Honorable Youssouf Aya : « Nous nous glissons malheureusement vers une guerre ethnique sans précédent »

Élu de Koro, l’Honorable Youssouf Aya dresse un tableau sombre de la situation qui prévaut dans son cercle.

Koro a été endeuillé par des affrontements intercommunautaires il y a deux semaines. La situation a-t-elle évolué ?

Je dirais qu’il n’y a pas eu de changement. La situation s’est complètement détériorée depuis trois semaines. Les associations communautaires comme Guina Dogon ou Tabital Pulaku ont toujours été présentes. Avec les élus, des forums sont organisés pour favoriser le dialogue. Mais, franchement, rien n’a changé. Depuis 2012, des hommes armés ont profité du fait que l’Est de Koro, une zone très vaste, soit démuni de toute présence militaire et s’y sont installés. Des conflits, que je considère comme mineurs, existaient déjà entre les Peuls et les Dogons. Au départ, le modus operandi était djihadiste : brûler les églises, frapper ceux qui boivent de l’alcool… Ces groupes ont par la suite beaucoup recruté parmi les Peuls. De fait, les Dogons ont conclu que ce ne sont pas des djihadistes qui les attaquent mais plutôt des Peuls. La tension est montée crescendo, jusqu’à l’évènement de Diougani, où les djihadistes ont assassiné un chasseur très influent. Une expédition punitive a ensuite été menée par des Dogons sur un village peul, ce qui a entrainé de nombreux morts. Il y a des Dogons et des Peuls partout et les personnes qui meurent ont une famille. Les deux communautés, dans les différents villages, sont obligées de s’impliquer dans le conflit, qui vient de s’étendre jusqu’à Koro. Nous glissons malheureusement vers une guerre ethnique sans précédent, ce qui est très inquiétant.

Les Peuls accusent le gouvernement d’armer les Dogons …

Une situation aussi complexe est un terrain propice à toutes les interprétations, mais je n’ai aucune information attestant que le gouvernement ait armé les Dogons. Là où les chasseurs opèrent, il n’y a pas d’armée. Je ne vois donc pas comment le gouvernement pourrait leur donner des armes. Je ne veux pas parler en son nom, je ne sais pas ce qui se passe au niveau de l’Exécutif, mais je refuse de croire à ces allégations.

Vous avez, avec d’autres élus de la région, rencontré le Premier ministre le 17 mars. Qu’est-il sorti de vos échanges ?

Nous lui avons dit que nous appelions le gouvernement à quadriller le terrain à travers l’armée malienne et pour qu’il accompagne les associations qui initient le dialogue. Il nous a dit qu’il était parfaitement d’accord avec notre approche et assuré que tout serait fait afin que le terrain soit occupé par les Famas. Mais sur la durée, le temps d’affiner les contours. En tant que chef du gouvernement, il a affirmé être prêt à accompagner toutes les initiatives.