Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.

 Gao en résistance contre les autorités intérimaires 

Les habitants de la ville de Gao ont encore prouvé leur opposition aux autorités intérimaires en dénonçant le parachutage du président de région, désigné à Bamako. La Cité des Askia demande de nouveau à être partie prenante du processus de décision de l’Accord, pour défendre son histoire, sa culture, qui selon elle, « ne font pas partie d’un grand Azawad ».

« C’est normal que Gao résiste, elle s’est battue pour rester dans le giron malien et prend cette décision de Bamako comme une trahison. Je pense que sur ce point-là personne ne se fait d’illusion et je crois qu’un travail suffisant de préparation des esprits a manqué », explique sous anonymat ce haut-fonctionnaire du gouvernement proche du dossier.

Après la signature du document d’Entente en juin dernier, qui réduisait la part initiale de la société civile au profit des mouvements armés signataires, les habitants de Gao avaient marché pour protester. Une délégation gouvernementale leur avait alors donné l’assurance que les autorités intérimaires ne se mettraient pas en place sans consultation. Mais la nomination de Djibril Maïga comme président du Conseil régional a eu l’effet d’une gifle, enterrant ainsi la promesse. « Certains engagements qui ont été pris n’ont pas été tenus, mais vous savez les décisions politiques jurent parfois avec d’autres engagements. Il a fallu faire un choix », confie ce même haut fonctionnaire

Revendications À Gao, ce camouflet a provoqué l’ire des mouvements de résistance civile et des associations qui se sont alliés au CMFPR2, CMFPR3, à Ganda Izo et au CJA, pour rejeter les autorités intérimaires. « Celui qui a été désigné, Djibril Maïga, c’est le frère de Soumeylou Boubeye Maïga. Il est de leur famille et appartient à la Plateforme, qui n’a rien fait pour nous à part s’allier avec l’occupant », dénonce Moussa Boureima Yoro, porte-parole des mouvements de résistance civile. Les revendications ont été consignées dans deux lettres adressées aux présidents du Comité de suivi de l’Accord et de la Plateforme. Selon Yoro, la majorité de la population de Gao est contre les autorités intérimaires, et seule une minorité, manipulée par l’État et les partenaires qui leur donnent de l’argent pour convaincre sur le terrain, y serait favorable. « Nous voulons leur faire comprendre, une fois de plus, qu’ils ont le devoir de nous donner les places qui nous reviennent. Ils peuvent garder leur Djibril Maïga, mais ils doivent élargir les membres du conseil en faisant des places aux jeunes et aux femmes de Gao. Si cela ne se fait pas, nous n’accepterons pas la mise en œuvre de l’Accord », menace-t-il.

 

3 questions à Zahabi Ould Sidi Mohamed, Président de la commission nationale DDR

 

Comment voyez-vous le processus après l’échec de l’installation des autorités intérimaires ?

On va avancer parce que l’unité nationale et la paix sociale sont plus importantes que ces querelles de nomination. Le CSA a fait 13 réunions sans pouvoir trancher certaines questions dont l’inclusivité. Le point positif est que tout le monde réitère son engagement pour l’Accord de paix malgré cet incident. Les divergences constatées sont liées au fait que chacun veut tirer la couverture de son côté. Mais il faut trancher lorsque les parties n’arrivent pas à s’entendre. Ce travail revient au gouvernement en tant que garant de la mise en œuvre de l’Accord.

Que doit faire le gouvernement pour gérer cette situation ?

Le contexte est complexe et il faut tenir compte des équilibres parce qu’aucune formule ne trouvera l’unanimité. Je pense qu’il faut discuter au maximum en associant tous les acteurs y compris la société civile.

Où en est le processus DDR ?

Le Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) est la pierre angulaire du processus de paix. La commission est installée depuis novembre 2016 et les chefs des bureaux régionaux sont nommés. Une formation de mise à niveau sera organisée du 6 au 13 mars à Mopti. Pour son financement, des progrès sont faits. Pour le volet désarmement et démobilisation, chiffré à 29 millions de dollars, 21 millions sont mobilisés. Quant au volet réinsertion estimé à 50 millions de dollars, 25 millions, dont 15 millions de la Banque mondiale et 10 millions de l’État malien sont disponibles.

 

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

GATIA et CMA s’affrontent autour d’une nomination

L’installation des autorités intérimaires à Kidal qui aurait dû être effective lundi 20 février, a été suspendu suite à la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, un Touareg, haut-fonctionnaire de l’État, natif de Kidal, appartenant au groupe Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), ennemi déclaré de la CMA. Cet énième crise entre le GATIA et la CMA, qui tentent de peser de tout leur poids pour que le nouveau gouverneur soit maintenu ou sa nomination annulée, perturbe la mise en œuvre de l’Accord, dans un match dont l’enjeu est un échiquier nommé Azawad.

Depuis la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, rien ne va plus entre la CMA et le GATIA. Cet intellectuel, secrétaire général au ministère du commerce, ancien inspecteur des douanes et qui fut un cadre de la rébellion touareg des années 90, malgré ses compétences avérées pour exercer la fonction de gouverneur à Kidal, a néanmoins, du point de vue de la CMA, un terrible handicap : son appartenance au GATIA, mouvement ennemi de la CMA qui convoite le gouvernorat de Kidal depuis un certain temps.

Samedi 18 février lorsque le nouvelle de cette nomination est tombée, la surprise et la colère passées, les leaders la CMA ont décidé de suspendre la cérémonie d’intronisation de l’assemblée régionale, qui devait avoir lieu lundi dernier en présence du ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf. Ils ont éteint leurs téléphones pour ne pas être joint par les différentes délégations, le ministère et la médiation. « Ce qui est sûr c’est que cette nomination ne les arrange pas, ils l’a rejette, les politiques de la CMA la rejette, les militaires de la CMA la rejette. Une partie de la population acquise à la CMA la rejette, mais une partie de la population acquise à la CMA considère aussi qu’il n’y a pas de quoi en faire un si grand problème, car Ag Ichrach est de Kidal et a les qualités requises pour être gouverneur. La majeure partie de la population pense que c’est un faux problème », explique cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Le désormais ancien gouverneur de Kidal, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal quand le nouvelle a été communiquée. Lui aussi ne s’attendait pas à sa mutation. « Koina Ag Ahmadou était proche du HCUA, des Ifoghas et de la CMA en particulier. Sur plusieurs points il faisait leurs affaires en étant à Kidal ou à Gao. Les cartes, les listes électorales pour les prochaines élections, tout ça se confectionne au niveau du gouvernorat, en ce sens il pouvait aider, ainsi que dans l’attribution des différents marchés et appels d’offres des bâtiments qui ont été endommagés, et qui découle de la gestion d’un gouverneur. Mais là, ce ne sera plus le cas et ça n’arrange pas la CMA », révèle cette source proche des mouvements.

Pour la CMA, la nomination de l’ancien gouverneur était circonstancielle, décidée par le gouvernement au même titre que celle de Sidi Mohamed Ag Ichrach, elle avait le mérite d’arranger tout le monde. « L’ancien gouverneur, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal prêt à mettre les autorités intérimaires en place, préparer les élections et dans quelques mois on aurait pu changer », déclare ce cadre de la CMA. « En fait cette nomination est une vieille condition du GATIA. Condition qui a été balayée par la CMA et qui revient tout d’un coup de façon unilatérale. Il y a eu des tractations, des manoeuvres souterraines, des influences pour prendre Hassane Ag Fagaga dans la liste de la CMA pour la présidence du conseil régional, mais en contre-partie, on destinait le gouvernorat de Kidal au GATIA. C’est le ministre de l’Administration Territoriale qui à notre avis a manigancé tout ça et la CMA ne l’accepte pas. Ce qui s’est passé prouve la mauvaise volonté du gouvernement, à mon avis la partie gouvernementale ne veut pas de la paix » poursuit ce même cadre.

