La guerre au Sahel : la communauté internationale unie contre le djihadisme

Alors que tous les yeux sont braqués sur l’opération Barkhane et la présence française dans la bande sahélienne et au Mali, c’est une guerre de dimension internationale qui se joue actuellement au Sahel. La France y agit au nom de la communauté internationale, notamment dans le cadre de l’ONU, afin de soutenir les armées africaines dans une lutte commune contre le djihadisme. En repoussant ce dernier au Sahel, la communauté internationale vient en aide aux populations africaines, premières victimes du terrorisme djihadiste, et tente d’endiguer la menace terroriste internationale en évitant la création d’un nouvel état djihadiste à l’image de l’Etat islamique.

                                                          

L’engagement de la communauté internationale au Sahel

En 2013, la France a répondu à l’appel du Président Traoré afin d’empêcher la progression des forces djihadistes vers Bamako. Depuis, l’armée française a déployé 4500 soldats dans la bande sahélienne, et particulièrement au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane. Ces opérations ont un prix pour la France. Financièrement, son aide représente un coût financier et humain : depuis 2013, la France a perdu 41 hommes au Sahel – 13 soldats sont encore morts le 25 novembre. La France agit au nom et sous le contrôle de la communauté internationale. Son intervention au Mali est en effet encadrée par un accord de défense signé en mars 2013 et par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui l’autorise à intervenir afin de soutenir la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Depuis la création du G5 Sahel en 2014, la communauté internationale a décidé d’intensifier l’aide apportée aux pays africains qui ont uni leurs forces dans le projet d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Les Européens, en particulier, et les Américains, apportent une aide financière, logistique et opérationnelle. Les pays partenaires se sont engagés, en accord avec le G5 Sahel, à fournir des équipements et des prestations à la Force conjointe, et non à opérer de simples transferts de fonds.

Au total, 414 millions d’euros ont été promis à Bruxelles en 2018 et 207 millions d’euros de contributions ont déjà été apportés par l’Union européenne et les Etats-Unis. A ce jour, n’ont pas encore été débloqués 100 millions promis par l’Arabie saoudite, la contribution des cinq Etats sahéliens au fonds fiduciaire (10 millions chacun) et la contribution chinoise (6,5 millions d’euros). En outre, les contributions versées sur le fonds fiduciaire du G5 Sahel atteignent 17,1 million d’euros : elles doivent provenir notamment des Emirats pour permettre l’achat de camions, de Turquie en vue de l’achat de matériel militaire ou encore du Rwanda.

 

Une aide concrète

Au-delà d’un engagement militaire de la France sur le terrain, c’est toute la communauté internationale qui intervient au Sahel à travers l’aide apportée aux pays engagés dans la guerre contre le djihadisme. L’aide européenne et américaine a permis la livraison d’équipements militaires, le financement d’infrastructures, etc. Concrètement, les bataillons de la Force conjointe ont déjà reçu des véhicules, du matériel contre les engins explosifs improvisés, ou encore des équipements de protection.

Le G5 Sahel bénéficie donc des équipements envoyés par la communauté internationale : véhicules, équipements de protection, etc. Les pays européens sont pleinement engagés au Sahel. Par exemple, la République tchèque a livré des équipements de protection individuelle pour le bataillon malien de la FC-5GS pour 400.000 euros, ou encore le Luxembourg a fourni un hôpital et des ambulances pour les bataillons burkinabé et nigérien de la Force conjointe du G5 Sahel pour un coût de 500.000 euros.

Certains retards de livraison et les échecs militaires créent une frustration compréhensible chez les populations, mais l’aide apportée au Sahel est pourtant bien réelle. Récemment, la France a par exemple été accusée sur les réseaux sociaux d’avoir livré des motos aux forces djihadistes alors que les forces armées maliennes ont confirmé que ces motos leur étaient destinées.

 

Vers l’autonomie de la défense des pays du Sahel

La France et la communauté internationale sont intervenus au Mali en réponse à une situation d’urgence qui n’est pas destinée à durer, même si certains sont découragés. Le combat continue face à la recrudescence des attaques djihadistes, mais l’un des projets essentiels de la communauté internationale est de former les armées nationales au Sahel, afin qu’elles deviennent progressivement autonomes dans leur défense.

Ainsi, la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), lancée en février 2013, réunit 620 militaires de 28 pays européens : sa mission est de former les militaires maliens. Son mandat a été prolongé en 2018 et son budget a été doublé pour être étendu aux pays réunis depuis 2014 au sein du G5 Sahel.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président français, Emmanuel Macron, a maintes fois souligné son attachement à la formation des armées sahéliennes. En Côte d’Ivoire, la France finance ainsi la construction d’une Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville. Celle-ci formera les acteurs de la lutte antiterroriste pour toute la bande sahélienne.

 

Forum de Dakar: Sécuriser, ensemble

La collaboration et la mutualisation des efforts et des actions, ce sont les maîtres-mots de la 4ème édition du Forum de Dakar qui s’est ouvert ce lundi 13 novembre à Dakar au Sénégal. La rencontre de haut-niveau est devenue au fil des éditions un rendez-vous important pour les experts en sécurité du continent et d’ailleurs.

Le Forum international de Dakar sur la Paix et la Sécurité se tient les 13 et 14 novembre au Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio sur le thème : « Défis sécuritaires actuels en Afrique: pour des solutions intégrées ». La gestion du terrorisme et la nécessité d’y apporter des réponses communes, harmonisant un ensemble d’approches selon la menace et le théâtre d’opérations, est désormais un défi existentiel pour les pays africains, en particulier ceux confrontés directement aux menaces terroristes.

« La force mixte multinationale et la force du G5 constituent les récentes illustrations de la doctrine africaine des opérations de soutien a la paix », a déclaré Moussa Mahamat Faki, président de la commission de l’Union Africaine, lors de la cérémonie d’ouverture. La Force conjointe du G5Sahel est en effet en cours d’opérationnalisation et mutualise les énergies des 5 pays membres (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) plus la France. Malgré des problèmes de mobilisation de fonds, cette initiative se veut un outil de lutte coordonnée contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière dans la région concernée.

