Alliance des États du Sahel : réussir là où le G5 Sahel a échoué

Alors que le processus d’opérationnalisation de l’Alliance des États du Sahel (AES) est enclenché, le G5 Sahel, déjà à l’agonie avec le retrait du Mali en mai 2022, semble promis à une « mort » inévitable avec les retraits du Niger et du Burkina Faso. Pour plusieurs observateurs, le sort du Sahel se joue désormais au sein de la nouvelle Alliance entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Depuis la signature de la Charte du Liptako-Gourma actant la création de l’Alliance des États du Sahel, le 16 septembre 2023, la page du G5 Sahel semble avoir définitivement été tournée dans la région. Après les retraits du Burkina Faso et du Niger le 29 novembre dernier après celle du Mali en mai 2022, l’organisation sahélienne est bloquée dans son fonctionnement et réduite uniquement au Tchad et à la Mauritanie.

« La naissance de l’AES marque la fin du G5 Sahel. Déjà, il était mort depuis un bon bout de temps. Depuis que le Mali s’en était retiré, il n’y avait plus de continuité géographique. Maintenant, avec l’Alliance, il est sûr et certain que le G5 Sahel ne pourra pas survivre », tranche Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel.

Bakary Sambe, Directeur du Timbunktu Institute, est du même avis. « Cette alliance signe la mort du G5 Sahel. Il faut savoir que le Mali, le Niger et le Burkina Faso étaient des pivots du G5 Sahel.», appuie-t-il.

Faire mieux que le G5 Sahel

Selon Dr. Koïna, l’Alliance des États du Sahel, qui réunit les 3 pays du Sahel central et dont le financement repose entièrement sur les contributions de ses membres, contrairement au G5 Sahel, qui dépendait de financements externes, est mieux outillée pour atteindre les objectifs de sécurisation et de développement de la région sahélienne.

« La mutualisation des efforts entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger a déjà permis de réaliser des succès significatifs en matière de défense », a souligné par ailleurs le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Abdoulaye Diop le 27 novembre, à l’ouverture des travaux des experts des pays de l’AES.

En effet, les forces armées des trois pays mènent simultanément depuis quelques semaines des frappes intenses et ciblées sur les positions des groupes terroristes dans la Zone des trois frontières.

Pour le chef de la diplomatie malienne, nul doute que l’AES engrangera à long terme des résultats probants pour la région, parce que c’est un « mécanisme innovant, avec un leadership et une appropriation véritablement africains des solutions endogènes aux défis rencontrés par les pays de l’Alliance ».

G5 Sahel : le Niger et le Burkina Faso quittent l’organisation

Le Burkina Faso et le Niger, ont annoncé samedi s’être retirés de l’organisation antiterroriste G5 Sahel, suivant l’exemple du Mali, parti en mai 2022. Les deux pays «ont décidé en toute souveraineté du retrait du Burkina Faso et du Niger de l’ensemble des instances et organes du G5 Sahel, y compris la Force conjointe», à compter du 29 novembre, indiquent-ils dans un communiqué. Les deux pays justifient leur retrait par des « lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés est contraire à la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle ». Les deux Etats n’entendent pas non plus « servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel encore moins accepter le diktat de quelque puissance que ce soit » peut-on lire dans le communiqué. Quelques heures après l’annonce de cette décision, un document de la commission de l’Union européenne a circulé sur les réseaux sociaux. Dans ce document daté du 23 octobre, on pouvait y lire que l’UE qui finance en grande partie le G5 Sahel suspendait son soutien aux composantes nigérienne et burkinabé de la force conjointe du G5 Sahel. La décision est intervenue également alors que les trois pays : Mali, Burkina Faso, Niger renforcent leurs liens au sein de l’Alliance des Etats du Sahel. En mai 2022, le Mali, également gouverné par des militaires depuis 2020, avait quitté le G5 Sahel, invoquant une organisation « instrumentalisée par l’extérieur ».

À sa création en 2014 pour lutter contre le terrorisme au Sahel, l’organisation était composée du Mali, du Burkina, du Niger, de la Mauritanie et du Tchad. La force conjointe a elle été lancée en 2017.

Alliance des États du Sahel : une coalition qui rebat les cartes dans la région

Le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont signé le 16 septembre 2023 à Bamako la Charte du Liptako-Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel (AES), dans le but d’établir une « architecture de défense collective et d’assistance mutuelle ». Cette nouvelle alliance ouvre également la voie à une plus large coopération sur le plan sécuritaire entre les trois pays et s’apparente à une coalition contre la Cedeao.

Cette Charte, composée de 17 articles et par laquelle le Mali, le Burkina Faso et le Niger « s’engagent à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée dans l’espace commun de l’Alliance », est entrée en vigueur dès sa signature par les parties contractantes.

Pour Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel, la création de l’Alliance des États du Sahel est « tout à fait normale ». « Ce sont les 3 pays qui sont les plus touchés par le terrorisme. Avec le retrait du Mali du G5 Sahel, le fonctionnement normal de l’organisation n’était plus possible, parce que le Mali assurait la continuité territoriale ».

Intervention Burkina-Niger au Mali ?

« Les parties contractantes œuvreront en outre à la prévention, à la gestion et au règlement de toute rébellion armée ou autre menace portant atteinte à l’intégrité du territoire et à la souveraineté de chacun des pays membres de l’Alliance, en privilégiant les voies pacifiques et diplomatiques et, en cas de nécessité, à user de la force pour faire face aux situations de rupture de la paix et de la stabilité », stipule l’article 5 de la Charte.

Dans un contexte où les affrontements ont repris entre l’armée malienne et les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), certains analystes soutiennent que cet article permettrait aux soldats burkinabé et nigériens de combattre aux cotés des FAMa dans le nord du pays.

« Logiquement, les autres pays de l’Alliance devraient nous appuyer dans la guerre contre les groupes armés irrédentistes du nord. Si cela ne se fait pas, cela veut dire qu’on n’a pas appliqués comme il faut les accords de la nouvelle alliance », estime le journaliste et analyste politique, Alexis Kalambry.

« Si les pays sont signataires, cela veut dire qu’ils souscrivent au contenu de ce document et il ne devrait pas y avoir de problème dans l’application. Rien ne les retient (Burkina Faso et Niger, Ndlr) à venir combattre aux côtés des forces maliennes », glisse pour sa part une autre source.

Mais, pour le Dr. Koïna, même si l’article 5 de la Charte du Liptako-Gourma permet au Burkina Faso et au Niger de prêter main forte au Mali en cas de besoin, un éventuel déploiement de ces forces n’est pas encore à l’ordre du jour. « Je pense qu’aujourd’hui on n’en est pas encore là. Les deux pays amis sont aussi occupés à lutter contre les groupes extrémistes chez euc. Il est donc fort probable que cela n’arrivera pas aujourd’hui », avance-t-il.

« Message » à la Cedeao

Alors que la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) brandit toujours la menace d’une intervention militaire au Niger, pour rétablir le Président déchu Mohamed Bazoum suite au coup d’État du 26 juillet 2023, le Burkina Faso et le Mali ont déjà indiqué considérer toute intervention militaire dans ce pays comme une déclaration de guerre contre eux deux.

Dans la continuité de l’article 5, l’article 6 de la Charte stipule que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les parties, de manière individuelle ou collective, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l’espace couvert par l’Alliance ».

« Cet article 6 de la Charte du Liptako-gourma fait figure de socle pour une éventuelle intervention du Mali et du Burkina Faso au Niger en cas d’intervention militaire de la CEDEAO. Il n’est autre que l’équivalent de l’article 5 de l’Otan. C’est une configuration inédite et un changement géopolitique majeur, avec ce pacte « Kaki » contre les autres membres de la CEDEAO », souligne Bakary Sambe, Directeur régional du Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies.

Nana Aïcha Cissé : « Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal »

Mme Nana Aïcha Cissé est la Porte-parole des femmes du Conseil national de Transition (CNT). Elle a assuré pendant deux ans la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes du G5 Sahel. Début mars, elle a été classée parmi les 100 femmes impactantes dans le développement de l’Afrique. Entretien.

Vous venez d’être classée 12ème parmi les 100 femmes qui contribuent à l’essor de l’Afrique, selon le site « Les Africaines ». Comment avez-vous accueilli cette distinction ?

Je ne m’y attendais pas du tout. Je ne connaissais pas le site. C’est donc une très grande surprise accueillie avec un réel bonheur. La reconnaissance du travail fait toujours plaisir

Vous avez assuré la Coordination régionale de la Plateforme des Femmes (PF) du G5 Sahel. Quel bilan dressez-vous de votre mandat ?

Le Mali a été le deuxième pays (après le Burkina) à assurer la Coordination régionale de la PF. Nous pouvons dire que sous ce mandat la PF a connu des avancées essentielles pour assurer son opérationnalité. Il y a eu la signature d’un Protocole d’entente entre la Plateforme des Femmes et le Secrétariat Exécutif du G5S. À travers cela, le Secrétariat reconnaît la Plateforme des Femmes comme une organisation faitière qui fédère les autres organisations féminines pour contribuer à l’atteinte de ses objectifs en matière de Genre. Nous avons pu, au cours de notre mandat, amener la Plateforme à élaborer un Plan stratégique, suivi de son Plan d’action pour 5 ans. Nous avons eu la chance d’obtenir des financements pour commencer à le mettre en œuvre. Nous avons pu également organiser plusieurs rencontres d’échanges pour la  visibilité de la PF-G5 Sahel.

Le Mali a décidé en mai dernier de se retirer de tous les organes et instances du G5 Sahel. Que pensez-vous de ce retrait ?

Le G5 Sahel a été créé en 2014 mais n’a  connu son rayonnement que  lorsque le Mali a assuré sa présidence, en 2017. Dans le Sahel, le Mali est l’épicentre du terrorisme, à cause des multiples crises que le pays traverse. De ce fait, retirer au Mali ses droits et son leadership au sein du G5 Sahel n’est pas acceptable de mon point de vue. Le retrait du Mali est une décision politique très forte qui a tout son sens. Évidemment, elle exclut  en même temps les Maliennes de la Plateforme G5 Sahel. Il n’était pas souhaitable d’en arriver là, mais nous soutenons notre pays et nous avons immédiatement suspendu notre participation en tant que membres. Depuis le retrait du Mali, l’organisation G5 Sahel se porte très mal. La preuve, depuis 2021, la présidence tournante, qui dure un an, est toujours au Tchad.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la représentativité des femmes en politique au Mali ?

Un regard plein d’espoir. Malgré notre Loi fondamentale et les textes auxquels notre pays a souscrit au niveau régional et international, c’est la Loi 052 du 18 décembre 2015, instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives, qui a amélioré la représentativité des femmes en politique.

La Loi 052 du 18 décembre 2015 n’est pas strictement appliquée depuis son instauration. Selon vous, comment améliorer la position des femmes dans la sphère politique ?

C’est vrai que cette loi, qui constitue un acquis précieux pour les femmes, n’est pas appliquée à hauteur de souhait. Cependant, contrairement à l’administration d’État, c’est dans la sphère politique, à travers le processus électoral, qu’elle est la mieux appliquée. Pour améliorer la position des femmes et faciliter leur accès aux postes de responsabilités dans les organes dirigeants des partis politiques, la prochaine relecture de la Charte des partis doit être mise à profit pour instaurer des mesures contraignantes.

Vous êtes membre du CNT. Avec vos collègues femmes de l’institution, quelles actions menez-vous pour le renforcement de la protection des droits des femmes ?

Au CNT, se sont retrouvés des femmes et des hommes issus de toutes les couches socio professionnelles du Mali. En tant qu’organe législatif de la Transition, le CNT remplace l’Assemblée Nationale. Donc ses membres sont les représentants des populations (hommes et femmes). Chaque membre du CNT  a pour mission la défense des intérêts des populations maliennes.  Ce que nous faisons en plus (certains hommes avec nous), c’est le plaidoyer pour la prise en compte du Genre, chaque fois que cela est nécessaire, dans les lois que nous votons. Nous recueillons également les préoccupations des femmes du Mali, chaque fois que besoin en est, pour les porter au moment des débats. Nous organisons régulièrement des sessions de renforcement des capacités pour que chaque femme au sein du CNT puisse prendre part aux débats parlementaires et voter en connaissance de cause

G5 Sahel : une redynamisation presque impossible sans le Mali

Depuis quelques semaines, les pays membres du G5 Sahel affichent une volonté de redynamisation de l’organisation sahélienne, dont le fonctionnement était au ralenti ces dernières années. Multiplication des rencontres ministérielles, appels du pied au Mali, qui s’en est retiré en mai dernier, Sommet extraordinaire des Chefs d’États en vue, le G5 Sahel semble tourné vers une difficile « renaissance » sans le Mali.

L’année 2023 est-elle partie pour être celle de la redynamisation du G5 Sahel ? Depuis son début, les réunions se multiplient entre les 4 pays membres restants pour « préserver et redynamiser » l’organisation.

Le 10 janvier, les ministres en charge de la Défense des pays membres se sont retrouvés en Séance extraordinaire à N’Djamena, au Tchad, pour parler du fonctionnement de l’organisation et faire des recommandations pour la lutte efficace contre le terrorisme dans le Sahel, vocation première du G5 Sahel depuis sa création, en 2014.

Dans le cadre du redimensionnement du Commandement et du renforcement des capacités de combat de la Force conjointe du G5 Sahel, pour la rendre plus opérationnelle et efficace, ils ont décidé de l’augmentation du nombre de bataillons à 14. Le Burkina Faso va désormais compter 5 bataillons, de même que le Niger, et la Mauritanie et le Tchad, 2 chacun.

Toujours dans la capitale tchadienne, les ministres des Affaires étrangères des pays membres du G5 Sahel se sont rencontrés le 18 janvier pour faire l’état des lieux de l’organisation, « en relation notamment avec le retrait du Mali », auquel ils ont à nouveau exprimé leur « souhait de voir rejoindre sa famille naturelle qu’est le G5 Sahel ». Ces diplomates ont également recommandé une mobilisation des ressources croissantes, organisées et efficaces des États-membres.

Inefficace sans le Mali 

Si la volonté de redynamisation de l’instance sahélienne est clairement affichée, plusieurs analystes s’accordent à dire qu’elle sera difficile et inefficace sans le Mali. Cela semble d’ailleurs être le cas des autres pays membres du G5 Sahel, qui ne cessent de plaider pour son retour dans l’organisation.

Le Mali, de par sa position géographique, était le seul pays qui se retrouvait dans 2des 3 fuseaux du G5 Sahel (Fuseaux Ouest avec la Mauritanie et Centre avec le Burkina Faso et le Niger).

« Sans le Mali, le G5 Sahel perd son élément le plus essentiel dans la lutte qu’il entend mener pour la sécurisation du Sahel. Aucune redynamisation sans ce pays et sans une capacité de financement propre aux États membres ne saurait donner à l’instance ses lettres de noblesse », tranche Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance pour la réforme du secteur de la Sécurité.

« Le Mali est frontalier de 3 des 4 autres pays membres du G5 Sahel et partage une superficie quadrilatère de plus de 300 000 km² avec deux d’entre eux. Cette portion constitue aujourd’hui l’épicentre du terrorisme dans le Sahel et aucun succès dans cet espace commun entre 3 pays ne saurait être viable et durable sans une véritable coordination entre eux », poursuit-il.

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabè spécialiste des questions de sécurité, abonde dans le même sens. « Le Mali, le Burkina et le Niger forment le Fuseau central du G5 Sahel. Avec le retrait du Mali, il est difficile que ce Fuseau central survive. Ce qui veut dire que l’organisation a besoin du Mali pour contrôler ce Fuseau central, qui est d’ailleurs l’épicentre de la menace terroriste, parce que c’est à ce niveau que se trouve la Zone des 3 frontières », souligne-t-il.

Selon Soumaila Lah, le retrait du Mali de l’organisation constitue un véritable casse-tête  parce que le pays était jusque-là le maillon à partir duquel il était possible d’affirmer une certaine puissance sur les groupes armés terroristes et le banditisme transnational. Un retour du Mali, comme le souhaitent les autres pays membres, apparait comme essentiel pour une redynamisation efficace du G5 Sahel.

Mais cette possibilité a déjà été écartée par les autorités de la Transition, qui estiment que cette instance est noyautée par l’étranger. Dès lors, pour beaucoup d’observateurs, la « mort » annoncée du G5 Sahel semble inévitable.

