Autorités intérimaires : Installation à Kidal, fortes incertitudes ailleurs

Plus de 18 mois après la signature de l’Accord, Hassane Ag Fagaga, a été intronisé président du conseil régional de Kidal, mardi 28 février. Gao et Tombouctou devraient voir leurs présidents installés les 2 et 4 mars, mais dans ces deux villes, la résistance est encore grande, combattants et populations, protestent et sont prêt à en découdre pour se faire entendre.

Ça y est. La porte de Kidal s’est entrouverte au gouvernement malien, mardi 28 février, qui y a glissé un pied, avec l’intronisation comme président du conseil régional d’Hassane Ag Fagaga. Le drapeau national a orné, le temps d’une cérémonie, les murs de l’assemblée régionale, puis a été remisé lors du départ de la délégation. L’installation du président de l’exécutif régional de Kidal est une victoire difficilement arrachée, même si pour certains le gouvernement est parti du mauvais pied en installant cette autorité intérimaire qui devait intervenir après une certaine chronologie. « Les autorités intérimaires c’est la troisième phase de l’Accord. La première phase, c’est le cantonnement et le redéploiement de l’État et de l’administration sur tout le territoire, la deuxième phase c’est le désarmement et l’intégration, la troisième c’est dans les endroits où il n’y a pas de gouvernement, il est prévu de placer une autorité intérimaire. Le gouvernement est parti sur un faux-pas dans cette mise en oeuvre de l’Accord », estime Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du GATIA, qui se demandait encore il y a une semaine, alors que la mise en oeuvre de l’Accord était suspendue, quelle était la contrepartie offerte par la CMA au gouvernement, pour la nomination d’Hassan Ag Fagaga, « qui n’est pas le plus méconnu des ennemis du Mali » ajoutait-il.

Néanmoins, c’est après de multiples négociations et quelques compromis, qu’un dénouement, vendredi 24 février, a permis de relancer la mise en œuvre des autorités intérimaires, bloquée, depuis la nomination par le gouvernement de Sidi Mohamed Ag Ichrach, comme nouveau gouverneur de Kidal. L’obtention par la CMA de deux gouvernorats aura permis de débloquer la situation. « Sidi Mohamed Ag Ichrach gouvernera la région de Kidal durant toute la transition. En contrepartie, la CMA a eu le choix de proposer deux personnes pour gouverner Gao et Tombouctou », explique Alkassim Ag Ahouchel, président de la Jeunesse de l’Azawad, la branche jeune du MNLA.

Contestation Après Kidal, les autorités intérimaires devraient donc être installées ces 2 et 4 mars à Gao et Tombouctou. Mais l’application de cette mesure de l’Accord, qui a souvent pris les allures d’une barque qui prend l’eau de toute part et difficile à écoper, devra faire face, dans ces deux villes, à une résistance farouche, tant des militants de la société civile et des combattants sont mobilisés pour mettre en échec son installation. « Pour la mise en place des autorités intérimaires de Gao et Tombouctou, il faudra marcher sur nos cendres ! Nous voulons la même chose que l’on a accordé aux autres mouvements signataires. Nous voulons qu’ils reviennent sur tous leurs décrets ! », assène le Pr Younoussa Touré du CMFPR2. « Aussi bien le gouvernement que la CMA ne veulent pas de l’application de l’Accord, ils sont en train de se servir de nous, de chercher des boucs émissaires en nous mettant dans des situations difficiles, pour faire en sorte que nous devenions des hors-la-loi et que rien n’avance », ajoute-t-il.

Ces combattants du CMFPR2, du CJA, du MSA, épaulés par des populations civiles, ont annexé les locaux des conseils régionaux de Gao et Tombouctou et malgré une tentative pour les déloger lundi 27 février, ils sont déterminés à maintenir leurs actions. Depuis mardi, les forces armées du CJA convergent de toutes leurs positions vers le chef lieu de la région de Tombouctou, avec à leur tête le colonel Abass Ag Mohamed Ahmed, chef d’état-major du CJA, son objectif est clair :« il n’y aura pas d’autorités intérimaires imposées à Tombouctou sans la reconnaissance du CJA », a-t-il déclaré.

