Syrie : Russie-USA-Iran au bord de la crise de l’air

Dimanche 18 juin, un avion de combat américain abattait un appareil de la force aérienne syrienne, glaçant les relations entre la Russie et les États-Unis. Mardi 20 juin, c’est au tour d’un drone de l’Iran, un pays qui soutient le régime syrien, d’être détruit par un tir américain. Le jeu de pouvoir et d’influence sur fond de guerre contre l’EI en Syrie pourrait déboucher sur une collision entre la Russie, les USA et leurs alliés.

« Les actions de combat répétées menées par l’aviation américaine sous le couvert du contre-terrorisme contre les forces armées licites d’un pays membre de l’ONU constituent une violation massive du droit international et de facto une agression militaire contre la République arabe syrienne », déclarait, sans ambages, le ministère de la Défense de Vladimir Poutine à propos du chasseur syrien abattu par l’armée américaine. Cette dernière affirme qu’il bombardait des rebelles soutenus par les Etats-Unis, alors que Damas affirme que son avion visait les forces de l’État islamique (EI). La destruction dimanche de cet appareil militaire syrien jugé hostile par les USA fait suite au lancement par le président Trump de dizaines de missiles de croisière contre un aérodrome syrien, en avril, dont les avions étaient censés utiliser des armes chimiques sur des civils.

Tensions Depuis dimanche, le ton est considérablement monté entre les États-Unis et la Russie, qui menace désormais de cibler les avions de la coalition internationale à l’ouest de l’Euphrate. « Tout objet volant, incluant des avions ou des drones de la coalition internationale, détecté à l’ouest de l’Euphrate sera considéré par les systèmes de défense russes comme une cible », a annoncé Moscou, qui a aussi suspendu sa coopération avec Washington dans la prévention des incidents aériens.

La coalition internationale, menée par les Etats-Unis, lutte en appuyant des forces kurdes et arabes sur le terrain contre l’EI, notamment autour de son fief de Raqqa. Le régime syrien, de son côté, aidé par la Russie, combat différentes factions rebelles ainsi que les djihadistes. Facteur de complication, le soutien de l’Iran au régime Assad, qui a attaqué les positions de l’EI, en riposte à l’attaque de Téhéran qui a fait 12 victimes il y a deux semaines. Mardi 20 juin, un avion américain a abattu un drone iranien armé qui progressait trop près des forces de la coalition dans le sud de la Syrie. C’est la cinquième fois depuis la fin du mois de mai que l’armée américaine a bombardé des forces pro-syriennes dans cette région. Certains observateurs, se placent déjà après la chute de l’EI à Raqqa et s’interrogent sur le positionnement des États-Unis, qui voudront consolider la position des rebelles syriens et des Kurdes sur une partie du territoire syrien aux dépens de Damas, soutenu par la Russie, le Hezbollah, l’Iran et même la Turquie.

 

 

Syrie: accord Russie-Turquie-Iran sur la création de zones sécurisées

La Russie et l’Iran, alliés de Bachar al-Assad, et la Turquie, soutien des rebelles, ont adopté jeudi à Astana un plan russe pour la Syrie en guerre visant à créer des zones sécurisées pour instaurer une trêve durable dans plusieurs régions.

Les chefs des délégations des trois pays parrainant les pourparlers de paix qui se tenaient pendant deux jours au Kazakhstan ont signé « un mémorandum sur la création de zones de désescalade en Syrie », a indiqué au terme des négociations le chef de la diplomatie, Kaïrat Abdrakhmanov.

Les émissaires des rebelles et des émissaires du régime syrien n’étaient pas été invités à signer ce texte.

Selon cet accord, dont une copie a été consultée par l’AFP, les pays garants doivent désormais définir avant le 4 juin les contours de ces zones, qui sont instaurées avec une validité initiale de six mois avec possibilité de prolongation.

« Nous sommes en train d’envisager l’éventualité qu’elle n’ait pas de limite de temps », a indiqué l’envoyé spécial du président russe Vladimir Poutine pour la Syrie, Alexandre Lavrentiev.

Un groupe de travail constitué des représentants des trois pays garants doit être constitué d’ici deux semaines.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est dit jeudi soir « encouragé » par cet accord, selon son porte-parole Stéphane Dujarric.

Présent à Astana, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, avait plus tôt salué « un jour important », disant espérer des progrès concrets vers l’instauration de ces zones d’ici deux semaines, avant la reprise des pourparlers de paix à Genève (Suisse).

