Gao et Tombouctou : comment s’adapter au couvre-feu ?

Les couvre-feux instaurés à Gao et Tombouctou par les différents gouverneurs ont été prorogés le 9 octobre. Comment s’adaptent les populations et comment accueillent-elles cette prorogation ?

Après l’attaque du bateau de la COMANAV en provenance de Gao le 7 septembre dernier, avec 49 morts civils et 15 militaires maliens, et l’attaque le lendemain du camp de Gao par des groupes armés terroristes, un couvre-feu nocturne a été instauré dans la ville de Gao jusqu’au 9 octobre, reconductible. Presque dans la foulée, à Tombouctou, alors que la ville est soumise à un blocus et cible de tirs d’obus de la part du JNIM, le gouverneur de la région, le Commissaire divisionnaire Bakoun Kanté, a instauré également un couvre-feu allant du 11 septembre au 10 octobre 2023, de 20h à 6h du matin. Ces mesures ont été prorogées alors que les populations essayent encore de s’adapter. À Tombouctou, elles ont été un peu allégées, passant de 20h à 21h. Même si elle est contraignante, la majorité des habitants de Tombouctou approuvent la décision, selon des sources sur place. « La ville a besoin de sécurité, il faut moins de personne dans les rues, surtout la nuit, pour que les forces de l’ordre puissent faire leurs opérations de sécurisation à travers la ville », assure Tandina El Hadj Beyt’allah, blogueur de la Cité des 333 Saints. Il ajoute qu’il n’y a pas eu de grand changement dans les habitudes des Tomboctiens, « les gens s’habituent au couvre-feu, ils rentrent le soir à la maison avec des provisions ». À Gao, où le couvre-feu dure de 22h à 6h du matin, avec un allègement de 2 heures par rapport au mois dernier, les commerçants soufflent un peu mais réclament plus. Souley Ibrahim, un résident de Gao, affirme que depuis l’instauration du premier couvre-feu « la sécurité de la ville s’est nettement améliorée. Il n’y a pratiquement plus d’enlèvements et les habitants se sentent plus en sécurité ». Abdoul Karim Samba, Président d’une association locale de la société civile, affirme qu’un seul cas de braquage a été recensé durant la période du premier couvre-feu. Si la mesure est appréciée sur ce point, elle n’enchante pas une partie de la population, surtout les commerçants et les boutiquiers, qui sont obligés de fermer leurs structures dès 21h ou 22h. Une situation intenable, qui joue sur l’économie de la ville, selon la même source, car il y a plusieurs petits commerçants qui ne gagnent réellement que pendant la nuit. Avec le couvre-feu, il est difficile pour eux d’obtenir de quoi subvenir à leurs besoins.

La population des deux régions se dit résiliente, tout en espérant que cette situation ramène la sécurité et la paix sur leurs territoires.

Gao : attaque terroriste contre le camp des FAMa

Seulement 24 heures après la double attaque terroriste contre le bateau Tombouctou de la compagnie malienne de navigation fluviale (COMANAF) et le poste de Bamba, ayant entraîné la mort de 49 civils et de 15 militaires, les groupes armés terroristes ont encore mené une attaque complexe contre le camp militaire à Gao. L’armée a annoncé l’attaque ce matin dans une publication précisant que la riposte et l’évaluation étaient en cours.

Une source sur place jointe par au téléphone affirme que les dégâts causés par les explosions étaient majeurs mais ne peut dire avec exactitude le nombre de décès, car difficile d’avoir accès à la zone aéroportuaire qui est quadrillée par les forces de défense.  D’après lui, ce sont trois véhicules kamikazes qui ont attaqué le camp Fihroun de Gao alors que d’autres sources évoquent plutôt deux voitures. Des terroristes auraient réussi à s’infiltrer dans le camp, et durant l’après-midi, trois d’entre eux auraient été neutralisés. L’aviation malienne a mené des frappes sur des véhicules suspects aux alentours du camp. Des proches de Fahad Ag almahmoud, leader déchu de la plateforme ont annoncé que deux de leurs véhicules ont été détruits.

Ces attaques surviennent dans un contexte de pression grandissante de groupes armés dans le nord du pays, faisant redouter une éruption de violence. Les tensions mettent aussi en péril la survie de l’accord d’Alger, signé en 2015 par l’État malien et les groupes armés du nord, visant à mettre fin aux hostilités ouvertes trois ans plus tôt.

Mines : au nord, la ruée vers l’or

Au Mali, une quinzaine de sites miniers exploitent l’or, en plus des multiples zones d’orpaillage. L’activité est fortement concentrée sur les régions du Sud. Mais depuis 2020 les chercheurs de métal jaune se ruent aussi vers la partie septentrionale du pays, où plusieurs gisements ont été découverts ces dernières années.

Almaghmor. Le nom de ce village situé à 140 km de Tombouctou revient en boucle sur les réseaux sociaux depuis fin mars. Selon plusieurs sources, des autochtones y ont découvert une mine d’or à ciel ouvert. Sur le site en plein désert que l’on peut apercevoir sur des images relayées sur Internet, des personnes s’affairent à exploiter le métal jaune. « Ils sont plusieurs chercheurs d’or à se rendre dans le village avec du matériel depuis une semaine, malgré les conditions climatiques difficiles et l’insécurité qui règne dans la zone », explique un ressortissant de la localité, qui confirme l’information de la découverte du site.

Tout comme à Almaghmor, de l’or a récemment été découvert dans plusieurs localités du septentrion malien. Notamment à Igouzar, à 50 km de Kidal. Dans la région, à 40 km au sud de Tessalit, des sites aurifères ont également été découverts en 2020.

Autre région, autre découverte. À 90 km de Gao, dans les localités de Marsi, N’Tillit nord et sud et Tinaïkorene, du métal jaune a été aussi trouvé en 2020. « L’État est au courant de ces sites d’orpaillage, mais, avec l’insécurité qui règne dans la zone, il n’arrive pas à les contrôler pour le moment. Ce qui fait que nous ne disposons pas de données spécifiques sur ces lieux d’exploitation minière. Par exemple, sur la quantité d’or qu’on y exploite », explique un agent de la Cellule de planification et de statistique du secteur Mines et énergie (CPS/SME), un service du ministère des Mines qui publie chaque année des données statistiques sur ces deux secteurs économiques. En absence de contrôle de l’État, les sites, selon de nombreuses sources, sont assujettis aux groupes armés, dont la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et la Plateforme.

« Les groupes armés font partie des principaux acteurs de cette mini-industrie. Sur la route entre Gao et In-Tillit, les check-points anarchiques sont légion. Il n’est pas rare de voir des groupes d’hommes, qui souvent ne sont même pas armés, demander aux voyageurs de payer entre 2 000 et 2 500 francs CFA », explique le journaliste Mohamed Touré, auteur de l’article « In-tillit dans la région de Gao : l’irrésistible attraction de l’or », publié en 2021.

Zone des trois frontières : insécurité grandissante

Entre les affrontements des groupes armés et la multiplication d’actes de banditisme, les régions de Gao et de Ménaka, dans le nord du pays, font face depuis un moment à une situation sécuritaire précaire. Si les attaques terroristes d’envergure y surviennent moins ces dernières semaines, les populations de cette partie du territoire national sont de plus en plus livrées à une insécurité grandissante.

Enlèvements, assassinats ciblés, braquages. Cela sonne comme du déjà entendu à Gao. La région croule sous le poids de l’insécurité, qui va grandissant ces dernières semaines. « Sur la route Gao – Ansongo, ce sont des braquages à n’en pas finir. C’est pareil sur la route Gao – Bourem. Dans la ville, ce sont aussi les braquages, les assassinats, les enlèvements qui se multiplient. À part la commune urbaine de Gao, aucune localité n’est en sécurité. Tout le monde peut se faire tuer ou enlever à tout moment sans qu’il n’y ait de représailles contre l’ennemi », se désole Abdoul Karim Samba, Président de la Coalition des anciens des mouvements et organisations de la résistance civile de Gao (CAMORC Gao).

Sombre atmosphère

Le 1er novembre 2022, des hommes armés à moto ont attaqué un car de transport en commun. Bilan : 3 morts, dont un enfant de 5 ans victime d’une balle perdue. Le jour suivant, sur le même tronçon Gao – Ansongo,  tous les cars à destination d’Ansongo et du  Niger ont été pris pour cibles et les passagers dépouillés de leurs biens.

Six  jours plus tard, un conducteur de moto tricycle revenant du travail a reçu une balle à l’épaule et a été dépossédé de son engin par des individus armés. Quelques jours plus tôt, le chef du village de Bara, enlevé, avait été exécuté après que les ravisseurs aient demandé une rançon de 25 millions de francs CFA et fixé une date pour que cette somme soit mobilisée. La famille avait juste quelques heures de retard, à en croire M. Samba.

« Les gens dorment avec beaucoup d’inquiétude. Même chez vous, quel que soit le lieu où vous  êtes, même dans votre chambre, on peut venir vous trouver, prendre vos biens et vous tuer », dépeint-il, assurant que même le bétail n’est pas épargné. « Tout le bétail aujourd’hui sur les tronçons Gao – Ansongo et Gao – Bourem a été enlevé par des hommes armés, vers des destinations inconnues ».

Selon Abdoul Idrissa de « Kala A Ma Harandi », un collectif de journalistes-militants de la région de Gao, la raison principale de cette insécurité est tout simplement l’absence de l’État. « Les forces armées et de sécurité sont campées uniquement dans les grandes villes, à Gao, Ansongo, Labbezanga. Quand vous quittez Gao, à partir du checkpoint c’est fini, c’est le no man’s land jusqu’à Ansongo. L’État ne parvient pas jusqu’à présent à occuper tout le territoire, à part les grandes agglomérations », regrette-t-il.

Face à cette situation « d’inquiétude et d’incertitude », des organisations de la société civile de la région de Gao ont formulé le 18 octobre dernier des recommandations à l’endroit du Président de la transition, le Colonel Assimi Goita, et aux autorités régionales. Parmi lesquelles, entre autres, l’interdiction de la circulation d’armes et de tous les véhicules non immatriculés et non identifiés dans la ville de Gao, le contrôle systématique des conducteurs de tous les motos de type 125 cylindres et la réinstallation des checkpoints sur les grandes artères des villes.

Pour protester contre « la montée en puissance de l’insécurité dans le cercle d’Ansongo, les attaques régulières de l’État Islamique au Grand Sahara contre les populations civiles sans défense, les attaques à main armée, les assassinats ciblés, les braquages sur les axes routiers et les enlèvements de personnes et bétails », le Comité local de la société civile d’Ansongo, dans la région de Gao, a appelé à une désobéissance civile de  48 heures les 8 et 9 novembre, fermant les services étatiques, les structures de l’éducation et les trois entrées et sorties de la ville d’Ansongo, les routes menant vers  Ménaka, Gao et Niamey.

Aux mêmes dates, les Coordinations régionales de Gao des centrales syndicales UNTM, CSTM et CDTM ont décidé d’un arrêt de travail de 48 heures dans la région, durant lesquels tous les services publics et privés ainsi que les écoles ont été fermés.

Réponses insuffisantes

Pour faire face à l’insécurité dans la région de Gao, les autorités prennent des mesures, même si l’entièreté des recommandations de la société civile issues de la Déclaration dite de Gao du 18 octobre 2022 n’est pas encore effective.

Le 29 octobre dernier, une patrouille mixte d’envergure, dénommée «Dougoubasigui», regroupant au total 2 018 éléments des Forces de défense et de sécurité issues de l’Armée de terre, de la Garde nationale, de la Gendarmerie, de la Police et de la Protection civile a été lancée à Gao. Les checkpoints ont été également multipliés dans la ville. Bilan, pendant ces jours plusieurs véhicules non identifiés et des armes de guerre ont été saisis.

Abdoul Karim Samba fait partie des auteurs de la « Déclaration de Gao ». Il salue cette patrouille mixte d’envergure, qui « a donné des résultats et continue d’en donner », mais estime « qu’il reste encore beaucoup à faire ».

« Les malfaiteurs ont tellement gagné de terrain et ont tellement de stratégies que quelle que soit la réponse mise en place pour les contrecarrer ils trouveront d’autres manières de mener d’autres actions, plus isolées. Ce qui fait que la panique et le désordre continuent à faire effet sur les populations », souligne-t-il.

Pour le Colonel Souleymane Dembélé, Dhef de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA), parler de sécurité à Gao est « un peu compliqué ». « Ce n’est pas du terrorisme. Les individus se cachent derrière le terrorisme pour s’adonner à des actes de banditisme. C’est un peu délicat », confie-t-il, appelant les populations à coopérer avec les forces de défense et de sécurité.

« L’armée ne peut pas arriver à bout de cette insécurité sans la population. On pense que la sécurité est du seul ressort des forces de défense. C’est vrai, nous, nous venons en appui, mais la sécurité commence par les individus d’abord. L’armée ne peut pas faire du porte-à-porte », poursuit le chef de la Dirpa.