Tous se disent trahis et exclus du processus de décision et sont prêt à agir, la détermination chevillée au corps. « On maintiendra nos actions jusqu’à ce qu’on nous entendent où jusqu’à notre mort », jure ce jeune de Gao joint au téléphone. « On y est obligé, ce n’est pas notre nature, ce n’est pas non plus ce que nous souhaitions pour notre pays », conclut-il.

 

 

 

 

 

 

Pr Younoussa Touré : « Puisque c’est l’épreuve de force qui prévaut, nos combattants prennent les choses en main »

Les combattants de la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de Résistance2 (CMFPR2) appuyés par d’autres mouvements armés et des composantes de la société civile ont annexé les assemblées régionales de Gao et Tombouctou. Ces centaines de combattants en armes et leurs responsables s’opposent à l’installation des autorités intérimaires et dénoncent leur exclusion de toutes les structures de la mise en œuvre de l’Accord. C’est dans ce climat de forte tension, à la veille de l’installation des présidents des régions de Gao et Tombouctou, que Younoussa Touré, secrétaire général (CMFPR2) a répondu aux questions du Journal du Mali.

Des centaines d’éléments armés occupent les conseils régionaux de Gao et Tombouctou, pourquoi ce coup de force ?

Nous sommes à Gao et Tombouctou pour la reconnaissance de notre place et de notre identité. Depuis que les choses ont commencé au niveau des autorités intérimaires, on avait dit au niveau de la CMA que les choses avaient été mal gérées. Le gouvernement et la médiation ne nous ont pas cru. Ils sont allés jusqu’à nous exclure du dernier CSA où nous sommes membres, pour qu’on ne vienne pas perturber la session du comité, parce que pour eux nous sommes des perturbateurs, et ils pensent qu’ils peuvent faire les choses malgré nous. Puisque Kidal a le monopole de Kidal, on va leur montrer que nous aussi on a le monopole de Gao et Tombouctou.

Que souhaitez-vous ?

La société civile doit-être incluse dans les processus de décision, nous devons pouvoir faire des propositions, on nous a laissé de côté. Il n’y a que la CMA qui fait peur, il n’y a que la CMA qu’il faut satisfaire. Nous ne faisons pas le constat que dans la région de Tombouctou et de Gao les choses ne marchent pas, il y a eu des élections, donc ces autorités intérimaires n’ont pas lieu d’être. C’est moi qui suis allé à Tombouctou pour expliquer les autorités intérimaires à la population, qui leur ai dit voilà pourquoi il faut laisser les autorités intérimaires se faire. Mais de tout ce qu’on est allé expliquer, le gouvernement en a pris le contre-pied. Ils ont dit que les autorités intérimaires se feront dans les collectivités où ça ne marche pas, les présidents et vice-présidents des régions doivent être élus par leurs pairs et ces autorités choisies par la société civile et les conseillers. La population a le sentiment d’une trahison. Là où nous ne sommes pas présents dans tout ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord et les autorités intérimaires, les choses ne se feront pas sans nous.

Restez-vous ouvert au dialogue avec le gouvernement ?

Mardi matin, on m’a appelé pour me dire que le haut représentant, Mr Diagouraga, voulait nous recevoir, mais je n’ai pas été appelé en tout cas. Je sais qu’à Gao les gens ont rencontré le gouverneur qui leur a dit qu’il fallait vider les lieux, ils ont refusé, ce n’est pas au gouverneur de leur donner ces instructions-là. Nous avons fait une lettre à la veille du CSA ministériel, c’est pourquoi ils nous ont exclu, nous leur disions que les autorités intérimaires que l’on avait conçu étaient devenues caduques et que nos populations n’entendent pas travailler avec des gens qui sont nommés par-ci par-là. Ce qui est grave pour nous c’est que nous ne sommes même pas tenu au courant, s’il n’accepte pas quelque chose qu’ils viennent au moins nous le dire. Au moins appeler pour dire voilà pourquoi ont le fait. On n’est pas des hors-la-loi, on est pas contre la république. On s’était déjà opposé une fois, alors pourquoi ne sont-ils pas venus voir les gens pour leur expliquer ? c’est du mépris total pour les populations. Ce sont nos combattants qui là, s’ils ne font pas attention, ils n’auront plus personne pour discuter, il faudra les tuer et puis c’est tout.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

Nous allons continuer, nous occupons les sièges des assemblées régionales. Il y a avec nous la société civile, les communautés. Quand les gens disent non, la moindre des choses c’est d’aller leur expliquer pourquoi ça se passe. Si c’est Kidal, on fait tout pour les mettre à l’aise mais si c’est des sédentaires on s’en fout. Puisque c’est l’épreuve de force qui prévaut, nos combattants ce sont eux maintenant qui prennent les choses en main.

