Adama Diongo : « ce n’est pas une trêve déjà décrétée mais une recommandation »

Dans la région de Bandiagara, les différents groupes armés pourraient observer une trêve de 3 mois à partir du 1er octobre prochain, à la demande des populations locales. Entretien avec Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations de jeunes du pays dogon.

Une trêve de 3 mois pourrait être observée dans la région à partir du 1er octobre prochain. Qu’en est-il exactement ?

Nous l’avons appris dans les recommandations d’une rencontre qui s’est tenue à Bandiagara entre les populations elles-mêmes. Ce n’est pas une trêve qui a été déjà décrétée, mais c’est une recommandation des populations. Elles ont demandé aux différents groupes armés qui sont dans la zone, que ce soit les chasseurs ou les terroristes, que chacun observe une trêve de 3 mois. Certains pensent que les groupes armés se sont assis, ont négocié et signé un accord, mais ce n’est pas le cas. Ce sont les légitimités traditionnelles, accompagnées de toutes les autres forces vives, qui ont tenu une rencontre et qui ont fait une doléance.

Cela ne signifie donc pas qu’il n’y aura plus d’incidents sécuritaires pendant les 3 prochains mois…

Non, en rien. Lors de la rencontre, Da Na Ambassagou était dans la salle et ils ont reçu le message de façon directe. Au niveau des groupes terroristes, personne n’était représenté. La question s’est posée sur la façon de leur transmettre cette doléance. Il a été recommandé de trouver des émissaires et d’aller les rencontrer pour leur expliquer la volonté des populations de les voir s’inscrire dans ce cessez-le-feu.

Parmi les recommandations, il y a également l’accélération du processus du DDR en faveur des groupes d’auto-défense. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est toujours le manque d’assurance qu’ils ne seront pas attaqués qui fait que les chasseurs n’ont pas adhéré au processus. Aller vers le DDR signifie mobiliser ses combattants, les cantonner et les mettre à la disposition d’une commission qui va les désarmer et les mettre dans un processus de récupération. Ce qui veut dire qu’ils seront immobilisés. Entre temps,  si leurs villages sont attaqués, comment pourront-ils se défendre ? C’est cette question qui les amène à ne pas adhérer au processus. Je pense que plus la sécurité sera de retour, plus les groupes d’auto-défense seront favorables au processus de DDR. Je crois que tout dépendra du degré de stabilisation de la zone.

Comment décririez-vous la situation sécuritaire actuelle dans la région de Bandiagara ?

C’est le statu quo. Les gens sont dans l’expectative. La population est toujours apeurée, même si ces derniers temps il y a eu des démarches pour relancer un peu les initiatives de stabilisation. Mais la confiance n’est pas encore revenue.

3 questions à : Abdoul Kader Cissoko, chef de Cabinet à la CNDDR

Quel bilan tirez-vous du processus DDR ?

Nous avons procédé à un travail de recensement qui nous a donné près de 74 000 ex combattants. Sur ce chiffre nous avons fait un tri pour déterminer ceux qui étaient éligibles au désarmement pour enfin trouver un nombre de 30 000 personnes qui répondent plus ou moins aux critères. Cette opération n’a pas à proprement débuté. Nous avons pu désarmer les éléments des trois  MOC de Tombouctou, Gao et Kidal, soit un effectif de 1 840 personnes qui est l’embryon de la nouvelle armée reconstituée.

Où en sommes-nous avec le « grand » DDR ?

Lors du sommet de Pau, les chefs d’État ont demandé au Mali d’élever les 1 840 éléments du MOC à 3 000. Nous sommes dans les dispositions pour  faire cela. C’est après que nous allons commencer le grand DDR, le screening  des 30 000 personnes qui répondent aux critères afin de voir quels éléments intégreront l’armée mais aussi les corps constitués de l’État. Nous sommes dans des discussions de quotas. Le gouvernement avec les mouvements armés n’ont pas pu jusqu’à présent harmonisé leurs points de vue mais c’est en cours.

Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Les mouvements n’ont pas la même approche que le gouvernement. Ils pensent qu’ils ne peuvent pas se désarmer tant que les problèmes institutionnels et politiques ne sont pas gérés, alors que le gouvernement voudrait qu’on procède rapidement au désarmement. Il y a un chronogramme établi par le ministère de la Réconciliation qui fixe en principe le début du grand DDR à mars. Mais il y a plusieurs préalables qu’il faut gérer.

Conflits armés : La difficile réinsertion des enfants ex combattants

Les enfants enrôlés par les groupes armés lors des conflits connaissent des parcours difficiles, qui, dans les cas les plus heureux, aboutissent à une réinsertion familiale après différentes étapes, dont les centres dédiés à leur prise en charge. Focus sur un processus délicat, dont les résultats ne sont pas toujours ceux escomptés.

Il existe un protocole d’accord entre le gouvernement du Mali et les institutions des Nations unies concernant les transferts des enfants. Ceux qui sont capturés par les forces nationales ou étrangères sont remis à la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille  ou à la Direction régionale de la zone de capture.

Ensuite, ils sont placés dans un centre où ils sont pris en charge, en travaillant dans un premier temps sur leur état de santé mentale et psychologique. « Parmi les enfants qui arrivent, il y en a qui sont blessés et d’autres traumatisés. Donc, tout d’abord, le centre évalue leur état de santé et assure leur prise en charge en fonction des problèmes constatés », indique Harouna Samaké, chef de division à la Direction nationale de la promotion de l’enfant et de la famille. Mais des services externes peuvent intervenir, en cas de problème mental grave, de blessures ou d’opérations chirurgicales.

Réunification familiale

Une fois l’enfant  guéri mentalement, les psychologues établissent un rapport qui atteste qu’il peut être transféré vers un autre centre, ce qui aboutira à terme à la réunification de la famille.

Une étape qui se déroule sous la houlette du CICR, qui, en fonction des premières informations données par l’enfant et des documents qui l’accompagnent, déclenche le processus de recherche familiale. « Quand les parents sont connus, à travers leur localisation et si la zone est accessible, l’enfant leur est remis, tout en s’assurant qu’il n’y a pas de problèmes de sécurité dans la localité », explique M. Samaké.

Moyens limités de suivi

Après la réunification familiale, une mission de suivi est mise en place. Les agents du CICR doivent passer deux ou trois fois dans les premiers mois après avoir remis l’enfant à ses parents pour s’assurer que tout va bien et que ce dernier n’a pas d’autres problèmes.

Mais, dans certains cas, les enfants récidivent parce que ne bénéficiant pas d’assez de mesures de réinsertion. « L’une de nos principales difficultés est que nous sommes limités au niveau de la création de projets pour rendre les enfants autonomes après leur réinsertion, parce que souvent nous n’avons pas les moyens pour faire face à tout cela. Dans ces conditions, plusieurs sont tentés par un retour dans les groupes armés », déplore Harouna Samaké.

Accord pour la paix : Une nouvelle feuille de route

Le 17 juin, le Comité de Suivi de l’Accord (CSA) a tenu, à l’invitation du ministre algérien des Affaires étrangères, sa 3ème session consultative de haut niveau. Après une évaluation de la feuille de route du 22 mars 2018, les participants ont convenu d’une feuille révisée. Avec quelles incidences ?

Ils étaient tous présents : membres des mouvements signataires, gouvernement, chef de la MINUSMA, et le ministre algérien des Affaires étrangères de l’Algérie, chef de file de la médiation, et ses homologues du Niger et du Burkina Faso, le 17 juin dernier à Bamako. Des ambassadeurs accrédités, le directeur Afrique du Quai d’Orsay et d’autres personnalités impliquées dans la mise en œuvre de l’Accord ont pris également part à cette réunion. « Ce CSA s’est tenu à un moment crucial dans l’agenda de mise en œuvre de l’Accord et ce rendez-vous était important, parce que tous les partenaires et toutes les parties avaient ces derniers mois décidé d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord, vu la détérioration de l’aspect sécuritaire au nord mais aussi au centre du pays », a justifié le nouveau porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mossa Ag Attaher.

