Sécurité : les groupes armés de la CMA fusionnent

Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad, les trois groupes armés regroupés au sein de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), viennent de fusionner en une seule entité politique et militaire.

La cérémonie de signature de la déclaration consacrant cette fusion s’est déroulée hier mercredi 8 février au stade Mano Dayak de Kidal en présence des responsables des mouvements.

Pour concrétiser cette nouvelle étape selon le directoire de la CMA, les trois mouvements ont décidé de mettre en place un comité technique chargé des modalités pratiques de la fusion, et d’organiser dans les meilleurs délais un congrès qui fixera les orientations et mettra en place les organes de la nouvelle organisation.

En attendant l’aboutissement du processus, le Bureau exécutif de la CMA continuera la gestion des affaires de la Coordination, précise la déclaration qui invite par ailleurs les autres mouvements à se joindre à l’initiative d’union.

Si cette fusion des trois mouvements de la CMA répond, selon ses initiateurs au besoin d’union face aux défis pour parvenir au bien-être socio-politique et celle de l’amélioration de la situation sécuritaire dégradante dans la zone, elle devrait également donner plus d’épaisseur à la CMA face au gouvernement dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 issu du processus d’Alger.

La CMA et d’autres groupes réunis au sein du CSP ont suspendu depuis le 21 décembre 2022 leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre.

Ces groupes envisagent de lancer le 20 février prochain, une grande opération de sécurisation des populations des régions du Nord.

CMA et MSA-GATIA : la guerre des mots

Entre la CMA et le MSA-GATIA, la tension monte. Le 15 mai, le président  de la CMA à Ménaka aurait été enlevé par le MSA, puis relâché.  La CMA accuse, le MSA dément. Le même jour, des responsables du GATIA  du cercle de Gourma Rharous (Tombouctou) adhèrent au HCUA, membre de la CMA. Le GATIA  réagit.

Le 11 octobre 2017, plusieurs chefs de fraction ont démissionné du MSA, dont Siguidi Ag Maditt pour rejoindre le HCUA, membre de la CMA.  Un revirement que Moussa Ag Acharatoumane, l’un des fondateurs du MNLA et actuel secrétaire général du MSA ne digère pas, mais  considère de même  sans impact.

Le démissionnaire du MSA, Siguidi Ag Madit,  devenu président de la CMA à Ménaka a été enlevé le 15 mai 2018 alors qu’il sortait d’une mosquée. Le 2ème  adjoint au maire de Ménaka est aussi le chef de la fraction Idoguiritane de la communauté Daoussahak .

La CMA, dans un communiqué publié le lendemain informe que l’intéressé a été enlevé « par un certain Almahmoud Ag FANGAS, homme de main de Moussa Ag Acharatoumane ». Le communiqué poursuit : « cette montée verbale, suivi des enlèvements pourrait mettre à mal les relations déjà entamées entre la CMA et cette milice dans la zone de Ménaka. Les hommes de cette milice sont à leur énième fois de s’en prendre ouvertement à des populations pour leur appartenance à la CMA », accuse ainsi la coordination. La réponse ne s’est pas faite attendre. Le MSA, lui aussi, dans un communiqué dément ce qu’il qualifie d’ « allégations mensongères et honteuses  dictées par le HCUA ». Il rappelle que le contentieux qui a opposé Siguidi Ag Madit et Almahmoud Ag Fangas « a été réglé à l’amiable et en famille », excluant toute implication d’un quelconque mouvement.  Le MSA dit « condamner l’intimidation orchestrée par les groupes armés terroristes (GAT) à l’endroit des populations des régions de Ménaka, Gao et Tombouctou au profit du HCUA. » De même, il accuse le HCUA d’avoir assassiné deux de ses officiers,  et enlever puis massacrer plusieurs civils », soutient-il.

 CMA et GATIA : la discorde

Le 15 mai 2018,  des élus et notables du cercle du Gourma Rharous démissionnent du GATIA et adhèrent au HCUA. Dans le même communiqué du 16 mai, la Coordination des Mouvements de l’Azawad s’était réjouie de la nouvelle estimant que ce « retour n’est qu’une délivrance du joug du GATIA ». Par la même occasion, elle informe que « depuis un certain temps, des communiqués de certains responsables du GATIA affichent une rhétorique tendant à mettre à mal les accords du 20 septembre 2017 signés entre la CMA et la Plateforme », note la déclaration, appelant « à la retenue et au sens élevé de responsabilité. »

De son côté, le GATIA dans son communiqué du 16 mai,  dit prendre acte de cette  démission et  « informe que ces revirements s’opèrent en application des directives des Groupes Armés Terroristes, qui viennent d’arriver massivement dans le Gourma », réplique-t-il.  Il invite les acteurs du processus  de paix « de cesser de se voiler la face et à faire face à la réalité en dénonçant et combattant la collusion que certains mouvements signataires continuent d’entretenir avec les Groupes Armés Terroristes » conseille le communiqué.

La flambée de ses  échanges  est  indicatrice des divergences entre la coalition MSA-GATIA et la Coordination des Mouvements de l’Azawad.  Pour l’heure,  les différents mouvements appelle à sauvegarder les acquis et réaffirment leur volonté de poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Talataye : Vivre dans la peur

Depuis une dizaine de jours, la commune rurale de Talataye, une localité isolée située dans le cercle d’Ansongo, est en proie à de vives tensions. Terrorisme ou conflit interethnique, enjeu sécuritaire et jeux d’intérêts entre groupe armés, ont installé un climat délétère dans cette commune, restée longtemps dans le giron de la CMA et qui vit depuis des années comme repliées sur elle-même.

En ville, quand ils sortent, les gens ne s’attardent plus, le marché de Talataye d’habitude très fréquenté qui attire les samedi, forains, éleveurs et commerçants des alentours, comme du Niger et de l’Algérie a désempli, la peur et l’incertitude ont gagné la population depuis l’attaque par des hommes armés non-identifiés, le 2 février dernier, du village voisin d’Inwelane, qui a fait 4 victimes, dont l’imam de la mosquée pris en otage puis égorgé par les assaillants. La présence d’un important contingent du Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA ) épaulé par le GATIA ( Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés ), qui ont pris en chasse ces hommes armés qualifiés de djihadistes, au lieu d’amener la sécurité et l’apaisement semble avoir exacerbé les tensions. « Le MSA, après avoir pourchassé les présumés djihadistes, est revenu en armes à Talataye quatre jours plus tard. Ils nous ont dit que ceux qui ont attaqué Inwelane étaient des djihadistes et qu’ils avaient été guidés par des gens de Talataye. Ils cherchaient 5 personnes, mais ils ne les ont pas trouvées, car la plupart des hommes apeurés ont quitté le village ne laissant que les femmes et les enfants. C’est là que le harcèlement, les arrestations et les violences ont commencé et ont duré 3 jours », confie amèrement ce commerçant, affecté psychologiquement et qui songe depuis ces événements à quitter la commune. Pour le MSA, dans cette localité où l’on tient à la mosquée des prêches rigoristes, où on contraint les femmes à ne pas se rendre au marché et à se vêtir convenablement, la proximité de certains habitants avec les djihadistes ne semblait faire aucun doute.

Pourtant, dans la commune, bien que l’on ne sache pas réellement qui sont les assaillants, la thèse d’une attaque commise par des éléments djihadistes ne convainc pas vraiment. Les regards se tournent plutôt vers Inwelane où quelques semaines auparavant un éleveur peul a été assassiné et son bétail volé par des hommes armés du village, un état de fait loin d’être rare dans la zone.

Djihadistes ou conflit interethnique ?

« Les gens d’Inwelane et de Talataye appartiennent à la même communauté, les Daoussahak. La majorité des combattants du MSA viennent du village d’Inwelane et ils sont tous armés là-bas. Les gens de Talataye ont désapprouvé l’assassinat de ce Peul, ils en ont même appelé à la justice pour dire qu’ils ne veulent pas de ça chez eux, qu’ils ne veulent pas de problème avec d’autres communautés, une position qui n’a pas vraiment été appréciée à Inwellane. Je pense que cette attaque était surtout un règlement de compte. Si le MSA préfère dire que ce sont des terroristes, c’est peut-être qu’en disant cela ils pensent pouvoir obtenir un soutien du gouvernement ou de la communauté internationale», affirme cet habitant de la commune sous anonymat.

Un avis partagé par Salah Ag Ahmed, le maire de Talataye : « Je ne peux pas dire que ceux qui ont attaqué Inwelane sont des terroristes. Mais ils étaient majoritairement composés de Peuls et malheureusement les gens, dans l’ignorance, considèrent que tous les Peuls sont avec les terroristes. Quand les gens ont appris qu’un Peul avait été assassiné et volé, ils ont tout de suite su qu’il y aurait une réaction et ça n’a pas tardé », explique-t-il.

En dehors de cette attaque qui semble être à forte connotation ethnique, un autre enjeu, en forme de bras de fer, oppose la population de Talataye au MSA : la sécurisation de la commune, dans laquelle le mouvement armé aimerait implanter un poste de sécurité.

Sécurité et jeux d’intérêts

À Talataye, on voit d’un très mauvais œil l’installation d’une force armée dans le village, qui pourrait remettre en question la paix relative qui règne dans la commune. « La population de Talataye était en parfaite entente avec tous ses voisins, l’arrivée d’un groupe armé va créer plus de problèmes. S’il y a des attaques, la population dans sa grande majorité préfère que ce soit résolu d’une autre manière que par la force, parce qu’avec la force des représailles s’ensuivront. », soutient le maire de la commune. « Je n’ai aucune confiance dans les groupes armés, car ils sont comme les terroristes, ils ne suivent aucune loi, ils font ce qu’ils veulent », assène cet autre habitant.