Mais, vu sous cet angle, Abdoul Karim Samba souligne la complexité, voire l’impossibilité, pour les populations de la région de Gao de signaler les hommes armés aux forces de défense et de sécurité. « Les populations ont peur. Aujourd’hui, par exemple, si quelqu’un est enlevé, sa famille engage des pourparlers avec ses ravisseurs sans passer par l’État. L’État aussi ne s’intéresse pas à cela. La famille mobilise le montant réclamé par les bandits et la personne est relâchée avec pour condition que cette dernière ne parle pas. Donc la personne libérée se tait et ne peut rien dire », explique-t-il, dénonçant des « complicités internes avec les ravisseurs qui savent qui enlever pour avoir gain de cause ».

« Nous sommes dans une situation de sauve-qui-peut. L’information ne peut plus remonter au niveau des forces de défense et de sécurité. La personne qui va remonter l’information ne va pas se sentir en sécurité. Du coup, même si elle voit le danger qui guette, elle ne peut pas parler et préfère se taire. D’un autre côté, la confiance n’existe plus au sein de la population, chacun ne sait plus qui est qui », dit-il.

Affrontements de groupes armés

Si l’insécurité dans la région de Gao est caractérisée par des actes de banditisme sans attaques terroristes d’envergure ces dernières semaines, la zone est aussi en proie à des affrontements entre groupes terroristes et groupes armés défendant la région.

Le 31 octobre dernier, selon la Plateforme des Mouvements du 14 juin d’Alger, « des éléments lourdement armés de Daech ont fait irruption dans le campement d’Ahina, dans la commune d’Anchwadj (région de Gao) ». « Une unité du Groupe d’Autodéfense Touareg, Imghads et Alliés (GATIA), qui patrouillait dans la zone, aussitôt informée, a lancé une offensive sur les assaillants. Après d’intenses combats, qui ont duré plusieurs heures, les malfrats ont été défaits avec une quinzaine de morts dans leurs rangs », a indiqué son communiqué, qui déplorait également la mort de 9 de ses combattants et de 4 civils lors de ces affrontements.

Dans la région voisine de Ménaka, les mêmes affrontements sévissent depuis le mois de mars et se sont intensifiés début octobre, pendant plusieurs jours, après des semaines d’une relative accalmie. Dans des communiqués de revendication authentifiés par le site spécialisé américain SITE, l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) a indiqué avoir tué 40 combattants du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), tandis que ce dernier, qui reconnait avoir perdu une trentaine d’hommes, a affirmé avoir tué 70 hommes de l’EIGS.

L’offensive de l’EIGS, qui n’épargne pas les civils de plusieurs villages de la région de Ménaka a occasionné des déplacements massifs des populations vers les villes de Ménaka, de Gao ou encore de Niamey, au Niger. Des déplacements dans lesquels Abdoul Karim Samba soupçonne des « infiltrations d’individus mal intentionnés, parce que depuis l’insécurité a augmenté à Gao », accuse-t-il.

Gao : les populations approvisionnées en médicaments après quatre mois de blocage

Les populations de Gao subissent une pénurie de médicament depuis près de cinq mois à cause des camions d’approvisionnements de médicaments bloqués à Douentza. Une première solution d’approvisionnement de la ville en produits pharmaceutiques semble être trouvée ce mardi 30 août.

Un grand soulagement pour les habitants de la cité des Askia. Privée de certains médicaments depuis quatre mois à cause du blocus sur l’axe Douentza-Gao, la ville a accueilli ce mardi un premier lot d’une tonne et demi qui équivaut à plus de 1400 colis de médicaments. Ce premier approvisionnement en quantité depuis plus d’un trimestre a été rendu possible grâce à l’appui de la MINUSMA qui a permis d’acheminer les produits à Gao. Pour le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Gao Docteur Agassoumane Maiga, cette action sera bénéfique pour les populations mais aussi pour la mission.

Pour maintenir la dynamique d’approvisionnement, d’autres actions sont en cours. Il s’agit, selon M. Maïga, d’élargir le moyen d’acheminement des médicaments vers Gao en sollicitant l’aide du CICR. Une première livraison de 500 kg du CICR sera acheminée ce vendredi 2 septembre à Gao.

Pour rappel, depuis quatre mois, la route qui relie Gao à Sévaré a été bloquée sur le tronçon Hombori – Douentza, « du fait de l’action de groupes armés terroristes », selon des sources locales. La situation empêche l’acheminement de tout produit de qualité dans la ville via la route.

Gao : les pharmacies en rupture de stock de médicaments

Depuis maintenant quatre mois, la population de Gao fait face à une pénurie de médicaments. Trouver certains produits pharmaceutiques est devenu un véritable casse-tête dans la localité. Une situation due, selon Dr Agssoumane Maïga président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Gao, au blocus instauré sur l’axe routier Douentza-Gao depuis Mai dernier par des terroristes.

Afin de remédier à la situation, des actions ont déjà été menées auprès des hautes autorités du Mali. « Le 6 juin dernier, nous avons écrit au gouverneur par rapport à la situation. On a également averti nos faitières et le ministère de la santé », explique Dr Agssoumane Maïga. Selon ce dernier, un accord de principe a été trouvé entre les autorités du Mali et la MINUSMA pour que les produits pharmaceutiques soient acheminés à Gao par la voie aérienne avec l’appui de la mission onusienne qui a deux vols sur la localité par jour. Des moyens comme la voie fluviale avec la reprise des bateaux de la Comanav sont aussi utilisés par les pharmaciens pour contourner le blocus de l’axe routier. Certes les pharmacies sont ouvertes et continuent de fonctionner mais elles ne sont cependant pas en mesure de répondre d’urgence à certaines demandes des malades

Déjà confrontées à l’insécurité et au manque de connexion internet, les populations de la cité des Askia « sont totalement désemparées par le nouveau phénomène. Pour avoir un produit, tu peux faire quatre pharmacies. Les gens ne savent plus à quel saint se vouer alors qu’il y a des grands malades dont les vies dépendent de certains médicaments introuvables », témoigne Abdoul Nasir Maiga, journaliste sur place à Gao.

Pour rappel la route qui relie Gao à Sévaré a été bloquée sur le tronçon Hombori – Douentza, « du fait de l’action de groupes armés terroristes » qui ont aussi miné l’axe routier. Une situation qui laissent perplexes les habitants de la cité des Askia qui « ne comprennent toujours qu’il n’y ait pas de solution à ce blocus » qui dure depuis quatre mois.

 

Olivier Dubois : 10 mois de captivité

Le journaliste français Olivier Dubois, ancien collaborateur du Journal du Mali est détenu depuis 10 maintenant. Enlevé à Gao le 8 avril 2021 alors qu’il était en reportage, les proches sont depuis sans nouvelles du reporter de 47 ans, correspondant de Libération  et de Jeune Afrique dans le pays. Il est apparu dans une vidéo début mai 2021 dans laquelle il dit être aux mains du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), un groupe terroriste dirigé par Iyad Ag Ghaly. Même si et le Mali et la France se sont discrets sur la question, les deux autorités assurent travailler pour parvenir à sa libération.

Gao : plus de 50 civils tués dans des attaques simultanées

Plus de quarante civils ont été tués dimanche 8 août  vers 18h dans la région de Gao lors d’attaques simultanées imputées à des djihadistes. Le bilan provisoire établi par la préfecture du cercle d’Ansongo fait état  de 51 victimes, de plusieurs blessés, d’animaux emportés et aussi de maisons saccagées et incendiées. Une mission des FAMa est attendue dans la localité pour ratisser et sécuriser les lieux afin qu’il puisse être procéder à l’enterrement des victimes. C’est la commune de Outagouna plus particulièrement et ses alentours qui ont été la cible de ces attaques. On dénombre 20 morts à Ouatagouna, 20 autres à Karou, un quartier périphérique à la commune ainsi que des victimes à Daoutédjef à 10km de Ouatagouna.

Gao : À l’ombre des assassinats ciblés

Même le football fuit Gao. Les matches du championnat national devant se jouer dans la ville seront délocalisés à Mopti, « en raison de la crise sécuritaire et de l’éventualité de l’absence de moyens de transport aérien et / ou du coût y afférent », informe le nouveau règlement spécial de la Ligue 1 malienne. Le climat n’est pas favorable pour jouer au ballon dans ce no man’s land animé par des incidents sécuritaires des plus spectaculaires. Le dernier en date, l’assassinat de l’opérateur économique Abdoulaye Baba Koné. Dans la nuit du 8 au 9 février dernier, il a été abattu aux environs de 3 heures à son domicile par des hommes armés non identifiés. Meurtre qui s’ajoute à la longue liste des assassinats ciblés qui endeuillent la ville de Gao depuis 2012.

Le 26 janvier, c’est une clinique privée qui a été braquée par des hommes armés et  les patients dépossédés de leurs biens. La veille, un jeune homme avait été tué au quartier Sosso Koira par trois hommes armés. Le 24 janvier, c’est un  membre du GATIA (un groupe d’autodéfense, ndlr) qui était tué par deux individus armés à bord d’un véhicule. Ces trois jours suffisent  pour résumer la situation sécuritaire de la ville de Gao et donner une indication de ce qu’est devenu le quotidien de ses habitants. « Aujourd’hui, les populations sont devenues des otages malgré elles. Nous sommes déçus parce que nous ne pouvons pas comprendre que malgré le dispositif militaire en place les populations continuent toujours d’être traquées. Pis encore, imaginez qu’en plein jour à Gao, vous ne pouvez pas porter de beaux habits, vous ne pouvez pas être dans une belle voiture, de peur d’être enlevé », témoigne Almahady Moustapha Cissé, Coordinateur de Songhoy Chawaara Batoo, une coalition d’une dizaine d’organisations et de faitières de la communauté de culture songhoy.

Les opérateurs économiques ciblés

Parmi les victimes figurent plusieurs opérateurs économiques de la ville. Abdoulaye Baba Koné, Abdoulaye Oumar Maïga, Hama Hiya, Hassan Tall, tous opérateurs économiques, ont été ciblés et abattus dans Gao.  Le  13 décembre 2020, Abdoulaye Adama échappe à une tentative d’assassinat. Touché par une balle, il survit. Cette situation pousse la Cité des Askia à se demander à qui profiteraient ces assassinats. « Dans la situation où les groupes terroristes sont vaincus, les ressources financières de l’extérieur n’étant plus à jour, les rançons ne pouvant plus financer leurs activités, les ressources locales sont prioritaires. Pour se financer, les terroristes recourent à la criminalité. Les opérateurs économiques sont obligés de payer pour sécuriser leurs business. Au cas où un opérateur économique refuse, alors il sera une cible », explique le Dr. Mady Ibrahim Kanté, chercheur associé au Timbuktu Institute. « Il y a certains observateurs qui pensent qu’il s’agit d’un règlement de comptes entre opérateurs économiques», soutient Mohamed Ag Ismaël, chercheur. Cependant, pour Almahady Moustapha Cissé, c’est plus que cela. « C’est une forme de terrorisme pour chasser tous ceux qui comptent par le commerce, l’intelligence, le militantisme, pour les effrayer afin qu’ils quittent la ville.  À Ansongo, il y a eu des menaces de mort. Certains opérateurs n’y sont plus. Il en est de même à Gao ».

Incompréhension

À Gao, plusieurs forces militaires se côtoient, mais la sécurité est toujours des plus préoccupantes. C’est ce contraste qui en étonne plus d’un. L’opération française Barkhane y tient une base de 1 600 soldats et la force onusienne, la  Minusma, en déploie plus de 4 000  dans la région. Cela sans compter les 600 éléments du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et les centaines d’éléments des forces de sécurité et de défense maliennes. Cependant, malgré cette présence militaire, les enlèvements, braquages et assassinats ciblés sont monnaie courante, avec une facilité éclatante. D’où l’incompréhension et la colère. « C’est un manque de courage politique. Une ville comme Gao, avec des camps et autant de moyens  militaires! Soit ils voient et ferment les yeux ou alors ils n’ont aucune volonté de faire face », déclare Almahady Moustapha Cissé. Pour le chercheur Mohamed Ag Ismaël, « cela ne peut s’expliquer que par des complicités à l’intérieur de la ville et au sein des forces qui contrôlent les sorties de Gao. Le fait est que les auteurs connaissent très souvent leurs victimes et leurs emplois du temps ». Le Secrétaire général de la Fédération des organisations de résistance civile de Gao  (FORC-G) abonde dans le même sens et va même plus loin. Pour Halidou Malicki, « le laxisme » des forces en charge de la sécurité favorise une telle situation. « À Gao, on circule librement, sans qu’on sache qui est qui et qui fait quoi. Il y a un  certain laxisme des forces de défense et de sécurité aux différents postes de contrôle de la région. Il suffit simplement d’avoir quelques liasses de billets pour pouvoir entrer dans la ville. Il n’y a pas non plus de fouilles minutieuses au niveau des postes d’entrée. Et nous ne sentons pas la présence de l’armée. Quant aux forces étrangères, les patrouilles qu’elles ont l’habitude de mener ne sont pas en réalité de nature à dissuader ceux qui veulent commettre des forfaits en ville », tempête-t-il.