Pour avancer sur les axes prioritaires, dont certains issus de la feuille de route du 22 mars 2018, les parties ont élaboré une feuille révisée à mettre en œuvre d’ici fin 2019. Elle met l’accent, selon le porte-parole de la CMA, sur « la finalisation du DDR, l’envoi en formation des éléments du MOC qui ont fini le DDR et la mise en route rapide de la Zone de développement des régions du Nord, et invite toutes les parties à œuvrer pour que le dialogue inclusif ait lieu et que les éléments de l’Accord qui nécessitent clarification ou interaction entre les parties et les acteurs sont vus afin d’intégrer ce qui doit l’être dans la Constitution en révision ».

Le nouvel élan affiché ne convainc pas Boubacar Bocoum, analyste politique et spécialiste de la communication institutionnelle. « Je ne pense pas qu’il accélère grand-chose, parce que les aspects évoqués dépendent des moyens financiers promis par les bailleurs. L’État n’est pas entré en possession de ces montants et s’il n’y a pas d’argent les discours sont inutiles ». « Il s’agit d’une feuille de plus, qu’on ne pourra pas appliquer. Ils sont dans leur rôle, sauf que pendant ce temps la crise perdure ».

Mandat de la MINUSMA : Des changements en vue ?

Le renouvellement du mandat de  la  Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) était au centre des discussions  du Conseil de sécurité de l’ONU, le  29 mars à New-York. Présente au Mali depuis 2013, la mission est souvent critiquée, face à une situation qui empire de plus en plus, et son utilité fait débat dans le pays. Son éventuel renouvellement sera discuté en juin.

« La présence de la MINUSMA là où je suis, à Douentza, est inutile. On avait eu des menaces ici mais elle n’est jamais intervenue. Ils nous disent que ce n’est pas à eux de prendre des gens ou de lutter contre les bandits », témoigne Hamadoun Dicko, un habitant de Douentza.  « Nous voyons juste qu’ils sont là pour percevoir leur salaire et faire des achats, ce qui ne fait pas notre affaire », précise-t-il. Pourtant, le mandat de la mission est d’aider à la stabilisation du Mali tout en protégeant les civils des violences. Le 23 mars, plus de 160 personnes ont été massacrées dans le village d’Ogossagou. C’est dans ce contexte que le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à New-York, le 29 mars, sur la situation au Mali et les perspectives du renouvellement du mandat de la mission.

Si le rapport  du secrétaire général de l’ONU en date du 5 mars notait certains progrès dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment le DDR et la tenue de l’élection présidentielle, des axes majeurs, comme la réforme constitutionnelle ou le redéploiement de l’armée reconstituée accusent du retard. « Nous avons été déçus qu’il ne fournisse pas d’évaluation claire de l’absence de progrès significatifs sur tous les points restants.  Cette lacune contraste avec le rapport de l’Observateur indépendant, qui reconnaissait les progrès préliminaires mais tirait la sonnette d’alarme sur le manque de volonté politique pour mettre en œuvre l’Accord », a déclaré M. David Hale, Sous-secrétaire d’État aux affaires politiques des États-Unis, ajoutant attendre de « voir progresser les mesures en suspens avant que le Conseil de sécurité ne négocie la prorogation du mandat de la MINUSMA en juin », avertit-il. Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, « le constat d’échec est là. On avait pensé que la MINUSMA allait réduire les problèmes, mais plus elle dure, plus les attaques et les massacres augmentent », souligne-t-il. Pour le Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maiga, « une réduction des moyens ou des missions de la MINUSMA aura donc des conséquences extrêmement négatives sur la situation économique, qui aboutira au final au renforcement des groupes terroristes et à une nouvelle dégradation de la situation ».

Attaque de Dioura : Changement de cap pour les FAMa ?

Le 17 mars 2019, le camp militaire de Dioura était attaqué, faisant plusieurs victimes. Au-delà de l’identité de ses commanditaires, cette attaque soulève des interrogations quant à la stratégie de lutte anti-terroriste de l’armée malienne et au renforcement des moyens de riposte efficace face à la menace djihadiste.

Des dizaines d’hommes armés, venus à moto et en voiture, avaient pris d’assaut le camp militaire de Dioura et il aura fallu à l’armée malienne plusieurs heures de combat et des renforts terrestres et aériens pour reprendre le contrôle de la base. Bilan, 26 morts, 17 blessés, des véhicules militaires brûlés et d’autres emportés. Imputée selon une source militaire à l’ancien officier déserteur de l’armée malienne Ba Ag Moussa, l’attaque a été plus tard revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, dans un communiqué diffusé par l’agence mauritanienne Al-Akhbar le 22 mars.

Réintégration remise en cause ?

Selon le colonel-major Ahmed Ould Sidi, officier d’artillerie et conseiller technique au ministère de la Sécurité et de la protection civile, même si l’ex colonel Ba Ag Moussa, déserteur de l’armée, est derrière l’attaque de Dioura, cela ne remettra pas en cause le processus de réintégration des militaires déserteurs de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

« Les éléments  intégrés au sein des FAMa ne se reprochent rien. Ceux qui se reprochent des choses et sont mêlés à des dossiers qui peuvent faire l’objet de poursuites en justice sont restés dans leurs bases arrière », souligne ce membre de la Commission nationale DDR.

À l’en croire, plusieurs paramètres ont rendu cette attaque possible. « Le premier est que les FAMa sont sur la défensive et cela ne répond pas de manière tactique à la situation sécuritaire du terrain», analyse t-il. « L’armée est déficitaire en termes de communication et surtout de renseignement. Face à ce type de situation, elle devrait disposer de capacités qui, malheureusement, ne sont pas opérationnelles aujourd’hui, notamment les experts aériens et les forces spéciales », poursuit l’officier.

Pour restaurer la sécurité sur toute l’étendue du territoire national, les mesures déjà pour la plupart en exécution doivent être renforcées.  « Nous mettons en œuvre tout ce qui doit être fait pour parvenir à sécuriser les Maliens et les installations de l’armée. Aujourd’hui, il faut aussi procéder à une sensibilisation citoyenne en termes sécuritaire. Car c’est de sécurité citoyenne qu’il est question », relève le colonel Diarran Koné de la Dirpa.

Accord pour la paix: Le Conseil de sécurité de l’ONU veut insuffler un nouveau souffle

Faire le point sur l’état de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, ainsi que sur celui de l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel, telle était la mission du Conseil de sécurité de l’ONU en visite au Mali en cette fin de semaine. Lors d’une conférence de presse tenue samedi 23 mars 2019 à l’hôtel Sheraton de Bamako, les membres de la délégation, accompagnés du représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies au mali, ont rendu public les différentes démarches et actions menées avec l’ensemble des acteurs maliens au cours de leur visite.

Cette visite du Conseil de sécurité des Nations Unies au Mali, la quatrième dans le pays depuis 2013, s’inscrit dans un contexte particulier. Elle a été conduite par les ambassadeurs de France, d’Allemagne et de Côte d’ivoire à l’ONU et intervient 6 mois après les élections présidentielles dans le pays et trois mois avant le renouvellement du mandat de la Minusma en juin prochain. Quelques jours d’une réunion ministérielle importante du conseil de sécurité qui se tiendra le 29 mars à New York, occasion de prendre des décisions importantes sur l’avenir de l’accompagnement international du  processus de paix malien et sur le futur de la Minusma.

Accord, prioritaire                     

La délégation a rencontré l’ensemble des acteurs du processus de paix et de réconciliation, notamment le Président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement, les partis politiques de l’opposition ainsi que la société civile à travers diverses associations dont, entre autres, celles des femmes.

Une réunion associant les membres du gouvernement aux côtés de ceux de la coordination, de la plateforme et des partis non concernés, s’est également tenue avec le comité de suivi de l’Accord, en plus de différentes rencontres avec les missions sécuritaires présentes au Mali et au Sahel.

Avec pour  message principal, la nécessité de donner un nouvel élan à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation et d’en accélérer les différents volets, la visite a permis à la délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies de dresser un état des lieux du processus de paix et de réconciliation au Mali.

« Nous avons salué les progrès importants qui ont été réalisés depuis le renouvellement du mandat de la Minusma en juin dernier, notamment la tenue des élections dans des conditions pacifiques, la poursuite du processus de décentralisation, le lancement d’un processus de DDR ou encore l’adoption d’un décret sur les critères d’intégration », a indiqué François Delattre, ambassadeur de France à l’ONU.

En revanche, le Conseil  a exprimé son regret  concernant plusieurs mesures prioritaires identifiées par la résolution 2423 (2018) qui n’ont pu être mises en œuvre avant l’échéance de mars. Il s’agit  notamment de  l’intégration effective de 1000 combattants au sein des FAMa, de l’opérationnalisation des autorités intérimaires et de l’établissement d’une zone de développement spécifique pour le Mali.

