Pourquoi Hassane Ag Fagaga a-t-il prêté serment à Bamako ?

Hassane Ag Fagaga, le nouveau Président de l’Autorité intérimaire régional de Kidal a prêté serment jeudi 16 mars à Bamako. L’insécurité dans la région de Kidal serait la raison principale.

C’est dans la grande salle du gouvernorat du district de Bamako qu’Hassan Fagaga, nouveau Président de l’Autorité intérimaire régional de Kidal a prêté serment ce jeudi 16 mars en présence du ministre de l’Administration Territoriale. En d’autres termes, Hassan Fagaga est désormais pleinement investi de ses missions.

La question qui taraude les esprits, c’est pourquoi le choix de Bamako et non la ville de Kidal quand on sait qu’il est appelé à travailler sur place. Pour Alkassim Ag Alhouchel, président de la jeunesse CMA, les raisons sont évidentes, « les conditions sécuritaires ne lui permettent pas de prêter serment à Kidal ». Comment Hassane Fagaga pourrait-il donc occuper ses fonctions dans les jours à venir ? « Avec l’application effective de l’accord pour la paix et la réconciliation, il assumera son rôle comme il le faut », estime Alkassim. Quant à la CMA, elle considère la désignation d’Hassan Fagaga acceptable.

Fahad Ag Almahamoud de la plateforme en réponse à cette prestation de serment écrit sur Twitter que « si l’Autorité Intérimaire de Kidal prend service à Bamako il faut aussi s’attendre à ce que les patrouilles mixtes de Kidal aient lieu à Bamako ».

On rappelle que c’est le 28 février dernier que les autorités intérimaires de Kidal ont été installées après plusieurs mois de négociations et de reports. Israch Ag Mohamed, a quant à lui, a prêté serment à Gao.

 

Autorités intérimaires : Tractations et compromis, pour la présidence d’une région

Hassane Ag Fagaga, chef militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dirigera le conseil régional transitoire de Kidal. Sa nomination serait la décision de la partie gouvernementale après plusieurs concertations et tractations avec la CMA et la Plateforme. En coulisses, cette nomination attendue, a imposé ce cadre militaire aguerri de la CMA au détriment du choix initial qui devait se porter sur Abda Ag Kazina, un intellectuel, maire adjoint de Kidal.

Officiellement c’est Hassan Ag Fagaga, ex-colonel de l’armée malienne, indépendantiste et ex-rebelle, qui a été désigné par le gouvernement pour présider la région de Kidal durant la période intérimaire. Officieusement, on rapporte que la partie gouvernementale a voulu ménager le CMA en demandant à la Plateforme de céder la présidence de Kidal, point de friction entre ces deux mouvements. Il y a eu beaucoup de tractation qui ont mené à des concessions et le dernier compromis a porté Hassane Ag Fagaga à la présidence de la région. « La partie gouvernementale a été maline, ils ont accepté de nommer Fagaga, d’une part pour ménager la CMA et faciliter leur retour à Kidal, d’autre part parce que Fagaga plaira aux gens réfractaires à l’État, ce qui permet aussi de canaliser beaucoup d’éléments radicaux de la CMA, et s’il y a un problème, ils ne pourront s’en prendre qu’à leur dirigeant », analyse cette source proche des mouvements

À Kidal, il semblerait que le choix de cette nomination ne soit pas du goût de tout le monde, car de nombreuses personnes désiraient que les choses avancent. La nomination de ce chef militaire, noyau dur de la CMA, ex-déserteur de l’armée malienne, qui fut l’instigateur de plusieurs rébellions n’est pas forcément, pour beaucoup, une bonne chose. « C’est quelqu’un qui n’est pas lettré, il n’a pas été à l’école. Sa nomination plaît surtout à une petite partie radicale, il y aussi des gens qui estiment qu’il a beaucoup fait pour la rébellion. Sinon la majeure partie de la population n’est pas très enthousiasmée par sa nomination », explique un employé humanitaire de Kidal, joint au téléphone.

Initialement, bien avant ce choix, était en lice pour présider l’assemblée régionale de Kidal, un conseiller d’Aguelhoc et Abda Ag Kazina, jeune adjoint au maire de Kidal. « C’est Abda qui était pressenti pour être en réalité le président, mais sa proximité avec la Plateforme a joué contre lui, surtout après l’opposition GATIA – CMA. Donc il y a eu cette nomination de Fagaga. La CMA l’a proposé parce qu’il est non seulement militairement un des hommes fort de de la CMA mais aussi pour son ethnie, c’est un Ifoghas. Dans toutes ces nominations, que cela soit la CMA ou la Plateforme, ils essaient toujours d’aménager les places en fonction des différentes ethnies », révèle cette source proche des mouvements.

De nombreux point séparent Kazina et Fagaga, le premier est jeune, brillant, un intellectuel qui est parvenu à la mairie de Kidal alors qu’il était dans la vingtaine, une grande surprise à l’époque, courtisé un temps par la CMA pour venir rejoindre leur rang, il a refusé, ce qui n’a pas été vraiment  apprécié, il représente aujourd’hui un certain renouveau. Le deuxième est un militaire aguerri, figure indépendantiste, cousin du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cacique de la rébellion, plus âgé et peu lettré. « le problème du choix de Abda Kazina c’est que la CMA voit en lui un pion du GATIA, notamment parce qu’il est un proche de l’ancien gouverneur de Kidal qui est actuellement ambassadeur du Mali au Niger et qui est lui même un proche du Général Gamou. il est aussi très jeune, dans notre milieu ici ce n’est pas facile pour les jeunes d’émerger comme ça, c’est un des très rare cas, sinon le premier. Globalement les intellectuels, les gens qui ne sont pas trop proche de la CMA ou qui sont objectifs, pensent que Kazina était un bon choix, car il à la tête dure et bien fixée sur les épaules », poursuit cette même source.

Hassane Fagaga devrait être investi par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, ce samedi 18 février. Abda Kazina devrait aussi être présent pour cette investiture. Ce dernier, joint au téléphone, dit souhaiter que Hassane Fagaga soit « la personne qui pourra mener à bien cette période intérimaire, malgré les multiples insuffisances », mais le jeune maire adjoint de Kidal aura peut-être tout de même l’occasion de faire ses preuves puisqu’il est proposé, dans ces autorités intérimaires, comme premier vice-président de la région. « Si le consensus est mis en œuvre, et que je suis nommé, je pense qu’on fera de notre mieux pour qu’il y ait un décollage sur le plan du développement et de la réconciliation », nous a-t-il confié.