Prolifération d’armes

Face à cette nouvelle forme d’insécurité, qui va croissant dans la ville de Gao, le gouverneur de la région, le général Moussa Traoré,  a décidé le 12 février dernier d’instaurer un couvre-feu et d’interdire la circulation des véhicules non immatriculés à l’exception de ceux des forces armées et de sécurité maliennes et de leurs partenaires. Le lendemain, des opérations de patrouille dans la ville ont permis de saisir en neuf heures chrono « 6 véhicules dont 5 pick-up et 1 Hilux, 11 armes de guerre, des munitions en vrac et d’autres matériels de combat ».

Cela corrobore une thèse largement répandue : la prolifération des armes est le terreau de l’insécurité à Gao. « Cela ne me surprend pas que des armes puissent être retrouvées dans des véhicules, parce que chacun aussi se sécurise. C’est une ville où l’on tue les gens tous les jours. Individuellement, chacun aussi cherche à se défendre », explique  Moussa Boureima Yaro, Coordinateur du Mouvement des Jeunes Patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des djihadistes.

Selon Georges Berghezan, chargé de recherche au Groupe de recherche et d’informations sur la paix et la sécurité (GRIP), « ce qui favorise la prolifération des armes dans le Nord, c’est d’abord la grande disponibilité d’armes illicites dans la région, due à plusieurs conflits, en cours ou récemment achevés, et la perméabilité des frontières des pays du Sahel. En outre, selon certaines estimations (ni officielles ni étayées), au moins 30% des armes illicites proviendraient des stocks nationaux (principalement FAMa), que ce soit par la vente illicite ou la perte au combat.

Pour le nombre d’armes illicites au Mali, et a fortiori dans la région de Gao, le GRIP ne dispose d’aucune estimation. Notez que l’institut Small Arms Survey estimait que, en 2017, 206 000 armes à feu se trouvaient aux mains de civils au Mali (le terme « civil » étant attribué à toute personne non membre des forces de défense et sécurité), 15 800 aux mains des militaires et 3 000 aux mains des forces de l’ordre. La persistance de conflits non résolus dans le Nord m’apparait donc comme le principal moteur de la prolifération des armes et leur utilisation meurtrière », explique-t-il.

La ville de Gao compte plusieurs mouvements armés, dont les principaux sont les ex indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme.  Selon des données de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et de réinsertion (CNDDR) datant de janvier 2021, près de 24 000 ex combattants ont été enregistrés dans la région de Gao, dont 9 635 avec des armes de guerre et près de 15 000 avec des munitions. 6 770 des ex combattants appartiennent à la Plateforme et  1 761 à la CMA. Grâce au processus DDR, 200 éléments de chacun des deux mouvements composent, à côté de 200 autres éléments de l’armée malienne, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), qui effectue des patrouilles mixtes pour la sécurisation des personnes et de leurs biens. Cependant, certains éléments de ce mécanisme sont soupçonnés d’être derrière les braquages, enlèvements et assassinats ciblés dans la ville. « Beaucoup de cas ont révélé que certains auteurs d’actes de banditisme sont des éléments du MOC. Il y a eu beaucoup de cas où les présumés auteurs, pris ou  pourchassés, se sont révélés être des éléments du MOC.  Nous avons demandé, le temps qu’on puisse faire le grand DDR, de faire sortir le MOC hors de la ville, pour permettre de contrôler qui y entre, qui en sort, qui est détenteur d’armes et qui ne l’est pas », explique Almahady Moustapha Cissé.

Outre certains éléments du MOC, des soupçons pèsent également sur les groupes armés présents dans la ville. Faute de voir leurs besoins comblés, certains de leurs membres se lanceraient dans des actes de banditisme. « Il y a des éléments non contrôlés de l’ex rébellion, des mouvements d’autodéfense, etc. Mais je tiens à préciser que ces éléments agissent pour leur propre compte, même si le retard dans l’application de l’Accord pour la paix a sa part de responsabilité. Des jeunes armés sans revenus ont quand même besoin de survivre. Mais, encore une fois, cela ne peut en aucun cas justifier les tueries », explique Mohamed Ag Ismaël. Pour Almahady Moustapha Cissé, même des militaires maliens feraient partie des auteurs. « Ceux qui attaquent, il y en a partout. Récemment on a compris qu’il y avait des militaires. Une fois, un garde a quitté Bourem pour venir mener une attaque à Gao ».

En attendant que les nouvelles mesures sécuritaires prises par les autorités de la région aient l’effet escompté, la ville est pour l’heure un véritable « Far Nord ». Situation que voudrait voir changer la Coalition Songhoy Chawaara Batoo, au risque de « prendre ses responsabilités pour protéger sa communauté contre une épuration ethnique qui ne dit pas son nom à travers ces assassinats ciblés ». Prendre les armes ? « Pour le moment nous n’en sommes pas encore arrivés là. Nous avons d’abord toute une panoplie de moyens et de leviers légaux, dont nous allons nous servir pour faire comprendre notre cause », conclut Almahady Moustapha Cissé.

Boubacar Diallo

Mali – GAO : Le «Far Nord»

Une terre hostile, où la loi n’a pas encore pu s’imposer et dont les immensités échappent toujours au contrôle de l’État : voilà les caractéristiques du Far West (l’Ouest lointain). Ce rappel des westerns américains des années 1940 fait doublement penser à une région du Mali d’aujourd’hui : Gao. À 1 188 km de Bamako et avec son insécurité récurrente, elle réunit tous les ingrédients d’un bon Far NordLes chameaux et les voitures remplaçant les chevaux.

Après le Far West, voici le Far Nord : la région de Gao. Occupée en 2012 par des djihadistes à la suite d’une rébellion armée, la zone est depuis revenue dans le giron de l’État en 2013, suite à l’intervention française. Mais sa situation sécuritaire reste toujours préoccupante. Le 8 septembre, une ambulance en provenance du village de Temera, cercle de Bourem, a été enlevée aux environs de six heures. Le malade, âgé de 10 ans, est mort dès son arrivée à destination à pied, aidé de ses accompagnants. Le même jour, un homme a été blessé lors d’un braquage en pleine journée au quartier Château de Gao, sous le regard stupéfait des habitants, et son véhicule emporté par des hommes armés non encore identifiés. Au soir du 5 septembre, c’est l’enlèvement d’un entrepreneur bien connu qui a ému la ville. Le 26 août dernier, un protocole d’accord entre différentes communautés mettait pourtant fin à des violences entre jeunes qui avaient fait 4 morts. Ce tableau de la situation sécuritaire n’est pas exhaustif. En dépit de la présence de l’armée et de l’administration dans toute la région, il dépeint un no man’s land, qui depuis des années s’étend.

Selon le dernier rapport trimestriel (avril, mai et juin) du Secrétaire général des Nations Unies, les forces de défense et de sécurité maliennes ont été la cible de 49 attaques, qui ont fait 67 morts et 86 blessés parmi elles. Et c’est dans la région de Gao, cercle de Bourem, que l’on enregistre les plus meurtrières. Le 19 mars, à Tarkint, 30 morts et 20 blessés et le 6 avril à Bamba, 25 morts et 12 blessés. La note sur les tendances des violations et abus des droits de l’Homme au Mali, rédigée par la MINUSMA, présente la région de Gao comme celle qui a enregistré le plus d’incidents sécuritaires du 1er avril au 30 juin 2020 au nord du pays. Sur 198, elle en a à son actif 81.

Indignation

C’est dans cet écosystème d’anxiété que vit la population de Gao. Et la situation est loin de la laisser indifférente. Moussa Bouréïma Yaro est le Coordinateur du mouvement des Jeunes patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des terroristes. Patrouilles qu’ils ont dû arrêter en 2013, quand la ville a été reprise par l’armée malienne. Selon lui, cette situation dénote d’un «  manque de volonté » des forces militaires et de police dont la ville regorge.

« Ce sont des événements qui étonnent tout le monde à Gao, la première région militaire, avec en outre de la présence de Barkhane et de la MINUSMA. Malgré cela, on n’arrive pas à sécuriser ne serait-ce seulement que la ville de Gao. Les gens se posent la question de savoir si ce problème de terrorisme ou de rébellion n’est pas une question d’affaires ».

L’analyste politique Khalid Dembélé relativise. « Ce sont des forces qui ont des missions bien définies. Les raisons pour lesquelles elles sont là peuvent être débattues. C’est l’appareil militaire malien qui a failli à protéger les personnes ».

Pour Boubacar Dacka Traoré, maire de la commune urbaine de Gao, les événements qui surviennent dans sa ville ne datent pas d’aujourd’hui. Et il est bien placé pour le dire. Le 27 mai dernier, il s’est fait braquer dans sa ville vers 9h30 et sa voiture a été emportée. « Jusqu’à là je ne l’ai pas revue ».

Armes

Pour les habitants et de nombreux observateurs, cette situation est liée à la circulation des armes. Selon la Colonel-major Nema Sagara, Secrétaire permanente de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, il est « impossible » de déterminer le nombre d’armes en circulation dans la région de Gao. « Il est exponentiel, les armes viennent de partout ».

À en croire un acteur sur place, les mouvements armés n’arrivant pas à prendre en charge leurs éléments, ces derniers se livrent à des enlèvements et à des braquages pour survivre. Certains jeunes, à ses dires, « ont même vendu leurs animaux ou leurs motos, pour acheter des armes et bénéficier du cantonnement, qui tarde toujours ». « Des jeunes qui ont des armes, qui n’ont pas de travail et qui ont des familles à nourrir. Et bien, la seule manière pour eux d’avoir de l’argent, c’est de sortir et braquer une à deux personnes. Ensuite ils ont quelque chose pour tenir une semaine ou un mois », conclut-il.

Boubacar Diallo

Désenclavement : Dans l’attente des chantiers

Longtemps accessible par la voie ferrée, la région de Kayes n’entend plus siffler le train depuis quelques années et la route qui la relie à la capitale « a  pratiquement  disparu ».

Si la mobilisation a conduit à un début de solution pour la route, les cheminots fondent beaucoup d’espoir sur les « démarches »  en cours pour relancer le chemin de fer, convaincus que ces deux voies sont complémentaires et indispensables pour le désenclavement de la région.

« Avec le trafic actuel, les routes peuvent difficilement tenir au-delà de 3 ans. Il faut donc des trains pour soulager la route », soutient Bolidjandjan Keïta, le Président des Conducteurs de train de la société Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), coordinateur traction.

Même si la situation a peu évolué depuis la fin de leur grève de la faim, le responsable syndical reconnait « la bonne volonté » des autorités. Mais malgré le paiement de 4 mois de salaire, ils sont aujourd’hui « revenus à 8 mois de salaires impayés », déplore-t-il.

Sur l’évolution du chantier des rails, il note cependant des progrès. « Sur le tronçon sénégalais, il y avait un pont qui était hors d’usage. Il a été réparé et la réception doit avoir lieu dans les jours à venir ».

De lents progrès

À Bamako, l’administrateur  de la  DBF chargé de gérer la phase transitoire souhaite également lancer les travaux de réfection de la voie ferrée. Une étape essentielle attendue avec beaucoup d’espoir.

Cependant, des avancées réelles ne pourront être enregistrées que lorsque les 12 voitures commandées, ce qui n’est pas encore le cas. « Si la volonté des États accompagne l’administrateur, nous avons espoir dans  la reprise », souligne M. Kéïta.

Lors de la nomination de l’administrateur, en 2018, il avait été demandé au Mali et au Sénégal de verser 10 milliards chacun pour relancer les travaux.

Dans le schéma actuel, il a été décidé de renoncer à ce montant et demandé à chaque partie de jouer son rôle, notamment en payant les travailleurs en attendant cette relance.  Ce qui est le cas au Sénégal mais pas encore au Mali.

À Ménaka, c’est un autre projet qui fait naître l’espoir, celui de la route qui liera la région au reste du Mali et à la frontière avec le Niger, d’où vient la plupart de « ce qui est consommé ici », assure Harouna Ibatane Yattara, le Président du Mouvement des jeunes de Ménaka.

« Ce projet fait partie des actions prioritaires de l’alliance G5 Sahel (2019 – 2021) ». Et les autorités ont promis de faire tout pour accélérer le plaidoyer autour de la construction de cette route », conclut M. Yattara.

Election présidentielle : la MINUSMA appuie le processus

La Mission des Nations Unies au Mali réaffirme son accompagnement au  processus électoral en cours dans le pays. Lors de sa conférence de presse bimensuelle le 21 juin la porte-parole de l’organisation a rassuré de leur engagement aux côtés des autorités.

Toutes les attentions convergent sur la présidentielle prévue dans un mois. Malgré la volonté des autorités à tout mettre en œuvre pour la réussite de ce scrutin du 29 juillet, des difficultés d’accès aux régions du nord et le centre demeurent. C’est dans ce cadre que la MINUSMA appuie déjà le gouvernement dans l’acheminement du matériel électoral, formation des agents  et sécurisation du processus. « La MINUSMA apporte un appui à l’organisation des prochaines élections générales de 2018 (présidentielle de juillet et législatives de novembre), a déclaré Mme Myriam Dessables, porte-parole de la mission. Ainsi,  4,798 Tonnes de matériel (nouvelles cartes d’électeurs) pour les quatre  régions : Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal.