G5 Sahel : l’impasse

Selon la règle de la présidence tournante, après le Tchad, le Mali devait prendre la tête du G5 Sahel en février dernier, à l’issue de la 8ème Conférence des chefs d’État. Mais le Colonel Assimi Goïta n’est toujours pas en poste. Les relations avec la France et de l’Union européenne, premiers partenaires de l’organisation sahélienne, ne sont plus au beau fixe. Le pays n’est plus non plus aligné avec les autres de la CEDEAO, et, au sein même du G5 Sahel, des brouilles sont perceptibles, notamment avec le Niger, avec lequel il y a eu des passes d’armes. En attendant, le Président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno joue les prolongations. L’avenir de la Force conjointe demeure flou au regard de l’évolution sociopolitique et géopolitique au Sahel.

En février dernier, les Présidents du Niger, du Tchad et de la Mauritanie ont participé à un mini-sommet du G5 Sahel à l’Élysée, à l’invitation du Président français nouvellement réélu Emanuel Macron. L’avenir de la Force Barkhane, ainsi que les problèmes sécuritaires au Sahel y ont été discuté, sans les deux autres membres du G5 Sahel, le Mali et le Burkina Faso, suspendus des instances de l’Union africaine à la suite de coups d’État. Cela annonçait déjà l’impasse que traverse cette organisation sahélienne, célébrée en grande pompe en 2014, qui devait assurer la sécurité et le développement à la région mais qui, au final, est toujours une Arlésienne.

Aujourd’hui, le G5 Sahel traverse une crise institutionnelle sans précédent et aux implications multiples. Pour la première fois, il ne tiendra pas sa Conférence des chefs d’État. Initialement prévue pour février dernier, elle devait porter le Colonel Assimi Goïta à la tête du G5 Sahel, en remplacement du Général tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Pas évident au regard de la relation du Mali avec ses voisins et avec une partie de la communauté internationale.

Relations compliquées

« Cela semble évident : personne ne va accepter que le Mali prenne la présidence du G5 Sahel », déclare le Dr. Marc-André Boisvert, chercheur postdoctoral au Centre Franco Paix de l’Université de Québec à Montréal. Au regard des relations internationales « compliquées » du pays, il estime qu’il sera très difficile pour le Mali de rassembler au sein du G5 Sahel.

Les relations entre le Mali et certains de ses voisins, et également certains partenaires financiers, sont aujourd’hui très tendues. Ces fractures découlent entre autres de plusieurs déclarations très peu diplomatiques entre le Mali et son voisin nigérien, et ce n’est toujours pas la désescalade. La Mauritanie a aussi fortement réagi après la disparition de certains de ses ressortissants sur le sol malien. Pour apaiser la situation, et alors que le Mali essaye de se tourner vers le port de Nouakchott pour contourner les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA, un cadre a été créé pour faire la lumière sur ces disparitions. Bamako a également eu plusieurs passes d’armes avec Paris, dont le paroxysme a été le renvoi de l’ambassadeur français et le retrait de la Force Barkhane. La Banque mondiale a suspendu ses décaissement au profit du pays et l’Union européenne ses missions d’entrainement et de formation en raison de la présence présumée de mercenaires russes de la société de sécurité privée Wagner.

Le point qui dérange le plus est celui de la relation exécrable du Mali avec la France, tête de proue de l’Alliance Sahel, une coalition internationale de 25 partenaires qui finance des projets de développement dans les pays membres du G5 Sahel. Sur les « 22 milliards d’euros d’engagements financiers pris » par l’Alliance Sahel et « plusieurs milliers de projets », le trio en tête de la répartition des fonds est la Banque Mondiale, la France et l’Union européenne. « Si l’on considère que le refus de passer la présidence du G5 Sahel s’explique par le fait que le Mali soit dirigé par un régime militaro-civil suite à un coup d’État militaire, il est difficile de comprendre la présidence tchadienne, vu que ce pays vit sous un régime militaro-militaire suite au décès du Maréchal Idriss Déby Itno. Le G5 Sahel dépend fondamentalement de certaines puissances internationales, de telle sorte qu’il ne peut se permettre d’emprunter un chemin qui déplairait à celles-ci, même si pour cela il faut tordre le cou aux règles de fonctionnement interne de l’organisation », explique Moussa Djombana, analyste géopolitique et sécuritaire.

Dans sa radioscopie du G5 Sahel cinq ans après sa création, publiée en 2019, le spécialiste du Sahel Nicolas Desgrais explique que « lors de la Conférence des chefs d’État de février 2017, le Président tchadien Idriss Déby aurait reconnu lui-même les difficultés rencontrées par son pays pour assumer ses responsabilités » dans un contexte de tensions provoquées par l’élection présidentielle de 2016 et « aurait proposé de passer la main à son homologue malien avant la fin du mandat de deux ans qui était alors en vigueur. Par la même occasion, les chefs d’État décidèrent de limiter la durée de la présidence en exercice à une seule année ».

Il poursuit n’avoir trouvé « aucune disposition dans les textes du G5 Sahel prévoyant l’absence provisoire ou la suspension d’un des États membres. Les décisions devant être prises par consensus, il est dès lors difficile d’imaginer comment les instances du G5 Sahel pourraient fonctionner dans le cas précis d’une absence de participation d’un des États membres ». Pour Nicolas Desgrais, « ce sont les relations interpersonnelles entre les chefs d’États qui emportent bien souvent la décision et témoignent des rapports de force au sein de l’organisation ». Ce qui semble être le cas au sein du G5 Sahel aujourd’hui.

À la croisée des chemins

Créé en 2014, le G5 Sahel devait faire une réalité du Nexus sécurité – développement de ses cinq pays membres. Et cela demeure toujours un mirage. Si un certain impact des projets de développement, à travers l’Alliance Sahel, est visible, la capacité de l’organisation à ramener la sécurité dans le Sahel se fait toujours attendre. Sa Force conjointe (FC – G5 Sahel), créée en 2017 à cet effet, n’a toujours pas atteint sa plénitude opérationnelle, faute de moyens financiers.

C’est pourquoi le G5 Sahel demande depuis sa création de passer sous le chapitre VII de la Charte de l’ONU. « Cette demande a deux effets principaux. D’abord, elle autorise de recourir à la force armée, normalement interdite en droit international. Dans le cas présent, cela n’a aucune importance, car les membres du G5 Sahel sont libres de recourir à la force sur leur territoire. Ensuite, elle entrainera la mise en œuvre d’un budget dédié à l’ONU. C’est ce que cherchent les États membres du G5 Sahel. Ils disposent déjà de financements bilatéraux et de contributions volontaires d’États étrangers, mais un mandat de l’ONU, accompagné de la création d’un Bureau d’appui permettrait de disposer d’un budget régulier », explique un doctorant en droit international requérant l’anonymat.

Mais plusieurs États membres du Conseil de sécurité, notamment les Etats-Unis et le Royaume Uni, refusent toujours de voir passer le mandat du G5 Sahel sous le chapitre VII de l’ONU. « Ils préfèrent conserver un financement par contributions bilatérales, avec la possibilité de les réduire ou de les augmenter selon l’évolution de la situation politique. La Force conjointe du G5 Sahel a été accusée d’exactions sur des civils et des doutes existent quant à la possibilité qu’elle mette en œuvre le cadre de conduite relatif aux droits de l’Homme et au droit humanitaire imposé par l’ONU. Tous ces éléments remontent globalement à l’année 2021. Avec le déploiement de Wagner, selon les États occidentaux, il y a peu de chances qu’une telle décision ait lieu en 2022 », poursuit le doctorant.

Au regard de l’évolution sociopolitique et géopolitique de la région, l’avenir du G5 Sahel demeure incertain. Pour Moussa Djombana, afin de survivre, l’organisation sahélienne doit être plus ouverte au changement, en vue de mieux s’adapter aux réalités multiformes de l’espace sécuritaire de la région. « Les pays composant cette organisation mutent rapidement et le G5 Sahel, au niveau politique, ne parvient pas à s’adapter, faisant laisser peser des craintes pour sa survie. Aujourd’hui, c’est le Mali qui s’oriente vers la Russie en ce qui concerne la coopération bilatérale militaire. Demain, cela pourrait être le Burkina Faso ou la Mauritanie. Soit le G5 Sahel s’adaptera aux contingences actuelles de la région, soit il mourra de sa belle mort.»

Pour le Dr. Marc-André Boisvert, il est plus qu’urgent d’avoir un leadership fort à la tête du G5 Sahel. « Il faudrait que le G5 Sahel devienne l’outil de cinq pays qui se seront entendus sur comment prendre le volant et comment diriger cette organisation ». En attendant que ce jour soit, le G5 Sahel est aujourd’hui le G3 Sahel, avec le Niger, le Tchad et la Mauritanie. Le Mali et le Burkina sont pour le moment sur le banc de touche.

Dr Aly Tounkara : « On ne peut pas parler de succès »

Dr Aly Tounkara, enseignant-chercheur, sociologue et spécialiste des questions de genre et d’extrémisme violent répond à nos questions sur le sommet du G5 Sahel en Mauritanie, six mois après celui de Pau.

Lors du sommet du G5 Sahel à Nouakchott ce mardi, le président français s’est montré optimiste sur une victoire contre les terroristes, le pensez-vous trop optimiste ?

A la suite du sommet de Pau, un certain nombre de changements restent observables dans les pays du Sahel notamment les trois pays les plus touchés par le terrorisme qui sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les armées africaines et la force Barkhane seraient plus dans un rapport de partages et de fournitures de renseignements. C’est une avancée incontestable. Dans le même temps les actions menées par Barkhane appuyé par ces forces nationales, notamment dans la zone des trois frontières, elles ont été couronnées de succès. Je pense que c’est plus la mort de Droukdel qui a amené le président Macron à apprécier les efforts dans le Sahel, qui n’est pas une fin en soi du terrorisme. Mais il y’a quand même des difficultés majeures dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Puisque en dépit du partage de renseignements, si vous suivez l’actualité, vous vous rendrez compte que les armées africaines évoluent parallèlement à la force Barkhane. Si les deux armées menaient des actions conjointes de façon effective et réelle, les bavures qui sont reprochées à ces armées le seraient aussi pour Barkhane. Cela démontre donc que la coopération n’est que de façade. De la même manière quand vous regardez les besoins qui sont satisfaits notamment par l’Union Européenne à travers la France ou encore les Etats-Unis, ce ne sont ceux exprimés par les armées africaines elles-mêmes. On ne peut pas lutter efficacement contre le terrorisme lorsqu’on n’a pas d’avions de chasse, ce qui avait été demandé par nos armées. Ce sont des difficultés qui font qu’on ne peut pas parler de succès, ou de fin du terrorisme dans les années à venir.

Plusieurs pays avaient fait des promesses de financement pour le G5 Sahel, mais qui peinent à se matérialiser, qu’est-ce qui bloque ?

Les raisons du blocage sont plurielles. Il y’a déjà l’attitude des chefs d’Etat du G5 Sahel eux-mêmes. Vous ne pouvez pas prétendre à une quelconque souveraineté et au même moment délégué les négociations d’une levée de fonds à d’autres acteurs notamment la France. Ce ne sont pas les chefs d’Etat qui sont en contact direct avec les pays qui ont fait des promesses. Ces derniers ne font pas non plus confiance à ces chefs d’Etat du G5 quant à leur capacité d’endiguer le terrorisme, ni même à gérer les fonds qui seront alloués pour. Il y’a une question d’éthique, de morale, de capabilité de ces Etats africains. Je crois que c’est cela qui explique pour beaucoup que ces pays qui ont fait des promesses n’arrivent pas à les tenir.

Le Sommet de Nouakchott confirme les progrès depuis Pau et énonce les futurs enjeux

Les membres du G5 Sahel et la France y ont affichés leur unité et dressé un bilan positif quelques mois après Pau. Mais loin d’être une rencontre d’autosatisfaction, le sommet a également pointer la nécessité d’amplifier les résultats militaires et d’amorcer efficacement l’action civile et politique de la coalition.


Le sommet s’est déroulé hier, mardi 30 Juin, et a réunis de nombreuses personnalités : outre le Président de la République Française et les dirigeants du G5 Sahel, étaient présent le Premier ministre Espagnol Pedro Sanchez ainsi que la Chancelière Allemande Angela Merkel et le Premier ministre Italien Giuseppe Conti. La présence des trois autres principales puissances de l’Union Européenne à Nouakchott, contrairement à Pau, peut être interprété comme un signal fort d’une mobilisation européenne croissante. Une mobilisation que l’on peut relier aux disposition fortes prises à Pau et, incontestablement, suivis d’effets. Ces derniers, encore à consolider, semblent cependant convaincre les partenaires européens de la qualité du leadership français dans la gestion de la crise au Sahel.  Cette mobilisation aurait-elle été envisageable sans des résultats significatifs ? En tout état de cause aucun responsable présent à Nouakchott ne semble avoir infirmé la phrase du président Macron : « L’Europe ses états membres, ses institutions, nos partenaires américains et les pays voisins sont au rendez-vous, et ils sont à vos côtés car nous sommes convaincus que la victoire est possible au Sahel, et qu’elle est déterminante pour l’équilibre en Afrique et en Europe. »

Effets militaires : encourageants mais à amplifier

Signe le plus visible de la perte du contrôle de la situation, les opérations militaires ont été le point focal du sommet de Pau et le principal poste de progrès depuis. Fin 2019 les armées maliennes, nigériennes et burkinabé essuyaient des pertes très lourdes dans leur rangs face des à Groupes armés terroristes faisant la démonstration d’une habilité martiale reconnue par l’armée française elle-même. D’où le recentrage opérationnel entrepris depuis lors ayant conduit à une concentration des forces dans la région des trois frontières et une agressivité française redoublée. Ce tournant à produit des résultats comme le président français l’a rappelé à Nouakchott lors de la conférence de presse : « nous avons beaucoup réorganisé, nous avons amélioré notre efficacité dans la lutte contre le terrorisme, mieux partagé l’information, réussis le centre unique de coordination à Niamey et eu des résultats spectaculaires en particulier dans les dernières semaines. Dans la région des trois frontières des zones ont été reprises aux groupes terroristes, les armées se redéploient, le rapport de force a été inversé ». Il est important à ce titre de rebondir sur le centre de coordination de Niamey : Mécanisme de Commandement Conjoint (MCC) mis en place par Barkhane, il est l’amorce de l’autonomisation des forces du G5 Sahel sur leur terrain, conformément aux objectifs finaux de l’opération Barkhane. Cela dit, cet objectif est encore loin d’être remplis et les GAT bénéficient toujours d’une très importante capacité de nuisance : un fait rappelé par les dirigeants du G5 qui souhaitent voir s’amplifier autant l’effort militaire sur le terrain que sur le plan de la formation et des équipements. Même si sur ce dernier point d’importants avancées ont été consentis ces derniers mois, aboutissant à 200 millions de crédits d’équipement et des progrès capacitaires notables (combat aéroterrestre, maintien en condition opérationnelle des matériels, etc.).

Ces résultats s’accompagnent d’une mobilisation internationale croissante avec le maintien des forces danoises et britanniques sur place, le lancement de la Task Force Européenne Takuba, l’officialisation du renouvellement du mandat de la Minusma, le renforcement par l’Espagne et l’Allemagne des missions de formation EUTM et enfin de la constitution d’un contingent de 3000 soldats par l’Union Africaine. Peut-on véritablement comparer la situation actuelle avec la détresse et la méfiance mutuelle qui était de mise à la veille du sommet de Pau en janvier dernier ? Un investissement salutaire qui pourra aider à résoudre l’une des principales inquiétudes du sommet :  la situation militaire préoccupante du Burkina-Faso.