Prudence de Washington

Damas a déclaré soutenir l’initiative par la voix du chef de sa délégation, Bachar al-Jaafari. Et avant la signature, les rebelles avaient eux loué une mesure de nature à « améliorer la situation humanitaire difficile des civils », bien qu’ils n’acceptent pas le fait que l’Iran soit co-signataire du document.

« Nous ne prenons pas part à cet accord, c’est un accord entre ces trois pays. Bien entendu, nous ne sommes pas d’accord du tout pour que l’Iran (…) soit un garant de cet accord », a dénoncé lors d’un point presse Oussama Abou Zeid, le porte-parole de la délégation rebelle.

Les Etats-Unis, pays observateur dans les négociations d’Astana, ont pour leur part salué avec grande prudence cet accord, disant dans un communiqué « soutenir tout effort qui puisse véritablement réduire la violence en Syrie ».

Le plan russe est apparu au grand jour mardi pendant une conversation téléphonique entre le président russe et son homologue américain Donald Trump.

Le lendemain, recevant son homologue turc Recep Tayyip Erdogan à Sotchi (sud-ouest de la Russie), M. Poutine avait déroulé son plan visant à « une plus grande pacification » de la Syrie et à « un renforcement du cessez-le-feu ».

Pour cela, il s’agit de créer des « zones sécurisées » ou zones dites « de désescalade », un terme flou qui pourrait s’approcher de l’idée d’une zone-tampon sans toutefois impliquer de déploiement massif de soldats pour assurer le cessez-le-feu.

Antonio Guterres a avancé que les Nations unies soutiendraient ces efforts de désescalade, sans toutefois préciser si l’organisation jouerait un rôle.

Zones d’exclusion aérienne

D’après le texte de l’accord, les « zones de désescalade » seront créées dans l’ensemble de la province d’Idleb, dans des zones délimitées au sein des provinces de Lattaquié, d’Alep, de Hama, d’Homs et de Damas avec la Ghouta orientale, ainsi que dans des zones délimitées des régions de Deraa et Kuneitra.

La première version de ce projet, consultée en arabe par l’AFP, prévoyait la création de quatre zones uniquement.

Selon cette version, « des zones de sécurité » seront constituées autour de ces « zones de désescalade », avec postes de contrôle et centres de surveillance tenus conjointement par « les forces des pays garants sur la base du consensus ».

Les territoires concernés seront doublés de zones d’exclusion aérienne, « à condition qu’il n’y ait aucune activité militaire dans ces zones », selon M. Poutine.

Le plan favorisera la mise en place « d’un dialogue politique entre les belligérants », avait assuré mercredi M. Poutine, affirmant que « ce processus politique doit amener en fin de compte à un rétablissement complet de l’intégrité territoriale du pays ».

La lutte contre les « organisations terroristes », telles que le groupe jihadiste Etat islamique et le Front Fateh al-Cham, ancienne branche d’Al-Qaïda en Syrie, se poursuivra malgré l’éventuelle constitution de telles zones.

M. Erdogan a estimé jeudi que ce « nouveau concept » permettrait de résoudre le conflit syrien à « 50% ». La guerre a fait plus de 320.000 morts et des millions de déplacés depuis mars 2011.

La Syrie accuse Israël de tirs de missiles près de Damas

La Syrie a accusé son voisin israélien d’avoir provoqué une énorme explosion jeudi en tirant des missiles sur une position militaire, près de l’aéroport international de Damas.

L’Etat hébreu, qui confirme rarement ses nombreuses attaques lancées en territoire syrien depuis le début de la guerre civile en 2011, a laissé entendre qu’il pourrait en être l’auteur.

Si son implication se confirmait, il s’agirait de la deuxième attaque menée en quatre jours par Israël contre des cibles en Syrie.

« Une position militaire au sud-ouest de l’aéroport international de Damas a été la cible à l’aube d’une agression israélienne avec plusieurs missiles (…) », qui a provoqué des dégâts matériels, a indiqué l’agence officielle Sana citant une source militaire. Elle n’a pas précisé s’il s’agissait d’une position syrienne.

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a lui indiqué qu’un dépôt d’armes, vraisemblablement appartenant au Hezbollah libanais, avait explosé près de l’aéroport sans fournir d’autres détails. La plus grande partie de l’entrepôt était vide, a dit l’ONG.

Bête noire d’Israël, le Hezbollah combat au côté du régime de Bachar al-Assad contre rebelles et jihadistes.

Selon la télévision Al-Manar du Hezbollah, l’explosion, « vraisemblablement due à un raid aérien israélien » s’est « produite dans des dépôts de fuel et un entrepôt ».

En Israël, le ministre du Renseignement Israël Katz a déclaré que la frappe présumée était « cohérente » avec la politique israélienne, sans confirmer une responsabilité de son pays.

