L’Église du Mali fête ses 130 ans

Le 130ème anniversaire de l’Église au Mali sera couplé avec le 47ème pèlerinage à kita, prévu du 17 au 18 novembre 2018. L’évènement enregistrera la présence du Cardinal Pietro Paroline, secrétaire d’État du Vatican. Le 47ème pèlerinage a pour thème « Avec Marie, quels jeunes chrétiens pour l’Église et le Mali d’aujourd’hui ? ».

L’avènement de l’évangélisation au Mali n’a pas été une chose facile et plusieurs tentatives ont été vaines. Avec l’idée d’apporter la « Bonne nouvelle » à toute l’humanité, le Cardinal Lavigerie a fondé la Société des missionnaires d’Afrique à Alger, en 1868. Sept ans après, il décide d’envoyer une caravane de trois missionnaires traverser le Sahara, tentative qui échouera. En 1881, une autre caravane de trois missionnaires connaitra le même sort. « Le cardinal a compris que la route du désert était dangereuse. C’est en 1888 que les missionnaires spiritains ont remonté le fleuve Sénégal. Ils sont entrés au Soudan par Kakoulou, dans la région de Kayes, puis sont installés à Kita », nous apprend le Père Ha-Jo Lohre, missionnaire d’Afrique.

L’accueil de ces pères spiritains n’a pas été facile, car la population se méfiait d’eux. Les autochtones, pour ne pas refuser d’accueillir les missionnaires, leur proposaient des endroits « hantés ». « Au tout début, il y a eu de la méfiance et beaucoup de prêtres sont morts très tôt, à cause de la fièvre jaune », affirme le Père Ha-Jo Lohre.

Ils sauront ensuite gagner la confiance des Maliens, à travers visites, causeries, accueil des orphelins et soins aux malades, entre autres. « C’est au vu de ces gestes que certaines jeunes ont décidé d’être comme ces prêtres et sœurs, au service de la population ».

Aujourd’hui, l’Église catholique du Mali compte 6 diocèses, 48 paroisses, 370 consacrés ou religieux, dont 171 prêtres maliens et  plus de 124 établissements. La création de l’évêque Jean Zerbo comme cardinal, le 21 mai 2017, sera un moment fort de l’histoire de la communauté chrétienne malienne.

La célébration de ce 130ème anniversaire sera marquée par les visites du secrétaire d’État du Vatican, le Cardinal Pietro Parolin,  du chargé d’affaires de la nonciature du Mali en Guinée, le Père Javier Camanes Fores et d’une délégation du diocèse de Montpellier.

« Ces évènements doivent être une action de grâce à Dieu pour toutes ces merveilles dans notre vie et une union de prières pour que l’Évangile au Mali, qui progresse, s’enracine davantage dans les cœurs des Maliens », espère l’Abbé Alexandre Denou, Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Mali.

Lettre épiscopale: « Une mentalité nouvelle pour un Mali nouveau»

A deux mois de la présidentielle prévue le 29 juillet 2018, les évêques du Mali ont publié ce 9 mai, à la veille de la fête de l’ascension une lettre à l’attention des Maliens. A cette « communauté catholique et à tous les Maliens de bonne volonté », la Conférence épiscopale des évêques du Mali, souhaite « une mentalité nouvelle, pour un Mali nouveau».

Comme à la veille de chaque scrutin crucial depuis 1997, les évêques du Mali s’adressent à la communauté dans une lettre pastorale afin de contribuer à un climat apaisé et serein pour la tenue des prochaines élections. Cette communauté désignée « Théodule», qui veut dire « Serviteur de Dieu, Esclave de Dieu », est invitée « à laisser Dieu façonner (en elle), une mentalité nouvelle pour un Mali nouveau». Cet appel pressant, selon le texte, a deux raisons : la première est que 2018 marque le cent trentième anniversaire de l’Eglise au Mali, une Eglise qui « a apporté à sa contribution à la construction de l’édifice national à travers son engagement, ses actions et ses messages de paix». La seconde raison est  que 2018 est également année d’élections générales, importantes « d’autant que tu marches sur des braises depuis 2012 », poursuit la Lettre.

Des pas positifs

Sans occulter les difficultés du moment, la Conférence note « les avancées », notamment la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, la mise n place des autorités intérimaires dans certaines régions du Nord du Mali, la collaboration positive entre les parties signataires de l’accord ou encore la collaboration  positive avec les organisations internationales et les pays amis pour la sortie de crise. Des avancées qui ne doivent pas faire perdre de vue l’immensité des défis à affronter. Ils ont pour nom détérioration de la situation sécuritaire sur tout le territoire, menace de plus en grande sur la laïcité, corruption grandissante, conscience citoyenne en régression  et violence grandissante qui « terrorise les filles et les fils, dans les rues, à l’école (…) et même dans les médias surtout les réseaux sociaux », poursuit le texte.

