Guillaume Ngefa : « Notre rôle, c’est d’établir la vérité »

 La Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA est un pilier fondamental de la mission onusienne. Les personnes qui y travaillent assurent la protection et la promotion des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. La découverte récente de fosses communes dans la région de Kidal et la libération de 9 enfant soldats enrôlés dans les mouvements armés ont, pour un temps, mis sur le devant de la scène cette division très informée et qui cultive la discrétion. Guillaume Ngefa, son Directeur, a répondu aux questions du Journal du Mali sur son travail quotidien dans un contexte de violence et d’insécurité.

Quel est le rôle de la division des Droits de l’Homme de la Minusma ?

C’est la composante de la mission qui a reçu mandat de surveiller la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, d’aider à enquêter sur les abus et les violations des droits de l’homme, de les documenter et de les rendre publics et de contribuer au renforcement des capacités des institutions nationales, ainsi que des organisations non-gouvernementales. Nous aidons aussi à l’administration de la justice.

Faites-vous aussi de la sensibilisation ?

Le volet sensibilisation est une composante essentielle de notre travail. Nous conduisons une série de formations des forces de défense et de sécurité maliennes, en coopération avec l’EUTM et l’EUCAP, qui forment la police et la gendarmerie. Nous avons des programmes de renforcement des capacités des organes chargés de l’administration de la justice. Chaque année nous organisons une formation avec l’institut des droits de l’homme de Strasbourg sur le droit international, les droits de l’homme et le droit humanitaire, nous en sommes à la quatrième.

Quel est votre rôle face à des abus et des violations graves des droits de l’homme ?

Les violations du cessez-le-feu peuvent s’accompagner d’abus ou de violations des droits de l’homme. Nous devons enquêter, faire la lumière et rendre nos conclusions accessibles au public via un rapport. Nous recevons toutes sortes d’allégations, de plusieurs sources : victimes, chefs de villages, sources journalistiques, témoins. Nous les vérifions pour les corroborer, voir si elles sont vraisemblables. Car elles peuvent être fictives, minimisées, exagérées ou utilisées à des fins totalement politiciennes. Vu la complexité de certaines situations, on déploie d’abord une mission d’investigation. Quand on a assez d’éléments, on déploie une mission d’établissement des faits pour les vérifier et les déterminer. Ce devoir de vérification permet aux victimes de connaître la vérité et à la justice d’ouvrir des enquêtes pour que les auteurs répondent de leurs actes.

Comment cela s’est- il passé pour les fosses communes découvertes dans la région de Kidal ?

Nous documentons et suivons cela depuis juillet 2016, lorsque les affrontements ont commencé entre le Gatia et la CMA. Après vérification, nous sommes arrivés à 67 allégations de violations des droits de l’homme. C’est dans l’établissement des faits que nous avons découvert deux fosses communes et deux tombes individuelles. Jusqu’à maintenant, nous avons 34 cas d’abus sérieux qui ont été commis aussi bien par le GATIA que par la CMA. Les conclusions de nos enquêtes sont partagées avec les groupes armés. Le but est qu’ils assument la responsabilité de ce qui s’est passé. Les faits commis peuvent faire l’objet d’enquêtes judiciaires.

Comment faites-vous pour ne pas être manipulés par les uns ou les autres ?

On tente de nous manipuler, ça fait partie du jeu, mais les informations sont collectées, vérifiées. On ne s’appuie que sur des fait établis. Si ce n’est pas vérifié, on parle d’allégation. Il y a eu un mois d’enquête en ce qui concerne les fosses communes de Kidal. Les 33 allégations qui restent doivent passer par tout ce processus. L’enquête doit continuer, il y a des éléments manquants.

Une fois les responsabilités établies, que va-t-il se passer ?

Nos enquêtes ne sont pas des enquêtes criminelles. Ce sont des informations mises à la disposition de la justice pour qu’elle ouvre une enquête criminelle. C’est à elle de dire le droit, de qualifier les faits et de déterminer la sanction prévue par la loi malienne. Il est important que la justice fasse son travail.

 La justice s’est-elle saisie de précédents rapports que vous lui avez transmis ?

Nous avons produit trois rapports, sur Kidal et Tin Hama notamment. Ils ont été transmis à la justice. Maintenant, il faut leur poser la question. Notre travail est important dans le processus de paix, ça rassure les gens, au moins ils savent que l’impunité ne continue pas.