« Boule de feu »

L’aéroport international de Damas est situé à environ 25 km au sud-est de Damas, un bastion du régime Assad.

Un témoin habitant dans le quartier de Dawwar al-Baytara à Damas, a raconté à l’AFP avoir entendu une puissante déflagration.

« Vers 04H00 du matin, j’ai entendu une énorme explosion, j’ai accouru au balcon et en regardant du côté de l’aéroport, j’ai vu une énorme boule de feu », a dit Maytham, 47 ans.

La Russie, autre allié de poids du régime syrien, a appelé « tous les pays » à la « retenue » et a mis en garde contre une « montée des tensions » en Syrie, selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Israël s’alarme de la présence en Syrie du Hezbollah et de forces envoyées par l’Iran, son autre ennemi juré, pour prêter main forte au régime.

Mi-mars, Israël et la Syrie ont connu leur plus sérieux incident depuis le début du conflit syrien. Un raid israélien près de Palmyre (centre) sur des cibles présentées par Israël comme liées au Hezbollah a provoqué une riposte de l’armée de l’air syrienne et un tir de missile en direction d’Israël a été intercepté.

Israël avait reconnu ce raid contre le Hezbollah, soutenu par Téhéran.

« Quand l’on identifie des tentatives de transfert d’armes sophistiquées au Hezbollah et que nous avons des informations des services de renseignement à ce sujet, nous agissons pour les prévenir », avait alors dit le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

« Lignes rouges »

Deux jours plus tard, Israël Katz rappelait ce qu’Israël considère comme des « lignes rouges »: empêcher le transfert d’armements sophistiqués au Hezbollah et l’ouverture d’un front près du territoire israélien.

La dernière frappe israélienne en Syrie remonte à dimanche. Trois miliciens loyaux au régime ont été tués dans un bombardement israélien contre leur camp Qouneitra sur le plateau du Golan, selon la milice. Israël s’était refusé à tout commentaire.

En janvier dernier, le régime syrien a accusé l’Etat hébreu d’avoir bombardé son aéroport militaire de Mazzé, dans la banlieue ouest de la capitale, qui abrite les services de renseignements de l’armée de l’air.

En 2016, plusieurs missiles israéliens avaient frappé les environs de cette base militaire. La même année, M. Netanyahu avait admis qu’Israël avait attaqué des dizaines de convois d’armes destinés au Hezbollah en Syrie.

L’aéroport de Damas lui-même a été visé, selon le régime, par des raids israéliens en 2014.

Israël et la Syrie sont techniquement en état de guerre.

Déclenchée en mars 2011 par la répression de manifestations antirégime, la guerre en Syrie s’est progressivement complexifiée avec l’implication de groupes jihadistes, de forces régionales et de puissances internationales, sur un territoire très morcelé. Elle a fait plus de 320.000 morts.

Donald Trump frappe la Syrie pour sanctionner le régime de Bachar El Assad

Les États-Unis ont mené des frappes sur une base de la force aérienne syrienne en réponse à l’utilisation présumée par le gouvernement syrien d’une attaque chimique dans la région d’Idlib qui a tué au moins 80 civils cette semaine.

59 missiles Tomahawk américains ont ​​frappé l’aérodrome d’Al Shayrat dans la nuit de jeudi à vendredi et détruit des avions de chasse et d’autres infrastructures, mais ont évité tout ce qui endroit qui pourrait stocker des armes chimiques.

Les missiles de croisière Tomahawk tiré de puis des navires de guerre américain ont été programmé pour éviter également les avions de combat russes et d’autres installations militaires russes.

La Russie, fidèle allié du gouvernement syrien dirigé par Bachar El Assad a joué un rôle déterminant dans la coordination de certaines des frappes aériennes militaires du pays sur les positions des rebelles.

Le Pentagone a déclaré qu’il avait informé les fonctionnaires militaires russes avant le raid aérien.

« Avec le lancement de nombeux Tomohawks, nous ne voulions frapper aucun avion russe », a déclaré un responsable militaire américain sous anonymat.

« Ce soir, j’ai ordonné une frappe militaire ciblée sur la base aérienne en Syrie d’où a été lancée l’attaque chimique », a confirmé plus tard Donald Trump dans une allocution. Le président américain Donal Trump, dans un communiqué émis de son domaine à Mar-a-Lago en Floride a expliqué que cet attaque est dans « l’intérêt vital de la sécurité nationale des États-Unis d’empêcher et de dissuader la propagation et l’utilisation d’armes chimiques mortelles ».

