Interdiction de la Chicha : L’OCS décide de sévir

 

C’est ce 15 février qu’arrivent à termes, les six moins accordés par l’arrêté interministériel interdisant la chicha au Mali. Assurant le leadership dans la mise en œuvre de la mesure, l’Office central des stupéfiants a décidé dès ce jour d’entamer les actions pour faire appliquer la mesure.

 

Le 15 août 2022, un arrêté interministériel du gouvernement interdisait l’importation, la distribution, la vente ainsi que l’usage de la chicha sur toute l’étendue du territoire malien. Un délai de six mois avait été donné afin que les usagers et les distributeurs se conforment à cette décision. Ce mercredi 15 février, ce délai est arrivé à terme et l’Office Central des stupéfiants est à l’œuvre pour faire appliquer l’interdiction. Des matériels ont été saisis et plusieurs personnes ont déjà été interpellées, à l’issue de la première opération menée dans la nuit de ce 14 au 15 février 2023 par l’antenne de la rive droite au niveau des quelques quartiers dont elle a la charge.

La décision d’interdire la chicha avait en effet été prise à la suite de plusieurs investigations et des certificats d’analyses du Laboratoire national de la santé.

Aux dires du chef des opérations, cette opération n’est que le début et d’autres sont à prévoir. Les matériels saisis seront détruits et les dizaines de personnes interpellées comparaîtront devant le procureur et pourrait encourir une peine d’emprisonnement d’un à dix jours ainsi que le paiement d’amendes allant de 300 F à 18 000 F CFA.

Interdiction de la chicha : un écran de fumée ?

Le 15 août 2022, un arrêté interministériel du gouvernement interdisait l’importation, la distribution, la vente et l’usage de la chicha sur toute l’étendue du territoire national. Les six mois accordés pour se conformer aux dispositions arriveront à terme ce 15 février 2023. Alors que les autorités réaffirment leur détermination à faire appliquer la mesure, les distributeurs ne semblent pas se précipiter. Le défi reste de savoir si les autorités parviendront à faire respecter la réglementation cette fois-ci.

L’arrêté interministériel n°2022-3597/MSPC/MJDH/MSDS/MEF/MIC/MJSCICCC-SG Gouvernement du 15 août 2022, portant interdiction de l’importation, la distribution, la vente et l’usage de la chicha ou tout autre appareil similaire sur l’étendue du territoire, est la suite logique d’un combat que les autorités mènent contre une « toxicomanie banalisée ».

En effet, c’est suite à plusieurs investigations et à des certificats d’analyses du Laboratoire national de la santé que l’Office central de lutte contre les stupéfiants (OCS) a conclu que la chicha permettait de « dissimuler la consommation de plusieurs drogues, dont le cannabis » et de médicaments détournés de leur usage. Il a donc initié cette décision d’interdire ce phénomène, qui favorise selon lui la consommation précoce de drogues chez les jeunes.

Mesure discriminatoire ?

« Nous n’avons pas pu évacuer nos stocks. Nous n’avons pas échangé avec les autorités et nous avons déposé une plainte le 14 octobre contre l’arrêté d’interdiction », s’indigne Mahamadou Diawara, Président des Distributeurs de chicha du Mali. Après avoir demandé un sursis à la décision avant le jugement au fond, la Cour suprême a rejeté ce 26 janvier 2023 la requête de l’association.

Mais celle-ci n’en démord pas pour autant. « Nous avons appelé des experts, nous appellerons d’autres experts d’ici pour démontrer que la chicha n’est pas une drogue », clame le Président de l’association. « La chicha est un tabac, pourquoi les autorités n’ont-elles pas touché au tabac ou à l’alcool », s’interroge-t-il ? Si la chicha est nuisible à la santé, l’alcool et la cigarette aussi.

Quant à l’usage « déguisé de drogue » auquel se livreraient les adeptes de la chicha, M. Diawara se défend d’être responsable d’un tel phénomène. « Nous n’avons rien à voir dans cela. Nous ne sommes pas des vendeurs de drogue », rétorque-t-il, ajoutant que la lutte devrait plutôt se concentrer sur l’interdiction d’entrée de la drogue. Parce que si elle « n’entre pas, elle n’est pas consommée ». Dénonçant des « analyses partiales », il nie que le tabac de la chicha soit plus nocif.

