Marchés financiers : fait-on encore confiance au Mali ?

Le Mali a effectué deux sorties sur le marché financier de l’UEMOA durant ce mois de novembre 2022. Si ce rythme est plutôt habituel, les taux de couverture des montants sollicités ont été de 59,38% et 67,02%, inférieurs donc aux attentes. Une mauvaise nouvelle et un manque supplémentaire pour les besoins en ressources du pays.

Avant les opérations du mois de novembre, le Mali avait enregistré des taux de couverture de plus de 100%. Au total, sur les sept opérations réalisées, quatre avaient été un franc succès, permettant au pays d’obtenir des montants au-delà des sollicitations. Mais il faut reconnaître qu’il existe actuellement sur le marché une tension de liquidités, explique un acteur. Ce qui fait que tous les pays de l’Union ont des difficultés. Certains ont même reporté certaines de leurs opérations.

Dans le détail, lors de l’opération du 2 novembre 2022, le Mali a obtenu un peu plus de 23 milliards pour une sollicitation de 40 milliards, mais a aussi rejeté 2 milliards sur les soumissions enregistrées. En effet, les soumissions rejetées correspondent à des montants proposés par les banques à des taux très élevés, parce que, même si le pays cherche de l’argent, ce n’est pas à n’importe quel prix.

Des investisseurs réticents ?

Après 6 mois de sanctions économiques et financières, le Mali a fait son retour sur le marché de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) avec un certain enthousiasme. Pour un montant de 270 milliards de francs CFA mis en adjudication le 9 août 2022, il avait obtenu un taux de couverture de 102,73%. Comme l’appel public à l’épargne (APE) pour un emprunt obligataire de 200 milliards, au mois d’octobre, où le Mali a obtenu 207 milliards. On ne peut donc pas déduire une corrélation directe entre cette situation exceptionnelle, où le Mali était privé de ses fonds, et une éventuelle réticence des investisseurs. Toutefois, les récentes sorties du pays n’ont pas été des succès, l’État n’arrivant pas à mobiliser les sommes recherchées. Le 8 septembre dernier, Moody’s, l’une des agences de référence mondiale pour les notations, a dégradé la note du Mali, qui est passée de B3 à Caa1 et rabaissé de stables à négatives ses perspectives. L’Irak, la Barbade ou encore le Gabon avaient la même note à cette date. C’est l’une des plus mauvaises notes que l’agence peut attribuer à un pays. Mais, selon des experts, ce qui intéresse le plus les investisseurs, c’est la capacité du pays à rembourser à bonne date. Le Mali ayant procédé immédiatement après la levée de l’embargo au paiement de tous les impayés, avec les intérêts de retard, cela a redonné une certaine confiance aux investisseurs. De la levée de l’embargo à maintenant, le Mali a effectué 9 sorties en y ajoutant le nouvel APE lancé ce 21 novembre. Des opérations avec UMOA titres et des emprunts obligataires côtés à la Bourse régionale, à travers le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers, qui est devenu l’Autorité des marchés financiers (AMF- UEMOA).

Les adjudications sont des ventes aux enchères, pour les Obligations du Trésor (OAT) chaque banque est libre de fixer ses conditions avec l’Autorité des marchés financiers. C’est généralement lorsqu’ils sollicitent des montants élevés que les pays ont recours à cette procédure. Selon la réglementation, dans la syndication ou appel public à l’épargne il faut la désignation d’une SGI, choisie par l’émetteur comme chef de file de l’opération.

Financer le déficit

Avec une situation marquée par différentes crises (sécuritaire, politique et sanitaire), le Mali fait face à des besoins de financement en nette croissance. Les déficits, représentant l’écart entre les ressources dont dispose le pays et les dépenses nécessaires, sont récurrents et importants. L’une des options est donc la recherche sur le marché financier d’argent pour satisfaire les besoins de financement du pays.

La situation du Mali n’est donc pas reluisante et le niveau de développement du pays est parmi les plus faibles. Dans sa note de présentation de 2020, le Mali est classé dans la catégorie des pays à faible niveau de développement humain, avec un indice de développement humain (IDH) de 0,434 et placé au rang 184 sur 189. En 2019, le Mali occupait le même rang au niveau mondial avec un IDH de 0,423.

