Corruption : un combat multidimensionnel

« Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir » (Albert Einstein). La lutte contre la corruption se situe à la connexion de ce privilège de savoir que « l’argent public est au cœur de l’État de droit et de la démocratie », et du devoir d’agir pour que cela soit.

« La corruption est une triste et dure réalité qui sévit au Mali. Elle est endémique et systémique sans autant être une fatalité. Elle découle de la cupidité d’une minorité d’hommes qui profitent de leur situation sociale et/ou administrative pour abuser des finances de l’État », déclarait devant la 2è réunion du groupe de suivi international des donateurs du 15 mai 2013 à Bruxelles, le ministre de la Défense de l’époque.

Jamais l’attelage justice, médias, citoyens, partenaires conscients de leurs droits et devoirs, n’a été placé au cœur de la lutte, demeurée le domaine exclusif du pouvoir exécutif, alors qu’elle devrait concentrer en priorité les efforts sur trois domaines : les citoyens et partenaires en agissant pour demander des comptes, en travaillant avec les partenaires et les dirigeants, en protégeant les activistes, la prévention, l’application des lois et la justice en promouvant la prévention et l’application des normes anti-corruption, en exigeant la justice pour mettre fin à l’impunité, un mouvement fort en partageant des connaissances, en donnant l’exemple, en améliorant la présence stratégique.

Pour s’y frotter, il faut un réarmement civique, politique, et patriotique, prenant en compte, et en charge, le lien de causalité existant entre le déficit de transparence et le manque d’accès à l’information, les situations de conflits d’intérêt des agents publics et la corruption pouvant en résulter, et la formulation de mesures et d’outils de politique pouvant concourir à davantage d’intégrité et de transparence par un meilleur accès du public à l’information.

L’adoption du « Document Cadre de Politique Nationale de Transparence au Mali » qui définit et propose un cadre référentiel dans lequel s’inscriront et convergeront toutes les initiatives du gouvernement constitue une avancée certaine. Mais, il faut plus. Avons-nous hérité de nos ancêtres, des pères fondateurs de la République (res publica : la chose publique) du Mali, de nos parents le phénomène de la corruption, et de l’impunité comme nous les vivons, et les subissons aujourd’hui, avec le péril grandissant de compromettre pour toujours notre devenir commun ? Les institutions démocratiques et républicaines dont nous disposons sont-elles à la dimension d’inverser la situation, et de nous faire emprunter le chemin de la vertu ? Les processus et procédures qui définissent comment le pouvoir est conquis et exercé, sont-ils en phase avec la société réelle ?

Au demeurant, la lutte au Mali se doit d’être accompagnée par des démarches permettant d‘établir les bases pour construire un « arsenal » juridique et institutionnel innovant et performant fondé sur les dispositions de la Constitution, les institutions créées (contrôle général des services publics, inspections ministérielles, cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration , Vérificateur général, pôles économiques … ), la Loi n° 2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite…

Ce qui requiert l’apport  des médias et des journalistes d’investigation par le renforcement de leurs capacités de professionnels, de mise en pratique des compétences acquises, d’établissement d’un cadre d’échange entre les capacités des organisations de la société civile, politique et les médias, de conscientisation des responsables des médias sur le rôle de leur secteur dans la lutte contre la corruption.

C’est dire que pour lutter contre la corruption au Mali, comme l’argent public, il faut placer l’information, la communication, le plaidoyer, les séances de sensibilisation des citoyens sur les rapports de vérification et de contrôle, la transmission des valeurs, des principes et des règles du jeu de la bonne gouvernance, au cœur de la démocratie et de l’État de droit vers lesquels aspirent les populations, notamment laborieuses.