Après 3 jours de négociations, une solution de sortie de crise ne semblait pas encore en passe d’être trouvée. « Il serait plus consensuel de les écarter tous les deux, pourquoi ne pas nommer un gouverneur natif de Kayes ou de Sikasso, on est prêt à aller vers ce consensus », confie ce membre de la CMA qui siège dans une des commissions du CSA

Si aucune des parties ne maîtrise pour le moment la solution qui pourrait mener à une porte de sortie, selon nos informations, une proposition de la CMA, si le gouvernement maintient Sidi Mohamed Ag Ichrach comme gouverneur, pourrait émerger. Elle demanderait la nomination d’un gouverneur tendance CMA dans une région où la présidence est assurée par la Plateforme, histoire, dit-on à la CMA, de « rééquilibrer les choses ». « Ça serait un marché de dupe mais c’est comme ça, parce que Ag Ichrach est imposé par le GATIA », résume ce cadre de la CMA

Pour cet autre membre de la coordination, l’État n’arrive toujours pas à prendre des décisions vraiment terre à terre. « Je ne vois pas de sortie de crise, si l’État n’a pas la volonté politique d’aller vers la paix, il n’y aura pas de paix, c’est ça le problème. On va rester dans les tergiversations, ça va continuer à pourrir et ce n’est pas bien. Il faudrait que la décision vienne du plus haut niveau, c’est le 1er ministre qui doit s’imposer ou bien le président de la république pour donner des signaux forts, car nous sommes beaucoup plus pour la paix que les autres partis. On a fait des concessions mais ce que l’on reçoit en contrepartie envenime encore les choses », Conclut-il.

Autorités intérimaires : le CJA impose son autorité dans la région de Tombouctou

Après les manifestations populaires à Tombouctou contre la mise en place des autorités intérimaires, les forces militaires du Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) bloquent les routes avec des unités mobiles dans ses zones d’influence. Une équipe (clinique mobile) du Comité international de Croix rouge (CICR ) aurait été refoulé de la zone de Gargando (située à proximité de la ville de Goundam) par un détachement armé du CJA. Information aussitôt confirmée par une note de l’organisation humanitaire, mentionnant le refoulement d’un important convoi humanitaire qui partait pour s’informer de la situation des populations dans les zones de Raz Elma et Gargando.

Joint au téléphone depuis Gargando, le chef d’État major du CJA, le colonel Abass Ag Mohamed Ahmed confirme que « depuis hier lundi 20 février les organisations humanitaires et des forces militaires de l’armée malienne et de son administration sont interdites, jusqu’à nouvel ordre, de sortir des grandes villes de la région de Tombouctou ». Le colonel Abass qui ajoute que ses hommes ont respecté les consignes qu’il a donné en bloquant toutes les pistes et route pour que leurs revendications soient prises en compte par les acteurs de la résolution de la crise politico-sécuritaire qui sévit au Mali depuis janvier 2012. Le chef d’État-major du CJA a également expliqué que ce blocus des routes par ses hommes armés ne vise pas les organisations humanitaires, mais pour l’instant, décision est prise de refouler vers les villes de Goundam et Tombouctou tous les convois.

À un moment crucial de la mise en oeuvre de l’Accord, le colonel Abass Ag Med Ahmed fait à nouveau parler de lui en tordant le bras aux autorités maliennes et à la médiation internationale pour qu’elles intègrent le CJA qui contrôle un territoire allant des régions de Tombouctou et Taoudeni jusqu’en Mauritanie, et qui échappe à l’autorité de l’État malien.

Cette décision du Congrès pour la Justice dans l’Azawad intervient après la tenue, samedi dernier, d’une conférence à l’hôtel Salam de Bamako pour réclamer l’inclusion du mouvement dans le processus de mise en œuvre de l’accord de Paix au Mali signé en Mai- Juin 2015.

Les mouvements dissidents vent debout contre les autorités interimaires

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) et la Coalition des Mouvements de Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR), ont tenu ce matin à l’hôtel Salam de Bamako une conférence de presse pour dénoncer la démarche de « non inclusivité de l’accord de paix au Mali  » que mènent le ministre de l’Administration Territoriale de la Décentralisation et de la réforme de l’état et les dirigeants de la CMA pour la désignation des autorités intérimaires pour les 5 régions du nord Mali.

À deux jours déjà de la désignation des présidents des autorités intérimaires par le gouvernement malien et les chefs de la CMA, plusieurs vagues de contestation circulent dans de nombreux points du pays contre ces nominations qui, selon les mouvements politico-militaires sur le terrain, les élus locaux et les leaders des sociétés civiles des régions de Tombouctou, Taoudeni et Gao, n’ont pas été choisi par les populations locales . Le CJA, un mouvement dissident de la CMA, dirigé par Azarock Ag Innaborchad, créé en Octobre 2016, a choisi de quitter cette dernière parce que la CMA ne satisfaisait pas leurs besoins et revendications concernant la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali signé en Mai /Juin 2015 à Bamako.

Les dirigeants du CJA  et ceux du CMFPR 2 ainsi que leurs chefs militaires, rejettent catégoriquement les nominations des présidents des conseils régionaux, désignés par les autorités maliennes et les mouvements armés, pour la période intérimaire qui prendra fin le 31 Mai 2017,  comme le stipule le texte de l’accord de paix au Mali.

Des contestations populaires se sont déroulées, aujourd’hui, à Goundam ,Tombouctou, Gao pour soutenir la lutte du CJA et du CMFPR2 à faire valoir les droits et aspirations des populations aux noms desquels ils se battent pour leur inclusivité dans l’accord de paix. « Nous n’allons jamais baissé les bras pour arracher ce qui nous revient de droit pour nos populations de Tombouctou et Taoudeni « , confie Alassane Ag Abba, haut représentant de la société civile, député du cercle de Goundam pendant 30 ans et qui ajoute que « les populations sont prêtes à empêcher l’installation des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou et Taoudeni car les gens qui ont été pris pour la gestion ces régions n’ont pas été choisis par les populations et ils ne répondront pas à leurs aspirations ».

A Kidal ce samedi , les populations sont sortis massivement dans les rues pour protester contre la nomination du nouveau gouverneur de Kidal dont la nomination serait le fait du ministre de l’Administration territoriale de la Décentralisation et de la Réforme de L’État, Mohamed Ag Erlaf, indexé par plusieurs acteurs du processus dont le  CJA et la CMA comme celui qui fait exister et placer qui il veut pour la gestion des régions du nord Mali.

Autorités intérimaires : Tractations et compromis, pour la présidence d’une région

Hassane Ag Fagaga, chef militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dirigera le conseil régional transitoire de Kidal. Sa nomination serait la décision de la partie gouvernementale après plusieurs concertations et tractations avec la CMA et la Plateforme. En coulisses, cette nomination attendue, a imposé ce cadre militaire aguerri de la CMA au détriment du choix initial qui devait se porter sur Abda Ag Kazina, un intellectuel, maire adjoint de Kidal.

Officiellement c’est Hassan Ag Fagaga, ex-colonel de l’armée malienne, indépendantiste et ex-rebelle, qui a été désigné par le gouvernement pour présider la région de Kidal durant la période intérimaire. Officieusement, on rapporte que la partie gouvernementale a voulu ménager le CMA en demandant à la Plateforme de céder la présidence de Kidal, point de friction entre ces deux mouvements. Il y a eu beaucoup de tractation qui ont mené à des concessions et le dernier compromis a porté Hassane Ag Fagaga à la présidence de la région. « La partie gouvernementale a été maline, ils ont accepté de nommer Fagaga, d’une part pour ménager la CMA et faciliter leur retour à Kidal, d’autre part parce que Fagaga plaira aux gens réfractaires à l’État, ce qui permet aussi de canaliser beaucoup d’éléments radicaux de la CMA, et s’il y a un problème, ils ne pourront s’en prendre qu’à leur dirigeant », analyse cette source proche des mouvements

À Kidal, il semblerait que le choix de cette nomination ne soit pas du goût de tout le monde, car de nombreuses personnes désiraient que les choses avancent. La nomination de ce chef militaire, noyau dur de la CMA, ex-déserteur de l’armée malienne, qui fut l’instigateur de plusieurs rébellions n’est pas forcément, pour beaucoup, une bonne chose. « C’est quelqu’un qui n’est pas lettré, il n’a pas été à l’école. Sa nomination plaît surtout à une petite partie radicale, il y aussi des gens qui estiment qu’il a beaucoup fait pour la rébellion. Sinon la majeure partie de la population n’est pas très enthousiasmée par sa nomination », explique un employé humanitaire de Kidal, joint au téléphone.