L’IDH du Mali est inférieur à la moyenne des pays du groupe de développement humain faible (0,689) et en dessous de la moyenne de 0,547 pour les pays d’Afrique subsaharienne. Et la pauvreté est plus accentuée en milieu rural qu’en milieu urbain.

L’apparition de la pandémie a entraîné un recul du PIB réel de 1,6% en 2020. Le secteur primaire a été le plus touché, avec une régression de 5,6%. Le secteur secondaire a lui connu une légère baisse de 0,3%. Seul le secteur tertiaire a enregistré une faible hausse de 0,4%.

Mais les perspectives prévoient une hausse dans tous les secteurs en 2022. De l’analyse des perspectives économiques de l’UEMOA, il ressort que le Mali présente une évolution favorable des indicateurs macroéconomiques durant la période 2021-2025.

Relancer et réformer

La situation financière du marché de l’UEMOA est caractérisée par une tension de liquidités, car les banques n’ont pas suffisamment d’argent pour participer aux opérations financières des différents pays. Conséquence du relèvement par la BECEAO de son taux directeur. Pour elle, il s’agit de diminuer le volume de l’argent en circulation entraîné par la hausse des prix des biens de consommation.

« La situation sur le plan mondial fait qu’il y a des défaillances financières un peu partout », explique le Dr Abdrahamane Tamboura, économiste. La situation du Mali est néanmoins particulière avec les positions récemment prises par le pays qui ne sont pas cautionnées par les institutions qui gèrent la question monétaire au sein de la sous-région. Même si la question de la liquidité reste un problème global. Cette tension de liquidités reste perceptible dans les relations de l’État avec les grands opérateurs et même certaines couches sociales.

C’est pourquoi l’une des meilleures formules pour le Mali est de se baser sur l’exploitation de ses ressources, notamment minières. Des mécanismes destinés à intensifier leur exploitation doivent être mis en place, ajoute le Dr Tamboura, afin de disposer de suffisamment de devises, qui serviront à honorer les engagements, et ainsi de convaincre davantage d’investisseurs.

Mais à ces difficultés, qui sont d’ailleurs celles de tous les pays de la sous-région, s’ajoute la question de la monnaie, qui doit être analysée sous l’angle d’un meilleur contrôle. C’est dans l’intérêt des États « s’ils veulent avoir de bonnes perspectives ». Compte tenu des enjeux géopolitiques importants, il est essentiel que les États s’engagent à avoir le contrôle vis-à-vis de leur allié dans cette question, la France, préoccupée par ses propres défis.

De cette manière, chaque pays pourra alors élaborer sa propre stratégie. Les récents évènements démontrant que « le fonctionnement du franc CFA est perturbé » et lié au système de gestion même de cette monnaie. Pour le Mali, il est « indispensable de réduire conséquemment les dépenses de fonctionnement non utiles pour faire face à des financements urgents », suggère le Dr Tamboura.

Parce qu’une augmentation des dépenses qui ne s’accompagne pas d’une possibilité d’augmentation de ressources doit être évitée. Une vision qui manque et qui doit être prise en compte. Les efforts dans ce sens doivent être continuels et les exemples ne manquent pas, comme récemment au Burkina Faso, où les autorités ont montré la voie. Il s’agit aussi d’être « rigoureux dans la mobilisation des ressources pour les investissements à réaliser. Ce qui permettra à la situation d’être sous contrôle ».

1ère cotation de l’emprunt obligataire au Mali : Une grande réussite

Le Mali a abrité une cérémonie sur la 1ère cotation de l’emprunt obligataire du pays. En présence de nombreux invités dont le directeur général de la BRVM Edoh Kossi Amenouve, les acteurs de cet emprunt ont présenté les résultats de l’opération.