L’Afrique connaît actuellement trois foyers du terrorisme : Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, l’Aqmi au Sahara et au Sahel et les milices shebabs en Somalie. En 2017, pas moins de seize groupes identifiés comme étant liés au terrorisme par le biais d’activités diverses tels que les traffics illicites, les réseaux criminels, ou encore la piraterie sont actifs sur le continent africain.

Plus de 700 participants, au nombre desquels les Chefs d’Etat du Rwanda et du Mali, prennent part à cette rencontre. Lancé lors du Sommet de l’Elysée de 2013 organisé par la France, le Forum de Dakar avait tenu sa première édition en décembre 2014 à Dakar. Le Sénégal avait alors annoncé par la voix de son président , Macky Sall, son souhait d’accueillir désormais ce rendez-vous.

Ménaka : Le MSA se désagrège

Il y régnait un calme quasi-exceptionnel, mais, depuis quelques semaines, la région de Ménaka tombe dans l’insécurité, avec des affrontements entre le MSA et des groupes armés vers la frontière nigérienne. Ces affrontements ont créé une fissure au sein du mouvement, avec la démission, le 11 octobre dernier, de  certains chefs de fractions de la communauté Daoussahak, au profit du HCUA, membre de la CMA. L’un d’eux, Siguidi Ag Madit, de la fraction Idoguiritan, a expliqué au Journal du Mali les raisons qui les ont poussé à faire ce choix.

Quels sont les chefs de fractions qui ont démissionné du MSA pour le HCUA ?

Le maire de la commune  d’Inekar, Almahmoud Ag Hamad Taha ; Alhassane Ag Afoya, ancien Président du conseil de cercle de Ménaka ; le marabout Hamad Ehya Ag Alwafi,  Rhissa Ag Mahmoud, chef de la fraction Tabhaw, et moi-même, chef de la fraction Idoguiritan, la plus grande fraction de la région de Ménaka, avons décidé de démissionner du MSA avec nos fractions.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter le mouvement ?

La principale raison est directement liée à Moussa Ag  Acharatoumane, le chef du MSA. Quand il y a eu les affrontements entre la CMA et le GATIA, il avait dit que nous, les Daoussahaks, n’étions pas concernés et qu’il faut que nous ayons notre propre un mouvement. C’est ce que nous avons fait. Almahmoud Ag Hamad Taha et moi étions les seuls à le soutenir, ce jour-là. Depuis, il n’a fait que prendre des décisions sans nous consulter, il n’y a pas eu un seul jour où il nous a appelés pour  que nous prenions des décisions ensemble. Une de ces décisions nous a causé tous les problèmes du monde.

Laquelle ?

Quand il est allé au Niger, nous avons appris qu’il avait signé un accord pour combattre les Peulhs et les Arabes. Depuis, ces communautés nous font la guerre et nous n’avons pas les moyens de nous défendre. Il nous a aussi mis en guerre avec  les Imajaghans, dont le chef traditionnel est le député Bajan Ag Hamatou. Tous ces affrontements nous ont affaiblis et maintenant nos populations ne peuvent plus retourner chez elles, car les Daoussahaks ont tué un nombre important de Peulhs. Je n’ai jamais vu une telle catastrophe arriver à Ménaka. Ce problème-là nous préoccupe au plus haut niveau. C’est la paix que nous voulons. Il  ne va plus nous mettre en guerre contre les autres.

Quand Moussa est allé au Niger, qu’est ce qu’il a signé exactement ?

Nous avons appris qu’il nous avait engagés, nous, les Daoussahaks, dans une guerre contre les Peulhs pour aider à combattre le MUJAO, alors que le MUJAO est en guerre contre les forces étrangères. Si nous nous mettons en travers du chemin du MUJAO, il nous chassera de notre terroir. Le MSA ne peut plus faire face à ces gens-là, il ne peut plus nous protéger. Les  déplacés et les morts dont vous entendez parler, c’est à cause de cela.

Donc, ces Peulhs qui vous combattent font partie du MUJAO ?

Moi je ne sais pas vraiment. Je sais seulement que ce sont des Peulhs et des Arabes. Nous cohabitions ensemble paisiblement mais maintenant ils nous font la guerre à cause de ces décisions.

Quelles seront les conséquences de votre démission pour  le MSA ?

Je ne sais pas, mais nous ne sommes plus d’accord avec le leadership de Moussa. On ne peut plus tolérer que des gens d’ailleurs viennent travailler à Ménaka puis nous laissent. Moussa Ag Acharatoumane ne prenait que des personnes originaires de Talatayte (commune d’Ansongo – NDLR), pour tout ce qu’il faisait, et personne parmi nous, à Ménaka.

Vous étiez auparavant au MNLA. Pourquoi avoir choisi le HCUA?

Oui, c’est vrai, nous étions au MNLA. Notre engagement était avec le MNLA car c’est là-bas que nous étions et avions combattu. Mais nous ne nous sommes rendu compte de notre choix qu’après avoir déjà donné notre parole au HCUA. En même temps, il se trouvait que c’est avec Alghabass Ag Intallah (chef du HCUA – ndlr) que nous étions en contact. Nous avons intégré le HCUA aussi pour nous protéger de toutes ces guerres. Ce n’est pas pour l’argent ou autre chose.

Qu’espérez-vous de ce ralliement à la CMA ?

On n’aurait jamais dû quitter la CMA, surtout au moment où il y a eu des avantages,  avec l’Accord de paix. Le MSA n’est pas un grand mouvement, comme la CMA et la Plateforme. Nos enfants n’auront pas de place dans l’intégration, ni de  travail. C’est pour cela aussi que nous avons pris cette décision.

Région de Mopti : La pieuvre Katiba Macina

« Le gouvernement travaille à stabiliser la situation sécuritaire dans la région centre du pays », affirmait le Président IBK, en évoquant la situation préoccupante au centre du Mali, à la tribune des Nations-Unies, le 19 septembre dernier. Pourtant, cette situation sécuritaire, qui n’a jamais vraiment été traitée, a empiré et permis à la Katiba Macina d’étendre sa mainmise sur la majeure partie des cercles de la région de Mopti.

Là-bas, des hommes armés à moto traquent et exécutent les agents de l’État ou les chefs de villages, kidnappent ceux qui ne veulent pas adhérer à leur mouvement, interdisent fêtes et baptêmes, soumettent la population à leur charia, imposent leur loi dans une grande partie des territoires enclavés de la région centre. « Si ce que vous entreprenez ne leur plaît pas, ils viennent vous stopper, vous bastonnent et personne ne réagit. Personne ne parle, par crainte d’être éliminé. Ça nous tient dans la peur. Ils sont les chefs ici, cela ne fait aucun doute ! », témoigne un habitant du cercle de Tenenkou.