Initialement, bien avant ce choix, était en lice pour présider l’assemblée régionale de Kidal, un conseiller d’Aguelhoc et Abda Ag Kazina, jeune adjoint au maire de Kidal. « C’est Abda qui était pressenti pour être en réalité le président, mais sa proximité avec la Plateforme a joué contre lui, surtout après l’opposition GATIA – CMA. Donc il y a eu cette nomination de Fagaga. La CMA l’a proposé parce qu’il est non seulement militairement un des hommes fort de de la CMA mais aussi pour son ethnie, c’est un Ifoghas. Dans toutes ces nominations, que cela soit la CMA ou la Plateforme, ils essaient toujours d’aménager les places en fonction des différentes ethnies », révèle cette source proche des mouvements.

De nombreux point séparent Kazina et Fagaga, le premier est jeune, brillant, un intellectuel qui est parvenu à la mairie de Kidal alors qu’il était dans la vingtaine, une grande surprise à l’époque, courtisé un temps par la CMA pour venir rejoindre leur rang, il a refusé, ce qui n’a pas été vraiment  apprécié, il représente aujourd’hui un certain renouveau. Le deuxième est un militaire aguerri, figure indépendantiste, cousin du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cacique de la rébellion, plus âgé et peu lettré. « le problème du choix de Abda Kazina c’est que la CMA voit en lui un pion du GATIA, notamment parce qu’il est un proche de l’ancien gouverneur de Kidal qui est actuellement ambassadeur du Mali au Niger et qui est lui même un proche du Général Gamou. il est aussi très jeune, dans notre milieu ici ce n’est pas facile pour les jeunes d’émerger comme ça, c’est un des très rare cas, sinon le premier. Globalement les intellectuels, les gens qui ne sont pas trop proche de la CMA ou qui sont objectifs, pensent que Kazina était un bon choix, car il à la tête dure et bien fixée sur les épaules », poursuit cette même source.

Hassane Fagaga devrait être investi par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, ce samedi 18 février. Abda Kazina devrait aussi être présent pour cette investiture. Ce dernier, joint au téléphone, dit souhaiter que Hassane Fagaga soit « la personne qui pourra mener à bien cette période intérimaire, malgré les multiples insuffisances », mais le jeune maire adjoint de Kidal aura peut-être tout de même l’occasion de faire ses preuves puisqu’il est proposé, dans ces autorités intérimaires, comme premier vice-président de la région. « Si le consensus est mis en œuvre, et que je suis nommé, je pense qu’on fera de notre mieux pour qu’il y ait un décollage sur le plan du développement et de la réconciliation », nous a-t-il confié.

Les autorités intérimaires mettent Gao en colère

La mise en place des autorités intérimaires doit avoir lieu cette semaine à Tombouctou et à Gao. la Plateforme devrait assurer la présidence de la région de Gao, mais dans la cité des Askia, cette décision passe mal. Les populations, pour la plupart, déplorent de ne pas avoir été consultées et ne sont pas prêtes à se laisser imposer la Plateforme. Elles souhaitent que le futur président soit déterminé par des élections ou choisi par eux-mêmes.

Depuis dimanche dernier, soit deux jours après les conclusions de la réunion de haut niveau du Comité de suivi de l’Accord (CSA), les mouvements de résistance civile et les associations de Gao sont en effervescence, mobilisés contre la décision qui impose la Plateforme à la présidence de la région. « Pendant la crise nous nous sommes défendus sans demander l’aide de personne, ni de la Plateforme, ni de la CMA, cette dernière était d’ailleurs l’occupant. Aujourd’hui, on vient nous imposer la Plateforme, mais qu’est-ce qu’elle a fait pour nous libérer, rien ! c’est nous-même qui nous sommes libérés. On ne voit pas pourquoi les autorités maliennes s’entêtent à ce que les autorités intérimaires soient pilotées ici à Gao par la Plateforme qui n’est pas représentative de la communauté », assène Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao, qui compte quelques milliers de membres à travers la région de Gao.

La Plateforme, un conglomérat de groupes d’autodéfense politico-militaires pro-gouvernementaux héberge dans ses composantes le CMFPR (coordination des mouvements et Front patriotique de résistance), qui a un passif à Gao. Issu des différents mouvements de résistance de la région, qui se sont réunis pour le mettre en place durant la crise, Ce mouvement leur aurait tourné le dos. « Le CMFPR et ses dirigeants ont fini par écarter tous les dirigeants de la communauté et s’allier aux Arabes et aux Touaregs qui nous ont occupés. Ils décident entre eux et prennent toutes les décisions de la mise en œuvre de l’Accord », poursuit Moussa Boureima Yoro.

Bien qu’il y ait eu des élections communales à Gao, le gouvernement justifie la mise en place des autorités intérimaires par l’absence d’une autorité chargée de diriger la région et non la commune. Les jeunes de Gao répondent qu’ils peuvent organiser des élections au niveau régional, et précisent qu’auparavant, «  il n’y a jamais eu d’élections régionales, ça n’existait pas ».

Pour le moment, les jeunes de Gao ne sont pas descendus dans la rue pour protester, mais les rencontres entre les différents mouvements de résistance civile et associations se multiplient, face à l’urgence de la situation. « Les gens n’ont pas encore agi mais ils sont remontés par cette décision. C’est quelque chose qui s’est préparé à Bamako et qu’on va parachuter sur nous. S’ils veulent mettre des autorités intérimaires, qu’ils le fassent à Kidal, à Taoudenni, à Ménaka mais pas à Gao. On nous impose cette décision avec des gens que l’on n’aime pas, des personnes qui ne sont pas représentatives de la région, pourquoi veut-on nous mettre ces gens-là ? Est-ce qu’on nous a vendu ? est-ce que la région de Gao ne serait plus une partie du Mali ? est-ce qu’on veut nous imposer l’Azawad pour que ce soit coûte que coûte notre référence ? s’interroge le coordinateur des mouvements de résistance civil, qui ajoute, « pour l’instant nous sommes en consultation, nous attendons de voir ce qu’ils vont poser comme action, nous poserons les nôtres et nous verrons. Notre réplique sera à la hauteur de leurs actions, c’est tout ce que je sais ».

Signe d’une rupture consommée avec le gouvernement, la campagne de préparation de la Conférence d’entente nationale qui a débuté hier à Gao, les mouvements de résistance n’y étaient pas conviés, ils ont pu finalement y participer après une intervention musclée d’un de leurs camarades. Un avant-goût du bras de fer en train de se mettre en place avec les autorités maliennes, à un moment où les autorités intérimaires et le MOC sont enfin sur les rails.

Autorités intérimaires : a-t-on mis la charrue avant les bœufs ?

C’est hier, mardi 15 novembre, que devait être mis en place les autorités intérimaires. Pour la énième fois cette disposition de l’Accord a été reportée pour cause de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) non-effectif, constaté par le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), en charge de la bonne mise en œuvre du MOC. Sur le terrain ce report n’étonne pas, gouvernement et mouvements armés se renvoient la balle, ces derniers considèrent que le gouvernement n’a pas suivi la bonne chronologie de mise en œuvre de l’Accord.

Les autorités intérimaires sont repoussées à une date ultérieure, cette mesure de l’Accord de paix, est une fois de plus différée alors qu’elle fait face à des résistances chez plusieurs mouvements locaux qui ont dénoncé son caractère non-inclusif dans la nomination de ceux qui auront à administrer ces régions du Nord. Pour beaucoup, ce report n’a rien de surprenant, « Mettre les autorités intérimaires en place aujourd’hui, c’est mettre la charrue avant les bœufs ! Il n’y a pas de sécurité, pas de confiance. Ce sont les autorités intérimaires qui doivent organiser ces élections, c’est ce qui est prévu dans l’Accord et c’est ce qui me semble la seule porte de sortie or elles se tiendront quand même dimanche prochain », affirme cet élu de Tessalit. Pour ce dernier, il y aurait une mauvaise volonté du gouvernement à suivre l’Accord alors que la communauté internationale souhaite son application stricte. « Il faut que les décideurs maliens aient la courage de dire la vérité et de regarder la réalité en face, comme elle se présente aujourd’hui », ajoute-t-il.

