Jazzy Koum Ben Festival : Un pont musical nord – sud

Le Festival international de jazz de l’association Jazzy Koum Ben se tient depuis le 23 avril. La manifestation est avant tout un cadre de promotion de cette musique, encore considérée comme élitiste par le public malien.

Selon Zoé Dembélé, Présidente de l’association Nyogon Koum Ben, « le concept du festival, créé en 2009, est la rencontre nord – sud par la mise en relation d’artistes maliens et étrangers ». Pour Mme Dembélé, 2018 sera un bon cru de l’évènement, désormais incontournable dans l’agenda culturel du Mali. Au menu, plusieurs personnalités internationales venues à la rencontre des jazz et soul men maliens. « Le saxophoniste américain Suleiman Hakim va se produire avec Cheick Tidiane Seck au Club Africa (ex Komoguel 2), le 25 avril. Le duo Thomas Galliano – Alexi Avakian sera également présent, ainsi que deux artistes burkinabé, Solo Dja Kabako et Bill Aka Kora. Ce dernier travaille avec le Français Fabrice Devienne sur un projet musical qui sera présenté ici. Le groupe Tartit se produira à Blonba et, toujours dans le cadre des échanges, un groupe kényan a été invité. C’est « Shamsi Music », qui vient au Mali pour la première fois », explique la Présidente. Grande innovation pour cette 8ème édition, le JKBF s’est choisi un thème, le fil conducteur des différentes activités : « Le jazz promeut la paix », ce qui donne un sens supplémentaire à l’évènement, cadre de rencontres et d’échanges par excellence, qui apporte ainsi sa contribution à la recherche de la paix au Mali.

Rencontres de jazz. Cadre de renforcement des compétences, le festival a ouvert par un atelier de formation regroupant de jeunes musiciens maliens sélectionnés par un appel à candidature. Ils suivront une formation aux instruments du jazz : batterie, piano, saxophone, guitare, etc. « Notre objectif est de populariser le jazz, de l’amener au Malien lambda, qui ne connait pas cette musique », ajoute Mme Dembélé. Dans ce sens, les élèves Lycée Massa Makan Diabaté et Fily Dabo Sissoko vont recevoir les artistes invités pour échanger sur ce qu’est le jazz.

Master classes, jam sessions, ateliers, résidence de création, concerts et discussions marqueront cette 8ème édition, qui culminera le 30 avril avec la célébration de la Journée internationale du jazz. Elle enregistrera la participation de quelques musiciens des anciens orchestres régionaux maliens des années 70 : les Tondjon, les Sofas, etc. et de Cheick Tidiane Seck. L’Institut français, l’INA, le CAMM, l’espace culturel La Gare, la Maison des Jeunes, le Musée national, la résidence Casa Blanca et Blonba accueilleront les activités, auxquelles le public est invité pour découvrir un jazz contemporain, riche de diverses influences et définitivement « populaire ».

 

Cheick Tidiane Seck : « Le jazz, c’est notre musique »

Ce vendredi 28 avril démarre la 7è édition du Festival Bamako Jazzy Koumben. Avec l’une de ses têtes d’affiche, le musicien et producteur malien Cheick Tidiane Seck, alias Black Bouddha, évoquons le jazz vu par les Maliens et ce rendez-vous musical qui durera une semaine.

Vous êtes l’une des figures du jazz au Mali, en Afrique et au-delà. Comment se porte le jazz malien ?

Le jazz malien, il est là, même s’il est un peu disparate. Nos aînés qui ont voyagé ont amené dans leurs bagages beaucoup de disques de grands du jazz. Louis Amstrong est même venu ici à Bamako et c’était un triomphe. Je pense que le jazz a toujours été. J’ai pu jouer en prime time avec Henri Coleman, qui est l’inventeur du free jazz et j’ai co-arrangé « Amen » pour Salif Keïta avec celui qui a créé le jazz rock, Joe Zawinul. Je suis professeur à l’université de Los Angeles en Californie où je donne des cours sur les liens entre la musique ouest-africaine et le jazz. Mais je ne suis pas que jazz, je suis aussi dans la mouvance pop, Rn’b, rock. Je suis quelqu’un qui épouse tous les styles.

Que pensez-vous de la musique que font les jeunes Maliens aujourd’hui ?

Je pense qu’il faut les encourager et les amener doucement à intégrer de façon intelligente les instruments. Il faut qu’ils fassent attention parce que leur style encourage à la paresse : il suffit de connaitre les bases, aller sur l’ordinateur, prendre les sons des autres, les mettre en boucle et on dit qu’on a fait de la musique. Mais il y en a qui viennent de la musique et qui font ça bien. Il leur faut maintenant creuser nos rythmes pour en faire quelque chose comme l’ont fait les Nigérians avec le hi-life, qui est la base de la musique qu’ils font aujourd’hui.

Quel accueil le public malien fait-il au Festival Bamako Jazzy Koumben?

Les Maliens sont un peu timides sur ce festival. L’actuelle génération ne s’identifie pas trop au jazz. Pourtant quand on leur parle des Roots, des Fugees, ou de Black Eye Peas, ils les reconnaissent alors que leur rythmique vient du jazz. Je pense que le jazz a toujours été au Mali, depuis bien avant le temps de Bazoumana, qui est d’ailleurs un contemporain de Louis Amstrong. C’est notre musique. Quand on l’écoute on se rend compte que les canevas mélodiques et rythmiques ont été empruntés à la sous-région. C’est à nous d’amener le public malien à se réapproprier cette forme de musique, qui à ses racines chez nous.