Les chefs traditionnels demandent au président de surseoir au projet de réforme constitutionnelle

Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta a entamé une série de concertations avec les acteurs politiques et de la société civile sur le projet de révision constitutionnelle. S’ils reconnaissent la necessité de cette révision, les leaders religieux et traditionnels demandent au chef de l’Etat de surseoir au projet.

Après le report siné dié de la date du référendum constitutionnel initialement fixé au 9 juillet 2017, le chef de l’Etat malien Ibrahim Boubacar Keïta, a entamé une série de concertations avec les différentes couches de la société. Il a donc reçu le 12 août 2017, les leaders religieux et les représentants des familles fondatrices de Bamako. Ces derniers ont demandé au président malien de surseoir au projet, en attendant de pouvoir réaliser un consensus autour du projet. « Nous sommes là pour calmer », a déclaré Dramane Niaré porte-parole de cette délégation et représentant des familles fondatrices de Bamako. « Nous ne demandons pas d’annuler mais de surseoir. Car c’est lui qui décide. Nous nous ne décidons rien, nous lui demandons. » Dramane Niaré, a ensuite rappelé, que cette révision est indispensable car « nous avons signé un accord international » qu’il faut mettre en œuvre.

Le président IBK qui poursuit ces concertations, doit recevoir les représentants de la plateforme « Antè Abana », opposé au projet. Ces derniers ont d’ailleurs lancé un ultimatum au chef de l’Etat lui demandant de retirer son projet au plus tard le 15 août à minuit, faute de quoi, ils appelleront à la désobéissance civile.

Chefferies traditionnelles : Une influence remise en cause ?

Autorités morales assurant la régulation des rapports sociaux dans notre société depuis longtemps, les chefferies traditionnelles connaissent actuellement une perte d’influence. Pour redonner à ces acteurs de premier plan toute leur place dans le contexte de crise que le Mali connaît aujourd’hui, des voix s’élèvent pour rendre aux « mécanismes traditionnels de gestion » des problèmes de la société leur pouvoir d’antan.

« Dans la culture songhaï, lorsqu’un problème devient très compliqué, on fait appel aux vieilles femmes, à leur sagesse. Leur décision est sans appel, c’est comme la Cour suprême ! » affirme le chef coutumier songhaï de Gao, Moussa Souma Maïga. Une façon pour lui de rappeler que la culture malienne possède des mécanismes de régulation des maux auxquels la société peut être confrontée. Les premiers acteurs de ces mécanismes culturels et traditionnels sont les chefferies, malheureusement en perte de vitesse actuellement.

Mélange des genres Parmi les causes de cette perte d’influence figure la concurrence entre les chefs traditionnels et l’administration. Or, « ils ont des rôles complémentaires », soutient le chef songhaï. Une confusion des rôles qui a amené certains notables à faire de la politique, ce qui compromet leur rôle d’arbitre et de représentant de toute la communauté, selon Moussa Souma Maïga. « Un chef traditionnel est un homme politique, mais pas un politicien », tient-il à préciser. C’est-à-dire quelqu’un qui peut jouer un rôle dans la vie de la cité mais ne peut agir pour défendre ses intérêts personnels. Une conviction partagée par Dramane Niaré, intronisé en septembre 2013 comme chef des familles fondatrices de Bamako. « Le djamanatigui » (chef de la contrée en bambara), dont le rôle social a été conféré aux familles fondatrices de Bamako en tant que premiers habitants de la ville, a une autorité morale qui lui interdit de faire de la politique. « Nous, nous écoutons les hommes de tous les bords politiques. Si nous appartenions à l’un d’eux, nous ne pourrions plus jouer notre rôle d’arbitre », explique le chef coutumier.

Autorités intemporelles Rappelant que les chefs traditionnels officient sans contrepartie, par devoir, le chef Niaré explique que leur perte d’influence a commencé avec l’installation des autorités administratives après la période coloniale pendant laquelle il y avait un respect mutuel : lorsqu’un conflit était soumis à l’administration coloniale, elle demandait que les protagonistes s’adressent d’abord aux autorités traditionnelles. Et quand celles-ci se prononçaient, leur décision était respectée. Le chef des Niaré est convaincu que l’autorité morale des chefferies traditionnelles ne sera jamais totalement perdue. « Même ceux qui nous ont qualifié d’archaïques ont fini par revenir nous voir. Les générations actuelles et futures continueront de recourir aux services des autorités traditionnelles et que celles-ci continueront d’apporter leur contribution à la résolution des maux de notre société » comme elles le font actuellement dans la crise que traverse le Mali.