Du côté du gouvernement on assure suivre l’Accord à la lettre : « Les mouvements doivent savoir qu’on ne peut pas prendre le pays en otage, on ne peut pas attendre la mise en place des autorités intérimaires pour mettre en place les élections. Si on veut placer des autorités intérimaires c’est justement parce qu’on n’a pas pu tenir des élections dans ces endroits-là. Dans ce cas, on le constatera et on mettra alors en place ces autorités intérimaires. Mais dire qu’elles doivent être mises en place forcément avant les élections, c’est une mauvaise lecture de l’Accord. L’Accord stipule que les autorités intérimaires dans les régions du Nord sont mises en place là où les conseils élus ne marchent pas, en attendant de pouvoir organiser les élections », explique Inhaye Ag Mohamed, Secrétaire permanent au bureau du Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord.

À Kidal, on considère que la mise en place des autorités intérimaires ne sera possible qu’avec l’installation d’une force qui devrait être pré-cantonnée, sans cela c’est tout le processus qui serait bloqué. « On a inversé la chronologie des choses et quand on inverse, on tombe dans le chaos. Il fallait d’abord faire le pré-cantonnement, faire revenir l’administration et les forces de l’ordre et après parler des autorités intérimaires », déclare Abda Kazina, adjoint au maire de Kidal et futur représentant des autorités intérimaires sur la liste du gouvernement. « Dire qu’il faut cantonner tout le monde avant de commencer les patrouilles mixtes, ce n’est pas dans l’esprit de l’Accord », répond le secrétaire général du Haut représentant. « Les éléments qui devront constituer les patrouilles mixtes seront rapidement rassemblés à Gao, où ils se prépareront, avant d’être déployé sur Kidal, le reste des éléments qui ne seront pas intégrés aux patrouilles mixtes et qui ne seront pas concernés par le cantonnement accéléré, suivront le processus normal de cantonnement prévu dans l’Accord », poursuit Inhaye Ag Mohamed.

Depuis l’annonce du report, aucune date ultérieure pour la mise en places des autorités intérimaires et de son volet sécurité le MOC, n’a été décidé, alors que les élections communales se tiendront dimanche 20 novembre sur la majeure partie du territoire. « Je pense qu’il ne faut pas accorder une importance aux dates, il faut accorder une importance aux choses certaines, les élections ne pourront avoir lieu que s’il y a la sécurité et une administration sinon qui va voter ? », questionne ce même élu de Tessalit

La question des réfugiés divise aussi. Peut-on tenir des élections alors que des milliers de réfugiés vivent hors des frontières du pays ? Pour Inhaye Ag Mohamed, « On ne peut pas non plus attendre indéfiniment, l’idéal c’est de faire revenir les étrangers pour qu’ils puissent voter, mais si on n’arrive pas à ramener les réfugiés pour une raison ou pour une autre, il faut quand même tenir les élections ».

Les différents acteurs s’accusent mutuellement de mauvaise foi et selon certains, des groupes armés au Nord ne seraient pas encore prêt à aller vers un retour progressif à une administration malienne, « Je ne sais pas ce que tout ça va donner mais ce n’est pas rassurant », conclut l’adjoint au maire de Kidal.

Alliance dissidente de la CMA : « Nous ne pouvons accepter l’inacceptable ! »

Le torchon n’en finit pas de brûler entre mouvements, au sein de la CMA. Le point de discorde ? le décret de nomination des autorités intérimaires, validé le 14 octobre dernier par le gouvernement et jugé ‘‘non-inclusif’’ par 4 mouvements de la CMA : le Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance CMFPR2, entrés depuis en dissidence, et qui pourraient remettre en cause, si une solution n’est pas trouvée, la mise en œuvre de l’Accord à quelques jours de l’application des autorités intérimaires et du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC).

« Ce décret qui a fait l’objet des autorités intérimaires en désignant un certain nombre de personnes, sans concertation, sans consultation préalable est dangereux pour notre pays, il met nos régions sous tutelle d’un agenda que nous ne maîtrisons pas. Parce qu’ils ont été désignés sans nous, en ignorant la majorité des populations du Nord, pour être plus précis, les populations de Taoudénit, de Tombouctou de Gao et de Ménaka », assène Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, Secrétaire général de la CPA, lors de la conférence de presse qui a réuni hier à l’hôtel Laico El Farouk, les 4 leaders des mouvements dissidents de la CMA : Hama Ag Mahmoud secrétaire général de la CJA, Ahmed Mohamed Ag secrétaire général du MSA, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune secrétaire général de la CPA et le Professeur Younossa Touré, secrétaire général CMFPR2. Ils étaient rassemblés pour faire entendre leurs voix, alerter la communauté nationale et internationale et le peuple, afin qu’ils comprennent leur combat dans toute sa dimension et dans toute sa diversité.

Depuis ce décret, au sein de la CMA dont les relations étaient déjà orageuse, rien ne va plus. Les mouvements dissidents ont fortement insisté, lors de la dernière réunion du Comité de Suivi de l’Accord (CSA), sur cette question d’inclusivité, point d’orgue de la crise, mais rien n’y a fait. Des tentatives de discussion et de conciliation ont également été organisée, sous l’arbitrage du gouvernement mais la MNLA et la HCUA ont refusé de rencontrer les mouvements dissidents. « Ils soutiennent que l’Accord c’est 3 parties, la CMA, la Plateforme, le gouvernement, et la CMA c’est eux, les autres ce n’est rien », déclare Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, alors que l’article 67 de l’Accord de paix, stipule que : « La Coordination et la Plateforme sont entendues comme incluant toutes les entités qui en font partie à la date de la signature du présent Accord. Les signataires au nom de la Coordination et de la Plateforme le font au nom de chacune et de toutes ces entités ». Pour Younoussa Touré du CMFPR2, allié de ce regroupement encore informel, « Le gouvernement doit tenir compte des voix discordantes qui viennent de tous les côtés. Il doit être vigilant quand on lui présente une liste, être capable de dire si cette liste va poser problème. Quand vous avez une liste pour Tombouctou où vous avez entièrement des arabes, des nomades des songhai, c’est du devoir du gouvernement de moraliser ces choses-là »

Malgré la contestation, les autorités intérimaires seront mise en place le 15 novembre prochain et seront précédées par l’installation du MOC. Une session extraordinaire de la Commission Technique de Sécurité (CTS) s’est tenue au CRES, depuis le 8 novembre, pour parler de la mise en œuvre des ces deux dispositions de l’Accord et pour essayer de trouver une solution à la crise. « Nous tous ça ne nous intéressent pas, la patrouille mixte, le MOC pour l’instant ce n’est pas ce qui nous intéresse, le message qu’on a passé à la CTS était clair, on règle les questions politiques et les problèmes d’exclusion sans lesquels ils ne pourront rien faire » indique l’alliance. Hier, dernier jour de session de la CTS, une solution n’avait toujours pas pu être dégagée et l’alliance des mouvements dénonçait des tentatives de pression sur le gouvernement pour signer un nouveau décret qui continuerait de les exclure. « Au moment ou je vous parle, certains sont en train de forcer les portes pour pondre de nouveaux décrets, notamment la commission DDR, la commission d’intégration, la commission nationale de réforme du secteur de la sécurité, ils sont en train de mettre la pression et bousculent le gouvernement, ils utilisent leurs cadeaux pour l’amener à pondre un décret dans les mêmes conditions que pour les autorités intérimaires », dénoncent Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune.