Les missiles, qui ont été lancés depuis deux navires de guerre de la Marine, ont frappé la base aérienne pendant environ 4 minutes. Selon les responsables militaires des États-Unis, cet action était destiné à envoyer un message clair à M. Assad selon lequel les États-Unis ne s’empêcheraient pas d’utiliser la force militaire, s’il continue à utiliser des armes chimiques.

Cette frappe est la première action militaire ordonnée par la Maison-Blanche contre les forces syriennes depuis le début de la guerre civile en Syrie. C’est aussi une attitude différente de la nouvelle adminstration par rapport à l’approche restreinte de l’administration Barack Obama.

Les responsables militaires américains ont déclaré que la rapidité avec laquelle l’administration de M. Trump avait répondu, était destinée à capitaliser sur l’élément de surprise.

Des victimes possibles Les frappes américaines sur la base militaire en syrienne ont fait des « morts », a annoncé à l’AFP le gouverneur de Homs, la province où elle est située.

« Il y a des martyrs, mais nous n’avons pas encore de bilan ni pour les martyrs ni pour les blessés », a affirmé Talal Barazi au téléphone.

« Il y a des blessés qui sont atteints de brûlures (…) Il y a des incendies que nous tentons de maîtriser. Ca va prendre un peu de temps pour évaluer les dégâts », a-t-il ajouté.
« Bien sûr nous condamnons » ces frappes, et « toute action visant les bases militaires syrienne est condamnable», a encore poursuivi M. Barazi.

« L’armée de l’air présente dans l’aéroport d’al-Shayrat est un soutien important aux forces armées dans la bataille contre le groupe Etat islamique dans la région de Palmyre », a encore précisé le gouverneur.

L’armée syrienne a annoncé ce vendredi 7 avril, que les frappes américaines contre une base aérienne du centre du pays avaient fait six morts et d’importants dégâts matériels, sans préciser s’il s’agissait de victimes civiles ou militaires.

Réactions politiques Le président russe Vladimir Poutine qui soutien le régime de Bachar El Assad considère les frappes américaines contre la Syrie comme une « agression contre un Etat souverain » se fondant « sur des prétextes inventés », a déclaré le président russe, ajoutant qu’il y a « un préjudice considérable » aux relations russo-américaines.

La Chine a appelé à « éviter toute nouvelle détérioration de la situation » en Syrie après les frappes américaines contre une base militaire du régime de Damas.

L’Iran,  qui apporte un soutien financier et militaire au régime du président Assad, a condamné « vigoureusement » les frappes américaines. 

Les frappes américaines ayant visé le régime syrien en représailles d’une attaque chimique présumée sont « compréhensibles », a déclaré le chef de la diplomatie allemande, tout en appelant à une solution politique sous l’égide de l’ONU.

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, actuellement en visite au Mali, estime que ces frappes constituent un « avertissement » et une forme de « condamnation » du « régime criminel »de Bachar al Assad. « J’ai été informé par Rex Tillerson (le secrétaire d’Etat américain) dans la nuit », a déclaré le chef de la diplomatie française à l’agence Reuters ce vendredi matin.

La Turquie considère les frappes américaines comme « positives » a déclaré vendredi le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus, cité par l’agence progouvernementale Anadolu.

La candidate Front nationale à l’élection présidentielle française, Marine Le Pen, a estimé qu’il fallait attendre « les résultats d’une enquête internationale avant d’opérer des frappes en Syrie. Je suis étonnée de cette réaction », a-t-elle déclaré sur France 2 ce vendredi matin.

Le gouvernement britannique « soutient pleinement » les frappes américaines en Syrie.

En Arabie saoudite, allié des États-Unis au Moyen-Orient, un responsable au ministère des Affaires étrangères a assuré que son pays « soutenait complètement » les frappes américaines en Syrie.

L’attaque américaine sur la base aérienne syrienne a été décidée par le président Trump sans que le Congrès américain ne soit consulté, sans les résultats d’une enquête internationale et sans mandat de l’ONU, objectent les détracteurs de la décision américaine qui s’interrogent sur les conséquences à venir.

Syrie: la Russie allège son dispositif

La Russie, alliée du régime de Bachar al-Assad, a commencé à alléger son dispositif militaire en Syrie, où l’armée a intensifié ses frappes vendredi sur une région rebelle abritant les principales sources d’approvisionnement en eau pour Damas.

Les troupes du régime aidées des combattants du Hezbollah libanais tentent, à coups de bombardements aériens et d’artillerie, de capturer la région rebelle de Wadi Barada, à 15 km au nord-ouest de Damas, mettant à mal une trêve instaurée le 30 décembre par la Russie et la Turquie, soutien des rebelles.