Reste que la commune de Talataye demeure une zone convoitée par les groupes armés car elle est en quelque sorte une plaque tournante entre l’Algérie et le Niger. Le marché y est très important d’un point de vue économique et ces retombées conséquentes pourraient permettre à ces groupes de financer certaines de leurs activités. « C’est une zone qui a longtemps échappé au contrôle des mouvements armés qui sont vers Ménaka, le GATIA et le MSA , ça devient même un défi pour eux de la contrôler », explique Salah Ag Ahmed

« Moussa Ag Acharatoumane, le Général Gamou, Alghabass Ag Intalla, ils sont tous venus à Talataye, ils ont fait des réunions avec les responsables de la localité. ils veulent avoir leur part dans la gestion de la commune, car c’est une zone importante. Je pense que la population préférerait être sécurisée par le HCUA ( Haut conseil pour l’unité de l’Azawad ) puisque le maire est de ce mouvement. Il habite à Kidal et vient très rarement ici. Il doit certainement y avoir une rivalité entre la CMA ( Coordination des mouvements de l’Azawad ) et le MSA pour contrôler la zone », ajoute cet élu d’un village voisin.

À Talataye, un des villages où le drapeau du MNLA ( Mouvement national de libération de l’Azawad ) a flotté pour le première fois avant même l’éclatement de la rébellion, cette question de la sécurisation de la commune a pour le moment engendré un statu quo. Le MSA est parti avec armes et bagages, en début de semaine, en direction d’Indelimane, mais la population sait déjà qu’ils reviendront. La gestion de cette petite localité du cercle d’Ansongo reste un enjeu pour ces groupes armés qui ne semblent considérer la population que comme un faire-valoir à sécuriser, posant par la même des questions qui pour le moment restent sans réponse : peut-on protéger une population contre son gré ? et qui protégera cette population de ses protecteurs ?

EXCLUSIF/ Zeina Walet Ilady : « Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! »

Depuis le début du mois d’octobre à Kidal, au Nord du Mali, les manifestations s’enchaînent contre la Force Barkhane et ses méthodes. La mort entourée de mystère, il y a un an, de Cheikh Ag Aoussa, ex-numéro 2 d’Ansar Dine, chef militaire redouté et sulfureux du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), dans l’explosion de son véhicule, est venue s’ajouter à l’hostilité suscitée par les récentes actions coups de poings de la force française. Beaucoup à Kidal pointent du doigt son rôle trouble dans la mort de ce faucon de la rébellion touarègue. Au premier plan, Zeina Wallet Ilady, la veuve de Cheick Ag Aoussa, instigatrice des manifestations qui agitent la capitale de l’Adrar des Ifoghas. Cette femme d’influence est déterminée à tout faire pour que la force Barkhane « dégage » de la région.

La force Barkhane a procédé à plusieurs interventions qui se sont soldées par des arrestations dans Kidal et sa région depuis le début du mois d’octobre. Des manifestations contre Barkhane, dont vous êtes l’une des principales instigatrices, ont lieu depuis, chaque semaine. Pourquoi une telle hostilité envers la force française ?

Depuis que Barkhane est ici, je ne vois pas ce qu’ils ont fait de bien pour Kidal. Ils arrêtent nos hommes, prennent des innocents qu’ils nomment terroristes et quand ils ont fini avec eux, ils les donnent au Mali. Quand on se tourne vers le Mali pour les faire libérer, il faut donner de l’argent, prendre des avocats, payer 2 à 3 millions de francs CFA. Ils « bouffent » ça et personne ne sort. Puis Barkhane revient encore pour prendre les gens en disant que ce sont des terroristes. Pour moi, c’est Barkhane les terroristes ! Moi, c’est eux que je crains. Leurs actes sont comme ceux des terroristes. Ils rentrent dans les maisons des personnes, les violentent, parfois les tuent, brûlent leurs biens. Pour  moi, c’est la même chose.

Pourtant ils luttent contre le terrorisme justement. Il y a eu des résultats…

On n’est pas contre Barkhane parce qu’on serait avec les terroristes ou parce qu’ils luttent contre le terrorisme. Mais Barkhane ne combat pas les terroristes, ils font de vastes coups de filet et s’en prennent aux gens de la région. Au final, c’est eux qui nous terrorisent ici chez nous, ils font ce qu’ils veulent. Je suis en charge de la gestion de la ville d’Abeïbara concernant la santé, la nourriture, l’éducation, etc. Je travaille aussi à faire revenir les jeunes dans la région. Mais personne ne souhaite revenir. Quand on essaie de les sensibiliser au retour, ils répondent : « On va nous prendre pour des terroristes, ils vont nous mettre en prison et qui nous défendra demain ? ». Comment voulez-vous les sensibiliser dans ces conditions ? On est contre tout ce que fait Barkhane ici.

 Durant vos manifestations on pouvait entendre et lire sur des banderoles les slogans « Barkhane dégage ! », « Dehors la France ! ». Souhaitez-vous vraiment le départ de la force Barkhane qui, par ailleurs, est aussi impliquée dans des actions de développement à Kidal ?

Mon souhait est que Barkhane quitte la région de Kidal. Ils savent que le terrorisme n’est pas concentré à Kidal ou dans la région. Ils savent où sont les terroristes, ils n’ont qu’à y aller avec leurs hélicos. À Kidal, ils ne développent rien. Ils ont donné un financement pour une école, ils ont refait la peinture, placer des fenêtres et mis une plaque qui prouve qu’ils ont fait quelque chose pour Kidal. Pour les autres actions de développement, je ne sais pas si c’est Barkhane, je pencherais plus pour la MINUSMA.

Vous ne mettez pas la MINUSMA dans le même sac que Barkhane ?

La première manifestation qu’on avait faite, c’était il y a un peu plus d’un an contre la MINUSMA car elle avait tué, lors d’une marche de contestation, deux jeunes. Pour moi, il y a moins de problèmes avec la MINUSMA car elle vient en aide aux populations, elle aide au développement de la région, elle transporte nos gens. Certains, durant nos manifestations, ont voulu s’en prendre à la MINUSMA. Je condamne ça. On a plus de problèmes avec Barkhane qu’avec la MINUSMA.

Jusqu’où êtes-vous prête à aller avec ces manifestations ?

C’est simple, Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! Soit elle nous laisse Kidal ou bien on s’en va ! Chaque nuit, leurs avions survolent Kidal, on a du mal à dormir avec ça. Il y a aussi leurs patrouilles qui posent problème. Depuis un certain temps ils ne viennent plus chez moi, mais avant il venait devant ma porte. Les enfants n’osaient pas sortir, les gens n’osaient pas rentrer. Même quand la porte était fermée, ils venaient regarder dans ma cour. Je ne sais pas pourquoi. Nous allons continuer de manifester contre Barkhane chaque lundi, jusqu’à ce qu’il y ait une solution !

 Avez-vous essayé de rencontrer la force française pour vous expliquer avec eux ?

Je n’ai pas parlé avec Barkhane, je n’ai même pas cherché à parler avec eux. Le 8 octobre dernier, date anniversaire de la mort de Cheikh (Cheikh Ag Aoussa, son époux – ndlr), lorsque la population est sortie pour manifester, Barkhane est sortie du camp avec ses véhicules dans la foule, alors qu’il y avait beaucoup de tension. Les gens mécontents leur ont jeté des pierres. Elle aurait dû normalement rester dans son camp parce que les gens manifestaient. Ils ont été caillasses parce qu’on ne veut plus les voir dans la ville.

Cela fait un an que Cheikh Ag Aoussa, votre mari, est décédé dans l’explosion de son véhicule, non loin du camp de la MINUSMA. Pour vous, que s’est-il passé ce 8 octobre 2016 ?

Ce jour-là, mon mari m’a dit qu’il avait une réunion à laquelle il devait assister au camp de la MINUSMA, une réunion de sécurité. Donc, à 15h, il est parti. Il devait revenir à 17h pour venir me chercher et me mener chez ma mère, que je devais aller visiter. À 18h, il n’était toujours pas revenu. Je l’ai appelé, il ne répondait pas au téléphone. Après ça, on a entendu une grosse explosion en provenance du camp de la MINUSMA. Quelques instants après, les gens m’ont appelé et m’ont dit que c’est le véhicule de mon mari qui avait sauté.

Se sentait-il menacé ? Vous avait-il fait part de quelque chose ?

Je n’ai vu aucun signe particulier, mais je sais qu’avant ça, plusieurs fois, il y a les soldats de Barkhane qui sont venus le voir à la maison. Ils disaient à Cheikh qu’il travaillait avec des terroristes. Quand il y a eu l’attaque terroriste à Nampala, où 17 soldats maliens ont été tués, quelques mois auparavant, ils sont venus chez moi et ils ont montré un rapport à mon mari. Ils lui ont dit qu’à Nampala, les armes qui ont été saisies provenaient de chez nous. Cheikh leur a dit d’entrer. Ils lui ont dit qu’il y avait des gens d’Ansar Dine parmi les attaquants. Cheikh leur a répondu que s’ils savaient qu’il y avait des gens d’Ansar Dine alors il fallait aller les prendre. J’étais là, je suis au courant de ça.

Qui a assassiné votre mari, selon vous ?

Les Français m’ont pris mon mari. Je suis sûre que ce sont eux qui ont fait ça. À chaque fois que je suis allée au camp de la MINUSMA, j’ai toujours été fouillée. Ils vous font sortir de la voiture, ils vous fouillent, ainsi que le véhicule. Ça a été aussi le cas pour Cheikh avant qu’il ne rentre dans le camp ce jour-là, comme à chaque fois qu’il s’y rendait avec ses dossiers. Donc, c’est impossible que son véhicule ait pu entrer avec une bombe à l’intérieur du camp sans que la MINUSMA ou Barkhane ne soit au courant. Il n’y a qu’à l’intérieur que ça a pu se faire. Pour moi, c’est sûr que ça a été organisé, peut-être entre la MINUSMA et Barkhane, mais les responsables sont dans ce camp.

