Accord pour la paix : sur un fil

Confrontée à des difficultés de mise en œuvre depuis sa signature en 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’a jamais autant frôlé la rupture. Alors que le début de la Transition, en août 2020, avait suscité un espoir de relance chez différentes parties signataires, le processus de paix est à nouveau bloqué depuis décembre dernier. La médiation internationale s’active pour le relancer, mais l’avenir de l’Accord semble de plus en plus incertain.

Le désaccord persiste entre le gouvernement de transition et les mouvements armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Alors que ceux-ci (Coordination des mouvements de l’Azawad, Plateforme du 14 juin d’Alger et Mouvements de l’Inclusivité), réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), demandent la tenue d’une réunion en terrain neutre pour discuter de la viabilité de l’Accord, la partie gouvernementale rejette toute rencontre en dehors du Mali.

Les mouvements du CSP-PSD ont d’ailleurs décidé le 21 décembre 2022 de suspendre leur participation aux mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue de cette réunion avec la médiation internationale. En cause, « l’absence persistante de volonté politique des autorités de transition à appliquer l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’ Alger et l’inertie de celles-ci face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts et de déplacés dans les régions de Ménaka, Gao et de Tombouctou ».

À Kidal, Bamako indexé

Saisie début décembre pour l’organisation de la réunion en terrain neutre, la médiation internationale, accompagnée d’une délégation d’ambassadeurs d’États membres du Conseil de sécurité de l’ONU et du Comité de suivi de l’Accord pour la paix, s’est rendue le 1er février à Kidal pour échanger avec les groupes armés signataires et mieux cerner leurs attentes.

Lors de cette rencontre, les groupes armés signataires ont réitéré avec insistance la demande de tenue d’une réunion en terrain neutre et appelé la médiation internationale à raffermir sa conduite du processus de paix et à assumer ses responsabilités. Celle-ci en retour a indiqué la tenue prochaine d’une réunion de médiation élargie afin de rapprocher les positions des deux parties. « La CMA a signé l’Accord après des pressions et des garanties de la communauté internationale et elle doit tenir ses promesses. Si la communauté internationale ne peut pas forcer le Mali à mettre en œuvre l’Accord pour la paix de 2015, alors il faut penser à une autre solution et nous ne pouvons pas rester dans cette situation parce qu’elle dure depuis trop longtemps », s’est agacé pour sa part, Bilal Ag Achérif, Chef du MNLA et ancien Président de la CMA. Le Président de la Société civile de la région de Kidal a quant à lui déploré un « recul dans le processus d’application de cet Accord concrètement exprimé par les autorités de la Transition » depuis le coup d’État d’août 2020 contre IBK.

Bras de fer

Pourquoi le Cadre des groupes armés signataires insiste-il autant sur la tenue d’une réunion sur la viabilité de l’Accord en terrain neutre ? Attaye Ag Mohamed, Chef de délégation de la CMA au Comité de suivi de l’Accord (CSA), soutient qu’un terrain neutre permettrait plus de se retrouver dans l’environnement dans lequel l’Accord a été négocié il y a 8 ans à Alger. « Nous l’avons demandé pour que ce climat de discussions directes, en face à face, avec la médiation internationale puisse se créer, pour voir où se situe exactement le problème. Si c’est au niveau du gouvernement ou à notre niveau à nous ou encore si c’est la médiation internationale elle-même qui ne joue pas son rôle », explique-t-il, reconnaissant également une « confiance de moins en moins existante » sur les questions de fond.

Le gouvernement de transition, qui n’adhère à aucune rencontre en dehors des réunions du CSA, encore moins en dehors du Mali, affirme toutefois son engagement à poursuivre sans équivoque la mise en œuvre diligente de l’Accord pour la paix, mais dans les normes. « Nous, nous sommes un État. Les autres sont des mouvements signataires. Le gouvernement a indiqué que lors des réunions du CSA, pour qu’un ministre du gouvernement du Mali y participe, nous souhaitons que les principaux leaders des mouvements soient eux-mêmes présents, parce chaque fois que le gouvernement envoie des ministres, nous avons en face de nous des experts. Il y a un déséquilibre », a clarifié le ministre Abdoulaye Diop devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 27 janvier, regrettant la décision de suspension des groupes armés signataires qui va à « contre-sens de l’élan positif qui a été imprimé ces derniers mois » à la mise en œuvre de l’Accord.

Accord en danger ?

En lieu et place de la réunion demandée par le CSP-PSD, le Mali a sollicité l’Algérie, chef de file de la médiation internationale, pour la tenue d’une réunion du CSA à un niveau ministériel dès ce mois de février, pour permettre de reprendre le dialogue avec les parties signataires, a indiqué le ministre Diop. Mais, pour l’heure, le CSP-PSD, qui maintient sa suspension des mécanismes de mise en œuvre de l’Accord, n’entend pas y participer.

Selon Moussa Djombana, analyste politique et sécuritaire, bien que la tenue d’une réunion en terrain neutre puisse aider à relancer les discussions, il est possible de sauver l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali sans sa tenue, qui fait l’objet de mésententes entre le gouvernement et les groupes armés signataires. « Il faut encourager le dialogue direct entre les parties. L’engagement de la communauté internationale doit aussi être franc et sincère, tout en impliquant la société civile malienne, sans laquelle rien n’est possible en termes de décisions fortes engageant l’avenir de la Nation », préconise-t-il.

Pour certains observateurs, le blocage actuel dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger pourrait déboucher sur une rupture si les positions des parties prenantes restent tranchées. « Je ne vois pas dans l’immédiat comment le processus pourra être relancé. C’est assez difficile », confie une source proche de la médiation internationale, qui explique que le point fondamental de blocage est le transfert des grades des ex-combattants des groupes armés dans la chaîne de commandement de la nouvelle armée reconstituée. Une Commission ad hoc a été créée pour plancher sur la question, mais elle n’a guère avancé.

Dans cette atmosphère de dégradation des relations entre Bamako et les groupes armés signataires, la Coordination des mouvements de l’Azawad a annoncé la fusion de ses différents mouvements en un seul, le 8 février 2023. Une semaine plus tôt, son Président en exercice, Alghabass Ag Intalla, a procédé à la nomination d’un nouveau Chef d’État-major, le Colonel Hamad Rhissa Ag Mohamed. La nomination de cet « indépendantiste » peut être perçue selon notre source comme un message de désaccord avec le processus de paix tel qu’il est conduit actuellement par les autorités de transition.

Mais, Oumar Sidibé, Doctorant et Professeur-assistant en Relations internationales à l’Université RUDN de Russie, pense pour sa part que les récents évènements s’inscrivent dans la dynamique des rapports de force. « On peut en effet remarquer un refroidissement des relations entre la CMA et le gouvernement de transition. Mais aucun des deux n’a intérêt à mettre fin à l’Accord et à risquer de nouvelles mésaventures. Les intérêts de tous ces acteurs convergent vers la paix, mais divergent sur la façon de l’établir », analyse t-il.

Pour lui, par ailleurs, le seul acteur qui bloque l’Accord depuis des années est le peuple malien « qu’il faudrait peut-être penser à saisir par consultation ou referendum ». « Il y a une forte pression populaire et de fortes demandes en vue d’une relecture de cet Accord, pour reconsidérer certaines dispositions qui sont perçues comme anticonstitutionnelles ou discriminatoires », rappelle M. Sidibé.

Calmer le jeu

Chérif Mohamed Ousmane Ag Mohamedoun Haïdara, Président des Mouvements de l’inclusivité, dont certains seraient membres du CSP-PSD, n’est pas sur même longueur d’ondes que les dirigeants des autres mouvements signataires. Dans un communiqué publié dans la foulée de la rencontre de Kidal, il a indiqué que les Mouvements de l’inclusivité soutenaient fermement la décision des autorités de la Transition de réfuter toute rencontre inter Maliens en terre étrangère.

« Tous les mouvements signataires de l’APR ne sont pas inscrits sur les listes du CSP. De même qu’ils ne le sont pas tous sur celles de la CMA, qui tente de dissimuler son infortune sous le couvert du l’hydre toujours en gestation appelée CSP », a fustigé celui qui est également membre du CNT.

Mais, pour calmer le jeu et éviter l’escalade, le Général El Hadj Ag Gamou, chef du GATIA, a lancé dans une vidéo, le 6 février, un message d’apaisement aux différents acteurs du processus de paix, en les invitant à l’union pour venir au secours des populations qui souffrent de l’insécurité grandissante. « L’heure n’est plus au bras de fer entre responsables d’un même pays, mais à la mobilisation générale pour l’intérêt de la population, qui ne réclame que son droit à la sécurité et celle de ses biens », a plaidé le chef militaire, qui appelle à éviter une « guerre entre Maliens qui ne nous grandira pas ».

Gatia – Ganda Izo : On réclame justice

Alors que le Conseil supérieur des Imghads et Alliés venait de clôturer sa rencontre sur la paix et la cohésion sociale à Gao, un affrontement est survenu le 6 février, à l’entrée de la ville entre certains éléments du Gatia et de leurs alliés de la Coalition des mouvements et forces patriotiques de résistance (CMFPR I). Une semaine après cet incident tragique, la tension est retombée, mais on réclame justice.

« C’est un incident qui a surpris tout le monde, parce qu’il n’y avait jamais eu de problème entre éléments de la Plateforme. Ce sont des accidents qu’on ne peut pas prévoir. Maintenant, il faut gérer les conséquences », déplore Ibrahim Diallo, responsable de la Plateforme au Comité de suivi de l’Accord (CSA). Le 6 février, aux abords de la route de Bourem, un différend mortel a éclaté entre des éléments du Gatia  et ceux du CMFPR I, tous deux membres de la Plateforme. Tout serait parti d’un supposé vol de bétail par des éléments du Gatia. Selon Ibrahim Diallo, des membres du Ganda Izo ont vu des animaux qu’ils ont suspectés volés et ont arrêté ceux qui conduisaient le troupeau. Les bêtes appartenaient à certains éléments du Gatia, qui se sont donc présentés afin de clarifier la situation. Sur place, l’échange aurait été houleux et, dans l’incompréhension, le premier geste fut  fatal. « Selon la  version du Gatia, alors que leur chef parlementait avec son vis-à-vis pour avoir des explications, le Ganda Izo a ouvert le feu sur lui, le tuant sur le coup. C’est à ce moment-là que la riposte du Gatia a entrainé la mort de tous les combattants Ganda Izo présents, mis à part un », rapporte Azaz Ag Loudagdag, figure du Conseil supérieur des Imghads et Alliés. Cinq décès ont été enregistrés, quatre côté Ganda Izo et un côté Gatia.

Mais, peu après, des combattants de la CMFPR I, dont est membre Ganda Izo, auraient poursuivi ceux du Gatia impliqués dans l’affrontement jusqu’au domicile de Azaz Ag Loudagdag, saccagé par la suite. C’est grâce à l’interposition des Famas que le pire aurait été évité.

Appels au calme

Plus d’une semaine après, les tensions sont retombées, mais le CMFPR I demande justice. « Nous avons eu des réunions avec le gouverneur toute la nuit pour calmer la situation, ainsi qu’au sein de la Plateforme. Nous leur avons demandé ce qu’ils voulaient. Ils disent que c’est la justice », témoigne Azaz Ag Loudagdag. « Quand il y a mort d’hommes, ce n’est pas une question qu’on peut régler facilement. C’est à la justice de trancher maintenant », plaide de son côté Ibrahim Diallo.

Alhamdou Ag Illyene : « Il faudra panser toutes les plaies »

Du 2 au 4 février, le Conseil supérieur des Imghads et Alliés tiendra à Gao une rencontre autour de la cohésion sociale et du vivre ensemble. La question sécuritaire sera aussi au cœur des échanges, avant une autre rencontre, plus large, sur les mêmes sujets. Alhamdou Ag Illyene,  Vice-président du Conseil et ancien ambassadeur du Mali au Niger, répond aux questions de Journal du Mali sur cette initiative.

Pourquoi cette rencontre ?

La cohésion sociale, le vivre ensemble, mais aussi la sécurité, dans le cadre de l’Accord.

Quels sont les thèmes qui seront traités ?

D’abord la réconciliation. Par choix politiques et options diverses, les personnes ont été amenées à se dissocier. Cela a dégénéré par endroits et a même conduit à des conflits. Il y a des antagonismes et des conflits d’intérêts et de leadership qui ont fait que les gens se sont retrouvés de part et d’autre. Certains dans la République, certains dans les mouvements, certains dans des mouvements opposés et d’autres dans des groupes armés non signataires. Tout cela a amené des tensions qui aujourd’hui causent énormément de préjudices à la population. Il y a eu des morts d’hommes. Maintenant, il faut une normalisation. Il est important que les gens s’acceptent dans leur diversité. Certains vivent sur le même espace et sont dans des mouvements différents, à la CMA, à la Plateforme, dans des partis de l’Opposition ou de la Majorité. De 2012 à nos jours, il y a eu trop de conflits. Il faudra panser toutes ces plaies et revivre les uns aux côtés des autres.

C’est une rencontre des Imghad et Alliés uniquement ?

Pas seulement. Il y a des Imghad qui sont à la CMA et d’autres qui ne sont dans aucun mouvement, même si c’est rare. Il s’agit essentiellement de communautés des deux côtés du fleuve, Haoussa et Djerma, et de Ménaka et Kidal. Nous essayerons d’identifier les foyers de tensions pour les assainir.

D’autres communautés vivent les mêmes situations, pourquoi ne pas les associer ?

Cela est prévu lors de la grande rencontre que le comité de pilotage va organiser plus tard. Nous l’avons reportée pour des problèmes de logistiques et de calendrier. Il nous semblait plus intelligent de régler les conflits à petite échelle d’abord.  

Quelle lecture faites-vous des attaques contre la coalition MSA / GATIA à Ménaka et Gao ?

Le MSA et le GATIA sont des mouvements qui ont pris des positions, adopté une certaine ligne de conduite. La question est pourquoi ces deux mouvements seulement sont attaqués? L’Accord est très clair. Il a des principes, la paix, la réconciliation et la sécurisation, ce que le MSA et le GATIA font. Quand vous vous attaquez à ceux qui créent l’insécurité, attendez-vous à des réactions.

CMA et MSA-GATIA : la guerre des mots

Entre la CMA et le MSA-GATIA, la tension monte. Le 15 mai, le président  de la CMA à Ménaka aurait été enlevé par le MSA, puis relâché.  La CMA accuse, le MSA dément. Le même jour, des responsables du GATIA  du cercle de Gourma Rharous (Tombouctou) adhèrent au HCUA, membre de la CMA. Le GATIA  réagit.

Le 11 octobre 2017, plusieurs chefs de fraction ont démissionné du MSA, dont Siguidi Ag Maditt pour rejoindre le HCUA, membre de la CMA.  Un revirement que Moussa Ag Acharatoumane, l’un des fondateurs du MNLA et actuel secrétaire général du MSA ne digère pas, mais  considère de même  sans impact.

Le démissionnaire du MSA, Siguidi Ag Madit,  devenu président de la CMA à Ménaka a été enlevé le 15 mai 2018 alors qu’il sortait d’une mosquée. Le 2ème  adjoint au maire de Ménaka est aussi le chef de la fraction Idoguiritane de la communauté Daoussahak .

La CMA, dans un communiqué publié le lendemain informe que l’intéressé a été enlevé « par un certain Almahmoud Ag FANGAS, homme de main de Moussa Ag Acharatoumane ». Le communiqué poursuit : « cette montée verbale, suivi des enlèvements pourrait mettre à mal les relations déjà entamées entre la CMA et cette milice dans la zone de Ménaka. Les hommes de cette milice sont à leur énième fois de s’en prendre ouvertement à des populations pour leur appartenance à la CMA », accuse ainsi la coordination. La réponse ne s’est pas faite attendre. Le MSA, lui aussi, dans un communiqué dément ce qu’il qualifie d’ « allégations mensongères et honteuses  dictées par le HCUA ». Il rappelle que le contentieux qui a opposé Siguidi Ag Madit et Almahmoud Ag Fangas « a été réglé à l’amiable et en famille », excluant toute implication d’un quelconque mouvement.  Le MSA dit « condamner l’intimidation orchestrée par les groupes armés terroristes (GAT) à l’endroit des populations des régions de Ménaka, Gao et Tombouctou au profit du HCUA. » De même, il accuse le HCUA d’avoir assassiné deux de ses officiers,  et enlever puis massacrer plusieurs civils », soutient-il.