La division des Affaires électorales de la MINUSMA a organisé le 12  et 13 juin une session de renforcement des capacités de 64 agents d’appui logistiques recrutés. « Ces agents d’appui équipés chacun d’un véhicule 4X4 et de moyens de communication (ordinateurs, cellulaires) seront déployés dans les prochains jours dans les 49 cercles du Mali y compris le District de Bamako dans le cadre de la mise en œuvre de toutes les opérations électorales y compris la distribution des cartes d’électeurs biométriques dont le lancement officiel a eu lieu ce 20 juin sur toute l’étendue du territoire national », a fait savoir la porte-parole de mission lors de cette conférence de presse.

Dans le même but, la Division des Affaires électorales de la MINUSMA a pris part aux travaux du séminaire international  ayant lieu du 19 au 20 juin à Bamako. Ladite rencontre organisée par la CENI en collaboration avec l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), s’est déroulée en présence de plusieurs représentants des Institutions, du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation, la Délégation générale aux élections(DGE), la Cour Constitutionnelle, les représentants des partis politiques et des experts internationaux. Objectif : échanger  sur le rôle de la CENI dans le processus électoral.

Des campagnes de sensibilisation des leaders communautaires et des médias sur leurs rôles respectifs en tant qu’acteurs dans la promotion d’une culture de paix, de la cohésion sociale et de la prévention des conflits ont également été organisées à Gao. Deux autres sont prévues  à Mopti ce 22 juin et à Tombouctou le 13 juillet. « Plus de 10 sessions de sensibilisation communautaire ont eu lieu à Bamako et dans les régions avec plus de 5000 personnes participantes », comptabilise Mme Myriam Dessables.

 

MOC de Tombouctou et de Kidal : Gao a servi de leçon

Le 23 mai, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou a été lancé en présence du commandant de la force de la Minusma. Celui de Kidal a démarré deux semaines plutôt. A la différence de l’installation du Moc de Gao en 2016, endeuillé par l’attentat,  le mode de déploiement et de sécurisation de cet outil dans les deux régions s’opère avec mesure.

Jeudi 24 mai, la conférence de presse bimensuelle de la MINUSMA s’est tenue au siège de la mission à Badalabougou. Animée par  Madame Myriam Dessables, chef de bureau de la communication stratégique et de l’information publique et le commandant de la force, le Général Jean Paul Deconinck en direct de Tombouctou.

Après la revue sur les différentes activités menées par la MINUSMA et sa force de police dans le pays, l’interaction sur  l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination de façon générale a été engagée entre le commandant de la force de la mission des Nations Unies et les journalistes dont certains étaient en direct de Gao.

« J’étais il y a quelques instants dans le camp de MOC de Tombouctou où j’ai pu assister à l’inauguration officielle de ce  bataillon MOC  comme on l’avait fait le 11 mai à Kidal. Je retiens une certaine fierté d’avoir pu souligner les efforts consentis  par les parties tant au niveau politique, opérationnel que  tactique », s’est réjoui le General Jean Paul Deconinck.

Plusieurs fois annoncé, le lancement de ces deux MOC constitue un pont indispensable pour la poursuite de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Comme dit un adage, « vaut mieux tard  que jamais ». Au-delà de la symbolique,  le Général Deconinck pense qu’il s’agit de bien plus. « Nous avons constitué aujourd’hui le socle du panthéon de Tombouctou, c’est-à-dire un commandant  intégré et cohérent», se félicite-t-il.  51 éléments, soit 17 pour le gouvernement, la CMA et la plateforme sont ainsi déployés à Tombouctou et à Kidal. Une compagnie de 150 hommes sera dans une semaine à Kidal et une autre dans deux semaines à Tombouctou selon le général.

Un acheminement progressif qui n’a rien avoir avec les 500 et  quelques éléments fournis d’un coup au MOC de Gao. Un  mécanisme  qui a subi un attentat terroriste incroyable et qui, depuis laisse à désirer. « Certaines  lacunes au niveau de Gao, ont été relevées dans le sens où nous étions allés trop vite. Il fallait atteindre certains objectifs alors que certaines conditions n’étaient pas remplies », regrette le commandant. C’est pourquoi, cette fois ci,  « ce n’est pas pour rien que nous commençons par le socle. On va les former, leur inculquer des éléments indispensables au niveau de la conduite militaire, de la discipline », réajuste-t-il. En même temps,  les équipes d’entrainement à Gao seront renforcés pour  rendre opérationnel ce MOC comme les deux autres. « Nous avons tiré des enseignements sur le plan sécuritaire, des aménagements du site, sur le progressivité  dans les  installations, aussi au niveau humain et inclusivité des différents mouvements signataires », conclut le commandant, appelant à la collaboration de la population pour parvenir à des résultats tangibles.

La force de la  MINUSMA assure pour le moment la sécurité de ses éléments à Tombouctou et à Kidal.  Mais « petit à petit ces unités » prendront la relève.

Ainsi, à terme, 600 éléments, dont 200 pour chacune des parties seront acheminés dans  chacune de deux régions. La mise en place des  MOC de Gao, Tombouctou et Kidal  ouvre la voie au processus démobilisation désarment et réintégration sans lequel la sécurité serait impossible.

Peur à Gao

La ville de Gao est dans l’inquiétude. La disparition de deux jeunes arabes, puis la découverte de leurs corps dans la commune de Soni Aly Ber a déclenché la tension entre arabes et sonrhaïs. Le premier soupçonne des éléments armés songhoy d’être auteur du forfait. En représailles, ils ont ciblé un village habité majoritairement par des sonrhaïs, blessant plusieurs personnes. Mercredi soir, un garde succombe après une attaque des individus armés. La grogne s’intensifie et le pire est à craindre.

Mercredi 28 février, à la tombée de la nuit, la ville de Gao, centre névralgique du Nord du Mali renoue avec les tensions communautaires. Des pneus sont brulés, des tirs entendus, un cortège des motos dans un brouhaha inquiétant déborde les rues. « Il y a deux arabes qui ont été retrouvés morts, leurs corps dans des sacs, repêchés du fleuve. Tout est parti de là. Les arabes ont dit que c’est Gandakoy qui est derrière cela », raconte cet habitant de Gao, d’une voix inquiète. En effet, le 25 février, les corps sans vie de deux arabes enlevés le 21 du même mois à Taboye ont été découverts. Cette divulgation a eu lieu dans le village de Barisadji, commune de Soni Ali Ber toute proche de la ville de Gao. Les arabes ont indexé immédiatement les forces de Gandakoy, essentiellement composée de sonrhaï, d’être auteur de ce crime. « Pour eux, le mode opératoire porte la signature des mouvements armés de la vallée, mais nous avons dit que les mouvements n’ont rien avoir avec la population civile », corrobore Moussa Boureima, ancien porte-parole de la coordination des mouvements de résistance civile de Gao. Des négociations ont eu lieu pour donner une suite pacifique à l’affaire mais la fébrilité du tissu social a eu raison de la patience des arabes . Ainsi dans la matinée du mercredi, des hommes armés ont attaqué ledit village soupçonné, blessant trois personnes dont deux filles. Des cases auraient aussi été brulées dans cette riposte. « On pensait que c’était fini, mais il y a eu des hommes en moto qui sont partis dans un village, ont brûlé des maisons et blessé de gens. C’est certainement en rapport avec la mort de leurs proches », explique Ibrahim Mohamed, agent d’ONG à Gao. « Il y avait eu une réunion entre les deux communautés et des agents du gouverneur pour retrouver en 24 heures les auteurs de l’assassinat, mais depuis rien n’a été fait », proteste ce jeune arabe de la région. « La commission a auditionné des personnes impliquées dans la mort de deux arabes, mais il n’y a pas eu une grande communication », précise Issa Boncana, président de la fédération des organisations des mouvements de résistance de Gao. Selon lui, la fragilité de la justice, ‘’amène les populations souvent à vouloir se rendre justice elles-mêmes’’.
Tension au comble
À peine les blessés de l’expédition punitive admis à l’hôpital aux environs de 18 heures, des jeunes mécontents commencent à s’attrouper devant l’édifice. Vers 19 heures, et à quelques mètres de l’hôpital, un militaire du nom de Abdou Katia Touré, garde du corps du procureur du tribunal de Gao est pris pour cible par des hommes armés à moto. Blessé, il succomba dans la soirée. L’écho s’est propagé dans la ville. De partout, des jeunes affluaient. Des tirs retentissaient par endroits. La situation prit une tournure alarmante jusque tard dans la nuit. « C’était la panique totale. Les gens se disent de faire la guerre à toute peau claire. C’est pire qu’en 2012 », regrette Annara Ag Mohamed, habitant de la ville. Dans un audio posté sur le réseau social WhatsApp, un habitant lance « un appel à tous les sonrhaï pour qu’ils se donnent la main, car selon lui, ce qui va se passer, les gens le verront. Ça suffit maintenant », prévient-il. Des appels au calme des sages ont tempéré le mouvement. Ayant lancé dans la soirée une invitation à la place de l’indépendance, les jeunes sonrhaïs ont ce matin répondu à l’appel. La police et la Minusma se sont déployés devant le gouvernorat pour empêcher tout débordement. Malgré tout, les jeunes se sont dirigés vers le quartier d’Aljanabandja, fief des arabes. Cinq blessés ont été enregistrés parmi les manifestants. « Il a fallu l’intervention de la fédération des organisations de la résistance civile pour faire rempart entre les arabes et les jeunes. Il y a aussi des endroits où les arabes ont fui, laissé leurs femmes et enfants, et là-bas aussi la fédération a empêché les jeunes de descendre sur ces familles », raconte Moussa Boureima.


Calme précaire
« La situation est calme cet après-midi. On ne sait pas ce qu’il en sera ce soir et demain », souligne Moussa Boureima, ancien porte-parole de la coordination des mouvements de résistance civile de Gao. Les démarches entreprises par la fédération des mouvements civils de résistance, (qui remplace la coordination des mouvements de résistance) ont finalement eu un impact sur la suite des évènements. « La fédération des mouvements de résistance s’est investie pour calmer les esprits. On est sorti avec le chef du cabinet du gouvernorat pour aller parler aux jeunes qui ont fini par rentrer », rapporte-t-il. « Dieu merci, vers 14 heures, on a pu désamorcer la tension, mais cela a failli dégénérer et nous amener vers une guerre qu’on a évité », salue-t-il, jugeant urgent le désarmement de tous les mouvements. Selon une dernière information, les jeunes sont sur pied pour piller les biens des arabes. « Tout de suite, on nous informe des rassemblements sur le terrain d’Aljanabandja, quartier considéré comme la base des communautés arabes. En face, l’armée malienne essaye de sécuriser les boutiques et les populations », déplore Issa Boncana, après tous les efforts entrepris dans la journée.
Nonobstant cette situation qui reste critique, des initiatives sont prévues pour éviter le pire qui se profile à l’horizon. Des messages d’apaisement ont été relayés selon le président de la fédération, estimant que la solution à la violence n’est pas la violence. Les autorités aussi ont fait un communiqué appelant au calme le matin, témoigne-t-il. « Tous les chefs d’état majors des groupes armés, les leaders communautaires et des jeunes ainsi que le gouverneur se réuniront demain vers 10 heures pour trouver une solution », espère-t-il.

MOC : un grand pas en un an

Colonne vertébrale du retour de l’administration dans les régions du Nord, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) est indispensable dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix. Un an après l’attentat qui a endeuillé le premier camp MOC, à Gao, qu’en est-il de ce dispositif, censé réduire tout vide sécuritaire, avant, durant et après les processus de cantonnement, d’intégration et de DDR ?

Le 18 janvier 2017, le camp du Mécanisme opérationnel de coordination de Gao a été ensanglanté par le pire attentat jamais mené sur le sol malien. 55 personnes au moins y ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées. Le dispositif est crucial, indispensable même, dans le processus de redéploiement des forces de défense et sécurité reconstituées. Un an après l’attaque, la conviction des responsables du MOC n’a pas été ébranlée par l’ampleur du choc. Des éléments de la CMA, de la Plateforme et des forces armées maliennes ont démarré les patrouilles mixtes dans la Cité des Askia. « Les hommes qui sont en train de diriger  le MOC sont convaincus qu’il est la solution pour que tous les belligérants se rapprochent  et se fassent confiance », soutient le colonel Mahamane Boubou, Coordinateur adjoint de la Plateforme au MOC de Gao. L’attaque, revendiquée par le groupe Almourabitoune, a généré un sentiment de solidarité chez les survivants. « Le fait que nous ayons marché sur la chair de nos camarades a été pour nous une motivation pour continuer », estime le colonel Mahamane Boubou. « On a travaillé la confiance. Au départ, les gens ne pouvaient même pas s’asseoir ensemble, mais, aujourd’hui, chacun d’entre nous rend visite à ses camarades », se satisfait-il. L’effectif, qui était de 600 éléments, est passé à plus de 700 aujourd’hui, avec la  participation de certains mouvements dissidents.