L’enquête n’a pas pu établir qui étaient les auteurs. Un an après, cherchez-vous toujours à savoir ce qu’il s’est réellement passé ?

Je continuerai à me battre pour savoir ce qui s’est passé, même si je ne sais pas comment je peux faire, comment je peux savoir. Mais je n’ai pas peur de mourir pour ça. Vous sentez-vous menacée ? Bien sûr. J’ai peur pour moi et pour la population. J’ai vu comment ils agissent ici. Je sais que je suis en danger quand je dis à Barkhane de dégager, mais je ne peux pas laisser faire ça.

Pour vous, la paix et la sécurité dans Kidal et sa région sont-elles possibles sans la présence des forces françaises ?

La paix, c’est la route qu’a prise la CMA depuis la signature de l’Accord de paix. Je suis d’accord avec ça, même si, selon moi, il n’y aura pas de paix véritable sans séparation d’avec le Mali. Le principal problème de la sécurité ici, c’est le manque de développement et de travail pour les jeunes. S’il y a ça, l’insécurité va diminuer, même si elle ne disparaîtra pas tout à fait. Mon souhait le plus cher est que Barkhane quitte Kidal. Quand ils seront partis, la sécurité sera une autre question à résoudre, et on verra à ce moment-là ce qu’il y aura lieu de faire.

Ménaka : Le MSA se désagrège

Il y régnait un calme quasi-exceptionnel, mais, depuis quelques semaines, la région de Ménaka tombe dans l’insécurité, avec des affrontements entre le MSA et des groupes armés vers la frontière nigérienne. Ces affrontements ont créé une fissure au sein du mouvement, avec la démission, le 11 octobre dernier, de  certains chefs de fractions de la communauté Daoussahak, au profit du HCUA, membre de la CMA. L’un d’eux, Siguidi Ag Madit, de la fraction Idoguiritan, a expliqué au Journal du Mali les raisons qui les ont poussé à faire ce choix.

Quels sont les chefs de fractions qui ont démissionné du MSA pour le HCUA ?

Le maire de la commune  d’Inekar, Almahmoud Ag Hamad Taha ; Alhassane Ag Afoya, ancien Président du conseil de cercle de Ménaka ; le marabout Hamad Ehya Ag Alwafi,  Rhissa Ag Mahmoud, chef de la fraction Tabhaw, et moi-même, chef de la fraction Idoguiritan, la plus grande fraction de la région de Ménaka, avons décidé de démissionner du MSA avec nos fractions.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter le mouvement ?

La principale raison est directement liée à Moussa Ag  Acharatoumane, le chef du MSA. Quand il y a eu les affrontements entre la CMA et le GATIA, il avait dit que nous, les Daoussahaks, n’étions pas concernés et qu’il faut que nous ayons notre propre un mouvement. C’est ce que nous avons fait. Almahmoud Ag Hamad Taha et moi étions les seuls à le soutenir, ce jour-là. Depuis, il n’a fait que prendre des décisions sans nous consulter, il n’y a pas eu un seul jour où il nous a appelés pour  que nous prenions des décisions ensemble. Une de ces décisions nous a causé tous les problèmes du monde.

Laquelle ?

Quand il est allé au Niger, nous avons appris qu’il avait signé un accord pour combattre les Peulhs et les Arabes. Depuis, ces communautés nous font la guerre et nous n’avons pas les moyens de nous défendre. Il nous a aussi mis en guerre avec  les Imajaghans, dont le chef traditionnel est le député Bajan Ag Hamatou. Tous ces affrontements nous ont affaiblis et maintenant nos populations ne peuvent plus retourner chez elles, car les Daoussahaks ont tué un nombre important de Peulhs. Je n’ai jamais vu une telle catastrophe arriver à Ménaka. Ce problème-là nous préoccupe au plus haut niveau. C’est la paix que nous voulons. Il  ne va plus nous mettre en guerre contre les autres.

Quand Moussa est allé au Niger, qu’est ce qu’il a signé exactement ?

Nous avons appris qu’il nous avait engagés, nous, les Daoussahaks, dans une guerre contre les Peulhs pour aider à combattre le MUJAO, alors que le MUJAO est en guerre contre les forces étrangères. Si nous nous mettons en travers du chemin du MUJAO, il nous chassera de notre terroir. Le MSA ne peut plus faire face à ces gens-là, il ne peut plus nous protéger. Les  déplacés et les morts dont vous entendez parler, c’est à cause de cela.

Donc, ces Peulhs qui vous combattent font partie du MUJAO ?

Moi je ne sais pas vraiment. Je sais seulement que ce sont des Peulhs et des Arabes. Nous cohabitions ensemble paisiblement mais maintenant ils nous font la guerre à cause de ces décisions.

Quelles seront les conséquences de votre démission pour  le MSA ?

Je ne sais pas, mais nous ne sommes plus d’accord avec le leadership de Moussa. On ne peut plus tolérer que des gens d’ailleurs viennent travailler à Ménaka puis nous laissent. Moussa Ag Acharatoumane ne prenait que des personnes originaires de Talatayte (commune d’Ansongo – NDLR), pour tout ce qu’il faisait, et personne parmi nous, à Ménaka.

Vous étiez auparavant au MNLA. Pourquoi avoir choisi le HCUA?

Oui, c’est vrai, nous étions au MNLA. Notre engagement était avec le MNLA car c’est là-bas que nous étions et avions combattu. Mais nous ne nous sommes rendu compte de notre choix qu’après avoir déjà donné notre parole au HCUA. En même temps, il se trouvait que c’est avec Alghabass Ag Intallah (chef du HCUA – ndlr) que nous étions en contact. Nous avons intégré le HCUA aussi pour nous protéger de toutes ces guerres. Ce n’est pas pour l’argent ou autre chose.

Qu’espérez-vous de ce ralliement à la CMA ?

On n’aurait jamais dû quitter la CMA, surtout au moment où il y a eu des avantages,  avec l’Accord de paix. Le MSA n’est pas un grand mouvement, comme la CMA et la Plateforme. Nos enfants n’auront pas de place dans l’intégration, ni de  travail. C’est pour cela aussi que nous avons pris cette décision.

Le ministre de l’Énergie et de l’eau à Kidal

Le ministre malien de l’Énergie et de l’eau, Alhousseini Maiga, est enfin arrivé à Kidal vendredi 2 décembre en fin de matinée. Cette visite de travail initialement prévue le mercredi 30 octobre avait dû être repoussée pour raisons sécuritaires. Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) qui organisait la visite et souhaitait la venue du ministre à Kidal n’avait pas cru bon de se concerter avec l’autre mouvement majeur de la CMA , le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), générant un refus de ce dernier, qui a organisé des manifestations de femmes et de jeunes, jeudi 1 décembre, pour protester contre la venue du ministre, contraignant ce dernier à rester à Gao.

Après des tractations, les choses ont pu rentrer dans l’ordre et le ministre accompagné de Koina Ag Ahmadou, le gouverneur de Kidal, très proche du HCUA, ont pu obtenir leur ‘‘Laisser-passer‘’ et atterir à Kidal. Ils ont été accueillis par le secrétaire général du HCUA, Alghabass Ag Intalla, son frère le député Mohammed Ag Intalla, des membres de la CMA et de la MINUSMA.

L’objectif de cette mission, sous haute sécurité, était de se rendre compte sur place de l’état des infrastructures en matière d‘adduction d’eau et de fourniture de l’énergie électrique. Une délegation technique avait précédé le ministre pour évaluer les besoins de ces infrastructures. Des visites ont été effectuées sur les sites d’approvisionnement en eau et électricité de la ville.

Ce déplacement est fortement symbolique, car un ministre de la République n’avait plus foulé le sol de Kidal depuis mai 2014, et le gouverneur de Kidal n’y revenait que pour le deuxième fois.

Néanmoins les populations sur place n’ont pas semblé être impactées par la force de ce symbole avant tout politique.  « Les gens à Kidal ne s’intéresse même pas à cette visite, conflits et reculades les ont rendus fatalistes, même les combattants ne se sentent pas concernés, ils ne cherchent qu’à ce que l’accord soit mis en œuvre pour qu’ils soient réintégrés dans l’armée  », conclut cette source proche des mouvements.

Achafigui Ag Bouhada : « Je m’inscris dans la logique de l’Accord d’Alger »

Achafigui Ag Bouhada est le nouveau chef militaire du HCUA. Cet ancien adjudant-chef de l’armée malienne a également été lieutenant du général Gamou.

En tant que nouveau chef d’État-major du HCUA, quels sont les changements que vous comptez apporter par rapport à votre prédécesseur Cheikh Ag Aoussa ?

J’ai remplacé Cheikh Ag Aoussa suite à sa mort tragique et je m’inscris, comme lui, dans la logique de l’Accord d’Alger. Je vais continuer les missions qui consistent à encadrer nos forces armées jusqu’à la mise en place des mécanismes de défense et de sécurité prévus par l’accord. Il n’y a pas de changement particulier prévu en perspective.

Une enquête sur la mort de votre prédécesseur est en cours. Quel est vôtre point de vue par rapport à sa disparition ?

Sa disparition est un événement tragique. Je déplore comme beaucoup de mes compatriotes la méthode utilisée pour le tuer. Je laisse le soin aux enquêteurs de la MINUSMA en collaboration avec ceux de la CMA, d’accomplir leur mission, avec, je l’espère, un aboutissement qui rende justice au défunt.

