Qui est l’imam Abdelbaki Es Satty, le cerveau présumé des attentats de Barcelone ?

L’imam Abdelbaki Es Satty, 42 ans, est soupçonné d’être «la tête pensante» des attentats qui ont secoué l’Espagne jeudi et vendredi derniers. Qui est-il? Quel rôle a-t-il joué dans la radicalisation des auteurs des attentats? Eléments de réponse.

L’imam marocain, Abdelbaki Es Satty, serait la clef de l’énigme que tentent de résoudre les services espagnols, depuis les attentats qui ont secoué le cœur de Barcelone et Cambrils jeudi et vendredi derniers. Tous les indicateurs semblent le confirmer. Le premier, et il n’est pas des moindres: l’imam a disparu des écrans radars depuis mardi 15 août, donc deux jours avant les attentats qui ont ensanglanté la Catalogne. Depuis, aucune nouvelle. Seulement une hypothèse: l’imam serait parmi les cinq jihadistes tués, ou en cavale. Deux perquisitions ont été effectuées au domicile de cet imam de Ripoll, localité catalane de 10.000 habitants d’où sont originaires plusieurs auteurs du double attentat: celui à la camionnette-bélier de jeudi à Barcelone dont le bilan est de 13 morts et de plus de 120 blessés, et celui de Cambrils, qui a fait un mort et six blessés, vendredi juste après minuit.

Qui est alors Abdelbaki Es Satty? Quel rôle a-t-il joué dans la radicalisation «très rapide» des «enfants d’immigrés marocains», par qui le malheur serait arrivé?

Les premiers indices recueillis par la police, et relayés par la presse espagnole, révèlent que l’imam, 42 ans, avait déjà eu des démêlées avec la justice. Il a été arrêté pour «trafic de drogue», en 2012, dans la région de Castille-et-León (communauté autonome d’Espagne située dans le nord-ouest du pays).

Vous avez bien lu: Abdelbaki Es Satty a été arrêté en 2012 pour trafic de drogue. Comment un trafiquant de drogue peut-il alors postuler pour la prédication, «l’imamat» pour être précis. La précision apportée par la police espagnole est de taille: «Abdelbaki Es Satty est imam depuis 2015 et il y a à peine deux mois». Que s’est-il alors passé pendant ces deux derniers mois ?

Juin 2017, précisément à la fin du mois sacré de ramadan, Abdelbaki Es Satty a effectué un voyage en Belgique. Sur les raisons de ce voyage dans le royaume de Belgique, aucune information. Une chose reste toutefois sûre: les services espagnols sont allés chercher des éléments de réponse dans les archives des attentats du 11 mars 2004, dans des trains de banlieue, à la gare d’Atocha en plein cœur de Madrid ou à proximité, faisant 191 morts. Voilà ce que cela donne: «le nom d’Abdelbaki Es Satty est cité dans l’une des opérations jihadistes menées en Espagne après les attentats du 11 mars». A l’époque, on parlait d’Al-Qaïda et non de «l’État islamique» qui n’a émergé qu’en 2014.

Toujours selon les services espagnols, Abdelbaki Es Satty était le colocataire d’un certain Mohamed Mrabet Fhasi, «un boucher de Vilanova i la Geltru» et néanmoins l’un des principaux accusés dans l’attentat de Madrid.

Abdelbaki Es Satty a-t-il renié Al-Qaïda pour prêter allégeance à l’organisation d’Abou bakr Al-Baghdadi (Daech)? Là, mystère. Les médias espagnols restent d’ailleurs prudents concernant cette piste, mais n’écartent pas «la probabilité» que l’imam ait «embrigadé» les auteurs des attentats des 17 et 18 août en Catalogne. Une probabilité que seule l’arrestation de Abdelbaki Es Satty, s’il est encore vivant, pourrait confirmer ou infirmer. D’ici là, l’énigme demeure.

Attentat à Barcelone, fusillade à Cambrils : ce que l’on sait

L’Espagne à son tour ensanglantée. Jeudi après-midi, Barcelone a été victime d’une attaque terroriste. Quelques heures plus tard, une fusillade éclatait à Cambrils. Le point sur la situation.

Cinq terroristes présumés ont été abattus lors d’une fusillade sur la route du front de mer à Cambrils, station balnéaire de la Costa Dorada à 110 kms au sud de Barcelone alors qu’ils tentaient de forcer un barrage de police.