Un parent faible identifié : la gouvernance et le développement

L’une des principales réalisations du sommet de Pau fût la création de la coalition pour le Sahel chargée d’harmoniser les opérations de militaires avec la coordination des initiatives de développement. Structurellement, cette initiative est une des réussites rappelées à Nouakchott, entre autres par la bouche du président français : « La coalition pour le Sahel que nous avons annoncée à Pau il y a six mois est en place ». Cette dernière s’est en effet officiellement lancée depuis le 28 mars et a connu sa première réunion (45 ministres des affaires étrangères et une quinzaine de représentants d’institutions internationales). Devant favoriser le drainage des aides et le partage de l’information, les actions concrètes de la coalition n’ont toutefois pas encore été mise en œuvre. Il faut toute de même rappeler que le développement se situe dans un continuum avec les opérations militaire, et qu’un minimum de tenue du terrain est fondamentale dans les zones contestées. Ces dernières seront la cible principale des aides mais étant donné la situation militaire qui prévalait en Janvier 2020, il était nécessaire d’appuyer en priorité sur le volet militaire. Le rapport de force ayant aujourd’hui évolué positivement, le sommet de Nouakchott a acté la nouvelle stratégie de développement. Symétrique dans sa conception aux opérations militaires ; elle passera par un ciblage de zones précises à traiter prioritairement. Elle ira des missions CIMIC (missions civilo-militaires) de l’armée française aux programmes de développement d’urgence (PDU) de l’alliance pour le Sahel (pilier développement de la coalition) en passant le Cadre d’Actions Prioritaires Intégré (CAPI) du G5 Sahel. On doit également mentionner un axe fort du sommet à cheval entre la formation militaire et l’émergence d’une gouvernance plus juste. Face à la recrudescence d’accusations d’exécutions sommaires des armées du G5 ; les autorités de la région, la France ; l’ONU et l’UE ont fermement condamné ces actes et ouvert des enquêtes. Un sujet pris très au sérieux comme en témoigne les mots prononcés le 18 juin, devant le Sénat, par la ministre française des armées, Florence Parly : « Il y a des brebis galeuses partout mais nous serions coupables si nous ne mettions pas tout en œuvre pour réduire ce risque ».

Ces annonces ont été accueillies favorablement par les participants du sommet, toutefois, comme au lendemain de Pau, il s’agira de joindre la parole aux actes aussi bien du côté de l’investissement français et international, que des efforts politiques devant être fournis par les pays du G5 et avant tout le Mali en proie à une inquiétante crise de sa classe dirigeante. Mais si les prochains mois se déroulent comme les six derniers, on peut se montrer optimiste. La suite lors du prochain sommet prévu pour 2021.

Niagalé Bagayoko : « L’arrivée des forces tchadiennes ne pourra pas fondamentalement modifier les rapports de forces »

Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Securty Secteur Netwrok (ASSN), experte sécurité en Afrique de l’Ouest et centrale répond à nos questions sur la participation sollicitée du Tchad dans la zone des trois frontières.

La France et le G5 ont une nouvelle fois sollicitée la participation tchadienne dans les opérations le long de la zone des trois frontières. Il avait déjà été sollicité une première fois dans ce sens en 2019, quelle réponse peut-on attendre du pays cette fois-ci?

En effet, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense du G5 Sahel (Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie) et français se sont réunis en visioconférence le lundi 27 avril. Ils ont insisté sur «  l’importance de l’envoi dès que possible d’un bataillon tchadien dans la zone des trois frontières », dite du Liptako Gourma et située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

La question du déploiement du contingent tchadien dans la zone du fuseau Centre (alors que le Tchad est situé dans le fuseau Est selon le découpage de l’espace sahélien opéré par le G5/Sahel) est une question ancienne, qui peut presque être qualifiée de « serpent de mer ». Le Président Déby a toujours insisté sur la très grande valeur ajoutée de l’intervention tchadienne qu’il a toujours su habilement négocier, parfois jusqu’à la surenchère. Il faut réinscrire cette négociation dans le cadre de la rhétorique tchadienne qui insiste toujours et ce de manière récurrente sur la responsabilité des pays occidentaux sur la déstabilisation de la zone sahélienne. La position toujours réaffirmée d’Idriss Deby est que c’est l’intervention en Libye décidée par les puissances occidentales qui est à l’origine de la déstabilisation du Sahel et notamment du Mali, et dans ce cadre-là, il y’a une dette de ces forces à l’origine de cette déstabilisation qui doivent en retour prendre en charge y compris financièrement les interventions menées sur le terrain par les forces africaines qui acceptent depuis 2012 de payer le prix du sang.

 

Le président Déby avait déclaré le 10 avril ne plus vouloir participer à des opérations en dehors de ses frontières, propos par la suite nuancés. Cela peut-il être interprété comme un coup de pression ou une réelle volonté de repli?

En effet, le président Deby est revenu par le biais d’un communiqué de son ministère des Affaires étrangères sur ses propos initiaux relatifs à la décision du Tchad de n’envoyer dorénavant aucun soldat au-delà des frontières nationales dans le cadre d’engagement individuel des troupes tchadiennes pour lutter contre le terrorisme. Le ministère des Affaires étrangères tchadien a indiqué par la suite qu’il n’a jamais été question pour le Tchad de se désengager ni de la force multinationale mixte, ni de la force conjointe du G5 Sahel et moins encore de la MINUSMA. Ce qu’il faut préciser, c’est que tous ces engagements sont extrêmement importants d’un point de vue financier pour le Tchad parce que notamment sa participation à la MINUSMA est aussi une façon comme pour tous les pays notamment africains d’obtenir des remboursements de ce que l’on appelle règle COE (Contingency owned equipment qui peut se traduire par « remboursement des matériels appartenant aux contingents ») qui leur permet aussi d’entretenir leurs forces armées. C’est très important comme source de revenus pour les armées notamment africaines, c’est donc une source dont le Tchad et son armée ne peuvent se passer. Ce qu’Idriss Deby a toujours voulu négocier dès le début, c’est la prise en charge financière de sa participation. Il semble que ce qu’il a réussi à obtenir, est que le contingent appelé à être déployé dans la zone des trois frontières soit pris en charge par les partenaires internationaux, notamment sans doute la France dans le cadre du soutien qu’elle apporte aux armées partenaires du G5 Sahel.

 

Concentré les efforts dans la zone des trois frontières ne contribuerait-il pas à déplacer le problème (création de nouveaux fronts terroristes) plutôt que d’y mettre fin?

C’est de toutes façons dans la zone des trois frontières  que les interventions de la Force Barkhane tout comme des armées du G5/Sahel ont été concentrées pour répondre aux violences commises par  les groupes djihadistes, notamment du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans/GSIM),  de l’Etat Islamique au Grand Sahara désormais affilié à l’ISWAP (Islamic State West Africa Province) ou plus anciennement par le Groupe Ansarul Islam.  Les manœuvres et opérations conjointes menées par ailleurs par la Force conjointe du G5/Sahel ont aussi, depuis la création de celle-ci, été largement concentrées dans cette zone des trois frontières.

Lors du Sommet de Pau, il a été officiellement décidé que la lutte anti-terroriste ciblerait plus spécifiquement l’EIGS. Cependant, La recrudescence des attaques perpétrées par Boko Haram (et notamment par la faction JAS d’Aboubakar Shekau) dans le Bassin du Lac Tchad a démontré que le front Est demeure également un enjeu crucial, même s’il a été un peu moins pris en compte dans l’approche française de la lutte anti-terroriste tout comme par l’effort mené en commun par les armées du G5/Sahel. L’Opération Bohoma, supervisée par le Président Déby lui-même démontre l’importance de ce front dans la gestion de l’insécurité au Sahel.

L’apport du Tchad en 2013 dans la reconquête des zones occupées au Mali a été déterminant, le pays peut-il encore y joué un rôle important ?

Le rôle du Tchad a en effet été déterminant, notamment lors de la mise sur pied de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) déployée sous l’égide de l’Union africaine: c’est précisément pour intégrer les forces armées du Tchad (qui, de par son appartenance, à la CEEAC relevait de la brigade centre de la Force africaine en attente) que cette force a été élargie au-delà de la seule CEDEAO. Les contingents tchadiens ont ensuite joué un rôle majeur au sein de la MINUSMA. Mais il ne faut pas oublier que les engagements du Tchad ne se sont pas au cours des dernières années limitées au seul théâtre malien. En effet, les forces armées tchadiennes ont aussi été très active au sein de la FMM (Force multinationale mixte) réactivée dès 2012 pour être déployée sous le pilotage de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) pour lutter contre la secte Boko Haram. Le Tchad a aussi déployé des hommes dans le cadre d’un autre mécanisme de coopération transfrontalière en matière de sécurité qui existe depuis 2010 à travers la « Force Mixte Tchad-Soudan » (FMTS), mécanisme militaire transfrontalier permanent doté de 3000 hommes et déployé le long de la frontière entre les deux pays. On voit donc combien l’engagement tchadien a été actif sur différents fronts.

Cependant, l’arrivée des forces tchadiennes sur le théâtre malien ne pourra à elle seule fondamentalement modifier les rapports de forces. Tout d’abord parce qu’au-delà de la zone des trois frontières, la situation demeure complexe au Mali, notamment parce que l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali n’est pas appliqué de manière satisfaisante tandis que les incidents récents survenus du côté de la frontière mauritanienne ou dans le Sud dans la région de Kayes sont des motifs de préoccupation. Par ailleurs, la situation n’est pas caractérisée par la seule violence des groupes djihadistes mais aussi par celle des HANI (hommes armés non-identifiés) souvent criminels ou des groupes d’auto-défense ou milices communautarisés. Les méthodes très expéditives de l’armée tchadienne ont souvent été dénoncées. Dans un contexte où les abus ou exactions commises par des unités des forces de défense et de sécurité des armées du Mali, du Niger et du Burkina Faso sont dénoncées de manière croissante par des rapports de plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme, l’intervention tchadienne comme celle des armées partenaires ne devra pas être jugée à la seule aune de l’efficacité opérationnelle et de la dite « neutralisation des GAT (groupes armés terroristes) » mais aussi à la capacité à apporter une protection aux populations dans le respect de leurs droits et de leur dignité.

Mahamadou Sawadogo : « Il serait intéressant d’élargir le G5 Sahel à des pays plus attractifs »

Mahamadou Sawadogo, chercheur burkinabé spécialiste de l’extrémisme violent dans le Sahel répond à nos questions sur la situation sécuritaire.

La France a annoncé le renforcement de Barkhane, qui va passer de 4 500 à 5 100 soldats. Qu’est-ce que cela peut apporter concrètement sur le terrain, notamment dans la zone dite des trois frontières ?

Cela peut avoir un impact positif sur la zone, qui est l’épicentre de la violence. C’est de là que l’État islamique attaque les trois pays (Mali, Burkina Faso, Niger). Cela permettra de stabiliser la zone, mais les groupes terroristes ne vont sûrement pas attendre le déploiement de Barkhane pour continuer leurs assauts. Il y a donc le risque que leurs attaques soient dirigées ailleurs. Pour le Burkina, ce sera peut-être désormais vers l’est ou l’ouest, pour le Mali, ils vont remonter vers le centre.

Ce renforcement devrait aider au déploiement de la force Takuba, mais peu de pays européens semblent enclins à l’intégrer. Existe-t-il un risque qu’elle devienne une Arlésienne, comme le G5 Sahel ?

Oui, évidemment. Ce ne sont toutes les armées qui peuvent se déployer au Sahel. Ce sont des conditions assez particulières, difficiles et un risque d’enlisement n’est pas à exclure. Pour ce qui est du G5 Sahel, les pays qui le composent n’attirent pas vraiment les investisseurs. Il serait donc intéressant de l’élargir le G5 à d’autres pays plus attractifs, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Ghana.

Ces pays pourraient être bloqués par la crainte d’être pris pour cibles…

Oui, mais s’ils ne le font pas, ils seront des cibles quand même. Je suis convaincu que des terroristes s’y trouvent déjà. Autant unir les forces pour en venir à bout, au lieu d’être attentistes. Lorsque le Mali était le seul ciblé, le Burkina ne s’est pas trop préoccupé. Nous voyons le résultat.

Des observateurs affirment que les groupes terroristes qui se confrontent sur d’autres théâtres se tolèrent et coopèrent même au Sahel. Comment l’expliquer ?

Ils ont des combattants ayant servi plusieurs les mêmes groupes. Ainsi, Ansarul Islam a été dissout. Une partie des combattants s’est retrouvée dans l’État islamique et une autre dans le JNIM. Ils sont comme des frères et ont également compris que, dans le cas du Sahel, ils avaient tout intérêt à s’entendre, parce que cela leur donne de la puissance. Ils se complètent. Certains sont plus tactiques et techniques, d’autres sont en nombre et connaissent parfaitement le terrain. Certaines fois, ils ont des revendications hors nature, si je puis dire : un groupe vient revendiquer le territoire identifié d’un autre, cela leur permet de brouiller les pistes.

G5 Sahel : Les chefs d’Etat-major des armées réunis à Ouagadougou pendant deux jours

Après le sommet de Pau, ce vendredi (24 janvier 2020)  les chefs d’État Major des armées du G5 Sahel, se sont réunis à Ouagadougou.

Les forces opérationnelles se sont retrouvées au Burkina faso afin d’intégrer les décisions prises lors des différentes rencontres relatives au G5 Sahel. Elles vont modifier leur concept d’opération sur le terrain. Avant, chaque bataillon ne pouvait manœuvrer que sur son territoire. Désormais tout l’espace du G5 sahel va être une zone d’opération pour les troupes d’un territoire à un autre. Les chefs d’État Major des armées du G5 Sahel pendant deux jours, vont travailler sur l’intégration de ces textes à Ouagadougou. 

 

Le sommet de Pau : la France est prête à s’investir davantage dans le Sahel mais demande des garanties à ses partenaires

Le sommet de Pau se réunira le 13 Janvier. Il s’annonce décisif car la France, sous le feu de nombreuses critiques, tient à voir ses partenaires solidifier leur soutien à son action dans le Sahel pour une véritable concordance des effets politiques avec les actions militaires. Dans le cas contraire, elle pourrait aller jusqu’à envisager son retrait.

Le sommet sera inauguré par une cérémonie d’hommage aux 13 soldats tombés à la fin du mois de Novembre 2019 au sein de l’enceinte du 5éme Régiment d’Hélicoptère de Combat, basé à Pau, dont dépendaient sept des soldats tombés. Il s’en suivra une première réunion au château de Pau, à huis clos, entre le Président Macron et les chefs d’état du G5, une seconde composée des chef d’états et leur principaux collaborateurs (ministres, officiers généraux, responsables des services de renseignement.) qui sera suivis d’une conférence de presse commune et enfin d’un dîner où seront présent divers représentants d’institutions internationales (ONU, UE, Conseil de l’Europe, Union Africaine, Organisation Internationale de la Francophonie). Le Président Macron ne fait pas de secrets quant à sa volonté de voir émerger des solutions face à la contestation régionale voire internationale de la légitimité de la France- et son efficacité- dans sa lutte contre le terrorisme islamique dans le sahel via son dispositif Barkhane.

  • Une parole commune solide comme condition de l’efficacité militaire

La France semble vouloir assumer d’emblée ses objectifs quant au sommet de Pau. Son action dans le Sahel, au travers de Barkhane, connait une crise de confiance au sein du G5 Sahel, notamment du fait des attaques meurtrières au Niger, au Mali et au Burkina-Faso survenues ces derniers mois. Face à ces narratifs anti-français émanant des opinions publiques la France souhaite voir émerger une parole solide et affirmée de la part des états du G5 quant à leur volonté de voir l’action de la France contre les groupes terroristes se poursuivre. L’adhésion politique des états du G5 est fondamentale dans la mesure où les résultats militaires de la France ne pourront être conservés à long terme sans l’exploitation politique et administrative sensée les accompagner. Conçue pour lutter contre les groupes djihadistes, Barkhane continue de contenir les velléités d’enracinement territorial de plus en plus affirmées de ces derniers, notamment dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina-Faso, Niger). Or les polémiques qui visent à contester l’efficacité, voire la légitimité, de la présence française renforce in fine les groupes terroristes, et rend caduques les effets militaires car insuffisamment exploités par les états. L’adoption d’une volonté politique commune en faveur de la poursuite de l’engagement militaire est annoncé comme le point le plus décisif de ce sommet et ses suites. Car dans le cas contraire la France envisagerait alors très sérieusement un retrait progressif du Sahel.

Sans ressourcement de la légitimité de l’intervention française auprès de ses partenaires, il sera alors impossible de réaligner des objectifs communs et bien partagés. Barkhane est une opération relativement ancienne (2014). La nature de la menace, tout comme sa localisation géographique principale a depuis évolué. L’arrivée, depuis 2018, de combattants expérimentés depuis la Syrie et l’affirmation de la présence de l’Etat Islamique ont créés une nouvelle zone de risques majeurs dans le Liptako-Gourma (zone des trois frontières). Ce sont des conditions différentes de la zone nord du Mali et son l’instabilité induite par les revendications touaregs et leur récupération par les islamistes. Nommer un ennemi commun et une zone d’opération prioritaire permettra alors de faciliter la mise en place d’une stratégie clair. Sans cadre d’action commun il ne sera techniquement pas possible d’entreprendre une véritable rationalisation opérationnelle ni d’espérer une coopération militaire et sécuritaire renforcée des pays du G5.

