Sylvain Usher, Directeur exécutif de l’AAE : « 40% de la population africaine n’a pas accès à l’eau potable »

Bamako accueille ce dimanche le dix-neuvième congrès de l’Association Africaine de l’Eau (AAE) sur le thème « accélérer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement face aux défis du changement climatique ». L’occasion pour le directeur exécutif de l’organisation de faire un état des lieux des défis encore nombreux à relever.

Journal du Mali: L’accès à l’eau potable et au service d’assainissement constitue un défi dans plusieurs villes en Afrique. Quelles sont les principales difficultés à cet accès?

La situation n’est pas très reluisante en matière d’accès à l’eau potable en Afrique. Le lien entre approvisionnement fiable en eau potable et la réduction de la pauvreté est bien documenté et n’est plus à démontrer, et le gouvernant devrait tenir compte de cet aspect pour intensifier les investissements dans le secteur.  Près de 40% de la population du continent n’a pas accès à cette ressource. Certes des progrès importants ont été  accomplis pour améliorer l’accès à  l’eau en Afrique subsaharienne. En effet au cours des 20  dernières années, plus  de  230  millions  de  personnes ont  pu accéder à l’eau potable. Néanmoins avec  l’urbanisation rapide sur le continent et une population de près de 1 milliard, l’approvisionnement en eau en Afrique subsaharienne a eu du mal à suivre l’évolution de la demande.  Les  taux  de  couverture en  eau  potable n’ont  augmenté que de 11% au courant de la même période.

Mais il n’y a pas que les défis liés à l’accès à l’eau. Aujourd’hui une des préoccupations majeures est l’accès à l’assainissement. En effet en Afrique subsaharienne, il est plus courant d’avoir un téléphone mobile que d’avoir accès à des toilettes. Le manque d’accès à l’assainissement est l’un des facteurs les plus aggravants de la propagation des maladies dites d’origine hydriques. Les toilettes jouent un rôle crucial dans le développement d’une économie forte. Dans les pays en développement en général et en Afrique En particulier, l’accès à un assainissement adéquat reste un luxe pour une grande partie de la population. Ainsi, 2,4 milliards de personnes dans le monde dont 700 millions en Afrique subsaharienne, n’ont pas de service adéquat d’assainissement.

A quoi sont dues ces difficultés ?                                                                    

Ces chiffres continuent d’augmenter en fonction de la croissance démographique. Au cours des 15 dernières années, la population urbaine d’Afrique subsaharienne a presque doublé. Dans la même période, les interventions pour améliorer l’assainissement dans cette partie de l’Afrique ont atteint seulement moins de 20% de la population. Le manque d’investissements dans le secteur est l’une des principales difficultés. Les réseaux de distribution d’eau dans nos villes africaines sont non seulement vieillissants, mais ils n’atteignent pas l’ensemble des populations faute de plans directeurs précis pour l’agrandissement des villes  et les ressources en eau s’amenuisent dans certaines contrées  à cause de l’utilisation que nous faisons de cette ressource. Beaucoup trop de gaspillage. Pour ce qui concerne l’assainissement le problème est encore plus grave, car les villes se sont développées sans tenir compte de l’assainissement et maintenant il faut rattraper le retard en trouvant des solutions innovantes et des modèles économiques viables pour faire face à ce déficit.

Quelles sont les moyens pour faire face à ces difficultés ?

Il faut déjà que les populations changent de comportement vis-à-vis de cette ressource qui se raréfie. Il faut éviter le gaspillage de l’eau, il faut en faire une utilisation rationnelle. Mais ce gaspillage n’est pas seulement l’affaire des populations. Les opérateurs du secteur de l’eau doivent aussi faire un effort pour rationaliser leurs opérations et éviter les pertes d’eau dans leur réseau et améliorer leur rendement. Et cela passe inéluctablement par un renforcement des capacités des Sociétés de production et de distribution de l’eau.  Pour ce qui concerne l’assainissement aujourd’hui le constat est qu’une prise de conscience est en train de s’installer en Afrique et de plus en plus nous assistons à la création de structures gouvernementales directement dédiées à la gestion du secteur de l’assainissement. Une plus grande part des budgets des gouvernements devrait être concentrée sur la gestion de l’assainissement. Et il faut croire après l’échec total pour l’atteinte des Objectifs de Développement du Millénaire (OMD – 2000/2015) en matière d’assainissement pour l’Afrique, qu’avec les nouveaux Objectifs de Développement Durable (ODD – 2015/2030) la situation devrait connaitre une amélioration substantielle.

