Attentats en Espagne: les suspects devant le juge

Les quatre suspects encore en vie des attentats qui ont fait 15 morts en Catalogne sont arrivés mardi matin au tribunal de Madrid où ils devraient être inculpés, cinq jours après les attaques revendiquées par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Les quatre suspects ont été amenés dans des fourgons de la garde civile peu après 08H00 (06H00 GMT), escortés par des voitures de police toutes sirènes hurlantes, à l’Audience nationale, spécialisée dans les affaires de terrorisme, a constaté l’AFPTV.

Il s’agit de Driss Oukabir, de Mohammed Aallaa, de Salh El Karib et de Mohamed Houli Chemlal, selon une source proche de l’enquête en Catalogne.

Le dernier, âgé d’une vingtaine d’années, avait été blessé dans la gigantesque déflagration qui s’est produite la veille des attentats dans une maison à Alcanar, à 200 km au sud-ouest de Barcelone, où la cellule aurait tenté de fabriquer des explosifs.

S’il comparaît c’est qu’un médecin légiste a estimé qu’il était en état d’être interrogé, a précisé un porte-parole de l’Audience nationale à l’AFP.

Les quatre hommes, en garde à vue depuis cinq jours, se trouvaient dans les cellules de l’Audience nationale en attendant d’être interrogés, a précisé ce porte-parole en estimant que l’audition ne démarrerait sans doute pas avant 11H00 (09H00 GMT).

Le juge d’instruction Fernando Andreu et la procureure en charge de l’affaire, étudiaient les derniers compte-rendus de police avant d’entamer leur auditions.

Pendant ces auditions à huis-clos, les quatre hommes, assistés au minimum d’avocats commis d’office, ont le droit de ne pas répondre aux questions.

Fernando Andreu, un magistrat chevronné qui a aussi enquêté sur de délicates affaires politico-financières, doit déterminer quelles charges il retient contre eux exactement et quel rôle leur est reproché dans l’organisation des attentats.

Ensuite, il décidera s’il les envoie en détention provisoire.

Les attaques ont fait 15 morts et plus de 120 blessés jeudi et vendredi, à Barcelone et dans la station balnéaire de Cambrils à 120 km au sud.

Aux dernières informations lundi soir, huit blessés étaient encore entre la vie et la mort.

Parallèlement, la police enquête sur les déplacements des suspects à l’étranger: ceux de l’imam Abdelbaki Es Satty en Belgique et l’aller-retour en France d’une Audi 3 utilisée à Cambrils vendredi. Elle a été « flashée » par un radar le 12 août avec quatre personnes à bord, a déclaré mardi le ministre français de l’Intérieur Gérard Collomb.

Des proches choqués 

Au total 12 hommes, la plupart Marocains, sont suspectés d’avoir composé la cellule qui a commis les attentats.

Cinq ont été abattus dans la nuit de jeudi à vendredi après avoir foncé sur les passants à Cambrils et tué une femme à coups de couteau.

Deux, dont l’imam, seraient morts mercredi en manipulant des explosifs.

Un huitième, le fugitif Younès Abouyaaqoub, accusé d’avoir tué 13 piétons sur les Ramblas de Barcelone au volant d’une camionnette lancée à vive allure, a été abattu lundi soir à 50 km de la ville, dans une région de vignobles.

Avant d’être tué, il avait montré une fausse ceinture d’explosifs et crié « Allah est grand! ».

Les suspects qui comparaissaient mardi ont été arrêtés après les attentats. Deux sont d’ailleurs les frères aînés de terroristes présumés abattus par la police.

Le premier, Mohammed Aaalla, 27 ans, est le propriétaire de l’Audi A3 de Cambrils.

Le deuxième, Driss Oukabir, 28 ans, est le frère aîné de Moussa Oukabir, un des cinq occupants de l’Audi.

Le père de Mohammed a déclaré à l’AFP que son aîné ne savait rien des plans du cadet qui n’arrêtait pas de lui emprunter la voiture, pour « chercher du travail ». Ce jour-là, c’était pour se rendre à la plage, a-t-il déclaré.