Pour donner plus d’efficacité à ces actions des leaders coutumiers, le collectif des jeunes du Nord, dirigé par Oumar Alassane Touré, a élaboré des statuts et règlements pour la future coordination des chefs traditionnels. Ces documents qui seront bientôt présentés à ces acteurs pour leur adhésion devront ensuite être validés par les autorités pour donner un cadre formel à l’action de ces chefs traditionnels et lui redonner son lustre d’antan.

 

45 chefs traditionnels maliens oeuvreront pour la paix

Une initiative de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement et de son président Oumar Alassane Touré, lors de la Conférence d’entente nationale qui s’est achevée le 2 avril dernier, est en passe de se concrétiser. Elle consiste à réunir au sein d’un conseil national, les différents chefs traditionnels du Mali, autorités reconnus et porte-voix des communautés, capable de solutionner les conflits et oeuvrer pour la paix.

Lors de la Conférence d’entente nationale qui a rendu ses conclusions le 2 avril dernier, une déclaration du président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement, Oumar Alassane Touré, a retenu l’attention des autorités maliennes, la création d’un Conseil national des chefferies traditionnelles du Mali qui englobera l’ensemble des chefferies traditionnelles des communautés du Mali. « Ces différents chefs traditionnels se retrouveront dans un conseil national dirigé par un président et appuieront le gouvernement dans la mise en œuvre des politiques de développement, dans la gestion des conflits inter communautaires et dans le retour à la réconciliation et à la paix », explique Oumar Alassame Touré, son initiateur. Depuis le début du mois d’avril des réflexions ont été lancées en ce sens et courant avril, les leaders traditionnels, comme l’honorable Mohamed Ag Intalla, l’Aménokal des Ifoghass à Kidal, les chefs Songhoy, les Niaré de Bamako, les Touré, les chefs des Kounta, entre autres, ont été approchés et ont tous accepté de rejoindre ce futur conseil national.

Le Mali est gangréné pas des conflits entre communautés, par un manque de communication ou de compréhension avec les autorités maliennes et l’absence d’une structure de ce type a permis aux différents groupes armés de s’ériger en porte-parole des communautés. « Avec cette structure, personne ne pourra parler au nom des communautés et trancher pour elles à part ces chefs traditionnels reconnus et légitimes. Avec Mohamed Ag Intalla, l’Aménokal de Kidal, qui sera 1er ou 2e vice président du conseil national, il n’y aura personne pour venir nous dire que Kidal n’est pas dans le Mali. C’est très important. Cela va pouvoir jouer un rôle prépondérant par rapport à la gestion de conflit et pour l’unité nationale.», poursuit Oumar Alassane Touré.

Les travaux concernant le règlement intérieur et le statut de ce futur conseil national sont à présent achevés. Une coordination des chefferies traditionnelles sera l’organe politique pour adhérer au conseil national. « Pour être membre du conseil national, il faudra être d’abord membre de la Coordination des chefferies traditionnelles du Mali. Les membres devront être des chefs traditionnels reconnus au niveau local par la communauté et par l’administration. 45 chefs traditionnels devraient intégrer le conseil. Une fois constituée, la liste des conseillers sera transmise au président de la république qui prendra un décret pour nomination. Ces conseillers seront donc pris en charge par le budget de l’État. Le décret pour nomination devrait intervenir début mai.

Un des premiers dossier auquel aura à s’atteler ce Conseil national des chefferies traditionnelles sera le statut de l’Azawad, une question très sensible. « C’est un problème important, qui si on n’y fait pas attention pourrait poser problème dans le cadre du référendum constitutionnel. Le président de la république pourra directement confier ce dossier sensible au conseil national, car ces gens-là savent très bien comment les choses se sont passées depuis de 1953 jusqu’à nos jours », conclut Oumar Alassane Touré.