Le Thème du  19ème congrès de l’Association Africaine de l’eau, est « accélérer l’accès à l’assainissement et à l’eau pour tous, face aux défis du changement climatique ». Quelles mesures préconiser-vous pour faire face à ces nouveaux défis ?

Il faut d’abord noter qu’il est temps que les pays africains prennent conscience des réalités de l’existence du changement climatique et surtout des effets négatifs que ce changement apporte au quotidien des populations. Ce changement climatique affecte non seulement  les ressources en eau, mais aussi la gestion de l’assainissement. D’où le thème de la 19ième édition du Congrès international et exposition de l’Association Africaine de l’eau. Le congrès de Bamako a la particularité de mettre en exergue pour la première fois dans l’histoire de l’AAE le secteur de l’assainissement sous toutes ses facettes, s’agissant des aspects techniques avec la gestion de l’assainissement autonome et des boues vidange ainsi que l’étude du financement de manière durable de ce secteur et aussi l’exploration des cadres institutionnels propices au développement rapide et soutenu de l’assainissement en Afrique, sans oublier les aspects des impacts négatifs du changement climatique  . Nous sommes certains que ce congrès pourra donner un coup de fouet important pour la prise en compte de l’assainissement et particulièrement l’assainissement autonome dans les stratégies de politiques de développement de nos États Africains.  Le secteur de l’eau potable n’est bien sûr pas en reste. De nombreuses communications seront partagées et discutées au niveau des experts africains et des autres continents.

Qu’est- ce que l’Association préconise pour atteindre l’objectif de l’accès universel à l’eau et à l’assainissement ?

Nos objectifs stratégiques sont avant tout d’accompagner nos membres dans leurs efforts pour atteindre les objectifs de développement durable, de promouvoir une approche équilibrée des entreprises basée sur une gouvernance d’entreprise saine et une bonne commercialisation du produit. Nous visons également à promouvoir les partenariats entre les membres, à soutenir les efforts de plaidoyer auprès des gouvernements et des institutions africaines, enfin à renforcer la capacité des services et à soutenir la recherche et la production scientifique. Pour l’AAE la réponse à tous ces défis commence par le renforcement des capacités des opérateurs. Ceci est l’objectif que nous cherchons à atteindre par la mise en place de divers programmes de renforcement de capacités soutenus par nos partenaires financiers. La majeure partie des programmes de renforcement de capacité de l’AAE est basée sur le partenariat entre opérateurs dans lequel les meilleurs dans des domaines spécifiques forment ceux qui ont sollicité un renforcement de capacité  dans ces domaines.

Ainsi, les Partenariats des Opérateurs de l’Eau (WOP Africa) et les Partenariats des opérateurs de l’Assainissement (SOP Africa) visent à renforcer les capacités et à transférer les connaissances pour l’amélioration de l’accès à l’eau potable et au service d’assainissement aux populations africaines.

COP 23 : « Nous n’avons plus le luxe du temps. Nous devons agir maintenant»

Ces mots sont de la secrétaire exécutive de l’ONU Changements climatiques, à l’ouverture de la 23ème Conférence des parties. Patricia Espinoza a appelé les pays signataires de l’Accord de Paris en 2015 à passer à  la vitesse supérieure dans la mise en oeuvre de leurs engagements.

Bonn, Allemagne, accueille à  compter de ce 6 novembre et pour deux semaines, la 23ème Conférence mondiale sur le Climat. Réunissant les quelques 190 pays ayant ratifié la Convention des Nations Unies sur les Changements climatiques ainsi que des milliers de participants issus de la société civile et du monde des affaires, elle est l’occasion de faire le point du chemin parcouru dans la réduction des causes et effets des changements climatiques dans le monde. Après l’optimisme soulevé par la signature de l’Accord de Paris à  l’issue de la COP 21, c’est déjà  le temps du premier bilan de sa mise en oeuvre et il est plutôt mitigé. « L’ONU Environnement a averti que nous sommes confrontés aux mêmes défis en ce qui concerne les niveaux des émissions mondiales: les engagements nationaux ne contribuent qu’à hauteur d’un tiers de la réduction des émissions dont nous avons besoin d’ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques » a déclaré Patricia Espinoza, dans son discours à l’ouverture de la rencontre. « Le message ne peut pas être plus clair. Nous n’avons plus le luxe du temps. Nous devons agir maintenant », a-t-elle martelé, appelant les acteurs à commencer « à partir de là, ici et maintenant ».