Si le decret de nomination des autorités intérimaires n’est pas arrêté pour laisser place à des concertations et si ce nouveau décret passe, les 4 mouvements, qui disent représenter une partie écrasante de la CMA, préviennent que la mise en œuvre des patrouilles mixtes ne sera pas appliquée, « Il n’y aura pas de patrouille mixte, parce que les combattants c’est nous, nos frères, nos enfants », lance le secrétaire général de la CPA. Et d’ajouter, « Nous défendrons nos droits, quoique cela puisse nous coûter, même si ça doit nous amener à la résistance physique, parce qu’il s’agit de notre dignité en tant que malien et en tant que citoyen qui sommes chez nous ».

Achafigui Ag Bouhada : « Je m’inscris dans la logique de l’Accord d’Alger »

Achafigui Ag Bouhada est le nouveau chef militaire du HCUA. Cet ancien adjudant-chef de l’armée malienne a également été lieutenant du général Gamou.

En tant que nouveau chef d’État-major du HCUA, quels sont les changements que vous comptez apporter par rapport à votre prédécesseur Cheikh Ag Aoussa ?

J’ai remplacé Cheikh Ag Aoussa suite à sa mort tragique et je m’inscris, comme lui, dans la logique de l’Accord d’Alger. Je vais continuer les missions qui consistent à encadrer nos forces armées jusqu’à la mise en place des mécanismes de défense et de sécurité prévus par l’accord. Il n’y a pas de changement particulier prévu en perspective.

Une enquête sur la mort de votre prédécesseur est en cours. Quel est vôtre point de vue par rapport à sa disparition ?

Sa disparition est un événement tragique. Je déplore comme beaucoup de mes compatriotes la méthode utilisée pour le tuer. Je laisse le soin aux enquêteurs de la MINUSMA en collaboration avec ceux de la CMA, d’accomplir leur mission, avec, je l’espère, un aboutissement qui rende justice au défunt.

Les autorités intérimaires pour Kidal et sa région, est-ce réalisable dans le contexte actuel ?

Je reste très confiant pour la mise en place de ces autorités intérimaires. La date du 10 novembre a été repoussée au 27 novembre lors d’une réunion entre les différentes parties, en fin de semaine dernière. Un consensus responsable a été dégagé au sujet du dernier point de discorde qui concernait la distribution des postes de responsabilité civile à pourvoir, ce qui est un bon signe.

Sans la présence de l’État malien et alors qu’un conflit oppose la Plateforme et la CMA ?

Ce qui est sûr, c’est qu’avec la mise en place des autorités intérimaires, c’est aussi le retour progressif de l’administration malienne. Les deux vont ensemble. Le 17 novembre prochain, une dizaine de jours avant la mise en place des autorités intérimaires, le mécanisme du MOC sera opérationnel. Cela suppose qu’il n’y aura pas de problème parce que CMA, Plateforme et forces gouvernementales vont assurer ensemble la sécurité de tous.

La CMA et la Plateforme ont donc fait la paix pour parvenir à patrouiller ensemble ?

Disons que c’est une paix relative. La situation est actuellement calme entre ces deux mouvements sur le terrain. Toutes les parties convergent vers un retour réel de la paix, surtout pour mettre un terme à cette guerre « fratricide » qui retarde bien des échéances de normalisation. C’est grâce à cette paix relative que la mise en place du MOC sera possible.

 

 

Autorités intérimaires, tout reste à faire

Si les élections communales sont enfin lancées, dans les cinq régions du Nord (Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni), plusieurs localités risquent de ne pas y participer. Les autorités intérimaires, qui devraient être effectives entre 1er et le 10 novembre, sont censées palier à la défaillance des autorités locales. Mais pour l’instant, elles ne sont toujours pas en mesure de jouer leur rôle.

Le mardi 1er novembre, jour de lancement des autorités intérimaires dans la région de Kidal, les choses ne semblaient pas avoir bougé d’un pouce. « Le ministère qui va mettre en place ces autorités ne nous a toujours pas contacté. On attend », explique Abda Kizina, adjoint au maire de Kidal et futur représentant des autorités intérimaires sur la liste du gouvernement. « Jusqu’à aujourd’hui, nous ne sommes pas au courant de façon officielle des démarches pour la mise en œuvre des autorités intérimaires. Les décrets nominatifs existent mais nous ne sommes pas encore en activité », ajoute-t-il.

Absence de l’État Selon cet interlocuteur, dans la région de Kidal, on ne pourra pas parler d’autorité intérimaire et d’élections communales tant qu’il n’y aura pas une présence de l’État et que le conflit entre la CMA et la Plateforme ne sera pas pacifiquement résolu. « Il faut une force publique pour appuyer notre autorité, mais il n’y en a pas. Il y a le MOC [ Mécanisme Opérationnel de Coordination – ndlr ], mais dans les conditions actuelles, je vois mal comment on peut parler d’une force mixte si la CMA et la Plateforme sont en conflit et l’État absent. Pour le moment c’est impossible », résume Abda Kizina.

Du côté du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Réforme de l’État, on assure que tout est fait pour que les délais soient tenus, ils « planchent » actuellement sur un programme de formation qui sera très bientôt discuté avec les mouvements armés, et le MOC, chargé d’appuyer ces autorités et de sécuriser les élections, sera bientôt opérationnel. « On a déjà commencé à Gao, et à Kidal, Barkhane et la CMA patrouillent ensemble. Ce sont des tests qui nous permettent de voir comment les choses se passent, et qui permettront d’avoir un dispositif opérationnel une semaine au moins avant le 20 novembre », assure Bakary Amadou Bagayoko, conseiller technique au ministère.

Mauvais choix ? Pour autant, si à l’heure actuelle une mise en place des autorités intérimaires dans les temps semble incertaine, un autre aspect pourrait poser problème, les critères de désignation de ces autorités : « En tant que chefs régionaux, ces autorités seront amenées à lire et à produire des documents. Il faut au minimum être lettré. Une majorité des personnes qui ont était désignées ne le sont pas et ça risque de rendre très difficile la tâche d’administration et le travail durant la période intérimaire », conclut Abda Kizina.

 

 

 

Moussa Boureima Yoro : « Avec ces autorités intérimaires, l’Azawad est effectif »

Les autorités intérimaires qui auront la charge d’administrer les régions, cercles et communes du Nord devraient être effectives entre le 1er et le 10 novembre. À Gao, cette mesure passe mal, les populations s’estimant flouées par le gouvernement qui s’était engagé à les consulter. Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao qui compte des milliers de membres, s’en est expliqué au Journal du Mali.

 Que reprochez-vous aux autorités intérimaires ?

Suite aux événements tragiques survenus à Gao en juillet dernier, une délégation s’est rendue à Bamako pour des pourparlers. Il y avait des points sur lesquels les gens n’étaient pas d’accord, comme les autorités intérimaires. Ce terme n’existe pas dans l’Accord. Le texte parle de « période intérimaire » mais nous n’avons pas vu dans le texte d’autorités intérimaires. Il y a eu un début de discussion là-dessus avec le gouvernement, puis une pause dans les débats. À notre grande surprise, le 14 octobre dernier, une liste est sortie et elle désigne les autorités intérimaires en collaboration avec l’État. Nous ne comprenons rien. Nos régions étaient gouvernées par les populations pendant l’absence de l’État. Les hommes et les femmes de cette région ne comprennent pas comment des hommes armés qui étaient venus occuper la ville et qui n’ont pas pu l’avoir avec les armes, utilisent des lois et règlements du pays pour obtenir le pouvoir. Ils ont les armes, ils ont les moyens et ont leur donne encore le pouvoir, cela fait peur.

Donc vous souhaitez annuler ces listes pour pouvoir y mettre des gens issus de la société civile de Gao ?

Nous voulons exclure ces listes. Nous en avions déjà parlé avec le gouvernement, c’était très avancé. Puisque l’on parle de la paix, nous voulions qu’il y ait au moins une consultation sur le choix des hommes et des femmes qui vont diriger la ville. C’est pourquoi nous rejetons cette liste-là. L’État s’était engagé et il n’a pas tenu parole. Nous ne voyons pas comment les autres engagements qu’il avait pris seront respectés.

Quels autres engagements ?