Au fil des témoignages, on comprend vite que pour les habitants, la situation a empiré. Par manque de représailles, les djihadistes en toute impunité ont intensifié leurs actions. « Pour nous, l’État a démissionné laissant le champ libre aux djihadistes qui peuvent imposer leur loi », déplore ce commerçant de la ville de Tenenkou.

Les maîtres du centre En l’espace de quelques années, les hommes d’Amadou Kouffa, ont pu conquérir à peu près tous les territoires du Macina qu’ils revendiquent, sans réelle opposition ou résistance. « Quand ils se déplacent, ils sont généralement par 2, sur 3 ou 4 motos, et quand vous voyez 6 motos ou plus, ça veut dire qu’il va y avoir une attaque », décrit ce même commerçant. Pour lui, il ne fait aucun doute que la ville de Tenenkou, le coeur, la capitale du Macina, est visée par Kouffa et ses hommes. « On reçoit souvent des menaces, comme pour la Tabaski, mais les FAMA sont présents donc ils ne font rien. La vie continue, mais la psychose est là », assure-t-il. « Ils sont quasiment partout, c’est vrai », confirme cet enseignant de la ville, « ils ont quadrillé tous les cercles. Nous avons pensé qu’avec la crue des eaux ils ne pourraient pas se mouvoir. Mais nous avons constaté depuis quelques mois qu’ils ont même des pirogues et des pinasses à moteur. Ils interviennent et stoppent les gens même sur le fleuve  », poursuit-il.  « Dans les petits villages et les hameaux, ils viennent pendant la foire. Ils ne veulent pas voir de femmes mêlées aux hommes, dans les voitures ou les pirogues et les cravachent si elles ne sont pas voilées. Il y a des femmes qui se voilent chez nous, mais c’est devenu une obligation, avec des châtiments corporels si on ne s’y soumet pas. Ce n’est pas possible ! », s’agace ce chef de famille.

Depuis quelques mois, dans de nombreux cercles de la région de Mopti, la charia est appliquée à des degrés divers, de gré ou de force. « Souvent, vers le crépuscule, ils sortent et prennent les gens en otage dans les mosquées. Sous la contrainte de leurs fusils, ils font leurs prêches pour forcer les gens à les suivre, à faire ce qu’ils veulent. Même les grands marabouts sont agressés, comme celui de Dialloubé. Tout ça effraie les gens ! », explique un agent de santé du cercle de Youwarou, l’un des seuls corps de fonctionnaires de l’État à être autorisé par les djihadistes à circuler et travailler librement.

Une armée immobile Plusieurs personnes de la région confirment cette injonction générale à des pratiques plus rigoristes de l’islam. Seules les grandes villes où les forces de l’armée malienne sont cantonnées sont épargnées, alors qu’à quelques kilomètres, en brousse, la réalité est toute autre. « L’armée reste cantonnée en ville et ne patrouille pas aux alentours, car on lui a donné la consigne ferme de ne bouger que sur instruction. Et les instructions ne viennent pas », poursuit notre agent de santé. « Je pense que c’est dû aux complicités des djihadistes avec la population. Il suffit qu’un véhicule militaire sorte en brousse pour que l’information soit donnée et que les djihadistes placent des engins explosifs sur les routes. L’armée malienne a beaucoup souffert de ça dans le cercle de Tenenkou. Elle a enregistré beaucoup de morts », ajoute-t-il.

Les effectifs et les véhicules militaires peu adaptésà la réalité du terrain, face à des hommes armés à moto qui peuvent disparaître dans les brousses parmi les populations, sont pointés du doigt par de nombreux habitants, mais aussi un certain manque de volonté politique. « Si l’armée faisait ses patrouilles au niveau des hameaux, des villages, peut-être qu’ils cesseraient. Mais ils ne le font pas. À mon avis, jusque-là, on a pas vraiment voulu chasser les djihadistes de ces zones. Dans le Macina, à Diabaly, Diafarabé, Dogo, etc., on sait exactement ou se trouve les djihadistes. Les gens là-bas peuvent vous dire où ils sont », indique cet habitant de Mondoro dans le cercle de Douentza.

Une katiba en évolution Dans ce contexte où l’État est faiblement présent, les habitants de la région de Mopti sont partagés entre le recours à la force pour chasser les djihadistes et l’organisation de cadre de concertation pour discuter avec eux. « Il faut que l’on identifie leurs chefs et que l’on s’assoit pour discuter. La plupart de ces hommes sont des chômeurs. Il faut créer de l’emploi, si chacun a de quoi vivre, sans quémander ou voler, ils cesseront tout ça. En attaquant, on risque de tuer des innocents. L’État tirera sur ses propres enfants et ce n’est pas une solution », avance cet élu du cercle de Youwarou.

Toujours est-il que prochainement seront déployées dans la région, les forces de la Minusma et du G5 Sahel. Rien de nature à inquiéter les hommes de Kouffa aux dires de certains. «  La mise en place du G5 Sahel coïncide un peu avec la mise en place du G5 des djihadistes », lance le Dr Bréma Ély Dicko, chef du département sociologie-anthropologie de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako et fin connaisseur de la région. « On assiste à une évolution dans les modes opératoires. Les djihadistes sont en train d’aller vers la deuxième étape de leur implantation, qui consiste à inviter les populations à aller vers des pratiques plus rigoristes de l’islam. Vers un islam fondamentaliste. Ce ne sont plus seulement les représentants de l’État qui sont menacés, mais les populations locales, sommées de pratiquer un islam pur, débarrassé de tout syncrétisme. C’est ce que l’on voit notamment à Kouakourou et à Dialloubé », explique le chercheur, qui avoue ne pas entrevoir de portes de sortie à cette situation critique, et qui craint que la logique du tout militaire, sans appui des populations, ne parvienne à venir à bout d’un phénomène désormais bien enraciné.

 

 

Kouakourou : Résister ou se soumettre ?