Les pays insulaires plus touchés

Cette 23ème COP est présidée par le premier ministre fidjien, Frank Bainimarama, dont le pays est le premier état insulaire en développement à occuper cette fonction. La rencontre intervient en effet dans un contexte d’évènements climatiques extrêmes et dévastateurs qui ont fait des millions de victimes en Asie, dans les Amériques et les Caraïbes. « Les ouragans toujours plus dévastateurs, les incendies, les sécheresses, les inondations et les menaces sur la sécurité alimentaire causés par le changement climatique et plongeant tant d’êtres humains dans de tels états de souffrance, signifie qu’il n’y a plus de temps à perdre», a déclaré M. Bainimarama. « Nous devons préserver le consensus mondial autour des mesures décisives inscrites dans l’Accord de Paris et garder en ligne de mire la partie la plus ambitieuse de cet objectif – limiter l’élévation de la température moyenne de la planète à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels», a-t-il ajouté.

Une COP Fidji…en Allemagne!

C’est bel et bien les Îles Fidji qui accueillent et président la COP23 qui se déroule en Allemagne. Une belle reconnaissance pour l’archipel du Pacifique qui subit de plein fouet les affres du changement climatique (catastrophes naturelles, montée du niveau des eaux, réchauffement de la température de l’océan…). Mais le poids organisationnel et surtout économique d’une telle manifestation était trop lourd. De plus, pour une conférence qui a décidé d’avoir une empreinte climatique neutre et a mis en place tout un dispositif « vert » pour la logistique de la réunion, il était inconcevable de faire déplacer des milliers de participants au milieu de l’océan et sur le dernier fuseau horaire de la planète.

COP 23 : Revoir les ambitions à la hausse

 

Après Paris et Marrakech, la rencontre annuelle sur le changement climatique se déroulera cette année en Allemagne. L’objectif cette année étant de relever les ambitions pour faire face à l’urgence climatique.

Entre 25.000 et 30.000 participants sont attendus à Bonn du 6 au 17 novembre lors de la 23ème conférence des parties à la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP23). Tout ce beau monde aura deux semaines pour discuter de l’état d’avancée sur la question du changement climatique et trouver des solutions adéquates afin de réduire durablement les émissions de gaz à effet de serre. Selon le Dr Modibo Sacko, conseiller technique au ministère de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable et point focal changement climatique au Mali, cette COP23 devrait être la COP du relèvement des ambitions. Lui et une dizaine de personnes qui composent la délégation malienne, participeront à la conférence et n’entendent pas y faire de la figuration. « Nous voulons être visibles à Bonn, nous n’avons encore rien des 100 milliards promis lors de la COP de Paris, et cette fois-ci, nous voulons que les pays nous disent concrètement combien est prévu pour nous, et quelles seront les conditions de décaissement de ces fonds » annonce-t-il.

Cette COP se tient dans un climat particulier, alors même que  Donald Trump a annoncé le retrait des Etats-Unis de l’accord climatique qu’il estime être un mauvais accord,  et que l’ONU dénonce un écart catastrophique entre les engagements sur le climat et l’objectif de 2° dans un récent rapport. Le Dr Sacko estime que l’accord pourrait marcher même sans les Etats-Unis. « Il ne suffit pas d’annoncer un retrait pour que cela soit de suite effectif, il faudrait trois ans pour que les USA puissent se retirer et pour la petite histoire ceci est une recommandation des négociateurs américains. Aussi, la Chine a assuré vouloir assurer le leadership laissé vacant par les USA, et relever son engagement pour palier la part des Etats-Unis » assure-t-il.

Avant de conclure sur le fait que les Etats sont dans l’obligation de faire mieux, pour éviter que les catastrophes naturelles déjà nombreuses cette année, ne prennent une ampleur beaucoup plus inquiétante voire irrattrapable.

 

Changements Climatiques : Quels risques pour le Mali ?

Sierra Leone, Niger, Guinée, États Unis, France. Les catastrophes naturelles s’enchaînent et touchent indifféremment les pays, grands comme petits pollueurs. Les changements climatiques se manifestent violemment et font des milliers de victimes. Qu’il s’agisse de pluies diluviennes, de vents violents ou de fortes chaleurs, le Mali n’est pas à l’abri.

Pluies diluviennes entraînant un glissement de terrain suivi de coulées de boue meurtrières à Freetown. La capitale sierra léonaise vit depuis le 14 août 2017 l’une des pires catastrophes naturelles de ces dernières années. Le bilan est d’environ 500 morts, plus de 800 disparus, des dizaines de sans-abris et des dégâts matériels importants. Quelques semaines après, des pluies torrentielles feront une dizaine de morts au Niger. Auparavant, en Guinée, l’effondrement de tonnes d’ordures avait détruit tout un quartier et fait de nombreuses victimes.

Ces phénomènes, qui semblent imprévisibles, sont pourtant, selon les spécialistes, des conséquences des changements climatiques. Changements dont l’activité humaine est responsable. La sonnette d’alarme est tirée.