Les membres du Conseil ont par ailleurs marqué les attentes fortes de la communauté internationale près de 4 ans après la signature de l’Accord d’Alger.

Pour le conseil de sécurité des Nations Unies, il existe aujourd’hui un besoin de priorisation pour la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord. Aussi, les principaux points sur lesquels des avancées sont attendues de manière urgente sont surtout le processus de révision constitutionnelle après la tenue des consultations indispensables et la définition d’un plan global assorti d’une échéance précise pour le redéploiement des FAMa, reconstitués au nord du Mali.

Une  réunion du CSA a en outre permis  au conseil de proposer aux acteurs maliens, la présentation dès que possible d’une nouvelle feuille de route « réaliste, contraignante et centrée sur un nombre de priorités limitées ».

Réadapter la force du G5 Sahel

Concernant l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel, la délégation du Conseil de sécurité a eu  un échange « de très grande qualité » avec le commandant de la force du G5 Sahel, le secrétaire permanent ainsi que les ministres des Affaires Etrangères du Mali et du Burkina Faso. Elle a salué la relance récente des opérations de la force ainsi que le progrès réalisé dans la mise en place du cadre de conformité en matière de droit de l’homme.

« Le conseil de sécurité a renouvelé son intention de rediscuter du soutien international à la force une fois que celle-ci  sera pleinement opérationnelle et que les premiers résultats seraient obtenus, ce qui est le cas aujourd’hui », a précisé François Delattre.

Sur la base des indications qui ont été formulées par le commandant de la force du G5 sahel et le représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies au Mali, le Conseil de sécurité assure examiner avec l’ensemble des membres l’accord technique existant, pour le rendre plus adapté aux besoins du terrain.

Mais, comme l’a relevé Christoph Heusgen, Ambassadeur d’Allemagne à l’ONU, « Le Mali est confronté à un défi extraordinaire et face à cela, la seule réponse militaire ne suffit pas. Il faut un contrat social élargi à toutes les composantes de la société malienne ».

« Nous avons noté les attentes que le peuple malien, dans sa grande diversité a, vis-à-vis du Conseil de sécurité et nous repartons à New York, enrichis de tout ce que nous avons vu et entendu.  L’objectif était  d’être sur le terrain, toucher du doigt les réalités et voir ensemble avec toutes les parties engagées ce qui peut être fait », a conclut Kacou Houadja Léon Adom, Ambassadeur de Côte d’ivoire à l’ONU.

Mahmoud Ould Mohamed : « Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance»

La cérémonie du lancement officiel du programme DRR des ex-combattants des groupes armés présents dans le MOC de Kidal, Gao et Tombouctou a eu lieu le 6 novembre à Gao.  L’enregistrement des 1 600 premiers d’entre eux s’est tenu le lendemain. Mais les intéressés demandent des garanties sur certains points avant de s’engager dans un processus qui pourrait leur être fatal. Le porte-parole de la CMA, Mahmoud Ould Mohamed, présent lors du lancement, explique ses réserves.

Qu’est-ce qui explique les réticences des combattants à s’engager dans le processus ?

Ce sont des incompréhensions et un manque de communication. Depuis qu’on a déclenché le système de DDR accéléré, la  commission technique de sécurité (CTS) qui gère le MOC  n’avait pas fait de feedback aux intéressés par rapport aux questions qu’ils soulevaient, notamment sur les grades et les statuts de ceux qui sont morts ou blessés au cours des différents attentats. Ils attendent plus de réponses et d’éclaircissements que des questions de revendications. La commission DDR a péché sur ce plan pour n’avoir pas procédé à ces genres de flux d’information et de communications avec les intéressés. Au niveau de la CMA nous portons ces revendications à un niveau plus élevé, ce ne doit pas constituer un blocage pour nous.

Avez-vous la même compréhension du DDR que les autres parties ?

Nous avons la même vision que le gouvernement et la Plateforme. Le problème c’est beaucoup plus la commission DDR elle-même qui est un peu confuse, parce que son plan de travail n’est pas très clair. Elle pense que ce sont seulement des étapes pendant qu’il y a un travail de communication et d’appropriation qu’il faudrait faire avec les acteurs sur le terrain. C’est ce qui a péché.

En quoi le processus pourrait contribuer à la sécurité dans ces régions ?

C’est pour cela qu’on l’a appelé DDR accéléré, pour essayer de mettre en marche l’armée reconstituée qui commence avec le noyau du MOC. Ils vont faire les mêmes missions dévolues au MOC auparavant, que sont la sécurisation des institutions et les patrouilles mixtes. Ils vont rentrer dans le processus et être redéployé immédiatement. C’est le noyau de l’armée reconstituée.

Est-ce que l’objectif à terme d’un désarmement des groupes armés est atteignable ?

Une fois que le processus se met en place sur le plan politique et sécuritaire il n’y a aucun problème. Le désarmement n’a jamais été un blocage. Mais il a toujours été sur les avancées politiques. Ce DDR accéléré est un premier processus de mise en confiance entre les acteurs. S’il marche, désarmer devient une question banale.

Dr. Anasser Ag Rhissa: « L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix »

Pour accélérer la mise en œuvre intégrale et inclusive de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, les Nations unies et le Gouvernement du Mali ont signé, le lundi 15 octobre 2018 à Bamako, le pacte pour la paix. Anasser Ag Rhissa, expert TIC, Gouvernance et Sécurité, répond à nos questions sur les contours de ce pacte qui doit  booster le processus.

 

La signature du pacte pour la paix marque-t-elle un tournant ?

Cette signature du pacte pour la paix entre les parties prenantes à l’Accord pour la paix et la réconciliation est un tournant décisif et une stratégie pour garantir l’engagement des acteurs concernés pour une mise en œuvre diligente, intégrale et inclusive de cet accord.

En quoi ce pacte pourra-t-il accélérer sa mise en œuvre ?

En fixant une vision et un objectif précis pour les acteurs concernés, assortis d’un chronogramme, de critères de suivi-évaluation pour valider sans complaisance le bon déroulement de la mise en œuvre de l’accord de paix. En appliquant aussi des sanctions, après des enquêtes sérieuses, si une partie prenante empêche le bon déroulement de cet accord.

En cas de divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Pourquoi l’autorité de la médiation et comment pourrait-elle être accueillie par les parties signataires ?

La nécessité d’un leadership global, indépendant des parties signataires, sur le suivi de l’accord de paix explique cette autorité de la médiation. Elle serait bien accueillie par les autres parties signataires en cas d’indépendance de ce leadership et d’une bonne gouvernance, sans complaisance du suivi de cet accord de paix et des engagements pris par les acteurs.

« A terme, l’ensemble des mouvements et groupes armés est appelé à disparaitre pour laisser place à une armée reconstituée,  fondée sur la diversité et les valeurs républicaines ». Cet engagement est-il tenable ?

Cet engagement est tenable, de façon graduelle, au fur et à mesure que les différents MOC (Mécanismes opérationnels de coordination) s’installeront dans les régions du nord du Mali et au centre ainsi et que se déploiera le DDR (Démobilisation, désarmement et réinsertion) qui doit alimenter ces MOC. Tout se fera de façon progressive.

Ce pacte pour la paix implique-t-il d’autres acteurs en dehors de l’Accord ?

L’inclusivité est l’élément clé de ce pacte pour la paix. De ce fait, des acteurs maliens en dehors de l’accord de paix tels que certains membres de la CME (Coordination des mouvements de l’Entente), les milices au centre du pays et la société civile devront être intégrés dans ce pacte pour la paix. Déjà, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga a promis l’intégration de cent membres de l’association Dan Amassagou dans ce pacte pour la paix.

 

Zahabi Ould Sidy Mohamed : « Le DDR ne restera pas éternellement ouvert »

La date limite pour l’application effective du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion est prévue pour ce 15 octobre. Longtemps une arlésienne, le DDR semble désormais en passe d’enclencher la vitesse supérieure. Le président de la commission nationale de désarmement, démobilisation, et réinsertion (CNDDR) Zahabi Ould Sidy Mohamed revient pour nous dans cette longue interview sur les différents aspects du processus.

Quelles sont les avancées enregistrées depuis la mise en place du DDR ?