Engagée militairement depuis septembre 2015 en Syrie, Moscou a bouleversé la donne dans le conflit en volant au secours de l’armée qui était alors en difficulté face aux rebelles appuyés également par des pays du Golfe et occidentaux.

En annonçant le 29 décembre un accord parrainé avec la Turquie sur la trêve et des prochaines négociations de paix, le président russe Vladimir Poutine avait indiqué que la présence militaire russe en Syrie serait « réduite ».

Turquie, Russie : les implications de l’assassinat de l’ambassadeur russe

Quelles sont les conséquences de l’assassinat, le lundi 19 décembre, de l’ambassadeur russe à Ankara ? C’est la question que tous ou presque continuent de poser. Mais, de toute évidence, il est difficile de prédire ce qui va se passer.

Le lundi 19 décembre, l’ambassadeur russe en Turquie, Andreï Karlov, a été tué de huit balles en plein discours dans une galerie d’art par un jeune de 22 ans, Mevlüt Mert Altintas, qui a été abattu par les forces spéciales turques. La Russie et la Turquie ont décidé de coopérer pour enquêter sur le meurtre de l’ambassadeur. Mais ce que l’on sait aussi, c’est qu’avant d’être abattu, l’assaillant, policier qui plus est, a crié : « N’oubliez pas Alep, n’oubliez pas la Syrie ! ». Les autorités turques l’accusent d’être membre de la confrérie islamiste de Fethullah Gülen, accusé d’avoir orchestré le coup d’Etat manqué de juillet dernier. Une accusation rejetée par M. Gülen, que les Etats-Unis ont toujours refusé d’extrader, arguant un manque de preuve.

Selon Marc Semo, journaliste au Monde, spécialiste de la diplomatie, « ce jeune fait partie de ces islamistes qui, en Turquie, avaient soutenu la politique du gouvernement qui avait pris fait et cause pour la rébellion syrienne. La Turquie était l’un des pays qui a le plus appuyé la révolution syrienne. Mais aujourd’hui, ces islamistes sont désarçonnés par le virage du Président Recep Tayyip Erdogan qui, depuis la réconciliation avec la Russie, a décidé de tirer un trait sur Alep, en échange du fait que la Russie lui a permis de créer une petite zone de sécurité au nord de la Syrie qui lui permet à la fois d’accueillir des réfugiés et des troupes de la rébellion modérée. »

« Il y a tout une partie des islamistes qui est indignée par l’attitude du Président turc, et qui reste mobilisée contre le régime d’Assad et son grand allié, à savoir la Russie. », ajoute Marc Semo.

L’ambassadeur russe était en poste à Ankara depuis 2013, et a vécu la crise entre les deux pays commencée en novembre 2015 après que les Turcs eurent abattu un avion russe le long de la frontière syrienne. Ce qui a ravivé les tensions entre les deux pays qui étaient déjà opposés dans la guerre en Syrie, en ce sens qu’Ankara soutenait la rébellion contre le régime d’Assad qui est pourtant l’allié de la Russie. La réconciliation est intervenue le 9 août dernier.

Depuis lundi, les questions pleuvent sur les conséquences de cet assassinat. S’agit-il d’un coup monté pour détériorer les relations entre la Russie et la Turquie, comme l’ont pensé à la fois Poutine et Erdogan ? Pour Marc Semo,  cet événement, à court terme, « ne peut que renforcer les relations entre les deux pays, mais à long terme, ça peut être compliqué, parce qu’on verra exactement le niveau de complicité dont a pu bénéficier ou non ce policier. »

Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est très difficile de prédire ce qui va se passer. « À court terme c’est un choc pour la Russie, qui se rend compte que la guerre en Syrie est un risque pour elle, un enlisement sur le terrain militaire, parce que pendant le régime d’Assad récupérait Alep, il perdait en même temps Palmyre. Donc, les Russes sont conscients que la prétention de récupérer l’intégralité du territoire syrien est impossible. », explique M. Semo.

Syrie, la guerre du quatrième pouvoir

En Syrie, en plus du terrain et de la diplomatie, les puissances s’affrontent aussi dans les médias, à coups de propagande. Comme ce fut le cas récemment avec la chute d’Alep, une journaliste pro-russe à tenter de saper le travail des journalistes occidentaux.