 CMA et GATIA : la discorde

Le 15 mai 2018,  des élus et notables du cercle du Gourma Rharous démissionnent du GATIA et adhèrent au HCUA. Dans le même communiqué du 16 mai, la Coordination des Mouvements de l’Azawad s’était réjouie de la nouvelle estimant que ce « retour n’est qu’une délivrance du joug du GATIA ». Par la même occasion, elle informe que « depuis un certain temps, des communiqués de certains responsables du GATIA affichent une rhétorique tendant à mettre à mal les accords du 20 septembre 2017 signés entre la CMA et la Plateforme », note la déclaration, appelant « à la retenue et au sens élevé de responsabilité. »

De son côté, le GATIA dans son communiqué du 16 mai,  dit prendre acte de cette  démission et  « informe que ces revirements s’opèrent en application des directives des Groupes Armés Terroristes, qui viennent d’arriver massivement dans le Gourma », réplique-t-il.  Il invite les acteurs du processus  de paix « de cesser de se voiler la face et à faire face à la réalité en dénonçant et combattant la collusion que certains mouvements signataires continuent d’entretenir avec les Groupes Armés Terroristes » conseille le communiqué.

La flambée de ses  échanges  est  indicatrice des divergences entre la coalition MSA-GATIA et la Coordination des Mouvements de l’Azawad.  Pour l’heure,  les différents mouvements appelle à sauvegarder les acquis et réaffirment leur volonté de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Ménaka : au moins 40 personnes tuées par des hommes armés

 

 

Les affrontements entre la coalition MSA/ GATIA et des groupes armés dans la région de Ménaka ne cessent de faire des victimes de part et d’autre. En 48 heures, 43 personnes de la communauté Daoussahak, étoffe principale du MSA,  ont été tuées par des hommes dans cette zone.  Terrorisme ou guerre communautaire ?

Dans l’après-midi du  vendredi 27 avril, plusieurs sources locales et  ainsi qu’au  près du Mouvement pour le Salut de l’Azawad  font état de 31 personnes  tuées de la communauté Daoussahak dans la région de Ménaka  près d’Infoukaretane, non loin de la frontière nigérienne.  L’évènement  a eu lieu dans la localité de Wakassa où des hommes armés  ont  abattu dans un campement un  nombre important de civiles. « Il y a douze personnes qui ont été tuées hier à Aklaz vers Anderanboukane et  31 autres  aujourd’hui   à Wakassa », confirme Mohamed Ag Albachar, porte-parole du MSA. La communauté ciblée, les Daoussahak , sont l’âme même du mouvement que dirige Moussa Ag Acharatoumane, le MSA . En coalition avec le Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA), les deux groupes  affrontent depuis des mois des groupes dits ‘’terroristes’’ ou ‘’criminels’’ sévissant dans cette zone entre la frontière malienne et nigérienne. Ils ont maintes fois sollicité l’aide de la communauté internationale et du gouvernement malien pour faire face à leurs ennemis.  La force française Barkhane les a finalement ralliées dans la lutte. Des bombardements et des renseignements ont été décisifs dans les récents affrontements meurtriers  à l’ouest de Ménaka.

Accusée d’exactions sur 93 personnes dans plusieurs localités de la région, l’un des dirigeants de cette coalition, notamment Moussa Ag Acharatoumane a démenti instantanément le directeur de la division des droits de l’homme de la MINUSMA, auteur des révélations, Guillaume N’guefa.  Pour le secrétaire du mouvement, le combat qu’ils mènent vise  des ‘’criminels’’ et se refuse de le qualifier autrement. Il avait aussi avancé qu’il s’agissait de défendre leur communauté de ces genres d’attaques barbares.

Toutefois, le contentieux existant entre la communauté Daoussahak et celle des peuls dans cette partie pourrait être aussi la cause de tous les débordements.  Une thèse,  même si écartée jusque-là  par certains, reste très plausible. «  C’est la mafia qui opère le long de la frontière avec le Niger. Il y a une rencontre entre  toutes  les communautés de la zone frontalière, organisée par   l’ONG HD, à Niamey. Je pense que  l’objectif est de la saboter », suppose le porte-parole du MSA. De tout temps, ces responsables du mouvement n’ont  qualifié ceux avec qui ils sont en guerre  ni des terroristes ni des djihadistes.

Dans un communiqué  datant du 27 avril, le MSA dit condamner ‘’ avec la plus grande fermeté les crimes de masse perpétrés par des criminels sanguinaires, sans foi ni loi contre des populations civiles IDAKSAHAK sans défense. ‘’  Il invite par cette occasion la division de droits de l’homme de la MINUSMA et les autres organisations du même domaine à mener des enquêtes pour situer les responsabilités.

Le contexte sécuritaire complexe, avec la présence de l’émir de l’Etat islamique dans le Grand Sahara qui s’appuie sur un recrutement local complique davantage une issue heureuse à la situation.  Une certitude, le sang n’a pas fini de couler dans cette nouvelle région qui aspire pourtant à la paix et au développement.

 

 

Talataye : Vivre dans la peur

Depuis une dizaine de jours, la commune rurale de Talataye, une localité isolée située dans le cercle d’Ansongo, est en proie à de vives tensions. Terrorisme ou conflit interethnique, enjeu sécuritaire et jeux d’intérêts entre groupe armés, ont installé un climat délétère dans cette commune, restée longtemps dans le giron de la CMA et qui vit depuis des années comme repliées sur elle-même.

En ville, quand ils sortent, les gens ne s’attardent plus, le marché de Talataye d’habitude très fréquenté qui attire les samedi, forains, éleveurs et commerçants des alentours, comme du Niger et de l’Algérie a désempli, la peur et l’incertitude ont gagné la population depuis l’attaque par des hommes armés non-identifiés, le 2 février dernier, du village voisin d’Inwelane, qui a fait 4 victimes, dont l’imam de la mosquée pris en otage puis égorgé par les assaillants. La présence d’un important contingent du Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA ) épaulé par le GATIA ( Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés ), qui ont pris en chasse ces hommes armés qualifiés de djihadistes, au lieu d’amener la sécurité et l’apaisement semble avoir exacerbé les tensions. « Le MSA, après avoir pourchassé les présumés djihadistes, est revenu en armes à Talataye quatre jours plus tard. Ils nous ont dit que ceux qui ont attaqué Inwelane étaient des djihadistes et qu’ils avaient été guidés par des gens de Talataye. Ils cherchaient 5 personnes, mais ils ne les ont pas trouvées, car la plupart des hommes apeurés ont quitté le village ne laissant que les femmes et les enfants. C’est là que le harcèlement, les arrestations et les violences ont commencé et ont duré 3 jours », confie amèrement ce commerçant, affecté psychologiquement et qui songe depuis ces événements à quitter la commune. Pour le MSA, dans cette localité où l’on tient à la mosquée des prêches rigoristes, où on contraint les femmes à ne pas se rendre au marché et à se vêtir convenablement, la proximité de certains habitants avec les djihadistes ne semblait faire aucun doute.

Pourtant, dans la commune, bien que l’on ne sache pas réellement qui sont les assaillants, la thèse d’une attaque commise par des éléments djihadistes ne convainc pas vraiment. Les regards se tournent plutôt vers Inwelane où quelques semaines auparavant un éleveur peul a été assassiné et son bétail volé par des hommes armés du village, un état de fait loin d’être rare dans la zone.

Djihadistes ou conflit interethnique ?

« Les gens d’Inwelane et de Talataye appartiennent à la même communauté, les Daoussahak. La majorité des combattants du MSA viennent du village d’Inwelane et ils sont tous armés là-bas. Les gens de Talataye ont désapprouvé l’assassinat de ce Peul, ils en ont même appelé à la justice pour dire qu’ils ne veulent pas de ça chez eux, qu’ils ne veulent pas de problème avec d’autres communautés, une position qui n’a pas vraiment été appréciée à Inwellane. Je pense que cette attaque était surtout un règlement de compte. Si le MSA préfère dire que ce sont des terroristes, c’est peut-être qu’en disant cela ils pensent pouvoir obtenir un soutien du gouvernement ou de la communauté internationale», affirme cet habitant de la commune sous anonymat.

Un avis partagé par Salah Ag Ahmed, le maire de Talataye : « Je ne peux pas dire que ceux qui ont attaqué Inwelane sont des terroristes. Mais ils étaient majoritairement composés de Peuls et malheureusement les gens, dans l’ignorance, considèrent que tous les Peuls sont avec les terroristes. Quand les gens ont appris qu’un Peul avait été assassiné et volé, ils ont tout de suite su qu’il y aurait une réaction et ça n’a pas tardé », explique-t-il.

En dehors de cette attaque qui semble être à forte connotation ethnique, un autre enjeu, en forme de bras de fer, oppose la population de Talataye au MSA : la sécurisation de la commune, dans laquelle le mouvement armé aimerait implanter un poste de sécurité.

Sécurité et jeux d’intérêts

À Talataye, on voit d’un très mauvais œil l’installation d’une force armée dans le village, qui pourrait remettre en question la paix relative qui règne dans la commune. « La population de Talataye était en parfaite entente avec tous ses voisins, l’arrivée d’un groupe armé va créer plus de problèmes. S’il y a des attaques, la population dans sa grande majorité préfère que ce soit résolu d’une autre manière que par la force, parce qu’avec la force des représailles s’ensuivront. », soutient le maire de la commune. « Je n’ai aucune confiance dans les groupes armés, car ils sont comme les terroristes, ils ne suivent aucune loi, ils font ce qu’ils veulent », assène cet autre habitant.

Reste que la commune de Talataye demeure une zone convoitée par les groupes armés car elle est en quelque sorte une plaque tournante entre l’Algérie et le Niger. Le marché y est très important d’un point de vue économique et ces retombées conséquentes pourraient permettre à ces groupes de financer certaines de leurs activités. « C’est une zone qui a longtemps échappé au contrôle des mouvements armés qui sont vers Ménaka, le GATIA et le MSA , ça devient même un défi pour eux de la contrôler », explique Salah Ag Ahmed

« Moussa Ag Acharatoumane, le Général Gamou, Alghabass Ag Intalla, ils sont tous venus à Talataye, ils ont fait des réunions avec les responsables de la localité. ils veulent avoir leur part dans la gestion de la commune, car c’est une zone importante. Je pense que la population préférerait être sécurisée par le HCUA ( Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ) puisque le maire est de ce mouvement. Il habite à Kidal et vient très rarement ici. Il doit certainement y avoir une rivalité entre la CMA ( Coordination des mouvements de l’Azawad ) et le MSA pour contrôler la zone », ajoute cet élu d’un village voisin.

À Talataye, un des villages où le drapeau du MNLA ( Mouvement national de libération de l’Azawad ) a flotté pour le première fois avant même l’éclatement de la rébellion, cette question de la sécurisation de la commune a pour le moment engendré un statu quo. Le MSA est parti avec armes et bagages, en début de semaine, en direction d’Indelimane, mais la population sait déjà qu’ils reviendront. La gestion de cette petite localité du cercle d’Ansongo reste un enjeu pour ces groupes armés qui ne semblent considérer la population que comme un faire-valoir à sécuriser, posant par la même des questions qui pour le moment restent sans réponse : peut-on protéger une population contre son gré ? et qui protégera cette population de ses protecteurs ?

Fahad Ag Almahmoud de GATIA : « la lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le DDR »

Le Commandant de la force Barkhane au Mali a parlé lors d’une conférence de presse le 21 novembre dernier de « collusion » entre certains groupes armés signataires de l’Accord et des mouvements djihadistes. Le Secrétaire général du GATIA, membre de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud, se dit surpris de ces accusations venant d’une force censée combattre le terrorisme.

Journal du Mali : Comment réagissez-vous à ces accusations ?

Fahad Ag Almahmoud : Ce n’est pas la première fois qu’on parle de collusion entre groupes armés et terroristes. Ce qui me surprend, c’est que les accusations viennent de ceux qui doivent combattre le terrorisme. C’est comme si un gendarme disait : « je connais certains d’entre vous qui sont des criminels » et passait sans les appréhender. Si Barkhane estime qu’un individu a des liens avec les terroristes, elle doit prendre les dispositions qui s’imposent, faire une enquête et livrer l’intéressé à la justice, non se contenter de dénoncer.

De quels groupes armés s’agit-il ?

C’est à Barkhane de préciser de quels groupes il s’agit. Tout le monde dit que les groupes signataires et les terroristes sont des vases communicants. En 2012, pratiquement tout le monde a adhéré à Ansar Dine, au MUJAO et à AQMI. A l’arrivée de Serval, ceux qui étaient censés avoir été « récupérés » ont gardé des contacts. Les États qui combattent le terrorisme sont mieux placés que nous pour le savoir.
Un Commandant de la force Barkhane à N’Djamena affirme que « des groupes valident à Bamako des règles qu’ils n’appliquent pas sur le terrain ». Est-ce vrai ?
Ce n’est pas précis. C’est au gouvernement malien de se plaindre de la non application des décisions prises à Bamako. C’est à lui que revient la mise en œuvre de l’Accord, car c’est à lui que devra revenir le contrôle de tout le territoire.

Ces allégations expliquent-elles le retard dans la mise en œuvre de l’Accord ?

En partie. Les gens qui n’aiment pas la paix et qui travaillent pour d’autres agendas peuvent retarder cette mise en œuvre. Mais, je ne pense pas que le retard soit imputable à une seule partie. Chacune a sa part de responsabilité.

Barkhane prévoit d’interdire la circulation à tout convoi de plus de cinq véhicules sans autorisation. Allez-vous collaborer ?

Je ne pense pas que les groupes armés circulent sans avertir la Minusma ou sans ordre de mission. Il serait plus sage pour Barkhane et tous les acteurs d’accélérer le mécanisme de DDR. La lutte contre le terrorisme passe inévitablement par le désarmement des groupes armés signataires. Tant qu’il y aura des individus en armes en dehors de l’armée nationale, elle sera inefficace.

Songhaï et peuls enterrent la hache de guerre

À Tassiga, samedi 26 août, s’est achevé une rencontre intercommunautaire rassemblant une centaine de participants de la commune de Bourra pour mettre un terme aux conflits qui opposent la communauté Songhaï à la communauté peule de la commune. À l’issue de cette rencontre, les deux communautés ont décidé de cesser les hostilités et de travailler ensemble pour le retour de la paix.

Le climat de suspicion et de terreur qui régnait dans la commune de Bourra pourrait être en passe de n’être plus qu’un mauvais souvenir. C’est du moins ce que les populations de la commune, habituées aux attaques et braquages espèrent. Alors que s’est achevé, samedi dernier, une rencontre qui a réuni, autour de l’ancien premier ministre Ousmane Issoufi Maiga, natif de Bourra, les leaders des communautés peules et songhaï, les chefs traditionnels, marabouts, chef des mouvements armés, jeunes et femmes de la commune et des alentours.

Durant ce forum, tous ont pris l’engagement d’arrêter les affrontements pour privilégier la paix et s’en remettre aux mécanismes de résolution des conflits en cas de problèmes. « Si par hasard, il y a des dérapages par-ci par-là, ils devront s’adresser immédiatement aux leaders communautaires, aux chefs traditionnels, à la commune, pour toujours essayer de résoudre les problèmes à l’amiable et qu’il n’y ai plus jamais ça », explique Ahmadou Cissé, ancien maire d’Ansongo.

Dans le cercle d’Ansongo, affrontements et violences entre les communautés daousak, peules et songhaï, sont fréquentes. Le GATIA intervient souvent lors des événements comme les foires pour sécuriser et dissuader le banditisme. Beaucoup de jeunes de ces communautés ont rejoint les mouvements armés qui sont aussi en conflit ouvert. La signature récente d’une entente entre Imghad et Daousak semble s’inscrire aussi dans une dynamique de paix dans cette zone qui vit dans une insécurité quotidienne, même si certains préfèrent rester prudents. « Je crois que tout ira bien, mais il y aura quand même des dérapages, parce que le vol de bétails c’est devenue une sorte de coutume par ici. Avant, ça se faisait sans armes mais aujourd’hui avec les armes ça donne une autre dimension. Mais bon, en tous cas, il se sont engagés », lance cet habitant de la commune de Bourra, joint au téléphone, qui attend «quand même de voir ».