Statu quo

A une semaine de l’anniversaire de l’attentat, c’est toujours  le statu quo dans la mise en place des MOC de Kidal et de Tombouctou. « La CTS en parle tous les jours, mais on attend toujours. Nous sommes prêts à recevoir tous les combattants. C’est certainement un problème entre les responsables des mouvements et le gouvernement concernant les arrangements sécuritaires », estime le colonel Mahamane Boubou. Le ministre de la défense, Tiéna Coulibaly,  a évoqué lors de la dernière session du CSA les rencontres qui  auront lieu sur cette question, estime que les MOC sont un préalable au lancement du DDR.

IR GANDA, rend compte de sa rencontre à Gao

Les ressortissants de la communauté Songhay résidant à Bamako se sont rencontrés au stade du 26 mars, le samedi 30 septembre 2017.  L’objectif était de faire le point de la rencontre tenue à Gao, les 19, 20 et 21 mai 2017.

L’association IRGANDA vise le développement durable du nord selon ses responsables. Elle veut rassembler la communauté Songhay du Mali et de la diaspora. Elle souhaite contribuer à la résolution des problèmes au Nord  qui persistent malgré l’existence de différentes associations des ressortissants du nord. « Certains cadres du Nord se sont concertés pour mettre en place cette association IR GANDA, qui veut dire notre terroir », a affirmé le président d’IR GANDA, Ousmane Issoufi Maiga, ancien premier ministre du Mali.

La rencontre qui  a regroupé les représentants des différents cercles, des Amis, sympathisants de la culture Songhay  a été une occasion de retrouvaille, d’échange, de dialogue et de compréhension mutuelle.  « Faire en sorte que les armes se taisent, que la population puisse aller et venir, que les jeunes puissent se prendre en charge », a ainsi expliqué Ousmane I Maiga, avant de conseiller les jeunes à s’interroger sur ce qu’ils peuvent faire pour leur pays.  Il s’agit « d’un créneau pour rassembler les ressortissants, amis et sympathisants à participer au développement de nos régions, gage de la promotion individuelle et collective » a soutenu pour sa part, Abbas Ibrahim Diallo, président de la coordination des jeunes du mouvement IR GANDA.

L’une des actions envisagées, est que chaque cercle doit présenter deux projets ou deux activités à réaliser pour lesquels le cercle et l’IR GANDA vont mobiliser des fonds. « IR GANDA n’a pas de revendication sectorielle, c’est une association apolitique et le lancement officiel est prévu pour le 14 octobre 2017 », a conclu le président de l’association.

Gao : La population mécontente de Barkhane

Ces derniers jours, les populations de Tacharane et d’Arhabou dans la commune de Gounzoureye, le long du fleuve Niger sont en colère à cause des opérations de la force Barkhane. A Gao ville également, les bruits d’explosion venant du camp de la force française. Ils dénoncent la proximité des exercices réguliers que mènent les troupes cantonnées dans la zone et leur impact sur les habitations.

Depuis quelques jours les patrouilles aériennes de la force Barkhane s’intensifient le long du fleuve Niger en allant vers Ansongo. Une nouvelle stratégie que la force anti-terroriste aurait adopté pour sécuriser l’axe Gao-Ansongo-Ménaka. Sur cet axe, notamment entre Ansongo- Ménaka, le banditisme s’est accru sur fond d’insécurité chronique. Les transporteurs et les passagers sont quasi quotidiennement braqués et dépossédés de tous leurs biens. Quelques jours avant la fête de Tabaski, des passagers allant à Ménaka ont ainsi été dépouillés par des malfrats. A travers ces  surveillances aériennes, Barkhane veut dissuader les bandits de circuler librement sur ces tronçons. Une initiative à saluer en effet.

Mais dans les localités de Tacharane et Arhabou, près de la ville de Gao, les  habitants se plaignent des inconvénients de cette action. Et particulièrement du bruit des appareils qui selon eux volent à basse altitude.  Moussa Boureima Maiga, porte parole des jeunes patrouilleurs de Gao,  se demande pourquoi ces avions survolent si près des populations, «  ils peuvent percuter des choses, c’est un danger » craint-il. D’après les témoignages d’un habitant à Gao, ces « avions larguent des soldats au bord du fleuve,  retournent à  Gao, puis reviennent pour les récupérer ». En plus du danger qu’ils représentent, ces exercices causent un grand bruit  qui provoque un désagrément auprès des populations. A Gao, «  chaque matin ils font exploser des engins à proximité des habitations, on ressent la force de l’explosion en ville, c’est dangereux pour les maisons. Même le deuxième jour de la fête il y a eu plusieurs explosions, avant-hier aussi »  témoigne Moussa Boureima.

La présence constatée ces dernières semaines des soldats de Barkhane et des matériels  laissent prévoir une intensification des manœuvres dans les jours à venir. Bharkane aurait même prévu d’installer une base à Ménaka pour contrôler le long de la frontière malienne avec   le Niger où des terroristes sévissent en toute tranquillité.  Pour minimiser les effets négatifs de cette action somme toute bénéfique pour la population de la région et les usagers des routes qui la traversent, les leaders des jeunes ont rencontré les responsables de la force pour attirer leur attention. Il a été question des conséquences sur  la tranquillité des habitants. Des responsables de Barkhane auraient par ailleurs passé l’information dans les radios pour faire comprendre à la population l’objet de ces détonations.

 

Gao, basculera-t-elle dans la désobéissance civile ?

La société civile de Gao n’entend pas passer sous silence le maintien du gouverneur de la région. L’ultimatum lancé il y a une semaine jour pour jour pour relever le chef de l’exécutif régional, Seydou Traoré, a expiré mardi soir 22 août à minuit. Le gouvernement n’a pas réagi à cette doléance derrière laquelle désormais germe des revendications séparatistes. Une réunion de la société civile s’était tenue mardi 22 août en après midi et se poursuivra aujourd’hui pour prendre une décision quant à la posture à adopter.

S’il y a un administrateur contesté et méprisé par ses administrés aujourd’hui c’est bien Seydou Traoré, le gouverneur de la cité des Askia. La cause de ce désamour consommé entre le chef de l’exécutif régional et la population date d’il y a plus d’un an. Le 12 juillet 2016, des manifestants des associations des jeunes de la société civile locale de Gao, protestant contre l’installation des autorités intérimaires ont été sévèrement dispersés par les militaires. Trois morts par balle et 37 blessés ont été enregistrés selon des nombreuses sources. Pour les habitants de Gao, l’unique responsable de cette tragédie est le gouverneur Seydou Traoré qui ordonna aux forces de l’ordre de tirer sur les manifestants. Ce fut le point de départ d’une antipathie qui n’a pas baissé au fil du temps. Depuis, des manifestations ont eu lieu demandant son départ pur et simple. Il lui est reproché, la mauvaise gestion, la corruption, le manque de respect et de diplomatie vis-à-vis des populations.

Plus que jamais décidée, la société civile de Gao avait lancé il y a une semaine un ultimatum pour le départ du gouverneur, qui a expiré mardi soir à minuit. Avant cette expiration, elle menaçait de cesser toute reconnaissance de l’État Central. « Nous n’hésiterons pas à mettre fin à toutes collaborations ou reconnaissance de l’État Central », indiquait un document intitulé « déclaration d’intention de la société civile de Gao », rendu public la semaine dernière. La même déclaration va plus loin et menace de la création d’un État. « La société civile représente toute la population de Gao et se donne le droit de créer un autre État » si cette doléance n’aura pas été satisfaite.

Pour Moussa Boureima Yoro, porte parole de la société civile de Gao, la déclaration d’intention faite n’était pas une menace, mais une réalité. «  Ce n’est pas du tout une menace, c’est une réalité, parce que les gens en ont ras-le-bol, la région qui a fait en sorte que le Mali ne soit pas divisé est abandonnée. Pour tout le travail que la population a eu à faire, il n’y a eu jamais aucune médaille » regrette t-il. Pour lui le gouverneur est responsable de plusieurs mésententes et divisions au sein des organisations de la société de Gao. « Il continue à créer des mésententes entre les différentes organisations de la société civile alors qu’à son arrivée la société civile de Gao était la plus organisée. » reproche, au gouverneur, le porte-parole. «  Toutes les organisations ont subi les affres de ce gouverneur, en commençant par le RECOTRADE (Réseau de communicateur Traditionnelle), le Conseil Régional de la jeunesse, etc. Il sélectionne les gens qu’il veut parmi ces organisations pour les rencontrer et demendent `ce qu’ils ne rendent pas compte de ces rencontres aux autres, créant des frustrations », poursuit Moussa Boureima Yoro. Face à toutes ces dérives, le gouverneur n’est plus le bienvenu dans la cité des Askia.

La société civile s’est réunie mardi dans la soirée pour décider de ce qu’il y avait lieu de faire. Une réunion qui a été suspendue tard dans la nuit faute de consensus sur le sujet. Selon nos informations, la rencontre devrait reprendre aujourd’hui pour s’accorder sur la posture à tenir. «  Je suis le premier déçu et traumatisé par ce qui se passe, parce que j’ai beaucoup de camarades qui sont morts pour l’unité de ce pays, pour que le pays ne soit pas divisé, et voila que pour un simple gouverneur des décisions comme ça vont être prises », déplore Moussa Boureima Yoro, « Je ne suis pas d’avis d’en venir là mais quand la majorité décidé c’est comme ça », conclut-il. Depuis l’expiration de l’ultimatum, le gouvernement n’a pas contacter la société civile de Gao et relevé le gouverneur.

L’ancien cadre du MUJAO à Gao, Aliou Mahamane Touré à la barre ce mercredi

Arrêté il y a plus de quatre ans, dans les alentours de Gossi par les Forces de défenses et de sécurité maliennes, cet ancien commissaire du MUJAO lors de l’occupation des régions du Nord en 2012, avait été présenté au juge d’instruction en mars dernier et devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Bamako. Il comparaîtra ce mercredi 09 août 2017 à la cour d’assisses de Bamako.

Natif de la ville Gao, Aliou Mahamane Touré qui avait épousé la cause du Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) s’était illustré en ordonnant et exécutant des sanctions sévères à l’endroit de tous ceux qui aux yeux du mouvement n’obéissaient pas aux principes de la charia. Une terreur qu’il avait exercé sur la population : coups de fouets, amputation des mains, des pieds et même la lapidation. L’homme qui était vendeur de peaux de bêtes, selon certaines sources, avant son ralliement au MUJAO, était devenu un dictateur semant l’effroi et la panique auprès des siens. Il aurait lui-même coupé des mains à certaines personnes qu’il avait accusé de violer la loi.

Mais finalement, attrapé par les Forces de défense et de sécurité maliennes et mis à la disposition de la justice, il avait comparu en mars dernier devant le juge d’instruction. Il est accusé de : crimes de guerre, d’atteintes à la sûreté de l’État, d’association des malfaiteurs, de coups et blessures volontaires, de torture, de terrorisme, de détention illégale d’armes de guerre et de munitions etc. Il répondra de ses actes devant la justice lors des sessions de la cour d’assises qui démarreront normalement ce mercredi. Les victimes et leurs avocats devraient être aussi être présentes à ce procès afin de faire toute la lumière sur cette affaire. Il faut rappeler que plusieurs de ses victimes avaient porté contre lui des plaintes avant même qu’il ne soit attrapé par les forces de sécurité. Ce procès est très attendu au vu des exactions et des privations de libertés auxquelles s’étaient livrées ce commissaire, tout puissant à l’époque.

 

Gao : La Plateforme veut appliquer l’Accord pour ramener la paix

Dans le cadre de trouver une solution idoine aux affrontements récurrents entre la CMA et la Plateforme, le gouvernement du Mali a désigné l’imam Mahmoud Dicko à la tête d’une mission de bons offices devant se rendre à Kidal. Malgré des protagonistes aux regards divergents, avec la présence de l’imam sur le terrain, les espoirs sont permis.

Le président du Haut Conseil Islamique du Mali, l’Imam Mahmoud Dicko s’est rendu le lundi 29 juillet dernier à Kidal avec une délégation, dans l’objectif d’apaiser les tensions entre la CMA et la Plateforme et obtenir un cessez-le-feu durable entre ces deux protagonistes, signataires de l’Accord pour la paix et de la réconciliation. Après avoir entendu les propositions des chefs de tribus et de fractions, le président s’est rendu mardi 1 août à Gao, pour rencontrer les leaders de la Plateforme, les chefs coutumiers, religieux des fractions et villages de Kidal résident à Gao.

La Plateforme des mouvements signataires du 14 Juin a formulé sept propositions qu’elle juge favorables pour le retour de la cohésion sociale, le vivre ensemble et la sortie de crise. Pour la Plateforme, la résolution de la crise passe par un retour immédiat de tous les combattants à leurs positions du 18 juin 2017 et l’arrêt des hostilités. La mise en place immédiate du Mécanisme Opérationnelle de Coordination (MOC) dans le format et les conditions prévues par l’Accord d’Alger ; l’opérationnalisation des patrouilles mixtes ; le cantonnement immédiat de tous les groupes armés de la région ; le désarmement et démobilisation des combattants non impliqués dans le MOC et dans les sites prévus à cet effet ; le retour et l’installation du gouverneur de Kidal avec toutes les directions régionales des services techniques et sociaux de base. En plus de ces différentes propositions soulignées par la Plateforme, est aussi prévu le redéploiement de l’Armée nationale, refondée et reconstituée ; la mise en place et l’exécution d’un programme de rencontre inter et intra communautaire pour régler tous les conflits et enfin, la Plateforme affirme sa volonté de prendre part à la gestion politique et administrative de la région de Kidal. Ces sont là entre autres, les conditions de sortie de crise qui ont été proposés à l’Iman Dicko.