Dans leur fuite, ils ont blessé sept personnes dont un policier. Une victime est dans un état critique Ils étaient armés et certains portaient des ceintures d’explosifs factices.

Selon les autorités les individus préparaient une deuxième attaque à Barcelone avant d’être abattus. Ce deuxième attentat est lié à celui de jeudi sur les Ramblas.

Le bilan à Barcelone : 13 morts, 26 Français blessés

Le bilan de l’attentat à la camionnette perpétré jeudi à 16h20 sur les Ramblas à Barcelone, s’établit à 13 morts, 15 blessés au pronostic vital engagé, 23 souffrant de graves blessures, 48 plus légèrement touchés.

Parmi les blessés issus de 18 pays dont 13 Européens, 26 sont de nationalité français. Onze sont dans un état grave, selon le ministère des affaires étrangères.

L’enquête : trois hommes ont été arrêtés

Deux individus ont été appréhendés jeudi et vendredi matin à Ripoll à 80 km au nord de Barcelone, au pied des Pyrénées dont un d’origine marocaine.

Un troisième de nationalité espagnole et résident de l’enclave de Melilla au Maroc a été arrêté jeudi à Alcanar, à 200 km au sud de la capitale catalane, où mercredi soir une explosion de gaz a détruit une maison faisait un mort et blessant six pompiers. Cet événement serait lié aux attaques. Les trois individus ne sont pas fichés comme liés à des groupes terroristes en Espagne.

Le conducteur serait toujours en fuite. Le lien avec une fusillade qui, une heure après l’attentat s’est produite sur un barrage de police dans les quartiers nord-ouest de Barcelone, n’est pas établi. L’homme qui tentait de forcer le barrage en voiture est décédé.

Les réactions : deuil, solidarité et riposte

Trois jours de deuil ont été décrétés en Espagne. À Barcelone, une minute de silence sera respectée à midi et un rassemblement est prévu place de Catalogne à 300 m du lieu du drame.

Tous les dirigeants européens, américains, asiatiques et le président russe Poutine ont témoigné de leur solidarité avec l’Espagne. Plusieurs voix s’élèvent néanmoins pour la constitution d’un renseignement européen sur le terrorisme et d’une force.

La revendication : Daech comme à Paris et Londres

Daech a revendiqué l’attentat indiquant dans le communiqué de son agence que l’Espagne était frappée parce qu’elle participait à la coalition contre les djihadistes en Syrie et en Irak. Revendication validée par les services américains.

L’armée espagnole intervient au Levant uniquement via un appui logistique de ravitaillement.

Le contexte : la Catalogne était très exposée

Les principaux foyers islamistes en Espagne se trouvent quasiment tous en Catalogne et gravitent autour de groupes salafistes.

Depuis 2012, trente opérations contre des commandos djihadistes ont été menées à Barcelone, 12 dans le reste de la Catalogne pour 77 arrestations. C’est trois fois plus qu’à Madrid, deux fois plus que dans tout le reste de l’Espagne continentale.

Les personnes arrêtées sont pour moitié d’origine marocaine ou des enclaves espagnoles au Maroc Ceuta et Melilla. Quelque 120 Espagnols, dont 55 de Melilla et 40 binationaux se trouveraient en Syrie et Irak dans les troupes de Daech.

 

 

Mossoul, les défis de l’après-guerre

Le 4 juillet 2014, Abu Bakr al-Baghdadi, chef de l’État Islamique, s’autoproclamait chef des musulmans depuis la mosquée Al-Nouri de Mossoul, capitale de son califat mondial. Un peu plus de trois ans plus tard, après 252 jours de combats intenses, le lundi 10 juillet, le Premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, annonçait la libération de la ville. Après une longue séquence de terreur et de guerre, la paix est le nouveau défi à relever.

 Les chiffres parlent d’eux-mêmes dans cette guerre. 3 351 132 Irakiens poussés sur les routes du pays par la violence des combats contre l’État Islamique (EI). Rien que pour Mossoul, plus de 800 000 personnes ont fui la ville d’environ 2 millions d’habitants depuis octobre 2016. Plus de 100 000 unités de combat, militaires irakiens, Peshmergas kurdes, membres de milices chiites et chrétiennes, ont lancé l’offensive, soutenues par des milliers d’attaques aériennes de la coalition internationale dirigée par les États-Unis. Plusieurs milliers de bâtiments, parfois centenaires, ont été détruits dans les bombardements et les explosions, faisant de Mossoul, la seconde ville d’Irak, une cité en ruine dont la reconstruction devrait coûter 50 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. La ville, enfin libérée de l’étau terroriste, va tenter de panser ses blessures et de se construire dans un avenir plus qu’incertain.