Guillaume Ngefa : « Notre rôle, c’est d’établir la vérité »

 La Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA est un pilier fondamental de la mission onusienne. Les personnes qui y travaillent assurent la protection et la promotion des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. La découverte récente de fosses communes dans la région de Kidal et la libération de 9 enfant soldats enrôlés dans les mouvements armés ont, pour un temps, mis sur le devant de la scène cette division très informée et qui cultive la discrétion. Guillaume Ngefa, son Directeur, a répondu aux questions du Journal du Mali sur son travail quotidien dans un contexte de violence et d’insécurité.

Quel est le rôle de la division des Droits de l’Homme de la Minusma ?

C’est la composante de la mission qui a reçu mandat de surveiller la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, d’aider à enquêter sur les abus et les violations des droits de l’homme, de les documenter et de les rendre publics et de contribuer au renforcement des capacités des institutions nationales, ainsi que des organisations non-gouvernementales. Nous aidons aussi à l’administration de la justice.

Faites-vous aussi de la sensibilisation ?

Le volet sensibilisation est une composante essentielle de notre travail. Nous conduisons une série de formations des forces de défense et de sécurité maliennes, en coopération avec l’EUTM et l’EUCAP, qui forment la police et la gendarmerie. Nous avons des programmes de renforcement des capacités des organes chargés de l’administration de la justice. Chaque année nous organisons une formation avec l’institut des droits de l’homme de Strasbourg sur le droit international, les droits de l’homme et le droit humanitaire, nous en sommes à la quatrième.

Quel est votre rôle face à des abus et des violations graves des droits de l’homme ?

Les violations du cessez-le-feu peuvent s’accompagner d’abus ou de violations des droits de l’homme. Nous devons enquêter, faire la lumière et rendre nos conclusions accessibles au public via un rapport. Nous recevons toutes sortes d’allégations, de plusieurs sources : victimes, chefs de villages, sources journalistiques, témoins. Nous les vérifions pour les corroborer, voir si elles sont vraisemblables. Car elles peuvent être fictives, minimisées, exagérées ou utilisées à des fins totalement politiciennes. Vu la complexité de certaines situations, on déploie d’abord une mission d’investigation. Quand on a assez d’éléments, on déploie une mission d’établissement des faits pour les vérifier et les déterminer. Ce devoir de vérification permet aux victimes de connaître la vérité et à la justice d’ouvrir des enquêtes pour que les auteurs répondent de leurs actes.

Comment cela s’est- il passé pour les fosses communes découvertes dans la région de Kidal ?

Nous documentons et suivons cela depuis juillet 2016, lorsque les affrontements ont commencé entre le Gatia et la CMA. Après vérification, nous sommes arrivés à 67 allégations de violations des droits de l’homme. C’est dans l’établissement des faits que nous avons découvert deux fosses communes et deux tombes individuelles. Jusqu’à maintenant, nous avons 34 cas d’abus sérieux qui ont été commis aussi bien par le GATIA que par la CMA. Les conclusions de nos enquêtes sont partagées avec les groupes armés. Le but est qu’ils assument la responsabilité de ce qui s’est passé. Les faits commis peuvent faire l’objet d’enquêtes judiciaires.

Comment faites-vous pour ne pas être manipulés par les uns ou les autres ?

On tente de nous manipuler, ça fait partie du jeu, mais les informations sont collectées, vérifiées. On ne s’appuie que sur des fait établis. Si ce n’est pas vérifié, on parle d’allégation. Il y a eu un mois d’enquête en ce qui concerne les fosses communes de Kidal. Les 33 allégations qui restent doivent passer par tout ce processus. L’enquête doit continuer, il y a des éléments manquants.

Une fois les responsabilités établies, que va-t-il se passer ?

Nos enquêtes ne sont pas des enquêtes criminelles. Ce sont des informations mises à la disposition de la justice pour qu’elle ouvre une enquête criminelle. C’est à elle de dire le droit, de qualifier les faits et de déterminer la sanction prévue par la loi malienne. Il est important que la justice fasse son travail.

 La justice s’est-elle saisie de précédents rapports que vous lui avez transmis ?

Nous avons produit trois rapports, sur Kidal et Tin Hama notamment. Ils ont été transmis à la justice. Maintenant, il faut leur poser la question. Notre travail est important dans le processus de paix, ça rassure les gens, au moins ils savent que l’impunité ne continue pas.

Kidal : Cessez-le-feu dilatoire

Un accord de cessez-le-feu entre le GATIA et la CMA sera-t-il  juste un intervalle entre deux guerres ? La question mérite d’être posée tant ces deux mouvements convergent dans leur volonté réciproque de cesser les hostilités et de faire avancer la paix, tout en excellant en manœuvres dilatoires pour ne pas y parvenir, comme si l’arrêt des hostilités et le retour de Kidal dans le giron de la République n’étaient pas leurs seules priorités.

Dimanche 13 août en soirée, dans un communiqué, la Plateforme, « soucieuse du rétablissement de la paix et de la sécurité au Mali », déclarait « la cessation unilatérale des hostilités à compter du lundi 14 août à midi ». Une déclaration attendue, un ticket pour prendre « le train en marche », dont la locomotive est tractée depuis juillet par la CMA, sortie vainqueur des combats qui ont embrasé la région de Kidal. Forte de ses victoires écrasantes sur le terrain, la Coordination s’est enhardie, rajoutant une condition « non coercitive » à un possible accord. « Nous souhaitons que chacun retourne dans les positions du cessez-le-feu de 2014. Nous capitalisons sur notre position de force, c’est un peu logique », explique ce cadre du HCUA, renvoyant la balle dans le camp adverse.

Pour Fahad Ag Almahmoud, Secrétaire général du GATIA, on ne peut pas poser de nouvelles conditions car les conditions sont déjà posées par l’accord. « L’Accord lui-même est un cessez-le-feu. La communauté internationale a fait pression sur nous pour que nous fassions une déclaration de cessez-le-feu, on a renoncé à toutes les hostilités qui pourraient compromettre la mise en œuvre de l’Accord. Ceux qui veulent encore signer un cessez-le-feu prouvent leur mauvaise volonté ! ». Un avis que partage cet ex-membre de la CMA, observateur désabusé de ces revirements successifs, « Vous savez, personne ne fait la paix dans l’humiliation, donc je ne vois pas le GATIA signer un document qui n’apporte rien de nouveau ». À la CMA, on soutient que ce serait « un engagement formel au lieu d’un simple communiqué » entre les deux belligérants.

Si les deux camps s’accordent, chacun de leur côté, sur la nécessité de mettre en place le MOC à Kidal et de favoriser le retour de l’administration, la question du chronogramme reste posée. « Nous acceptons que le gouverneur aille rapidement à Kidal, dès demain s’il le faut », répond Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Une acceptation difficile à concrétiser, puisque ce grand commis de l’État, membre de la Plateforme, a déjà signifié qu’il ne se rendrait pas à Kidal si sa sécurité est assurée par la CMA. Autre difficulté, installer un MOC avec 3 parties et faire cohabiter ces ennemis de toujours au sein des mêmes patrouilles. « On ne peut pas mettre ensemble des hommes qui se tiraient dessus il y a peu. Aucune mesure de confiance n’est entamée pour cela » affirme le porte-parole de la CMA. Sur le cantonnement des mouvements armés, la Plateforme demande, conformément à l’accord, qu’une fois le MOC et les patrouilles mixtes installés, tous les groupes soient désarmés et rejoignent leur site de cantonnement. Une mesure qui semble déranger la CMA, qui s’inquiète des conditions logistiques et d’hébergement de ses troupes et tourne son regard vers Gao. « On accepte ce pré-cantonnement même si c’est problématique, mais est-ce que les autres vont nous accompagner ? Il ne faut pas qu’il y ait un précédent spécifique à Kidal, il faut donc que soit aussi pré-cantonnées les forces de Gao. On accepte mais à condition qu’il en soit de même pour elles », déclare ce cadre de la CMA

Pourtant, la Coordination a plusieurs fois donné son accord pour qu’une fois le MOC installé à Kidal, tous les groupes armés rejoignent leurs sites de cantonnement. « Ils parlent du MOC, du cantonnement mais ils le veulent dans un autre format. La durée du MOC est prévue pour 45 jours. Celui de Gao a déjà un an et a coûté, selon le gouvernement, au contribuable malien, près de dix milliards, on a perdu beaucoup de temps. Chacun peut faire son chronogramme, mais on sera de toute façon amenés à élaborer un document consensuel », souligne le Secrétaire général du Gatia. « Si l’Accord est appliqué, nous sommes sûrs de recouvrer Kidal, parce que dès qu’il y aura des élections libres, nous allons les gagner. Le maire est de chez nous, le député aussi. Nous n’avons rien à craindre, nous sommes de Kidal, nos familles sont à Kidal, c’est notre fief ! Ce sont eux qui ont peur que nous revenions », affirme Azaz Ag Loudag Dag, doyen du Conseil supérieur des Imghads. « On va constater sur le terrain si cette déclaration de fin des hostilités est suivie d’effet, on va rester vigilants et attendre de voir s’ils vont poser des actes », avertit Ilad Ag Mohamed.

On peut en effet se demander si cette nouvelle tentative de remettre sur les rails le processus de paix fonctionnera après autant de déraillements. « À Bamako, les dirigeants de la CMA font tout pour avoir un cessez-le feu et essayer de négocier les doléances que Mahmoud Dicko a rapporté. Ce qui les arrange, c’est que les gens du Gatia ne fassent pas parti du MOC, qu’ils ne viennent pas troubler leurs affaires. À Kidal, la plupart des gens pensent que ce n’est pas la fin mais peut-être le début de grandes hostilités. Ici, tout est communautarisé, les armes, les véhicules, sont payés par les communautés, par les chefs de fraction, les notabilités. Tant que les Imghads seront en guerre contre les Ifoghas, tant que la CMA n’aura pas réglé ses différents avec le GATIA, je ne vois pas comment ils pourraient cohabiter, peut-être seulement sur le papier », ironise cet habitant de Kidal.

Sidi Brahim Ould Sidati : « C’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester derrière »

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a remporté, ces dernières semaines, des victoires décisives sur son adversaire, la Plateforme, dans le conflit de position qui les oppose depuis le 6 juillet dernier. Avec la reprise de Ménaka, vendredi 28 juillet, la CMA confirme sa domination. Reste maintenant à mettre en œuvre un processus de paix que ces différents conflits violents ont considérablement mis à mal. C’est dans ce contexte que l’actuel président de la CMA, Sidi Brahim Ould Sidati, nous a reçu dimanche 30 juillet à Bamako, pour une discussion à bâtons rompus sur les tenants et aboutissants d’une crise dont personne ne peut dire pour le moment quand et comment elle sera réglée.

Depuis le 6 juillet, la mise en œuvre de l’Accord est bloquée et les affrontements entre la Plateforme et la CMA ont repris. Pourquoi ce recours aux armes ?

Vous savez, les populations ont vu la lenteur de la mise en œuvre de l’Accord. Elles ont aussi vu les exactions que faisait le GATIA sur les populations civiles, malgré plusieurs interpellations adressées à la MINUSMA, aux droits de l’Homme, à tout le monde. Tous ont été indifférents à ce qui se passait en dehors de Kidal, les spoliations, les enlèvements de biens, les exécutions. Ils sont allé jusqu’à brûler des civils dans des puits. La CMA a été acculée par ses propres populations. Nous avons fait face à une crise interne. La population de Kidal a failli marcher contre nous pour dire on est plus d’accord avec cette inaction. Nous avons  été obligés de réagir. C’est pour cela qu’il y a eu des actions le 6 et le 12 juillet, pour attaquer les patrouilles du GATIA et défendre les territoires que la CMA devait occuper à la signature du cessez-le-feu.

Plusieurs tentatives de parvenir à un cessez-le-feu ont échoué. Pour quelles raisons ?

Quand nous avons repris Anefif et que le GATIA en est sorti, nous avons demandé un cessez-le-feu, pour obliger chacun à rester sur ses positions, et pour qu’on relance la mise en œuvre du chronogramme, l’arrivée des Famas et du MOC à Kidal. Le 18 juillet, les 3 parties maliennes, avec l’aide de la Commission de bons offices dirigée par l’imam Dicko, sont tombées d’accord sur un texte consensuel et se sont engagées à l’arrêt des hostilités. A notre grande surprise, le 19 juillet, la Plateforme n’est pas venue signer. Ils ont refusé de signer pour récupérer de nouvelles positions sur le terrain, parce que la conservation des positions de chaque partie en cas de cessez-le-feu les dérangeait. Tant qu’on attend un cessez-le-feu que les autres refusent, on ne peut pas avancer et rentrer dans la dynamique d’un chronogramme réalisable. Nous avons donc décidé d’avancer. Quand on sera parvenu à mettre sur pied l’embryon du MOC, quand ils seront prêts à faire le cessez-le-feu et à travailler sur des mesures de confiance, ils prendront le train en marche. Nous avons déjà connu cela, notamment à la CEN. Dans le processus de paix on a suffisamment pris le train en marche, aujourd’hui c’est à notre tour d’embarquer ceux qui veulent rester en arrière.

 Votre entrée à Ménaka a surpris tout le monde. Les autorités maliennes ont dit que c’était « contraire à l’Accord de paix ». Pourquoi avoir pris la ville ?

Quand Ménaka a été repris à la CMA, en violation de tous les arrangements sécuritaires, nous n’avons pas vu un communiqué ou une déclaration du ministère de la Défense, disant que l’action menée par les troupes de la Plateforme contre la CMA était une violation de l’accord. Nous considérons que nous avons juste repris notre dû. Le gouvernement ne peut pas accepter le MSA et Ganda Koy à Ménaka et dire non à la CMA. Nos gens sur place ce sont des Maliens, des gens de Ménaka qui ont leurs familles là-bas. Cette politique de deux poids deux mesures doit cesser si le gouvernement veut se comporter comme tel. Toutes les manipulations, toutes les manigances pour reprendre Kidal ont échoué. Vu que cette milice, qui entravait l’Accord, a été mise en déroute, le gouvernement devrait en profiter pour relancer sa mise en œuvre. Aujourd’hui, à Ménaka les Famas et la CMA, les belligérants d’hier, se parlent, participent à la sécurisation des populations ensemble. C’est donc déjà quelque chose de positif. On est entré sans tirer une balle, on s’est compris avec les différentes forces sur le terrain, on n’est pas venu prendre des positions à qui que ce soit. Nous occupons notre place en tant que ressortissants de Ménaka. La place du GATIA n’a pas été prise. Le jour où il sera disposé à faire la paix, il pourra venir la prendre. La CMA est là et est toujours disponible pour aller de l’avant. Nous sommes prêts à mettre ça derrière nous.

 Cette crise de confiance entre le gouvernement et la CMA est aussi une entrave à la mise en œuvre de l’Accord ?

Le GATIA est à la base de cette crise de confiance depuis l’accord de juin 2015 avec le gouvernement. On signe un accord, la cessation des hostilités, et au même moment vous avez un bras armé qui vous harcèle. Tout ce qu’il fait est autorisé par le gouvernement malien, il est applaudi et même encouragé. Le GATIA n’a jamais été dénoncé par le gouvernement, pourtant il a violé l’accord plusieurs fois en s’attaquant à la CMA. Cette crise de confiance nous empêche d’avancer. Dans le raisonnement du gouvernement, tant qu’il n’y a pas le GATIA à Kidal, cela veut dire qu’il n’y a rien à Kidal. Le GATIA est une partie de l’armée malienne, on l’a dit au ministre de la Défense. On lui a demandé de rappeler à l’ordre son Géneral (Gamou – ndlr), d’arrêter tout ça. Tant qu’une situation de confiance ne se créée pas, on ne pourra pas avancer.

 Donc, vous pensez que le gouvernement est aussi responsable de l’instabilité qui sévit dans la région de Kidal ?