Vous ne craignez pas que la situation dégénère ?

On ne souhaite pas que la situation dégénère, mais il ne faut pas qu’il y ait d’actions brutales de leur part. S’ils les agressent, nous, nous prenons l’arrière-pays, parce que nos troupes sont entre le Niger et le Mali. Nous ne sommes pas les seuls, il y a le MSA qui s’est joint à nous, le CJA, les populations civiles, le collectif « Nous pas bouger » , les femmes de Gao, etc. Donc finalement, on va arriver à une situation ou ce n’est même plus nous qui maîtrisons les choses. Parce qu’en fin de compte s’ils veulent négocier avec nous on ne pourra même plus débloquer la situation parce qu’il y aura d’autres acteurs avec lesquels il va falloir négocier, donc plus ils tardent plus le nombre d’acteurs augmente et à ce moment-là, nous on ne sera qu’un élément de l’ensemble.

Que demandez-vous pour un retour au calme ?

Pour stopper le mouvement, il faut qu’ils reviennent sur tous leurs décrets. Diagouraga lui-même nous a dit qu’il avait indiqué au gouvernement de ne pas prendre ces décrets avant qu’il ne règle les problèmes, il nous l’a dit quand il nous a reçu, il a même écrit pour dire au gouvernement que dans ce que la CMA propose, il y a de l’exclusion et qu’on doit en tenir compte, il a écrit ça quand il a envoyé les listes avant les décrets du 20 décembre. On ne sait pas ce que veut le gouvernement. Mais nous avons le sentiment qu’il ne travaille pas réellement à appliquer l’Accord de paix, c’est l’impression que nous avons. La CMA nous appelle en nous disant qu’ils veulent régler notre problème à condition de signer une charte pour dire qu’on est membre de la CMA, on ne signera pas, parce qu’on était membre de la CMA avant la charte. On avait fait des propositions à la CMA , qui l’a transmis au haut représentant qui l’a lui-même transmis au gouvernement, mais le gouvernement n’en a pas tenu compte. Finalement on ne sait pas qui ne veut pas. Nous sommes en train d’aller vers ce que nous n’avons jamais souhaité pour le Mali. Nous irons jusqu’au bout et tout ce qui arrivera dans les jours à venir est de la responsabilité du gouvernement.

Tombouctou : des éléments du CMFPR2 font un sit-in devant le conseil régional

Des éléments de la CMA2 composés de CMPFR2 et du CJA ont assiégé le conseil régional de Tombouctou. Leur motif,« être associé dans les prises de décision et autres initiatives liées à la région de Tombouctou», a expliqué Alassane Coulibaly, coordinateur régional des mouvements.
L’installation des autorités intérimaires à Tombouctou est prévue ce 03 Mars. Hier, également, des éléments militaires de Ganda Izo (CMFPR2) commandés par Ibrahim Issa Diallo ont, à partir de 4h30 du matin, assiégé l’Assemblée régionale de Gao. Ils comptent rester là-bas jusqu’à l’annulation totale des autorités intérimaires où leurs morts, selon des sources sur place.
Les autorités intérimaires sont une phase importante dans la feuille de route de l’accord de paix pour la résolution de la crise malienne dans les cinq régions du nord du Mali. Il est écrit dans l’accord que la période intérimaire débutera au moment de l’installation des présidents des autorités intérimaires dans les 5 régions du Nord Mali à savoir Kidal, Gao, Tombouctou, Taoudeni et Menaka . Une période qui durera 3 à 4 mois avant l’élection des présidents des conseils régionaux et qui mettront fin à la période intérimaire gérée par ces autorités.
À Kidal, ce mardi 28 Février, est prévu l’installation des autorités intérimaires, selon le communiqué rendu publique samedi dernier par le haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali. Selon ce communiqué, l’installation des autorités intérimaires pour les régions de Gao et Menaka auront lieu jeudi 2 Mars et celles des régions de Tombouctou et Taoudeni vendredi 3 Mars.