 

 

  • Renforcer Barkhane par un investissement international plus volontaire

Par ruissellement, la définition d’une stratégie cohérente et bien partagée, menée par une France légitimée, permettrait d’encourager un investissement international plus fort. C’est un souhait affirmé de la France dans la tenue de ce sommet. L’équilibre des réunions qui le composent pourrait faire planer un doute sur la volonté d’inclure les institutions internationales à la résolution de cette crise. Pourtant la France revendique ancrer son action dans une légitimité originelle, légale et politique, venant des états du G5 mais aussi des Nations-Unies. Si son engagement substantiel confère à la France de facto le rôle de nation-cadre, cela ne l’empêche pas de promouvoir une participation internationale plus large.

De ce point de vue la France veut réaffirmer le DP3S (Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel) qui permettrait d’inclure la CEDEAO à la résolution globale de la crise ou bien l’Alliance pour le Sahel concernant le volet du développement de la bonne gouvernance. La France abordera également son souhait de voir monter en puissance la Minusma, notamment dans la zone Centre, secondaire pour la France, ce qui libérerait des forces vives vers les zones les plus exposées. La France souhaiterai également un engagement plus fort de ses partenaires européens, même si certains sont déjà engagés à des degrés et des modalités diverses dans l’opération Barkhane : comme le Royaume-Uni, l’Estonie ou le Danemark ou bien les Pays-Bas la Belgique et l’Allemagne au sein de la Minusma. Par ailleurs, on attend l’officialisation du projet d’un déploiement de forces spéciales européennes (hors-UE), la force Takouba, dont l’existence est encore subordonnée à une invitation formelle de la part des pays du G5. Le sommet pourrait être le moyen de faire avancer ce projet. La question du retrait potentiel des Etats-Unis sera probablement abordée. Ces derniers apportent des capacités d’appui (renseignement, ravitaillement aérien) très importantes dont le retrait ferait défauts à l’opération. S’il ne s’agit pas là d’un enjeu propre au sommet, il n’en demeure pas moins qu’il pourrait faire partie des causes secondes dans la mesure où la solidité du soutien du G5 Sahel conditionnent une partie de l’attractivité de l’opération.

 

En définitive ce sommet est la matérialisation de la volonté de la France à trouver une solution définitive à cette crise dans laquelle sa sécurité est engagée. Face aux récents défis qui s’imposent à elle en termes de durcissement de la menace des groupes terroristes, la France annonce clairement être prête à densifier son dispositif. Toutefois, la crise de légitimité qu’elle traverse, malgré les résultats de son action, n’incite pas à un investissement international plus abondant et l’expose à un enlisement qui pourrait l’affaiblir. D’où la position à la fois conciliante et ferme envers les états du G5 Sahel mis devant le choix d’affirmer leur soutien solide à l’engagement militaire de la France ou bien de la voir partir dans les mois à venir. Les autorités françaises espèrent voir le sommet accoucher d’un texte commun conforme à leurs attentes. De ce point de vue, les récentes déclarations publiques des présidents Malien, Burkinabé et Nigérien permettent à la France d’être optimiste.

 

Baba Dakono : « Pour l’opinion, la France est et demeure une puissance militaire »

À moins d’une semaine du sommet de Pau entre le Président français et les Chefs d’État du G5 Sahel, Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études et de sécurité (ISS) nous livre son analyse.

Le sommet de Pau se tiendra ce 13 janvier. Initialement prévu pour le 16 décembre 2019. Qu’est-ce qui a changé entre les deux dates ?

C’est surtout l’attaque d’Inates, au Niger, qui a fait plusieurs dizaines de morts. Parallèlement à cet incident malheureux, il y a des discours, au Mali et au Burkina, qui sont dans le collimateur des autorités françaises, vu la montée d’un sentiment antipolitique française. Il y a eu le temps des échanges et le renforcement de la coopération entre Barkhane et les militaires des différents pays. On le voit notamment à travers le nombre de fois où ces autorités ont affirmé avoir neutralisé des terroristes. Il y a donc véritablement une intensification de la campagne militaire.

Doit-on craindre une attaque d’envergure avant le sommet ?

La stratégie des groupes terroristes n’a pas changé, mais elle a évolué. Il y a quelques mois, les cibles n’étaient pas que militaires. Vers la fin du dernier trimestre 2019, on a assisté à une intensification des attaques contre des cibles militaires. Ce qui a eu l’avantage de retourner l’opinion nationale contre les interventions étrangères. Ce qu’il ne faut pas perdre de vue est que pour l’opinion la France est et demeure une puissance militaire et que si elle le voulait elle peut mettre fin à cette insécurité, caractérisée par l’activisme des groupes qualifiés de terroristes.

Qu’attendre du sommet ?

On peut s’attendre à beaucoup de choses, mais il est important de replacer cette réunion dans son contexte français. Nous avons un Président qui était au plus bas dans l’opinion et qui a subi de nombreux revers militaires, notamment les 13 soldats tombés récemment au Sahel. Le Président Macron avait besoin de se replacer, nous sommes à l’avant-veille de l’élection présidentielle. Il faut prendre en compte ces pressions et celles des acteurs sécuritaires qui sont engagés au Mali. Ce qui a changé dans le discours de la France, c’est d’admettre qu’il y a un besoin de clarification des deux côtés. Elle a besoin de l’assurance que les acteurs politiques, au premier rang desquels les Chefs d’État, sont engagés dans cette lutte commune et en faveur d’une présence française. Du côté africain, l’engagement français doit être plus important mais également faire face efficacement à l’insécurité. Cet appui ne doit plus être pensé à partir de l’Élysée, mais décidé et opéré dans le cadre d’une vision sahélo-sahélienne.

Pau : Le sommet élargi

Les ministres des Affaires étrangères du G5 Sahel se sont réunis ce mardi à Ouagadougou pour préparer le sommet de Pau, qui se tiendra le 13 janvier. Selon Alpha Barry, ministre burkinabé des Affaires étrangères, qui a reçu ses homologues, cette rencontre s’est tenue à la demande expresse de leurs chefs d’État pour préparer au mieux le rendez-vous. Elle a permis, selon Barry, d’examiner les propositions des différentes parties afin de les soumettre aux chefs d’État avant le sommet. Il a également précisé que le sommet était élargi à l’ONU, l’Union africaine, l’Union européenne, l’OIF et d’autres institutions. « C’est une étape importante pour le G5 Sahel dans la lutte contre la menace terroriste dans notre région. Tout se passe dans un bon esprit, entre pays du G5 Sahel et entre le G5 Sahel et les partenaires », a assuré le chef de la diplomatie burkinabé à l’issue de la réunion. L’appel des chefs d’État lors de la réunion extraordinaire du G5 à Niamey, le 15 décembre 2019, semble donc avoir eu un écho favorable. Dans le communiqué final de cette rencontre, ces derniers avaient appelé la communauté internationale à les soutenir pour endiguer la menace terroriste. Un appel avait également été lancé aux autres pays de la zone pour un « renforcement de la coopération entre les services de sécurité et de renseignement dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière ».

La guerre au Sahel : la communauté internationale unie contre le djihadisme

Alors que tous les yeux sont braqués sur l’opération Barkhane et la présence française dans la bande sahélienne et au Mali, c’est une guerre de dimension internationale qui se joue actuellement au Sahel. La France y agit au nom de la communauté internationale, notamment dans le cadre de l’ONU, afin de soutenir les armées africaines dans une lutte commune contre le djihadisme. En repoussant ce dernier au Sahel, la communauté internationale vient en aide aux populations africaines, premières victimes du terrorisme djihadiste, et tente d’endiguer la menace terroriste internationale en évitant la création d’un nouvel état djihadiste à l’image de l’Etat islamique.

                                                          

L’engagement de la communauté internationale au Sahel

En 2013, la France a répondu à l’appel du Président Traoré afin d’empêcher la progression des forces djihadistes vers Bamako. Depuis, l’armée française a déployé 4500 soldats dans la bande sahélienne, et particulièrement au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane. Ces opérations ont un prix pour la France. Financièrement, son aide représente un coût financier et humain : depuis 2013, la France a perdu 41 hommes au Sahel – 13 soldats sont encore morts le 25 novembre. La France agit au nom et sous le contrôle de la communauté internationale. Son intervention au Mali est en effet encadrée par un accord de défense signé en mars 2013 et par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies qui l’autorise à intervenir afin de soutenir la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Depuis la création du G5 Sahel en 2014, la communauté internationale a décidé d’intensifier l’aide apportée aux pays africains qui ont uni leurs forces dans le projet d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Les Européens, en particulier, et les Américains, apportent une aide financière, logistique et opérationnelle. Les pays partenaires se sont engagés, en accord avec le G5 Sahel, à fournir des équipements et des prestations à la Force conjointe, et non à opérer de simples transferts de fonds.

Au total, 414 millions d’euros ont été promis à Bruxelles en 2018 et 207 millions d’euros de contributions ont déjà été apportés par l’Union européenne et les Etats-Unis. A ce jour, n’ont pas encore été débloqués 100 millions promis par l’Arabie saoudite, la contribution des cinq Etats sahéliens au fonds fiduciaire (10 millions chacun) et la contribution chinoise (6,5 millions d’euros). En outre, les contributions versées sur le fonds fiduciaire du G5 Sahel atteignent 17,1 million d’euros : elles doivent provenir notamment des Emirats pour permettre l’achat de camions, de Turquie en vue de l’achat de matériel militaire ou encore du Rwanda.

 

Une aide concrète

Au-delà d’un engagement militaire de la France sur le terrain, c’est toute la communauté internationale qui intervient au Sahel à travers l’aide apportée aux pays engagés dans la guerre contre le djihadisme. L’aide européenne et américaine a permis la livraison d’équipements militaires, le financement d’infrastructures, etc. Concrètement, les bataillons de la Force conjointe ont déjà reçu des véhicules, du matériel contre les engins explosifs improvisés, ou encore des équipements de protection.

Le G5 Sahel bénéficie donc des équipements envoyés par la communauté internationale : véhicules, équipements de protection, etc. Les pays européens sont pleinement engagés au Sahel. Par exemple, la République tchèque a livré des équipements de protection individuelle pour le bataillon malien de la FC-5GS pour 400.000 euros, ou encore le Luxembourg a fourni un hôpital et des ambulances pour les bataillons burkinabé et nigérien de la Force conjointe du G5 Sahel pour un coût de 500.000 euros.

Certains retards de livraison et les échecs militaires créent une frustration compréhensible chez les populations, mais l’aide apportée au Sahel est pourtant bien réelle. Récemment, la France a par exemple été accusée sur les réseaux sociaux d’avoir livré des motos aux forces djihadistes alors que les forces armées maliennes ont confirmé que ces motos leur étaient destinées.

 

Vers l’autonomie de la défense des pays du Sahel

La France et la communauté internationale sont intervenus au Mali en réponse à une situation d’urgence qui n’est pas destinée à durer, même si certains sont découragés. Le combat continue face à la recrudescence des attaques djihadistes, mais l’un des projets essentiels de la communauté internationale est de former les armées nationales au Sahel, afin qu’elles deviennent progressivement autonomes dans leur défense.

Ainsi, la Mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), lancée en février 2013, réunit 620 militaires de 28 pays européens : sa mission est de former les militaires maliens. Son mandat a été prolongé en 2018 et son budget a été doublé pour être étendu aux pays réunis depuis 2014 au sein du G5 Sahel.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, le président français, Emmanuel Macron, a maintes fois souligné son attachement à la formation des armées sahéliennes. En Côte d’Ivoire, la France finance ainsi la construction d’une Académie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) à Jacqueville. Celle-ci formera les acteurs de la lutte antiterroriste pour toute la bande sahélienne.

 

Union européenne : L’ambassadeur au Mali fait le point

Par la voix de son nouvel ambassadeur au Mali, l’Union européenne a annoncé le 20 novembre la livraison très prochaine de blindés à la Force G5 Sahel. Le diplomate belge Bart Ouvry n’a pas précisé le nombre de blindés, ni même quand ils arriveront, mais il a assuré qu’ils seront là pour un appui sur le terrain, miné à de nombreux endroits par des engins explosifs improvisés (IED). Reconnaissant la lenteur dans l’effectivité des aides promises à la force conjointe, Bart Ouvry a assuré que les leçons ont été tirées afin que « la deuxième phase » des aides se passe au mieux. « Nous avons compris le problème et nous insistons désormais pour que les commandes soient livrées dans les délais voulus par nos partenaires ». L’ambassadeur de l’UE au Mali a également profité de l’occasion, un déjeuner avec la presse, pour se pencher sur le climat actuel de défiance à l’égard des forces étrangères. « Je comprends les critiques et l’impatience, mais je plaide également pour l’analyse, afin de trouver la solution la plus équilibrée qui soit », a-t-il souhaité. Il a affirmé que les Occidentaux n’avaient pas « d’obscurs » intérêts en Afrique. Au contraire, a-t-il ajouté, « nous avons des problèmes en commun, comme la lutte contre les groupes terroristes » ou encore le refus de la déstabilisation d’un nouveau pays, après la Libye et la Syrie, et les conséquences que cela a engendré en Europe et ailleurs.

Mahamadou Savadogo : « Le G5 Sahel est une structure déjà dépassée »

Le 14 septembre, les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se réuniront à Ouagadougou, au Burkina Faso, pour un sommet extraordinaire sur la sécurité. Ils envisagent la création d’une large coalition, au-delà de leur zone, pour combattre le terrorisme au Sahel. Mahamadou Savadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et de la radicalisation au Sahel, répond aux questions de Journal du Mali sur le sujet.

Envisager une large coalition pour combattre le terrorisme prouve-t-il  l’impuissance du G5 Sahel ?

Je pense que cela réside plutôt dans le fait que les groupes terroristes ont su anticiper les stratégies mises en place par les différents États. Ces groupes sont en avance sur ces États et impriment le rythme aux différentes armées. C’est ce qui est le plus inquiétant, surtout lorsqu’on voit une structure comme le G5 Sahel, qui, avant même d’être opérationnel, est déjà dépassé. Si on intègre les autres pays de la CEDEAO, cela veut dire qu’on va changer la dénomination du G5. Donc il est appelé à ressusciter de ses propres cendres.

Qu’est ce qui empêche les États d’anticiper les stratégies des groupes terroristes ?

Il y a d’abord un problème de coordination entre les États, mais aussi d’agendas et des priorités. Chaque année, ou presque, il y a un président qui se retrouve en train de battre campagne pour les élections. Il n’y a pas d’harmonisation au niveau même de la Force du G5 Sahel et des autres forces militaires. La menace aussi diffère d’un fuseau à un autre, car on a trois fuseaux. Donc ce sont ceux du fuseau central qui se sont retrouvés en train de combattre les terroristes. Avant que ce ne soit une question de finances c’est d’abord une question d’organisation et de stratégies, parce qu’il y a bien des pays, à eux seuls, qui sont parvenus à contenir un peu la menace avec leurs propres stratégies. On aura beau mettre des milliards dans ce G5 Sahel, s’il doit fonctionner comme tel il n’y aura jamais des résultats.

Quels sont les pays qui pourraient être dans cette coalition ?

Il y a des leaders qui sont déjà identifiés. Dernièrement, nous avons la Côte d’Ivoire, le  Sénégal, le Togo, le Bénin et le Ghana. Ce sont tous les pays côtiers en fait, qui sont désormais menacés parce que le verrou que constituait le Burkina a sauté et que cela veut dire qu’ils sont eux aussi ciblés par les groupes terroristes.

Propos recueillis par Acherif Ag Ismaguel

Le Niger remplace la Mauritanie à la tête du G5 Sahel

Le nouvel homme fort du G5 Sahel, c’est le général nigérien Oumarou Namata Gazama. Encore chef d’état-major adjoint de l’armée de terre du Niger il y a quelques jours, celui que des frères d’armes appellent l’homme de la situation remplace le général mauritanien Hanena Ould Sidi au commande du G5 Sahel depuis un an.

A 56 ans, l’enfant de Dosso a gravi les échelons de l’armée nigérienne de 1985 où il était simple soldat à 2018 où il a eu le grade de général de brigade. Homme de terrain fortement apprécié dans son pays, il a fait ses preuves dans plusieurs situations notamment dans la lutte contre le terrorisme, où il est entré dans l’histoire en menant avec brio l’une des plus grandes offensives meurtrières contre Boko Haram, en tant que chef d’état-major tactique de la zone de défense numéro 5 de Diffa. Il est attendu sur plusieurs fronts notamment dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.