À Kouakourou dans la région de Mopti, depuis plus de trois semaines, la population est cloîtrée, prise dans l’étau que resserrent peu à peu les djihadistes, qui occupent la forêt, empêchant quiconque d’entrer ou de sortir par voie terrestre ou fluviale. La présence passive de l’armée, dans une zone où les relations entre djihadistes et populations sont souvent complexes, exacerbe les tensions dans ce terroir où la loi du plus fort a le plus souvent cours.

« Dans tout Kouakourou, vous ne trouverez personne pour vous dire ce que nous vivons sur le terrain », affirme, méfiant, Moussa Kondo, ex-élu de la ville. Dans cette commune du cercle de Djenné, balayée par une crise sans précédent, le mot d’ordre est de se taire. « On parlera quand la situation sera meilleure », assure Kondo, même si les choses vont de mal en pis, comme la foire du village, activité économique principale de ce chef-lieu, qui depuis 3 semaines n’a plus ouvert ses portes. Et s’il n’y avait que ça. Les djihadistes, en représailles, ont brûlé les principaux moyens de subsistance du village, enlevé le cheptel et détruit plusieurs périmètres rizicoles. « Il y a vraiment un blocus là-bas , il ne peuvent ni entrer ni sortir, ni aller aux champs, les animaux de labours ont éte emmenés. Comme le blocus ne date pas de très longtemps, apparemment ils parviennent à s’auto-suffire. Même sur le fleuve quand vous essayez de passer pour aller à Mopti, les djihadistes interceptent les pirogues et les font retourner. Ils sont en état de siège ! », explique un habitant d’une commune voisine du cercle de Djénné. Kouakourou est en crise et la population en résistance. Les hommes patrouillent dans les rues, dans un climat de tension permanente qui redouble une fois la nuit tombée. « Tout le village est sur le pied de guerre. Tous les jeunes sont sortis, avec des gourdins, des haches, des harpons, des fusils de chasse. C’est inédit ! Nous faisons avec les moyens du bord, nous gérons ça à notre manière. Nous pensons que ça pourra marcher », lâche Moussa Kondo, la voix lasse, fatigué de rester en alerte de longues heures jusqu’à l’aube.

« Tout le village est sur le pied de guerre. Tous les jeunes sont sortis, avec des gourdins, des haches, des harpons, des fusils de chasse »

Les djihadistes, installés depuis 2015 dans la forêt voisine de Korori, ont fait récemment monter d’un cran la rigueur de leur charia, en exigeant des femmes et des filles qu’elles portent le voile. « Ils ont commencé à frapper les femmes qui n’obtempéraient pas, et pas seulement à Kouakourou. Ici, c’est principalement un village bozo, des pêcheurs, et à présent ils ne veulent plus que les femmes pêchent et ils les battent. Les hommes se sont révoltés et tout est parti de là », explique Abdramane Diallo, natif de la commune et membre de l’association Tabitaal Pulaaku, qui suit la situation de très près. « Les gens disent que les djihadistes sont des Peuls mais il y a plusieurs ethnies parmi eux, ils parlent la langue c’est vrai mais c’est la langue que tout le monde parle ici. Ils sont en armes, entraînés et capables du pire. Les villageois pensaient pouvoir leur tenir tête seuls, puis ils ont fait appel à l’armée, qui est venue et repartie, pour revenir encore. Les contingents sont là, ils campent et il ne se passe rien », déplore Abdramane Diallo.

Photo : AF 2014

Résister ou se soumettre « Les militaires sont avec nous et le village est mobilisé. Nous sommes derrière l’État », lance Moussa Kondo avec conviction. Pourtant, certains pointent du doigt l’inaction manifeste des forces de sécurité. « Elles sont en ville, mais il n’y a pas de patrouilles. Les djihadistes sont à quelques kilomètres et elles n’y vont pas. Rien ne bouge, rien ne change, le village est toujours sous embargo », confie une source sous anonymat.

« Là-bas, l’armée est plus le problème que la solution »

Pour Abdramane Diallo, la présence de l’armée dans la zone cause problème : « L’armée malienne n’est pas là-bas et quand elle vient c’est pour de timide opération coup de poing et puis elle s’en va, ça aggrave la situation car les djihadistes sont fâchés de savoir que les habitants ont fait appel à l’armée. Vous savez, avant qu’elle ne vienne, la population souhaitait négocier. Les djihadistes connaissent les villageois, ils cohabitent depuis deux ans. Généralement, ce sont des enfants du terroir, qui sont nés ou ont grandi ici. L’armée malienne doit soit jouer son rôle régalien, et les chasser, soit partir, et laisser la population transiger. Là-bas, l’armée est plus le problème que la solution ».

Pour certains, une autre solution serait le retour du maire de Kouakourou, parti au Hadj et bloqué à Bamako sans possibilité de pouvoir regagner son village.  « Il sait comment négocier avec les djihadistes et a compris qui si on ne se mêlait pas de leurs affaires, on pouvait vivre tranquille. Mais c’est aussi un problème politique », poursuit Abdramane Diallo, « l’opposant au maire de Kouakourou, qui voulait sa place, est celui qui a mobilisé pour mettre sur pied cette résistance ».

Pour la population de Kouakourou, comme des communes des cercles de la région de Mopti, sous la férule des djihadistes, l’avenir est chargé d’incertitudes. Il n’existe en tout et pour tout que deux possibilités, résister ou se soumettre. Par manque d’État, la seconde solution est souvent jugée plus salutaire. « Tout le monde les rejette, personne n’est d’accord avec eux, mais ils s’imposent avec leurs armes. Il n’y a pas d’État. Ceux qui sont censés le représenter ne font que passer et ne posent aucun acte pour nous sortir de nos problèmes. Que voulez-vous faire, à part négocier ? », interroge un habitant du cercle de Mopti, qui ne voit malheureusement pas, dans l’état actuel des choses, d’autre choix.

 

3 questions à Bakary Sambé, enseignant-chercheur au Centre d’études des religions de Saint-Louis (Sénégal)

Comment définissez-vous la charia ?Il y a un sens commun dans le monde musulman de manière générale à vouloir traduire le mot charia comme étant la loi coranique. Il n’a jamais signifié cela. La charia est un système d’élaboration juridique à partir des textes et des pratiques sociales. Le terme est galvaudé aussi bien dans le monde musulman qu’en Occident. Beaucoup pensent que c’est un code dogmatique.