La démission du gouverneur de Gao par exemple. Il est toujours là. Les autorités maliennes imposent ce qu’elles veulent. Le jour où les gens se lèveront pour faire sortir l’État, l’État sortira, il n’aura pas le choix. C’est le peuple qui donne la légitimité. Si le peuple leur enlève cette légitimité, ils devront partir. Nous ne sommes pas une communauté que l’on peut larguer comme on veut.

Beaucoup disent que la mise en place des autorités intérimaires va impacter la cohésion sociale et acter la partition du pays. Partagez-vous cet avis ?

Avec ces autorités intérimaires, la partition du pays sera effective. On ne peut pas avoir le même pays et deux constitutions différentes, ça n’a aucune logique. Désormais, que nous le voulions ou pas, l’Azawad est effectif. Cela ne s’appellera pas Azawad mais ce sera effectif. Permettre qu’aujourd’hui des étrangers, des aventuriers viennent pour imposer une idéologie, une façon de vivre, et que les autorités l’acceptent tacitement à travers les lois et les règlements, alors que ces mouvements ne reconnaissent même pas l’État, et qu’on nous livre à eux… Cela dépasse l’entendement. Il faut que les autorités maliennes comprennent ce qui est réellement, ce que Gao ne veut pas, ce que Gao n’accepte pas.

La mise en place des ces autorités intérimaires devrait avoir lieu entre le 1er et le 10 novembre prochain. Accepterez-vous cette nouvelle administration ?

Dans ce pays, ceux qui ne prennent pas les armes n’ont aucune valeur, aucune parole. Nous, nous restons toujours républicains. Nous ne prenons pas les armes mais nous réclamons nos droits. Nous ne craignons rien car nous sommes chez nous. Ces autorités-là vont durer le temps que ça va durer. Le Mali est en train de faire une très grosse erreur. Ils se foutent de ce que le Nord deviendra. Si jamais le Nord est sacrifié, dites-vous que toutes les autres communautés vont elles aussi réclamer ce qui leur revient de droit. Cette route vers le chaos, ce sont les autorités qui l’ont choisi.

 

 

Autorités intérimaires : le ministre Mohamed Ag Erlaf sur la sellette

L’écrasante majorité de la CMA se sent exclue du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, à travers la mise en place des autorités intérimaires censées garantir le retour à une paix durable dans les régions du nord. Un doigt accusateur est pointé sur le ministre l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf pour avoir validé une liste non consensuelle de la CMA.

De sérieuses menaces planent sur le la mise en place des autorités intérimaires. En plus des réserves formulées par certains partis politiques sur la fiabilité de l’opération, il y a lieu de remarquer que la CMA, signataire de l’Accord, est aujourd’hui divisée sur la question. Une frange importante de cette coordination accuse le ministre Mohamed Ag Erlaf de partialité et de manque de neutralité dans cette affaire interne de la coordination.

À travers un compte rendu télévisé du conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 14 octobre dernier, le peuple malien apprenait l’adoption par le gouvernement, sur proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, de la validation de la liste des membres devant être nommés pour les autorités intérimaires. Une liste taillée sur mesure par certains mouvements qui composent la CMA, en l’occurrence, le MNLA et le HCUA. C’est du moins l’avis des responsables des trois autres mouvements de la coordination à savoir la CPA, la CMFPRII et le MSA. Selon les conférenciers, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Pr Younoussa Touré, premier vice-président de la CMFPRII et Mohamed Zeïni du MSA, la liste validée par les soins du ministre Ag Erlaf prouve, en effet, son esprit partisan face à un rendez-vous aussi sérieux et capitale pour le retour de la paix. « Nous avons été surpris de cette attitude d’un ministre du gouvernement qui connaît toute la réalité de la situation et qui a toutes les informations lui permettant de prendre des décisions idoines pour gérer la situation », explique Mohamed Ousmane. Selon lui, quelque soit l’urgence du moment, la stabilité du pays et la cohésion nationale doit toujours primer. Pour les autres responsables présents, les listes ainsi validées par le ministre Ag Erlaf n’engagent personne ni à Tombouctou, Ménaka, Taoudenit et Gao. « Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier le bonheur de ce pays et des populations pour un homme. Le ministre Ag Erlaf doit savoir aujourd’hui que le Mali n’est pas une région et qu’une région ne peut pas gérer d’autres régions, et encore moins un mouvement gérer la CMA.

Les listes proposées sont venues de Kidal d’où il est originaire et ont été établies par le MNLA et le HCUA », expliquent-ils. Pour eux, l’actuel ministre est trop impliqué et concerné par les affaires de la CMA. « Il doit de se ressaisir et garder sa neutralité et son impartialité vis-à-vis des mouvements qui composent la CMA, étant donné qu’il est ministre de la République », souligne Youssouna Touré de la CMFPRII. « Nous ne voulons pas que la volonté d’autres personnes dont nous ne maîtrisons pas l’agenda s’impose à nous. Si les listes ne seront pas revues, la CMA ne fera ni le DDR, ni le cantonnement encore mois les patrouilles mixtes. Les 200 combattants fournis par la CMA dans le cadre des patrouilles mixtes ne seront pas présents à Gao, parce qu’ils appartiennent en partie à nos mouvements. L’accord dont il est question, ne peut être mis en œuvre par des autorités intérimaires imposées », assènent ces 3 leaders des mouvements.

Les conférenciers ont aussi précisé avoir alerté la quasi-totalité des parties impliquées dans le processus de paix, dont le chef de file de la médiation, l’Algérie, ainsi que le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, sur le danger du non-respect du principe de l’inclusivité prônée par l’Accord.

CMA, le temps de la fragmentation

Depuis la création de nouveaux groupes armés issus de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ancienne rébellion touarègue est en perte de vitesse. La fragmentation en son sein augure de la tendance de chaque communauté touarègue à vouloir sa place dans le processus de paix.

Au Nord, le Mali reste plus que jamais immergé dans la crise qui se prolonge avec les affrontements entre la Plateforme, dont le fer de lance est le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), et la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), réunissant les ex-mouvements rebelles. Aujourd’hui, les acteurs de la mise en œuvre de l’accord de paix signé il y a plus d’un an, sont paralysés par ce conflit qui empêche pour le moment d’envisager une sortie du tunnel. De fait, les affrontements GATIA/CMA, sur fond de guerre tribale, ont créé une nouvelle donne qui a entraîné ces deux derniers mois des défections au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), figure de proue de la CMA, débouchant à la création de nouveaux groupes armés.

MSA et CJA Début septembre, Moussa Ag Acharatoumane, chef de la tribu touarègue des Daoussahak, pourtant cofondateur du MNLA, en est parti pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Il dénonçait les « déséquilibres à l’intérieur de la CMA, où la gestion est trop unilatérale », « la recrudescence de l’insécurité et des conflits fratricides ». Un grand nombre d’observateurs ont décelé dans cette scission le signe d’un affaiblissement du MNLA ou de la CMA, critiqué par certains militants, soit pour l’abandon de l’objectif de l’indépendance, ce fut le cas du porte parole en France, Moussa Ag Assarid, soit pour la main mise de trop importante de certaines tribus sur le mouvement, notamment celle des Ifoghas. Le climat est donc visiblement à la fragmentation. Comme l’a également prouvé la création, rendue publique par un communiqué daté du lundi 10 octobre, du Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), issu de la tribu Kel Ansar de Tombouctou. L’un des chefs provisoire du mouvement est bien connu, il s’agit de l’ancien ministre Hama Ag Mahmoud, qui faisait partie des fondateurs du MNLA. La création d’autres groupes armés n’est pas à exclure, d’autant que chaque tribu ou communauté cherche à tirer son épingle du jeu, dans le cadre des futures autorités intérimaires. Sauf que cette fragmentation retarde d’autant le processus.

 

Mohamed Ag Erlaf, « Les autorités intérimaires peuvent ne pas être mises en place »

 

Bamako accueillait le 16 août une rencontre d’échanges autour des dispositions du Code des collectivités territoriales concernant les autorités intérimaires. Le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, explique l’importance de ces rencontres pour le processus de paix en cours.

Pourquoi tenir cet atelier à Bamako?