Le processus de désarmement, de cantonnement fait partie des mandats de la commission nationale désarmement, qui a été mise en place au dernier trimestre 2017. C’est une structure qui est prévue par l’accord de paix et qui est composée de commissions mixtes dans lesquelles on retrouve les parties signataires, c’est-à-dire essentiellement le gouvernement, la CMA et la Plateforme. Plus tard, pour des questions d’inclusivité, les commissions verront leurs effectifs augmenter, parce que les mouvements au cours du processus se sont éclatés en sous-groupes à cause de divergences. Nous avons toutes les structures qui sont déjà mises en place et ce au niveau national et régional. Les différentes antennes sont opérationnelles. Le travail de la commission se divise principalement en trois étapes. La première qui est la mise en place des structures est déjà terminée. La deuxième est celle de l’enregistrement des combattants. Il était convenu que les mouvements donnent la liste de leurs combattants quatre mois après la signature de l’accord, malheureusement ceci a pris du retard pour diverses raisons. Si je devais faire un bilan d’étape, les structures sont en place, le personnel est formé et nous en avons presque fini avec le processus d’enregistrement. Nous avons plus de 32 000 combattants enregistrés, certains avec leurs armes et d’autres avec des munitions. Nous avons une date butoir qui est le 15 octobre afin que les derniers registres nous parviennent. Vous avez des retardataires, des indécis.

Et pour ceux qui n’auraient pas transmis les listes avant cette date ?

Les mouvements ont une réserve sur la date. Ils nous disent que d’autres de leurs combattants doivent arriver bientôt. Mais, il nous faut des repères. Si après le 15, d’autres se présentent cela fera l’objet d’une discussion au niveau du comité de suivi de l’accord (CSA) qui l’acceptera ou le refusera. Le DDR ne restera pas éternellement ouvert, parce que nous n’en finirons pas.

Le processus a connu du retard. A quoi cela était-il dû ?

Le DDR ne se déroule pas de manière isolée. Il est lié au processus politique. L’accord prévoit plusieurs volets : politico-institutionnel, sécurité-défense, développement et le volet humanitaire. Ces quatre volets sont souvent liés, et dans les négociations, les parties ne veulent pas lâcher du lest sur un aspect avant de connaitre les progrès liés aux autres aspects. Les combattants se disent également que s’ils donnent leurs armes, ils n’auront plus de moyen de pression. Sans compter qu’ils avancent en avoir besoin pour se sécuriser dans des zones hostiles, puisqu’AQMI et les autres groupes djihadistes sont contre le processus. Vous avez aussi une révision de la constitution qui s’impose pour mettre en place un sénat. Des autorités intérimaires qui ne progressent pas beaucoup, tout ceci est un package qui fait que les choses trainaient.

Quelles sont les conditions d’éligibilité pour les combattants ?

Pour un programme DDR, il est très important d’avoir une banque de données. Cette dernière servira de document de référence pour tous les autres volets. Nous avons les critères d’intégration sur lesquelles les parties sont d’accords. Ils le sont aussi sur le mode opératoire des cantonnements. Il reste à déterminer le quota de ce que la fonction publique ou les services de l’Etat peuvent absorber. Tout ce monde ne saurait être intégré. Il y a des débuts de discussion entre les mouvements et le gouvernement sur la question. Elles ne sont pas encore finalisées, mais nous espérons qu’elles le seront très vite. Une fois que nous serons fixés, nous commencerons le screening. C’est-à-dire tous les combattants qui se sont pas enregistrés passeront par le processus DDR qui se chargera d’abord de les identifier. Le processus n’est que pour les nationaux. Les étrangers ne sont pas concernés. Ensuite, nous ferons un test militaire pour savoir si réellement c’est un combattant ou un civil en arme. Par la suite, il y aura un test de santé sur les standards de recrutement dans l’armée nationale. Nous avons aussi le critère de l’âge, le recrutement concerne ceux qui ont de 18 à 35 ans. Au delà, ils ne seront pas éligibles à l’intégration y compris pour ceux qui iront à la fonction publique. Nous l’avons fixé en conformité avec la législation malienne. Passé un certain âge, vous êtes admis à la retraite. Et si tu es recruté à 40 ans, il y a des risques que tu ne puisses pas bénéficier de pension complète à la fin de ta carrière.

Quid de ceux qui ne seront pas intégrés ?

Tous ceux qui ne pourront pas être intégrés seront redirigés vers la réinsertion socio-économique. Elle est composée de trois catégories. La première est pour ceux qui optent pour l’apprentissage des petits métiers. Une fois la formation finie, nous leur donnons des kits d’installation. Pour cela, nous avons des partenaires, un programme de soutien de la Banque mondiale pour lequel nous avons déjà eu un premier financement destiné à 4000 combattants. Le deuxième est celui de la réinsertion communautaire. Le conflit a impacté les communautés. Les armes ne sont pas seulement détenues par les combattants. Des communautés aussi en ont pour l’auto-défense. Nous avons une approche que nous appelons arme contre développement. Puisqu’ils ont mis de l’argent dans ces armes, en contrepartie pour les récupérer, nous leur proposons de réaliser des projets d’intérêt communautaire. Nous ne voulons pas acheter les armes. L’expérience a montré que dans d’autres pays où le cash était utilisé, cela créait un trafic d’armes énorme. Nous avons une troisième catégorie : les projets pilotes de réinsertion. C’est destiné à des personnes qui peuvent créer des emplois.

Les sites de cantonnement sont-ils prêts?

Il y a dix sites de cantonnement, les mouvements en ont demandé 22. Mais, nous ne pouvons pas attendre. Si nous le faisons, nous en aurons pour dix ans. Ce qui est déjà fait, nous allons les utiliser. La MINUSMA en a construit huit, et le gouvernement en a ajouté deux. Nous allons procéder à des aménagements additionnels dans certains endroits. Il n’en faut pas beaucoup pour faire un site de cantonnement. Une tente, un forage deux conteneurs pour stocker des armes et le compte y est, on ne fait pas des cinq étoiles.

Les conditions sécuritaires sont-elles réunies ?

Nous n’avons pas la sécurité à 100%. Nous comptons justement sur le cantonnement pour améliorer la sécurité. Il y a des risques et nous prenons des mesures afin d’y faire face. Nous comptons commencer le processus de DDR avec les éléments du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). Nous débuterons le 5 novembre.

Comment va se faire l’intégration des combattants de la milice Dana Ambassagou annoncée en début de mois ?

C’est un programme spécial, certes une approche similaire mais c’est un peu différent. Le regroupement se fera dans trois endroits : Tenenkou déjà construit, Douentza où il y’a des structures que nous pouvons utiliser et Koro. C’est là où se concentrent les groupes d’auto-défense. Nous ferons un screening là-bas aussi sauf qu’à ce niveau nous aurons du travail à faire en matière des droits de l’Homme. Il y’a eu beaucoup d’évènements là-bas et cela demande des dispositions spéciales. Ce sera comme ce que nous avons fait au nord, où nous avions des guichets de droits de l’Homme qui nous permettait de filtrer afin que les auteurs de graves violations n’intègrent pas les forces de l’ordre.

Comment mesurez-vous l’importance du DDR pour le processus de paix ?

Le DDR est le cœur de l’accord de paix. Tous les Maliens attendent que l’accord apporte la paix, qu’il mette fin à l’insécurité rampante. Si nous ne contrôlons pas les armes, nous tombons dans l’anarchie. Le cantonnement réduira la circulation des groupes armés sur le terrain. Les groupes qui sont hostiles à l’accord seront facilement identifiables par les drones qui surveillent la zone. Une fois le cantonnement effectif, des troupes non autorisées feront face aux forces qui combattent le terrorisme.

Accord pour la paix: Une feuille de route de plus ?

Les partis signataires de l’Accord ont signé le 22 mars une feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossé lors de la 23ème session du CSA. Ces nouveaux engagements, en 21 points, étalés jusqu’en 2019, ressemblent fort aux précédents : est-ce une feuille de route de plus ?

Le gouvernement, la CMA et la Plateforme ont adopté une nouvelle feuille de route le 22 mars. Fixant 21 points d’actions prioritaires, ce chronogramme vise la tenue d’élections inclusives, libres  et transparentes et l’accélération de  la mise en œuvre de l’Accord. Un de ses points-phares est l’atelier de haut niveau sur  la Réforme du secteur de la sécurité (RSS), qui a réuni du 27 au 29 mars tous les acteurs impliqués.