Les mouvements dissidents vent debout contre les autorités interimaires

Le Congrès pour la Justice dans l’Azawad (CJA) et la Coalition des Mouvements de Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR), ont tenu ce matin à l’hôtel Salam de Bamako une conférence de presse pour dénoncer la démarche de « non inclusivité de l’accord de paix au Mali  » que mènent le ministre de l’Administration Territoriale de la Décentralisation et de la réforme de l’état et les dirigeants de la CMA pour la désignation des autorités intérimaires pour les 5 régions du nord Mali.

À deux jours déjà de la désignation des présidents des autorités intérimaires par le gouvernement malien et les chefs de la CMA, plusieurs vagues de contestation circulent dans de nombreux points du pays contre ces nominations qui, selon les mouvements politico-militaires sur le terrain, les élus locaux et les leaders des sociétés civiles des régions de Tombouctou, Taoudeni et Gao, n’ont pas été choisi par les populations locales . Le CJA, un mouvement dissident de la CMA, dirigé par Azarock Ag Innaborchad, créé en Octobre 2016, a choisi de quitter cette dernière parce que la CMA ne satisfaisait pas leurs besoins et revendications concernant la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali signé en Mai /Juin 2015 à Bamako.

Les dirigeants du CJA  et ceux du CMFPR 2 ainsi que leurs chefs militaires, rejettent catégoriquement les nominations des présidents des conseils régionaux, désignés par les autorités maliennes et les mouvements armés, pour la période intérimaire qui prendra fin le 31 Mai 2017,  comme le stipule le texte de l’accord de paix au Mali.

Des contestations populaires se sont déroulées, aujourd’hui, à Goundam ,Tombouctou, Gao pour soutenir la lutte du CJA et du CMFPR2 à faire valoir les droits et aspirations des populations aux noms desquels ils se battent pour leur inclusivité dans l’accord de paix. « Nous n’allons jamais baissé les bras pour arracher ce qui nous revient de droit pour nos populations de Tombouctou et Taoudeni « , confie Alassane Ag Abba, haut représentant de la société civile, député du cercle de Goundam pendant 30 ans et qui ajoute que « les populations sont prêtes à empêcher l’installation des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou et Taoudeni car les gens qui ont été pris pour la gestion ces régions n’ont pas été choisis par les populations et ils ne répondront pas à leurs aspirations ».

A Kidal ce samedi , les populations sont sortis massivement dans les rues pour protester contre la nomination du nouveau gouverneur de Kidal dont la nomination serait le fait du ministre de l’Administration territoriale de la Décentralisation et de la Réforme de L’État, Mohamed Ag Erlaf, indexé par plusieurs acteurs du processus dont le  CJA et la CMA comme celui qui fait exister et placer qui il veut pour la gestion des régions du nord Mali.

Accord de paix : l’inclusivité de gré ou de force

Le MSA, la CPA et le CMFPR2, se sont fendus d’un communiqué, jeudi 15 décembre, qui acte d’une profonde fracture avec la CMA, au moment ou le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et les patrouilles mixtes sont en plein préparatifs à Gao, où les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt à participer.

Depuis octobre dernier et le décret de nomination des autorités intérimaires, rien ne va plus entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les petits mouvements qui la composent, poussant le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR2) à entrer en dissidence et à bloquer la mise en œuvre de l’Accord de paix, car ils ne sont pas pris en compte dans les instances prévues dans l’Accord d’Alger.

Le communiqué conjoint résultat de la session extraordinaire, entre ces 3 mouvements, qui s’est déroulée, hier, jeudi 15 décembre, semble enfoncer le clou et être la preuve que les tractations engagées entre les différents mouvements sous médiation du gouvernement et de la communauté internationale, n’ont menée à rien. « Conscients du refus persistant de la CMA de Kidal d’imposer l’inclusivité à l’Accord par sa volonté irrecevable d’étendre son hégémonie à toutes les régions du Nord. Nous informons l’opinion nationale et internationale que nous opposons un refus catégorique à toute application exclusive de l’Accord, notamment en ce qui concerne les patrouilles mixtes, les autorités intérimaires et autres organes et/ou instances prévus aux termes de l’Accord d’Alger », indique le communiqué. Pour Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA, cette déclaration commune ne ferme pas la porte définitivement à la CMA : « La fracture n’est pas totale mais c’est un message pour la CMA, la médiation et le gouvernement, pour leur indiquer de faire les choses comme il faut », explique-t-il.