En outre, le secteur absorbe une partie du chômage. Selon le Président des Distributeurs, le secteur emploie des milliers de personnes, environ 3 000 emplois directs au moins, d’après les chiffres qu’il avance, difficilement vérifiables. Serveurs, cuisiniers, sociétés de gardiennage et de nettoyage, la chicha étant un point de convergence dans beaucoup d’espaces, comme les bars ou les night-clubs. S’ils ne souhaitent pas d’affrontement, les distributeurs promettent que l’application de la mesure sera difficile dans ces conditions. Ils sont prêts à aller en prison plutôt que de perdre leur travail. Déplorant l’absence de concertations, ils reprochent aux autorités de n’avoir pas mesuré toutes les conséquences de leur décision. « La chicha aujourd’hui est plus positive que négative dans l’économie. Pour toucher au tabac chicha, il faut toucher à la cigarette et à l’alcool, parce que tout est nuisible à la santé », même à des degrés différents.

Le bâton après la carotte

Dans une communication, ce 31 janvier, l’OCS rappelle que c’est à partir du 15 février 2023 que « l’importation, la vente, la distribution et la consommation de chicha seront interdites sur toute l’étendue du territoire national ». Signé de la Direction de l’Office Central des Stupéfiants – OCS », elle souligne que « les contrevenants s’exposeront à des lourdes sanctions d’emprisonnement et d’amende ». C’est pourquoi l’Office, sous le leadership du ministère de la Sécurité et de la Protection civile, ainsi ses collègues signataires de l’arrêté interministériel interdisant la chicha ou tout appareil similaire au Mali, invite à se conformer à l’arrêté interministériel d’ici le 15 février 2023.

Si les termes du communiqué ne permettent pas d’équivoque sur la volonté des autorités de faire appliquer l’arrêté, ils doivent compter avec celle des distributeurs de faire valoir leurs droits. Ils ont à cet effet attaqué l’arrêté interministériel devant la Cour suprême le 15 octobre 2022. D’abord pour demander la suspension de son exécution, avant de demander son annulation. Une demande de suspension rejetée le 26 janvier 2023.

Estimant qu’après 6 mois de campagne de sensibilisation les populations sont suffisamment informées, le Directeur général adjoint de l’OCS, le Contrôleur général de police Bassirou Bamba souligne que les autorités vont « sévir sans faiblesse », parce qu’il faut que « force reste à la loi ». Et, pour ce faire, des dispositions seront prises et les autres services en charge seront mobilisés pour faire respecter l’arrêté interministériel. Dans une interview accordée à la télévision TM1 le 1er février 2023, il rappelle aux commerçants, consommateurs et distributeurs de chicha que cette interdiction décidée par l’État dans le cadre de « l’impérieuse nécessité de préserver la santé de la population », s’impose à tous et sera respectée.

En attendant, l’arrêté prévoit des peines d’emprisonnement allant de 1 à 10 jours et des amendes de 300 à 18 000 francs CFA pour la production, l’importation, la commercialisation, la détention et l’usage de la chicha.

Selon une étude menée par le service de Pneumologie de l’Hôpital du Point G auprès d’un échantillon de 3 000 lycéens, 71% d’entre eux fumaient la chicha « et certains présentaient des symptômes respiratoires », selon le Pr Yacouba Toloba, chef dudit service. Concernant la dangerosité de la chicha, une autre étude de l’OMS avait déjà alerté, dans une note publiée en 2017, en rappelant les résultats de plusieurs études réalisées une dizaine d’années plus tôt. Compte tenu de la gravité du « tabagisme par pipe à eau », l’organisme mondial de la Santé suggérait aux autorités de régulation de prendre des mesures fiscales ou encore d’interdire ce tabagisme dans les espaces publics, tout en poursuivant la sensibilisation sur les effets nocifs.

Une substance dangereuse surtout pour des jeunes censés être l’avenir du pays. L’une des raisons ayant conduit la Mairie de la Commune IV du District de Bamako à interdire le produit dès 2019. « Si l’avenir d’un pays dépend de sa jeunesse, il faut qu’elle soit saine », expliquait le Maire de la Commune IV, M. Adama Bérété. Pas question pour lui donc de laisser la jeunesse se « détruire ». Car, assez souvent, ce sont des produits de substitution, comme l’alcool et ses dérivés ou la drogue, qui sont utilisés, rendant « les conséquences de cette fumée incalculables ».

Diversement appréciée, la mesure a d’abord été « incomprise », selon le Maire. Mais, entre approbation et réticence, la Mairie a souvent dû faire intervenir les forces de l’ordre pour faire appliquer la mesure. En dépit de tout cela, elle a beaucoup de mal à être respectée, plusieurs « chicha houses » se trouvant dans la commune couverte par elle. L’interdiction étant désormais étendue à l’ensemble du territoire, le maire espère que « nul n’est et ne sera au-dessus de la loi », qu’il faut appliquer avec la dernière rigueur.