« Le fait de tenir cet événement à Bamako revêt une importance toute particulière. Tout d’abord cela contribue à vulgariser et démocratiser les instruments des marchés financiers auprès du public malien et de mieux faire connaître la BRVM et les nombreuses opportunités d’investissement qu’elle offre » fait savoir Amadou Cissé, directeur général de la société de gestion et d’intermédiation du Mali (SGI-Mali) dans son allocution.

Après le succès retentissant du premier emprunt obligataire de son histoire en 2016, le Mali a lancé en avril 2017, un nouvel emprunt obligataire sur le marché financier de l’UEOMA et ce, dans le but de lever 100 milliards de FCFA pour le financement de projets notamment, la construction de routes et des aménagements agricoles. « En quelques mois, nous avions eu 102 milliards, nous avons donc décidé d’arrêter, ceci démontre encore une fois la confiance des investisseurs en notre pays » confie le DG de la SGI-Mali. C’est sa structure qui a été mandaté par la direction nationale du trésor public et de la comptabilité pour conduire l’opération de mobilisation des fonds. « La réussite de ces emprunts réside dans le fait que nos finances publiques sont désormais assainies, c’est pourquoi nous avons autant d’investisseurs, nous devons garder cette crédibilité » explique le directeur national du trésor public et de la comptabilité Amadou Baba Cissé. Le pays est en tête des principaux souscripteurs (71%) et les institutions financières ont été les principaux (banques et assurances) souscripteurs de cet emprunt obligataire au Mali. Cissé a tenu à « féliciter » l’association des professionnelles de banque et des établissements financiers (APBF).

 

Emprunt obligataire : Particuliers, investissez !

C’est l’appel que lance le directeur général de la SGI Mali. Car contrairement au premier emprunt obligataire qui fut un grand succès en avril 2016, celui lancé le 23 mars 2017 est pour le moment incertain. Et pas pour les raisons que l’on pourrait croire.

Ce ne sont pas les questions de sécurité qui pèsent sur le succès de cette deuxième émission d’emprunt obligataire sur le marché financier de la zone UEMOA, dont l’objectif est la collecte de 100 milliards de francs CFA pour le financement de projets d’infrastructures routières et d’aménagements agricoles. Selon le directeur général de la Société de gestion et d’intermédiation (SGI) Mali, chef de file de l’opération, la raison de la frilosité du marché est à trouver du côté des banques. « L’an dernier, nous avons mené une superbe opération et nous avons été obligés d’anticiper sa clôture, du fait de son succès. Le problème sur cette deuxième opération d’émission d’obligations, c’est que le marché réagit plus timidement. Cela s’explique par une décision de la BCEAO qui limite le refinancement des banques et qui a causé beaucoup de problèmes sur les marchés monétaire et financier », explique Amadou Baba Cissé. « Il a en effet été décidé de durcir les conditions d’accès à l’un des guichets de refinancement de la Banque centrale qui étaient ouverts aux banques, le guichet permanent où les banques viennent trouver des ressources pour, en l’occurrence, acheter des titres publics. La BCEAO veut, par cette décision, pousser les banques à aller se financer sur le marché interbancaire », explique un analyste de la Banque centrale. Conséquence immédiate, les banques, n’ayant plus accès aussi facilement qu’auparavant à ces ressources, sont plus frileuses à acquérir des titres publics, alors qu’elles en sont les principaux acheteurs.

Assouplissement Cette nouvelle donne a handicapé plusieurs pays qui ont dû surseoir à leurs opérations par manque de souscriptions. Mais du côté de la BCEAO on assure que, depuis, des mesures ont été prises pour aider les États en diminuant notamment le taux de réserves obligatoires qui est passé de 5% à 3% suite à sa réunion de politique monétaire de mars 2017. « Les réserves obligatoires sont les dépôts que les banques sont tenues de détenir à la BCEAO en pourcentage, essentiellement, des dépôts de la clientèle bancaire », peut-on lire sur le site de la Banque centrale.

Toutefois, l’optimisme demeure, et en attendant que les banques retrouvent leurs marques et reviennent investir sur le marché financier, Amadou Baba Cissé lance un appel aux particuliers qui peuvent et doivent « investir dans l’avenir en achetant des obligations à 10 000 francs CFA l’unité, rémunérées à 6,5% ».