 

 

G5 Sahel : Qui gère les fonds ?

La semaine dernière, lors de la 5ème réunion des ministres des Affaires étrangères des pays du G5 Sahel à Ouagadougou, l’UE a annoncé la mobilisation  d’un appui supplémentaire de 138 millions d’euros au profit de la force conjointe.  Une aide qui s’ajoute à plusieurs autres des pays partenaires. Mais qui gère ces fonds, déterminants pour l’opérationnalisation de la force ?

138 millions d’euros, soit environ 90,522 milliards de francs CFA. C’est le nouvel appui de l’Union européenne en faveur de la force conjointe du G5 Sahel. Une aide qui s’ajoute à d’autres contributions de ce partenaire privilégié. Les États-Unis, sceptique vis-à-vis de l’efficacité de l’organisation, avaient promis à l’époque 60 millions de dollars, une somme qui sera par la suite augmentée à 110, mais sous forme d’aides bilatérales. D’autres partenaires, tels que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, avaient aussi promis respectivement 100 et 30 millions d’euros en faveur du G5 Sahel. À toutes ces sommes s’ajoutent les 10 millions d’euros fournis par chacun des cinq États membres du G5. Mais comment sont gérés ces fonds, si précieux pour l’opérationnalisation de la force conjointe ?

Au niveau du point focal du G5 Sahel à Bamako, ce n’est vraiment pas l’enthousiasme pour  répondre à la question. « Le financement vient au nom du G5 Sahel et non à celui des cinq États membres. Et, par rapport aux 138 millions d’euros de l’Union européenne, nous n’avons pas encore défini les modalités. Mais la semaine prochaine les choses seront plus claires », indique Cherif Bah, point focal du G5 Sahel au Mali. Selon lui, il y a une coordination, à Bruxelles, des pays donateurs. « Tout ce qu’on donne ne vient pas directement à la force du G5 Sahel mais transite par le G5 Sahel, parce que les deux branches sont le développement et la sécurité. C’est cette dernière branche qui concerne la Force conjointe », indique brièvement Daouda Sidiki Diarra, le conseiller à la Communication du commandant de la force conjointe, ajoutant « les argentiers ne parlent pas beaucoup à ce sujet ».

Pour réceptionner et gérer efficacement les ressources financières octroyées à la force, un fonds fiduciaire a été créé en 2018 à Nouakchott, où est basé le Secrétariat du G5 Sahel. Ce fonds est doté de deux organes, un comité de soutien et un comité de contrôle, pour une gestion transparente des montants alloués.

G5 Sahel: Plaidoyer sur l’Union des Chambres économiques

Le Premier ministre, Chef du gouvernement, ministre de l’Economie et des Finances, Dr Boubou Cissé, a reçu en audience le mardi 16 juillet 2019, une délégation de l’Union des Chambres de commerce et d’industrie des pays du G5 Sahel (UCCI-G5), conduite par son président en exercice et président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie, Ahmed Babe Ould Eleya.

L’Union des Chambres économiques du G5 Sahel, créée en août 2018 à Nouakchott en Mauritanie, se veut un véritable outil de développement économique pour les 60 millions d’âmes de l’espace sahélo-sahélien.

C’est pourquoi, ils sont venus rendre compte au Premier ministre des résultats de la première réunion statutaire de leur organisation qui se tenait hier à Bamako et solliciter son appui en sa double qualité de Premier ministre et de ministre de l’Economie et des Finances, pour convaincre le Chef de l’Etat du Mali et ses pairs de la nécessité de reconnaître l’Union des Chambres économiques comme organe permanent du G5 Sahel.

La délégation souhaite que la question soit insérée à l’ordre du jour du prochain Sommet du G5 relaie la Primature.

Le plaidoyer se fonde sur le principe que le G5 Sahel, créé à Nouakchott en Février 2014 par le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, dans une perspective de mutualisation des forces afin de relever ensemble des défis communs liés à la lutte contre le terrorisme, a une vocation politique et militaire peut-on lire sur le site gouvernemental.

Le G5 Sahel a besoin atteindre ses objectifs, pour ce faire, intégrer la dimension économique est la case à cocher pour remplir le puzzle.

 

Kamissa Camara: Une nouvelle dynamique

Sa nomination à la tête du ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale n’aura pas laissé grand monde indifférent. Inexpérimentée pour une telle fonction, nouvelle ère, nouvelle dynamique, chacun y est allé de son commentaire. Loin de s’en laisser compter ou de baigner dans l’euphorie, elle préfère rester focus sur sa responsabilité et garde la tête froide. Il faut dire que ce ne sont pas les défis qui manquent. Difficulté dans l’opérationnalisation de la force conjointe G5 Sahel, relecture de la carte diplomatique du pays, défense des intérêts des Maliens, Kamissa Camara fait face, de front. Pour sa toute première interview accordée à un média malien,  elle revient pour Journal du Mali sur les sujets chauds et sur sa vision de la diplomatie malienne.

Insuffler une nouvelle dynamique à la diplomatie malienne, cette formule vous suit de près, comment comptez-vous vous y prendre ?

Il faut dire que cette nouvelle dynamique est une nécessité aujourd’hui. Le monde a changé, la position géopolitique du Mali a changé. Par conséquent, notre diplomatie doit évoluer, s’adapter et être en phase avec les nouveaux acteurs du champ national et international. Il est également essentiel aujourd’hui d’aller vers une réévaluation périodique de notre outil diplomatique afin de l’adapter au mieux à nos objectifs stratégiques, aux intérêts de notre pays, et à la vision voulue par S.E. le Président de la République. Ne dit-on pas que « Rome ne s’est pas construite en un jour » ? De ce fait, notre objectif est d’asseoir ce qui constituera les bases d’une diplomatie malienne pour les décennies à venir, une diplomatie qui sortira des sentiers battus et qui nous mènera à la préservation de nos intérêts sur l’échiquier international.

Quelles sont les grandes lignes de votre feuille de route ?

L’État est une continuité alors j’estime qu’il est essentiel de rester dans le cadre de la vision voulue par le Chef d’État tout en se munissant d’outils indispensables pour innover dans la façon de faire. La relecture de la carte diplomatique du Mali est une des lourdes taches qui m’a été confiée par le Président de la République. Il s’agira d’évaluer la présence de nos représentations diplomatiques à travers le monde, de s’assurer que nous ayons le personnel adéquat dans chacune d’elle et de s’assurer que nous avons une présence marquée dans les pays stratégiques. La prochaine Conférence des Ambassadeurs et Consuls Généraux du Mali qui se tiendra du 18 au 22 Février à Bamako permettra de poser le socle de cette dynamique. À partir de là, nous serons tous investis autant que nous sommes d’un cahier de charges plus adapté aux réalités actuelles. Je mets aussi un point d’honneur sur la communication. Notre département est très stratégique alors il est essentiel de communiquer sur ce que nous faisons, aussi bien sur nos succès que nos échecs. Aussi, à l’ère du numérique, nous nous devons d’être en phase avec l’évolution technologique en matière d’information et de communication interne entre l’administration centrale et nos représentations à l’étranger.

En novembre 2018, le Maroc a instauré une autorisation de voyage électronique aux Maliens, quelle a été la raison avancée par le Royaume pour justifier cette mesure ?

Il faut déjà rappeler que cette mesure ne concerne pas uniquement le Mali. Les ressortissants du Congo Brazzaville et de la Guinée ont également été soumis aux règles. Cette mesure est le résultat de l’expérimentation d’une nouvelle politique intérieure globale pour ce qui est de la gestion de leurs frontières du Maroc. Si vous consultez leur plateforme électronique, vous verrez que d’autres pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, pour ne citer que ceux-là, sont tout aussi en phase d’être soumis à cette même législation. Quant au Burkina Faso voisin, leurs ressortissants sont simplement invités à se rendre à l’ambassade du Maroc pour faire une vraie demande de visa.

Pourquoi ne pas avoir appliqué la réciprocité ?

Encore une fois, il est essentiel de rappeler que chaque nation souveraine a le droit de déterminer sa politique de gestion des frontières. Le Royaume ami du Maroc expérimente cette législation pour le moment car ils estiment que c’est un besoin spécifique à eux. Le Mali aura surement l’occasion de revoir sa politique si nécessaire en temps voulu.

Il se murmure que le Mali souhaiterait renouer des relations diplomatiques avec Israël…

Je crois que si on faisait attention à tout ce qui se murmurait, on avancerait très peu. Il faut garder en tête qu’il y a une vision globale voulue par le Chef d’État pour ce qui est de la diplomatie et que c’est à cette dernière qu’il faut se fier. Les relations internationales restent un domaine complexe tout de même, et ma mission est de défendre les intérêts du Mali partout à travers le monde et dans toutes les instances internationales.

Pourtant, à la tribune des Nations-Unies, le chef de l’État réaffirmait le soutien du pays à la Palestine.

En effet, le Mali a toujours soutenu la Palestine et c’est tout à fait normal que le Chef de l’État réaffirme cela aux Nations Unies. La position du Mali n’a pas changé concernant ce soutien.

Vous remettez au goût du jour la conférence des ambassadeurs et consuls généraux qui se tiendra en février, quelles seront vos attentes ?

Je l’ai évoqué précédemment, cette rencontre devra être l’opportunité d’évaluer notre outil diplomatique et de le réadapter en fonction des défis qui sont les nôtres aujourd’hui. Cette rencontre est essentielle pour maintenir une bonne dynamique dans l’ensemble du Ministère mais aussi et surtout de privilégier la même ligne de travail entre le Ministère et les Ambassades et Consulats du Mali à travers le monde. Nos ambassadeurs et consuls généraux sont investis d’une mission dans leurs juridictions respectives et ils sont les mieux placés pour évoquer les problèmes rencontrés ainsi que les avancées notoires. Ce ne sera donc que pure justice de rassembler tout ce beau monde autour de discussions pertinentes mais aussi et surtout de redéfinir notre outil diplomatique et notre représentation à travers le monde.

Selon la ministre française des armées, la force conjointe du G5 Sahel aurait repris ses opérations, qu’en est-il ?

La France est un grand partenaire stratégique depuis la création du G5 Sahel jusqu’à la création de la Force Conjointe du G5. Nous nous heurtons à des difficultés de financement de la FC et surtout à un mode de financement pérenne que pourrait nous garantir le Chapitre VII des Nations Unies. Les efforts se poursuivent dans ce sens.

 

Plusieurs promesses de dons ont été faites à l’endroit de la force, la dernière en date celle de la chine, pourtant l’opérationnalisation peine toujours, où se situe le blocage ?

La complexité de la situation sur le terrain et les difficultés de financement de la Force ralentissent son opérationnalisation. En revanche, il est important de savoir que cette force résulte de la volonté de 5 Chefs d’État qui sont déterminés à combattre de façon radicale le terrorisme dans cette zone. Nos nations ont pris leur destin en main et travaillent quotidiennement à ce que cette force soit la plus opérationnelle possible.

Le consulat du Mali en France a été bloqué 14 jours durant entre fin décembre 2018 et le début de l’année 2019, et ce n’est pas la première fois, que prévoyez-vous de faire afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise ?

Ce n’est surement pas la seule représentation à l’étranger où nous avons recensé des difficultés. D’ailleurs, le blocage du Consulat du Mali en France s’est déroulé sur fonds de situation sécuritaire précaire dont la gestion aurait déplu à certains ressortissants des régions du centre, notamment Yelimané. Mon département met cependant tout en œuvre en ce moment même pour que chaque malien(ne) et ce peu importe sa position géographique, ait accès aux meilleurs services administratifs dans les plus brefs délais et qu’il/elle se sente pris(e) en compte.

Ces actions semblent témoigner d’un malaise avec les ressortissants maliens à l’étranger qui estiment que l’Etat ne fait pas assez pour protéger leurs intérêts ?

Défendre les intérêts du malien est un travail quotidien et de longue haleine. Vous n’êtes pas sans savoir que nous travaillons avec des ressources limitées. Je reste tout de même convaincue qu’ensemble, à force de travail et d’abnégation, nous y arriverons. Comme je l’ai dit précédemment, ma mission principale consiste à défendre les intérêts du Mali et de chaque ressortissant malien et ce, en collaboration avec nos collègues du Ministère de l’Intégration Africaine et des Maliens de l’Extérieur.

Vous affirmiez dans une récente interview entretenir de très bonnes relations avec l’Algérie, pourtant plusieurs témoignages de nos ressortissants mettent en lumière des traitements dégradant de la part de ce pays.

Oui, en effet ! Vous savez… dans le quotidien, il est impossible de prédire ou d’empêcher tous les incidents. Le travail qui nous incombe dans ce cas, c’est la gestion apportée à ces différentes crises. Nous avons une ambassade en Algérie qui travaille, dans les conditions qui sont les leurs, à recenser ces cas de mauvais traitement, à travailler avec les autorités algériennes pour apporter le soutien nécessaire à ceux qui en sont les victimes. Parallèlement à cela, nous avons une Direction Afrique au sein de l’administration centrale à Koulouba qui est en permanente communication avec l’administration algérienne pour mettre fin au problème.

Un opposant s’est auto-proclamé président du Venezuela, quelle est votre réaction sachant qu’une importante coopération bilatérale existe entre nos deux pays ?

Il appartient au peuple souverain du Venezuela de gérer ses crises internes et avec tout le respect que nous leur devons, nous ne sommes pas aptes à nous prononcer sur ce sujet. Je leur souhaite tout de même de sortir le plus rapidement de cette crise pour que nous continuons les efforts consentis dans les termes de cette collaboration bilatérale entre les deux pays.

Mi-janvier, les membres du conseil de sécurité de l’ONU se sont montrés impatients face aux retards pris dans l’application de l’accord pour la paix, ils menacent de procéder une adaptation importante de la MINUSMA, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Du 14 au 17 janvier 2019, j’ai effectué une visite officielle au Siège des Nations Unies à New York, dans le cadre de l’examen, par le Conseil de sécurité des Nations Unies, du rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali, couvrant la période allant du 18 septembre au 14 décembre 2018. Dans mon discours devant le Conseil de sécurité, tout comme au cours des rencontres bilatérales que j’ai eues, j’ai mis l’accent sur la détermination du Président de la République, du Premier ministre et des parties maliennes à l’Accord de poursuivre et de diligenter la mise de l’Accord. J’ai également mis l’accent sur les progrès réels réalisés, les défis et les perspectives pour les mois à venir.

Les membres du Conseil de Sécurité ne menacent pas, mais ils demandent à voir des progrès concrets dans la mise en œuvre de l’Accord, progrès qui leur seront présentés au mois de Mars à New York.

Des informations font état de l’enlèvement d’un ancien agent des services de renseignements slovaque que le Mali avait refusé d’extrader, comment gérer-vous cette situation ?

Le plus important aujourd’hui serait d’aider la police malienne dans ses recherches. Pour le moment, nous n’avons été approchés par aucune ambassade à nous prononcer sur le sujet. Prions pour qu’on le retrouve le plus rapidement possible si l’information est avérée.

Votre nomination a fait beaucoup parler et suscité un certain espoir, de nombreuses personnes se montrent dithyrambiques à votre endroit, que représentent tous ces égards ?

Pour le moment, je préfère me concentrer sur cette responsabilité importante qui est mienne. Le bilan pourra être fait à la fin de ma mission.  Mais je comprends tout à fait le symbole de ma nomination. Je garde cependant la tête froide pour prendre les bonnes décisions et faire rayonner mon pays comme il se doit.

 

 

G5 Sahel : le PIP à la recherche de financement

Le 28 novembre s’est tenue dans la salle de conférence du ministère des affaires étrangères une séance d’information sur la conférence de coordination  des bailleurs de fonds et partenaires du G5 Sahel sur le financement du programme d’investissement prioritaire (PIP) 2019-2021. La rencontre aura lieu le 6 décembre à Nouakchott en présence des chefs d’États et des partenaires de l’organisation.