Le document précise les différentes actions à mener de mars 2018 à  fin 2019. Entres autres : parachever les collectivités territoriales de Taoudeni et Ménaka lors de la session d’avril de l’Assemblée nationale ; assurer entre mars et avril le fonctionnement effectif des Autorités intérimaires et des Collèges transitoires, pour qu’ils puissent fournir des services sociaux de base et organiser les élections à venir ; lancer le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à Kidal et Tombouctou et recenser les combattants éligibles à l’intégration ou au programme Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR). S’agissant de Ménaka, une délégation dite des « communautés lésées » séjourne depuis deux semaines à Bamako. Elle dénonce la non prise en compte de ses propositions de communes dans le projet de loi que les élus nationaux examineront. Les MOC de Kidal et Tombouctou, maintes fois annoncés, restent toujours un défi. Celui de Gao, plus d’un an après son installation, ne suscite plus l’enthousiasme.

Lors du point de presse de la MINUSMA, le sous-secrétaire général à l’État de droit et aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, Alexander Zuev, a salué cette nouvelle démarche. « Ce chronogramme est très important pour la mise en œuvre de l’Accord de paix et il y a des activités tout à fait concrètes, comme les huit sites de cantonnement et les MOC à Gao et bientôt Tombouctou et Kidal ». A Gao, où il s’est rendu, « la situation sécuritaire est particulièrement complexe ». Pour Boualem Chebihi, chef de file de la médiation et ambassadeur d’Algérie au Mali, « tout dépend de la volonté des parties de respecter leurs engagements ». Mais l’expiration du précédent chronogramme et le report de la 24ème session du CSA invitent au doute quand à l’efficacité de ce énième arrangement.

Commissariat à la Réforme du Secteur de la Sécurité : le plan annuel d’opération adopté

L’atelier d’élaboration du plan opérationnel 2018 du Commissariat à la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) s’est tenu sur deux jours (7-8 mars 2018) à l’Azalai Grand hôtel de Bamako. Rassemblant plusieurs acteurs autour de la table de réflexion, les travaux se sont achevés jeudi 8 mars par l’élaboration d’un nouveau plan annuel d’opération.

Les travaux de l’atelier se sont ouverts mercredi par les mots du Commissaire à la RSS, l’Inspecteur Général Ibrahima Diallo, qui a tenu à rappeler le caractère primordial de la rencontre. « Nos discussions vont indiquer de façon concrète les taches qui permettront au Commissariat d’avancer  vers la réussite de ses missions, y compris celles relatives à la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. » a-t-il déclaré.
Anne Bennet, représentante du Centre Suisse pour le Contrôle Démocratique des Forces Armées (DCAF en anglais) s’est pour sa part réjoui de constater que des progrès significatifs ont été accomplis durant ces deux dernières années de la mise en œuvre du processus de RSS au Mali.
Après des heures de discussions et de débats constructifs dans les différents groupes, les participants sont parvenus unanimement à l’adoption du plan d’opération 2018 dont les principaux axes stratégiques sont le renforcement des capacités des membres du Conseil national à la réforme de la sécurité, l’élaboration de la stratégie nationale de la RSS, l’appropriation du processus par les acteurs nationaux, la coordination des acteurs nationaux et internationaux, le suivi-évaluation du processus de RSS et du système de défense et de sécurité, la collaboration avec la commission DDR (Démobilisation, désarmement, réinsertion) et la commission d’intégration et enfin la nomination du personnel de l’unité technique.
Ces différents axes stratégiques visent l’atteinte des objectifs tels qu’entre autres la participation effective de toutes les parties prenantes nationales au processus d’élaboration de la stratégie nationale de la RSS, la création d’une synergie d’action entre les interventions d’acteurs nationaux et internationaux tout au long du processus d’élaboration de la RSS et la contribution efficace du DDR et de la commission d’intégration.
« Les recommandations essentielles de cet atelier sont d’abord la finalisation de la stratégie nationale et ensuite faire en sorte que le Commissariat soit véritablement opérationnel en le dotant d’un cadre organique qui permettra aux cellules d’être efficace » a indiqué l’Inspecteur Général Ibrahima Diallo à la fin des travaux.
Ce plan opérationnel désormais établi sera prochainement présenté lors d’un nouvel atelier les 27,28 et 29 mars sur la réforme du secteur de la sécurité, qui verra la participation non seulement des membres du Conseil national à la réforme de la sécurité et de ceux du Commissariat, mais aussi d’experts nationaux et étrangers.

Conférence de presse de la MINUSMA : MOC et  DDR  dans l’attente

 

Le directeur de la section de la Réforme du Secteur de la Sécurité et du DDR  a tenu une conférence de presse  le 25 janvier au quartier général de la MINUSMA à Badalabougou. Elle intervient  à  la veille de la présentation aux membres du conseil de sécurité, du rapport  trimestriel du secrétaire général de l’ONU  sur la situation au Mali. Dans son exposé, Samba Tall a établi l’état d’avancement du mécanisme opérationnel de coordination et du processus de cantonnement, démobilisation désarmement et réinsertion.

Longtemps attendu, l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Kidal et Tombouctou et le processus de cantonnement, désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) ne sont pas encore lancés. Selon Samba Tall,  directeur de la section du Secteur de la Sécurité et du DDR le mode opératoire de cantonnement  qui est un préalable a été déjà adopté  depuis octobre 2015 par le gouvernement et les groupes signataires.

Il a précisé que ces mouvements signataires  ont déposé les listes de leurs combattants pour les Mocs mais ils n’ont pas jusque-là soumis les listes globales certifiées  comme prévue par l’Accord de paix. Nonobstant,  des points pour l’avancement du processus sont toujours en discussions, notamment sur la question des critères d’éligibilités  pour  le DDR et l’intégration. « Globalement c’est fait, mais il y a quelques discussions en cours  pour les  finaliser »,  rassure le responsable du DDR. En principe c’est après toutes les phases préparatoires qu’intervient la phase de cantonnement. « La MINUSMA a déjà construit huit  sites de cantonnement  et le gouvernement est en train d’en aménager deux autres », informe  Samba Tall. Toutes les procédures administratives et financières pour soutenir les combattants sont remplies. « Les budgets  sont  totalement mobilisés et à disposition»,  rassure le directeur.

Relatif au DDR, Samba Tall souligne que le désarmement est volontaire. La  procédureconduite par commission nationale de DDR avec l’appui de la MINUSMA consistera  à vérifier le statut du combattant. « On en enregistre ses données, son arme  et on lui donne une carte de démobilisé », explique Samba Tall.  Il est prévu de faire des séances de formation aux  personnes qui seront réinsérées dans la vie civile et d’autres séances pour celles qui évolueront dans l’armée. « Ceux qui n’ont jamais eu un métier, nous les formerons à un métier pour qu’elles reprennent pied dans la société », souligne le directeur.  « Ceux qui seront choisis pour intégrer les forces de défense et de sécurité, seront conduits  dans des centres de formation de l’armée », poursuit Samba Tall.  Tout ce processus ne saurait démarrer selon le directeur du DDR sans le mécanisme opérationnel de coordination qu’il considère comme « un préalable au cantonnement ».  « Il y a des discussions en cours en ce moment entre les trois partis,  sous la  houlette  du  haut représentant du chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’Accord  sur les derniers détails pratiques pour la  mise en œuvre du Moc deTombouctou et de Kidal  et aussi le renforcement de celui de Gao », le directeur Samba Tall. Selon lui,  les Mocs de Tombouctou et de Kidal seront mis en œuvre dans le mois de février, permettant ainsi enchaînement avec le cantonnement. Les membres du conseil de sécurité de l’ONU ont  exprimé le 24 janvier  impatience face à la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. « Les membres du conseil ont exprimé d’une même voix leur voix leur impatience face aux retards qui continuaient d’entraver la mise en œuvre intégrale des principales dispositions  de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali », souligne la déclaration à la presse faite par le conseil.

 

 

 

Fahad Ag Almahmoud de GATIA : « la lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le DDR »

Le Commandant de la force Barkhane au Mali a parlé lors d’une conférence de presse le 21 novembre dernier de « collusion » entre certains groupes armés signataires de l’Accord et des mouvements djihadistes. Le Secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud, se dit surpris de ces accusations venant d’une force censée combattre le terrorisme.