Néanmoins le communiqué ajoute que, « Tous les recours possible seront mis en œuvre y compris la force jusqu’à notre prise en compte intégrale ». Au sein de cette alliance de mouvement, ont reconnaît exercer une certaine forme de pression pour que les choses avancent. « La CMA est très divisée et doit régler ses problèmes et ses contradictions en interne avant toute chose. Elle prendra conscience que l’inclusivité est la porte de sortie, mais ça ne sera pas facile en réalité, parce que les acteurs sont trop opposés sur pas mal de sujets », poursuit le secrétaire général du MSA, dont le mouvement fait toujours partie de la CMA. « Il faut résoudre ce problème rapidement sinon ça va envenimer la situation et incontestablement perturber l’accord », prévient-il.

MOC : c’est toujours le blocage

Malgré les déclarations affichant la bonne volonté de part et d’autre pour le démarrage du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), le processus demeure léthargique. En cause, la situation des sous-groupes au sein de la CMA et la prise charge des éléments devant participer aux patrouilles à Kidal.

Aujourd’hui, à Bamako, c’est le doute.  Le Mécanisme opérationnel de coordination, un pilier essentiel de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, a du plomb dans l’aile. Le démarrage des patrouilles mixtes, aura-t-il bel et bien lieu d’ici la fin d’année 2016 ? Impossible aujourd’hui de l’affirmer. Tout récemment, le commandant de la force onusienne au Mali, le général Michael Lollesgaard, en fin de mission, a fait le point sur les différentes rencontres et a tiré un bilan contrasté des cinq séances de travail qui ont été marquées par une série de blocages, notamment au sein des groupes armés signataires de l’Accord. « Nous sommes les principaux fournisseurs d’hommes pour l’opérationnalisation du MOC. Mais constatons qu’au niveau de la CMA, les choses se traitent de manière incorrecte et chaque fois que nous remettons les problèmes sur la table, on nous demande d’aller régler ces problèmes entre nous. Je représente cinq mouvements et aujourd’hui, on pas la possibilité de mettre nos hommes au niveau des différentes commissions. Et tant que nous ne ferons pas parti du système, ça n’ira pas loin », explique Younoussa Touré, vice-président de la CMFPR2 et membre du CSA. Pour encourager les groupes armés qui s’estiment lésés dans la nomination des membres des différentes commissions, la 13ème session du comité de suivi avait mis en place un groupe de travail, sous la présidence du Haut représentant du président de la République, afin de permettre le lancement effectif de la période intérimaire, notamment l’installation des autorités intérimaires et l’opérationnalisation des unités du MOC à Gao et à Kidal, le 10 décembre 2016 au plus tard. À deux jours de l’expiration de ce délai, rien ne semble bouger. « C’est toujours le statu quo, le délai imparti à ce groupe de travail qui était de cinq jours est dépassé. On va certainement attendre la 14ème session qui se tiendra du 19 au 20 décembre prochain pour voir clair », commente un membre du CSA.

Entre dogme et pragmatisme « Tout ce blocage n’est pas lié aux différends. Il y a aussi la programmation budgétaire. Pour l’instant, seuls les combattants retenus pour les patrouilles à Gao, sont budgétisés », explique un cadre de la MINUSMA. Cependant, certains groupes armés, à l’instar du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), se sont engagés dans une patrouille mixte avec la Plateforme et les forces armés maliennes (FAMA) dans la ville de Ménaka et ce, dans un rayon de six kilomètres autour de la ville. La décision de cette patrouille à laquelle le MSA participe aurait été prise par les acteurs présents dans la région. « Cette patrouille est pour le MSA, une nouvelle occasion de manifester comme toujours sa volonté inébranlable à s’investir pour un renforcement de la sécurité et de la cohésion sociale, gages de la construction d’un véritable chantier de paix et de stabilité nationale », souligne un communiqué du mouvement. « Nou avons devancé le MOC, car on a besoin de sécurité pour nos populations, nos biens et notre région. Le MOC prend trop de temps et il y a trop de contradictions entre les acteurs alors que pendant ce temps nos populations souffrent de l’insécurité. C’est pourquoi nous avons décidé, à Ménaka, de nous mobiliser pour réduire ce fléau. On se met en route, l’Accord va nous trouver sur le chemin », explique Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA. Les raisons du blocage sont donc multiples : d’un côté, il y a les problèmes entre les mouvements armés, de l’autre les problèmes entre les mouvements, le gouvernement et la médiation. « On ne sait plus par où commencer et avec quels moyens.  Nous sommes face à deux courants idéologiques, et pour faire avancer l’accord, soit on est pragmatique, on fait comme les Ménakois et on avance, soit on est dogmatique et les pauvres populations souffrent quotidiennement pendant que les réunions sont interminables à Bamako », conclut-il.