 « Le secrétariat permanent du G5 Sahel a décidé de tenir le 6 décembre prochain la conférence  de coordination des bailleurs  et partenaires  pour le financement du programme d’investissement prioritaire », déclare dès l’ouverture de la conférence le représentant de la ministre des Affaires Etrangères.  La tenue de la dite journée a aussi pour objectif de sensibiliser sur les missions et les objectifs du G5 Sahel. « Nous voulons  aussi à travers cette journée vous faire connaitre le G5 Sahel par ce qu’on fait le  constat que dès qu’on parle du G5 Sahel on pense  directement à la force conjointe, alors que  c’est plus que cela », tient à préciser Cherif Hamidou Ba, président du point focal  au Mali de ce regroupement des cinq pays du Sahel : la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. Face aux défis  sécuritaires et de développement auxquels sont confrontés  ces pays, une stratégie pour le développement et la sécurité (SDS) a été élaboré suivant  la vision des Chefs d’Etats de ce groupe.  Articulée autour de sept priorités majeures, cette stratégie constitue un cadre programmatique de référence pour toutes les interventions du G5 Sahel et de ses partenaires techniques et financiers. Elle sera mise en œuvre à travers le programme d’investissements prioritaires (PIP) 2019- 2021. Le PIP a été élaboré dès 2014 sur la base des orientations données par les chefs d’Etats du G5 Sahel. L’objectif global du PIP est de contribuer à assurer  le développement et la sécurité dans ces différents pays. L’inclusion socio-économique  des femmes, des filles,  et des jeunes à travers l’amélioration de leur statut  économique, leur protection et leur accès aux services de base, la promotion  de leur implication dans le processus de prise de décision les concernant,  et enfin la réduction de leur vulnérabilité. Ce gigantesque programme nécessite plus d’1milliards 996 millions d’euros. Déjà  240 millions d’euros  sont considérés comme acquis.

Pour cette première phase de trois ans,  40 projets  structurants et à impacts rapide sont retenus,  en rapport avec quatre axes stratégiques majeurs : défense et sécurité, gouvernance, infrastructures, résilience et développement humain. Selon Cherif Hamidou Ba qui a souligné lors de cette conférence le caractère intégrateur  de ces projets, leur faisabilité, leur maturité, l’enjeu sécuritaire  et leur impact sur les populations. »

Sur le terrain, les terroristes intensifient leurs attaques alors que la réponse attendue de la force conjointe tarde de plus en plus. L’éternel  problème de financement n’est pas encore résolu. Néanmoins, le financement du PIP  permettra au G5 Sahel d’asseoir les bases d’un développement durable, nécessaire pour lutter contre le terrorisme et  la criminalité transfrontalière.

 

Attaques terroristes : baroud d’honneur ou montée en puissance ?

Depuis 2012, le Mali est confronté à un phénomène devenu mondial : le terrorisme. Malgré l’assistance des forces internationales, le pays continue d’être endeuillé par des attaques djihadistes. Le 30 septembre, AQMI,  membre du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, diffuse une vidéo de propagande. Elle met en scène plusieurs attaques perpétrées au Mali, et des   menaces à  l’Occident. Parallèlement, les embuscades se multiplient sur le terrain. Fanfaronnade ou ascension ?

« Et la bataille continue… ». C’est l’intitulé de cette vidéo produite par Az-Zallaqa, un organe de propagande terroriste. Elle a été diffusée dimanche 30 septembre par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), fidèle au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). D’une durée de plus de trente minutes, elle revient sur les  différentes attaques opérées par ce mouvement dirigé par Iyad Ag Ghaly depuis mars 2017. « Elle relate plusieurs attaques ayant eu lieu depuis la création du nouveau groupe. Il y a celle de Boulkessi en mars 2017, de Sevaré, de Gao, et d’autres contre la MINUSMA ou les FAMA », décortique Wassim Nasr, analyste des mouvements djihadistes et auteur du livre : « Etat Islamique, le fait accompli ». « Mais le plus important c’est qu’elle est labélisée avec tous les labels d’Al-Qaïda et AQMI », révèle-t-il, ajoutant qu’« on y voit aussi les préparatifs de l’attaque complexe de l’aéroport de Tombouctou le 14 avril 2018». L’attentat avait enregistré un mort et une vingtaine de blessés. Les djihadistes, avant de passer à l’opération, s’étaient déguisés en soldats maliens, en casque bleus et en soldats français. Une stratégie de plus en plus utilisée.

Pour Yvan Guichaoua, enseignant chercheur à la Brussels School of International Studies (Université de Kent), « en dehors de la glorification de l’engagement militaire, la vidéo convoque les leaders intellectuels d’Al Qaïda et axe le discours sur la guerre entre l’Islam et l’Occident». Entretenir la terreur, créer la panique et la psychose aussi bien au nord et au centre du Mali qu’au-delà, semble être le souci de cette organisation terroriste.

Des groupes en puissance ? Avec l’intervention en 2013 de la force Serval (devenue Barkhane) pour stopper la progression djihadiste vers le sud du pays, les différents groupes ont été dispersés. Mais la déliquescence de l’Etat leur avait permis de se réorganiser au fil des années. En mars 2017, Iyad Ag Ghaly crée le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une fusion d’Ansar Dine, d’Al Qaïda, de la  Katiba du Macina et d’Almourabitoune. « Ils sont en train de monter en puissance parce qu’Iyad Agaly a réussi à les réunir après la débandade de 2013 », précise une source sécuritaire bien introduite. Depuis, les attaques sont menées avec audace et  professionnalisme. Voiture piégée, mines ensevelies, embuscades, tirs d’obus, attaques frontales, les djihadistes usent de tous les moyens nuisibles pour détruire leurs cibles. La MINUSMA, la force Barkhane, les forces armées maliennes sont toutes, aux yeux du GSIM,  des « ennemis » à saigner.

L’initiative de l’attaque est finalement devenue la leur. Le 26 septembre, sept soldats maliens et un civil ont été tués entre Bambara-Maoudé et Douentza suite à des  engins explosifs improvisés. Des actes tragiques inombrables. « Ces récentes attaques sont une manière de défier la communauté internationale. Ces djihadistes sont de plus en plus forts », souligne Mohamed Abdellahi Elkhalil, spécialiste des questions d’insécurité sociale et sécuritaire du Sahel. Malgré les opérations de la force Barkhane dans le Sahel, la menace selon Mahamadou Savadogo, spécialiste de l’extrémisme violent et de la radicalisation au Sahel, va grandissant. « Il y a une montée en puissance et un changement des stratégies de ces groupes terroristes. Au Burkina, ils sont en train de faire basculer les populations dans l’extrémisme violent en s’intégrant et en se confondant à elles », souligne-t-il. Les initiatives prises jusque-là par le Mali et ses partenaires n’ont pas permis de contrer le fléau. Le mal semble plus profond.

Mais tout de même, il n’y a « ni baroud d’honneur ni montée en puissance », selon Yvan Guichaoua. « Les djihadistes travaillent leurs objectifs politiques dans la durée et la défaite militaire fait partie de leur routine », dit-il, ajoutant que « lorsque la tendance est négative pour eux, ils font le dos rond, se redéploientg4, se restructurent, patientent, et exploitent politiquement les erreurs de leurs adversaires ».  Les bavures  et massacres de l’armée sur les populations civiles comme à Boulkessi sont ainsi mises à profit par les djihadistes. De plus en plus, ils  se montrent résilients  face aux situations. « Pour les prendre en défaut, il faut plus que de la pression militaire », mais « aussi  persuader les populations parmi lesquelles ils évoluent qu’il existe des modèles de société plus attractifs que le leur », indique le chercheur.

Barkhane et G5 Sahel : pour quels résultats ? Face au flux terroriste et aux attaques asymétriques, les Etats du Sahel sont mis à rude épreuve. La présence de  la Force Barkhane, autrefois Serval, a affaibli les différents groupes terroristes au Sahel. Des chefs djihadistes sont ciblés et des armes détruites. Fin août, dans la région de Ménaka, Barkhane a neutralisé un certain Mohamed Ag Almouner, un des chefs du groupe Etat Islamique au Grand Sahara. Selon la ministre française des Armées, Florence Parly, sur les antennes de RFI le  8 octobre, « plus de 130 terroristes » ont été neutralisés par Barkhane depuis le début de l’année. Concomitamment, cette force soutient l’armée malienne avec laquelle elle mène souvent des patrouilles sur le terrain. Son bilan reste malgré tout de même « mitigé ». Cela s’explique. « Elle a infligé des très lourdes défaites aux mouvements djihadistes, notamment dans la zone de Ménaka. Mais on constate que ces groupes parviennent à se redéployer pour continuer à harceler les forces maliennes et étrangères, tout en maintenant la pression sur  les populations civiles et les groupes signataires, par le biais d’assassinats ciblés », étaye Yvan Guichaoua, enseignant chercheur à la Brussels School of International Studies. Plusieurs paramètres rentrent aussi en jeu. « La machine organisationnelle contre-terroriste est toujours  plus lourde à faire fonctionner que celle des djihadistes », indique le chercheur. Par jour, la Force coûte à la France 1 million d’euros (soit 655 millions de francs CFA).

Quant à la Force du G5 Sahel, sa mission, en plus du développement, est de combattre le terrorisme tout le long des frontières des Etats membres. Plus d’une année après sa création, cette initiative n’a pas répondu aux urgences. Pire, elle a été attaquée dans ses fondements par les terroristes.  Au problème de financement s’ajoute « la qualité des ressources humaines ». « Les groupes terroristes ont anticipé sur les opérations annoncées par le G5 en élargissant au maximum le front », note Mahamadou Savodogo. Selon lui, « le fait d’annoncer les opérations sans les exécuter contribue plutôt à renforcer la résistance et l’adaptation des groupes terroristes ».  Depuis août, au moins 36 personnes ont été tuées dans des actes terroristes au Burkina Faso, dans sa partie frontalière avec le Niger et le Mali.

Incidence communautaire Bien que certains membres des groupes djihadistes soient des étrangers, force est de reconnaitre qu’ils opèrent avec des éléments locaux. D’où le traitement aussi complexe que sensible du sujet. Les rivalités communautaires anciennes sont le plus souvent vivifiéespar les accointances supposées avec des groupes terroristes. Des affrontements intercommunautaires, comme ce fut le cas entre les Daoussahak et les Peuls dans la région de Ménaka,  les Dogons et les Peuls au centre du pays et même au sein d’une même tribu (Iboguilitane et Idarfan) récemment à Ménaka. Les dernières  violences ont fait  plus de quarante morts parmi les civils. Pour Yvan Guichaoua, « il faut être prudent sur les causes qui peuvent être liées à des vendettas personnelles ou des affaires criminelles ». Aussi bien pour les groupes terroristes que pour les forces qui les combattent, les populations sont la matière à conquérir. « Chaque camp tente, dans son registre, de « gagner les cœurs et les esprits» des populations, fait savoir M. Guichaoua.

Les victimes du terrorisme se comptent chaque jour davantage et le quotidien des populations est ombrageux. Au regard du bourbier, l’horizon n’augure pas la fin prochaine des épreuves.

73ème Assemblée générale de l’ONU : IBK plaide la cause du G5 Sahel

A la tribune de l’ONU ce mercredi, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita a une nouvelle fois plaidé auprès de la communauté internationale une aide plus accrue pour opérationnaliser le G5 Sahel.

Devant ses pairs, il a affirmé que la lutte contre le terrorisme au Sahel est une contribution importante à la sécurité internationale. « Nous continuons de demander au Conseil de sécurité d’autoriser le déploiement de cette force sous le Chapitre VII de la Charte, assorti d’un financement adéquat, pérenne et prévisible, y compris à travers les Nations Unies, afin de lui permettre d’accomplir durablement et efficacement son mandat ».

Il a par ailleurs invité les partenaires bilatéraux et multilatéraux qui ont fait des annonces de contributions financières à honorer leurs engagements en faveur de la force conjointe du G5 Sahel. Durant son intervention, le chef de l’Etat a également vanté « les avancées importantes » enregistrées dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. « Il me plait de souligner l’absence de belligérance et d’affrontements entre les forces armées maliennes et les mouvements armés, depuis la signature de l’Accord en mai/juin 2015(…) le retour de l’Administration malienne a Kidal et dans les autres régions du Nord du pays, la présence de l’Etat dans ces régions, durement affectées par la crise, a notamment rendu possible l’ouverture des classes au bénéfice des enfants » liste-t-il. « Je sais que ces acquis sont fragiles » reconnait-il néanmoins.

Au plan national, IBK a réitéré sa volonté de placer la jeunesse au cœur de son second mandat. « J’engagerai un pacte national pour la jeunesse, à travers des investissements considérables dans la refondation de notre système éducatif et de formation, ainsi que de promotion de l’emploi » annonce-t-il. Le président IBK a assuré qu’il mettra tout en œuvre pour assurer le retour des réfugiés maliens au pays.

Sur la politique étrangère du Mali, il s’est dit profondément préoccupé par la situation en Libye qui « menace la stabilité de la région du Sahel ». Il a réaffirmé le soutien du Mali à la Palestine et appelle à une reprise des négociations entre Israël et la Palestine en vue d’une solution à deux Etats.

Pour conclure son discours, il a assuré ne ménager aucun effort pour assurer une mise en œuvre diligente et intégrale de l’Accord pour la Paix et la réconciliation.

Général de division Frédéric Blachon : «Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable»

Commandant de l’opération Barkhane depuis le 1er août 2018, le Général de division Frédéric Blachon a accordé une interview exclusive au Journal du Mali. Lutte contre le terrorisme, coopération avec les FAMa et le G5 Sahel, défiance de la population à son égard, le nouveau chef de Barkhane se prête à un exercice assez inédit pour cette force, présente au Mali depuis 2014.

Mon général, vous avez pris vos fonctions à la tête de la force Barkhane le 1er août 2018. Ces derniers mois, vos raids ont porté de grands coups aux terroristes. Votre prédécesseur affirmait même qu’il n’y avait plus de sanctuaire terroriste dans le pays. Pouvez-vous nous dire quelle est la situation un mois après votre arrivée ?

Tout d’abord, je suis très heureux de répondre à ma première interview à un journal malien depuis mon arrivée dans la bande sahélo-saharienne. En effet, Barkhane a obtenu de grands résultats dans sa lutte contre les groupes armés terroristes (GAT). Ces derniers n’ont pas totalement disparu, mais ils sont fortement affaiblis et désorganisés, car nous visons tant leurs chefs que leurs combattants ou leur armement.

Nous les frappons pour qu’ils ne disposent plus de sanctuaire et qu’ils ne soient plus en mesure de conduire des opérations d’envergure. Notre action dans la lutte contre les GAT est donc unanimement reconnue. Mais je constate aussi depuis mon arrivée que les succès de Barkhane s’observent dans bien d’autres domaines, comme le partenariat avec les FAMa et les autres forces partenaires et surtout les actions qui sont menées au profit de la population avec ces mêmes forces partenaires.

Certains observateurs y voient néanmoins des succès relatifs, les principaux chefs de ces groupes terroristes étant toujours dans la nature…

La menace de ces groupes ne se résume pas à leurs chefs, mais à leur capacité d’action. Dès lors que celle-ci est affaiblie, le gain est réel. Comme je vous l’ai dit, nous visons aussi les chefs. Cela peut prendre un peu de temps, mais nous arrivons régulièrement à en neutraliser. Ils peuvent encore frapper, comme ils l’ont fait malheureusement le 7 septembre à Boni, mais leurs stocks d’armement sont régulièrement détruits.

J’invite vos observateurs, qui semblent bien connaitre ces chefs, et la population, qui désire vivre en paix, à communiquer à Barkhane et aux forces partenaires toutes les informations qui nous permettront d’être encore plus efficaces. La sécurité, c’est bien l’affaire de tous !

Vous avez neutralisé récemment un chef, mais vous avez déploré au cours de ce raid la mort de 2 civils. Une investigation est ouverte. Qui la mène ?

Barkhane a effectivement mis hors de combat un chef important de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) qui avait commis de nombreux crimes à l’encontre de la population et des forces partenaires. Il ne faut jamais oublier de rappeler ces exactions et de les condamner, tout comme il faut condamner le comportement des terroristes qui s’abritent lâchement derrière les populations ou qui les attaquent sans discrimination.

C’est à cette lâcheté que Barkhane a été confrontée tout récemment. Comme vous le savez, elle a immédiatement annoncé que deux civils avaient malheureusement trouvé la mort lors de cette frappe qui a mis un terme à la cavale meurtrière de Mohamed Ag Almouner, l’un des chefs de l’EIGS.

Une analyse interne a montré que nos procédures strictes, visant à épargner les populations, ont bien été appliquées. Sa conclusion nous pousse à renforcer encore  notre prudence avant action, pour ne pas alimenter l’immoralité de nos adversaires.