 Les châtiments corporels font-ils partie de la charia ?

La lapidation n’existe pas dans le Coran. Ce sont des choses faites à partir de paroles attribuées au prophète, les hadiths. Les châtiments corporels sont appelés hadd ou hudud (limite), terme autour duquel il y a débat. Certains disent que ce sont des châtiments à appliquer à tout contrevenant. Pour d’autres, ce n’est pas la sanction mais la peine maximale qu’on peut appliquer.

 Pourquoi vouloir faire appliquer une vision étriquée de la charia ?

Cela traduit un désir de gouverner à la place de Dieu ou au nom de Dieu, alors que les traditions musulmanes racontent des épisodes où le prophète n’a pas voulu appliquer ces peines-là. L’esprit de l’islam est miséricordieux et on ne l’entend pas. On manipule des symboles religieux pour des motifs politiques. On préfère la soumission des corps à la conquête des cœurs. Il y a aussi l’ignorance des textes par la population, qui permet de faire passer toute sorte de motifs politique, économique, religieux.

Yves Trotignon : « L’ennemi reste insaisissable »

La force Barkhane est mobilisée à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso pour traquer les groupes djihadistes qui ont fait de cette zone une base de repli. La lutte contre le terrorisme menée par la France a permis en quatre ans de neutraliser des centaines de terroristes et de mettre la main sur d’importants stocks d’armes. Pourtant, la menace ne cesse de s’intensifier. Yves Trotignon, analyste et spécialiste du terrorisme, décrypte pour le Journal du Mali les causes de ce phénomène en progression.

La force Barkhane a neutralisé des dizaines de djihadistes suite aux opérations Bayard et Panga. Peut-on dire que la force française se révèle efficace dans sa lutte contre le terrorisme au Sahel ?

Il y a une vraie excellence tactique des forces françaises, une vraie capacité de la force au Sahel et en particulier au Mali à prendre le dessus contre les djihadistes en combat direct, dans une embuscade ou dans des opérations ciblées que ce soit des frappes aériennes ou un raid de commando, ça c’est très clair. Effectivement, il y a des saisies d’armes assez conséquentes, mais attention, il faut regarder ce qui est saisie, ce sont très souvent des explosifs, improvisés pour la plupart, il n’y a pas tant d’armes de poing ou de fusil d’assault que ça, donc attention un petit peu au bilan que l’armée française diffuse. Les forces françaises travaillent, il n’y a aucun doute là-dessus, mais il y a tout de même assez peu d’affrontement direct, je crois qu’en 2015-2016, il y a eu une dizaine de combat direct seulement entre la force française et les djihadistes. L’opération Bayard est le premier affrontement d’importance depuis début 2017. C’est un succès tactique, mais l’ennemi reste insaisissable. D’autre part, l’ensemble de la situation sécuritaire au Mali ne s’améliore pas. Depuis 2012, on n’a jamais eu autant d’attentats au Centre et au Nord du Mali. L’opération Serval qui a été efficace en 2013, ne produit donc plus d’effet sur la sécurité générale du pays.

Que faudrait-il pour que cette lutte contre le terrorisme soit efficace ? 

Le djihadisme au Mali comme en Somalie, en Irak ou au Yémen, est à la fois un phénomène en soi et aussi le symptôme de quelque chose de plus profond, dû à une crise générale de gouvernance au Mali, les conséquences éventuelles de la crise Libyenne, des différentes crises touaregs au Nord du Mali et au Niger depuis une trentaine d’année, des difficultés d’intégration, de relation entre les communautés. On le voit bien avec l’émergence de mouvement autonomiste peul, la mise en avant par les djihadistes des origines ethniques ou communautaires, qui montre bien qu’ils sont issus d’une communauté dont quelques membres sont séduit par l’idéologie djihadiste, ce qui ne se faisait pas tellement avant. Les crises se mélangent, les groupes aux origines et aux motivations différentes s’associent pour le djihad régional ou mondial. On se rend compte aussi que derrière ces djihadistes, il y a d’autres crises, du narcotrafic, des problèmes de redistribution des richesses, d’infrastructures, de relations entre les différentes communautés, de corruption. Les français combattent les éléments djihadistes, les Nations-unies essaient de faire leur métier, de la stabilisation, de la pacification, du state building, mais vous pouvez venir régler un problème, faire du mieux que vous pouvez, mais si vous ne régler pas de façon générale l’ensemble des crises, vous n’arriverez pas à grand-chose rapidement.

Pourquoi cette concentration des groupes djihadistes vers le Sahel ? Quel caractère stratégique revêt-il pour ces groupes ?

La présence des djihadistes algériens au Sahel comme AQMI existe depuis plus de 20 ans. À l’origine, ils n’étaient pas là pour faire des choses contre le Mali ou le Niger, c’était plus une base arrière. Il y a eu progressivement une convergence d’intérêts entre certains irrédentistes du Nord Niger ou du Nord Mali qui se sont trouvés des intérêts communs, des convergences idéologiques. Le Sahel n’est pas stratégique pour ces groupes, il abrite les djihadistes. L’idée principale chez ces groupes, c’est de provoquer du chaos sur place pour s’emparer du pouvoir, attirer les forces de sécurité pour les affronter et les vaincre, pas militairement mais politiquement, les discréditer, provoquer un enlisement, provoquer le départ des forces étrangères qui auront essayé de gagner alors que la crise s’est aggravée.

Selon vous, faut-il négocier avec certains chefs djihadistes comme Iyad Ag Ghaly ou Amadou Kouffa ? 

Certains responsables maliens reprochent plus ou moins publiquement aux Français d’avoir épargné Iyad Ag Ghaly en 2013. Un leader comme lui peut avoir des contacts parallèles très utiles. Il a été épargné pour ne pas fermer les portes politiques après la guerre. Mais en même temps, pour les autorités maliennes, Iyad Ag Ghaly est l’un des grands criminels de 2013. Il faut savoir où est-ce que vous mettez votre curseur. Mais si vous le faites, il faut avoir aussi les idées claires sur les personnes à qui vous parlez, que vous intégrez dans les négociations, l’idée étant toujours de fractionner votre adversaire en petits groupes qui vont éventuellement s’affronter entre eux et que vous allez progressivement attirer vers vous, soit par leur propre violence, soit par des accords politiques. Donc effectivement, négocier avec des djihadistes ça va être une occasion de les fractionner. Ce qui veut dire qu’ à un moment certains djihadistes qui pensaient arriver au pouvoir ou avoir des postes importants dans la vie politique vont se retrouver un peu marginalisé ou vont se considérer comme des perdants des négociations et vont avoir tendance à éventuellement être de nouveau violent, donc il faudra renégocier. Ce genre de division peut durer longtemps. Dans tous les cas, il va être difficile de vendre aux autorités maliennes le fait qu’il faut négocier avec Iyad Ag Ghaly qui a par ailleurs tué des Maliens et des Français, alors que les Français sont contre le fait que Iyad Ag Ghaly soit remplacé par quelqu’un d’autre.