Le défi du respect

Pour assurer la mise en œuvre et obliger les acteurs à se conformer, outre l’OCS, la Direction générale des Douanes, la Direction générale du Commerce, de la concurrence et de la consommation (DGCC), la Direction générale de la Police et la Direction générale de la Gendarmerie sont chargées de veiller à l’effectivité de la mesure d’interdiction. Même si les différentes entités concernées n’ont pas encore dévoilé leurs plans, selon certains les forces de l’ordre vont sévir afin que cela serve de dissuasion. Mais, pour un observateur qui a requis l’anonymat, ces actions seraient comme « suer sous la pluie ». Les boutiques de chicha ou encore les chicha houses seront les premières touchées, puisque très visibles, appuie-t-il. Mais qu’en sera-t-il dans les différents clubs, lounges ou restaurants, sans parler des domiciles et espaces privés ? Les forces de sécurité feront-elles des descentes ? Des questions qui trouveront sûrement un début de réponse lors des premiers jours du début effectif de l’interdiction. Ce qui sera déjà impossible à faire pour les autorités, c’est de contrôler totalement la consommation, notamment dans un cadre privé. À moins que grâce aux Douanes, ces produits ne soient réellement interdits d’entrée sur le territoire. Ce que certains clients craignent déjà, c’est que cette interdiction n’entraîne des coûts supplémentaires sur la chicha, avec des revendeurs et tenanciers de boutiques qui mettraient en avant les difficultés pour augmenter leurs prix. À moins de deux semaines de la date retenue pour l’interdiction effective, de nombreux clients et des personnes qui sont dans le milieu de la chicha n’envisagent nullement que la décision puisse être respectée.

Quid chez nos voisins ?

L’exemple chez nos voisins n’incite pas non plus à l’optimisme pour l’effectivité de la décision. L’exemple ivoirien est le plus illustratif. Dans le cadre de l’application d’un décret de 2012 interdisant de fumer dans les lieux publics, les autorités ivoiriennes ont essayé de sévir en 2022. Les forces de l’ordre ont mené des opérations d’envergure, mais cela n’a pas duré deux mois. Les opérations ont cessé, les contrôles aussi. Un journaliste sur place à Abidjan nous confirme que les consommateurs de la chicha fument partout comme si de rien n’était. Au Sénégal, l’interdiction décidée en 2020 est somme toute similaire à celle du Mali. Les autorités sénégalaises avaient également donné six mois aux importateurs et distributeurs de chicha pour s’y conformer. Mais, deux ans plus tard, les autorités n’ont pas réussi à faire respecter la décision. La raison, selon une source au Sénégal, est que les consommateurs ne s’affichent que rarement en public et que le degré de consommation est moindre que celui du Mali. Mais, après la décision des autorités maliennes, le Président de la Ligue sénégalaise de lutte contre le tabac (Listab), Amadou Moustapha Gaye, a saisi l’occasion pour interpeller le chef de l’État Macky Sall pour qu’il s’implique. À partir du 15 février, les capacités des autorités compétentes à faire respecter la décision seront scrutées, afin de déterminer si ce n’est ou non qu’un simple écran de fumée qui finira par se dissiper.

Chicha : les raisons de l’interdiction

Dix jours après l’interdiction de la chicha par les autorités à travers un arrêté interministériel en date du 15 août dernier, les interrogations persistent. Notamment à cause du fait que l’Etat n’avait pas donné les raisons de cette interdiction. Quelles sont-elles ? et comment ceux qui commercialisent la chicha s’adaptent ?

Depuis 10 jours et l’annonce de la décision d’interdiction de la chicha, c’est la question qui revient « Pourquoi » ?. L’arrêté interministériel daté du 15 août dernier explicite tout ce qui est interdit, ainsi que les sanctions qu’encourt les contrevenants, mais aucun passage ne mentionne les raisons de cette interdiction. Après plusieurs tentatives infructueuses auprès des ministères signataires, c’est finalement l’office central de lutte contre les stupéfiants (OCS) après un accord du ministère de la Sécurité qui a avancé les raisons. Selon Bassirou Bamba, directeur adjoint de l’OCS qui explique que l’Etat a décidé d’agir après avoir constaté la prolifération des bars et clubs de chicha et les conséquences que cela entraîne, notamment sur la santé des jeunes et leur avenir. Il l’assure, le gouvernement ne faiblira pas dans l’application de la décision d’interdiction.  » A partir du 15 février 2023, nous allons sévir et punir avec rigueur et sans faiblesse tous les contrevenants » prévient-il. Le 15 février 2023 correspondra aux six mois donnés aux revendeurs et ceux qui proposent la chicha dans leur commerce pour arrêter cette activité. Une injonction dont la pilule a encore du mal à passer. Selon certains des revendeurs, la chicha leur apporte une source de revenu non négligeable et évite a beaucoup de jeunes de se lancer dans des activités illégales. Le collectif des distributeurs de chicha Mali créé le 15 août 2022 dès la publication de l’arrêté souhaite que les autorités revoient la décision. « Nous ne voulons pas d’un bras de fer avec l’Etat, ni d’une confrontation, nous souhaitons échanger avec eux afin que nous puissions régulariser le secteur et éviter comme ils le disent aux enfants l’utilisation de la chicha » assure Idrissa Sanogo, membre du collectif. Selon lui, sur la base d’une recensement opéré par le collectif ils ont plus de 10 000 personnes à vivre et graviter autour de cette activité. Pour ce qui est des infractions, elles diffèrent. Pour toute personne se rendant coupable de la production ou de l’importation de la chicha, elle sera punie d’une peine d’emprisonnement de 1 à 10 jours et d’une amende de 300 à 18 000f CFA.  Pour ce qui est de son usage, les coupables seront punis d’une peine de 1 à 10 jours et d’une amende de 300 à 10 000f.