Journal du Mali : Comment réagissez-vous à ces accusations ?

Fahad Ag Almahmoud : Ce n’est pas la première fois qu’on parle de collusion entre groupes armés et terroristes. Ce qui me surprend, c’est que les accusations viennent de ceux qui doivent combattre le terrorisme. C’est comme si un gendarme disait : « je connais certains d’entre vous qui sont des criminels » et passait sans les appréhender. Si Barkhane estime qu’un individu a des liens avec les terroristes, elle doit prendre les dispositions qui s’imposent, faire une enquête et livrer l’intéressé à la justice, non se contenter de dénoncer.

De quels groupes armés s’agit-il ?

C’est à Barkhane de préciser de quels groupes il s’agit. Tout le monde dit que les groupes signataires et les terroristes sont des vases communicants. En 2012, pratiquement tout le monde a adhéré à Ansar Dine, au MUJAO et à AQMI. A l’arrivée de Serval, ceux qui étaient censés avoir été « récupérés » ont gardé des contacts. Les États qui combattent le terrorisme sont mieux placés que nous pour le savoir.
Un Commandant de la force Barkhane à N’Djamena affirme que « des groupes valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain ». Est-ce vrai ?
Ce n’est pas précis. C’est au gouvernement malien de se plaindre de la non application des décisions prises à Bamako. C’est à lui que revient la mise en œuvre de l’Accord, car c’est à lui que devra revenir le contrôle de tout le territoire.

Ces allégations expliquent-elles le retard dans la mise en œuvre de l’Accord ?

En partie. Les gens qui n’aiment pas la paix et qui travaillent pour d’autres agendas peuvent retarder cette mise en œuvre. Mais, je ne pense pas que le retard soit imputable à une seule partie. Chacune a sa part de responsabilité.

Barkhane prévoit d’interdire la circulation à tout convoi de plus de cinq véhicules sans autorisation. Allez-vous collaborer ?

Je ne pense pas que les groupes armés circulent sans avertir la Minusma ou sans ordre de mission. Il serait plus sage pour Barkhane et tous les acteurs d’accélérer le mécanisme de DDR. La lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le désarmement des groupes armés signataires. Tant qu’il y aura des individus en armes en dehors de l’armée nationale, elle sera inefficace.

Accord pour la paix : L’Arlésienne DDR

Prévu par l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger, le démarrage du processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion avait été annoncé pour ce 15 octobre. Mais face à l’échec des discussions entre les mouvements signataires, la perspective d’une mise en œuvre à cette date s’éloigne. La création en octobre 2015 de la Commission Nationale de DDR n’a pas permis de rendre opérationnelle, deux ans après la signature de l’Accord, cette étape cruciale, incontournable pour le retour de la paix et de la sécurité.

Longtemps attendue, l’opérationnalisation du processus de cantonnement, Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR), prévu par le chapitre 8 de l’Accord,  était prévue pour le 15 octobre, mais, au regard de la situation entre la CMA et la Plateforme, cette date pourrait ne pas être respectée. La Commission Nationale de DDR, créée en décembre 2015 et présidée par l’ancien ministre de la Réconciliation Zahabi Ould Sidi Mohamed, peine à mener à bien le processus. Selon Olivier Salgado, responsable de la communication de la MINUSMA, la conclusion des  discussions qui ont débuté depuis le 5 octobre à Anefif entre la CMA et la Plateforme permettra de fixer une nouvelle échéance. Cinq commissions ont été mises en place : haut niveau, sécurité, réconciliation, justice et enfin politico-institutionnelle. Les points de blocage sont l’épineuse question de la justice et le  redéploiement coordonné des combattants de la Plateforme à Takalot. Une note d’échec a mis fin aux chaudes discussions le 9 octobre à Anefif. Ce qui fait stagner tout le processus, et notamment le DDR, car ce sont « les combattants du MOC qui doivent passer par le DDR avant d’être éventuellement intégrés dans les Forces de Défense et de Sécurité, pour ceux qui remplissent les conditions » explique Olivier Salgado. Les anciens déserteurs de l’armée malienne sont aussi concernés. Selon Salgado, « le même processus sera suivi pour les déserteurs qui avaient rejoint les mouvement armés » et pour les autres ex-combattants des groupes armés. Déjà huit sites de cantonnement ont été construits et équipés par la MINUSMA, mais le refus de deux mouvements signataires de l’Accord de remettre les listes de leurs combattants et équipements militaires constitue une contrainte majeure. Dans le dernier rapport du Secrétaire Général de l’ONU sur le Mali, celui-ci estime que ce refus « demeure le principal obstacle » au démarrage effectif du DDR.

Processus DDR, bientôt lancé !

Cinq mois après l’installation de la commission DDR, la mise en œuvre du processus connaît toujours des lenteurs. Zahabi Ould Sidi Mohamed, son président, assure qu’elle démarrera dans les prochains jours.

À la commission, c’est le grand raout. Plus qu’une semaine pour le démarrage effectif du processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR), pierre angulaire du processus de paix. Installée depuis novembre 2016, la commission DDR, dirigée par l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed, a eu du mal à concrétiser son mandat sur le terrain. Sur les 24 sites de cantonnement proposés, 21 ont été évalués et 17 déjà validés par la commission technique de sécurité, dirigée par la MINUSMA. Des progrès ont été faits également pour son financement, « pour le volet désarmement et démobilisation, chiffré à 29 millions de dollars, 21 millions sont mobilisés. Quant au volet réinsertion estimé à 50 millions de dollars, 25 millions, dont 15 millions de la Banque mondiale et 10 millions de l’État malien, sont disponibles », rassure le ministre Zahabi. Qui affiche, comme les autres acteurs du processus, un réel optimisme quant à son déroulement.

Une étape clé Pour rappel, les sites de cantonnement de Likrakar, Fafa et Inaggar ont été réalisés respectivement dans les régions de Tombouctou, Gao et Ménaka. Trois autres centres de cantonnement ont été installés dans la région de Mopti, à Tenenkou, Douentza et Bankass, et seraient prêts à accueillir des combattants. Les sites sont en général constitués de deux salles de classe, une clinique, deux bureaux d’enregistrement des combattants, une cuisine et huit hangars autour desquels il est prévu la construction de seize tentes, ainsi que d’un forage pour l’eau potable. Ces infrastructures permettront d’offrir ainsi une nouvelle vie aux combattants, qui devraient être au maximum 6 000 par site. L’objectif du DDR est d’aider à l’installation d’un climat favorable, en amenant les anciens combattants à prendre activement part à la vie politique et socio-économique du pays.

Alors même que les attaques terroristes se poursuivent dans le nord du Mali, le processus DDR, dont la première simulation a été organisée le 3 avril dernier au siège du Génie militaire à Bamako, pourrait être confronté à des difficultés. Les dissensions entre groupes armés, et avec le gouvernement, ainsi que la question sécuritaire, avec le souvenir de l’attaque du MOC de Gao, sont encore à résoudre pour assurer le succès de cette étape importante dans le retour de la paix et de la stabilité au Mali.

3 questions à Zahabi Ould Sidi Mohamed, Président de la commission nationale DDR

 

Comment voyez-vous le processus après l’échec de l’installation des autorités intérimaires ?

On va avancer parce que l’unité nationale et la paix sociale sont plus importantes que ces querelles de nomination. Le CSA a fait 13 réunions sans pouvoir trancher certaines questions dont l’inclusivité. Le point positif est que tout le monde réitère son engagement pour l’Accord de paix malgré cet incident. Les divergences constatées sont liées au fait que chacun veut tirer la couverture de son côté. Mais il faut trancher lorsque les parties n’arrivent pas à s’entendre. Ce travail revient au gouvernement en tant que garant de la mise en œuvre de l’Accord.

Que doit faire le gouvernement pour gérer cette situation ?

Le contexte est complexe et il faut tenir compte des équilibres parce qu’aucune formule ne trouvera l’unanimité. Je pense qu’il faut discuter au maximum en associant tous les acteurs y compris la société civile.

Où en est le processus DDR ?

Le Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) est la pierre angulaire du processus de paix. La commission est installée depuis novembre 2016 et les chefs des bureaux régionaux sont nommés. Une formation de mise à niveau sera organisée du 6 au 13 mars à Mopti. Pour son financement, des progrès sont faits. Pour le volet désarmement et démobilisation, chiffré à 29 millions de dollars, 21 millions sont mobilisés. Quant au volet réinsertion estimé à 50 millions de dollars, 25 millions, dont 15 millions de la Banque mondiale et 10 millions de l’État malien sont disponibles.

