Alexei Doulian : « Le rôle de l’armée malienne doit être renforcé et la Russie peut y contribuer »

Ils seraient plus de 6 millions à souhaiter une implication de la Fédération de Russie, partenaire de longue date du Mali, pour gérer la crise malienne. Son Excellence Alexei Doulian, Ambassadeur de la Fédération de Russie, s’est entretenu avec le Journal du Mali pour exposer son point de vue sur la situation malienne actuelle et expliquer les axes de la coopération russo-malienne.

Quelle analyse faites-vous du processus de paix et de la situation sécuritaire que traverse le Mali ?

La situation sécuritaire n’est pas très rassurante. Elle s’est dégradée depuis l’Accord de paix, mais ce n’est pas la faute de celui-ci, que nous soutenons, comme toute la communauté internationale. Mais, pour aller vers la paix, il faut que les parties soient de bonne foi. Ceux qui ont signé l’Accord, au lieu de se combattre, devraient unir leurs efforts et avancer. Ce n’est malheureusement pas ce que nous constatons, même aux réunions du Comité de suivi, où ils règlent leurs comptes, non seulement entre eux mais aussi au sein de certains mouvements, comme la CMA. Ça n’ajoute pas à l’efficacité de l’application de l’Accord. Mais il y a eu quand même certains progrès pour mettre en pratique les dispositions de l’Accord. Dès que l’on s’approche, à petits pas, de la paix, il y a une provocation, il y a un recul. Ce n’est pas ce que le Mali et ses partenaires attendent. Notre vœu le plus ardent est que la paix puisse revenir au Mali, martyrisé depuis des années. Nous soutenons le pouvoir central, car nous sommes conscients des difficultés auxquelles il doit faire face.

Nombre de Maliens réclament votre soutien dans la résolution de la crise et en particulier la reprise de Kidal. La Russie répondra-t-elle à l’appel ?

Nous ne sommes pas insensibles à cette campagne. D’ailleurs, nous y voyons un signe de l’amitié profonde enracinée dans les esprits des Maliens. C’est plaisant, surtout dans ces temps tumultueux ; avec toutes les calomnies proférées contre la Russie. Cependant, une action militaire directe de la Russie n’est pas envisageable. Nous nous sommes dès le début profondément engagés dans la résolution de la crise malienne, essentiellement sur le terrain politique. Il y a une partie que les Maliens eux-mêmes doivent faire. Le rôle de l’armée malienne doit être renforcé et la Russie peut y contribuer.

Qu’en est-il aujourd’hui de la coopération militaire entre la Russie et le Mali ? Sera-t-elle amenée à évoluer ?

Nous avons une coopération traditionnelle avec le Mali dans le domaine de la Défense et nous souhaitons étoffer davantage cette coopération. Il faut renforcer le renseignement, avec éventuellement des drones, du matériel sophistiqué pour avoir un rayon d’action beaucoup plus large, beaucoup plus efficace. Le service de renseignement doit être fort, efficace et bien armé. Il y a des formations à ce niveau et des échanges réguliers entre services de renseignements maliens et russes. Des contingents maliens sont formés en Russie dans la lutte antiterroriste, dans le combat pour de l’armée de terre, dans le pilotage des appareils qui ont été commandés. Nous faisons aussi de la formation pour les agents du maintien de l’ordre, la police, la gendarmerie, les services antistupéfiants, à travers des stages annuels. Vous verrez très bientôt les résultats de cette action bilatérale dans ce domaine assez sensible qu’important.

Dans la prochaine décennie, le Mali devra investir 2 milliards de dollars dans sa défense. La Russie est-elle en lice pour être l’un des partenaires principaux du Mali à ce niveau ?

Nous espérons l’être. De ce que je vois de notre action dans ce secteur, il est évident que nous sommes parmi les partenaires du Mali qui font partie de cette liste, écrite ou non. Nous sommes un partenaire de longue date, qui est à la base de l’équipement et de l’entraînement des troupes maliennes qui étaient à l’époque parmi les plus importantes dans la région.