S’agissant de la guerre en Syrie, un autre front où s’affrontent les puissances est celui des médias. Comme l’a démontré, le mercredi 13 décembre, une vidéo intitulée « Une journaliste démonte en deux minutes la rhétorique des médias traditionnels en Syrie » publiée sur le site Russia Today, qui serait financée par le pouvoir russe. Pour la journaliste indépendante, Eva Bartlett, en l’absence d’organisation fiable dans l’est d’Alep, il n’est pas possible pour les médias occidentaux d’obtenir des informations fiables. Elle s’en prend à l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) et s’inscrit en faux contre la thèse selon laquelle le pouvoir syrien tuerait la population à Alep. «Mais l’analyse qu’elle fait en partant de ce constat est pour le moins partiale. D’abord à propos des civils. Les journalistes du Monde à Beyrouth sont par exemple au contact de personnes qui ont fui Alep, et certains récits valident tout à fait l’existence de civils victimes des forces syriennes. Leurs chroniques de l’écrasement de la rébellion se fondent aussi sur des sources institutionnelles, mais également, par exemple, sur les récits de contacts sur place. », explique Samuel Laurent et Adrien Sénécat dans « Les décodeurs ».  Cette vidéo conspirationniste est devenue la deuxième plus vue sur YouTube.

Les deux journalistes évoquent aussi des images utilisées à des fins de propagande. Comme celle d’ « Une petite fille qui court pour survivre, toute sa famille a été tuée. Ce n’est pas Hollywood. C’est la réalité en Syrie », qui, contrairement à ce qui a pu circuler sur la toile, serait tirée d’un clip de la chanteuse libanaise Hiba Tawaji en 2014.

C’est donc dire qu’en Syrie, comme dans toutes les guerres, la vérité est la première victime. Il est difficile  de vérifier les nombreuses informations qui circulent. Dans son hebdomadaire « Chronique du Blédard » publiée dans « Le Quotidien d’Oran », le journaliste et essayiste algérien Akram Belkaïd, évoque cette guerre des plus complexes sur laquelle il est difficile de se prononcer : « Ce qui me frappe dans la bataille des mots, c’est que de nombreuses personnes se positionnent surtout en fonction des médias occidentaux principaux. À les entendre, puisque des journaux comme Le Monde, le New York Times ou le Guardian dénoncent – ou critiquent – l’intervention russe en Syrie c’est donc que cette dernière doit être défendue et soutenue. Il est vrai que l’indignation médiatique occidentale à propos d’Alep est très sélective et que l’on aurait aimé entendre les mêmes discours quand les pauvres gazaouis mourraient sous les bombes à sous-munitions israéliennes. Mais concernant la Syrie, on peut aussi se rappeler qu’une montre cassée donne l’heure exacte deux fois par jour. Autrement dit, aussi critiquables soient-ils, les médias « mainstream » peuvent parfois être dans le juste. En tous les cas, en tant que journaliste, l’auteur de ses lignes préfère de loin lire un papier dans ces journaux plutôt que d’accorder le moindre crédit à cette floraison de sites dits alternatifs et qui ne sont qu’un ramassis de fausses informations et d’analyses tronquées cela sans oublier les médias financés par les fonds publics russes dont on est en droit d’interroger l’indépendance si ce n’est l’intégrité. », écrit-il.

Libye : le bout du tunnel est encore loin

En Libye,  l’offensive lancée il y a six mois a finalement réussi à mettre en déroute Daesh. Le pays reste cependant englué dans une bataille de pouvoir entre des milices rivales. La stabilité du pays n’est donc pas encore gagnée…

Le lundi 5 décembre, le gouvernement d’union nationale de Faïez el-Sarraj a annoncé avoir repris le contrôle la ville de Syrte sous domination de l’EI depuis un an. L’organisation État islamique qui avait profité du chaos pour renforcer sa position dans ce pays en lambeaux depuis la chute de Muhammar Kadhafi en 2011, a été stoppée et poussée dans ses derniers retranchements par une offensive lancée le 18 mai, avec l’aide la communauté internationale. Même si la concurrence qui opposait el-Sarraj au général Kalifa Haftar, bras armé du Parlement basé à Tobrouk, n’a pas arrangé les efforts de lutte contre le groupe extrémiste. La chute de Syrte est un revers important pour Daesh qui est aux abois en Irak et en Syrie, où il perd chaque jour du terrain, sous le feu croisé des armées nationales et des forces internationales. Les observateurs émettent cependant des réserves sur la suite de ces victoires, en Libye en particulier où, depuis quelques jours, les leaders du groupe ont quitté Syrte avec des combattants pour se retrancher dans le sud du pays. Il faut donc croire que « l’histoire n’est pas finie », comme l’estime Issandr el-Imrani, directeur du secteur Afrique du Nord de l’International Crisis Group, interrogé par RFI. « On peut s’attendre à ce que les forces de Daesh se replient aujourd’hui dans d’autres parties du pays, qu’il y ait des cellules dormantes dans d’autres villes », explique-t-il. Pendant ce temps, Tripoli, la capitale, est toujours le théâtre d’affrontements entre milices rivales. Huit personnes y ont trouvé la mort  et des dizaines ont été blessées, les 1er et 2 décembre. Une situation inquiétante pour les Nations unies, qui, à travers le représentant Martin Kobler, ont estimé qu’il « est tout à fait inacceptable que les groupes armés se battent pour faire valoir leur intérêt et leur influence (…), terrorisant la population ». Les déclarations de part et d’autre des mouvements en présence en Libye n’augurent pourtant pas d’une conciliation de leurs positions, et il semble bien que pour la paix en Libye, le chemin soit encore bien long…