Dans le procès verbal de la rencontre tenue à Gao le même jour, sous la présidence de l’honorable Ahmoudéne Ag Ikmass et du Maire de Kidal, la coordination régionale de la société civile de la 8eme région, affirme solennellement sa ferme volonté de vivre en paix à Kidal et l’intérêt qu’elle accorde à l’application immédiate de l’Accord d’Alger. De même, la coordination a affirmé de façon solennelle son appartenance à la région de Kidal, qui selon elle, est son « seul et unique terroir ».

Avec ces échanges , il est permis d’espérer qu’une paix durable et sincère pourra se construire entre la plateforme et la CMA en général et les deux communautés en particulier.

Gao : Des manifestants réclament le départ du gouverneur

De nombreux manifestants ont déferlé dans les rues de Gao, ce vendredi 30 juin et se sont rassemblés au niveau du gouvernorat pour un sit-in dont la durée dépendra de l’acceptation, par le gouvernement, de leur demande, à savoir la démission de l’actuel gouverneur de Gao, Seydou Traoré.

C’est depuis juillet 2016, après la mort de 3 manifestants sous les balles des forces de śecurité lors de la répression d’une manifestation contre la mise en place des autorités intérimaires, que la population de Gao avait demandé le départ du gouverneur Seydou Traoré, accusé d’avoir ordonné de tirer sur les civils. Cette demande, acceptée dans un premier temps par les autorités, qui avait à l’époque dit que le problème serait résolu en « quelques semaines », ressurgit un an plus tard dans la cité des Askia, alors que le gouverneur est toujours en poste. « Cela fait un an et il n’est toujours pas parti ! Depuis quelques semaines nous nous sommes remobilisés, à cause du mois de carême nous avons suspendu notre mobilisation et on a donné jusqu’au 29 juin à l’État pour agir. Hier 29 juin l’État n’a pas réagi, donc nous manifestons et cette fois-ci nous resterons jusqu’à ce qu’il quitte son poste », déclare Mohamed, un manifestant joint au téléphone à Gao.

Pour les détracteurs du gouverneur la coupe est pleine et le divorce doit-être consommé : mauvaise gouvernance, manque de considération, de respect et cupidité sont les principaux griefs qui lui sont reprochés. « C’est quelqu’un qui s’enrichit sur le dos des populations, il a ses affaires, parce qu’il va être à la retraite donc il demande à chacun de l’argent. Tout organisme qui veut faire un projet, des activités, passe obligatoirement par lui et se voit répondre  »où est ma part ? », c’est comme ça qu’il parle ! », dénonce Moussa Boureima Yoro, chef des mouvements civils de Gao. « Sa part », poursuit Mohamed, « c’est de travailler pour le bien des populations et s’il a besoin d’une autre part que ça alors il ne doit pas rester ici. Nous ne voulons plus qu’on nous envoie des fonctionnaires qui ne pensent qu’à leurs poches, nous avons assez souffert ». Autre reproche fait a ce haut fonctionnaire de l’État, ses absences répétées aux activités de la société civile, qui selon certains manifestants est un manque de respect patents envers les communautés dont la plus importante la communauté songhoy.

C’est donc devant le gouvernorat, actuellement fermé, que les manifestants sont rassemblés en  sit-in, pour empêcher le retour du gouverneur actuellement en mission à Bamako et qui devrait revenir ce vendredi par un vol de la Minusma. « Le gouvernement nous donne de faux arguments pour justifier son maintien en place. Ils dit que nous faisons pression sur lui pour qu’il change le gouverneur et qu’il ne peut admettre cela. Nous ne souhaitons pas imposer quelqu’un, mais l’État malien n’a qu’a nommé quelqu’un d’autre », déclare Moussa Boureima Yoro, qui ajoute qu’au sein de la manifestation tous ne sont pas modérés et qu’il y a des radicaux qui pourrait agir diffèrement de ce qu’ils sont en train de faire. « Vous savez Gao est une ville proche du terreau des terroristes, donc si l’État malien n’écoute pas les populations, je pense que la déception peut amener les gens à prendre des décisions qui peuvent nous nuire à nous-même » prévient-il.

Joint au téléphone à Bamako, où il se trouve encore, le gouverneur Seydou Traoré rappelle qu’il n’est pas élu par la population mais désigné par l’État et que toute cette agitation n’est qu’une campagne médiatique négative visant à nuire à son action. « Les motifs de mon départ ce sont eux qui les connaissent, je pense que c’est une manipulation. Je suis là pour mettre l’administration au travail et asseoir l’autorité de l’État et ce n’est pas facile d’y parvenir quand il y a toutes sortes de pratiques établies qui protègent des intérêts personnels. Nous sommes en train d’obtenir des avancées très notables dans la sortie de crise et ça n’arrange pas beaucoup de gens », rétorque le gouverneur, qui ajoute, « les manifestants sont dans leur droit, mais c’est l’État qui m’a nommé, je suis en mission, donc je quitterai quand ma mission prendra fin ».

Macron à Gao : Pour un redimensionnement et une accélération de l’engagement français

Le président Emmanuel Macron se trouve ce vendredi sur la base de Gao au Mali, pour une visite éclair aux forces armées sans passer par Bamako, afin de réaffirmer l’engagement militaire de la France au Mali. Il a exprimé, lors d’une conférence de presse, sa « détermination » à lutter contre la menace djihadiste et sa volonté « d’accélérer » la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, en parallèle d’actions de développement pour le pays, antidote au terrorisme.

C’est à 10h00 GMT qu’a attéri sur la base militaire française de Gao, à bord de son falcon présidentiel, le chef de l’État français Emmanuel Macron accompagné du ministre des Affaires Étrangères Jean-Yves Le Drian, de la ministre des Armées, Sylvie Goulard ainsi que du directeur général de l’Agence française de développement (AFD) Rémy Rioux, pour une visite éclair de six heures avec un programme très chargé. Le président IBK a fait le déplacement de Bamako pour accueillir le président français.

Après un entretien de 45 minutes avec le président IBK sur la lutte contre le jihadisme et l’application de l’accord de paix, le président Macron a passé en revue les troupes présentes sur la base de l’opération française Barkhane avec son homologue malien. Puis les deux chefs d’État ont pris part à une conférence de presse conjointe.

Lors de cette conférence, le président Macron à réaffirmer à son homologue malien l’engagement de la France aux côtés du Mali, il a assuré qu’il se montrerait « intraitable » avec les groupes djihadistes et qu’il y aurait une « accélération » dans la mise en oeuvre de l’accord d’Alger. « L’accord d’Alger est un bon cadre, qu’il faut relancer » a-t-il souligné, déplorant la lenteur de sa mise en œuvre. Le président français a aussi exprimé sa volonté d’articuler l’action militaire de la France avec des politiques de développement car c’est « un antidote au terrorisme » a-t-il ajouté.

Interrogé par une journaliste sur le rôle que pourrait jouer l’Allemagne et l’Europe dans le dossier sécuritaire malien, le président français a déclaré qu’il souhaitait « renforcer le partenariat avec l’Allemagne au Mali » et « faire davantage avec l’Europe » car cette menace est aussi un risque claire pour les européens.

Le chef de l’Etat français s’est également dit prêt à se rendre, à l’invitation du président IBK, président en exercice du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), à une prochaine réunion de cet ensemble « dans les semaines qui viennent ».

Le programme du président Macron se poursuivra avec une séance d’information avec les commandants de l’opération Barkhane. Il déjeunera aussi avec les troupes françaises, visitera une unité chirurgicale, aura un exposé des opérations militaires en cours et prononcera un discours devant les forces françaises, avant de s’envoler pour la France.

Macron au Mali pour donner une nouvelle dimension à l’engagement français

Pour son premier déplacement hors d’Europe, le président Emmanuel Macron se rend vendredi sur la base de Gao au Mali, pour donner une nouvelle dimension à l’engagement militaire de la France, présente depuis quatre ans pour lutter contre les jihadistes.

Moins d’une semaine après son entrée en fonctions, le chef de l’Etat veut non seulement marquer sa « détermination » à poursuivre l’engagement au Sahel mais aussi l’inscrire dans une coopération renforcée avec l’Allemagne. Il entend encore compléter l’action militaire par une stratégie d’aide au développement, a indiqué son entourage, comme le réclament d’ailleurs des organisations humanitaires.

Il sera accompagné par ses ministres Jean-Yves Le Drian (Europe et Affaires étrangères) et Sylvie Goulard (ministre des Armées), ainsi que par le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) Rémy Rioux. 25 journalistes seront également du déplacement, alors qu’une quinzaine de sociétés de journalistes, des directeurs de rédaction et Reporters sans frontières ont protesté jeudi contre l’organisation de sa communication, notamment du choix des journalistes l’accompagnant au Mali.

A son arrivée, il sera accueilli par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, avec qui il aura un entretien sur la lutte contre le terrorisme, le dossier sahélien, le volet politique du dossier et la difficile mise en oeuvre des accords de paix de 2015.

Le nouveau chef des armées compte également s’adresser aux 1.600 soldats déployés sur la base de Gao (nord) dans le cadre de l’opération « Barkhane », et se fera présenter les différentes composantes du dispositif, selon la même source.

L’Elysée a choisi Gao car il s’agit de la plus importante base des forces françaises engagées à l’extérieur.

Davantage que l’ex-président François Hollande (2012-2017), son successeur veut mettre l’accent, selon son entourage, sur la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme, avec les autres pays européens, notamment l’Allemagne, premier contributeur de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma).

La France veut « une impulsion franco-allemande pour que l’Europe joue un rôle croissant dans les dossiers de sécurité et de défense, dont ceux de l’Afrique et du Sahel ». Une question déjà évoquée lundi avec Angela Merkel.

Sortir du ‘purement militaire’

Autre nouvel axe affiché: articuler davantage l’approche militaire avec les politiques de développement, comme le montre la présence du directeur général de l’AFD, a souligné l’entourage du président.

C’est ce que demandent plusieurs organisations humanitaires, pour qui la seule approche militaire ne résoudra pas les violences secouant le Mali.

La politique française en Afrique est trop « purement militaire », et doit « investir dans le secteur de la gouvernance », notamment dans « la lutte contre l’impunité » en « réorientant son aide publique vers la justice », plaide la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), qui dénonce au Mali « un niveau d’insécurité sans précédent ».

Même diagnostic pour l’organisation humanitaire Human Rights Watch, qui appelle le président Macron à « exhorter le président du Mali à s’attaquer frontalement aux problèmes qui ont mené à des décennies d’instabilité, notamment une faible gouvernance, une corruption endémique et les abus commis par les forces de l’ordre ».

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, qui ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France.

Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes. Depuis 2015, ces assauts se sont étendus au centre et au sud du pays, où la sécurité se détériore de plus en plus.

Dix-sept militaires français ont été tués au Mali depuis l’intervention Serval en janvier 2013, à laquelle a succédé en août 2014 l’opération Barkhane (4.000 hommes), étendue sur cinq pays du Sahel (Mali, Burkina-Faso, Mauritanie, Niger et Tchad), selon un décompte de l’AFP.

Au Mali, aux 1.600 soldats français s’ajoutent les 12.000 soldats de la Minusma.

En janvier, un attentat-suicide visant des combattants de groupes armés signataires de l’accord de paix avait fait près de 60 morts dans la ville de Gao.

Gao : Insécurité malgré le MOC

Depuis l’opérationnalisation des patrouilles mixtes, en février dernier, quatre véhicules du MOC ont été enlevés et plusieurs braquages ont eu lieu. La situation sécuritaire à Gao semble s’être dégradée et les soldats du MOC sont pointés du doigt par la population, qui déplore le manque de contrôle de ces hommes en armes, aux profils divers.

Qui nous protégera de ceux qui doivent nous protéger ? C’est en substance le questionnement d’une grande partie de la population de Gao, revenue de la belle image des patrouilles mixtes lancées en février dernier : FAMA, CMA et Plateforme, ensemble, dans leurs beaux uniformes, à bord de pick-ups flambants neufs, patrouillant dans les rues de Gao. Ce maillon essentiel de la mise en œuvre de l’accord a su monter contre lui, en quelques mois, nombre de détracteurs qui n’en comprennent plus vraiment le sens. « Ils devaient être ensemble pour sécuriser, mais ils ne s’entendent pas entre eux, ils braquent les gens, ils volent leurs propres véhicules puis disparaissent», déplore Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao.