Pourquoi la Russie était-elle opposée à un régime de sanction des Nations unies afin de punir ceux qui font obstruction à l’Accord de paix de 2015 ?

La Russie de manière générale juge que les sanctions en tant que telles sont un instrument inefficace. En Centrafrique, au Yémen, ça n’a pas donné les résultats escomptés. Cela risque d’antagoniser encore plus les acteurs. Au Mali, si l’une des parties, à son initiative, applique des sanctions sur une ou les autres parties, cela pourrait à la longue envenimer les choses. Mais nous prêtons toujours une oreille attentive à ce que nous disent à Bamako nos amis maliens. Ils ont souhaité que la résolution soit adoptée et nous avons suivi le mouvement. Il n’y a pas de difficulté. Cela ne nous pose pas de problème d’adopter ou pas un régime de sanctions, mais nous avons partagé nos doutes et nos craintes d’une manière générale avec nos amis maliens.

 

La ligne diplomatique de la Russie est d’aider les États à préserver leur souveraineté et à lutter contre la menace terroriste. Pensez-vous aussi que les problèmes africains doivent être résolus par les Africains et comment voyez-vous la mise en place de la force du G5 Sahel ?

Nous ne pouvons que féliciter les pays du Sahel de se réunir et de coordonner leurs actions en formant la force du G5 Sahel pour contrecarrer l’activité des terroristes extrémistes, qui sont très présents dans le Sahel, et pas seulement au Mali. Mais le Mali est un pays-clé de la région. Si le problème malien est résolu, cela présagera, en bonne partie, de la résolution du problème du Sahel dans son ensemble. Cette force pourrait être vraiment un bon instrument de lutte contre ce mal à l’échelle sous-régionale. La Russie a toujours été partisane de réunir les efforts le plus vite possible, et de la façon la plus profonde possible, pour coordonner les actions.

Coopération Russie-Mali : une aide militaire planifiée

La visite du vice ministre des affaires étrangères russes porte déjà ses fruits. A l’issue d`une séance de travail hier avec le chef de la diplomatie malienne, une promesse d’aide militaire au Mali a été planifiée.

C’est une nouvelle qui devrait réjouir des milliers de maliens qui depuis quelques semaines étaient nombreux à demander une implication russe dans la crise malienne. C’est désormais chose faite. « La Russie est disposée à livrer des armes au Mali pour lutter contre le terrorisme ». C’est en ces termes que Mikhaïl Bogdanov a répondu aux attentes du peuple malien.

Cette coopération tournera autour de la livraison d’armes et la formation de militaires maliens. « La Russie suit de près tous les évènements qui se passent au Mali. En tant que membre du Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie pense que les problèmes africains doivent être résolus par les africains » a toutefois nuancé le représentant spécial de Poutine pour le Moyen-Orient et l’Afrique.

Le ministre des affaires étrangères Abdoulaye Diop s’est félicité de ces accords. « Nous saluons le président russe et son gouvernement pour leur soutien constant au Mali. Ce n’est pas une surprise pour qui connaît l’histoire des deux pays », a-t-il ajouté.

Le ministre s’est également fendu d’une critique à peine voilée envers certains des partenaires actuels, « La Russie n’est pas de ces partenaires qui nous font des prescriptions sur ce que le gouvernement doit faire ou ne doit pas faire ».

C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre donc dans une coopération Mali-Russie déjà vieille de 55 ans.

Boubacar Sidiki Haidara

Serge Aurier : le geste qui passe mal

Depuis samedi, un geste fait le tour du monde à travers les réseaux sociaux et la presse, notamment française, le geste qui mime un égorgement, survenu après un but face au Mali dans le cadre de la 1ere journée des éliminatoires de la coupe du monde Russie 2018. De quoi plomber encore plus la réputation sulfureuse du joueur du Paris Saint-Germain, si ce n’est que pendant ce même match, un autre geste du latéral ivoirien, aura permis de sauver la vie d’un joueur malien.

https://youtu.be/nog8QPnzo5g

Du Côté d’Abidjan, ce geste d’égorgement est considéré comme un non-événement car traditionnel en Côte d’Ivoire. Alice Kodja est communicante, pour elle, « Ce geste signifie chez nous qu’on va gagner, aussi simple que cela ». Pour de nombreux Ivoiriens, cette polémique est sans fondement, car quand un sportif est heureux à la suite d’une prouesse, il y a un manque de lucidité et tout ce qui s’ensuit ne doit pas être autant interprété.