 

DDR : 30 milliards pour le volet réinsertion

Le ministère de la Défense et des Anciens Comabattants a organisé ce 08 décembre une table ronde pour mobiliser le financement nécessaire à la mise en oeuvre du volet Réinsertion du programme DDR au Mali. Estimé à 50 millions de dollars américains (plus de vingt milliards de francs CFA), ce volet doit permettre de reverser dans la vie socio-économique les ex-combattants des groupes armés. Ce programme qui rentre dans le cadre de la mise en oeuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en juin 2015, a déja subi un retard dans sa mise en oeuvre du fait de difficultés conjoncturelles mais aussi financières.

La table ronde qui a réuni tous les bailleurs de fonds avec à leur tête la Banque Mondiale et les partenaires techniques et financiers avait pour objectif de mobiliser ces derniers, non seulement autour du programme DDR mais aussi afin de lancer les réflexions sur les programmes de développement économique pour les populations des zones concernées. Le programme sera d’ailleurs élargi à la région de Mopti, a annoncé le Directeur des opérations de la Banque Mondiale au Mali, Paul Noumba Um. Son institution, a-t-il poursuivi, a d’ores et déja mis à la disposition du Mali quinze (15) millions de dollars pour la réinsertion des ex-combattants, ce financement devant être approuvé par les administrateurs en février prochain.

Processus de cantonnement et d’intégration : les mouvements ont proposé leurs membres.

La CMA et plateforme deux mouvements signataires de l’Accord d’Alger viennent de déposer la liste de leurs membres pour la constitution de la commission nationale de DDR et la commission d’intégration. La bonne nouvelle a été donnée par la porte-parole de la mission onusienne Mme Radhia Achouri lors du point de presse hebdomadaire le 6 octobre dernier.

La pression de la communauté internationale sur les mouvements armés, la détermination du gouvernement malien à appliquer les contenus de l’Accord pour la paix et la réconciliation, relance l’espoir de paix et de développement. Mais tout cela n’est guère possible sans le retour de la sécurité dans la zone, raison pour laquelle des efforts sont faits pour accélérer le processus de démobilisation, désarmement et de réinsertion.

Dans ce sens, une étape très importante vient d’être franchie. Depuis le 6 octobre, les deux principaux groupes armés (CMA et Plateforme), signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et le gouvernement, ont tous proposé les membres pour la Commission Nationale de DDR, la Commission d’intégration et le Conseil National de Réforme du Secteur de Sécurité. Ils ont aussi fourni les listes des hommes devant constituer la première unité pour les patrouilles mixtes, qui sera basée à Gao avec la possibilité de déployer des hommes à Kidal dans une première phase. Les membres de ces commissions vont travailler sur les critères du DDR et de l’éligibilité pour les forces de sécurité. Toute chose qui va permettre de régler la gestion des combattants des groupes armés et accélérer le processus de mise en œuvre de l’Accord.

Le mode opératoire de cantonnement définit exactement les critères selon lesquelles quelqu’un est considéré comme combattant, et doit être cantonné. Ce document conjoint a déjà été élaboré et signé par les trois parties, sous l’égide de la commission technique de sécurité (CTS), depuis octobre 2015.

DDR, succès d’ailleurs…

Plusieurs pays africains ont connu leur « Démobilisation Désarmement et Réintégration », des processus qui ont connu des fortunes diverses, même si chacun convient qu’il s’agit partout d’une étape décisive vers la paix.

Après un conflit, le processus « Désarmement, démobilisation et réintégration » (DDR) est une étape cruciale vers la paix durable. Son objectif est d’aider à l’installation d’un climat favorable, en amenant les anciens combattants à prendre part activement à la vie politique et socio-économique du pays. En Afrique, plus particulièrement au sud du Sahara, nombre de pays ont implémenté ce processus pour reprendre le chemin de la stabilité, de la reconstruction et du développement. Le cas le plus récent est celui de la Côte d’Ivoire où, après la guerre civile qui a déchiré le pays en 2010-2011, le programme de DDR a été mis en branle : 78 000 ex-combattants recensés, dont 64 000 réinsérés dans la vie active, au sein de l’armée ou encore dans l’administration. L’annonce par l’ONU du retrait de sa mission en 2017, témoigne du succès de ce processus.

Dans le nouvel État du Soudan du sud, de 2009 à nos jours, 12 523 individus ont été démobilisés et 8 307 réintégrés sur 150 000 ex-combattants, dans le cadre du DDR, qui se poursuit. En Guinée Bissau, le programme a été ouvert à l’ensemble des ex-combattants, y compris ceux ayant participé à la guerre de libération dans les années 1970, ce qui a porté leur nombre potentiel à 20 635, dont 15% de femmes. Mais seuls 7 186 ont été admis. En République démocratique du Congo, selon des estimations des Nations unies et de la Banque mondiale, entre 2004 et 2010, sur 240 000 ex-combattants, ce sont 159 670 qui ont été démobilisés et 77 780 réintégrés, pour un coût de 275 millions de dollars (US).

Car ce type de processus coûte également beaucoup d’argent. Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, les campagnes de DDR menées dans plusieurs pays africains ont atteint des résultats importants, permettant de reverser des dizaines de milliers de combattants à la vie civile, et dont « la plupart se sont réinstallés dans des communautés et disposent d’autres moyens de subsistance, ce qui réduit le nombre d’acteurs armés et le potentiel de violence et de criminalité dans les situations de post-conflits et d’instabilité.» Le Mali réussira t-il le pari ?

DDR : coup de fouet au processus

L’Entente signée à la veille du premier anniversaire de la signature de l’accord de paix entre le gouvernement et les groupes armés, doit permettre la mise en place des autorités intérimaires pour accélérer la mise en œuvre de l’accord. Dans ce sens, le processus de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) connait une accélération afin de régler la question des combattants des groupes armés de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme. Les sites de cantonnement de Likrakar, Fafa, Inaggar, Tinfadimata, Ilouk, Tabankort, Tessalit, Ber, etc, sont d’ores et déjà prêts à accueillir ceux qui veulent s’engager pour la paix.

Il va sans dire que la bande sahélo-saharienne connait de fortes turbulences. Du Mali au Tchad, en passant par le Niger, des armes continuent de crépiter. Au Mali, après la signature de l’accord de paix, les combattants des groupes armés se sont de nouveau affrontés, fragilisant le processus enclenché. La signature d’un accord entre eux, à Anefis, le 15 octobre 2015, puis d’une « Entente » entre le gouvernement et les groupes armés CMA et Plateforme, relance l’espoir de paix et de développement dans les régions du nord. Mais tout cela n’est guère possible sans le retour de la sécurité dans la zone, raison pour laquelle des efforts sont faits pour accélérer le processus de Démobilisation, désarmement et réinsertion.

DDR accéléré Conformément au mécanisme opérationnel de coordination (MOC), des dispositions sont prises actuellement pour que des patrouilles mixtes puissent opérer dans les meilleurs délais entre les forces de défense et de sécurité malienne et les deux principaux groupes. La commission technique de sécurité (CTS), avait, au cours de sa dernière réunion le 20 juin, examiné le cadre permettant un DDR accéléré pour les éléments des groupes armés signataires, qui feront partie des premiers bataillons des patrouilles mixtes du MOC. Ce DDR accéléré sera coordonné par un groupe composé des représentants du gouvernement, des groupes armés signataires et de la MINUSMA. Selon une source proche du dossier, il ne viserait que 200 ex-combattants de la Plateforme et de la CMA chacun, qui participeront aux patrouilles mixtes. Ces derniers seront enregistrés et subiront un test médical. Les armes et les munitions individuelles seront vérifiées et stockées par le MOC, a-t-on précisé. À la date d’aujourd’hui, le gouvernement et les parties signataires se sont déjà entendus sur les deux commissions qui doivent statuer, la commission nationale de DDR et la commission d’intégration. Le projet de décret a été adopté et signé. Il ne reste qu’à en nommer les membres, qui devront travailler sur les critères du DDR et de l’éligibilité pour les forces de sécurité.