L’objectif de cet atelier, comme de ceux qui se sont déroulés dans les autres régions du Mali, sauf Kidal, est d’informer et de sensibiliser les populations sur le contenu et les champs d’application de la loi portant création des autorités intérimaires, et son décret  d’application.

Y a-t-il un nouveau calendrier pour la mise en place de ces autorités intérimaires ?

La mise en place sereine des autorités intérimaires se fera quand les conditions de sécurité optimale seront réunies. Ces conditions ne le sont pas pour le moment dans la région de Kidal et le gouvernement s’attèle à la tâche pour qu’on puisse le faire dans les meilleurs délais sur l’ensemble du territoire.

Pensez-vous que les campagnes de sensibilisation et d’information vont changer la donne ?

Une autorité intérimaire est un organe chargé provisoirement de la gestion d’une collectivité territoriale, en attendant la mise en place d’un conseil élu. Elle est donc une administration d’exception. Elle s’inspire de la délégation spéciale dont le principe est inscrit dans tous les codes des collectivités du Mali, depuis 1966. Les gens ont compris les motivations qui ont amené le gouvernement à proposer ce nouveau concept dans son appellation juridique.

La mise en place des autoritaires intérimaires est-elle nécessaire puisque les élections seront organisées dans trois mois ?

On aura les élections communales dans trois mois, donc les autorités intérimaires des communes peuvent ne pas être mises en place. Mais tant que les élections des conseillers régionaux ne seront pas fixées, on sera obligé de mettre les autorités. Il faut comprendre qu’une autorité intérimaire est mise en place dans une commune, un cercle, une région ou un district, seulement si l’une de ces situations advenait, à savoir : la dissolution du conseil de la collectivité territoriale, la démission de tous les membres d’un conseil de collectivité territoriale, l’annulation devenue définitive de l’élection de tous les membres d’un conseil de collectivité territoriale, l’impossibilité de constituer le conseil de la collectivité territoriale et la non-fonctionnalité d’un conseil de la collectivité, pour quelque cause que ce soit.

Accord de paix : les maliens n’en comprennent pas vraiment le contenu

Même si la majorité des bamakois gardent une image positive de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, censée amener une paix durable, plus de la moitié des personnes que nous avons interrogé ne connaissent pas vraiment le contenu de l’Accord.

Sur la vingtaine de personnes, toutes catégories confondues, interrogées dans le District de Bamako, nous avons mesuré le niveau de connaissance des Maliens par rapport aux contenus de l’Accord de paix, signé le 15 mai et le 20 juin 2015 à Bamako entre le gouvernement, la CMA et la Plateforme pour boucler les pourparlers d’Alger avec le soutien  de la communauté internationale. Cet Accord pour la paix et la réconciliation est fondé sur la nécessité de reconstruire l’unité nationale du pays sur des bases novatrices. Il  a été accueilli par de cris de joie du peuple malien qui estimait que sa mise œuvre allait décrisper la situation du Nord. Un an, après la signature de l’Accord des questions demeurent et sa mise en œuvre avance au ralenti.

L’Accord pour la paix et la réconciliation peut-il nous ramener une paix durable ? Ousmane Diakité jeune diplômé, pense que l’Accord tel que signé ne peut pas nous amener cette paix tant recherchée par le peuple malien. « Nous avons signé cet accord sous la pression de la communauté internationale qui menaçait de sanctionner notre pays. Egalement, nous avons fait beaucoup de concessions, notre armée a été limitée dans ses mouvements sur notre propre territoire. Le vrai maître du nord n’a pas été impliqué dans le processus, à savoir Iyad Ag Aly, d’où tous ses problèmes constatés pour la mise en œuvre de l’Accord. La communauté internationale nous empêche de discuter avec lui, alors qu’il est le vrai patron dans la zone», explique-t-il. Selon lui, tous les Maliens doivent se retrouver dans cet accord pour éviter le repli communautaire et son instrumentalisation, devenu aujourd’hui, un effet de mode et qui risque d’aboutir à une explosion sociale et un démembrement progressif de l’Etat, voire son effondrement.  Quant à Ousmane Coulibaly, leader d’un mouvement associatif, il pense que l’accord n’a pas été bien préparé, « d’où la nécessité d’un dialogue inclusif avec toutes les parties. Sans cela, je pense qu’on est mal parti pour résoudre les problèmes ». Pour Nouhoum Sarr, président du Front africain pour le développement (FAD), « Cet accord est une très mauvaise voix pour la paix. Pour preuve les affrontements actuels entre la CMA et la plateforme pour le contrôle de Kidal. C’est aussi un accord qui viole la constitution, car il est contre le principe d’égalité entre les citoyens maliens. Il faut un congrès extraordinaire du peuple malien pour définir un nouveau départ», a-t-il dit. «Cet accord de paix est un véritable mouchoir, je pense qu’il ne peut pas amener la paix, personne ne peut réellement explique son contenu », explique M. Kanambaye.

A la question de savoir : quel est votre niveau de compréhension par rapport à la mise en place des autorités intérimaires. Il ressort que 60% des personnes interrogées disent ne pas comprendre les modalités de fonctionnement de ces autorités intérimaires. Ils estiment qu’il s’agit d’une affaire politique qui ne concerne que ‘’les hauts placés’’ de la République. Pourquoi une telle méconnaissance malgré l’adoption d’une loi par l’assemblée nationale depuis le d’avril et la signature d’une Entente entre le gouvernement et les groupes armés signataires de l’Accord au mois de juin ? « Parce que les députés ne font pas la restitution à la base, idem pour le gouvernement qui communique mal, les vrais acteurs ne sont pas toujours associés, pour ce qui est de la société civile, n’en parlons pas, elle n’existe même pas, elle est trop alimentaire », répond Tidiani Kané juriste. «L’accord dont il est question, n’est pas bien expliqué aux Maliens, j’ai seulement entendu les gens en parler. Tout ce que je sais, c’est que les maliens sont aujourd’hui divisé par rapport à sa mise en œuvre. L’opposition estime qu’il s’agit de la division programmée du pays et la majorité soutient le contraire », déclare Oumar Kanté.

Mais en fait de débat, nous avons eu droit à une lugubre scène de règlement de compte sur fond de médiocrité à nul autre pareille. Il serait temps qu’opposition et majorité fassent l’économie sur un débat stérile et aller dans le sens de la communication, la vraie, autour du sujet, pour expliquer  enfin avec précision, la place et les rôles des autorités intérimaires, quelles seront les marges de manœuvre de ces autorités dans la gouvernance locale et qui sera responsable de quoi ?

10ème  session du CSA : Large convergence de vue des participants

C’est dans un climat de sérénité et surtout de compréhension mutuelle qu’ont pris fin les travaux de la 10ème  session du Comité de suivi de l’Accord d’Alger, tenus au CICB du 25 au 26 juillet dernier. Les participants ont eu une convergence de vue sur les points qui étaient à l’ordre du jour. En ce qui concerne la situation de Kidal, les groupes armés ont décidé de laver leur linge sale entre eux.

Le week-end passé avait été émaillé par des rumeurs les plus folles sur un clash autour de la 10ème session du CSA, vue la tension entre les groupes armées signataires de l’Accord. Malgré cette forte tension qui planait sur le processus, les travaux se sont bien déroulés et les divergences de vue sur les deux principaux points qui étaient  à l’ordre du jour ont été traitées à la satisfaction générale des participants. Il s’agit du mécanisme et les modalités pratiques de la mise en place des autorités intérimaires, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).  « Les choses se sont bien déroulées, il n’y a pas eu de problèmes majeurs, les points qui étaient sur la table de discussion ont été traités d’un commun accord dans l’intérêt général de chacune des parties », explique Inhaye Ag Mohamed, Secrétaire permanent de la commission nationale de mise en œuvre de l’Accord d’Alger.