Nous savons qu’il y a des officiers de l’armée malienne qui sont pris dans les combats, leur matériel est sur le terrain. L’Accord est un cadre où tout est à discuter. Pour eux, la seule partie belligérante c’est la CMA. Il faut l’affaiblir pour que le gouvernement ne mette pas en œuvre l’Accord tel qu’il est écrit dans les textes. Pour cela, ils ont créé le MSA, ils ont divisé la CJA, créé le MPCA, la Plateforme. Ils pensent que la CMA est devenue faible et qu’elle se limite à Kidal. Ils se rendent compte aujourd’hui qu’ils se sont trompés. L’objectif n’est pas seulement d’arriver à Kidal, mais de savoir combien de temps ils vont pouvoir y rester, surtout s’ils n’ont pas l’adhésion de la population. C’est pour cela qu’ils ont appelé l’imam Dicko. Il faut vraiment créer un dialogue malien, il faut que les Maliens s’acceptent entre eux. Dicko voit plus loin que les composantes CMA – Plateforme, il touche le fond même du problème : le fait que les Maliens s’acceptent entre eux, que l’essence de la population malienne de Kidal accepte le gouvernement, accepte les Famas, dans une acceptation au sens africain, malien du mot, pas seulement dans les écrits.

Sidi Brahim Ould Sidati, Me Harouna Toureh et le Général Elhadji Gamou à Ménaka, pour l’installation des autorités intérimaires.

 Le GATIA affirme que des renforts djihadistes ont aidé la CMA durant les affrontements. Pouvez-vous clarifier cette affirmation ?

La CMA n’a pas disparu, c’est la même CMA qui occupait les 5 régions du Nord, c’est la même CMA qui est à Kidal, qui a aussi des positions dans la région de Tombouctou, jusqu’à la frontière de la Mauritanie, dans la région de Gao. Ces hommes ne se sont pas volatilisés, les armes qu’ils avaient ne se sont pas volatilisées. Avec la propagande véhiculée par la Plateforme et la presse malienne, les gens ont cru que la CMA n’existait plus. La CMA est à Kidal, elle est avec Barkhane, avec la MINUSMA. Les islamistes ne peuvent pas s’organiser avec la présence de Barkhane sur le terrain,  ses appareils, ses satellites et ses drônes. Ils sont à la recherche des djihadistes tous les jours, c’est impossible qu’il se rassemblent aujourd’hui. Ce qu’ils font, c’est poser des mines ou commettre des attaques à motos, c’est tout.

 Toutes les tentatives pour faire revenir l’administration à Kidal ont toujours été des échecs. Au fond, est-ce possible ?

Aujourd’hui, j’encourage la mission de bons offices, parce qu’ils vont essayer de concilier les positions de la société civile de Kidal et de la CMA pour que les gens soient moins hostiles à l’armée et aux symboles de l’Etat. Nous avons un chronogramme avec le gouvernement. Dès qu’on signera la fin des hostilités, la mise en œuvre du chronogramme sera immédiate. Aujourd’hui, il est très difficile de le faire alors que les gens sont en train de s’affronter. On s’entend avec le gouvernement, avec le MSA, avec le MPCA, avec Ganda Koy, avec le MAA. Il manque seulement une composante à convaincre. Nous sommes aujourd’hui en position d’appliquer l’accord, il s’agit simplement de le vouloir.

 

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Ménaka, nouvelle prise stratégique de la CMA

Les affrontements entre la CMA et le GATIA, qui avaient repris le mercredi 26 juillet 2017 à une quarantaine de kilomètres de Kidal se sont transportés jusque dans la région de Ménaka. Le vendredi dernier, aux environs de 18 heures, une vingtaine de véhicules de la CMA sont rentrés dans la ville sans violence, le GATIA ayant plutôt déserté la ville la veille.

L’échec de la signature d’un cessez le feu, mercredi 19 juillet dernier, à Bamako, entre la CMA et la Plateforme, a fait place aux combats dans plusieurs localités de la région de Kidal. Le GATIA à l’issu de ces affrontements a enregistré des lourdes pertes, avec notamment des prisonniers aux mains de la CMA. Les combattants du GATIA auraient abandonné la région pour se replier sur la région de Gao. C’est dans ces conditions de défaite que la CMA, galvanisée par ses succès remportés, a pris le contrôle de la ville de Ménaka, vendredi 28 juillet aux environs de 18 heures sans combat.

Le gouverneur de la région Daouda Maiga a été évacué de la ville par un avion de la MINUSMA avant l’arrivée des combattants de la CMA. D’après des témoignages collectés sur place à Ménaka, la CMA est rentrée dans la ville sans opposition, « aucune balle n’a été tirée » nous confie un habitant. Dans la nuit de vendredi, un silence de mort régnait sur la ville. Personne ne circulait dans les rues. Une atmosphère de crainte et de peur avait gagné la plupart des populations.

Le président de l’autorité régionale Abdoulwahab Ag Ahmed Mohamed a rencontré samedi matin les responsables de la CMA. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils sont venus pour protéger la population et récupérer leurs anciennes positions. Ils ont également affirmé qu’ils n’ont pas de problèmes avec les FAMA mais avec le GATIA auquel ils prendraient désormais la place. Aucune remise en cause de l’Accord d’Alger n’a été formulée par les responsables de la CMA. Entre temps, les combattants du GATIA, d’après une source sur le terrain, auraient pris le contrôle d’Anefif dans la region de Kidal, aux environs de 14 heures ce même samedi. Une nouvelle qui aurait motivé le départ de la CMA de Ménaka. «  Ils se sont retirés de la ville, c’est les FAMA et la MINUSMA qui sécurisent la ville » témoigne un habitant joint ce soir. « Aujourd’hui, les gens vaquent à leurs affaires,tout est calme » rassure un jeune à Ménaka contacté. Dans tout les cas, la situation est loin de se normaliser même si la CMA a quitté Ménaka, car la hache de guerre entre celle-ci et le GATIA n’est pas encore enterrée.

 

 

CMA vs GATIA : Dominer le terrain pour mieux contrôler la paix

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et le Groupe d’Autodéfense des Touaregs Imgad et alliés (GATIA) se sont à nouveau confrontés dans des combats violents, mardi 11 juillet,  à une dizaine de jour du retour programmé de l’administration malienne dans la région. Nul ne sait si le chronogramme, validé par les deux mouvements belligérants, sera effectif, mais beaucoup pensent que le conflit actuel vise à dominer le terrain pour contrôler au mieux de ses intérêts, l’application du processus de paix dans la région.

Dans la région de Kidal, mardi 11 juillet, deux groupes signataires de l’accord de paix, la CMA et Plateforme, se sont de nouveau affrontés dans une localité appelée Lalaba et à Tigachimen, des combats intenses sur deux fronts distincts. « Une trentaine de véhicule du GATIA se sont positionnés à Lalaba et une autre unité de la Plateforme composée de 14 pickups a quitté Takalote et s’est positionnée à Tigachimen, ils ont ainsi créé deux fronts, une sorte de ligne de défense », décrit cet officier de la CMA, qui de Kidal a participé à la supervision de l’offensive des troupes de la coordination, forte de plus d’une quarantaine de véhicules et qui rassemblaient des éléments du HCUA (le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ), du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad ) et du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad). Dans la capitale du Nord, cette offensive n’a pas surpris, les intenses préparatifs qui l’ont précédé cette dernière semaine avec l’arrivée de renfort étaient annonciateurs d’une attaque d’envergure.

Selon ce même officier de la CMA, les combats ce sont déroulés durant un peu plus d’une heure. Sur le front de Lalaba, la CMA a eu le dessus tandis qu’elle a dû battre retraite sur le front de Tigachimen. « La trentaine de pickup menée par le chef des opérations du GATIA a dû se replier sur Anefis, nous les avons poursuivit et ils n’ont pas eu les temps de prendre position une fois arrivé là-bas. Un de nos éléments a pu récupérer une de leur radio ce qui nous a permis de suivre leur mouvement. Ils ont continué jusqu’à leur fief de Tabankort et nous avons interrompu la poursuite à 5km de la ville pour revenir sur Anéfis, que nous tenons depuis mardi soir », indique-t-il. Sur le front de Tigachimen, les forces de la Plateforme seraient parvenues à faire reculer les forces de la CMA sur une trentaine de kilomètres puis ce seraient repliées sur Takalot.

A l’issu des combats il était très difficile d’établir un bilan. La CMA qui dit avoir perdu 2 hommes dans les combats et avoir 4 blessés, affirme qu’il y aurait 9 morts du côté de la Plateforme, 4 combattants faits prisonniers et 4 pickups équipés de mitrailleuses lourdes auraient été saisies par ses forces. La Plateforme, pour sa part, affirme qu’aucun mort ne serait à déplorer de leur côté, quelques combattants auraient été fait prisonnier et seulement deux véhicules aurait été récupéré par la CMA qui aurait perdu, selon ce cadre du GATIA, 5 hommes et 4 véhicules. « En tout cas, il n’y a plus aucune unité du GATIA à moins de 150 Km de Kidal » se félicite ce même officier, qui ajoute cependant, « on ne peut pas dire que nous sommes victorieux, on va voir dans les jours qui viennent ce qui va se passer, personne n’est gagnant pour le moment ».

Un avis que partage ce sympathisant de la Plateforme à Kidal, qui malgré ce succès militaire, sait que toutes les forces du GATIA n’étaient pas présentes lors des combats. « Une unité du GATIA qui était à Takalot n’a même pas combattu, il y a avait aussi une unité du GATIA à Ménaka qui n’a pas bougé parce qu’ils ont été dépêché pour poursuivre les auteurs de l’embuscade tendu aux FAMA, donc le compte n’y est pas », souligne-t-il.

Pour ce combattant du MNLA, une riposte du GATIA pleine et efficace dans la situation actuelle semble difficile. « Une reprise du terrain par le GATIA semble compliqué, sauf si les Arabes du MAA pro-Bamako envoient des renforts, mais même s’ils le font, ça ne sera pas la fin du monde. Le GATIA ne peut rien attendre du MSA qui n’ira jamais combattre des gens de la CMA, et les exactions, les vols, les pillages et spoliations de biens les ont coupé de leur soutien populaire. Au moins nous quand on capture leurs combattants on en fait des prisonniers, eux, les exécutent », affirme-t-il.

Anéfis, la prise de guerre Symbole de cette victoire militaire de la CMA, la prise d’Anéfis. Mais si ce bastion de la Plateforme est revenu dans le giron de la CMA, combien de temps le restera-t-il ? « Pour moi il ne faut pas tenir Anéfis , il faut laisser la ville à la population et ne pas essayer de se positionner. Il faut que cette prise soit symbolique pour les rassurer et leur montrer qu’on est pas venu pour faire des razzias. Il faut que nous restions en unité mobile qui font des opérations de pointe et qui utilise le terrain, mais ne pas se concentrer sur l’occupation du terrain, ce n’est pas le moment », explique cet officier en charge des opérations au MNLA, qui ajoute, « La Plateforme pourrait reprendre Anéfis, sans tirer une balle, parce qu’on ne pourra pas la tenir, il faut du temps et des moyens pour cela ».

Selon cette même source, quelques 72 véhicules seraient présents à Anéfis pour maintenir la position de la coordination. Pour les deux camps, cette ville revêt une importance stratégique, que ce soit pour se replier ou se réapprovisionner. « La majorité de la population est en grande partie acquise à la Plateforme et ne porte pas la coordination dans son coeur mais le clan des patriarches de la ville d’Anéfis verse du côté de la CMA », explique cette humanitaire touareg, fin connaisseur de la région.

Cette prise de guerre de la CMA a beaucoup fait réagir les partisans des deux camps, qui annonçaient soit la reprise de la ville par la Plateforme ou réfutaient ses assertions. Le réseau ayant été coupé à Anéfis, la veille des combats, toute vérification s’avère difficile. Certains au GATIA ont même indiqué que pendant 1h, « le drapeau noir des islamistes flottait au-dessus d’Anéfis », un détail d’importance qui ne semble pas surprendre cet habitant de Kidal. « Nous les citoyens on sait que les djihadistes soutiennent la CMA et qu’ils étaient à leur côté lors de combats, si on le sait on imagine que Barkhane et la Minusma le savent aussi. Les djihadistes les soutiennent en homme et en équipement. Iyad ne va pas laisser ses parents se faire laminer par les combattants de la Plateforme sans lever le petit doigt », confie-t-il.

La Minusma et Barkhane pointé du doigt La Minusma, par l’entremise de son chef, Mahamat Saleh Annadif, a appelé les parties « à la retenue et au respect du cessez-le-feu » et a prévenu les protagonistes que « la Minusma est prête à prendre ses responsabilités si les affrontements ne cessent pas sur le terrain ». On ne sait pas quelle « responsabilités » pourrait prendre la Minusma alors qu’Ahmed Boutache affirmait chez RFI, ce même mardi, n’avoir aucun moyen concret de faire respecter un éventuel cessez-le-feu et que les hypothétiques sanctions évoquées de toute part n’étaient pas prête d’être mises en œuvre. Sur place la population ne s’étonne plus « des déclarations de ceux qui restent terré dans leur camp ».  Pour ce sympathisant du GATIA à Kidal, les choses sont clairs : « La position de la communauté internationale, c’est juste d’observer, il n’y a pas une force d’interposition, rien. Le favoritisme de la France, de Barkhane et de la Minusma est limpide. La CMA peut rentrer à Kidal se reposer sous bonne protection. Toutes les fois où nous avons chassé les troupes de la CMA, nous avons été stoppé par la Minusma ou Barkhane, c’est très flagrant », s’exclame-t-il.

Reste maintenant la paix, la grande absente, occultée par la fureur des combats et la détermination de chaque camps à vouloir dominer le terrain, alors que la mise en œuvre de son processus devait débuter dans la région, le 20 juillet prochain. « Le chronogramme pour le retour de l’administration n’est pas forcément perdu, c’est celui qui sera en position de force qui pourra imposer son point de vue. Si l’un des deux camps arrivent a prendre le dessus sur l’autre, alors il sera le maître de la région et dans ce cas il pourra accepter le retour de l’administration malienne sous son contrôle et ses conditions. Tout va dépendre de qui l’emportera dans les jours à venir », explique cette source proche des mouvements

En attendant, à Kidal, la population abasourdie, observe, silencieuse spectatrice d’une situation qui n’a depuis longtemps plus rien de normal. « Que ce soit la CMA ou la Plateforme, la population n’a plus confiance. Tant que l’administration nationale malienne ne sera pas de retour rien ne sera possible. Tout ça dépend maintenant de ce qu’ils vont décider. Alors que de toute façon, les populations ne savent plus quoi faire », lâche mi-fataliste, mi-résigné cet habitant de Kidal.

 

Nord-Mali : L’Algérie exhorte les signataires de l’accord de paix à privilégier le dialogue (MAE) 

ALGER – L’Algérie a exhorté samedi les responsables des  mouvements signataires de l’accord de paix au Mali à privilégier le « dialogue et la concertation » et à « intensifier » les efforts visant à « surmonter les difficultés sur le terrain ».

« L’Algérie exhorte les responsables des mouvements signataires de l’accord de paix à assumer pleinement leur responsabilité et à agir promptement afin que cessent ces agissements, à privilégier le dialogue et la concertation et à intensifier les efforts visant à surmonter les difficultés sur le terrain », a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Abdelaziz Benali-Cherif dans une déclaration à l’APS.

Benali-Cherif a ajouté que l’Algérie suivait avec « attention les derniers affrontements armés » qui ont fait des morts, jeudi , à Aguelhok, dans la région de Kidal, au Nord du Mali, soulignant que « ces affrontements qui ont opposé des éléments appartenant à des groupes armés signataires de  l’Accord de paix au Mali, issu du processus d’Alger, constituent des violations graves  des termes de cet accord et affectent l’esprit d’entente qui anime les différentes parties maliennes dans sa mise en oeuvre  effective ».

Le porte-parole du MAE a souligné que ces « développements négatifs, qui  profitent en premier lieu aux activités des groupes terroristes et au crime organisé dans la région, risquent de porter atteinte à la crédibilité des mouvements signataires de l’accord de paix et à leur engagement de manière  résolue dans le processus de paix ».