Pour Dr Modibo Sacko, Point Focal National chargé de la mise en œuvre des questions climatiques au Mali, il n’y a plus d’illusions à se faire. « Nous sommes en plein dans les changements climatiques. C’est pourquoi il était impératif de trouver un accord lors de la COP 21 de 2015 à Paris, pour maintenir le réchauffement climatique dans une fourchette de 2 degrés à l’horizon 2100 ».

Bien que nous n’ayons pas atteint la barre d’un degré, les effets sont déjà effrayants. « De la montée des océans, suite à la fonte des glaces, avec des inondations dans les pays insulaires, à l’érosion des sols observée dans des pays côtiers proches du Mali comme la Côte d’Ivoire, en nous subissons les conséquences ».

Des vents violents et des pluies torrentielles entraînent un « lessivage du sol dont l’une des conséquences est l’effondrement des maisons et des coulées de boue, qui vont détruire les récoltes ou encombrer les cours d’eau. Ceux-ci vont déborder et provoquer des inondations ». Autant de dégâts qui n’épargneront aucun pays, ajoute le Dr Sacko.

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, « il n’est pas du tout exclu que le Mali subisse des pluies diluviennes », selon le Dr Sacko, « entraînant des éboulements et l’effondrement des maisons situées à flanc de colline, comme c’est le cas dans certains quartiers de Bamako ».

Autre phénomène inquiétant : le drainage des ordures entassées anarchiquement vers les cours d’eau, qui seront pollués, et l’obstruction des collecteurs, provoquant des inondations. Des vents violents, pouvant provoquer la destruction des forêts et le déplacement de tonnes de sable du désert, ne sont également pas à exclure.

Les fortes chaleurs, outre leurs effets directs sur la santé, pourront aussi causer des dégâts collatéraux, comme des feux de brousse ou la combustion des décharges anarchiques par la libération dans l’air des tonnes de méthane qu’elles contiennent.

 

Changements climatiques : l’Accord de Paris ratifié

Après l’adoption par le conseil des ministres il y a quelques jours, du programme de sauvegarde du fleuve Niger, l’Assemblée a ratifié le 23 août dernier, à l’unanimité des députés présents, le projet de texte défendu par le ministre de l’Environnement, de l’assainissement et du développement durable, Mme Keita Aida M’Bô, relatif à l’Accord de Paris sur les changements climatiques adopté en décembre 2015 par la 21ème session de la conférence des parties à la convention cadre sur les changements climatiques (COP 21), tenue du 30 novembre au 12 Décembre 2015.

Actuellement, les effets du changement climatique se font de plus en plus sentir avec l’augmentation des températures, la diminution des précipitations et la progression de la désertification. À ceux-ci, s’ajoutent un accroissement des événements climatiques extrêmes tels les sécheresses et les inondations. Ces phénomènes entraînent également la dégradation des ressources naturelles dont dépendent la grande majorité de la population malienne qui vit en milieu rural.

C’est pourquoi, au cours des dernières années, la prise de conscience du changement climatique et de la menace qu’il représente pour la réalisation des objectifs de développement et de réduction de la pauvreté s’est accrue dans notre pays. La ratification de l’Accord de Paris (COP 21) s’inscrit dans le cadre de la réaffirmation de l’engagement de notre pays à participer à l’effort mondial de lutte contre les changements climatiques et le rôle central qu’occupe le Mali dans le domaine des changements climatiques.

Déjà, plusieurs actions avaient été mises en place pour répondre au défi du changement climatique dans notre pays. Il s’agit entre autres : du reboisement intensif de plus 325000 hectares qui a permis la séquestration de près de 65 millions de tonnes de gaz carbonique. Aussi, la lutte contre les coupes abusives de bois, contre les feux de brousse, la promotion des énergies renouvelables, la mise en œuvre de plan d’investissement sur le climat à travers le fonds vert climat et la sauvegarde et la réhabilitation du fleuve Niger. Premier Accord universel pour lutter contre le réchauffement climatique adopté par l’assemblée plénière de l’Organisation des Nations Unies.

L’Accord de Paris sur les changements climatiques intervient cinq ans après l’échec retentissant du sommet de Copenhague et dix-neuf ans après l’adoption du protocole de Kyoto pour le climat. Cet accord qualifié d’historique permet de lutter contre le changement climatique et déchaîner les mesures et les investissements pour un avenir résilient, durable et à bas carbone. Son objectif principal est de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2°C et de mener des efforts plus poussés pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. Il permettra à notre pays de bénéficier des transferts financiers et technologiques pour accéder à la transition énergétique et adaptation aux impacts existants et à venir.