Les autorités intérimaires pour Kidal et sa région, est-ce réalisable dans le contexte actuel ?

Je reste très confiant pour la mise en place de ces autorités intérimaires. La date du 10 novembre a été repoussée au 27 novembre lors d’une réunion entre les différentes parties, en fin de semaine dernière. Un consensus responsable a été dégagé au sujet du dernier point de discorde qui concernait la distribution des postes de responsabilité civile à pourvoir, ce qui est un bon signe.

Sans la présence de l’État malien et alors qu’un conflit oppose la Plateforme et la CMA ?

Ce qui est sûr, c’est qu’avec la mise en place des autorités intérimaires, c’est aussi le retour progressif de l’administration malienne. Les deux vont ensemble. Le 17 novembre prochain, une dizaine de jours avant la mise en place des autorités intérimaires, le mécanisme du MOC sera opérationnel. Cela suppose qu’il n’y aura pas de problème parce que CMA, Plateforme et forces gouvernementales vont assurer ensemble la sécurité de tous.

La CMA et la Plateforme ont donc fait la paix pour parvenir à patrouiller ensemble ?

Disons que c’est une paix relative. La situation est actuellement calme entre ces deux mouvements sur le terrain. Toutes les parties convergent vers un retour réel de la paix, surtout pour mettre un terme à cette guerre « fratricide » qui retarde bien des échéances de normalisation. C’est grâce à cette paix relative que la mise en place du MOC sera possible.

 

 

Autorités intérimaires : le ministre Mohamed Ag Erlaf sur la sellette

L’écrasante majorité de la CMA se sent exclue du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger, à travers la mise en place des autorités intérimaires censées garantir le retour à une paix durable dans les régions du nord. Un doigt accusateur est pointé sur le ministre l’Administration territoriale, de la décentralisation et la réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf pour avoir validé une liste non consensuelle de la CMA.

De sérieuses menaces planent sur le la mise en place des autorités intérimaires. En plus des réserves formulées par certains partis politiques sur la fiabilité de l’opération, il y a lieu de remarquer que la CMA, signataire de l’Accord, est aujourd’hui divisée sur la question. Une frange importante de cette coordination accuse le ministre Mohamed Ag Erlaf de partialité et de manque de neutralité dans cette affaire interne de la coordination.

À travers un compte rendu télévisé du conseil des Ministres extraordinaire du vendredi 14 octobre dernier, le peuple malien apprenait l’adoption par le gouvernement, sur proposition du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales, de la validation de la liste des membres devant être nommés pour les autorités intérimaires. Une liste taillée sur mesure par certains mouvements qui composent la CMA, en l’occurrence, le MNLA et le HCUA. C’est du moins l’avis des responsables des trois autres mouvements de la coordination à savoir la CPA, la CMFPRII et le MSA. Selon les conférenciers, Mohamed Ousmane Ag Mohamedoune, secrétaire général de la CPA, Pr Younoussa Touré, premier vice-président de la CMFPRII et Mohamed Zeïni du MSA, la liste validée par les soins du ministre Ag Erlaf prouve, en effet, son esprit partisan face à un rendez-vous aussi sérieux et capitale pour le retour de la paix. « Nous avons été surpris de cette attitude d’un ministre du gouvernement qui connaît toute la réalité de la situation et qui a toutes les informations lui permettant de prendre des décisions idoines pour gérer la situation », explique Mohamed Ousmane. Selon lui, quelque soit l’urgence du moment, la stabilité du pays et la cohésion nationale doit toujours primer. Pour les autres responsables présents, les listes ainsi validées par le ministre Ag Erlaf n’engagent personne ni à Tombouctou, Ménaka, Taoudenit et Gao. « Nous ne pouvons pas continuer à sacrifier le bonheur de ce pays et des populations pour un homme. Le ministre Ag Erlaf doit savoir aujourd’hui que le Mali n’est pas une région et qu’une région ne peut pas gérer d’autres régions, et encore moins un mouvement gérer la CMA.

Les listes proposées sont venues de Kidal d’où il est originaire et ont été établies par le MNLA et le HCUA », expliquent-ils. Pour eux, l’actuel ministre est trop impliqué et concerné par les affaires de la CMA. « Il doit de se ressaisir et garder sa neutralité et son impartialité vis-à-vis des mouvements qui composent la CMA, étant donné qu’il est ministre de la République », souligne Youssouna Touré de la CMFPRII. « Nous ne voulons pas que la volonté d’autres personnes dont nous ne maîtrisons pas l’agenda s’impose à nous. Si les listes ne seront pas revues, la CMA ne fera ni le DDR, ni le cantonnement encore mois les patrouilles mixtes. Les 200 combattants fournis par la CMA dans le cadre des patrouilles mixtes ne seront pas présents à Gao, parce qu’ils appartiennent en partie à nos mouvements. L’accord dont il est question, ne peut être mis en œuvre par des autorités intérimaires imposées », assènent ces 3 leaders des mouvements.

Les conférenciers ont aussi précisé avoir alerté la quasi-totalité des parties impliquées dans le processus de paix, dont le chef de file de la médiation, l’Algérie, ainsi que le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, sur le danger du non-respect du principe de l’inclusivité prônée par l’Accord.

Cheikh Ag Aoussa : la mort suspecte d’un verrou à la paix

Cheikh Ag Aoussa, chef militaire redouté et sulfureux du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), est mort samedi 8 octobre dernier, dans l’explosion de sa voiture. La disparition de ce combattant aguerri et fin stratège politique, reste entourée de mystères. Si la rébellion crie à l’assassinat, pointant le doigt vers les forces étrangères, sa mort préfigure une plus grande fragmentation de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), au moment où le processus de paix est déjà très fragilisé.

Un peu après 18h, le pick-up Toyota de Cheikh Ag Aoussa s’élance sur la piste qui mène à Kidal, s’éloignant du camp de la MINUSMA, dont les projecteurs percent l’obscurité qui s’étend. Quand la déflagration brise le silence du désert à des centaines de mètres, parvenant aux premières maisons du quartier Aliou, tout semble se figer. Des flammes hautes lèchent ce qui n’est désormais plus qu’une carcasse qui se consume dans la nuit. Cheikh Ag Aoussa n’est plus, soufflé par l’explosion. Une ironie du sort pour celui qui a été souvent suspecté d’être l’instigateur d’attentats qui ont frappé à maintes reprises les forces internationales dans la région de Kidal. Sa mort tragique ouvre une nouvelle séquence d’incertitudes dans ce territoire troublé du Nord, sans que l’on sache si elle sera mauvaise ou bonne.

La disparition de l’ex-bras droit d’Iyad Ag Ghaly a surpris dans son camp, comme ailleurs au Mali. Les premières informations faisant état d’une mine que son véhicule aurait heurté, ont été vite chassées par les rumeurs d’un attentat. La question alors posée a été de savoir si sa voiture avait été piégée avant d’entrer dans le camp de la  MINUSMA, qu’il venait de quitter, ou à l’intérieur de l’enceinte, sachant que les véhicules autorisés sont préalablement inspectés. « C’est un assassinat, j’ai bien vu les traces ! Si ça avait été une mine, en explosant elle aurait créé un trou et là ce n’est pas le cas. La déflagration est venue de la voiture vers la terre et pas l’inverse. L’engin explosif était placé en dessous de la place du chauffeur. On a pu récupérer les aimants qui ont servi a fixer l’engin à la voiture », déclare ce cadre du MNLA, qui a participé à l’enquête lancée par les groupes armés pour faire la lumière sur la mort de leur chef. Selon eux, il s’agissait d’un engin télécommandé à distance, du matériel sophistiqué, très peu utilisé dans le Nord. « Les personnes qui utilisent ce type de matériel sont des professionnels. Ils ont appuyé sur le bouton avant que la voiture ne soit à 300 m du camp de la MINUSMA, la bonne distance pour être vraiment sûr que ça explose. Nous ne savons pas qui en est l’auteur. Il y a beaucoup de monde ici, des internationaux. Tous les tueurs sont ici », affirme ce cadre de la CMA.

La main des forces internationales ? Dans la région de Kidal, les rumeurs vont bon train depuis sa mort. Certains pensent que les auteurs ont voulu couper la tête d’un important maillon de la CMA, qui freinait l’Accord de paix. « Ici on dit que c’est Barkhane, d’autres pensent que c’est la MINUSMA, ou ses amis djihadistes, ou encore un coup des Algériens, ou du Niger pour se venger de l’attentat de Tazalit », explique cette source proche des mouvements. Pour ce combattant du MNLA qui a bien connu Cheikh Ag Aoussa, « il est mort parce qu’il était affilié à des terroristes et qu’il manigançait quelque chose de mauvais ». La CMA, sans preuves, privilégie la piste Barkhane. « Cheikh est sur la liste des gens victimes des opérations de la France. Dans le camp de la MINUSMA, la France compte 4 corps différents : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le service action de la DGSE, les forces spéciales et l’armée conventionnelle. Ce que nous savons c’est que c’est un assassinat qui a été monté depuis l’intérieur du camp, ça c’est sûr », assène ce gradé de l’ex-rébellion.

Depuis quelques mois, une fracture semble s’être opérée entre la force Barkhane et les mouvements armés, qui auparavant collaboraient ensemble contre les djihadistes. Une mise au banc mal vécue, qui remet en question leur sécurité. « La fracture entre nous et les Français se situe à un niveau politique qui nous dépasse », affirme ce membre de la CMA. « Je sais que des gens chez nous ont tenté d’avoir un soutien un peu plus clair, une sorte de reconnaissance politique officielle mais ça n’a pas été accordé. Depuis, la force Barkhane utilise ses propres renseignements, tirés de je ne sais où. Depuis 4 ou 5 mois, toutes leurs opérations nous visent et pas les vrais terroristes qui sont juste à côté », déplore-t-il avec amertume. Ce changement de position et la mort de leur chef, exclut aujourd’hui toute confiance envers les forces internationales. « Ils peuvent coller l’étiquette terroriste à ceux qu’ils veulent, pour montrer qu’ils rapportent des résultats à leur commandement. On a compris que c’est nous qui sommes visés maintenant », lâche un autre combattant.