À qui la faute ? La mise en place, après le deuxième vol d’un véhicule du MOC, d’une police militaire visant à ramener de l’ordre et d’un numéro vert destiné à la population pour les plaintes, n’auront pas réussi à endiguer les problèmes. « Effectivement, on ne peut pas tout nier », reconnaît le colonel Mahamane Boubou du camp MOC de Gao. « Mais il y a aussi des amalgames. Gao est plein de mouvements armés, des gens de tous les horizons venus pour constituer les bataillons mixtes. On rencontre des problèmes avec ces combattants qui ne sont pas du MOC mais qui sont armés dans la ville. Ils sont en quelque sorte hors périmètre. Ce sont eux qui font des incursions dans la ville », affirme-t-il. Pour beaucoup, la faute incomberait aussi à la mise en œuvre du MOC qui s’est faite à la hâte, sans prendre le temps de définir des critères importants d’incorporation de ces éléments. Pour Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord, toutes sortes de gens mal-intentionnés se trouvent au sein des mouvements armés et ont été transférés dans la MOC, un peu comme si le ver était dans le fruit. « il y a beaucoup de moudjahidines qui ont intégré les mouvements signataires sous le drapeau de la paix, mais qui ont d’autres idées derrière la tête. Ça menace la paix dans l’avenir si ces éléments sont ensuite intégrés dans l’armée ou la gendarmerie. Il faut revoir les choses, savoir qui sont ces combattants et d’où ils viennent », assure-t-il. À Gao, certains exigent que le camp du MOC soit délocalisé à l’extérieur de la ville, d’autres souhaitent que le mécanisme soit dissout. « On veut la paix c’est vrai, mais il faut quand même qu’il y ait des normes qui puisse garantir que cette paix sera ramenée », conclut Moussa Boureima Yoro.

Affrontement inter communautaire à Gao: Une conséquence de la lenteur de l’Accord de paix ?

La cité des Askia est en ébullition ces derniers jours. Entre les Songhaï d’une part et les Arabes et Tamasheq de l’autre, ce n’est plus la symbiose de cœur et d’esprit, dans cette cité multi-ethnique.

Tout est parti du vol d’un véhicule du Mécanisme Opérationnel de Coordination (M.O.C), à Gao, dans la nuit du dimanche 02 au lundi 03 avril dernier. Le lundi, deux jeunes, l’un Arabe et l’autre Touareg ont été pris pour cible par une foule essentiellement composée de Songhaï, car soupçonnés d’être derrière cet vol. Ils ont été lynchés par la foule, traînés dans la rue. Ces actes ont été l’élément aggravant d’une situation déjà fragile. La tension est montée chez les membres de ces deux communautés qui cohabitaient des siècles durant. Une cohabitation mise à rude épreuve par la crise de 2012.

Le mercredi 05 avril, une altercation entre un jeune Songhaï, conducteur d’une moto tricycle pour le transport de bagages et un commerçant arabe, de retour d’un voyage en l’Algérie, à dégénéré. Selon un habitant de Gao joint au téléphone, le jeune transporteur une fois arrivé à destination aurait réclamé les frais de transport de bagages. Mais la somme que lui a proposé le commerçant ne lui a pas convenu, il réclamait plus. Une dispute a rapidement éclaté et a fini par dégénéré. Selon la même source le commerçant sidéré par les insultes du jeune homme, qui voulait repartir avec un de ses cartons de couscous, le poignarda deux fois à l’épaule avec un couteau.

Les deux hommes ont été conduits à la gendarmerie de Gao. Entre temps dans la ville, l’information s’est propagé dans tous les recoins de la cité des Askia et au-delà, échauffant les esprits. « On ne veut plus d’Arabes ni de Touaregs dans la ville de Gao » ont commencé a scandé certains constituant petit à petit une foule grossissante. Les forces de l’ordre sont intervenues pour contenir le mouvement de foule, mais des affrontements ont eu lieu entre les membres des deux communautés. Les forces de police, la gendarmerie, les soldats du MOC et les soldats français de l’opération Barkhane étaient tous mobilisés pour calmer la situation et éviter la catastrophe.

Ce conflit à Gao, interpelle. De plus en plus, au Mali, on observe des conflits entre communautés. Le tissu social jadis soudé semble petit à petit s’effriter alors que la paix tarde à faire son retour. L’Accord d’Alger considéré comme la réponse à un grand nombre de maux dans le pays n’a pas eu pour le moment d’effet positif. Pour Oumar Alhassane Touré, Président de la coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement, les derniers événements à Gao qui ont opposé les Songhaï aux Arabes et Tamasheqs, sont les causes lointaines d’une frustration des populations Songhaï qui dénoncent leur « exclusion » ravivées par la Conférence d’entente nationale. «  C’est la question de l’Azawad abordée lors de la Conférence nationale qui a divisé les gens sur le terrain. Les gens n’étaient pas d’accord par rapport aux déclarations finales. Les gens pensent aussi que la participation à poser problème, beaucoup de sédentaires qui voulaient venir à la conférence n’ont pas eu d’invitation. Il y a le sentiment que certains étaient favorisés par rapport à d’autres. Tout cela à créer des frustrations. Il faut un comité consultatif qui va mettre les instruments de la mise en œuvre du MOC pour aboutir au processus de désarmement. C’est le point saillant dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. », explique Mr Touré, qui ajoute que « depuis l’installation du MOC, les dissensions se sont accrues, car il y a eu une guerre de positionnement pour le commandement du MOC entre les Tamasheqs, les Songhaïs et les Arabes. Les Songhaïs pensaient qu’ils auraient à gérer le MOC. Tout cela est dû à la gestion du problème des mouvements » conclut Le président de la coordination qui appelle à l’apaisement et à la cohésion sociale.

Après les paroles, Gao attend les actes

À Gao, les autorités intérimaires ont été installées le 2 mars dernier suite à une négociation avec la société civile et les mouvements de résistance. Le gouvernement s’était engagé à honorer leurs doléances dans les 15 jours. Mais Aujourd’hui, dans la cité des Askia, vingt jours après, la population constate que rien de concret n’a été fait.

Pour pouvoir installer les autorités intérimaires à Gao, le gouvernement s’était engagé, dans un délai de 15 jours, à exécuter les doléances issues des mouvements de résistance et de la société civile, transmises aux autorités par le Grand imam Alpha Oumar Almahadi. « C’est la dernière chance que nous laissons au gouvernement, si ce délai est atteint et que rien n’est fait, alors ils verront », déclarait Moussa Boureima Yoro, porte-parole des mouvements de résistance civils de Gao.

20 jours après jours, aucun acte concret n’est a signaler. « Les ministres appellent quelques fois pour nous dire que c’est en bonne voie. Mais depuis il n’y a rien. Nous nous pensons qu’il faudrait un document qui certifie de ce qui est fait, sans ça on n’a la preuve de rien », explique ce membre de la société civile.

Ce mercredi une rencontre a eu lieu avec le grand Imam qui s’était porté garant pour le gouvernement, pour discuter de la situation. Une assemblée générale, jeudi 23 mars, qui réunira la société civile, les sages et les marabouts de Gao, devrait trancher sur ce qu’il y aura lieu de faire. « D’ici la semaine prochaine si rien n’est fait on sera obligé de poser des actions », affirme Moussa Boureima Yoro.

A Tombouctou et Taoudenni, la mise en place des autorités intérimaires est toujours en panne, et à Gao on considère qui si les choses continuent ainsi, il risque d’y avoir des répercussions sur la ville. « Ce sont les même mouvements qui sont à Tombouctou, à Taoudénni à Ménaka et à Gao. Il y a le MSA qui était à la porte de Gao, le CMFPR qui avait pris l’Assemblée régionale et le CMFPR2. Je crois que l’État malien n’est pas conscient de cette situation-là et nous commençons à être découragé d’aller dans leur sens », conclut-il.

Gao et Ménaka ont leurs autorités intérimaires

Jeudi 2 mars, deux jours après l’installation du président de l’autorité intérimaire de Kidal, l’installation des présidents de Gao et de Ménaka ont eu lieu. À Gao, le siège de l’Assemblée régionale qui était occupé par les combattants de la CMFPR2, a été levé après la signature d’un protocole d’entente prenant en compte les préoccupations de la société civile de la cité des Askia.

Les cérémonies d’investiture d’Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed à Ménaka et de Djibrila Maïga à Gao ont été présidées par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, à la tête d’une délégation de responsables maliens, dont le Haut représentant du chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’accord, Mahamadou Diagouraga.

Un jour spécial pour toutes les populations de la région pour sceller le pacte de la réconciliation, mis à rude épreuve par les évènements de 2012. «Depuis longtemps, nous attendons ce jour-ci. Après l’installation des autorités intérimaires, la réconciliation va enfin être réalité », souligne Farota Egota, maire de la commune rurale d’Alape proche de Ménaka.

En vertu de l’accord de paix de 2015, les autorités intérimaires devront gérer les cinq régions du Nord, en attendant l’élection par la population d’assemblées dotées de pouvoirs importants. Leur mission sera notamment de préparer ces élections et de favoriser le retour des déplacés, des troubles marqués par une rébellion et une mainmise de groupes djihadistes pendant près de dix mois sur le nord du pays, jusqu’à janvier 2013.

«C’est un jour solennel et historique qui marque un pas décisif dans la vie de la région de Ménaka. Notre tâche est de réunir les différentes communautés afin de les amener sur la voie de la paix et de la réconciliation. L’application stricte de l’accord pour la paix et la réconciliation est la seule voie possible pour atteindre ses objectifs », a déclaré Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, lors de son premier discours après son intronisation à la tête de l’autorité intérimaire de Ménaka.

Après Ménaka, les membres de l’autorité intérimaires de Gao ont pu finalement être installés au alentours de 17 H, jeudi 2 mars.

La CMFPR II qui occupait le conseil régional a accepté d’en libérer les locaux après d’âpres négociations et l’intervention des notabilités. La société civile de Gao a, ainsi, signé un protocole d’entente qui prend en compte ses préoccupations qui s’articulaient autour de l’élargissement du quota de Gao de 11 à 21 dont 10 réservés aux jeunes et aux femmes sédentaires pour les autorités intérimaires, l’implication des mouvements de résistance civile, de la CMFPR2 dans les organes et structures de suivi et de prise de décision : CSA, CTS, DDR, CNRSS, CVJR,EMOV, MOC, sous-commission politique institution, sous-comité développement, commission d’intégration, sous-comité défense et sécurité à tous niveaux (national et régional) pour la mise en œuvre de l’accord, la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, la reconnaissance officielle et définitive du statut de signataire de la CMFPR2 et de ses prérogatives, le cantonnement des jeunes résistants sans armes de Gao pour avoir été désarmés par les FAMA, la Minusma et Serval.

À la demande du Mali, les Nations Unies ont mis en place une Task force d’appui à la mise en place des autorités intérimaires (TAFSEIA), afin d’assurer le bon fonctionnement de ces autorités intérimaires. En plus de son appui technique et logistique, le TAFSEIA a mobilisé une enveloppe totale de 257 millions de Francs, dont une contribution de 56 millions du PNUD et de 201 millions du Fonds Fiduciaire en soutien à la paix et à la sécurité au Mali en vue d’appuyer l’ensemble du processus. « Dans un souci d’assurer le bon fonctionnement desdits conseils une fois installés, les Nations-unies ont sollicité une enveloppe d’un million de dollars du Fonds de consolidation de la paix à New-York pour appuyer le coaching à moyen et long terme des conseils intérimaires et les services sociaux de base, gages de renforcement de la confiance des populations envers les autorités intérimaires », explique Elsie Effange MBella, Directrice de la division des affaires civiles de la MINUSMA.

Autorités intérimaires : Comment Gao a cédé

Malgré les tensions à Gao, maintenues par des combattants armés et une partie de la population civile, opposés aux autorités intérimaires dont les nomination ont été faites sans les consulter ni les inclure, Djibril Maiga, nouveau président du conseil régional sera bien intronisé, comme prévu, ce jeudi 2 mars.

Un grand doute subsistait encore ce jeudi matin quant à la tenue de la cérémonie d’investiture du président de l’exécutif régional, Dijibril Maiga, vu les protestations et les oppositions d’une partie de la population civile et des mouvements armés, dont une centaine de combattants du CMFPR2 avaient pris en otage les locaux du conseil régional. C’est hier, mercredi 1er mars, après une négociation de 12 H, que la décision était prise de ne pas faire obstacle à l’installation des autorités intérimaires. Le bâtiment du conseil régional fut restitué et placé sous bonne garde des FAMA, dans la soirée.

Tractation politico-religieuse Cet heureux dénouement a été possible par l’action de deux hommes, le ministre de la Réconciliation Mohamed El Moctar et le Grand Imam de Gao, Alpha Oumar Almahadi. Le gouvernement avait dépêché lundi 27 février, le ministre de la Réconciliation pour obtenir des faveurs, dont la tenue de la cérémonie d’intronisation de l’autorité intérimaire à Gao. « Le Grand Imam a appelé la population, les mouvements de résistance, le CMFPR2 et le cadre de concertation, mercredi matin. Les négociations ont duré de 9h jusqu’à 22h et nous avons accepté ce compromis-là avec le marabout », précise Moussa Boureima Yoro, porte-parole des mouvements de résistance civile.