La plupart des membres présumés de la cellule ont grandi à Ripoll, une petite ville au pied des Pyrénées où s’étaient installés leurs parents marocains.

« Félicitations aux Mossos (police de Catalogne) et aux autres forces de l’ordre pour leur magnifique travail », a twitté lundi soir le chef du gouvernement Mariano Rajoy, « ensemble nous vaincrons le terrorisme! ».

L’Espagne n’avait pas été frappée par des attentats islamistes depuis 2004, quand des jihadistes avaient fait exploser des bombes dans des trains de banlieue bondés à Madrid, faisant 191 morts.

 

Qui est l’imam Abdelbaki Es Satty, le cerveau présumé des attentats de Barcelone ?

L’imam Abdelbaki Es Satty, 42 ans, est soupçonné d’être «la tête pensante» des attentats qui ont secoué l’Espagne jeudi et vendredi derniers. Qui est-il? Quel rôle a-t-il joué dans la radicalisation des auteurs des attentats? Eléments de réponse.

L’imam marocain, Abdelbaki Es Satty, serait la clef de l’énigme que tentent de résoudre les services espagnols, depuis les attentats qui ont secoué le cœur de Barcelone et Cambrils jeudi et vendredi derniers. Tous les indicateurs semblent le confirmer. Le premier, et il n’est pas des moindres: l’imam a disparu des écrans radars depuis mardi 15 août, donc deux jours avant les attentats qui ont ensanglanté la Catalogne. Depuis, aucune nouvelle. Seulement une hypothèse: l’imam serait parmi les cinq jihadistes tués, ou en cavale. Deux perquisitions ont été effectuées au domicile de cet imam de Ripoll, localité catalane de 10.000 habitants d’où sont originaires plusieurs auteurs du double attentat: celui à la camionnette-bélier de jeudi à Barcelone dont le bilan est de 13 morts et de plus de 120 blessés, et celui de Cambrils, qui a fait un mort et six blessés, vendredi juste après minuit.

Qui est alors Abdelbaki Es Satty? Quel rôle a-t-il joué dans la radicalisation «très rapide» des «enfants d’immigrés marocains», par qui le malheur serait arrivé?

Les premiers indices recueillis par la police, et relayés par la presse espagnole, révèlent que l’imam, 42 ans, avait déjà eu des démêlées avec la justice. Il a été arrêté pour «trafic de drogue», en 2012, dans la région de Castille-et-León (communauté autonome d’Espagne située dans le nord-ouest du pays).

Vous avez bien lu: Abdelbaki Es Satty a été arrêté en 2012 pour trafic de drogue. Comment un trafiquant de drogue peut-il alors postuler pour la prédication, «l’imamat» pour être précis. La précision apportée par la police espagnole est de taille: «Abdelbaki Es Satty est imam depuis 2015 et il y a à peine deux mois». Que s’est-il alors passé pendant ces deux derniers mois ?

Juin 2017, précisément à la fin du mois sacré de ramadan, Abdelbaki Es Satty a effectué un voyage en Belgique. Sur les raisons de ce voyage dans le royaume de Belgique, aucune information. Une chose reste toutefois sûre: les services espagnols sont allés chercher des éléments de réponse dans les archives des attentats du 11 mars 2004, dans des trains de banlieue, à la gare d’Atocha en plein cœur de Madrid ou à proximité, faisant 191 morts. Voilà ce que cela donne: «le nom d’Abdelbaki Es Satty est cité dans l’une des opérations jihadistes menées en Espagne après les attentats du 11 mars». A l’époque, on parlait d’Al-Qaïda et non de «l’État islamique» qui n’a émergé qu’en 2014.

Toujours selon les services espagnols, Abdelbaki Es Satty était le colocataire d’un certain Mohamed Mrabet Fhasi, «un boucher de Vilanova i la Geltru» et néanmoins l’un des principaux accusés dans l’attentat de Madrid.