Pour Philippe Doucet, Journaliste sportif sur Canal +, « Tout ce que fait Serge Aurier est interprété. Il faut le laisser tranquille parce qu’il est comme il est », avant d’ajouter, « c’est un bon joueur, il n’est pas fade, mais malheureusement les médias français ne le laisseront plus tranquille. Ils risquent de le perdre parce qu’il finira par décider d’aller là où on le laisse tranquille », prévient le journaliste sportif. Aboubacry Ba, un autre journaliste du service des sports de Canal+, ne veut pas participer à une polémique stérile, « Chacun peut interpréter ce geste comme il veut mais moi je préfère retenir du match, le rôle de leader qu’il a joué. Il m’a avoué dans les tribunes, que les matchs avec les éléphants étaient devenus pour lui, un moment de respiration par rapport à ce battage médiatique autour de lui ».

Durant le match, le latéral droit du Paris Saint-Germain s’est aussi illustré d’une toute autre façon, en étant un des premiers à intervenir quand Moussa Doumbia, milieu des Aigles, a fait une crise d’épilepsie sur la pelouse du stade de Bouaké, comme le révèle Fousseni Diawara, coordinateur des équipes nationales maliennes, dans un entretien accordé à la presse, « Moussa Doumbia est tombé, il était en train d’avaler sa langue, Serge est arrivé dans les premiers pour l’aider […] plus tard à notre hôtel, il a pris des nouvelles de notre joueur », explique-t’il.

https://youtu.be/rdjcRsDk3HQ

Deux gestes donc, à l’image du joueur, qui font le buzz, alors que ces derniers mois Serge Aurier a plusieurs fois défrayé la chronique.

Les Maliens plébiscitent l’aide des militaires russes

La visite du vice-ministre des affaires étrangères russe au Mali suscite beaucoup despoir. Appelant de leurs vœux une intervention russe sur le territoire malien, le groupe des patriotes du Mali voit dans cette venue un tremplin vers la réalisation de leur souhait.

« Nous voulons remplacer les Français et autres par les Russes ». Le message de Tidiani Tangara, directeur de publication du journal le Dénonciateur est sans équivoque. Avec son collectif, le groupe de patriotes du Mali (GPM), il milite activement en faveur dune intervention de la Russie sur le sol malien.

Le 22 septembre dernier à loccasion de la fête dindépendance, un sit-in devant lambassade russe avait été organisé à cet effet. « Nous voulons que la Russie sintéresse au cas malien, en fournissant non seulement de la logistique, mais aussi et surtout en pesant de tout son poids au conseil de sécurité en faveur du Mali. Les forces sur le terrain notamment la France et la MINUSMA, ont montré leur incapacité » sinsurgeait-t-il. La manifestation aurait porté ses fruits, les dirigeants russes seraient réceptifs mais demanderaient que lÉtat malien fasse une demande officielle en vue dune coopération militaire. Interpellé sur la question en décembre 2015, le président Ibrahim Boubacar Keita se disait favorable à cette coopération. « Si elle [la Russie] décide d’envoyer des troupes au Mali, elles seraient les bienvenues », a-t-il affirmé au cours de l’émission ‘‘l’Invité’’ sur TV5 Monde. L’État avait même commencé à travailler dans le sens d’une aide militaire russe sur son territoire selon Tangara, mais par crainte que les relations avec ses partenaires actuels ne s’étiolent, il est devenu rétif. Toujours très critique, il pense que seule la voix de la rue pourrait faire fléchir le gouvernement. Un projet de marche serait en phase de préparation.

Une pétition a été lancée en faveur de la venue des Russes au Mali et elle a récoltée 2.413.313 signatures.

Boubacar Sidiki Haidara