Fahad Ag Almahmoud : « C’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA »

Des affrontements violents ont éclaté jeudi 6 juillet dans le nord du Mali près de Kidal entre des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA). Ces combats, qui viennent à nouveau violer le cessez-le-feu entre ces deux mouvements, pourraient aussi perturber le retour, à la fin du mois, de l’armée et de l’administration à Kidal. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA, a livré au Journal du Mali sa version des faits et pointe du doigt, comme facteurs générateurs de conflit, certaine mesures de l’Accord de paix non appliquées, ainsi que la responsabilité de la communauté internationale qui, selon lui, entretient un climat de tension entre les deux mouvements belligérants concernant Kidal.

Pourquoi la CMA et le GATIA se sont-ils encore affrontés alors qu’à Bamako les différentes parties travaillent ensemble à la préparation du retour de l’armée et de l’administration à Kidal ?

La CMA devrait répondre à cette question puisque c’est elle qui a attaqué nos positions à 80 km de Kidal alors que nous avons des positions à 15 ou 20 km de la ville. La position qu’ils ont attaqué a été presque entièrement désarmée, quelques jours avant, par Barkhane. Ils ont saisi les armes lourdes et ils nous ont dit que la CMA n’allait pas nous attaquer. Le jeudi, la CMA a quitté Kidal devant Barkhane et ils sont venus nous attaquer.

Vous pensez réellement que la force Barkhane a voulu aider la CMA ?

Comment penser autrement ? C’est Barkhane qui a désarmé l’ennemi d’un autre, ça n’a même pas besoin d’explication. Nos 3 éléments qui sont morts jeudi ont été tués par une roquette de mortier alors que nos roquettes ont été prises par Barkhane et ce sont le même type de roquette qui nous ont attaqué. Nous avons l’interdiction d’en posséder mais pour la CMA c’est permis. Je pense que cette attaque sur nos positions a pour but de perturber l’installation du MOC le 20 juillet prochain.

La CMA dit aussi que vous souhaitez perturber le processus de paix.

Quoiqu’on dise il y a le bon sens. Il faut dans ce cas expliquer pourquoi nous ne pouvons pas rentrer à Kidal. La communauté internationale a conditionné notre retour à Kidal à celui du gouvernement malien. Une fois que le MOC sera installé, Kidal fera son retour dans le giron de la République. Cela veut donc dire que tous les citoyens pourront, s’ils le souhaitent, s’y rendre. Donc je ne vois pas pourquoi, nous qui souhaitons y retourner, nous voudrions perturber le retour du MOC et de l’administration à Kidal.

Pourtant les tensions entre vos deux mouvements sont récurrentes et éloignent d’autant la paix, malgré l’accord que vos deux mouvements ont signé. L’attaque de jeudi en est une nouvelle preuve.

Comme je vous l’ai dit, on a été attaqués jeudi à 80 km de Kidal et j’ajoute que c’est la communauté internationale qui entretient ce climat en offrant la sécurité à la CMA une fois qu’elle est à Kidal. La CMA est libre de se réorganiser et de venir nous attaquer. Nous, on ne peut pas les attaquer à Kidal. Si on était tous hors de Kidal, ou qu’on s’affrontait, on aurait pu avoir la paix depuis très longtemps. C’est la communauté internationale qui crée cette situation en sécurisant la CMA à l’intérieur de Kidal une fois qu’elle revient. Elle prétexte qu’elle fait ça pour protéger la population. Elle appelle la CMA, population. Cette situation offre à la CMA le luxe d’avoir l’usage de tous ces bras valides. La Minusma et Barkhane sont là pour sécuriser leurs biens, leurs armes lourdes, leurs engins. La base principale de la CMA et même des organisations terroristes aujourd’hui c’est Kidal, tout le monde le sait.

Vous voulez dire que les terroristes ont une base importante dans la ville de Kidal ?

La base principale de l’organisation de Iyad et de ses alliés, c’est Kidal. Tout ce qu’il a comme armement est à Kidal. C’est connu de tout le monde, y compris des officiers français.

Un certain Ahmedou Ag Asriw, serait un acteur principal de ce conflit. La CMA le tient pour responsable de nombreuses exactions sur les populations. Qui est-il ?

Ahmedou est le chef des opérations du GATIA, c’est un personnage connu là-bas, donc on peut lui prêter n’importe quelle réputation, ce sont les paroles des ennemis. Ni la Minusma ni les Nations unies n’ont envoyé de commission d’enquête sur les exactions qui ont eu lieu et n’ont pas confirmé que c’est lui qui les auraient commises. Ce ne sont que les paroles des ennemis.

On entend beaucoup parler au Nord de milices qui seraient aux ordres de Bamako et qui commettraient des exactions. le GATIA est-il une de ces milices ?

Si milice veut dire un groupe armé piloté par le gouvernement pour faire le sale boulot, on n’est pas une milice. Si une milice c’est un groupe armé qui répond d’une communauté, on est une milice. Tous les groupes armés sur le terrain ont une connotation tribale, c’est un fait. Je pense que Bamako lutte pour le retour de l’État et de l’administration à Kidal et ce n’est pas ces derniers événements qui vont en faciliter le retour. Ce que le Mali a fait pour la CMA du 20 juin 2015 à nos jours, il n’en a pas fait un dixième pour la Plateforme. Il y a des responsables de la CMA, malgré qu’ils véhiculent des messages anti-républicains, qui sont en passe d’avoir des passeports diplomatiques de la part du gouvernement.

Vous avez des noms ?

Je ne répondrai pas à cette question.

Ce nouveau conflit entre CMA et GATIA risque-t-il, selon vous, de mettre en péril le chronogramme qui débute le 20 juillet prochain et qui doit ramener l’armée et l’administration à Kidal ?

J’oseespérer, avec les démarches qui sont en train d’être mise en place que ce ne sera pas le cas. Une délégation de Touaregs du Niger sera à Bamako lundi 10 juillet pour une médiation, parallèlement à la mission de bons offices dirigée par Mahmoud Dicko. J’espère que cela pourra ramener le calme et nous aider les uns et les autres. Si on veut avancer, on peut, mais tant qu’il y a des gens qui ont pour mission de perturber la paix à l’intérieur du processus, qui sont connus des acteurs du processus, qui font tout pour les ignorer et que le gouvernement fait tout pour les amadouer, il n’y aura pas de paix.

Vous êtes conscient que tout cela entame considérablement la confiance des Maliens envers les groupes armés et fait fortement douter de la capacité de ces mouvements à être des interlocuteurs valables et fiables. N’est-ce pas un risque pour la CMA comme pour vous ?

Si les Nations unies donnaient un mandat à la Minusma pour désarmer tout le monde, ce serait un plaisir pour moi. Tout ce qui peut contribuer à l’avènement de la paix chez nous on est pour. Cette paix ne sera réalisable que quand les groupes armés seront désarmés. Le gouvernement est en train d’essayer d’appliquer les textes et autres de l’Accord sans parler de l’essentiel : le désarmement et le cantonnement des groupes armés. Les autorités intérimaires, la révision de la constitution, tout ça doit intervenir après le désarmement des groupes armés. Tout ce que j’espère, c’est que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour permettre aux uns et aux autres d’aller vers la mise en œuvre de l’Accord.

Kidal : Regain de violence avant le retour de l’administration malienne

La région de Kidal renoue avec les affrontements intercommunautaires qui se sont soldés par des affrontements entre groupes armés jeudi 6 juillet dans la région de Kidal.

Tout est parti de la localité de Djounhan dans la région de Kidal, le mois de juin dernier. Ce jour-là, des éléments de la tribu Idnane très proche de la Coordination des Mouvements de l’Azawad ont attaqué des Imghads, très proche de la Plateforme et particulièrement du GATIA. Ce fut le début de multiples exactions commises de part et d’autre. Les images qui avaient circulé sur les réseaux sociaux, et ce, malgré le mois de Ramadan, témoignaient de leurs violences et des manifestes violations des droits de l’Homme.

Après une courte trêve, les affrontements entre la CMA et le GATIA ont repris, hier jeudi 6 juillet, aux environs de 5 heures du matin dans la localité d’Ibdakane, située à 80 kilomètres à l’ouest de Kidal.

Ce que l’on sait

Tout serait parti d’une embuscade tendue par des éléments de la CMA visant un certain Ahmedou Ag Asriw et ses hommes, qui serait, selon nos informations, un financier du GATIA et un trafiquant de drogue notoire, responsables de nombreuses exactions sur la population de la région. 14 véhicules du GATIA seraient tombés dans l’embuscade tendue par les 11 véhicules de la CMA. Après d’âpres combats, Le GATIA renforcé par l’arrivée de 15 véhicules est parvenu à contraindre les combattants de la CMA à se replier vers le sud-est, à Intachdayt. À l’issue de ce énième affrontement de l’année, des pertes en vie humaine et des dégâts matériels ont été enregistrés. Selon des sources à la CMA, le bilan provisoire de ces combats se porterait, côté CMA, à 1 mort et six blessés, qui ont été transportés à Kidal le même jour. Côté GATIA, on dénombrerait six morts, laissés sur place avec deux véhicules, dont un, avec une 12,7 (mitrailleuse lourde). Le GATIA se serait retiré à Tibardjaten, à environs 65 kilomètres au sud d’Anefif pour attendre l’arrivée des renforts en provenance de Gao, au moins dix (10) vehicules et Takalot au moins quatorze (14) autres. L’accrochage selon le chef d’Etat major du HCUA, Chafagui Ag Bouhada, a duré au moins trois heures de temps. « Ce qui se passe entre la Plateforme et la CMA ne date pas d’aujourd’hui mais les affrontements ne concernaient que les groupes armés. Les civils jusque-là épargnés ne le sont plus, car ils sont la cible des exactions », a-t-il souligné.

Des versions qui différent

Selon Ilad Ag Mohamed, porte parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), «  une patrouille de la CMA était dans la zone d’Ibdakane pour aller constater les dégâts causés par Ahmoudou Ag Asriw. Elle était partie pour rassurer les populations, car elles pensent qu’elles sont abandonnées à leur sort. Cette colonne a rencontré Ag Asriw et ses hommes et les affrontements ont commencé », justifie le porte parole de la CMA.

Dans le camp du GATIA, on affirme que c’est la CMA qui a attaqué, alors que leurs éléments étaient désarmés. «  Nos combattants qui ont été désarmés il y a trois jours par Barkhane ont été attaqués par la CMA. Donc nous disons qu’il y a connivence entre Barkhane et la CMA pour nous attaquer », affirme cette personnalité proche du GATIA. Le bilan diverge de part et d’autre, car selon notre interlocuteur, le GATIA a enregistré 1 mort et trois blessés, et la CMA a laissé sur ses positions trois morts et trois véhicules récupérés par le GATIA.

Selon des dernières informations, chaque groupe a fait appel à des renforts et la situation reste très préoccupante dans la zone.

La CMA a publié un communiqué, le 06 juillet, dans lequel elle informe la Médiation Internationale, le gouvernement du Mali, l’opinion nationale et internationale d’une attaque menée ce même jour dans la matinée « contre une de ses positions basée à une dizaine de kilomètres à l’ouest d’Intachdayt, par une colonne du Gatia venue d’Anefif sous la conduite d’un certain Akhmadou Ag Asriw.» Dans ce même communique, la CMA «  regrette et condamne cette violence qui lui est imposée depuis le début du processus de Paix par une organisation qui ne s’est jamais inscrite dans la logique de la Paix. » Toutefois la CMA «  demeure attachée à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger et au cessez-le-feu » poursuit le communiqué.

De son côté, la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger a publié un communiqué le même jour, dans lequel elle informe le chef de file de la médiation internationale, le représentant spécial du secrétaire général de Nations Unies à Bamako, les autorités du Mali et toutes les parties prenantes à l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger du fait que «  le 06 juillet 2017 à l’aube, une patrouille de la Plateforme a été la cible d’une embuscade de la part d’un autre convoi de la CMA qui quittait Kidal, à Tahalte, 90 kilomètres au nord-ouest de la ville ». Au même communiqué d’avertir que « si aucune disposition n’est prise pour abréger les souffrances des populations, elle ne pourra continuer à croiser les bras face à cette situation » précise le communiqué.

La MINUSMA elle aussi, dans un communiqué a condamné ce qu’elle considère comme des « violations de l’Accord de paix et des résolutions du Conseil sécurité. » Des violations qui pourraient être une réelle menace pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. « Si elles persistent, elles affecteront non seulement la mise en œuvre de l’Accord de paix, profitant ainsi au terrorisme pour gagner davantage du terrain » a souligné Mahamat Saleh Anadif, le chef de la MINUSMA.

Selon d’autres sources bien introduites ces affrontements viseraient à perturber, une fois de plus, le chronogramme de l’installation du MOC le 20 juillet prochain et des autorités intérimaires, le 31 juillet, dans cette région qui échappe depuis plusieurs années à la souveraineté de l’État et où se croisent, groupes armés, djihadistes et trafiquants de drogues.

Accord de paix : Anniversaire en demi-teinte

L’accord pour la paix et la réconciliation a eu deux ans ce lundi 15 mai. Cet « anniversaire » permet de dresser un bilan du chemin parcouru. Si du côté du gouvernement on reste discret, le bilan est jugé « bon », alors que pour la CMA et la Plateforme, le manque de volonté reste une solide barrière dans sa mise en œuvre.

Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)

« Le bilan que nous faisons, c’est d’abord qu’un accord pour la paix a été signé, c’est le point positif. Maintenant dans sa mise en œuvre, il s’illustre par sa lenteur. Malgré cela, on a réussi à mettre en place certaines dispositions importantes, comme les autorités intérimaires et les patrouilles mixtes, même si elles ne connaissent pas une opérationnalisation effective. Il y aussi des dispositions de l’accord dont on ne parle pas encore, comme la question du partage du pouvoir, la représentation des ressortissants de l’Azawad dans les institutions et services de l’État et la question d’une commission d’enquête internationale autre que la CVJR, qui n’est pas indépendante. Il faut aussi une armée nationale reconstituée pour garantir la défense des personnes et de leurs biens. Le Conseil national de réforme de la sécurité, une des commissions les plus importantes mais à laquelle on accorde très peu de valeur, n’a été lancé qu’il y a quelques jours. On fait malheureusement du surplace comme si on n’arrivait pas à faire la différence entre les priorités. Pour résumer, nous pensons qu’il y a une absence de volonté politique et c’est ce qu’il faut pour faire avancer les choses ».
Fahad Al Mahmoud, secrétaire général du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA)

« Je suis loin de faire un bilan élogieux de la mise en œuvre de l’accord. Cet accord devait être applicable en 3 mois. Après deux ans, les autorités intérimaires ne sont toujours pas tout à fait opérationnelles. Le retard pris est d’abord une question de volonté. Les problèmes qui existent entre la CMA et la Plateforme n’ont pas contribué à l’avancement de l’accord. Il faut tout de même signaler que depuis la signature de l’accord, il n’y a plus d’affrontement entre l’armée malienne et les mouvements signataires. Les gens sont dans la logique de la paix. Par contre, l’accord n’a pas mis fin à la violence et encore moins établi une ligne frontière entre les mouvements signataires et les mouvements terroristes. Certains groupes signataires sont en mission pour les groupes terroristes. Ils considèrent que le temps est leur allié et que tout tombera un jour. On est quand même dans un accord que personne ne voulait à l’origine, ça leur a été imposé. Je ne sais pas si on avancera car, quand les groupes armés parlent de désarmement à la commission DDR, vous avez l’impression qu’ils parlent d’un programme décennal. Les uns et les autres ne sont pas prêts à disparaître ».

Assassinat du chef local du Gatia à Ménaka, ce que l’on sait

C’est dans la nuit du jeudi au vendredi 17 mars dernier que le chef militaire local du Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA) Almahdi Ag Lengach fut assassiné à son domicile à Ménaka par des hommes inconnus.

L’assassinat du chef militaire local du GATIA à Ménaka la semaine passé prouve à suffisance que la paix n’est pas encore pour demain. L’acte intervient dans un contexte marqué par la mise en place des autorités intérimaires au Nord du Mali avec un blocage persistant de leur mise en place à Tombouctou et Taoudéni.

Selon les informations recueillies sur place, les auteurs du crime auraient passé la journée chez le chef militaire avant de revenir dans la nuit pour commettre leur crime et cela en escaladant le mur de son domicile situé dans la partie nord de la ville. Les individus, une fois à l’intérieur ont tiré sur la victime qu’ils avaient par avance repéré. Selon une autre source, «  les auteurs ont égorgé la victime avant de prendre la fuite sur des motos ».