 

Bataille d’Alep : l’armée syrienne proche de la victoire

C’est un tournant majeur dans la bataille d’Alep : l’armée syrienne a reconquis la totalité de la Vieille ville. Les rebelles, acculés, ne contrôlent plus qu’un quart environ de la partie orientale de la l’ancienne capitale économique du pays. Ils ont appelé ce matin à un cessez-le-feu de cinq jours pour permettre l’évacuation des civils et des blessés graves. Et ils demandent aussi à toutes les parties au conflit à engager des discussions sur l’avenir de la ville

Syrie, l’impasse diplomatique

Depuis le 22 septembre, le régime d’El-Assad et ses alliés russes et iraniens ont lancé une offensive pour reprendre la ville stratégique d’Alep. Les relations diplomatiques entre Moscou et les puissances de la coalition internationale sont, depuis, on ne peut plus tendues. Ce qui n’augure pas d’une issue proche du conflit.

« Le peuple [syrien] ne mérite pas cette situation, il faut à tout prix arrêter cette guerre. » Ces propos d’Antonio Gutierrez, qui succédera le 1er janvier prochain au Sud-coréen Ban Ki-moon en tant que Secrétaire général de l’ONU, sont assez révélateurs de la gravité de la situation en Syrie, où Alep, la seconde ville du pays, est au centre des combats entre l’armée gouvernementale appuyée par ses alliés russe et iranien, et les rebelles dans la partie orientale. Le tout sur fond d’impasse diplomatique entre Russes et Occidentaux, avec comme illustration l’annulation de la visite prévue le 19 octobre à paris du Président russe, Vladimir Poutine, intervenue quelques jours après le veto russe sur une résolution française demandant un cessez-le-feu à Alep au Conseil de sécurité.

Réunis dimanche 16 octobre à Londres, les puissances de la coalition internationale contre Daesh en Syrie ont évoqué la possibilité de nouvelles sanctions à l’encontre du régime de Bachar el-Assad et ses soutiens, et ont appelé la Russie à aider à mettre fin au conflit. « Nous discutons de tous les mécanismes à notre disposition mais je ne vois nulle part en Europe un grand appétit pour partir en guerre », a déclaré John Kerry, le chef de la diplomatie américaine, révélant davantage à quel point la coalition internationale dirigée par les États-Unis se trouve dans une position inconfortable.

Espoir ? Cependant, l’annonce inattendue de l’interruption des raids menés par les forces russes et syriennes sur Alep est-elle le signe que les lignes bougent sur le plan diplomatique ? Pas sûr, puisque Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a tenu à préciser qu’elle avait pour but de permettre « la mise en œuvre de la pause humanitaire » ce jeudi 20 octobre, pour que les populations puissent quitter la ville entre 8h et 16 heures (T.U). La guerre en Syrie, depuis longtemps devenue un affrontement entre grandes puissances, se joue finalement autant sur le terrain militaire que diplomatique, et le second semble malheureusement marquer le pas face au premier.

 

 

Syrie, l’enjeu d’Alep

En Syrie, le régime de Bachar Al-Assad, avec l’aide de son grand protecteur qu’est la Russie et dont la stratégie est celle du rouleau compresseur, poursuit son offensive contre les rebelles à Alep. Une ville stratégique dont la chute pourrait davantage renforcer le régime.