Quasi opérationnels Depuis le 29 décembre 2015, la MINUSMA a commencé à construire et aménager les sites de cantonnement qui ont été validés par la CTS. Au total, 24 sites ont été proposés par les groupes armés, 12 par la plateforme et 12 par la CMA. « Actuellement, nous avons 8 sites prêts à accueillir 6 000 combattants au total. La plateforme et la CMA avaient demandé un total de 24 sites, mais à la date d’aujourd’hui, les deux mouvements n’ont pas donné la liste certifiée de leurs combattants et de leurs équipes à la commission technique de sécurité, tel que prévu par l’accord de paix, pour justifier la construction des sites additionnels », explique M. Samba Tall, le directeur de la réforme du secteur de la sécurité et du DDR de la MINUSMA. Le mode opératoire de cantonnement définit exactement les critères selon lesquels quelqu’un est considéré comme combattant, et qui doit être cantonné. Ce document conjoint a été élaboré et signé par les trois parties, sous l’égide de la commission technique de sécurité depuis octobre 2015. Il appartient maintenant aux mouvements d’amener des combattants remplissant ces critères, pour qu’ils soient cantonnés. Mais tous les combattants ne pourront certainement pas être versés dans l’armée. « Ils ne resteront pas les bras croisés », rassure-t-on, puisque un volet réinsertion socio-économique sur le long terme sera mené par le gouvernement, avec le soutien des bailleurs de fonds.

Réalités du terrain « Par rapport au retard, il faut retenir qu’on est dans un processus de paix avec des facteurs internes et externes. Mais il y a eu une grande accélération ces derniers mois et surtout ces dernières semaines, notamment la signature de l’ « Entente » entre les différentes parties », a ajouté M. Samba Tall. Ce qui n’est pas l’avis de Mahamadou Djéri Maïga, de la CMA. Il estime que depuis la signature de ce document, les choses n’ont pas bougé. « Nous n’avons pas d’interlocuteur depuis la signature de l’Entente. Auparavant, c’était avec le ministre de l’Action humanitaire qu’on traitait les dossiers, mais depuis la nomination du Haut-représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’accord, on ne voit plus personne. Le MOC devait être opérationnel depuis le 1er juillet », a-t-il déclaré. Sur le terrain, ce mécanisme qui est un état-major opérationnel composé d’officiers des trois parties signataires, et de la MINUSMA et de Barkhane, est déjà opérationnel à Gao. Il y a également, les éléments mixtes d’observation et de vérification qui comprennent aussi les signataires et la MINUSMA. À cela s’ajoute le sous-comité défense et sécurité du comité de suivi de l’accord, qui regroupe au niveau stratégique les représentants en matière de défense et de sécurité des parties, de la MINUSMA et de la médiation internationale. « Il y a encore un travail politique qui est en train d’être fait, sous la direction du gouvernement qui est le maitre d’œuvre de tout le processus de mise en œuvre de l’accord, les partenaires internationaux, qui sont en appui et jouent aussi leur part. Concomitamment à l’installation de ces deux commissions, la MINUSMA a aussi l’obligation et la tâche de construire les sites de cantonnement », explique Samba Tall.

Scepticisme Oter les germes des crises armées, c’est là le but ultime du processus DDR, qui doit permettre aux anciens combattants de redonner un sens à leur vie post-conflit. Les Maliens suivent le début de ce processus avec scepticisme, se souvenant que ce sont souvent les « reversés dans l’armée » qui ont de nouveau pris les armes contre le pays. La plupart veulent cependant espérer que cette fois-ci, le DDR sera la solution pour que les armes se taisent définitivement au nord, comme partout ailleurs au Mali.

DDR : la course à l’armement

Paradoxalement, le processus de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR) dont on attend toujours le démarrage, est synonyme au nord du Mali de réarmement d’une certaine frange de la population. Une situation qui complique davantage la donne sécuritaire sur le terrain.

Il faut rappeler qu’au terme de l’Accord pour la paix et la réconciliation, les ex-combattants doivent déposer les armes et se faire enregistrer afin de bénéficier du processus de DDR. Pour le gouvernement, il s’agit d’une priorité. Mais pour les groupes armés, en particulier les signataires de l’accord, la priorité c’est l’installation des autorités intérimaires. Les dissensions sur ce sujet ont entraîné un blocage dans la mise en œuvre de l’accord et donc du processus DDR, surtout en ce qui concerne l’enregistrement des hommes. « Il y a une question d’organisation. Il faudrait d’abord qu’il y ait un lieu où cantonner les gens, puis assurer la sécurité, l’eau, l’électricité. Il n’y a rien de tout cela, et ça va prendre du temps. Si l’on croise les bras en attendant le cantonnement, ça va créer des problèmes », explique un cadre de la CMA, joint par téléphone.

Des centaines de jeunes, pour la plupart au chômage, se sont rapprochés des groupes armés pour se faire recenser. « Certains sont prêts à payer pour voir leur nom apparaitre sur la liste d’un des mouvements », explique notre source. « Les mouvements n’ont pas le nombre de combattants qu’ils annoncent », assure un autre interlocuteur. Pour exemple, le MNLA a annoncé une « première liste d’environ 9 000 hommes, alors que ses effectifs dépassent difficilement les 900 combattants. Il y a donc de la marge pour intégrer ces jeunes » dont certains viendraient même de Bamako et pour lesquels le DDR représente une véritable aubaine. Or, la condition principale pour le combattant est la présentation de son arme. C’est là que le bât blesse car, c’est un véritable marché de l’armement qui s’est installé dans la région avec comme corollaire, des jeunes gens désœuvrés, sans le sou, et qui se livrent à toutes sortes de délits pour survivre. « En ce moment il y a beaucoup de problèmes à Kidal avec des vols de motos, des braquages de boutiques. Tant qu’il n’y a pas de cantonnement  et qu’on ne retire pas leurs armes à ces jeunes, la situation ne va pas s’améliorer », affirme un habitant de Kidal.

DDR : quand « les enfants bergers deviennent les chefs »

Dimanche 10 avril, un atelier de réflexion sur l’intégration des ex-combattants dans l’armée a pris fin à  Bamako. Les recommandations ne sont pas communiquées, mais le pays tout entier a les yeux braqués sur ce processus, nécessaire au silence des armes et à  la lutte conjointe contre les terroristes. Les questions sont nombreuses concernant le DDR (Désarmement, Démobilisation et Réinsertion), dont la mise en œuvre coûtera la bagatelle de 27 milliards de francs CFA, financés par la Banque mondiale. Un partenaire qui a promis de suivre de près le processus afin que l’enrôlement des ex-combattants tienne compte non seulement des dispositions de l’Accord de paix, mais aussi de la loi d’orientation et de programmation militaire. DDR, comment ça marche ? Le principal sujet de préoccupation concerne les critères prévalant au recrutement. Les partenaires du Mali ont en effet recommandé que celui-ci soit étendu à  tous les cercles. Mais le ministère de la Défense et des Anciens combattants a établi des garde-fous et des conditions à  remplir. Selon le chef du département, Tièman Hubert Coulibaly, il s’agit de l’appartenance à  une unité combattante d’un mouvement signataire de l’accord issu du processus d’Alger, la définition de l’emploi au sein de l’unité combattante, l’expérience professionnelle, la limite d’âge, le grade, l’aptitude et les exemptions de mandats de dépôts. Tous les combattants ne peuvent donc pas être éligibles à  l’intégration. « Cela évitera par exemple d’incorporer des enfants ou des éléments recherchés par la justice nationale ou internationale », précise le ministre. Pourtant, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), à  elle seule, souhaite intégrer 10 000 éléments avec leurs grades respectifs. Un chiffre qui fait sourire, tant il semble déconnecté de la réalité du terrain. « Gonfler les chiffres est vieille stratégie des rebellions maliennes pour obtenir davantage de revenus liés au nombre de combattants », estime un diplomate européen. D’autre part, si l’accord prévoit la réintégration avec leurs grades des combattants rebelles ayant déserté l’armée, la question fait largement débat. Au point que certains observateurs redoutent des mouvements d’humeur au sein de la grande muette. Un militaire confie sous couvert d’anonymat : « au prix de la paix, nous sommes encore sacrifiés à  nos bourreaux. Les enfants bergers deviennent encore nos chefs. Et rien ne prouve qu’ils ne vont pas repartir ». Compte tenu de cette opinion largement répandue, la réconciliation devra aussi se faire au sein de l’armée.