 Dissensions et fragilité de l’accord de paix À Kidal, La mort de ce leader en a désemparé plus d’un, car ce chef à poigne, qui fédérait autour des Ifoghas la plupart des autres clans, était considéré comme un couteau à double tranchant, capable de négocier avec le gouvernement malien et en même temps de fomenter des attentats ou des enlèvements. « Il y a une très grande tristesse chez les membres du HCUA. Au MNLA, qui le traitait naguère de terroriste, on regrette amèrement sa mort, car dans le conflit contre le GATIA, il était un allié influent. Sa mort tombe mal pour eux », résume cette source proche des mouvements. Pour cet habitant de Kidal, joint au téléphone : « tôt ou tard, quelque chose comme ça devait lui arriver. Beaucoup de gens ici savaient que son nom était cité dans beaucoup d’affaires louches, et même les gens de la CMA disaient qu’un jour ou l’autre il serait rattrapé par ces affaires ».

Au lendemain de sa mort, des membres du MAA pro-Azawad ont déserté Kidal, et au dire de certains, les défections pourraient continuer. Aujourd’hui, les membres du HCUA regardent certains de leurs alliés avec méfiance, car cet attentat pourrait tout aussi bien avoir été fomenté à l’intérieur de la CMA. Ce climat délétère pourrait, selon certains observateurs, mener à une possible désintégration de ce mouvement, car Cheikh Ag Aoussa était pour beaucoup un ciment au niveau politique et militaire. « Il y aura un successeur, c’est logique, mais pas de son envergure. Ça pourrait être Iyad, mais il est dans le maquis. D’autres combattants plus aguerris au combat pourraient lui succéder, mais Cheikh Ag Aoussa, rassemblait tout », explique cette source.

Alors que le processus de paix est très fragilisé, on ne sait pas encore si la mort de Cheikh Ag Aoussa sera un tournant dans la mise en œuvre de l’accord, mais du côté de la CMA ont prévient : « Il n’y a pas d’accord de paix quand on tue un signataire à quelques centaines de mètres des gens qui l’ont poussé à signer cet accord ». Et de conclure : «  De toute façon, toute position qui ne nous inclut pas est une position qui prend la forme d’une bombe à retardement. C’est très mauvais pour le Mali, c’est très mauvais pour tout le monde ».

Cheick Ag Aoussa, leader militaire du HCUA, est mort

Cheick Ag Ahoussa, le chef militaire du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), membre de la CMA, a été tué aujourd’hui suite à l’explosion de son véhicule.

Il sortait d’une réunion au bureau de la Minusma à Kidal, quand son véhicule a explosé aux alentours de 19h GMT.
Son décès a été confirmé par le porte parole du HCUA, Almou Ag Mohamed. Selon des premières informations sont véhicule aurait été piégé.

Cheick Ag Ahoussa était considéré comme l’un des durs du HCUA, proche de Alghabass Ag Intallah, et ancien bras droit du chef djihadiste Iyad Ag Ghaly. Plus d’information à suivre.

Fête de l’indépendance anti-Mali à Kidal

Une fois de plus, les mouvements armés, du moins certains d’entre eux,  à Kidal,  font parler d’eux. Au vu des manifestations qui ont eu lieu dans la ville de Kidal, le 22 septembre dernier, date l’anniversaire de l’indépendance du Mali, au cours desquels, le drapeau du mali a été brûlé. Des actes suffisamment graves qui relance le débat sur la volonté des groupes armés à réellement œuvrer pour le retour de la paix.

La date anniversaire de l’accession de notre pays  à la souveraineté internationale n’a pas été célébrée à Kidal comme partout sur le territoire national. La population a plutôt marché pour montrer son mécontentement dans le retard acquis dans la mise en oeuvre de l’Accord pour la  paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger.  Au cours cette marche qui a mobilisé une majorité de femmes et d’enfants, certains actes posés avaient de quoi heurter l’opinion publique malienne. Le drapeau national a été brûlé devant une foule rassemblée scandant des slogans anti-Mali ou des « Allahou Akbar », ou des messages du genre « rendez-nous notre pays ».

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Pour nombre de Maliens, les groupes armés  présents à Kidal font de la surenchère pour se faire entendre à chaque fois que l’occasion se présente  « C’est devenue une habitude, les chefs du HCUA, chaque fois qu’ils sont acculés ont recours aux femmes et aux enfants pour se faire entendre. C’est eux qui avaient poussés les femmes et les enfants à s’attaquer à l’aéroport de Kidal au mois de juin passé, occasionnant des pertes en vie humaines », indique une source locale. Sans confirmer, ni infirmer, ces propos, un responsable de CMA souligne que la dynamique de paix établie depuis la signature de l’Accord est aujourd’hui menacée par le comportement belliqueux  du gouvernement malien et de la communauté internationale dans la gestion de la crise de Kidal. « C’est la réaction d’une population poussée au désespoir. On se sent abandonner par tout le monde y compris l’Etat et la communauté internationale. Aujourd’hui, la population civile est martyrisée par les milices de l’Etat, sans qu’on lève le petit doigt pour dire ça suffit », explique-t-il.  De  nombreux  d’observateurs politiques, rejoignent l’avis des responsables de la CMA:  les manifestations organisées dans la ville de Kidal, le jour de la fête de l’indépendance, ne sont pas une réelle volonté politique de saborder le processus de paix, mais plutôt un moyen de pression sur l’Etat pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord, avec la mise en place des autorités intérimaires et  l’opérationalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). « C’est dans  l’air  du temps, je pense sincèrement que les manifestations et propos hostiles ne signifient pas que les mouvements se retirent de l’Accord, au contraire, c’est un moyen pour eux  de faire pression sur  l’Etat et ses partenaires  pour sa mise en œuvre », conclut un élu local.

GATIA-HCUA : recherche de solutions à Bamako et d’armes à Kidal

Alors qu’à Bamako la médiation tente de faire discuter les deux mouvements armés entre eux pour trouver un terrain d’entente, à Kidal, sur le terrain, tout n’est qu’affaire de positionnement stratégique et de préparation militaire. Des réalités différentes qui minent la population désireuse de voir la paix émerger.

À Bamako les groupes armés, signataires de l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger, restent verrouillés sur leur position : Le HCUA exige que la GATIA reste hors de Kidal et le GATIA tient à être inclus dans la gestion administrative et sécuritaire de la ville. Les efforts déployés par Mahamadou Diagouraga, le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, et la médiation internationale, via des « rencontres informelles », avec les délégation des deux mouvements pour parvenir à une solution viable, n’a pour le moment mené à aucun compromis. Chaque partie défendant âprement son point de vue, renforcé par trois conflits qui ont causé de nombreux morts de part et d’autre.

Si à Bamako le statu quo règne depuis des semaines, à Kidal, les regards sont tournés vers la capitale, d’où l’on espère fortement qu’une solution viendra. La partition jouée par les groupes armés sur place ne met pas l’accent sur la recherche de solutions mais plutôt sur le renforcement de leurs positions respectives en vue d’un prochain affrontement. « Les renforts affluent des deux côtés, ils viennent d’un peu partout. La CMA qui a perdu beaucoup d’hommes et d’équipement dans ces 3 conflits tente de se réorganiser et de se réarmer. Elle a tenté de faire venir des armes de la Libye, il y a une dizaine de jours, un grand convoi chargé d’armes et de munitions, mais il a été intercepté par la force Barkhane, à la frontière entre la Libye et le Niger, une partie est retournée en Libye, une autre a été saisie ou détruite. Si ça négocie à Bamako, ici les groupes armés sont sur le pied de guerre », affirme une source locale.

Les 3 derniers conflits entre GATIA et HCUA, en plus des morts, ont poussé sur les routes nombres de familles et fait de nombreuses veuves. « Il y a eu des centaines de mort et des centaines de blessés. Les gens ici sont très très remontés contre les chefs des différents mouvements. Il y a beaucoup de gens neutres dans ce conflit qui tentent de faire entendre leurs voix, des intellectuels, des chefs traditionnels, mais ils ne sont pas écoutés comme avant, les chefs des mouvements armés n’en font aujourd’hui qu’à leur tête », explique cet habitant joint au téléphone.

L’exaspération et la colère qui ont gagné la population, visent aussi les forces internationales, cibles de rumeurs nombreuses et d’une certaine défiance, concernant leurs buts réels dans ce conflit. « Il y a beaucoup de rumeurs, de théories du complot, autour du rôle de la MINUSMA et de la France. Dans les deux camps on soutient qu’elles aident l’autre camp, ou travaillent uniquement pour leurs intérêts. On dit ici que Barkhane soutient le HCUA, ou que la force française œuvre à affaiblir les deux mouvements pour avoir la mainmise sur la ville et les richesses de la région ». ajoute ce même habitant.

À Kidal, malgré le climat de tension, on place ses espoirs vers Bamako, même si l’on sait que les précedents accords signés, ne sont jamais parvenus à chasser la discorde et les rivalités qui animent depuis longtemps ces deux mouvements.

Kidal : calme relatif et négociations au point mort

Un calme précaire règne sur Kidal alors que les négociations ont repris entre les chefs de la Plateforme et de la CMA pour tenter d’établir un cessez-le-feu et une paix durable entre les deux groupes armés, touaregs, lancés dans une guerre fratricide.