Dés le lendemain, des arrestations ont eu lieu à Ménaka ; selon des sources locales, « une vingtaine de personnes ont été arrêtées ». Les funérailles de la victime ont eu lieu le même jour, vendredi 17 mars à Ménaka. «  L’identité des auteurs n’a pas encore été divulguée mais une piste se précise» explique un habitant joint au téléphone à Ménaka. La thèse d’ « un règlement de compte » n’est pas écartée par un autre habitant de la zone, qui affirme que, « le chef militaire par ses opérations dans la zone a créé un mécontentement auprès de certaines communautés ». « A Ménaka, les populations sont inquiètes, la foire hebdomadaire du jeudi n’aura plus la même affluence qu’auparavant » s’indigne un autre habitant joint au téléphone dans la matinée.

Il faut rappeler que le colonel Almahdi Ag Lengach était le chef des opérations militaire du GATIA, un groupe proche du gouvernement et en même temps le chef local de la Plateforme à Ménaka. Son assassinat aura certainement un impact sur le climat qui règne entre les mouvements armés, voire entre les communautés dans cette partie du pays ou l’insécurité règne de jours comme de nuit. Il faut dire que la mise en œuvre de l’accord pour la paix est plus que jamais une urgence pour rétablir la sécurité des personnes et de leurs biens, à défaut de cela, des assassinats, des embuscades, des attentats continueront pour les malheurs des populations. D’où la condamnation de l’organisation de la coopération islamique de cet acte qu’elle qualifie d’« assassinat crapuleux. »

 

 

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.

Processus de paix : Un pas en avant, un pas en arrière 

Le nouveau chronogramme établi pour l’installation des responsables des autorités intérimaires dans les régions de Tombouctou, Gao, Kidal, Ménaka et Taoudéni a été salué avec satisfaction par l’ensemble des acteurs de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Mais l’espoir suscité fut de courte durée. Les contestations des groupes armés et des populations de certaines des localités concernées ont poussé au renvoi sine die des actions prévues. Faut-il y voir un nouveau coup d’arrêt pour le processus ? Non, si l’on se fonde sur le dialogue en cours entre le gouvernement et les mouvements contestataires pour aplanir les difficultés, ainsi que la tenue prochaine de la conférence d’entente, prévue au mois de mars 2017.

« Le 18 février, le drapeau du Mali allait flotter sur Kidal. Nous étions prêts, avec nos caisses de fanions vert-jaune-rouge », nous confie un responsable d’un groupe armé, croisé dans la salle d’attente du président de la Commission nationale DDR, l’ancien ministre Zahabi Ould Sidi Mohamed. Selon notre interlocuteur, c’est le communiqué du vendredi 17 janvier 2017, nommant Sidi Mohamed Ag Ichrach, secrétaire général du ministère du Commerce et considéré comme un proche du GATIA, au poste de gouverneur de la région de Kidal, qui a fait changer la donne. Ce dernier doit remplacer Koïna Ag Ahmadou, alors en pleine préparation de la cérémonie d’installation d’Hassan Fagaga dans ses fonctions de président de l’Assemblée régionale de Kidal, prévue pour le lendemain 18 février. Le désormais ex-gouverneur apprend par la même occasion qu’il est muté à Tombouctou.

Contestations Cette décision suffira à provoquer la colère des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). En réaction, ils annulent la cérémonie d’installation et décrètent qu’« il n’y aura pas d’autorités intérimaires tant que la situation ne sera pas éclaircie avec le gouvernement », déclare Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. Dans la foulée de l’annulation à Kidal, la mise en place des membres des autorités intérimaires pour toutes les autres régions a été annulée le dimanche 19 février. Y avait-il eu consultation avec les maîtres de Kidal ? Apparemment non, assure une source proche du dossier. «L’État a voulu jouer à l’équilibriste, mais c’est le tact qui a manqué un peu », précise la même source. Exclus du processus, certains mouvements armés, issus de la CMA et de la Plateforme, menacent de bloquer le processus jusqu’à ce qu’ils soient pris en compte au même titre que les autres. C’est le cas de la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) de Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, de la CMFPR2 du Pr Younoussa Touré, du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA), du Front populaire de l’Azawad (FPA) et du Congrès pour la justice dans l’Azawad (CJA). Les colonels Abass Ag Mohamed, chef d’état-major du CJA, et Housseine Ould Ghoulam du Mouvement arebe de l’Azawad (MAA), ont mis en garde la communauté nationale et internationale sur le fait que certains choix ne sont pas consensuels et ne seront jamais acceptés, ni par eux, ni par la population de Tombouctou et de Taoudéni. « La porte du dialogue n’est jamais fermée à condition que tout le monde soit inclus », explique Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA. « Oui, hier nous avons marché pour soutenir la mise en place des autorités intérimaires et aujourd’hui, nous la contestons car elle n’est pas inclusive. Oui aux autorités intérimaires avec une consultation de la société civile », affirme pour sa part Aliou Daouna, membre de la société civile de Tombouctou. À Gao, on s’insurge également contre ces autorités intérimaires, dont la jeunesse et la société civile s’estiment exclus (voir page 6). « Tous ceux qui crient n’ont aucune représentativité. Les gens veulent une part du gâteau et sont prêts à mettre le processus en danger pour y arriver », déplore un haut fonctionnaire.

La situation actuelle, résultant des décisions prises à l’issue de la réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA) de haut niveau du 10 février, était pourtant prévisible. La médiation n’a en effet jamais pu trouver de solutions au principe d’inclusivité prônée par l’accord, selon le Pr Mohamed El Oumrany, secrétaire aux relations extérieures du MPSA. « La seule voie de sauvetage aujourd’hui, c’est nous, les mouvements dissidents. Nous avons la confiance des populations parce que nous représentons toutes les couches sociales », ajoute-t-il. Au-delà de leur caractère non inclusif, l’une des raisons pour lesquelles ces autorités intérimaires sont contestées est, selon le Pr Younoussa Touré de la CMFPR2, le fait qu’il n’y a aucune base légale qui les régisse. Le seul cadre légal dans lequel ces autorités intérimaires se trouvent, c’est bien l’Entente signée en juin 2016 entre le gouvernement et les mouvements armés, CMA et Plateforme, devenue caduque avec la tenue des élections communales du 20 novembre. « Je ne suis pas contre les personnalités nommées à la tête de ces autorités intérimaires. Ce sont des Maliens tout comme nous. Mais la loi modifiant celle portant code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale, censée prendre en charge les autorités intérimaires, n’est plus d’actualité », ajoute-t-il.

Une issue L’espoir d’une paix définitive dans les régions nord est-il de nouveau compromis ? Rien n’est encore perdu car, malgré tout, les différentes parties affirment leur volonté de faire bouger les lignes. Il urge cependant, selon les observateurs, de corriger une tare congénitale de ce processus qui n’aura finalement pas fait l’objet d’un large consensus. La solution à ce problème pourrait venir de la conférence d’entente nationale qui doit se tenir dans le courant du mois de mars. Elle serait en effet une bonne occasion de réorienter les impératifs de la mise en œuvre de cet accord et de l’adapter pour améliorer son appropriation par toutes les couches de la population. À travers la large participation de ces dernières, peut-être arrivera-t-on enfin à clore le chapitre du « sentiment d’exclusion » de certains acteurs. « Il appartient à l’État, garant de la mise en œuvre de l’Accord, de prendre ses responsabilités pour siffler la fin de la récréation qui n’a que trop duré », explique une source diplomatique. Cette rencontre attendue depuis longtemps et réclamée entre autres par l’opposition (avec un contenu différent), est « un jalon important dans la réhabilitation de la cohésion sociale et du vivre ensemble au Mali […]. Ainsi que cela est spécifié dans l’Accord pour la paix et la réconciliation, cette conférence doit permettre un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit », avait indiqué le Président IBK lors de son discours du nouvel an. « Nous ne devons pas céder, mais il nous faut agir vite. Plus nous perdons du temps, plus les groupes terroristes et narcotrafiquants s’installeront dans la région. Il importe donc de maintenir le dialogue et de renforcer la confiance entre le gouvernement et les mouvements signataires de l’accord », assure Zahabi Ould Sidi Mohamed, président de la Commission nationale désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR). Alors que les tractations vont bon train et que les réunions se succèdent, une bonne nouvelle vient éclaircir le ciel malien : la mise en œuvre du MOC, frappée par l’attentat meurtrier du 18 janvier dernier, devait reprendre, au moment ou nous mettions sous presse, ce mercredi 22 février.

 

 

 

 

 

GATIA et CMA s’affrontent autour d’une nomination

L’installation des autorités intérimaires à Kidal qui aurait dû être effective lundi 20 février, a été suspendu suite à la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, un Touareg, haut-fonctionnaire de l’État, natif de Kidal, appartenant au groupe Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), ennemi déclaré de la CMA. Cet énième crise entre le GATIA et la CMA, qui tentent de peser de tout leur poids pour que le nouveau gouverneur soit maintenu ou sa nomination annulée, perturbe la mise en œuvre de l’Accord, dans un match dont l’enjeu est un échiquier nommé Azawad.

Depuis la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, rien ne va plus entre la CMA et le GATIA. Cet intellectuel, secrétaire général au ministère du commerce, ancien inspecteur des douanes et qui fut un cadre de la rébellion touareg des années 90, malgré ses compétences avérées pour exercer la fonction de gouverneur à Kidal, a néanmoins, du point de vue de la CMA, un terrible handicap : son appartenance au GATIA, mouvement ennemi de la CMA qui convoite le gouvernorat de Kidal depuis un certain temps.

Samedi 18 février lorsque le nouvelle de cette nomination est tombée, la surprise et la colère passées, les leaders la CMA ont décidé de suspendre la cérémonie d’intronisation de l’assemblée régionale, qui devait avoir lieu lundi dernier en présence du ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf. Ils ont éteint leurs téléphones pour ne pas être joint par les différentes délégations, le ministère et la médiation. « Ce qui est sûr c’est que cette nomination ne les arrange pas, ils l’a rejette, les politiques de la CMA la rejette, les militaires de la CMA la rejette. Une partie de la population acquise à la CMA la rejette, mais une partie de la population acquise à la CMA considère aussi qu’il n’y a pas de quoi en faire un si grand problème, car Ag Ichrach est de Kidal et a les qualités requises pour être gouverneur. La majeure partie de la population pense que c’est un faux problème », explique cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Le désormais ancien gouverneur de Kidal, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal quand le nouvelle a été communiquée. Lui aussi ne s’attendait pas à sa mutation. « Koina Ag Ahmadou était proche du HCUA, des Ifoghas et de la CMA en particulier. Sur plusieurs points il faisait leurs affaires en étant à Kidal ou à Gao. Les cartes, les listes électorales pour les prochaines élections, tout ça se confectionne au niveau du gouvernorat, en ce sens il pouvait aider, ainsi que dans l’attribution des différents marchés et appels d’offres des bâtiments qui ont été endommagés, et qui découle de la gestion d’un gouverneur. Mais là, ce ne sera plus le cas et ça n’arrange pas la CMA », révèle cette source proche des mouvements.

Pour la CMA, la nomination de l’ancien gouverneur était circonstancielle, décidée par le gouvernement au même titre que celle de Sidi Mohamed Ag Ichrach, elle avait le mérite d’arranger tout le monde. « L’ancien gouverneur, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal prêt à mettre les autorités intérimaires en place, préparer les élections et dans quelques mois on aurait pu changer », déclare ce cadre de la CMA. « En fait cette nomination est une vieille condition du GATIA. Condition qui a été balayée par la CMA et qui revient tout d’un coup de façon unilatérale. Il y a eu des tractations, des manoeuvres souterraines, des influences pour prendre Hassane Ag Fagaga dans la liste de la CMA pour la présidence du conseil régional, mais en contre-partie, on destinait le gouvernorat de Kidal au GATIA. C’est le ministre de l’Administration Territoriale qui à notre avis a manigancé tout ça et la CMA ne l’accepte pas. Ce qui s’est passé prouve la mauvaise volonté du gouvernement, à mon avis la partie gouvernementale ne veut pas de la paix » poursuit ce même cadre.

Après 3 jours de négociations, une solution de sortie de crise ne semblait pas encore en passe d’être trouvée. « Il serait plus consensuel de les écarter tous les deux, pourquoi ne pas nommer un gouverneur natif de Kayes ou de Sikasso, on est prêt à aller vers ce consensus », confie ce membre de la CMA qui siège dans une des commissions du CSA

Si aucune des parties ne maîtrise pour le moment la solution qui pourrait mener à une porte de sortie, selon nos informations, une proposition de la CMA, si le gouvernement maintient Sidi Mohamed Ag Ichrach comme gouverneur, pourrait émerger. Elle demanderait la nomination d’un gouverneur tendance CMA dans une région où la présidence est assurée par la Plateforme, histoire, dit-on à la CMA, de « rééquilibrer les choses ». « Ça serait un marché de dupe mais c’est comme ça, parce que Ag Ichrach est imposé par le GATIA », résume ce cadre de la CMA

Pour cet autre membre de la coordination, l’État n’arrive toujours pas à prendre des décisions vraiment terre à terre. « Je ne vois pas de sortie de crise, si l’État n’a pas la volonté politique d’aller vers la paix, il n’y aura pas de paix, c’est ça le problème. On va rester dans les tergiversations, ça va continuer à pourrir et ce n’est pas bien. Il faudrait que la décision vienne du plus haut niveau, c’est le 1er ministre qui doit s’imposer ou bien le président de la république pour donner des signaux forts, car nous sommes beaucoup plus pour la paix que les autres partis. On a fait des concessions mais ce que l’on reçoit en contrepartie envenime encore les choses », Conclut-il.

Alghabass Ag Intalla : « Je ne suis pas un va-t-en-guerre »

Le 16 décembre dernier, Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), accédait à la présidence de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Trois jours plus tard, il actait son leadership par un retrait unilatéral de la CMA du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant le retour de son mouvement à la tenue d’une rencontre de haut niveau pour « sauver l’Accord ». Raison pour laquelle un deuxième CSA ministériel fut convoqué le vendredi 10 février, en présence des ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger. Cette rencontre a permis de mettre à plat de nombreux points de blocage et d’arriver à un consensus, remettant la mise en œuvre de l’Accord sur les rails. C’est en marge des travaux de cette rencontre du CSA, que le sulfureux nouvel homme fort de la CMA, qui se fait plutôt rare dans les médias, à accepter de s’exprimer, pour Journal du Mali, sur les sujets concernant le processus de paix et dont il fait aussi l’actualité. Interview.

La rencontre de haut niveau qui s’est tenue le 10 février marque le retour de la CMA dans les travaux du CSA et ses sous-comités. Considérez-vous que cette stratégie de la chaise vide était nécessaire pour faire bouger les lignes ?

Vous savez, on est dans un processus qui n’avance pas. Beaucoup d’amis nous ont conseillé de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide. On l’a fait pour faire bouger les choses et obtenir un consensus, notamment entre les mouvements. Donc, notre abstention était un peu pour forcer ce dialogue qui n’aboutissait pas, malgré la pression de la communauté internationale. Il fallait que nous le fassions pour permettre à la mise en œuvre de l’Accord d’avancer.

Après cette rencontre du CSA, peut-on dire qu’il y a maintenant un retour de confiance entre les groupes armés et le gouvernement, contrairement aux négociations précédentes ?

Vous savez contrairement à ce qui se dit, nous ne nous sommes jamais focalisé sur Kidal. Notre problème c’est tout le Mali et en particulier la zone de l’Azawad. Ce qu’on a demandé durant la rébellion, on ne l’a pas demandé seulement pour le Nord mais pour tout le Mali. La preuve en est que la conférence d’entente nationale, c’est pour tout le Mali. Pour répondre à votre question, la confiance est quelque chose qui vient en travaillant ensemble. Pour la rencontre de haut niveau du CSA, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une confiance totale et assumée, mais en posant des actions concrètes dans un travail en commun, cette confiance pourra s’instaurer avec le temps.

Le gouvernement devra décider qui sera le président du conseil régional de Kidal. Est-ce une façon pour la CMA de prouver sa bonne volonté à la partie gouvernementale ?