 

Tensions autour du MOC à GAO

Lundi 5 décembre des membres du CMFPR2 on fait le siège des locaux du MOC avant d’être délogé par la Minusma. Ils exprimaient leur colère concernant l’exclusion, par la CMA, de leurs listes pour les patrouilles mixtes. Dans la cité des Askia, une vive tension règne entre le CMFPR2 et la CMA, soupçonnée de vouloir favoriser les touaregs au détriment des sédentaires. Le PR Younoussa Touré, secrétaire général du CMFPR2 a répondu aux questions du Journal du Mali

Des membres du CMFPR2 en colère ont fait le siège des locaux du MOC à Gao, que s’est-il passé ?

C’est simple, on nous avait demandé des listes pour les patrouilles mixtes, on a fourni les listes dans le canal qu’ils voulaient, c’est à dire via Sidi Brahim Ould Sidati de la CMA. Initialement on devait fournir une liste de 50 noms, mais la CMA nous a demandé de la ramener à 25 noms, ce que nous avons fait. Finalement nos gens ont appris que la CMA n’avait pas pris en compte nos listes. Ould Sidati a dit qu’ils avaient déjà fait toutes les listes de Gao, et qu’il allait voir s’il pouvait transférer nos listes sur les patrouilles de Kidal. Pourquoi voulez-vous amener des gens du coin qui veulent assurer la sécurité chez eux à Kidal ? Nos gens ce sont donc manifestés pour montrer leur mécontentement. La MINUSMA est intervenue est une réunion à été positionnée le 6 décembre à 10h, mais rien n’en est sorti de positif.

Où en est-on maintenant ?

On est toujours dans le statu quo, nos jeunes sur le terrain sont en train de se détourner des politiques pour reprendre la main, et on ne peut pas présumer de ce qui va se passer là-bas. Nos combattants ont rallié Gao pour la réunion de mardi. Je leur ai dit de ne pas y aller avec les armes, pour ne pas donner l’impression qu’ils veulent attaquer car ils sont déjà très nombreux. J’essaye de calmer les jeunes mais s’ils décident de passer à l’action, il sera difficile de les en empêcher. C’est en train de se transformer en conflit communautaire, parce que les touaregs ne choisissent que des touaregs et les sédentaires ne sont pas d’accord pour se faire surveiller par des touaregs, car leurs combattants sont là.

Comment calmer la situation pour éviter que ça ne dégénère ?

Dans la mesure où toutes les propositions que la CMA à faites ne tiennent pas compte des sédentaires, ça peut dégénérer. Pour calmer les choses, il faudrait que nous nous puissions assurer notre sécurité chez nous. Même le GATIA est en train de faire pression sur les sédentaires pour augmenter le nombre de touareg là-bas. Donc des deux côtes on ne prend que des touaregs. Ça va nous amener à la situation de la dernière rébellion, ou les touaregs avaient le monopole de l’intégration dans l’armée. Nous sommes des signataires de l’Accord, nous l’avons signé à la demande des Nations-unies. Le règlement qu’ils ont mis en place au niveau du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) ne reconnaît que deux parties, la CMA et la Plateforme. Sur le document, nous n’avons pas signé CMA. Hier nous avons saisi officiellement les Nations-unies, pour dire que nous avons suivi leur volonté et que nous n’entendons pas être sous la coupe de qui que ce soit, nous sommes prêts à entamer des procédures judiciaires.