Les négociations pour une sortie de crise entre la Plateforme et la CMA avaient été stoppés net lors du second affrontement entre les deux groupes armés à Tassik, samedi dernier. Pour l’heure, elles ont repris pour tenter de réinstaurer un dialogue entre les deux camps. Le général Gamou est toujours à Bamako mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé. La CMA a estimé hier que la situation sur le terrain, qui s’est soldée, au cours des deux affrontements, par des dizaines de morts, dont deux proches de Bilal Ag Achérif, le chef du MNLA, a « dépassé les petits arrangements locaux » et que la résolution de cette crise doit désormais être traitée par les mécanismes prévus à cet effet dans l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger. De son côté, la Plateforme reste sur sa position et ne voit comme issue à la guerre qui l’oppose à la CMA, qu’une gestion partagée de la ville de Kidal, dont la population et les principaux représentants politiques sont issus de la tribu Imghad.

À Kidal, si le calme est revenu depuis le second affrontement entre groupes armés, la raison en incombe aux forces de la CMA positionnées en majeure partie à quelques kilomètres de la ville, pour prévenir toute tentative d’approche des colonnes de la Plateforme, à la force Barkhane qui a augmenté ces patrouilles dans la zone et qui survole fréquemment avec ses hélicoptères et ses avions l’espace aérien de la ville. La Minusma aurait de plus mis en place un « dispositif sécuritaire » aux principales entrées de Kidal et effectue des patrouilles pour prévenir toute reprise des hostilités. « On entend que la Minusma sécurise les alentours de la ville, mais je ne sais pas, nous ne sortons pas beaucoup, on va au marché puis on rentre se terrer chez nous, il y a des véhicules de la Minusma qui vont vers le côté où il y a le Gatia, mais on dirait que c’est plus une ligne rouge à ne pas franchir qui a été indiqué par la Minusma au GATIA, explique cet habitant joint au téléphone.

La vie a repris malgré tout dans un climat mêlant fatalisme et incertitude quant aux jours à venir. « En ville, quand ils sortent, le gens ne s’attardent pas, l’ambiance est un peu spéciale car beaucoup de gens pro-Gatia ou Imghad ont quitté la ville. Depuis quelques jours, les chefs de la CMA ont fait passer à la radio des messages pour appeler la population à ne pas déserter Kidal », indique ce commerçant sous anonymat. Cependant, des arrestations de civils soupçonnés de complicités avec le GATIA ont rendu le climat délétère pour les partisans de la Plateforme ou pour ceux, ni-Gatia, ni-CMA, qui craignent l’instabilité dans la zone et veulent rejoindre la ville de Gao, jugée plus sûre.

Les drapeaux du MNLA et du HCUA flottent, en ville, les couleurs et les noms de ces mouvements ainsi que le terme « Azawad » s’affichent sur les graffitis un peu partout sur les murs. L’appartenance à ces groupes armés, mise en avant, semble dominer par rapport au conflit ancien entre touarègues de la tribu Ifoghas et Imghad qui bien qu’important, doit être relativisée. « Il y a beaucoup d’Imghad au sein du HCUA et de la CMA. C’est ce qui fait la force des Ifoghas, ils sont une minorité comparée au Imghad mais ils arrivent à dominer, à faire en sorte que les autres s’allient à eux », explique cette source. Le général Gamou qui revendique un partage équitable de la ville, comme entériné par les accords d’Anéfis et la déclaration de Niamey, n’est pas originaire de la région de Kidal, mais du cercle de Ménaka dans la région de Gao, où les Imghad dominent. « La CMA utilise cet argument pour dire que c’est Gamou, qui vient de loin, qui monte les uns contre les autres, il veut diriger alors que les Imghads et les Ifoghas sont de Kidal ou de sa région, et qu’ils ont grandi ensemble. Ils ont avec eux l’argent et le pouvoir, ça aide beaucoup à convaincre », ajoute cette même source. Ils y auraient des centaines d’Imghads au MNLA et au HCUA. « Il y a même des officiers supérieurs et des colonels. Lorque la situation devient intense dans les rapports entre ces deux clans et que le doute peut faire hésiter les combattants Imghads, ils sont toujours arrivés à les canaliser, à leur dire que ce n’est pas une guerre tribale mais plus une guerre entre mouvements. Le rapport entre nobles (Ifoghas) à vassaux (Imghad) intervient faiblement dans cet état de fait », conclut-il.

Sur place, en ce début de week-end, on craint que le bruit des armes trouble à nouveau la tranquillité du désert, dans des combats dont personne ne peut dire formellement quelle sera la finalité.

Kidal : l’enjeu des affrontements entre frères ennemis

De violents affrontements à une trentaine de kilomètres à l’est de Kidal, ont éclaté samedi matin, entre la Plateforme et la CMA. Sur place la situation est confuse. Personne ne sait comment réconcilier ces deux mouvements qui sont enferrés dans un conflit aux multiples enjeux, qui ne semblent pas pouvoir se résoudre dans l’immédiat.

Le langage des armes a encore parlé, samedi matin, à une trentaine de kilomètres de Kidal, entre ce qu’il convient mieux d’appeler, à présent, un combat Plateforme contre CMA, tant les différents groupes armés satellites de ces deux mouvements, ont rejoint le conflit. « Nous ne combattons pas seulement le GATIA, il y a avec eux, les arabes, les peules, le MAA, les Ganda Koy et les Ganda Izo, ces groupes d’autodéfense ont tous attaqué nos positions », affirme Iknane Ag Achérif, chef de la brigade anti-terroriste de la CMA à Kidal ». Pour lui, la Plateforme est responsable du déclenchement des combats : « Nos hommes étaient partis présenter leurs condoléances aux familles dont les parents ont été exécutés par la Plateforme, vers Tassik.  Ils nous ont attaqué hier matin vers 6h et les combats ont continué jusqu’à 11H. Il y avait seulement 20 voitures de la CMA composées de tous les groupes du mouvement, en face il y avait 50 à 60 véhicules. Nous n’avons pas eu le dessus car nos renforts sont partis trop tard et sont arrivés quand nos troupes avaient déjà décroché », indique-t-il.

Une source proche de la Plateforme à Kidal, donne une toute autre version des faits. Selon elle, deux colonnes de la CMA ont quitté Kidal 3 jours avant les affrontements du samedi 30 juillet, en direction de la ville de Tin-Essako, « Ils ont voulu attaquer par surprise les positions de la Plateforme qui sont à Tassik, pour bénéficier de l’effet de surprise, mais la Plateforme était déjà bien positionnée, donc ça a déclenché les combats », explique-t-il.

S’il est difficile de comprendre comment les choses se sont réellement passées, il en est de même pour établir un bilan des victimes. Selon cette même source, la Plateforme aurait 1 mort et 4 à 5 blessés à déplorer, et se seraient emparés de 4 véhicules et fait 7 prisonniers, dont un chef du groupe terroriste AQMI, qui combattait, selon cette source, au côté de l’adversaire. La CMA accuserait la perte de 7 combattants et aurait de nombreux blessés.

 Ambiguïté des forces internationales

Le rôle des forces internationales sur le terrain, durant ces affrontements, reste assez confus. Un habitant joint au téléphone, témoigne que des hélicoptères de la force Barkhane ont survolé la zone des combats sans intervenir. « Les troupes de la CMA qui se sont repliées sur Tin-Essako, c’est ça qui a arrêté les combats », ajoute ce même habitant. La Minusma aurait mis en place un dispositif d’interposition à une dizaine de km au sud de Kidal pour protéger les populations et empêcher le conflit de gagner la ville. L’impartialité de la force onusienne dans ce conflit a d’ailleurs été décriée, sur les réseaux sociaux, suite à une vidéo postée samedi 30 juillet sur la chaîne Youtube de l’organisation. Dans cette vidéo, l’adjoint du commandant du secteur nord de Kidal, indique avoir des moyens d’observation permettant, « de déceler, au plus tôt, l’arrivée possible d’éléments du GATIA venant du sud et voulant entrer en confrontation avec la CMA qui est toujours présente à Kidal ». Cependant, ce même habitant qui était sur place, assure qu’ « il n’y a pas eu de force d’interposition à l’intérieur ni à l’extérieur de la ville, il n’y a pas eu non plus de patrouilles, la Minusma n’est pas intervenu », souligne-t-il.

La domination comme enjeu principal

Ces événements sont intervenus alors qu’une médiation avait lieu à Bamako avec le général Gamou. Les déclarations d’entente et autres accords papiers, signés depuis 2015, dont le dernier récemment à Niamey, semblent en tous cas, ne pas parvenir à endiguer une situation dont les racines conflictuelles sont nombreuses et répondent à 3 enjeux principaux : la gestion de la ville de Kidal, l’ancien conflit tribal entre Imghad et Ifoghas et la mainmise pour l’un des deux camps, sur le marché du narcotrafic. « La Plateforme et la CMA ont dans leurs rangs des gens qui travaillent dans le narcotrafic, c’est cela même qui alimente le conflit. Avant la bataille de Kidal (les 21 et 22 juillet dernier), des voitures transportant de la drogue, escortées par des éléments du GATIA, ont été interceptées par des combattants du HCUA, qui ont volé cette grande quantité de drogue pour la revendre. Il y a eu des tractations pendant 1 semaine avec le GATIA pour calmer la situation mais ça n’a pas abouti… », révèle cette source. Depuis longtemps, Kidal et sa région sont, pour le narcotrafic, un point stratégique que les deux quand entendent conserver. « Le HCUA, ce sont eux qui détiennent le marché de la drogue, ainsi que la chefferie à Kidal, leur influence est grande et ils arrivent à convaincre le MNLA de les suivre, même si ces deux mouvements n’ont pas la même idéologie », déclare cette source ayant requis l’anonymat.