Burkina : Des « djihadistes » ont attaqué deux commissariats

Des « djihadistes » ont attaqué deux commissariats dans la province du Soum (Nord du Burkina), près de la frontière malienne, dans la nuit de lundi à mardi, deux mois après l’attaque qui a coûté la vie à 12 soldats dans le même secteur, a appris l’AFP de sources concordantes. « Deux de nos commissariats ont été attaqués cette nuit à Barabulé et Tongomaël (province du Soum) », a affirmé à l’AFP le ministre de la Sécurité Simon Compaoré, sans donner de bilan. Deux sources sécuritaires ont parlé de « jihadistes ». Joint par l’AFP, Mohamed Dah, Haut Commissaire de la province du Soum, dont Djibo est le chef-lieu, a affirmé que « les attaques ont eu lieu quasi simultanément, mais les tirs à Barabulé ont été plus intenses qu’à Tongomaël. Les tirs ont cessé, mais les assaillants ne sont toujours pas partis. Un renfort militaire a été envoyé sur les lieux ».

« On se demande si c’est une diversion, afin de mobiliser des forces de sécurité pour attaquer des cibles plus importantes », a-t-il avoué, sans pouvoir non plus donner de bilan.

Cette attaque est survenue pendant le 25e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), qui attire des dizaines de milliers de cinéphiles, dont de nombreux étrangers, dans la capitale burkinabè, située à 210 km au sud de Djibo.

Le gouvernement avait assuré avoir pris des mesures spéciales pour protéger ce célèbre festival, qui est l’occasion pour le pays de rayonner positivement à travers le continent et le monde.

Sous couvert de l’anonymat, une autre source sécuritaire a expliqué que l’attaque à Barabulé était l’oeuvre d’une « dizaine de jihadistes arrivés sur six motos ».

Dans un communiqué officiel publié dans la matinée par le ministère de l’État et de la sécurité du Burkina Faso il est mentionné qu’une seule personne a été blessée, il n’y aurait aucune aucune perte en vies humaines  » précise le communiqué. Le Communiqué ajoute également qu’une « opération des ratissage est en cours dans la localité en vue de retrouver les assaillants « . Le ministre invite les populations à garder le calme et la sérénité et à dénoncer tout suspect, aux forces de défense du Burkina Faso. C’est dans cette même région du Sahel qu’opère le jihadiste du Mujao, Malam Ibrahim Dicko.

Le 16 décembre, une attaque de jihadistes sur un détachement de l’armée à Nassoumbou, également dans la province du Soum, près de la frontière malienne, avait fait douze morts, traumatisant le pays. Ce raid jihadiste est le plus meurtrier jamais perpétré contre l’armée dans ce pays. Il s’agissait alors de la seconde attaque visant l’armée depuis le début des attaques jihadistes au premier trimestre 2015 au Burkina Faso, petit Etat sahélien d’Afrique, pauvre et enclavé.

En octobre 2016, la première attaque avait fait six morts -quatre militaires et deux civils-, les deux civils ayant été probablement tués par des « tirs amis ». Frontalier du Mali et du Niger, le nord du Burkina est le théâtre d’attaques jihadistes régulières depuis 2015. Les attaques jihadistes au Burkina Faso sont surtout concentrées dans le nord du pays. Mais le 15 janvier 2016, un commando de trois assaillants a tué 30 personnes et fait 71 blessés en plein coeur de la capitale Ouagadougou. Une attaque revendiquée par le groupe Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Longtemps épargné par ces attaques qui touchent la plupart des pays sahéliens, le Burkina est ainsi entré depuis avril 2015 dans un cycle de violence

Jeunesse radicalisée : quelles solutions ?

Au Mali, la quête de solutions pour faire face à la menace terroriste se dessine progressivement. Conscients de l’insuffisance des options strictement sécuritaires, certains pays ont mis en place des initiatives allant dans le sens de la « déradicalisation » des jeunes, première « force » des groupes extrémistes violents.

« Il s’agit pour nous de savoir pourquoi ce public cible est tant prisé par les terroristes. Peut-être conviendrait-il de jeter un coup d’œil sur nos systèmes éducatifs, nous interroger à savoir pourquoi le goût du lait devient le goût du sang ». Ces propos sont du Premier ministre Modibo Keïta, qui s’exprimait lors de la cérémonie d’ouverture de l’atelier de l’Association des Hautes cours de justice francophones (AHJUCAF) sur la situation des mineurs face au terrorisme, le mardi 25 octobre. C’est un fait, le Mali est engagé dans la lutte contre le terrorisme, aussi bien sur son territoire qu’en dehors. Mais face à la menace, force est de constater l’absence de stratégie pour lutter contre la radicalisation contrairement à d’autres pays comme la France où, en 2014, le gouvernement a mis en place un plan national de lutte contre la radicalisation, articulé autour d’une plateforme téléphonique et d’un système de renseignement au niveau des préfectures pour faire remonter des informations aux services de renseignements. Après les attentats de janvier et novembre 2015, des centres de réinsertion et de citoyenneté pour les jeunes radicalisés dans le but d’inverser le processus, ont également été créés dans le cadre de ce dispositif.