 Gagner la paix Les célébrations de la victoire sur les djihadistes risquent néanmoins d’être éphémères. Même si, comme l’a déclaré le Premier ministre Al-Abadi, les priorités de son gouvernement sont désormais la « stabilité et la reconstruction », des poches résiduelles de djihadistes comme celle de Tal Afar, à 70 km de Mossoul dans la province de Ninive, subsistent et demanderont du temps avant d’être annihilées.

La bataille contre l’EI en Irak n’est en fait pas terminée, les djihadistes contrôlant encore de vastes étendues du pays, notamment Kirkouk, la province riche en pétrole. Mais aussi parce qu’ils ont le temps pour eux et qu’ils attendent de se refinancer et de se réorganiser, pour, au moment idéal, revenir et reprendre le pouvoir, profitant de l’instabilité et des crises. Cette instabilité pourrait bien venir de la gouvernance future de la ville de Mossoul, vu le climat de rivalité qui oppose Chiites et Sunnites, ainsi qu’Arabes et Kurdes, qui souhaitent l’indépendance. Tous appartiennent à différentes fractions sectaires et souhaitent jouer leur partition. Les animosités contenues durant l’alliance de circonstance contre l’ennemi djihadiste pourraient éclater et menacer tout espoir de retour à la paix, constituant un nouveau terreau favorable aux recruteurs de Daesh. Si la guerre est terminée, reste maintenant un autre combat à livrer, tout aussi difficile, celui de la paix.

 

Gamou et Acharatoumane à Paris, pour renforcer le dispositif sécuritaire de Ménaka

Face à la recrudescence des attaques dans le Nord, et à la lenteur dans la mise en place de l’accord de paix, les différents mouvements armés de la région de Ménaka ont décidé d’unir leurs forces pour y apporter de la quiétude. Les protagonistes de cette initiative sont en France pour obtenir du soutien de la part des autorités française engagées militairement au Mali depuis 2013.

Le général Ag Gamou chef militaire du groupe d’auto-défense touareg Imghad (Gatia), Moussa Ag acharatoumane, chef du mouvement pour le salut de l’Azawad, l’ancien gouverneur de la région de Kidal aujourd’hui ambassadeur du Mali à Niamey et Abdoul Majid Ag Mohamed Ahmad dit Nasser, chef des Kel Ansar, sont actuellement à Paris pour rencontrer des responsables militaires et politiques afin de demander un plus grand soutien à leurs patrouilles mixtes hybrides. « Nous avons rencontré des agents de la Défense pour des échanges informels, mais aussi des membres des affaires étrangères et tous ceux qui suivent le dossier Mali » affirme Moussa Ag Acharatoumane, chef du MSA. La composition d’un nouveau gouvernement en France ne semble rien changer à la donne. « Il y a des personnes qui ne changent pas dans ces deux ministères et qui suivent toujours le dossier malien » assure Acharatoumane.

Depuis quelques semaines maintenant, les deux mouvements armés et les forces armées maliennes (FAMA) mènent des opérations pour sécuriser la zone de Ménaka et juguler les attaques récurrentes des djihadistes ou des bandits armés. Des mesures ont été prises pour réguler la circulation des véhicules et des engins à deux roues, parfois très utilisés par les malfaiteurs pour commettre leurs exactions. La toute nouvelle région est l’une des rares avec Tombouctou où les autorités intérimaires ont déjà commencé à travailler conformément aux missions qui leurs sont assignées. A deux mois, des élections régionales prévues en juillet 2017, l’aide extérieure ne serait pas de trop face à la menace toujours pressante des djihadistes. Et en particulier, Adnane Abou Walib, ancien membre d’Aqmi qui a depuis prêté allégeance à l’État Islamique, et qui menace de perturber le processus électoral et par extension l’accalmie qui règne à Ménaka.