Sur place, ces conflits ont fini d’exaspérer les gens et les familles qui continuent à quitter la ville. La vie semble suspendue au conflit qui agite ces deux mouvements majeurs, qui semblent déconnectés des réels intérêts de la population. Un peu partout en ville et surtout à l’extérieur de Kidal, des véhicules armés patrouillent, l’ambiance sécuritaire est à son maximum. « Les combats vont reprendre, on ne sait pas quand, aujourd’hui, demain, après-demain, mais les combats vont reprendre. Il n’y a aucune médiation pour stopper ça », conclut désabusé, cet habitant.

Les deux mouvements, suite à l’affrontement, ont réaffirmé, à travers deux communiqués diffusés ce week-end, leur attachement à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, dont l’avenir paraît, pour nombre d’observateurs, incertain.

Azaz Ag Loudagdag : « nous ne laisserons jamais Kidal ! »

Sous le contrôle de la CMA depuis les affrontements sanglants de la semaine passée, la ville de Kidal risque de connaitre de nouvelles tensions si rien n’est fait.  Les éléments du GATIA qui étaient repliés vers la périphérie de Kidal se préparent pour retourner dans la ville. Azaz Ag Loudagdag, président de la coordination Imghad, qui était présent à la réunion de Niamey, a répondu aux questions du Journal du Mali.

Quel est le bilan des affrontements entre la CMA et le GATIA ?

Je ne m’aventurerai pas là-dessus, chacun dit ce qu’il veut, mais ce qui est sûr et certain, c’est qu’il y a eu des morts des blessés et des dégâts matériels de part de d’autres.

Dans un communiqué, la CMA a demandé au GATIA de quitter Kidal et les environs pour éviter d’autres incidents, quel est votre point de vue là-dessus ?

Pas question que le GATIA quitte Kidal, la majorité de Kidal appartient aux Imghads et ils sont du GATIA. Pour preuve, toutes les élections sont gagnées en temps normal par les imghads. Le député et le maire sont des élus Imghads. Nous ne laisserons jamais Kidal ! parce que c’est eux qui sont venus à la faveur de Méharistes, d’Ansardine et des Djihadistes du MUJAO. Ils se sont bien implantés avec des complicités extérieures. Les pays étrangers les ont aidés à rester comme si c’était une part qu’on leur donne. Personne n’est d’accord qu’on quitte Kidal, nous devrons partager la ville ou advienne que pourra. Nous préférons le faire de façon pacifique, mais si on n’obtient pas cela, tous les autres moyens seront utilisés. Nous sommes majoritaires à Kidal, mais les gouvernements français et maliens ont épaulé les Ifoghas et les ont utilisés pour maitriser tout le monde. C’est une opposition ancienne, mais maintenant on est au 21ème siècle et les gens ne sont plus d’accord. Les Ifoghas considèrent les Imghads comme des vassaux et ils refusent d’être sous leur domination.

Qu’est ce qui est en jeu à Kidal et qui provoque les tensions ?

Les problèmes sont exacerbés parce que bientôt seront mise place les autorités intérimaires, donc chacun se positionne. La Plateforme estime  que le gouverneur qui a été nommé  est plus ou moins de la famille Ifoghas et qu’il ne peut pas leur tenir tête et appliquer une gestion équitable. Puisque le gouvernement leur a donné le gouvernorat, nous nous voulons la présidence de l’Assemblée régionale pour équilibrer les choses. Il n’est pas question que les deux premiers responsables de la région soient tous Ifoghas et on est prêt à affronter n’importe qui pour qu’il y ai un véritable partage du pouvoir.

On dit que la CMA a bénéficié d’une aide extérieure pour déloger le GATIA de la ville, est-ce vrai ?

Non, cela n’est pas fondé, le GATIA a effectivement pris plusieurs quartiers, entre temps il y a eu des renforts du côté de la CMA, et les renforts qui sont venus, certaines personnes estiment que c’étaient des djihadistes ou autres, mais je ne suis pas formel. Ce que je sais, c’est qu’il y a eu une médiation de la MINUSMA en la personne de Ponde Bruno, le chef de la Minusma à Kidal, qui a demandé aux uns et aux autres de quitter la ville, le général Gamou et Cheick Ag Haoussa ont été d’accord. Mais ce dernier a fait semblant de quitter pour ensuite retourner dans la ville. Donc, la CMA est restée tandis que le GATIA était hors de la ville, maintenant je ne suis pas étonné que le GATIA cherche à rentrer de nouveau dans la ville de Kidal. Ceux qui disent qu’il s’agit d’une déroute peuvent aller vérifier à la Croix rouge. C’est leur façon de communiquer, mais la réalité, croyez-moi, est tout autre.

Combats intenses à Kidal, entre Gatia et HCUA

En fin d’après-midi, des combats, qui ont toujours cours au moment où ces lignes sont écrites, opposaient le GATIA et le HCUA. Une altercation survenue mardi soir entre deux combattants de ces deux groupes armés, et le refus par la CMA de laisser passer un convoi du Gatia, aujourd’hui en fin d’après-midi, aurait mis le feu aux poudres et plonger les deux mouvements dans des affrontements.

La paix qui régnait sur Kidal depuis la signature de l’accord de Niamey entre la CMA et la Plateforme aura été de courte durée. Si le soulagement avait parcouru la population à son annonce, 3 jours plus tard, ce jeudi 21 juillet en fin d’après-midi, les rafales de balle, et les tirs à l’arme lourde, en ont effacé la portée pacificatrice.

Le feu qui a embrasé les troupes du Gatia et du HCUA, ce jeudi 21 juillet vers 17h, est parti d’une vive étincelle, une altercation entre deux cousins de la tribu Imghad, l’un appartenant au HCUA et l’autre au GATIA, une dispute sur leur appartenance à leurs mouvements respectifs qui a dégénéré. Le combattant du HCUA a alors tiré sur son cousin du GATIA, qui est tombé raide mort. Un frère d’armes du Gatia, alerté, a alors fait feu sur le tireur du HCUA, le tuant lui aussi. « Les familles se sont réunis et elles se sont pardonnées, mais les gens du HCUA n’ont rien voulu entendre, alors même que les frères de la victime ont donné leur pardon. Ils veulent que le combattant du GATIA soit arrêté. Ils ont entretenu un climat de tension et de revanche depuis mardi, explique une source, jointe au téléphone.

Aujourd’hui aux alentours de 17 h, un convoi du GATIA s’est présenté à la porte nord de la ville. Des membres du HCUA et de la CMA, posté au checkpoint, lui ont barré la route et l’on interdit de passer, le ton est monté et la CMA a fait feu sur le convoi, déclenchant le début des affrontements. « Il y a des combats des 4 côtés et à l’intérieur de la ville depuis maintenant 2 h, ça n’arrête pas, des deux côtés les gens sont déterminés », confie cette source, difficilement jointe au téléphone, sa voix étant parfois couverte par les détonations dûs aux affrontements.

Les délégations de la CMA et de la Plateforme qui ont participé aux négociations de Niamey, sont arrivés en ville pour essayer de pacifier la situation. Joint au téléphone, Azaz Loudag-Dag, chef de la communauté Imghad, confie : Nous lançons des appels à l’apaisement, il faut que le calme revienne, nous comptons mettre en œuvre des initiatives pour que le conflit cesse et que la paix soit de retour ».

Selon nos informations, le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, Mohamed Ag Erlaf, serait mobilisé pour trouver une solution viable qui pourrait faire taire les armes.

Sur place, les gens sont reclus chez eux, « la population pensait que le conflit entre ces deux groupes était réglé avec le processus de Niamey. On ne sait pas quand ça a s’arrêtera, mais si Barkhane ou la Minusma n’agisse pas, ça risque de continuer. » déplore inquiet cet habitant.

Quand Kidal se négocie à Niamey et à … Bamako

Les divergences entre les deux mouvements majeurs de la ville de Kidal, le GATIA et le HCUA, sont au menu de la réunion de médiation qui se tient à Niamey, pour tenter d’apaiser les tensions. Mais cette tentative de médiation peut-elle réussir, alors qu’une guerre d’influence se joue à Bamako ?

À Kidal, la tension vive entre GATIA, majoritairement composé de la tribu Imghad, et membre de la Plateforme, et le HCUA composé d’Ifoghas, l’un des 3 acteurs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), peut s’apprécier au nombre de combattants lourdement armés positionnés en ville. La non-concrétisation de l’accord d’Anéfis, spécifiant que « les deux communautés s’accordent sur la gestion concertée et inclusive des problèmes politiques sur la base du partage équitable des pouvoirs », semble être l’élément qui a mis le feu aux poudres. «  Des accords on en a signé, mais sur le terrain les choses sont souvent très différentes », déclare ce cadre de la Plateforme.

Points de discorde Les relations de « bon voisinage » et de « fraternité », prônée par l’accord, sont maintenant révolues entre les deux mouvements et leurs signataires : le général El hadj Gamou pour le GATIA, en froid avec les autorités de Bamako, et Alghabass Ag  Intallah pour la CMA, actuellement dans les bonnes grâces du gouvernement. Les points de discorde entre eux sont nombreux : partage équitable du pouvoir entre les commissions qui gèrent la vie socio-économique de la ville, mainmise de la CMA sur les check-points stratégiques, nomination d’un gouverneur à Kidal notoirement très proche du HCUA et enfin, le poste de président du conseil régional, dans le viseur des deux mouvements. « Gamou n’était même pas disposé à rencontrer les chefs de la CMA. Il estimait qu’ils ont trahi sa confiance, puis il a accepté à condition que Mahamadou Diagouraga, Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’accord, soit présent pour garantir les décisions qui seront prises. La CMA, de son côté, voulait rencontrer les chefs de la Plateforme et Gamou en tête à tête sans d’autres parties. Les faire venir à Niamey n’a pas été aisé », explique un officiel proche du dossier.