Barkhane semble s’être rapprochée de certains groupes armés signataires de l’Accord de paix afin de lutter contre le terrorisme. Pourquoi cette nouvelle approche ?

Il n’y a pas de solution à la situation qui soit totalement extérieure au Mali. En ce sens, Barkhane est un appui, mais pas la solution. La solution appartient au Mali, à ses forces armées, à sa population et, d’une certaine manière, à tous les Maliens de bonne volonté. En signant l’Accord pour la paix et la réconciliation, ces groupes ont témoigné de cette bonne volonté. Si celle-ci est sincère, et qu’elle est démontrée par les faits, il n’y a pas de raison de ne pas associer ceux qui en font preuve. Le Mali a besoin de toutes les forces utiles pour se débarrasser de la menace terroriste.

Le récent rapport de l’ONU, qui fait état de l’implication de certains membres de ces groupes dans des actions terroristes, pourrait-il rebattre les cartes ?

Bien sûr. Comme je vous le disais, la situation exige un engagement sincère, prouvé par les faits. Ceux qui démontrent le contraire s’excluent de la solution pour appartenir au problème. Et, comme pour les groupes terroristes, le moment où la justice demande des comptes finit toujours par arriver.

Des informations font état de manipulations de Barkhane de la part de ces « nouveaux alliés »…

Barkhane n’est ni manipulée, ni manipulable, et ceux qui disent le contraire mentent. Il arrive toujours un moment où l’ambiguïté n’est plus possible. Ceux qui auront joué risquent fort de tout perdre. J’invite donc ces joueurs éventuels à bien réfléchir et à prendre rapidement des décisions qui préserveront leurs intérêts sur la durée. Dans mon esprit, ces intérêts vont de pair avec la préservation de la paix et avec la conformité à la loi malienne.

La coopération avec les populations est très importante dans la lutte contre le terrorisme. Ces dernières ont, vers la fin de 2017, manifesté une certaine défiance à l’égard de Barkhane. La situation a-t-elle évolué favorablement depuis ?

C’est parce que Barkhane est impartiale et efficace qu’elle gêne tous ceux qui n’ont pas d’autre projet que de vivre aux crochets de la population. Ainsi, de manière cyclique, Barkhane est attaquée, sous la forme de désinformations et de manifestations dont la mise en scène grossière devrait attirer l’attention, notamment des journalistes.

La situation que nous rencontrons sur le terrain est bien meilleure que ce qui est parfois publié et notre force est globalement bien acceptée. Il suffit de le demander aux populations. Nos échanges ne se limitent pas aux autorités locales et les populations voient les actions qui sont entreprises pour améliorer leur quotidien.

La force Barkhane est ici à la demande de l’État malien, au service de la sécurité de tous les Maliens, et s’efforce chaque jour, au péril de la vie de ses soldats, d’améliorer la situation. Elle s’efforce, là où elle est présente, de reconstruire les conditions nécessaires au retour d’une vie normale pour les habitants. Ici en creusant un puits, là en rebâtissant une école ou un pont, là en électrifiant une laiterie…

Notre mission est globale et le développement y prend une place grandissante. Un chargé de mission développement est d’ailleurs depuis quelques jours à mes côtés, dont l’action sera visible dans les mois à venir.

La mission de Barkhane étant de lutter contre le terrorisme, comment expliquer que la force ne soit pas plus opérante au centre du Mali ?

Le centre du Mali n’a malheureusement pas le monopole de la présence de GAT ou de groupes menaçant la sécurité des populations. Il y a donc eu un partage des zones d’actions en totale transparence avec les hautes autorités maliennes : les FAMa dans le centre, Barkhane dans le Nord. D’ailleurs, depuis mon arrivée, j’ai pu constater l’efficacité des forces de défense et de sécurité maliennes dans le domaine de la sécurisation, notamment pendant cette période électorale.

Le Président Macron a fait savoir que les récentes actions devaient se dérouler en « complétant Barkhane ». Quelle est la priorité pour votre force ?

Barkhane est une force militaire. Sa principale action se situe donc dans le champ militaire. Toutefois, nous savons que la solution durable ne se situe pas seulement là. Par le soutien au développement, tout d’abord, nous entendons donner une impulsion susceptible de recréer les conditions d’une vie normale. Cette impulsion doit être poursuivie, approfondie et c’est le travail d’autres acteurs. Certains sont déjà à l’œuvre. Enfin, le retour à la sécurité ne peut advenir qu’en faisant abandonner à tous le champ de la violence pour entrer dans le champ politique. Il y a donc là aussi un travail à accomplir pour inciter tous les acteurs à réformer leurs méthodes pour être entendus. C’est le jeu démocratique : l’abandon des armes pour entrer dans la confrontation des idées et des faits.

Cinquante militaires estoniens sont venus renforcer Barkhane. Peut-on y voir les prémices d’un engagement européen plus soutenu auprès de cette force ?

Comme vous l’avez remarqué, il ne s’agit plus de prémices, mais d’une réalité. Les pays de l’UE sont déjà présents au sein de Barkhane. Les Britanniques mettent en œuvre des hélicoptères lourds à partir de Gao, mais vous avez également l’Espagne, par exemple, qui participe au transport aérien au profit de Barkhane. Il y a également les contingents qui arment la MINUSMA et dont nous soutenons la mission. Je pense aux Allemands notamment. Je peux témoigner de leur efficacité sur le terrain au profit de la paix au Mali et dans la région. Car, comme l’ont bien compris les pays de la bande sahélo-saharienne en se regroupant au sein du G5 Sahel, l’union renforce l’efficacité de la lutte contre le fléau commun.

A n’en pas douter, d’autres pays européens viendront certainement nous rejoindre.

Comment se déroule la coopération avec les FAMa, qui semblent ne pas être très associées dans les opérations menées par Barkhane ?

C’est tout l’inverse, en réalité. Les FAMa sont nos partenaires. Nous nous engageons pleinement dans leur entrainement opérationnel avant de conduire des opérations ensemble. Le partenariat militaire opérationnel est une vraie réussite et nous combattons ensemble, en apportant quelques fonctions opérationnelles, comme du renseignement, certains appuis aériens et parfois un complément logistique.

Quel rôle Barkhane joue-t-elle auprès de la force G5 Sahel ?

La France, vous le savez, mais aussi l’Europe, et plus largement l’ensemble de la communauté internationale, soutiennent totalement la création et l’action de cette force, souhaitée par les pays membres du G5 Sahel et qui représente une réponse à la menace transfrontalière que représente le terrorisme. Face à cette menace, qui se joue des limites entre États, la Force Conjointe G5 Sahel constitue d’ores et déjà une capacité d’action crédible. Barkhane, depuis sa création, lui a apporté son soutien dans sa montée en puissance par des actions de formation, d’assistance ou d’entrainement. Elle l’a également épaulée lors de ses opérations. Barkhane poursuivra cette action avec détermination.

Mali : le QG du G5Sahel attaqué

Le  quartier général de la Force G5 Sahel basé à Sevaré a été la cible d’une attaque ce 29 juin. Des  pertes en vie humaine et dégâts matériels seraient enregistrés. Des sources sécuritaires et des témoins sur place  font état de six morts et des dégâts importants.  Les tirs ont pris fin il y a quelques heures. La zone  serait totalement bouclée.  Pour l’heure tout porte à croire qu’il s’agirait d’une attaque avec un véhicule  kamikaze. Des groupes terroristes au nord et au centre du pays ont réaffirmé ces derniers mois leurs hostilités à cette initiative sous régionale.

Maman Sambo Sidikou : « Les difficultés majeures sont liées à la diffusion des terroristes au sein des populations»

Secrétaire permanent du G5 Sahel (Mali, Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso), depuis février dernier, le Nigérien Maman Sambo Sidikou a passé plus de 25 ans d’exercice dans des services nationaux et étrangers, notamment au sein des instances des Nations Unies. Dans le cadre d’une tournée mondiale, il travaille à renforcer l’engagement des différents acteurs de cette organisation  régionale qui est confrontée à de nombreux défis.

La Côte d’Ivoire ne fait pas partie du G5Sahel. Quel cadre de collaboration peut-il exister entre ce pays et votre organisation ?

Tant au point de vue de la réflexion que de l’action. Ce n’est cependant pas l’objet de mes rencontres. Je viens d’abord pour faire œuvre de pédagogie sur l’action conjointe des cinq États – membres du G5 Sahel. Par ailleurs, je viens aussi pour écouter et m’enrichir au contact des responsables de l’une des locomotives de notre région.

Abidjan est aussi le port de l’hinterland sahélien. Au point de vue économique, la sécurité des installations portuaires – et leur bon fonctionnement – est un important facteur de prospérité pour des pays comme le Mali et le Burkina Faso. Par ailleurs, grâce au volontarisme du Président Alassane Ouattara et du gouvernement de Côte d’Ivoire, l’ambition retrouvée des institutions de financement régionales (BRVM) et multilatérales (BAD) nous inspire et stimule notre intérêt.

Quel bilan faites-vous des deux opérations menées par le G5 Sahel dans la zone des trois frontières Mali – Niger – Burkina Faso ?

Le bilan souligne des progrès qui appellent une plus grande structuration de la Force conjointe du G5 Sahel.  Les opérations « Haw Bi » (« Vache noire » en langue songhay, novembre 2017) et « Pagnali » (« Tonnerre » en langue peul, février 2018) ont  confirmé la  capacité opérationnelle de notre organisation régionale. Il reste cependant beaucoup à faire, différemment.

La coopération prend du temps, celui requis pour que se crée la confiance entre États, entre administration et citoyens, etc. Au terme de ces deux opérations pilotes, les acquis du G5S incluent la maitrise et le bon fonctionnement du réseau des transmissions militaires, la sécurisation de la zone transfrontalière, la bonne coordination air avec les troupes au sol, une meilleure connaissance du terrain par nos soldats.

Plus aguerris, les contingents nationaux sont plus facilement déployables. Mieux formés et plus disposés à coopérer, les officiers des postes de commandement de Sévaré et de Niamey sont issus des contingents de nos cinq États. Depuis la chute de l’empire Songhay (1591), notre région n’avait jamais connu de coopération interarmées aussi prometteuse.

Pouvez-vous nous parlez de la troisième opération ?

Du 18 au 30 mai 2018, elle a rassemblé les contingents du Burkina Faso et du Niger, rassemblés dans « le fuseau centre de la Force conjointe du G5 Sahel ». L’objectif de l’opération était d’entamer la liberté d’action des groupes terroristes sur une zone d’environ 4 000 km². Au bilan, pas de contact direct avec les terroristes.

Par ailleurs, au-delà des actions militaires concrètes, les détachements ont organisé des aides médicales à la population, notamment des consultations gratuites de plus de 770 malades et des distributions de médicaments. Nos troupes ont également procédé à la distribution de denrées alimentaires aux populations vulnérables.

Quels sont les difficultés majeures que rencontrent les forces lors de ces opérations ?

Les difficultés majeures rencontrées sont celles liées à la diffusion des terroristes au sein des populations. De plus, il faut noter que notre force en est à ses débuts et que nous sommes encore en train de chercher à réunir les moyens nécessaires pour améliorer son équipement et sa capacité opérationnelle globale.

La première difficulté est celle de l’étendue des zones à surveiller. La seconde tient au coût considérable de ces opérations dans des pays aux ressources modestes. Quant à la troisième, elle tient à la nature asymétrique de la violence utilisée par des acteurs « invisibles ». Il ne suffit en effet pas de désorganiser leurs réseaux d’approvisionnement et de recrutement, il faut également prévoir les effets effroyables d’attaques menées au cœur des villes. Nos forces sont donc une composante d’un édifice plus large, incluant d’autres acteurs de la sécurité et bénéficiant du concours d’une population que nous devons continuer à protéger tout en l’informant des périls auxquels nous sommes exposés.

La lutte contre le terrorisme passe aussi par la collaboration avec les populations. Est-ce que l’incident de Boulkeissi, où une dizaine de civils ont été tués, n’est pas dû à la méfiance entre la force et les populations ?

Je regrette les morts survenues lors de l’incident de Boulkeissi. Je présente encore une fois mes sincères condoléances aux familles éplorées. Comme vous le savez, le contexte est particulièrement délicat, mais la lutte que nous menons contre le terrorisme est sans conteste une bataille pour le bien de nos populations. Il faut le rappeler, ces forces négatives sont des semeuses de malheur et leurs actions détruisent nos sociétés et déstabilisent nos États, avec des répercussions très dommageables pour l’ensemble de nos populations. Nous nous évertuons, au niveau du G5 Sahel, à éviter au maximum ce genre de situations malheureuses, en formant notamment nos troupes au respect strict des procédures opérationnelles, des Droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire. Enfin, un travail sera progressivement mené en vue de mieux communiquer sur nos actions et de nous rapprocher davantage de nos populations, afin d’obtenir une meilleure compréhension et une plus grande adhésion à ce travail, qui est totalement mené pour leur bien.

Comment le G5 Sahel compte-t-il se financer si la communauté internationale n’honore pas ses promesses ?

Le G5 Sahel est une organisation mise en place par cinq pays africains décidés à mutualiser leurs moyens pour faire face aux défis sécuritaires et à œuvrer en commun pour le développement de nos pays. Aussi, tout en comptant sur le soutien de nos partenaires et amis de la communauté internationale, nous mettons tout en œuvre pour faire notre part, car il s’agit d’abord de notre destin. C’est l’occasion de remercier tous ceux qui ont déjà contribué concrètement au financement de la Force conjointe. Je pense particulièrement à la solidarité fraternelle africaine, illustrée par la Côte d’Ivoire, qui a impulsé l’appui de l’UEMOA à notre organisation.

Comprenez-vous le refus des États Unis de placer le G5 Sahel sous le chapitre VII du mandat des Nations Unies, qui lui permettrait d’être plus autonome et plus efficace dans sa mission ?

La décision des États Unis résulte d’un choix politique. L’administration actuelle reconsidère une partie de son implication au sein des Nations Unies. Ce n’est donc pas uniquement lié au cas du Sahel et de sa force conjointe. J’ai donc bon espoir que des évolutions positives surviendront prochainement sur le plan du renforcement de la collaboration avec l’ONU et les États Unis dans tous les domaines d’action du G5 Sahel. En effet, loin du théâtre de la diplomatie, la contribution des forces armées américaines est parfois remarquable. Au niveau opérationnel, il peut s’agir d’experts dont le domaine de compétences est précieux, y compris pour garantir le fonctionnement des missions d’appui, comme pour les télécommunications ou les travaux publics.

 

Que protègent les forces militaires étrangères au Sahel ?

Officiellement, elles cherchent à lutter contre le terrorisme, mais les interventions des acteurs extérieurs s’inscrivent davantage dans la défense de leurs intérêts.

L’empreinte militaire extérieure, notamment celle des États-Unis et de la France, s’accroît en Afrique de l’Ouest et particulièrement au Sahel. Pourtant, face à des opinions publiques de plus en plus hostiles à cette présence jugée envahissante, ces interventions risquent de s’avérer inefficaces ou, pire, contre-productives.

Le 6 avril 2018, le président ghanéen Nana Akufo-Addo déclarait : « Il n’y aura pas de base militaire américaine au Ghana ». Il répondait ainsi aux protestations soulevées par la signature d’un accord de coopération en matière de défense avec les États-Unis. Quatre mois plus tôt, au Niger, les autorités avaient démenti avoir autorisé l’envoi de soldats italiens dans le Nord du pays, où des bases américaines et française étaient déjà positionnées.

Autrefois limitées au conseil, à la formation et à l’équipement des armées nationales de la région, les forces militaires étrangères, depuis le déclenchement de la crise malienne de 2012, ont accru le déploiement de troupes au sol ainsi que l’installation des bases logistiques ou militaires. Au Mali, en 2013, l’intervention des troupes françaises dans le cadre de l’opération Serval a permis de stopper l’avancée des groupes extrémistes violents vers le sud du pays et leur éviction des grandes villes.

Présenter cette zone du Sahel, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants

Dans ce capharnaüm militaire, le Mali et le Niger, au carrefour de l’instabilité régionale, sont devenus des terrains privilégiés pour les puissances occidentales. Ces dernières, bien qu’ayant recours aux mêmes arguments sécuritaires pour justifier leur présence, poursuivent des objectifs parfois différents.