L’engagement de tous les acteurs

Pour affronter ces défis, la Lettre exhorte à « se convertir » et s’adresse à tous les acteurs. Aux partis politiques, elle demande le respect de la loi électorale. Compte tenu de l’engagement qui est le leur de « soigner les maux et promouvoir le bonheur de ses concitoyens », la politique est « un métier noble». Aux organes électoraux dont la mission est de « veiller à une bonne organisation des élections », les évêques sollicitent « un investissement pour la paix » avec un  respect des «  principes sacrés inviolables : impartialité, probité, transparence. » Les parties prenantes de l’Accord pour la paix et la réconciliation », sont aussi invitées à « donner vie à l’Accord par des actes concrets. »

Aux femmes sans « qui le Mali ne serait pas et qui ont payé un lourd tribut à la crise », il est demandé un engagement pour « la défense d’un scrutin crédible, pour une paix durable et un développement équitable. » Quant aux jeunes qui constituent « le présent et l’avenir » et qui sont frappés par les maux comme le chômage, l’insuffisance de formation et d’encadrement, la migration irrégulière …, il leur est recommandé de ne pas se laisser «manipuler par les politiciens(…) pour satisfaire leurs intérêts, et de votez selon votre conscience. Mettez votre force et vos talents au service de la Nation d’abord.»

Aux leaders religieux qui doivent se rappeler que « la religion est au service de l’homme », la Lettre des évêques rappelle que leur mission consiste à promouvoir « une saine laïcité, qui signifie l’accueil et la diversité religieuse au Mali et le respect des convictions de l’autre. »

Destinée à défendre les intérêts de la population et par « définition apolitique », la société civile est malheureusement « devenue plus politique que le politique lui-même », constate la Lettre des évêques. Elle est donc invitée à « revenir à son rôle premier et à ne pas se dévoyer. »

 

Commune de Dioungani : Les Chrétiens pris pour cible

Il est 14h30 quand, dans une cacophonie motorisée, 12 hommes armés convergent vers l’église catholique du village de Douna, chef-lieu de la commune de Dioungani, dans le cercle de Koro. Aux cris d’Allah Akbar, ils s’élancent en direction du bâtiment religieux. Les villageois comprennent vite ce qui va se passer et rentrent se cloîtrer chez eux. Nous sommes le vendredi 6 octobre, une date que la population et la communauté chrétienne de Douna n’oublieront pas. Deux longues heures d’une séquence violente et choquante, mais qui dans la commune, ces 8 derniers mois, est loin d’être inédite.

Une poignée d’hommes a pris position sur les principaux axes menant à l’église, tandis que d’autres escaladent le bâtiment et entreprennent méthodiquement de casser la croix en béton équipée d’un haut-parleur qui trône sur le toit. Elle finit par dégringoler et se briser au sol, accompagnée de clameurs de satisfaction. « Une femme est sortie et a essayé de leur faire entendre raison. Ils l’ont battue ! Malgré les coups, elle leur a dit qu’elle préférait être tuée que de ne rien dire. L’un des hommes a pris son coupe-coupe et lui a tailladé le bras », se remémore un habitant de Douna qui tient à garder l’anonymat. Une fois le lieu de culte décapité de son symbole, les hommes pénètrent dans l’église et rassemblent tout ce qu’ils peuvent : meubles, crucifix, portrait de la Vierge, effigie de Jésus, rideaux, nappe d’autel. Ils jettent le tout sur le sol en un grand tas. « Avec de l’essence, ils y ont mis le feu. Tout a flambé. Ils ont pris leur temps », témoigne un autre villageois. Les flammes ont déjà bien noirci les murs de l’église et calciné ce qui s’y trouvait, quand les profanateurs quittent le village en trombe, criant à la population abasourdie qu’il est interdit désormais d’y prier.

Malgré la destruction de nombreuses antennes-relais dans la commune, où plusieurs villages sont coupés du monde, la nouvelle se propage comme une traînée de poudre. 24 h plus tard, un contingent de l’armée malienne se rend sur place, inspecte l’église, fait une ronde, puis s’en retourne à sa base de Koro. À Douna, l’attaque a surpris, comme dans la paroisse de Barapeli, dont le petit village dépend. L’effroi a saisi les communautés qui redoutent que les djihadistes ne mettent en péril la présence chrétienne dans la commune.