 

Saint-Etienne-du-Rouvray, Ansbach, Munich, Nice, les loups sont lâchés

Mardi 26 juillet, deux assaillants prenaient en otage et égorgeaient un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray, petite ville française près de Rouen. Cette attaque, survient après celles de Munich et d’Ansbach en Allemagne et moins de deux semaines après celle de Nice, qui a fait 84 morts. Hormis l’augmentation notable de ces attaques, elles ont en commun l’action de « loups solitaires », indétectables et qui peuvent frapper n’importe quand.

C’est aux environs de 9h25, que les deux terroristes ont pénétré, par l’arrière, dans l’église où se déroulait l’office matinale. Armés de couteaux, ils ont retenu en otage le prêtre, Jacques Hamel, 86 ans, ainsi que deux sœurs et deux paroissiens, avant d’égorger froidement le prêtre et de blesser grièvement l’un des fidèles, actuellement entre la vie et la mort. La police et le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale (GIGN) se sont rapidement déployés sur les lieux. La Brigade de recherche et d’intervention (BRI) a lancé l’assaut, et peu après 10 h les deux preneurs d’otages étaient abattus.

Daech revendiquera l’attaque, quelques heures plus tard, via son organe de propagande, l’agence Amaq.

« Tuer un prêtre, c’est profaner la République, qui garantit la liberté de conscience. C’est semer l’effroi, car ce que veulent les terroristes, c’est nous diviser, nous séparer, nous déchirer, a déclaré, lors d’une allocution depuis le palais de l’Elysée, le président François Hollande, avant d’ajouter « « La menace terroriste n’a jamais été aussi grande en France comme en Europe, les lois seront appliquées avec la plus extrême fermeté ».

L’enquête, menée par la section antiterroriste est actuellement en cours, le procureur de la république de Paris, François Molins, récurent spécialiste des conférences de presse d’après attentats, mardi 26 juillet, a donné de plus amples détails sur l’attaque et l’un des auteurs : Adel Kermiche, 19 ans, qui était en libération conditionnel et placé sous bracelet électronique depuis le 22 mars dernier, au moment des faits. Il était « connu des services antiterroristes », et fiché « S » par les services intérieur français pour radicalisation, il avait tenté par deux fois de se rendre en Syrie pour participer au djihad. Quant au second terroriste, abattu par les forces d’intervention, « son identification formelle est toujours en cours », a indiqué François Molins.

Loup solitaire

Cette attaque qui survient peu de temps après celle Ansbach et Munich en Allemagne et celle de Nice, pose la question de ces attaques imprévisibles perpétrées par ceux que l’on appelle communément des « loups solitaires ». Ces personnes isolées, qui planifient leurs attaques seules ou en nombre restreint, et qui considèrent leurs objectifs comme des actions légitimes, saintes ou sacrées, et se radicalisent principalement sur le net et les réseaux sociaux, utilisé de manière intensive par les terroristes pour la formation et l’endoctrinement de leurs recrues.

Le web mondial, qu’aucun pays ne peut vraiment contrôler constitue un espace idéal d’échange, sur les tchats, messageries, forums, pour des gens dispersés sur toute la planète, leur permettant d’échapper à la police ou à la censure et de rester connecter aux flux mondiaux d’informations. Dans la revue islamiste Dar al Islam, diffusé sur Internet en mars 2016, les islamistes recommandaient de : « Toujours viser les endroits fréquentés, tel que les lieux touristiques, les grandes surfaces, les synagogues, les églises, les loges maçonniques, les permanences des partis politiques, les lieux de prêches des apostats ». C’est exactement ce qu’on fait les terroristes qui ont frappé à Munich, Ansbach, Nice et hier à Saint-Etienne-du-Rouvray.

La spontanéité et la violence des attaques de ces terroristes, visant à créer un effet psychologique, qui n’ont pas de liens directs avec des groupes radicaux et qui agissent en dehors de toutes structures de commandement, est difficilement prévisible et traçable pour les services de sécurité. Une lutte efficace contre cette forme de terrorisme nécessiterait un renforcement drastique des moyens de contrôle des communications parmi lesquels l’Internet, cet immense réseau de partage et d’échange, où ce mal se répand. Mais un tel contrôle induirait aussi une grave atteinte à la liberté de tout un chacun. Un dilemme complexe que les États et les populations de ces pays confrontés à ce mode de terrorisme devront de façon cruciale, trancher.