Pour la mise en pratique des patrouilles mixtes dans le cadre du MOC, le gouvernement et les groupes armés se sont mis d’accord pour commencer par la région de Gao où les véhicules ont déjà été mis à disposition. Un avis partagé par les groupes armés, faisant un sursaut à leur exigence de démarrer les patrouilles dans les cinq régions du Nord. « Nous avons accepté d’aller avec les moyens du bord, en attendant que le gouvernement et les partenaires techniques et financiers mobilisent des moyens pour l’opérationnalisation du MOC dans les autres régions », souligne Mamadou Djéri Mali de la CMA.  Concernant l’installation des autorités intérimaires, il y avait des divergences entre les deux camps. Le gouvernement voulait que celles-ci soient mise en place sans tenir compte du calendrier de déploiement des patrouilles mixtes dans le cadre du MOC.

Alors que pour les groupes armés cet aspect sécuritaire est un préalable à l’installation desdites autorités. « Là également, une issue favorable été trouvée  aux termes des discussions. Nous sommes convenus de faire des sensibilisations constantes, tous ensemble, gouvernement, CMA et plateforme pour d’abord afficher notre volonté commune d’aller de l’avant et en même temps motiver la population pour une adhésion massive », ajoute M. Maiga.  Dans un communiqué ayant sanctionné les travaux, le président du CSA, Ahmed Boutache a salué les résultats de la Commission ad hoc, mise en place par les parties chargées de réfléchir l’opérationnalisation du MOC et des patrouilles mixtes.

Des Autorités intérimaires, pour quoi faire ?

La période chaude des années de rébellion succèdent à des temps certainement porteurs d’espoir dans les régions nord du pays. L’un des signes les plus tangibles de la normalisation est la mise en place des autorités intérimaires dont la mise devait commencer le 15 juillet dernier et qui, suite aux évènements de Gao, a été repoussé à une date ultérieur. Malgré le battage médiatique autour de la question, peu de Maliens reconnaissent avoir compris les enjeux de la nouvelle mesure.

«Je ne comprends rien à cette histoire. Il y a tellement d’informations que l’on s’y perd ! ». Fousseyni Sidibé, employé de bureau, résume le point de vue de nombre de Maliens sur la question des autorités intérimaires. « Pourtant très simple », rétorque le secrétaire général du ministère de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat (MDRE), département principalement en charge du dossier. « L’Accord de paix prévoit d’améliorer la gouvernance des collectivités et de permettre, en attendant que des voies légales soient installées, la mise en place d’autorités intérimaires en charge avec le représentant de l’Etat dans la zone concernée, de relancer le fonctionnement administratif, la fourniture des  services sociaux aux populations, mais aussi de préparer de nouvelles élections », explique Adama Sissouma.

La controverse provient, selon lui, d’un déficit d’information et de communication afin que l’opinion publique comprenne mieux la chose. « Auparavant, il y avait des délégations spéciales. Mais elles étaient limitées, tant par leur composition que par leur mandat. La modification du texte permet de corriger cela », poursuit-il.

Soucieux de préserver la cohésion et la paix sociale, le gouvernement de la République, la coordination et la Plateforme, tout en reconnaissant la nécessité de restaurer sans délai la sécurité et celle de promouvoir la paix et la stabilité au Mali, ont décidé d’installer les autorités intérimaires, prévues par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger conformément à l’Annexe 1 de l’Accord,  dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal Taoudénit et Ménaka. La période intérimaire a pour objectif de permettre  l’adoption des textes réglementaires, législatifs, voire constitutionnels, permettant la mise en place et le fonctionnement du nouveau cadre institutionnel, politique, sécuritaire, de développement économique social et culturel, de justice et de réconciliation nationale. De réviser la loi électorale de manière à assurer la tenue au niveau local, régional, et national au cours de la période intérimaire, des élections en vue de la mise en place des organes prévus par l’Accord.

C’est aussi d’appliquer les mesures et arrangements relatifs au rétablissement de la paix, à la cessation des hostilités et à la réforme de sécurité et de défense reconstituées en vue de renforcer son professionnalisme et son caractère républicain, en même temps de veiller à l’adoption des mesures convenues pour faire face au défi du terrorisme et l’extrémisme et éviter toute répétition de l’exclusion, la manipulation et l’impunité et, enfin, appliquer l’Accord conformément aux chronogramme de sa mise en œuvre.

Duel pour la gestion de Kidal

Après la signature du document d’ « Entente » fin juin à Bamako, entre le gouvernement et les groupes armés, les chefs des différents mouvements s’en sont retournés à Kidal. Mais le calendrier établi pour la mise en place des autorités intérimaires semble suspendu à la résolution d’un conflit entre GATIA et HCUA, Plateforme et CMA.

À Kidal, l’« Entente » signée entre le gouvernement et les groupes armés n’est pas du tout palpable sur le terrain. Deux mouvements armés, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) sont au bord de l’affrontement. La gestion sécuritaire, socio-économique de la ville de Kidal et de sa région, ainsi que l’attribution des postes des futures autorités intérimaires, sont les enjeux de la discorde. « C’est très tendu ici en ville, on entend chaque jour des tirs d’armes de sommation et d’armes lourdes, les gens craignent un affrontement après la fête de l’Aïd, s’il n’y a pas de négociation ou d’initiative pour instaurer un dialogue », explique une source locale. Ce sont des centaines de combattants armés qui affluent vers la ville, une bonne partie étant positionnée devant le bâtiment du gouvernorat. « Bilal Ag Chérif et son mouvement, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ne semblent pas vouloir prendre partie. De toute façon, c’est un chef politique, il n’a pas une grande aura ici. Ce sont plutôt les chefs militaires du HCUA, comme Cheick Ag Aoussa et Mohammed Ag Najim pour le MNLA, qui ont le dernier mot », indique cette même source.

Nécessité d’un dialogue Cette tension entre mouvements découlerait du non-respect des engagements qui ont été signés entre groupes armés à Anéfis, sur le partage régional du pouvoir. La Plateforme et le GATIA s’estiment lésés dans ce partage, et la mise en place des futures autorités intérimaires qui auront la charge d’administrer la région a accentué les tensions. « Les autorités intérimaires ne pourront être mises en place tant qu’il n’y aura pas un dialogue entre les deux parties. Même si l’administration revient demain, s’il y a un affrontement, qui va assurer la sécurité ? C’est ça le problème… », déplore un habitant. Pour la population, la crainte d’un affrontement imminent occulte la mise en œuvre des dispositions du document d’ « Entente », qui devrait débuter le 15 juillet prochain. « Les gens n’ont plus le cœur de croire à la résolution de ce conflit, il fait très chaud, il n’y a pas d’eau, et si jamais il y a un affrontement, ce sera catastrophique. Ils sont plus obnubilés par ce qui se passe dans leur quotidien », résume un commerçant.

Le CSA reporte sa 9ème réunion

Le Comité de Suivi de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ne s’est pas réuni ce 31 mai comme prévu. La réunion a été reportée aux 2 et 3 juin.

Prévue pour ce mardi 31 mai, la 9ème réunion du Comité de suivi de l’accord a été reportée aux 2 et 3 juin prochains. Raison de cette décision: les délégations parties à Alger la semaine dernière pour de nouvelles discussions sont toujours sur place . Rien ne filtre des échanges qui s’y déroulent depuis plusieurs jours. On se souvient que la semaine dernière, les groupes armés de la CMA et de la Plateforme annonçaient la suspension de leur participation au sous-comité politico-institutionnel.

Autorités intérimaires
C’est sur la question de la mise en place des autorités intérimaires que sont apparues des divergences entre les groupes armés et le gouvernement. Les premiers en exigeant la concrétisation avant toute autre avancée, le gouvernement privilégiant les aspects sécuritaires tels que le cantonnement et à la démobilisation des combattants. Les mouvements armés reprochent au gouvernement  » le manque de volonté à trouver des solutions consensuelles » à la mise en place de ces des autorités intérimaires et « dans la suite de la mise en œuvre de l’accord « .

En attendant le retour des délégations et une décrispation de la situation, les travaux de comité de suivi de la mise en oeuvre de l’accord sont reportés aux 2 et 3 juin prochains. Sur le terrain, on assiste à une recrudescence des actes de terrorisme dont sont principalement victimes les militaires maliens et les casques bleus. En une dizaine de jours, quinze personnes ont ainsi perdu la vie.