 

Santé : les autorités de la transition interdisent la Chicha

Les autorités de la transition viennent d’interdire l’importation, la distribution, la vente et l’usage de la chicha dans tout le pays. L’annonce a été faite à travers un arrêté interministériel daté du lundi 15 août 2022. Selon le document « toute personne qui se rend coupable de la production ou l’importation de la chicha ou tout autre appareil similaire, est punie d’un emprisonnement de 1 à 10 jours et d’une amende de 300 à 18 000 francs F CFA ». Par ailleurs, toute personne reconnue « coupable de la commercialisation de la chicha ou tout autre appareil est punie d’une amende de 300 à 10 000 francs CFA ». De l’autre côté, peut-on lire dans le texte, toute personne qui se rend coupable de l’usage de la chicha ou tout autre appareil est puni d’un emprisonnement de 1 à 10 jours et d’une amende de 300 à 10 000 francs CFA.

La chicha, un plaisir dangereux !

La consommation de la fameuse pipe à eau est devenue un véritable phénomène de mode. En l’espace de quelques mois, elle touche désormais toutes les catégories sociales, particulièrement les jeunes gens et jeunes filles qui pensent ainsi échapper à la cigarette.

Pipe à eau très populaire au Moyen-Orient et en Asie du Sud, la chicha est composée d’environ 25% de tabac, associé à un mélange de mélasse, d’arôme de fruits, le tout brûlé au charbon. Elle est de plus en plus utilisée au Mali, dans des bars, aux coins de rue, chez soi et même dans les bureaux. Pour les jeunes qui en sont les principaux consommateurs, elle permet d’éviter de fumer. Pour Samba Gassama, âgé de 20 ans et étudiant en master de gestions des entreprises, « la chicha nous éloigne de la cigarette et nous égaye. Mes parents savent que ce n’est pas nocif, donc je le consomme naturellement à la maison et quand je sors ». Les consommateurs sont donc nombreux à ignorer les méfaits de la consommation de ce produit. Le Dr Kané, pneumologue, est assez clair. « Une séance de chicha expose généralement les fumeurs à une quantité de fumée plus grande que celle des fumeurs de cigarette, car un fumeur consomme généralement une cigarette en 5 à 7 minutes, inhalant un volume de fumée compris entre 0,5 et 0,6 litre, alors qu’un amateur de narguilé fume pendant 20 à 70 minutes et inhale entre 50 et 200 bouffées de 0,05 à 0,25 litre chacune », explique-t-il. « Une séance de narguilé est presque équivalente à la consommation de 20 à 30 cigarettes », indiquait Édouard Tursan d’Espaignet, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé à la tribune de la 16è conférence mondiale sur « la santé ou le tabac  », par rapport à la banalisation de sa consommation.

Autres risques Le Dr Youssou Kouyaté enfonce le clou. Selon lui, la fumée de la chicha contient également du monoxyde de carbone, des métaux et des substances cancérigènes dus à la fumée de la combustion du charbon utilisé. Autre sujet d’inquiétude sanitaire, le passage du tuyau d’aspiration d’un consommateur à l’autre peut également favoriser la transmission de maladies contagieuses, comme l’herpès, la tuberculose ou l’hépatite, qui se transmettent par la salive. Une raison à laquelle s’oppose Aly, jeunelibanais et gérant d’un bar à chicha à Badalabougou, qui avance que les embouts peuvent être personnels et à usage unique, comme il le pratique dans sa structure, même s’il reconnait par ailleurs ses aspects nocifs pour le consommateur.