Nord et Centre du Mali : guerre contre l’éducation ?

Pour la nouvelle année scolaire, il y aura une augmentation de 70 % du nombre d’écoles fermées par rapport à l’année scolaire 2015 – 2016. Une situation due principalement aux menaces des groupes armés et au climat d’insécurité, mais aussi à une certaine méfiance envers le système scolaire national.

Leurs enseignants ont fui sans jamais revenir. Leurs écoles ont été saccagées, incendiées, par des individus armés. Dans le Nord et le Centre du Mali, les écoles fermées sont légion et créent une génération sacrifiée de garçons et de filles déscolarisés. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), l’année 2016 – 2017 s’est terminée avec 500 écoles fermées, soit 31 % de l’ensemble du Centre et du Nord du pays, et 150 000 enfants déscolarisés. La région de Mopti, avec 248 écoles fermées, est la plus touchée. « Les djihadistes ordonnent de fermer toutes les écoles non coraniques. Ils sont hostiles à l’école de la République. Partout où ils passent, ils menacent les enseignants, qui ont tous déserté. Pour eux l’école fondamentale vient du Blanc, et ils n’aiment pas ça », explique un habitant de Youwarou. Dans les territoires enclavés de la région de Mopti, où l’État et l’armée ne sont présents que dans les grandes villes et où l’islam est fortement enraciné, on rencontre aussi une hostilité naturelle envers l’école de la république, un état de fait antérieur à la présence des djihadistes. « Chez nous, c’est une question de culture. Auparavant, il y avait même des parents qui allaient jusqu’à payer des directeurs ou des enseignants pour que leurs enfants ne soient pas recrutés. Beaucoup profitent de la situation créée par les djihadistes car ils considèrent qu’un enfant qui va à l’école française deviendra difficilement un bon musulman », souligne un enseignant du cercle de Tenenkou, où 91 établissements scolaires sont fermés depuis l’année dernière.

Cursus franco-arabe, une solution ?  « Les écoles publiques sont mal vues parce que c’est le français qu’on y enseigne et que la population, comme les djihadistes, préfère les écoles coraniques », confirme Sékou Bakaye Traoré, Président du Conseil de cercle de Youwarou. Pour lui, il y a une solution qui pourrait favoriser qui pourrait favoriser la réouverture des écoles dans la région : la mise en place d’un système où l’on pourrait conjuguer apprentissage de l’arabe et du Coran et cursus conventionnel. « Je pense que l’État doit entreprendre certaines réformes. Il faut introduire l’arabe dans nos écoles dès le primaire. Les écoles franco-arabes, la population a toujours souhaité ça. Enseigner le français ici encourage l’islamisme. Je pense que si on fait ça, il y aura des effets importants. Ce sont des décisions politiques à prendre, mais je suis convaincu que, pour rouvrir les écoles, il faut modifier un peu les programmes », affirme-t-il.