Formation et contre-discours En Afrique aussi, certains pays s’organisent. Comme le Sénégal, où l’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux, dirigé par le chercheur Bakary Sambe (également à la tête du centre d’études des religions de l’Université Gaston Berger de Saint Louis), a été créé au sein du Timbuktu Institute pour étudier « les risques liés à l’extrémisme violent, sa prévention et les processus de basculement ». Il apparaît donc que la piste de la formation religieuse (comme celle des imams maliens formés au Maroc à un islam modéré) ne saurait être la seule solution. Puisque le schéma de radicalisation des jeunes est désormais connu, place doit être faite à des initiatives qui leur sont directement destinées. L’une d’entre elles vise l’élaboration d’un contre-discours pour déconstruire les arguments de l’extrémisme violent. Reste à les prendre en charge psychologiquement et moralement, voire financièrement, afin de les « récupérer ». À contre-courant, de nombreux repentis ont remis en cause l’efficacité de ces projets, car selon eux, « on ne peut lutter contre le djihadiste que sur le terrain ».

 

Jeunes djihadistes : pris dans la toile de l’araignée

Au Mali, la pauvreté, le chômage, la corruption, l’insécurité, et l’absence de l’État dans certaines portions du territoire, exacerbe le désenchantement et les frustrations des populations, constituant un terrain propice pour les groupes djihadistes, qui ciblent en majeure partie les jeunes. L’extrémisme violent prôné par ces groupes, s’efface devant des raisons, souvent financières, qui poussent ces jeunes à s’enrôler.

« Je les ai rejoint pour faire vivre ma famille ». « Comme l’État n’est pas là, chacun se protège comme il peut ». « J’ai rejoint le MUJAO car j’ai vraiment aimé leur manière de convaincre les gens, leur justice et leur droiture ». Ces témoignages sont ceux de jeunes combattants, logisticiens, informateurs, chauffeurs, des anonymes, qui ont répondu à l’appel des ces groupes extrémistes violents pour tenter de changer leur quotidien, protéger ou nourrir leur famille, et dans une moindre mesure, par conviction religieuse. On les nomme communément djihadistes, et au sein des katibas, ils sont des moudjahidines qui servent les objectifs des groupes extrémistes.

Le déclenchement de leur radicalisation prend généralement racine dans les problèmes sociaux que vivent les populations et que la propagande des groupes extrémistes sait reprendre à bon compte. « Beaucoup de gens se sentent marginalisés, comme dans la région de Mopti. Ils ont vu dans ces mouvements djihadistes une façon de se rehausser, avec les armes, de devenir puissants dans un esprit de vengeance. La pauvreté, les jeunes sans travail qui peuvent gagner 100 000 à 200 000 francs CFA pour livrer des informations à ces groupes, ou pour les aider à recruter, c’est de l’argent facile qui attire nombre d’entre eux », explique le Dr Fodié Tandjigora, sociologue, qui a participé à une étude de l’institut ISS Africa de Dakar, parue en août 2016, qui traite de la radicalisation des jeunes au Mali et de la part du religieux comme du chômage dans ce phénomène. Menée par 14 chercheurs dont 10 Maliens, elle est basée sur des entretiens menés avec plus de 60 ex-engagés, et remet en cause certaines idées reçues sur cette problématique centrale pour la stabilité du Mali et pour la sécurité des pays voisins.

Les facteurs d’incorporation sont parfois plus singuliers, comme à Gao, où nombre de jeunes, diplômés sans travail, ont rejoint le MUJAO pour pouvoir profiter des avantages du cantonnement et intégrer l’armée malienne, « où on ne rentre que par connaissance ou en y mettant le prix », avaient-ils justifiés.

Selon les résultats de cette même étude, l’ensemble des individus ayant rejoint ces mouvements l’on fait moins à cause de la religion que pour des facteurs économiques ou communautaires, malgré le discours politique. « Les jeunes que nous avons rencontrés évoquent différentes raisons à leur basculement, mais pourtant ils sont toujours perçus comme des djihadistes », ajoute le Dr Tandjigora.

Devenir un frère de sang Si l’appât du gain est la principale raison qui amène ces jeunes à intégrer les groupes extrémistes, une fois cooptés, les promesses de richesses font place à la désillusion : ils se rendent compte que le salaire n’est pas assuré. Les groupes djihadistes gagnaient beaucoup d’argent avec les rapts d’Occidentaux. Ils en gagnent moins depuis l’intervention Serval. « Avant il était fréquent de voir des jeunes à Kidal payer des motos cash en euros et laisser des pourboires », explique cet employé d’une ONG de la région. Mais une fois le piège refermé sur eux, partir n’est plus possible ou ils s’exposeraient, ainsi que leur famille, à des représailles. Commence alors les formations idéologiques avant les formations militaires qui peuvent durer des semaines ou des mois pour les faire devenir des « frères de sang ». « Ils sont formés à toutes sortes d’armes et la formation idéologique ne s’interrompt jamais. Ils arrivent à te dégoûter du monde contemporain pour te concentrer sur l’au-delà, t’apprendre comment faire dans ce bas monde pour accéder au paradis », affirme cet habitant de Kidal.

Quand ces jeunes rentrent dans un groupe, la confiance ne leur est pas accordée directement. Ils accomplissent les basses besognes des jeunes recrues : la lessive, le ménage, des travaux. On les teste, et notamment leur capacité de résistance. Ce n’est vraiment que quand ils ont gagné la confiance de leurs chefs qu’on les envoie en mission. « Beaucoup d’entre eux ont réussi à quitter le mouvement avant de passer à l’acte. D’autres ne voyant pas venir les sommes promises ont vite décampé », résume le Dr Tandjigora.

Se repentir Ceux qui ont quitté ces mouvements sont les repentis. On les compte par centaines dans la région de Kidal. Certains rejoignent les mouvements armés signataires de l’accord de paix ou prennent un travail et tentent de se réinsérer dans la société. « Ceux qui en reviennent disent qu’ils ont été embarqués dans des histoires qui ne servaient pas leur cause. Il y en a d’autres qui prennent ça pour une expérience de la vie. On les a aguerris, ça leur à ouvert les yeux sur beaucoup de choses », explique cette source proche des mouvements.

Ce passage dans l’extrémisme violent laisse souvent une marque indélébile avec laquelle ils doivent apprendre à vivre. Ces repentis partent souvent s’installer dans d’autres zones, où ils n’auront pas à affronter la stigmatisation. « En général, les repentis se positionnent d’abord en victimes, et disent s’être enrôlés sans se rendre réellement compte, bien que pour nombre d’entre eux c’était un acte réfléchi », explique le sociologue.