Abdelbaki Es Satty a-t-il renié Al-Qaïda pour prêter allégeance à l’organisation d’Abou bakr Al-Baghdadi (Daech)? Là, mystère. Les médias espagnols restent d’ailleurs prudents concernant cette piste, mais n’écartent pas «la probabilité» que l’imam ait «embrigadé» les auteurs des attentats des 17 et 18 août en Catalogne. Une probabilité que seule l’arrestation de Abdelbaki Es Satty, s’il est encore vivant, pourrait confirmer ou infirmer. D’ici là, l’énigme demeure.

Attentat à Barcelone, fusillade à Cambrils : ce que l’on sait

L’Espagne à son tour ensanglantée. Jeudi après-midi, Barcelone a été victime d’une attaque terroriste. Quelques heures plus tard, une fusillade éclatait à Cambrils. Le point sur la situation.

Cinq terroristes présumés ont été abattus lors d’une fusillade sur la route du front de mer à Cambrils, station balnéaire de la Costa Dorada à 110 kms au sud de Barcelone alors qu’ils tentaient de forcer un barrage de police.

Dans leur fuite, ils ont blessé sept personnes dont un policier. Une victime est dans un état critique Ils étaient armés et certains portaient des ceintures d’explosifs factices.

Selon les autorités les individus préparaient une deuxième attaque à Barcelone avant d’être abattus. Ce deuxième attentat est lié à celui de jeudi sur les Ramblas.

Le bilan à Barcelone : 13 morts, 26 Français blessés

Le bilan de l’attentat à la camionnette perpétré jeudi à 16h20 sur les Ramblas à Barcelone, s’établit à 13 morts, 15 blessés au pronostic vital engagé, 23 souffrant de graves blessures, 48 plus légèrement touchés.

Parmi les blessés issus de 18 pays dont 13 Européens, 26 sont de nationalité français. Onze sont dans un état grave, selon le ministère des affaires étrangères.

L’enquête : trois hommes ont été arrêtés

Deux individus ont été appréhendés jeudi et vendredi matin à Ripoll à 80 km au nord de Barcelone, au pied des Pyrénées dont un d’origine marocaine.

Un troisième de nationalité espagnole et résident de l’enclave de Melilla au Maroc a été arrêté jeudi à Alcanar, à 200 km au sud de la capitale catalane, où mercredi soir une explosion de gaz a détruit une maison faisait un mort et blessant six pompiers. Cet événement serait lié aux attaques. Les trois individus ne sont pas fichés comme liés à des groupes terroristes en Espagne.

Le conducteur serait toujours en fuite. Le lien avec une fusillade qui, une heure après l’attentat s’est produite sur un barrage de police dans les quartiers nord-ouest de Barcelone, n’est pas établi. L’homme qui tentait de forcer le barrage en voiture est décédé.

Les réactions : deuil, solidarité et riposte

Trois jours de deuil ont été décrétés en Espagne. À Barcelone, une minute de silence sera respectée à midi et un rassemblement est prévu place de Catalogne à 300 m du lieu du drame.

Tous les dirigeants européens, américains, asiatiques et le président russe Poutine ont témoigné de leur solidarité avec l’Espagne. Plusieurs voix s’élèvent néanmoins pour la constitution d’un renseignement européen sur le terrorisme et d’une force.

La revendication : Daech comme à Paris et Londres

Daech a revendiqué l’attentat indiquant dans le communiqué de son agence que l’Espagne était frappée parce qu’elle participait à la coalition contre les djihadistes en Syrie et en Irak. Revendication validée par les services américains.

L’armée espagnole intervient au Levant uniquement via un appui logistique de ravitaillement.

Le contexte : la Catalogne était très exposée

Les principaux foyers islamistes en Espagne se trouvent quasiment tous en Catalogne et gravitent autour de groupes salafistes.

Depuis 2012, trente opérations contre des commandos djihadistes ont été menées à Barcelone, 12 dans le reste de la Catalogne pour 77 arrestations. C’est trois fois plus qu’à Madrid, deux fois plus que dans tout le reste de l’Espagne continentale.

Les personnes arrêtées sont pour moitié d’origine marocaine ou des enclaves espagnoles au Maroc Ceuta et Melilla. Quelque 120 Espagnols, dont 55 de Melilla et 40 binationaux se trouveraient en Syrie et Irak dans les troupes de Daech.