Bien sûr. Nous ne voulions pas, devant la communauté internationale, devant les membres du gouvernement et les différents autres mouvements, que l’on puisse dire que le blocage vient de notre côté.

La mise en place des autorités intérimaires et des patrouilles mixtes a débuté cette semaine et ira jusqu’à la fin février. Que pensez-vous de ce nouveau chronogramme?

Les populations de l’Azawad sont pro-mouvement ou pro-gouvernement. Elles ne refusent rien. C’est le gouvernement et nous qui sommes à même de dire si cela est possible ou si ce n’est pas possible. Mais sur place, les populations sont prêtes, donc ce chronogramme est possible à tenir.

 Les différentes parties ont souvent essayé d’inverser le calendrier de mise en œuvre de l’Accord. Qu’est-ce qui garantit que ce nouveau chronogramme sera respecté ?

On ne peut pas dire aujourd’hui qu’on a une garantie que l’on n’avait pas avant. Mais dans ce que l’on voit aujourd’hui, on peut dire que quelque chose a changé. Il y a un changement positif du côté du gouvernement vis-à-vis de notre position. Je vous rappelle que ce n’est pas à nous de faire des actes, c’est le gouvernement qui doit faire des actes. Nous on doit être seulement en accord avec les actes du gouvernement qui sont conformes à l’Accord.

Concrètement, comment vont se mettre en place les autorités intérimaires à Kidal ? Comment cela va-t-il se dérouler ?

Pour le moment, il y a un travail à faire avec les autres parties pour déterminer le chronogramme précis, parce que lors du dernier CSA, leur mise en place a été prévue entre le 13 et le 20 février. Mais ce n’est pas précis. On n’a pas dit Kidal c’est le 15 février par exemple. Normalement, ce jeudi tout doit être calé.

 Comment se fera le retour de la représentation de l’État et de ses services déconcentrés à Kidal ?

Dès que les autorités intérimaires seront installées, la représentation de l’État et les services déconcentrés suivront. Il n’y a aucune raison que cela traîne.

 La CMA a payé le plus lourd tribut lors de l’attentat contre le MOC à Gao. Avez-vous exigé de nouvelles garanties de sécurité pour vos combattants?

Vous savez, les combattants qui s’engagent savent qu’ils peuvent mourir au combat. Ce ne sont pas des chômeurs que nous envoyons pour toucher un salaire. Ce sont eux qui vont créer les conditions de sécurité là où ils seront déployés, ce n’est pas à nous de dire qu’on va les sécuriser. Ils vont prendre leur sécurité en charge. Les gens ont été surpris que des terroristes soient rentrés dans le camp du MOC. C’était malheureusement prévisible.

La vocation des patrouilles mixtes est d’abord de sécuriser les autorités intérimaires et les sites de cantonnement. Or, les combattants ne sont toujours pas cantonnés. Cela peut-il fonctionner ?

Dans la mise en œuvre de l’Accord, tant qu’on arrive à faire avancer les arrangements politiques et sécuritaires ensemble, on pourra aller de l’avant. Il faut éviter de vouloir ramener tout l’Accord à un problème de sécurité seulement. Il ne faut pas qu’on dise que tant qu’il n’y aura pas le MOC, on ne pourra absolument rien faire. Aujourd’hui le processus Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est très compliqué. Ce n’est pas évident de cantonner des gens dans une situation d’insécurité aussi élevée. Il y a 8 sites de cantonnement qui sont construits très loin des centres urbains pour la plupart. En réalité l’opérationnalisation du MOC est très complexe. Je crois que l’attentat de Gao nous oblige à revoir un peu toute la conception du MOC et à essayer de corriger les insuffisances liées à sa mise en œuvre.

Quel statut voyez-vous pour les combattants qui ont intégré les patrouilles mixtes dans le cadre du MOC ?

Le statut des combattants du MOC sera consigné dans un recueil de textes pris par le ministre de la Défense, de sorte que le combattant soit aligné sur son frère d’armes des FAMA en évitant toute forme de discrimination. À grade égal avec leurs frères d’armes des FAMA et ils seront considérés en phase préliminaire d’une intégration effective.

Les problèmes d’inclusivité des groupes armés comme la CPA, le CJA, le CMFPR2 et le MSA, bloquent la mise en œuvre de l’Accord. Où en sommes nous après cette réunion ?  Et pouvez-vous définir ce qu’est la CMA aujourd’hui, qui la compose ?

Je vais vous dire : ces groupes dit dissidents qui réclament de l’inclusivité, c’est un problème du gouvernement malien. C’est la mauvaise volonté du gouvernement malien qui a créé ces groupes là. C’est la sécurité d’État qui les a fait, c’est la sécurité d’État qui les a logés ici, c’est la sécurité d’État qui leur a donné l’ordre de mettre le désordre. Et ils pensaient nous faire chanter avec ces groupes là, mais ça va se retourner contre le gouvernement. Aujourd’hui, la CMA est composée d’un noyau dur, c’est à dire le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le HCUA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), point.

Et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) ?

Si vous démissionnez de la CMA, que vous partez rencontrer le GATIA ou bien la Plateforme ou bien le gouvernement, c’est que vous êtes de leur côté. Donc ce groupe ne fait pas partie de la CMA.

Comment entendez-vous résoudre ce problème d’inclusivité ?

Je suis sûr que si le gouvernement le veut, il va trouver une solution à tous ces mouvements. Et j’espère qu’il va gérer ce problème pour permettre au processus d’avancer.

Les divergences entre la Plateforme et la CMA sont-elles aujourd’hui normalisées ? Qu’en est-il avec le GATIA qui a un discours très va-t-en-guerre envers la CMA et notamment sur son retour à Kidal, par la force s’il le faut ?

Le GATIA a l’habitude de faire des discours très forts, pour les actions c’est autre chose. Je ne sais pas pourquoi il se sent obligé de faire ce type de publicité sur ses attitudes guerrières. Il n’y a rien à tirer de ce genre de comportement devant la communauté internationale. Avec la Plateforme, il n’y a pas de problèmes. Harouna Toureh, le secrétaire général de la Plateforme, est venu chez nous à Kidal la semaine dernière. Le vieux Ahmed Ould Sidi Mohamed, le secrétaire général du MAA pro-gouvernemental, est venu aussi chez nous à Kidal. Il voulait même rejoindre la CMA. On lui a dit qu’il y a des groupes pour garantir l’Accord, qu’il faut qu’il reste dans la Plateforme, que l’on va les soutenir et qu’ils nous soutiendrons, donc nous serons ensemble. Il y a un seul élément côté Plateforme avec qui les choses ne vont pas, c’est le GATIA.

 Doit-on craindre un retour au conflit entre GATIA et CMA ?

On craint toujours une escalade avec le GATIA, car s’ils croisent nos combattants ils vont automatiquement ouvrir le feu. En ce qui nous concerne, tout affrontement avec le GATIA n’est pas à l’ordre du jour.

On entend souvent dire que certaines forces ne souhaitent pas que le processus de paix réussisse. Quelles sont ces forces selon vous ?

Je pense que le GATIA fait partie de ces forces-là, parce que le GATIA existe pour causer des problèmes. S’il n’y a pas de problèmes le GATIA n’existe pas. L’armée malienne a mis le GATIA à sa place, elle lui a donné procuration. Ils ont des moyens, des voitures, des munitions, tout pour combattre les mouvements de la CMA. Tous les groupes que l’on dit extrémistes ne sont pas pour l’application de l’Accord. Ils préfèrent que les problèmes continuent.

La conférence d’entente nationale devrait se tenir en mars prochain. Encore un chronogramme très serré ?

Nous avons dit à toutes les occasions que la conférence d’entente nationale a pour objectif la réconciliation. Comment voulez-vous qu’on réconcilie des gens alors que des dizaines de milliers sont dans les camps de réfugiés. Les réfugiés doivent rentrer chez eux d’abord, qu’ils s’approprient les TDR de cette conférence et ensuite on pourra l’organiser avec les parties à l’Accord.

Beaucoup dans le Nord ne sont pas convaincus du bien fondé des accords. On entend encore parler d’autodétermination, de « Non au Mali ». Pensez-vous qu’il sera aisé d’y faire appliquer les mesures de l’Accord ?

Je pense que c’est au gouvernement de faire la sensibilisation sur l’Accord, de le faire accepter à tout le monde et de l’appliquer dans le sens des mouvements qui ont signé cet accord. Si on l’applique de façon unilatérale, ça ne peut pas répondre aux besoins de la population. Il est sûr qu’il y a toujours des gens ne seront pas contents de cet accord. Il ne faut pas oublier que c’est la communauté internationale qui nous a forcé la main pour accepter cet accord. Mais maintenant qu’on l’a signé, il suffit simplement de l’appliquer et tout le monde sera obligé de l’accepter.

Vous êtes l’actuel président de la CMA. Concrètement quels seront les changements que vous apporterez sous votre leadership ?

À mon arrivée à la présidence, je voulais faire de l’application de l’Accord issu du processus d’Alger ma priorité pour le bien-être de tous. Je voulais aussi prendre des mesures fortes pour unifier les Azawadiens. J’ai fait un acte fort en sortant la CMA du CSA peu de temps après mon arrivée. On dit que je suis va-t-en-guerre, mais moi je ne veux pas faire la guerre. Nous sensibilisons le gouvernement malien et les autres parties sur notre volonté à faire avancer le processus de paix.

Il y a au sein du HCUA, des éléments qui ont encore des liens forts avec Ansar Dine. N’est-il pas nécessaire de faire le ménage pour s’engager pleinement dans la mise en œuvre de l’Accord ? Pouvez-vous clarifier une fois pour toutes les relations que vous entretenez avec ce mouvement et son chef ?

Nous avons déjà répondu à cela. Nous l’avons aussi fait lors de la passation de pouvoir entre Bilal Ag Achérif et moi. On s’est retiré de l’accord pour faire respecter nos engagements. Cet engagement est aussi valable entre nous et Ansar Dine parce que nous étions chez Ansar Dine avant d’être au MIA puis au HCUA. Nous avons déclaré devant tous que nous avons quitté Ansar Dine. Si on voulait retourner à Ansar Dine, personne ne pourrait nous empêcher de les rejoindre, parce qu’ils sont là. Ce sont leurs actions radicales qui nous ont fait nous écarter d’eux. Je n’ai plus de contact ni avec Ansar Dine, ni avec son chef Iyad Ag Ghaly.

 

 

 

 

Fahad Ag Almahmoud : « Nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment »

Une rencontre organisée par la Plateforme devait avoir lieu mercredi 1er février à Anéfis. Au programme de cette réunion, qui devrait se tenir la semaine prochaine, la situation qui prévaut actuellement à Kidal, le retard dans la mise œuvre de l’Accord, ainsi que le retour du GATIA dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, quelles que soient les oppositions et y compris par la force. Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du GATIA a répondu aux questions du Journal du Mali sur ces différents points.

Le GATIA projette de retourner à Kidal, y compris par la force, pourquoi maintenant, vu les tensions actuelles entre la Plateforme et la CMA ?

Vous savez que nous avons été forcé de quitter Kidal le 22 juillet dernier, tous les habitants de Kidal qui appartiennent à nos familles ou à nos alliés ont quitté Kidal. Les forces internationales ont placé une zone de sécurité autour de la ville, pour nous empêcher d’y rentrer, mais ça n’empêche pas la CMA d’aller nous faire du mal ou de nous attaquer. Qui nous sécurise de la CMA ? nous aussi on a besoin de cette sécurité qui profite aux Maliens. Kidal est aussi chez nous, nous n’avons jamais renoncé, nous retournerons à Kidal que ce soit pacifiquement ou violemment.

Depuis l’attaque d’un poste du GATIA dans le cercle de Tinessako, revendiqué par Ansar Dine, les tensions ont redoublé entre le GATIA et la CMA, pour quelles raisons ?

Les gens qui nous ont attaqué sont parties de Kidal et sont revenus à Kidal avec nos deux véhicules. Ils s’appellent, au moment de nous attaquer, Ansar Dine et à la fin de la journée CMA, c’est un problème qui est déjà connu. Nous avons des problèmes avec une communauté particulière et ceux qui la soutiennent. Les Ifoghas et leurs soutiens, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, sont tous des ennemis pour nous, on ne fait pas de différence en ce qui les concerne. En réalité, par endroits et par moments, les mêmes combattants changent de bord. Personne ne peut faire la différence entre Ansar Dine et le HCUA.

Comment peut-on revenir à une paix durable, alors que vous désignez les Ifoghas comme vos ennemis et que vous êtes prêt à des affrontements avec la CMA ?

Tant qu’on ne dira pas la vérité, tant qu’il n’y aura pas de distinction claire, on aura toujours ce problème. Ces gens qui ont pris les armes, ils disent défendre les droits des peuples du Nord, alors qu’en réalité ils ne défendent que leur communauté. Tant qu’on ne dira pas à ces gens que c’est contradictoire, qu’aujourd’hui ce n’est plus possible, qu’il ne peut pas y avoir une rébellion qui revendique les droits pour certains au détriment des autres et qu’on ne prend pas les armes pour que la communauté internationale et nationale fasse de vous des super citoyens, on fera toujours face au problème. Vous et moi savons qu’il n’y a pas eu de critères de recyclage d’Ansar Dine, c’est la totalité du mouvement qui a été accepté. Tant que la distinction ne sera pas nette entre les groupes armés signataires et les djihadistes, ça n’ira pas. Je pense que les pays qui sont autour de la table ont les moyens pour faire cette distinction, tant que ce ne sera pas fait, on continuera toujours à se mentir. Ça, c’est une grande entrave à la paix !

La mise en œuvre de l’accord de paix est en panne, quel avenir pour le MOC qui doit être mis en place prochainement ?

Pour le MOC, la commission d’intégration doit faire son travail, fixer les critères d’intégration donner aux gens un quota et économiser certaines étapes. Les patrouilles mixtes ou bien le MOC, ce sont des mesures qualifiées par l’Accord, de mesures de confiance, mais à ce jour, tous les responsables de la CMA peuvent se promener librement à Bamako et partout au Mali alors qu’à Kidal personnes ne le peut à part eux. Je pense que cette réalité fait que cette mesure de confiance n’est pas respectée.

la CMA s’est retiré du CSA et la Plateforme lui a emboîté le pas, lors de la dernière réunion du CSA, pour quelle raison ?

Nous ne nous sommes pas retiré officiellement du CSA. Mais, je préfère attendre pour répondre à cette question.

À la mi-février, devrait se tenir, comme le demande la CMA, une réunion de haut niveau du CSA, qu’en pensez-vous ?

Les gens de la CMA ont la maladie de certains qualificatifs parmi lesquels ‘‘Haut‘‘. Le CSA est composé d’anciens ministres, il y des représentants de la communauté internationale, ce qui vous en conviendrez, est déjà assez représentatif. Je pense que c’est suffisant, pour les gens de la CMA qui nous ont déjà pas mal emmenés vers le bas, donc pas besoin d’autres choses.

GATIA – CMA, un retour au choc ?

Samedi 21 janvier, trois jours après l’attentat à la voiture piégée qui faisait 77 morts à Gao, dont la majorité parmi les groupes armés, une attaque contre un poste du GATIA près de Tinessako faisait 13 victimes. Cette attaque, imputée à la CMA, vient s’ajouter aux nombreuses violations des accords de cessez-le-feu et pourrait être le point de départ, si on n’y prend pas garde, d’un nouveau conflit entre les deux mouvements rivaux, qui pourrait faire basculer la région dans une nouvelle guerre fratricide.

Malgré les signes d’unité qui ont fait suite à l’attentat qui a fait 77 victimes à Gao, le conflit est la discorde, entre le GATIA et la CMA,  en pause relative depuis septembre dernier, semble ravivé. Samedi 21 janvier, vers 4h du matin, une colonne d’une dizaine de pick-up faisait route vers un poste tenu par le GATIA, situé à une quarantaine de kilomètre de Kidal à l’est d’Edjarer, sur l’axe Tinzawaten-Ménaka, dans le cercle de Tinessako. L’attaque a surpris les 14 combattants du Gatia qui ne se sentaient pas menacés. « Ils sont venus les canarder en pleine nuit alors qu’ils avaient relâché leur vigilance. Il y a eu 13 morts, un combattant du GATIA a pu en réchapper, il a fait une trentaine de kilomètre à pied pour alerter ses compagnons. Le GATIA a suivi les traces des assaillants, elles menaient à Kidal… », explique cette source proche des mouvements.