 Menace djihadiste Pour contrer le recrutement des jeunes attirés par les sirènes du djihadisme, aucune organisation n’existe au Mali. Dans la région de Kidal, les grands marabouts sont les seuls à oser défier les chefs djihadistes dans leurs prêches. Pour ce cadre du MNLA, qui traque ces combattants extrémistes au quotidien, « le djihadisme est la menace la plus importante dans la région de Kidal, car ces groupes n’ont aucune politique à part celle de détruire. Cela nous met dans une position d’isolement, d’embargo, qui transforme nos villes et villages en cimetière », déclare-t-il.

Selon lui, les katibas au Nord de Kidal ne compterait pas plus de 200 combattants et l’Algérie faciliterait le passage de ces groupes de part et d’autre de sa frontière. Mais le gros de la menace djihadiste se déplacerait dans le centre du pays. « Les djihadistes sont en train de recruter beaucoup plus dans le Macina que dans le Nord. Ansar Dine et AQMI se sont rassemblés et ils s’appuient maintenant sur la communauté peule. Iyad Ag Ghaly a constaté qu’il perdait beaucoup de cadres avec Barkhane, donc il essaie d’attirer la France vers le centre. Ils intensifient les opérations dans cette zone et créent des groupes qui recrutent des gens qui se sentaient un peu isolés et qui ne s’intéressaient pas à la politique de l’État ou à la sécurité », explique-t-il. L’ancien chef rebelle devenu terroriste serait dans l’attente du moment opportun. Une phrase qu’il a prononcée il y a quelques mois semble sonner comme un avertissement : « Je suis l’araignée. La mouche est beaucoup plus rapide, mais l’araignée mange les mouches. Je ne suis pas pressé et comme l’araignée je tisse ma toile. J’essaye d’éliminer tous ceux qui sont entre moi et les mécréants (Français) ».

Panique à Faladié: fausse alerte à l’ex-hôtel Royal

Une véritable panique a envahi, ce matin, le quartier de Faladié suite à une perquisition  menée par la police. Selon l’un des gardiens de l’immeuble nommé Samba, il était 9h quand la police a bouclé tout le périmètre autour de cet ancien hôtel situé à mi-chemin entre la gare routière de Sogoniko et la Tour de l’Afrique, ils ont arrêté toutes les personnes qui étaient sur place », explique un jeune vigile en poste dans les environs . » Les gendarmes ont braqué des fusils sur nous en nous regroupant dans un magasin et en nous fouillant tous « , poursuit-t’il. « C’est à la suite de cela  qu’ils ont perquisitionné tout l’immeuble en défonçant toutes les portes, mais  ils n’ont rien trouvé », ajoute le jeune homme. Cependant la gendarmerie aurait retrouvé un drapeau noir au seuil de l’immeuble sur lequel il était écrit  » Les jihadistes aussi ont leur part dans le Mali « , a indiqué le responsable d’un dépôt de boisson en bas du bâtiment.

D’après les locataires des magasins de l’ancien hôtel estiment que cette affaire remonte en 2009, selon le responsable dudit  dépôt. Mme Diallo aurait souscrit un prêt dans une banque dont nos interlocuteurs n’ont pas souhaité dévoiler le nom. Un prêt dont elle n’aurait pas respecté  les engagements pour le remboursement. D’après les mêmes sources, c’est la vente de l’hôtel qui a entraîné cette réaction de Mme Diallo. Selon leurs informations, elle aurait planifié l’inplantation du drapeau jihadiste sur  l’hôtel inhabité. Cette version a été corroborée par le ministère malien de la Sécurité intérieure qui a indiqué dans un communiqué que la dame « avait agi pour des revendications personnelles ». L’incident n’aurait donc rien à voir avec des « jihadistes ».

IBK à propos du djihadisme : « Nous sommes tombés dans un piège sémantique »

La géopolitique mondiale a changé de protagonistes. Il ne s’agit plus d’une guerre froide entre Russes ou Américains, ou entre Chinois et Américains, mais bien de cette troisième guerre mondiale, si l’on peut utiliser l’expression, contre le nouveau mal de ce millénaire. Terrorisme, terreur, violence, exécutions sommaires, décapitations en série, enlèvements de jeunes filles, assassinats atroces, explosions, bombes humaines, kamikazes. Oui la liste est longue des atrocités qui sont commises en ce monde, au nom de l’Islam. De l’Est à  l’ouest, l’avènement du califat mondial de la terreur, fait trembler les puissances occidentales. Si le régime répressif de Bachar El Assad était l’ennemi il y a peu, il faut désormais admettre qu’Américains, Français et Syriens ont désormais un ennemi commun. Le califat de la terreur véhiculé par l’Etat Islamique, Boko Haram, les Shebabs et bien d’autres organisations, qui veulent faire régner la peur… Perceptions de l’ennemi, usage des expressions pour désigner ces adeptes de la terreur, il faut faire preuve de discernement : « J’ai bien peur que nous ne soyons tombés dans un piège sémantique. Djihadisme prête aujourd’hui à  confusion », s’est exclamé le président Ibrahim Boubacar Keita, à  l’ouverture du Forum International des Jeunes, de Bamako, sur la Paix et la Sécurité au Sahel. Allant plus loin, dans ses propos, IBK a regretté cette confusion faà®te au nom de l’Islam. La désignation « Etat Islamique », revient au-delà  de l’appellation de ce groupe, à  créer l’amalgame dans les esprits, comme s’il y avait les « méchants musulmans du Levant contre les bons occidentaux ou chrétiens ». Si le bourreau de James Foley, de Steven Sotloff ou de David Haines, tous exécutés par l’EI, est identifié comme un britannique, C’’est que l’Occident n’est plus le modèle. Le califat s’instaure désormais en alternative pour les refoulés du système, un prétexte pour assouvir sa soif de violence, sinon comment expliquer la froide exécution de ces trois hommes ? Le monde fait face à  une menace de grande ampleur comme l’a souligné le président Keita, parlant de ce califat. « Jeunes d’Afrique et du Monde, vous êtes en danger », a ainsi mis en garde IBK. Le Mali a fait les frais en 2012 de la crise libyenne en devenant un « ventre mou » du Sahel, qui abrite tous les terrorismes. Alors, il va de soi que la question mérite réflexion et justes perceptions de la part de cette jeunesse, réunie à  Bamako pour discuter des défis sécuritaires qui menacent clairement la stabilité de la bande sahélo-saharienne.