Si la lutte contre le terrorisme demeure l’enjeu principal pour les Américains dans la région, il semble que des partenaires européens, comme l’Allemagne et l’Italie, soient aussi motivés par la question migratoire. L’annonce du gouvernement italien, en décembre 2017, de sa décision d’envoyer des troupes au Niger pour combattre le terrorisme répondrait davantage à une volonté d’exercer un contrôle plus étroit sur les flux migratoires. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 75 % des migrants et réfugiés parvenus en Europe en 2017 sont entrés par l’Italie et nombreux sont ceux ayant transité par le Niger.

La participation de l’Allemagne à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) avec un millier de soldats et l’ouverture d’une base logistique au Niger consolide sa présence au Sahel, une zone au cœur des dynamiques migratoires.

La montée en puissance des groupes extrémistes violents et de la criminalité organisée au Sahel, ayant conduit au renforcement de la présence militaire étrangère, a été précédée d’un affaiblissement des États de la région. La situation de ces pays, qui font face à une mauvaise gouvernance caractérisée par une corruption endémique, un système de justice défaillant, une incapacité à fournir les services sociaux de base et à intégrer les espaces périphériques, favorise l’ancrage local et la résilience des groupes extrémistes violents de la violence auprès des populations.

Au Mali, forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique

Si la France est intervenue à la demande des autorités maliennes de transition de l’époque, au nom d’un passé commun, elle l’a fait aussi et surtout pour protéger ses ressortissants et défendre ses intérêts stratégiques, y compris économiques, dans la région.

À titre d’exemple, le pays continue d’importer du Niger voisin la majeure partie de l’uranium indispensable à son énergie nucléaire. L’intervention de la France, baptisée Serval, en janvier 2013, a laissé la place, six mois plus tard, à l’Opération Barkhane – au coût financier d’environ un million d’euros par jour – dont la zone d’action est élargie aux cinq pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.

Tandis que la présence française est fortement médiatisée, d’autres pays tels que les États-Unis et l’Allemagne, se font plus discrets. En octobre 2017, quatre commandos américains et cinq militaires nigériens ont perdu la vie à Tongo Tongo, localité située à la frontière avec le Mali, dans une embuscade revendiquée par l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Cette attaque a révélé au grand public l’ampleur de la présence militaire des États-Unis au Niger, et plus largement dans la région.

Elle a également démontré, une fois de plus, que les groupes terroristes, bien que traqués par les pays de la région et leurs alliés, conservent une capacité de nuisance et recourent à des modes opératoires de plus en plus complexes. Cependant, la présentation de cette zone du Sahel, dans la rhétorique qui a suivi l’attaque de Tongo Tongo, comme la nouvelle frontière d’un « djihad » mondial comporte des risques importants.

De nombreuses études soulignent en effet la nécessité de prendre en compte les dynamiques locales dans le développement et l’expansion des groupes armés terroristes dans la région. Ces groupes exploitent, entre autres, les griefs des populations contre la gouvernance étatique ainsi que les tensions entre les différentes communautés socioprofessionnelles – à l’image des conflits pouvant opposer les éleveurs aux agriculteurs – pour s’ériger en garant de l’ordre social.

La décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse

Par ailleurs, la décision des États-Unis de donner plus d’autonomie aux troupes déployées sur le terrain paraît dangereuse. Dans un tel contexte, les erreurs de ciblage risquent d’être exploitées par les groupes extrémistes violents pour consolider leur présence et d’affecter l’efficacité des interventions.

Ces derniers mois, les signes d’un mécontentement populaire contre la présence militaire extérieure se sont multipliés dans la région. Accueillies dans un consensus quasi-général au Mali, en janvier 2013, les forces françaises sont de plus en plus critiquées par l’opinion publique.

Cette hostilité a débouché sur l’émergence de mouvements de protestation au cours des derniers mois, à travers le pays, pour dénoncer la politique de la France, accusée parfois d’accointance avec les anciens groupes rebelles. Au Niger, également, des manifestants, répondant à l’appel d’une coalition d’organisations de la société civile, scandaient en février dernier : « Armées française, américaine et allemande, allez-vous en ! », accusant leurs autorités de brader la souveraineté du pays.

La multiplication des interventions au Sahel répond d’abord à une volonté des puissances occidentales de défendre leurs intérêts stratégiques, qu’ils soient d’ordre sécuritaire, politique, diplomatique ou économique. Le masquer ou tenter de le dissimuler contribuerait davantage à renforcer l’image d’une région victime de simples calculs géopolitiques de la part d’acteurs extérieurs.

 

 

 

Cet article est d’abord paru sur le site de l’Institut d’études de sécurité.

G5 Sahel : Et si le Mali avait eu tort d’avoir raison trop tôt !

Face à la sanctuarisation du Sahel par des pseudo-djihadistes qui ne sont, en réalité, que de vils criminels et trafiquants en tous genres ; et face à l’insécurité entretenue par ces hordes de terroristes avides de sang et exploitant à fond la pauvreté et parfois le désespoir des braves populations du Sahel éprouvées par les effets désastreux des changements climatiques, les Chefs d’Etat du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad ont porté le G5 Sahel sur les fonts baptismaux le 16 février 2014 à Nouakchott (Mauritanie). Dans son acte fondateur, le G5 Sahel ne fait pas mystère de son ambition de promouvoir le développement et la sécurité, la bonne gouvernance et la démocratie ainsi que le développement régional inclusif et durable en agissant sur le levier de la coopération régionale et internationale.

C’est que, entretemps, les doctrines en matière de lutte contre le terrorisme dans l’espace sahélo-saharien et à travers le monde ont fortement évolué, mettant en exergue la nécessité de combiner actions militaires et actions de développement. L’enlisement d’armées qui comptent parmi les plus puissantes au monde dans des théâtres d’opérations disséminés aux quatre coins du monde a achevé de construire de nouvelles doctrines en matière de lutte contre le terrorisme, cette odieuse hydre  de Lerne à la nature insaisissable et aux méthodes asymétriques. Pour l’histoire, flashback sur la genèse de ce qui aurait dû être une évidence.

Le Mali,  précurseur du G5 Sahel

Père fondateur de l’Organisation de l’Unité Africaine, ancêtre de l’actuelle Union Africaine (UA) et ayant gravé la construction africaine dans le marbre de sa Constitution, a toujours été un chantre de l’unité qui donne sa pleine mesure à la mutualisation des intelligences et des ressources pour construire le bonheur des populations africaines. C’est ainsi que des indépendances à nos jours,  le Mali a joué et continue de jouer les premiers rôles dans la construction d’un nombre impressionnant d’organisations qui comptent dans la sous-région ouest-africaine et sur le continent. Pas besoin d’égrener des listes ! Pour notre démonstration, suffiront largement l’OUA, l’UA, la CEDEAO, l’UEMOA, le CILSS, le Liptako-Gourma, l’OMVS… et bien entendu le bien nommé G5 Sahel. A propos de celui-ci, il vous souviendra que depuis le début de la décennie 2000, à l’heure des tout premiers rapts d’européens dans le Sahel, un pays a tiré la sonnette d’alarme. Le Mali. Un pays a tenté vainement de mobiliser pour faire face à la tête de Cerbère qui sortait des profondeurs du grand désert. Le Mali. Un pays a fait face, presque seul, à un fléau transfrontalier. Le Mali. Un pays s’est trouvé dans le rôle peu enviable de victime collatérale pour affronter les conséquences de l’intervention en Libye d’une certaine communauté internationale mal informée, mal préparée et savamment manipulée par MM. Sarkozy et Bernard-Henry Levy. Encore le Mali. Même la vénérable ONU a foncé tête baissée dans le piège libyen, véritable boîte de Pandore d’où se sont échappés le désordre, l’anarchie et la violence. La Libye, ce Styx aux contours aussi imprécis que la mer du Nord qui charrie la déchéance humaine des temps modernes  et qu’il convient de dessécher par tous les moyens.

Aujourd’hui, dans le prétoire du tribunal de l’histoire, là  où les faits têtus sont opposables aux discours creux et mensongers des ambitions égoïstes et mesquines, chacun devra assumer pleinement sa part de responsabilité. Victime du terrorisme au Sahel alimenté par le chaos libyen, le  Mali a eu malheureusement tort d’avoir  raison trop tôt. Il en est ainsi de certaines matières même si, par après, il faudra rendre à César ce qui est à César. Beati pauperes spiritu (Bienheureux les pauvres d’esprit !).

Le leadership d’IBK

Du Sahel aux Nations-Unies ; d’Addis-Abeba au château de La Celle-Saint-Cloud, près de Paris ; d’Abidjan à Bruxelles, le Président IBK aura été de toutes les « campagnes », se dépensant sans compter, afin de réunir toutes les conditions nécessaires à l’ancrage institutionnel du G5 Sahel et à la montée en puissance de sa Force Conjointe dont le poste de commandement opérationnel se trouve justement à Sévaré, en terre malienne. Et un certain Didier Dacko, Général de Division de son armée, n’en est-il pas le Commandant en chef depuis le 8 juin 2017 ? Aux côtés de la MINUSMA, de Barkhane, des armées nationales et de diverses forces européennes déployées dans le Sahel, le G5 Sahel agit tel un joker de luxe. Mieux ! Sa Force Conjointe cristallise tous les espoirs des autorités et populations du Sahel ainsi que de toute la communauté internationale dans l’âpre combat contre les forces du mal.

Il est sûr et certain que les historiens ne manqueront pas de faire le bilan de l’œuvre colossale d’IBK en sa qualité de président en exercice de la conférence des Chefs d’Etat du G5 Sahel, du lundi 6 février 2017 (Sommet extraordinaire du G5 Sahel à Bamako) à celui de Niamey (6 février 2018), au cours duquel il a passé le témoin à son homologue nigérien Issoufou Mahamadou.  En attendant cette échéance, il nous faut affirmer haut et fort que c’est sous son magistère que le G5 Sahel est sorti de ses limbes pour prendre véritablement son envol. Si aujourd’hui le monde entier se presse autour du berceau du G5 Sahel, il a bien fallu que des artisans infatigables fassent le boulot et qu’un leadership éclairé ait été à la manœuvre pour mettre fermement le cap sur le port d’attache et que, enfin, sa dédicace ait été à hauteur de ses ambitions. Sans autosatisfaction d’aucune sorte, le Président IBK aura satisfait à toutes ses exigences. Et même au-delà !

Bruxelles, l’apothéose

Le 23 février 2018 à Bruxelles, au siège de la Commission Européenne, s’est tenue la Conférence internationale de Haut niveau sur le Sahel ; elle était co-présidée par le Président de la République du Niger, Président en exercice du G5 Sahel, Issoufou Mahamadou, par le Président de la Commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, par le Secrétaire Général des Nations-Unies, António Guterres et par le  Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker. Les 27 chefs d’État et de Gouvernement de l’Union Européenne s’étaient tous pressés au Berlaymont pour apporter leur soutien politique et financier aux pays du Sahel qui sont une « digue » qui les protège et dont toute infortune pourrait les affecter gravement. Venus aussi à Bruxelles, des hauts représentants des riches monarchies pétrolières du Golfe dont l’Arabie Saoudite et les  Émirats Arabes-Unis pour apporter leur solidarité à leurs frères du Sahel.

Le tour de table a abouti à une annonce de 414 millions d’euros dont 116 millions pour l’Europe. La moisson est bonne. Excellente. Par enthousiasme, on serait même tenté d’affirmer que le budget est définitivement bouclé pour la mise à flot de la Force Conjointe s’il n’y avait pas ce petit gap annuel de 9 millions sur les 75 millions du budget des opérations. Qu’à cela ne tienne ! Comme l’a laissé entendre le Président KEITA, il y aura un avant et un après-Bruxelles tant la mobilisation de la Communauté Internationale au chevet du Sahel aura été forte.

Il faut espérer que les modalités de décaissement des contributions annoncées ne soient pas un parcours du combattant de nature à hypothéquer les opérations complexes de la Force Conjointe. Il faut espérer aussi que les partenaires comprennent que, à menace égale, le traitement doit être identique ailleurs comme au Sahel. Malheureusement pour l’instant, il n’y a pas de commune mesure entre les sommes dépensées ailleurs pour éradiquer le terrorisme et celles consenties aux pays du Sahel. Ce deux poids, deux mesures a été fortement souligné par les cinq Chefs d’Etat du Sahel qui ont produit un sacré plaidoyer à Bruxelles dont il faut espérer qu’il génère des dividendes à la hauteur de leurs ambitions.

 

Jean Paul Deconinck : « Pas question que la force G5 Sahel intègre la MINUSMA »

La MINUSMA a tenu le 22 février dans son quartier général à Badalabougou un point de presse sur l’état de ses dernières activités. Occasion pour l’invité spécial, le général Jean Paul Deconinck, commandant de la force, de revenir sur les différentes opérations menées sur le rôle de la mission.

Le traditionnel point de presse bimensuel de la Mission Internationale intégrée de Nations Unies pour la Stabilisation au Mali s’était tenu le jeudi 22 février à Badalabougou. Animé par Mme Myriam Dessables, Directrice de la Communication Stratégique et de l’Information Publique, ce rendez-vous a reçu la présence du Commandant de la force de la MINUSMA.

Introduit par la directrice de la communication, le général Jean Paul Deconinck Commandant de la force a fait un rappel des opérations menées depuis fin novembre jusqu’aujourd’hui. Selon lui, la lutte contre la menace passe par une accélération d’un rythme opérationnel de la force de la MINUSMA. Il s’était inscrit en faux contre l’opinion courante qui accuse la MINUSMA d’ « immobilisme ».
Fin novembre, une opération dénommée ‘’Futuri’’ a été menée dans la zone d’Indelimane « avec l’équivalent de dix compagnies, avec mobilisation des forces de main d’œuvre, des moyens logistiques, de renseignement au sol et dans l’aire », indique le commandant. Trois casques bleus ont été tués suite à une attaque terroriste, lors de cette opération, mais une dizaine d’assaillants ont été neutralisés, a t-il tenu à faire savoir. Une autre opération ‘’ Foradji’’, a été menée en janvier dans la région du Centre avec des matériels conséquents. Une coordination avec les forces de défense malienne et celles du G5 Sahel a été entreprise pendant cette période. Une troisième opération dénommée ‘’Foronto’’ aura lieu toujours selon Jean Paul Deconinck sans dévoiler la zone d’intervention.
Face à l’ampleur des menaces et aux difficultés de financement auxquelles fait face la Force du G5 Sahel, l’actuel président de l’organisation, le Président nigérien, Mahamadou Issoufou aurait voulu que la force sous-régional soit ‘’une brigade de la mission des Nations Unies au Mali’’. Sur le sujet, le Commandant de la MINUSMA est catégorique : « Chaque force à son mandat, il n’est pas question que des unités du G5 Sahel deviennent une brigade de la force de la MINUSMA », a écarté le General Jean Paul Deconinck. Selon lui, le mandat du G5 Sahel est orienté vers la lutte contre le terrorisme et la criminalité alors que la MINUSMA ne peut opérer en dehors des frontières maliennes. « Nous devons veiller à ce que ce mandat reste comme tel, il n’est pas question d’intégrer le G5 Sahel à la MINUSMA », a-t-il insisté.
Première à intervenir, la directrice de la communication a abordé les dernières activités réalisées par la mission à Bamako et dans les autres zones d’intervention. Ainsi, du 16 au 18 février le représentant spécial du secrétaire général de Nations Unies, Mahamat Saleh Annadif, a participé au forum de Munich sur les politiques de défense. Un évènement qui « se tient chaque année, depuis sa création en 1963 sur la politique de défense et qui se veut une rencontre entre Chefs d’Etat et responsables de haut rang en politique de défense et de sécurité pour s’entretenir des tendances globales en matière de politique de sécurité », a informé Myriam Dessables . Elle a aussi indiqué que le chef de la MINUSMA est en déplacement en Belgique dans le cadre de la réunion haut niveau entre les Etats membres du G5 Sahel et l’Union européenne pour le financement de la force conjointe. Dans la suite de ses activités d’appui, la division des affaires électorales de la MINUSMA a rencontré le 19 février, le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation pour discuter de la révision exceptionnelle des listes électorales que le gouvernement a autorisé sur toute l’étendue du territoire national. En outre, la directrice de la communication a informé que « durant la période écoulée la police de la MINUSMA a effectué 576 patrouilles et assuré 51 escortes.» Le 14 février, une équipe de l’unité de police de la MINUSMA s’est rendu au centre de santé de référence de Ménaka où elle a procédé à une remise des médicaments au profit de la population selon Myriam Dessables. D’autres activités ont été également menées par la mission de Nations Unies dans la région de Kidal, Gao, Tombouctou et Mopti.