Le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud a accusé la CMA d’être l’auteur de l’attaque et plus particulièrement un certain Bohaba Ag Hamzata qui serait membre de la coordination. Les responsables de la CMA ont rejeté ces accusations dans un communiqué publié le jour même et ont appelé la Minusma à diligenter une enquête afin de faire la lumière sur ce tragique événement. 24 h plus tard, sur les réseaux sociaux, le groupe djihadiste Ansar Dine revendiquait l’attaque.

Dans le dernier rapport du secrétaire général des Nations Unies sur le situation au Mali, il est fait état, depuis septembre 2016, dans la vallée d’Edjarer, d’exactions, perpétrées par des combattants de la Plateforme et visant les populations, les forçant à se déplacer sous peine de torture ou de mort. Le GATIA, par ces actes, s’est attiré les foudres d’Ansar Dine qui a déclaré la guerre au groupe d’Auto-défense à majorité Imghad.

Bonnet blanc, blanc bonnet Les accusations envers la CMA du secrétaire général du GATIA, ne s’avère pas totalement infondées, mais établir sa responsabilité semble plus complexe. « La mort de ces 13 combattants est dû à une frange du HCUA, des gens qui sont en connivence avec les islamistes. Ils appartiennent aussi à la CMA, ils sont sous l’autorité de son chef actuel, Alghabass Ag Intalla. C’est eux qui avaient perpétré l’attaque de Sehene, début octobre 2016, le jour de la mort de Cheickh Ag Aoussa. En réalité, Bohaba Ag Hamzata, qui est un parent d’Alghabass Ag Intalla est un narcotrafiquant notoire et un des hommes fort du HCUA, ce n’est pas totalement un électron libre, c’est un Ifoghas, un clan soudé, et Ansar Dine est à dominante Ifoghas », révèle cette même source qui côtoie les mouvements.

La katiba de Bohaba Ag Hamzata est une des rares qui ose s’aventurer or de Kidal depuis les affrontements entre Gatia et CMA, qui ont enflammé la région entre juin et septembre 2016. Selon nos informations, ce cadre militaire du HCUA aurait commis l’attaque avec l’aide de son ex-beau père, Malik Wanasnate, un ancien du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA) passé par le HCUA avant de le quitter en 2015 pour revenir à Ansar Dine. En 2012, il était un des commandants de Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du célèbre groupe djihadiste. « Il y a des éléments du HCUA qui sont liés aux djihadistes et qui navigue entre ces deux mouvements », explique cet ancien cadre du MNLA, « Il y a une facette de la CMA pour les médias, mais les gens qui vivent à Kidal savent bien qu’il y a des personnes non-officielles au sein du HCUA, qui sont des bras armés d’Ansar Dine, en même temps ils sont dans l’Accord mais ils font aussi ce qu’ils veulent. Ça maintient la terreur et leur pouvoir sur les autres », ajoute-t-il.

Depuis l’attaque, la tension est en hausse à Kidal. Les rumeurs parlent de représailles et les deux camps s’organisent. « Les armes lourdes sont montées sur les véhicules et la CMA renforcent ses positions. Tout le monde va être comptable de l’action de quelques-uns. Les gens ont peur que cette attaque remette tout à zéro. On craint un nouvel embargo et des affrontements. Après l’attaque, tous les chefs du GATIA qui étaient à la frontière algérienne ou en Libye, lieux de tous les trafics, sont revenus dans la région de Kidal, ils ne reculeront devant rien », explique cet habitant joint au téléphone. Pour cet ancien partisan du MNLA, « ces combats successifs pour la drogue, la rivalité entre Imghad et Ifoghass ou entre le GATIA et le HCUA, ne sont pas prêt de se terminer », affirme-t-il, « Le MNLA n’a pas apprécié cette attaque mais ils ne peuvent rien faire car ils sont dominés militairement et politiquement par le HCUA » et qu’on ne vienne pas lui parler de la Minusma ou de Barkhane « ils ne feront rien pour trouver les coupables, car ils ont toujours besoin de preuve alors qu’ils ne font même pas le déplacement » conclut-il.

CMA, le temps de la fragmentation

Depuis la création de nouveaux groupes armés issus de la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), l’ancienne rébellion touarègue est en perte de vitesse. La fragmentation en son sein augure de la tendance de chaque communauté touarègue à vouloir sa place dans le processus de paix.

Au Nord, le Mali reste plus que jamais immergé dans la crise qui se prolonge avec les affrontements entre la Plateforme, dont le fer de lance est le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), et la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA), réunissant les ex-mouvements rebelles. Aujourd’hui, les acteurs de la mise en œuvre de l’accord de paix signé il y a plus d’un an, sont paralysés par ce conflit qui empêche pour le moment d’envisager une sortie du tunnel. De fait, les affrontements GATIA/CMA, sur fond de guerre tribale, ont créé une nouvelle donne qui a entraîné ces deux derniers mois des défections au sein du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), figure de proue de la CMA, débouchant à la création de nouveaux groupes armés.

MSA et CJA Début septembre, Moussa Ag Acharatoumane, chef de la tribu touarègue des Daoussahak, pourtant cofondateur du MNLA, en est parti pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Il dénonçait les « déséquilibres à l’intérieur de la CMA, où la gestion est trop unilatérale », « la recrudescence de l’insécurité et des conflits fratricides ». Un grand nombre d’observateurs ont décelé dans cette scission le signe d’un affaiblissement du MNLA ou de la CMA, critiqué par certains militants, soit pour l’abandon de l’objectif de l’indépendance, ce fut le cas du porte parole en France, Moussa Ag Assarid, soit pour la main mise de trop importante de certaines tribus sur le mouvement, notamment celle des Ifoghas. Le climat est donc visiblement à la fragmentation. Comme l’a également prouvé la création, rendue publique par un communiqué daté du lundi 10 octobre, du Congrès pour la justice de l’Azawad (CJA), issu de la tribu Kel Ansar de Tombouctou. L’un des chefs provisoire du mouvement est bien connu, il s’agit de l’ancien ministre Hama Ag Mahmoud, qui faisait partie des fondateurs du MNLA. La création d’autres groupes armés n’est pas à exclure, d’autant que chaque tribu ou communauté cherche à tirer son épingle du jeu, dans le cadre des futures autorités intérimaires. Sauf que cette fragmentation retarde d’autant le processus.

 

Le GATIA : l’outsider gagnant

À l’heure où la CMA, qui détient la ville de Kidal, est affaiblie par de nombreuses dissensions en son sein, la Plateforme et son fer de lance le GATIA se renforcent sur les terrains militaire et politique. Ce dernier, longtemps cantonné sur les champs de bataille, entend désormais se faire entendre et jouer sa partition.

Bras armé de la Plateforme, mouvement signataire de l’Accord d’Alger, le Groupe armé d’autodéfense imghad et alliés (GATIA) s’est au fil des mois imposé comme un acteur incontournable du nord du Mali. Ces dernières semaines, après avoir été sur le terrain militaire, où il a engrangé plusieurs succès, c’est désormais sa stature politique qui prend de l’ampleur avec les ralliements d’autres mouvements autrefois alliés de la CMA.

Créé en 2014 pour protéger les populations de la communauté imghad, le GATIA est en effet en passe de devenir le plus grand mouvement polico-militaire du nord du pays. « Après une analyse minutieuse de la situation du nord du Mali et de tout ce qui s’y passe, nous comptons, avec nos frères de la Plateforme, tout mettre en œuvre pour privilégier le combat pour la paix et le développement au bénéfice de nos populations qui ont tant souffert », a expliqué Sidi Mohamed Ould Mohamed, porte-parole du MAA de Ber qui a quitté la CMA le 27 septembre. De l’avis d’Amara Keïta, sociologue enseignant-chercheur à l’université de Bamako, « il ne fait aucun doute que la nouvelle position du GATIA affaiblira la CMA qui était maître de jeu dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger ». « Aujourd’hui, exclue de la gestion de Kidal, la communauté touarègue imghad, majoritaire dans le nord du pays, se battra jusqu’au bout pour son existence », explique-t-il. « L’une des principales raisons de cette montée en puissance du GATIA a été la résistance de ses leaders politiques et militaires à l’idéologie indépendantiste. Il a en fait récolté les fruits de cet effort », ajoute Mr Keïta.

Non indépendantiste, le GATIA veut se dissocier des autres mouvements armés. Une position qui lui vaut aujourd’hui l’estime d’une bonne partie du peuple malien, ce qui renforce plus encore sa position et le rend objet de suspicion voire d’accusations quant à ses liens avec le pouvoir de Bamako. Une proximité largement démentie de part et d’autre, sans toutefois vraiment convaincre ceux qui le voient aujourd’hui en position de réclamer sa part de la gestion de l’État, comme y ont eu droit des cadres de la CMA…

 

Habala Ag Hamzata, Secrétaire général adjoint du GATIA : « Nous avons toujours fait ce qui nous était demandé »

La question de votre lien avec le gouvernement est de nouveau sur le tapis. Avez-vous des commentaires ?

Le GATIA n’est pas une création de l’État malien. Il a été créé dans des conditions que tout le monde connait, après les événements de Kidal, le 23 mai 2014. Nos populations ont subi beaucoup d’exactions, donc nous avons été obligés de nous retrouver entre nous. L’objectif est de protéger les populations et leurs biens sur toute l’étendue des cinq régions du nord. Le gouvernement du Mali ne nous donne rien. C’est avec les contributions de nos communautés, avec l’apport de nos ressortissants que nous sommes en train de travailler.

Vous vous battez pour récupérer Kidal. Une fois cet objectif atteint, restituerez vous la ville à l’État malien ?

Nous tentons d’être à Kidal pour que les populations puissent enfin se sentir en sécurité, revenir dans leurs maisons, dans leurs commerces. Le Mali va revenir à Kidal à l’issue du processus de paix. Le calendrier est bien clair et le redéploiement de l’administration et de l’armée malienne se fera selon ce calendrier prévu par les différentes commissions en charge de la mise en œuvre de l’accord.

Comment appréciez-vous les propos de l’ambassadeur des États-Unis qui accuse le GATIA d’envenimer la situation ?

L’ambassadeur a tenu des propos partisans qui montrent qu’il est du côté de la CMA. Sur quelles bases dit-il que le GATIA ne veut pas de la paix alors que nous avons toujours fait ce qui nous était demandé suivant le processus de paix ? On a été les premiers à demander à ce que le MOC (Mécanisme opérationnel de coordination, ndlr) et les autorités intérimaires soient opérationnels au nord du Mali. On a toujours été à la disposition de la communauté internationale pour la mise en œuvre de l’accord de paix. Que doit-on faire de plus ?

On nous accuse de freiner l’acheminement de l’aide humanitaire. Ce n’est pas le cas parce que ce sont nos populations qui en ont besoin. Nous avons dit à toutes les organisations humanitaires qu’on ne va plus accepter que cette aide soit seulement destinée aux populations liées à la CMA. Si on doit assister des populations, ce sont celles qui ont été chassées de la ville de Kidal et qui sont sans eau, sans médicaments, dans la brousse, dans les localités les plus éloignées.

 

GATIA-Gouvernement, des relations en demi-teinte

Le GATIA et la CMA, qui s’affrontent depuis 3 mois dans une guerre communautaire dont l’enjeu principal est la gestion socio-économique et sécuritaire de la ville de Kidal, s’accusent mutuellement d’être soutenus par le gouvernement malien. Un officier supérieur de l’armée malienne proche du dossier assure que dans ce conflit, Bamako ne soutient aucun camp et travaille au rétablissement de la paix.

Bien que le problème entre le GATIA et la CMA soit d’abord un conflit identitaire opposant Imghad et Ifoghas, la tournure que prennent les événements dans la région de Kidal permette difficilement d’entrevoir une porte de sortie, tant les différentes tractations, négociations et autres accords ne semblent pas parvenir à rétablir la paix. « Les accords ne fonctionnent pas parce que la CMA, et le HCUA en particulier, ne peuvent pas adhérer foncièrement au processus de paix tant que Iyad Ag Ghaly n’aura pas donner son avis, sa vision sur la question,  ils ont peur de Iyad, ils seront toujours hésitant et n’oseront pas se prononcer, c’est le fond du problème », explique cet officier supérieur de l’armée malienne sous anonymat.

Selon lui, les autorités maliennes ne soutiennent aucun camp en particulier et oeuvrent quotidiennement pour le processus de paix. Ils réfutent les accusations proférées par le HCUA, au début du mois, qui sommait le gouvernement de rappeler « à l’ordre ses militaires déguisés en miliciens», une manière de dire que la frontière entre le Gatia et l’armée malienne est plus que ténu. « Nous ne soutenons pas Gamou, c’est un géneral de l’armée malienne, qui vit avec son salaire de général malien, c’est le lien qu’on a avec lui… mais si il y a des gens qui sont là pour aider on peut dire qu’ils ont une bénediction… le gouvernement n’a rien à voir avec le GATIA, c’est un groupe d’autodéfense, ils sont versatiles, ils peuvent changer d’un moment à l’autre », affirme ce haut-gradé.

Pourtant, mardi 27 septembre, lors d’une conférence de presse à l’ambassade des Etats-Unis, l’ambassadeur américain Paul Folmsbee, a dénoncé la situation au nord du pays, le piétinement de la mise en œuvre de l’Accord et exhorté le gouvernement malien à mettre « fin à tous liens à la fois publics et privés avec le GATIA », une façon pour le partenaire américain de sonner la fin d’une ambiguïté qui pourrait nuire au rétablissement de la paix.

Les conflits inter et intracommunautaires au nord du pays n’ont jamais été un problème simple à régler, une cinquantaine d’année de conflit sont là pour en témoigner, néanmoins dans ce feuilleton devenu malheureusement récurrent, les multiples négociations publiques ou privées ont peut-être pris davantage de place, que les notions essentielles que sont pour un Etat, l’autorité et la souveraineté.

 

 

 

 

 

Paul Folmsbee : « Ça doit cesser ! »

L’ambassadeur des Etats-Unis au Mali a rencontré la presse nationale ce mardi au sein de la représentation diplomatique américaine. Principal sujet de discussions, la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali.

« Nous voulons tous un Mali fort », n’a pas manqué de rappeler à plusieurs reprises l’ambassadeur qui a placé cette rencontre dans la droite ligne de la réunion de haut niveau sur le Mali qui s’est déroulée en marge de l’Assemblée Générale des Nations Unies, en fin de semaine dernière. Paul Folmsbee a réitéré l’engagement de son pays aux côtés du Mali pour l’atteinte de ses objectifs de développement, avec plus d’un milliard de dollars américains engagés depuis 2013. « Mais cela ne peut se faire sans la paix et la stabilité », a-t-il souligné. La situation au nord et au centre du pays et le piétinement de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation sont une réelle préoccupation pour le partenaire américain qui estime que « tout n’est pas fait pour aller vers la paix ». « Le gouvernement malien doit aller au dela de l’adoption de lois et la mise en place de commissions, et se concentrer  sur l’extension de son autorité sur l’ensemble du Mali », dira le diplomate qui demande également que le gouvernement mette « fin à tous liens à la fois publics et privés avec le GATIA ». Il a appelé les autres groupes armés au « comportement belliciste » à également montrer plus de bonne volonté dans la mise en œuvre des dispositions de l’accord. « Un tel comportement doit cesser si nous voulons la paix » a-t-il martelé.

Paul Folmsbee a profité de ces échanges pour également évoquer l’actualité politique dans son pays, marquée par la campagne pour la présidentielle de novembre prochain et le premier débat entre les deux candidats qui s’est déroulé ce 26 septembre. Selon lui, la prochaine présidentielle américaine est historique parce que c’est la première fois qu’une femme porte les couleurs d’un des deux partis majeurs. « On ne saurait dire qui va gagner cette élection. Mais que ce soit Hilary Clinton ou Donald Trump,  les Etats Unis maintiendront leur relation privilégiée avec le Mali », a conclu le diplomate qui a annoncé qu’une série d’événements sera organisée par l’ambassade dans le cadre de l’élection, au fil des prochaines semaines.