Actes antichrétiens en augmentation « C’est la cinquième communauté visée », souligne un élu de la commune, « les djihadistes veulent imposer leur loi. Ils brûlent les églises et veulent chasser les Chrétiens ». « Depuis quelques mois, ils interdisent toutes les activités religieuses chrétiennes. Si ce n’est pas respecté, ils menacent de revenir pour sévir plus fort », confirme l’Abbé Edmond Dembélé, Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Mali.

C’est le 15 avril dernier, lors de la nuit de Pâques, qu’une première attaque contre une église chrétienne est signalée à Didia, un village de la commune de Dioungani. Là-bas, les djihadistes ont intimé aux Chrétiens du village de ne plus sonner la cloche et de ne plus se rassembler. Le 15 août, ils s’en prennent au village de Djanwelli, dans la même commune, avec un procédé particulier. « Ils ont rassemblé Chrétiens et Musulmans sur la place publique et ont prêché le coran durant 3 heures, avant de leur ordonner de ne plus jouer du tam-tam et de ne plus chanter pendant la prière », raconte un commerçant du cercle de Koro. Le 26 août, c’est l’église du village de Bodwall qui est attaquée. « Ils ont voulu casser la cloche de la petite église, mais ils n’ont pas réussi. Alors, ils sont allés au hangar à palabre des Dogons et leur ont dit de dire aux Chrétiens de détruire leur église », poursuit le commerçant. Le 19 septembre dernier, ils défoncent les portes de l’église de Dobara, toujours dans la commune de Dioungani, rassemblent à l’extérieur tout ce qu’ils peuvent y trouver et y mettent le feu, avant de menacer de mort tous ceux qui dorénavant viendraient y prier.

Chasser les Chrétiens Dans l’importante paroisse chrétienne de Barapeli, qui s’étend sur 8 150 km², forte de 45 églises et de plus de 130 communautés dynamiques qui n’hésitent pas à bousculer les prêtres pour l’apostolat (propagation de la foi), on ne comprend pas pourquoi ces attaques visent seulement la commune de Dioungani. « La cohabitation entre Chrétiens et Musulmans était bonne. Dans les différentes fêtes religieuses, ils se rendaient mutuellement visite. Depuis l’arrivée des djihadistes, les choses ont changé. Certains, à l’est de Barapeli, pensent qu’il y a plus d’églises que de mosquées », relève un habitant. Une affirmation plausible pour ce prélat de la paroisse : « il est vrai que ces hommes armés, quand ils sont venus à Douna, ont dit à certains musulmans, « ils ont des églises partout et vous vous n’avez même pas assez de mosquées », et ils ont ordonné à ces gens d’en construire. En se basant là-dessus, on peut se dire que, peut-être, le dynamisme de nos communautés fait qu’ils pourraient se sentir un peu menacés », avance-t-il.

Une autre raison est évoquée par cet employé d’une ONG locale, qui rappelle que depuis des mois les djihadistes, au nom de l’Islam, ont interdit le tabac ainsi que les boissons alcoolisées. « À Douna, il y a deux églises. Ils ont seulement attaqué celle des Catholiques, pas celle des Protestants. L’église catholique a été attaquée parce que la consommation d’alcool n’y est pas prohibée alors que les Protestants l’interdisent. Dans le village, il y avait un maquis à côté de l’église attaquée. Après l’avoir saccagée, les djihadistes sont partis trouvés des consommateurs là-bas. Il y en avait deux, un Dogon et un Peul. Ils les ont frappé, ont bandé les yeux du Peul et sont partis avec. On a plus de nouvelles depuis », ajoute-t-il.

Pour l’Abbé Edmond Dembélé, la consommation d’alcool reste une explication négligeable. « Ce n’est pas seulement du côté des Catholiques, les adeptes de la religion traditionnelle, partout sur le territoire du Mali, sont aussi des consommateurs d’alcool. Je pense qu’il y a d’autres explications un peu moins sommaires ».

Dans les villages attaqués de la commune de Dioungani, désormais les Chrétiens font profil bas. Ils ne vont plus prier à l’église, conscients que ces lieux de culte sont devenus une cible privilégiée des djihadistes. « Nous leur avons dit de ne pas aller y prier pour leur sécurité et parce qu’il y a eu une forme de profanation de ces lieux de culte. Pour nous Chrétiens, ce qu’il s’est passé, ce sont des blasphèmes contre Dieu, Sa parole et Son église. Les fidèles sont inquiets. On est passé à un cran supérieur. Ils ne savent pas si demain ils se lèveront sur leur pied. Mais ils ne souhaitent pas partir, parce que le Mali est un pays laïc, que c’est leur village et qu’ils espèrent que des solutions seront trouvées et que le calme et la cohabitation pacifique qui régnait jusqu’ici reviennent », explique un curé.

