en haut et de l’état du terrain, ce qui nous a donné une idée de ce qui nous attendait.

À quoi tient l’efficacité de l’approche antiterroriste malienne ? 

Toute bonne unité est à l’image de son chef et nous sommes à l’image de notre ministre. C’est quelqu’un qui a la capacité d’écouter ses hommes. Nous sommes à son service et au service de l’État mais lui est à notre service aussi. Son comportement avec les équipes c’est comme quelqu’un qui donne des petites claques à un autre qui veut somnoler. Nous sommes à l’image du ministre.

Photo : DGPN

Plus d’un an et demi après l’attentat du Radisson Blu qui a déclenché la création de la Forsat, est-ce qu’un nouvel attentat de grande ampleur est toujours redouté, envisagé à Bamako ?

C’est possible, car dans le pays où il y a cette guerre qu’on nous impose contre le terrorisme, aucune partie du pays n’est épargnée et nous nous attendons à tout moment à une attaque d’ampleur. Nous nous préparons à ça. Voilà pourquoi la pérennisation d’une équipe comme la Forsat est obligatoire.

Comment analysez-vous les évènements terroristes au Mali ?

C’est un jeu d’intérêt. Un terroriste n’est certainement pas Dieu. Dans le Nord du Mali, il y a beaucoup de passages et de trafics pour la drogue. Je n’ai jamais entendu un groupe terroriste s’opposer à ces trafics. Les vrais musulmans ne sont pas pour la guerre. Un vrai musulman contribue à vivre en harmonie avec les autres, avec son prochain, et prie Dieu pour qu’il puisse amener la paix dans le pays. Mais ceux-là veulent nous imposer leur guerre, ne disent pas non à la drogue, donc ce sont des jeux d’intérêt.

En dehors des interventions, qu’est-ce qui est fait pour lutter contre le terrorisme au Mali ?

La sensibilisation contre le terrorisme est régulière. Cette sensibilisation doit aller de pair avec le développement socio-culturel et économique du pays. Aujourd’hui l’État est en train de tout mettre en œuvre pour développer des secteurs qui peuvent être des facteurs de développement. Pour ce que je sais, c’est la couche vulnérable qui est touchée. Je ne connais pas un leader terroriste, un leader-bandit comme je le dis, qui a son fils, sa femme, engagé dans les guerres pour aller se faire exploser publiquement. C’est la couche vulnérable qui est exploitée, le développement pourrait amoindrir ce nouveau fléau qu’on nous impose et qu’on impose aujourd’hui à tous les pays.

 

 

Exercice antiterroriste à Bamako

Les forces françaises et maliennes ont été mobilisées lors d’un exercice de simulation, hier mardi 16 mai,  visant à contrer un attentat terroriste, sur 3 sites : dans les rues d’Hamdallaye ACI 2000, sur les allées de  l’école nationale de la police et dans le secteur de la place.

Un exercice de simulation organisé par le programme « Plan  d’action contre la radicalisation et le terrorisme» (PART)  en vue de protéger les populations et de leurs biens, s’est déroulé hier mardi à l’ACI 2000. L’objectif visé par cette simulation était de prévenir d’éventuelles attaques terroristes dans la capitale. Les forces de sécurité notamment la police, la gendarmerie, la garde nationale ont été mobilisées pour y prendre part. Par ailleurs les mêmes manœuvres antiterroristes étaient organisées, au même moment dans plusieurs pays de la sous- région : au Burkina Faso, en Mauritanie, au Sénégal, en Cote d’Ivoire, au Niger et en Guinée Conakry. Cet exercice permettra d’éprouver l’interministérialité de la lutte contre le terrorisme dans chacun des pays cités et d’évaluer la coopération entre ces États en vue de faire face à la menace terroriste.