La crise à Alep s’est dramatiquement empirée depuis jeudi 22 septembre, lorsque les avions de guerre syrien et russe ont brusquement intensifié les bombardements de cette ville « divisée », après  l’échec de la trêve prévue dans l’accord russo-américain du 9 septembre. Ce qui a amené le Conseil de sécurité à se réunir, dimanche 25 septembre, à la demande de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, lesquels ont accusé la Russie de « crimes de guerre ». « C’est de la barbarie », a lancé Samantha Power, ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies. Le lundi 26 septembre, pour la quatrième fois consécutives, la Russie et son allié syrien ont repris les bombardements. Mais le Kremlin a estimé que ces accusations sont de «de nature à faire du tort à nos relations et au processus de règlement » du conflit syrien. Les populations civiles sont plongées dans une catastrophe : pas d’hôpitaux, pas de convois humanitaires, pas de centres médicaux. De fait, Alep est une ville stratégique, la plus grande du Nord près de la frontière turque. Pour Ziad Majed, politologue et professeur à l’Université américaine de Paris, interrogé par Le Monde, si le régime syrien récupère Alep, considérée avant par les rebelles comme le point de départ pour la libération du territoire, « cela sera une victoire symbolique très importante (…)Si Alep tombe, cela va montrer aux opposants qu’ils n’ont aucune protection et que les Russes et le régime peuvent tout faire, qu’il n’y a pas de ligne rouge. » Mais, l’autre but recherché par la Russie est de modifier le rapport de force sur le terrain, ce qui pourrait peser dans les négociations avec les Etats-Unis dont on dit qu’ils sont de plus en plus passifs et hésitants en Syrie, tout comme les Européens. Et l’on comprend sans mal qu’avec la situation à Alep s’éloigne une porte de sortie politique en Syrie.

 

Téhéran annonce la fin des raids russes en Syrie au départ de l’Iran

Un avion de chasse russe stationné sur le tarmac d’une base aérienne en Syrie. L’Iran a annoncé, lundi, l’arrêt des raids menés par la Russie en Syrie à partir d’une de ses bases. Le ministre iranien de la Défense avait d’ailleurs critiqué l’allié russe pour avoir communiqué sur cet événement.

La Russie a cessé d’utiliser une base aérienne iranienne pour mener des raids en Syrie, a annoncé, lundi 22 août, un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. « L’armée russe n’a aucune base en Iran et elle n’y stationne pas », a tenu à clarifier Bahram Qasemi, cité par l’agence de presse Tasnim.

Des bombardiers à long rayon d’action Tupolev-22M3 et des bombardiers tactiques Soukhoï-34 avaient décollé la semaine dernière de la base d’Hamadan , dans le nord-ouest de l’Iran, pour bombarder des positions de l’organisation État islamique (EI) et des jihadistes de l’ancien Front Al-Nosra à Alep, Idlib et Deir Ezzor en Syrie.

Ces raids faisaient partie d’une « mission précise et autorisée et elle est maintenant terminée. [Les Russes] ont mené ces raids et ils sont partis », a souligné de son côté le ministre de la Défense Hossein Dehghan dans une interview à la télévision iranienne Channel 2, diffusée dimanche soir.
Jamais depuis la révolution islamique de 1979, Téhéran n’avait autorisé une armée étrangère à utiliser son territoire pour mener des missions dans la région.
Des parlementaires iraniens avaient d’ailleurs protesté contre ce développement retentissant qui a mis en lumière le degré de coopération entre les deux puissances alliées du régime du président Bachar al-Assad. Selon eux, une telle autorisation allait à l’encontre de la Constitution de la République islamique.

Téhéran tance son allié russe

Si le gouvernement iranien a réfuté cet argument, dimanche, il a toutefois critiqué son allié russe pour avoir révélé l’utilisation d’une base aérienne iranienne en vue de mener des frappes en Syrie.
« Naturellement, les Russes veulent montrer qu’ils sont une superpuissance et un pays influent et qu’ils sont impliqués activement dans les questions de sécurité dans la région et le monde », a ajouté le ministre de la Défense. Mais derrière l’annonce des raids à partir d’une base en Iran, il y a une volonté « de se mettre en avant, sans égard » pour l’Iran, a-t-il jugé.
Téhéran reste discrète sur la portée de son aide militaire au régime alors que Moscou, qui dispose en Syrie d’une base aérienne, annonce régulièrement des raids aériens et parfois une implication au sol de ses soldats. »Nous avons collaboré et nous continuerons de collaborer avec la Syrie et la Russie », a expliqué le ministre iranien de la Défense, qui a laissé la porte ouverte à d’autres éventuelles missions similaires russes, en soulignant que cela dépendrait de « la situation dans la région » et nécessiterait « notre autorisation ».
« La Russie a décidé d’utiliser plus d’avions et d’augmenter le nombre de ses missions. Pour cela, elle avait besoin de faire le plein dans une région proche des opérations et c’est pour cela qu’elle a utilisé la base de Nojeh à Hamedan, mais nous ne leur avons certainement pas donné une base militaire », a-t-il clarifié.