Si l’influent Grand Imam de Gao est parvenu à lever les obstacles qui se dressaient devant l’investiture, très contestée, de Djibril Maiga, c’est en échange du respect, par le gouvernement, des doléances des mouvements civils de Gao, qui seront transmises par ce religieux aux autorités maliennes, et qui concernent notamment, l’élargissement des instances des autorités intérimaires à des membres de la société civile et l’intégration des jeunes de Gao désarmés, dans le DDR (Désarmement, démobilisation et réintégration). « Je suis reconnaissant envers ce marabout, car c’est lui le guide spirituel de la résistance et c’est grâce à lui que nous avons pu faire faire les choses. Nous, nous sommes des profanes dans la maîtrise du Coran, il nous a fait comprendre que selon la sharia, pour s’imposer, il faut qu’il y ait des préalables. Un individu ne peut rentrer dans une famille sans la permission. Tout cela fait partie des lois islamiques que nous ne connaissions pas, ce sont ces détails-là qui nous ont permis d’organiser notre résistance, donc nous ne pouvons pas lui refuser cette faveur », poursuit le porte-parole.

En gage de bonne foi et pour preuve de sa volonté à honorer les doléances des populations, le gouvernement a désigné 3 hommes et une femme pour intégrer 4 commissions au niveau des autorités intérimaires, et il devra, dans un délai de 15 jours, exécuter les doléances transmises par le Grand imam. « C’est la dernière chance que nous laissons au gouvernement, si ce délai est atteint et que rien n’est fait, alors ils verront. Les populations ont perdu toute confiance en l’État après les engagements du 12 juillet 2016. Cette dernière chance, c’est parce qu’Almahadi en est le garant et il qu’il a vraiment sauvé la situation », souligne Moussa Boureima Yoro.

La délégation gouvernementale qui doit introniser Djibril Maiga dans ses nouvelles fonctions a d’abord fait halte à Ménaka, où une cérémonie confirmera Abdoul Wahab Ahmed Mohamed comme président de l’assemblée régionale de Ménaka. La cérémonie à Gao devrait avoir lieu dans la cité des Askia, cet après-midi vers 16h.

Autorités intérimaires : Installation à Kidal, fortes incertitudes ailleurs

Plus de 18 mois après la signature de l’Accord, Hassane Ag Fagaga, a été intronisé président du conseil régional de Kidal, mardi 28 février. Gao et Tombouctou devraient voir leurs présidents installés les 2 et 4 mars, mais dans ces deux villes, la résistance est encore grande, combattants et populations, protestent et sont prêt à en découdre pour se faire entendre.

Ça y est. La porte de Kidal s’est entrouverte au gouvernement malien, mardi 28 février, qui y a glissé un pied, avec l’intronisation comme président du conseil régional d’Hassane Ag Fagaga. Le drapeau national a orné, le temps d’une cérémonie, les murs de l’assemblée régionale, puis a été remisé lors du départ de la délégation. L’installation du président de l’exécutif régional de Kidal est une victoire difficilement arrachée, même si pour certains le gouvernement est parti du mauvais pied en installant cette autorité intérimaire qui devait intervenir après une certaine chronologie. « Les autorités intérimaires c’est la troisième phase de l’Accord. La première phase, c’est le cantonnement et le redéploiement de l’État et de l’administration sur tout le territoire, la deuxième phase c’est le désarmement et l’intégration, la troisième c’est dans les endroits où il n’y a pas de gouvernement, il est prévu de placer une autorité intérimaire. Le gouvernement est parti sur un faux-pas dans cette mise en oeuvre de l’Accord », estime Fahad Al-Mahmoud, secrétaire général du GATIA, qui se demandait encore il y a une semaine, alors que la mise en oeuvre de l’Accord était suspendue, quelle était la contrepartie offerte par la CMA au gouvernement, pour la nomination d’Hassan Ag Fagaga, « qui n’est pas le plus méconnu des ennemis du Mali » ajoutait-il.

Néanmoins, c’est après de multiples négociations et quelques compromis, qu’un dénouement, vendredi 24 février, a permis de relancer la mise en œuvre des autorités intérimaires, bloquée, depuis la nomination par le gouvernement de Sidi Mohamed Ag Ichrach, comme nouveau gouverneur de Kidal. L’obtention par la CMA de deux gouvernorats aura permis de débloquer la situation. « Sidi Mohamed Ag Ichrach gouvernera la région de Kidal durant toute la transition. En contrepartie, la CMA a eu le choix de proposer deux personnes pour gouverner Gao et Tombouctou », explique Alkassim Ag Ahouchel, président de la Jeunesse de l’Azawad, la branche jeune du MNLA.

Contestation Après Kidal, les autorités intérimaires devraient donc être installées ces 2 et 4 mars à Gao et Tombouctou. Mais l’application de cette mesure de l’Accord, qui a souvent pris les allures d’une barque qui prend l’eau de toute part et difficile à écoper, devra faire face, dans ces deux villes, à une résistance farouche, tant des militants de la société civile et des combattants sont mobilisés pour mettre en échec son installation. « Pour la mise en place des autorités intérimaires de Gao et Tombouctou, il faudra marcher sur nos cendres ! Nous voulons la même chose que l’on a accordé aux autres mouvements signataires. Nous voulons qu’ils reviennent sur tous leurs décrets ! », assène le Pr Younoussa Touré du CMFPR2. « Aussi bien le gouvernement que la CMA ne veulent pas de l’application de l’Accord, ils sont en train de se servir de nous, de chercher des boucs émissaires en nous mettant dans des situations difficiles, pour faire en sorte que nous devenions des hors-la-loi et que rien n’avance », ajoute-t-il.

Ces combattants du CMFPR2, du CJA, du MSA, épaulés par des populations civiles, ont annexé les locaux des conseils régionaux de Gao et Tombouctou et malgré une tentative pour les déloger lundi 27 février, ils sont déterminés à maintenir leurs actions. Depuis mardi, les forces armées du CJA convergent de toutes leurs positions vers le chef lieu de la région de Tombouctou, avec à leur tête le colonel Abass Ag Mohamed Ahmed, chef d’état-major du CJA, son objectif est clair :« il n’y aura pas d’autorités intérimaires imposées à Tombouctou sans la reconnaissance du CJA », a-t-il déclaré.

Tous se disent trahis et exclus du processus de décision et sont prêt à agir, la détermination chevillée au corps. « On maintiendra nos actions jusqu’à ce qu’on nous entendent où jusqu’à notre mort », jure ce jeune de Gao joint au téléphone. « On y est obligé, ce n’est pas notre nature, ce n’est pas non plus ce que nous souhaitions pour notre pays », conclut-il.

 

 

 

 

 

 

Pr Younoussa Touré : « Puisque c’est l’épreuve de force qui prévaut, nos combattants prennent les choses en main »

Les combattants de la Coordination des Mouvements et Fronts Patriotiques de Résistance2 (CMFPR2) appuyés par d’autres mouvements armés et des composantes de la société civile ont annexé les assemblées régionales de Gao et Tombouctou. Ces centaines de combattants en armes et leurs responsables s’opposent à l’installation des autorités intérimaires et dénoncent leur exclusion de toutes les structures de la mise en œuvre de l’Accord. C’est dans ce climat de forte tension, à la veille de l’installation des présidents des régions de Gao et Tombouctou, que Younoussa Touré, secrétaire général (CMFPR2) a répondu aux questions du Journal du Mali.

Des centaines d’éléments armés occupent les conseils régionaux de Gao et Tombouctou, pourquoi ce coup de force ?

Nous sommes à Gao et Tombouctou pour la reconnaissance de notre place et de notre identité. Depuis que les choses ont commencé au niveau des autorités intérimaires, on avait dit au niveau de la CMA que les choses avaient été mal gérées. Le gouvernement et la médiation ne nous ont pas cru. Ils sont allés jusqu’à nous exclure du dernier CSA où nous sommes membres, pour qu’on ne vienne pas perturber la session du comité, parce que pour eux nous sommes des perturbateurs, et ils pensent qu’ils peuvent faire les choses malgré nous. Puisque Kidal a le monopole de Kidal, on va leur montrer que nous aussi on a le monopole de Gao et Tombouctou.

Que souhaitez-vous ?

La société civile doit-être incluse dans les processus de décision, nous devons pouvoir faire des propositions, on nous a laissé de côté. Il n’y a que la CMA qui fait peur, il n’y a que la CMA qu’il faut satisfaire. Nous ne faisons pas le constat que dans la région de Tombouctou et de Gao les choses ne marchent pas, il y a eu des élections, donc ces autorités intérimaires n’ont pas lieu d’être. C’est moi qui suis allé à Tombouctou pour expliquer les autorités intérimaires à la population, qui leur ai dit voilà pourquoi il faut laisser les autorités intérimaires se faire. Mais de tout ce qu’on est allé expliquer, le gouvernement en a pris le contre-pied. Ils ont dit que les autorités intérimaires se feront dans les collectivités où ça ne marche pas, les présidents et vice-présidents des régions doivent être élus par leurs pairs et ces autorités choisies par la société civile et les conseillers. La population a le sentiment d’une trahison. Là où nous ne sommes pas présents dans tout ce qui concerne la mise en œuvre de l’Accord et les autorités intérimaires, les choses ne se feront pas sans nous.

Restez-vous ouvert au dialogue avec le gouvernement ?

Mardi matin, on m’a appelé pour me dire que le haut représentant, Mr Diagouraga, voulait nous recevoir, mais je n’ai pas été appelé en tout cas. Je sais qu’à Gao les gens ont rencontré le gouverneur qui leur a dit qu’il fallait vider les lieux, ils ont refusé, ce n’est pas au gouverneur de leur donner ces instructions-là. Nous avons fait une lettre à la veille du CSA ministériel, c’est pourquoi ils nous ont exclu, nous leur disions que les autorités intérimaires que l’on avait conçu étaient devenues caduques et que nos populations n’entendent pas travailler avec des gens qui sont nommés par-ci par-là. Ce qui est grave pour nous c’est que nous ne sommes même pas tenu au courant, s’il n’accepte pas quelque chose qu’ils viennent au moins nous le dire. Au moins appeler pour dire voilà pourquoi ont le fait. On n’est pas des hors-la-loi, on est pas contre la république. On s’était déjà opposé une fois, alors pourquoi ne sont-ils pas venus voir les gens pour leur expliquer ? c’est du mépris total pour les populations. Ce sont nos combattants qui là, s’ils ne font pas attention, ils n’auront plus personne pour discuter, il faudra les tuer et puis c’est tout.

Jusqu’où êtes-vous prêt à aller ?

Nous allons continuer, nous occupons les sièges des assemblées régionales. Il y a avec nous la société civile, les communautés. Quand les gens disent non, la moindre des choses c’est d’aller leur expliquer pourquoi ça se passe. Si c’est Kidal, on fait tout pour les mettre à l’aise mais si c’est des sédentaires on s’en fout. Puisque c’est l’épreuve de force qui prévaut, nos combattants ce sont eux maintenant qui prennent les choses en main.

Vous ne craignez pas que la situation dégénère ?

On ne souhaite pas que la situation dégénère, mais il ne faut pas qu’il y ait d’actions brutales de leur part. S’ils les agressent, nous, nous prenons l’arrière-pays, parce que nos troupes sont entre le Niger et le Mali. Nous ne sommes pas les seuls, il y a le MSA qui s’est joint à nous, le CJA, les populations civiles, le collectif « Nous pas bouger » , les femmes de Gao, etc. Donc finalement, on va arriver à une situation ou ce n’est même plus nous qui maîtrisons les choses. Parce qu’en fin de compte s’ils veulent négocier avec nous on ne pourra même plus débloquer la situation parce qu’il y aura d’autres acteurs avec lesquels il va falloir négocier, donc plus ils tardent plus le nombre d’acteurs augmente et à ce moment-là, nous on ne sera qu’un élément de l’ensemble.

Que demandez-vous pour un retour au calme ?

Pour stopper le mouvement, il faut qu’ils reviennent sur tous leurs décrets. Diagouraga lui-même nous a dit qu’il avait indiqué au gouvernement de ne pas prendre ces décrets avant qu’il ne règle les problèmes, il nous l’a dit quand il nous a reçu, il a même écrit pour dire au gouvernement que dans ce que la CMA propose, il y a de l’exclusion et qu’on doit en tenir compte, il a écrit ça quand il a envoyé les listes avant les décrets du 20 décembre. On ne sait pas ce que veut le gouvernement. Mais nous avons le sentiment qu’il ne travaille pas réellement à appliquer l’Accord de paix, c’est l’impression que nous avons. La CMA nous appelle en nous disant qu’ils veulent régler notre problème à condition de signer une charte pour dire qu’on est membre de la CMA, on ne signera pas, parce qu’on était membre de la CMA avant la charte. On avait fait des propositions à la CMA , qui l’a transmis au haut représentant qui l’a lui-même transmis au gouvernement, mais le gouvernement n’en a pas tenu compte. Finalement on ne sait pas qui ne veut pas. Nous sommes en train d’aller vers ce que nous n’avons jamais souhaité pour le Mali. Nous irons jusqu’au bout et tout ce qui arrivera dans les jours à venir est de la responsabilité du gouvernement.