À Douna, les blessures du 6 octobre mettront beaucoup de temps à se refermer. Pour les Chrétiens les plus âgés du village, qui ont vu la communauté se constituer, l’église se bâtir, ces images indicibles, ne pourront jamais être effacées.

L’Eglise catholique malienne a fêté son Cardinal

L’église catholique du Mali, après l’avoir accueilli en pompe il y a quelques semaines, s’est réunie en masse ce 18 septembre pour une messe d’action de grâces. « C’est un privilège pour nous d’avoir un Cardinal. Notre communauté a été honorée et il est normal de dire merci au Seigneur mais aussi de prier pour le Cardinal Zerbo », s’enthousiasme Vincent, fidèle de la Cathédrale de Bamako. Le Palais des sports de Bamako a donc accueilli autorités administratives, politiques et religieuses de toutes confessions ainsi que des milliers de chrétiens, venus de tout le Mali et des pays voisins, qui ont fait le déplacement.  Plusieurs mouvements ont été à l’œuvre pour permettre la réussite de ce évènement : les scouts, les amis de amis de Kizito etc. « C’est avec un grand plaisir j’ai pris part à la messe d’action de grâce de notre éminence Cardinal Jean Zerbo. Dieu soit loué. », a déclaré Emmanuel Sanou accompagnateur des Amis de Kizito. Une forte mobilisation des forces de sécurité a permis d’assurer la sécurité tout au long de la cérémonie.

Joie et reconnaissance.

La messe attendue a été un moment de joie et de reconnaissance de l’Eglise catholique du Mali. «De ma nomination à aujourd’hui, je ne fais qu’assister à des  gestes de paix et d’hospitalité. J’étais malade et vous m’avez rendu visité » a déclaré le Cardinal Zerbo qui à la période de sa création comme Cardinal par le Pape François, le 21 mai dernier, était en effet souffrant.  Au nom de la Conférence des Evêques du Mali, Mgr Jean Gabriel Diarra remerciera pour « l’honneur qui nous a été fait en nommant  notre frère Jean  Zerbo cardinal. C’est un défi pour l’Eglise malienne universelle. » Cette dernière s’apprête à fêter  son 130e anniversaire d’évangélisation. 

 

 

 

Le cardinal Jean Zerbo de retour au Mali

A sa descente d’avion à l’aéroport international Modibo Keita, hier 21 août, le cardinal Jean Zerbo a été accueilli par le chef de l’État Ibrahim Boubacar Keita. C’est dans sa tenue de cardinal rouge que le nouveau cardinal s’est adressé à la nation malienne en ces mots : « Que la paix soit au pays, et que le Bon Dieu apaise le Mali ».

C’est un cardinal convalescent qui a attérri, hier lundi 21 août dans l’après midi, à l’aéroport de Bamako où il s’est entretenu avec le président de la république, venu l’accueillir en présence du ministre des Affaires Religieuses et du Culte, Thiorno Omar Hass Diallo, du président de la conférence épiscopale du Mali, et des chorales « Sainte Rita » et « Cœur des anges » venus offrir au cardinal un accueil chaleureux digne de ce nom.

C’est avec des messages de bénédiction qu’il s’est adressé à la nation « Le seul message que j’ai a vous donner est un message de paix. Que règne la paix au Mali ». Après ce message de soutien à la nation, la délégation a pris le chemin de la cathédrale de Bamako où il était attendu par un parterre de fidèles chrétiens venus nombreux.

A son entrée à l’église, Le cardinal a été accueilli dans la joie et les louanges scandées par la foule, « loué soit le seigneur, longue vie au nouveau cardinal», « Le Mali tout entier doit soutenir son éminence, il a besoin de nos prières pour sa santé et pour l’œuvre qu’il a commencé », explique le pasteur Marc Goita, représentant de l’Eglise protestante. Les familles fondatrices de Bamako ont aussi honoré le cardinal Jean Zerbo, « par ma voix je transmets les salutations des familles fondatrices de Bamako. Ce n’est pas le cardinal qui a été honoré, ni l’église mais c’est le Mali tout entier », s’est félicité le représentant des familles fondatrices de Bamako

Le nouveau cardinal a tenu à la fin de son allocution, à responsabiliser chaque fidèle face aux défis et réalités de la vie. Sa santé ne lui ayant pas permis de s’éterniser auprès de ses fidèles, une messe d’action de grâce et une soirée culturelle sont prévues dans les jours à venir. Le Cardinal Jean Zerbo retournera à Paris pour poursuivre des soins médicaux, le 20 septembre prochain.