 Le puissant lobby du HCUA Dans cet optique, c’est en coulisses à Bamako, que depuis des semaines, des jeux d’influence ont lieu, pilotés par le HCUA, dont le lobbying est considérable dans la capitale, s’appuyant sur des députés de l’Assemblée nationale, le ministre de le Réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, jusqu’aux milieux intellectuels touareg. « Ils ont le bras plus long à Bamako que le GATIA et les forces pro-gouvernementales. Ça va jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir », révèle une source bien informée. « Les lobbyistes du HCUA ont mené beaucoup de tractations pour essayer d’écarter Gamou, puis le GATIA, ce qui a considérablement renforcé les tensions », ajoute cette même source. Pour y parvenir, ils ont pu convaincre Bilal Ag Chérif, chef du MNLA (CMA), de faire le déplacement à Bamako pour l’anniversaire de l’Accord, et la récompense aurait été l’aval du gouvernement pour écarter le GATIA. « Il y a eu des deals secrets car ils veulent s’assurer la gestion totale de la ville, tous les pouvoirs. Le HCUA connait beaucoup d’hommes politiques. Ces derniers ont d’autres calculs, un autre agenda », indique ce proche des mouvements. « Il y a aussi le fait qu’une partie du gouvernement est très loin de la réalité d’ici », indique pour sa part un sympathisant de la Plateforme.

À Kidal, la population est très préoccupée par l’imminence d’un affrontement et espère que la réunion de Niamey pourra régler la situation. Là-bas, ces jeux de pouvoirs fatiguent. « Pour la présidence du conseil régional, ils n’ont qu’à organiser des élections ! », lâche excédé cet habitant, joint par téléphone ce mardi. Comme pour lui répondre, retentissent dans la ville des tirs d’armes lourdes devenus récurrents ces dernières semaines.

Duel pour la gestion de Kidal

Après la signature du document d’ « Entente » fin juin à Bamako, entre le gouvernement et les groupes armés, les chefs des différents mouvements s’en sont retournés à Kidal. Mais le calendrier établi pour la mise en place des autorités intérimaires semble suspendu à la résolution d’un conflit entre GATIA et HCUA, Plateforme et CMA.

À Kidal, l’« Entente » signée entre le gouvernement et les groupes armés n’est pas du tout palpable sur le terrain. Deux mouvements armés, le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) sont au bord de l’affrontement. La gestion sécuritaire, socio-économique de la ville de Kidal et de sa région, ainsi que l’attribution des postes des futures autorités intérimaires, sont les enjeux de la discorde. « C’est très tendu ici en ville, on entend chaque jour des tirs d’armes de sommation et d’armes lourdes, les gens craignent un affrontement après la fête de l’Aïd, s’il n’y a pas de négociation ou d’initiative pour instaurer un dialogue », explique une source locale. Ce sont des centaines de combattants armés qui affluent vers la ville, une bonne partie étant positionnée devant le bâtiment du gouvernorat. « Bilal Ag Chérif et son mouvement, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ne semblent pas vouloir prendre partie. De toute façon, c’est un chef politique, il n’a pas une grande aura ici. Ce sont plutôt les chefs militaires du HCUA, comme Cheick Ag Aoussa et Mohammed Ag Najim pour le MNLA, qui ont le dernier mot », indique cette même source.

Nécessité d’un dialogue Cette tension entre mouvements découlerait du non-respect des engagements qui ont été signés entre groupes armés à Anéfis, sur le partage régional du pouvoir. La Plateforme et le GATIA s’estiment lésés dans ce partage, et la mise en place des futures autorités intérimaires qui auront la charge d’administrer la région a accentué les tensions. « Les autorités intérimaires ne pourront être mises en place tant qu’il n’y aura pas un dialogue entre les deux parties. Même si l’administration revient demain, s’il y a un affrontement, qui va assurer la sécurité ? C’est ça le problème… », déplore un habitant. Pour la population, la crainte d’un affrontement imminent occulte la mise en œuvre des dispositions du document d’ « Entente », qui devrait débuter le 15 juillet prochain. « Les gens n’ont plus le cœur de croire à la résolution de ce conflit, il fait très chaud, il n’y a pas d’eau, et si jamais il y a un affrontement, ce sera catastrophique. Ils sont plus obnubilés par ce qui se passe dans leur quotidien », résume un commerçant.

« Entente » à Bamako, bras de fer entre Gatia et CMA à Kidal

Tandis que les chefs des groupes armés sont tous à Bamako, depuis dimanche, pour entériner le document d’Entente avec le gouvernement et prendre part à l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation. Ce début de semaine a vu un fort regain de tension entre le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), occultant par là même ce qui se passe dans la capitale malienne.

Le partage de la gestion socio-économique et sécuritaire de Kidal et des villes de la région, semble encore être au coeur des tensions entre mouvements armés à Kidal. Le pillage, de l’entrepôt de vivre du Programme Alimentaire Mondial (PAM), le 6 juin dernier, a été un point d’orgue dans les tensions vives qui règnent entre ces deux groupes. Le Gatia se sentant lésé dans ce partage qui bénéficie majoritairement à la CMA. Depuis, la situation va en se dégradant. Le Gatia a établi deux checkpoints de sécurité autour de Kidal, sur la route venant de Gao et sur celle menant à Tessalit, un autre checkpoint a été dressé à Tessalit. «  À présent ils contrôlent et taxent les camions qui desservent les villes en vivre, les camions qui quittent Gao et surtout ceux qui viennent d’Algérie. Ce n’est pas pour les bloquer, ils les arrêtent et leur font payer des taxes. Ça a fortement déplu à la CMA et ça a rehaussé le niveau des tensions qui existaient déjà déjà entre eux », révèle une source locale. Le Gatia a indiqué que ces checkpoints étaient des mesures de sécurité car le quartier de Kidal qu’ils contrôlent se trouve sur cet axe. Dimanche soir, au plus fort des tensions, des salves de tir à l’arme lourde ont raisonné dans la ville de Kidal, provenant des deux camps. Ces tirs avaient pour but d’intimider l’adversaire et de mettre les armes à niveau, en vue d’un éventuel conflit. Des renforts ont rallié la ville, des deux côtés, et les combattants patrouillaient en tenue et en arme, faisant craindre à la population l’imminence d’un affrontement.

Sur place, confrontée à la dure réalité du carème, à la chaleur, à l’absence de courant électrique et aux tensions entre groupes armés, la population ne semblent pas touchée par les tractations des chefs à Bamako. « On en entend parler sur les réseaux sociaux, sinon les gens ici ne commentent même pas ce qui se passe là-bas», indique cet habitant. La préoccupation première de la majorité, c’est qu’il n’y est pas d’affrontement. « Ce qui est en train de se jouer c’est plus un bras de fer entre le Gatia et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), pour avoir le leadership. Même si les autorités interimaires determineront qui dirigera, il va y avoir des oppositions vives, pour trancher qui de la CMA ou de la Plateforme aura la gestion de la ville. C’est une bataille de poste », confie cet employé d’une ONG locale.

À Kidal, les services sociaux ne sont plus présents depuis 2012, il n’y a pas d’école, pas d’hôpitaux, la ville ne connaissait pas ces problèmes avant la crise. « Le retour de l’administration et de l’armée, la majorité des gens le souhaite. Mais la majorité reste silencieuse car elle craint la minorité qui dirige. Dans cette minorité, une petite partie ne souhaite pas un retour de l’État, mais maintenant ils sont perdus. Leur chef, Bilal Ag Achérif, est arrivé à Bamako dimanche dernier, pour participer à l’anniversaire de l’Accord. Depuis, ils disent que Kidal est vendu, et ils n’ont plus d’espoir sur personne. Que ce soit chez les groupes armés ou dans la population, les gens sont devenus fatalistes », conclut cette source.

Bilal Ag Achérif : « l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain ».

Les secrétaires généraux de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dont Bilal Ag Achérif, et plusieurs protagonistes de l’Accord d’Alger ont pris part, lundi 20 juin à Bamako, à l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation. Les parties, soutenues pas la médiation algérienne et la communauté internationale, ont signé ce même 20 juin, un document intitulé « Entente » qui fixe le calendrier et les modalités de mise en oeuvre des autorités interimaires. En marge de ces rencontres officiels, Bilal Ag Achérif, secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), a répondu aux questions du Journal du Mali.

Nous sommes à l’an I de la signature de l’Accord de paix, le jugez-vous toujours satisfaisant ?

La CMA, a négocié toute une année à Alger avec le gouvernement malien. Nous avons signé l’Accord malgré les lacunes et les réserves, c’est notre accord et nous l’assumons. Nous avions fait beaucoup d’observations et d’amendements par rapport à l’Accord et si ces amendements et observations avaient été pris en compte, aujourd’hui on n’en serait pas là. La population malienne, le gouvernement en particulier et la population qui vit dans des zones qu’on appelle Azawad, doivent tirer des leçons des accords passés au cours de cinquante ans de conflit périodique. Il n’est pas utile de répéter les mêmes erreurs qui nous conduisent au même résultat. Le Mali n’a pas su trouvé de solution au conflit qui l’oppose à l’Azawad. Ce qui fait que le conflit revient tous les cinq ou dix ans. On a perdu tout ce temps, alors que nous pouvions oeuvrer à la construction et au développement d’une démocratie dans une cohésion sociale entre les populations où chacun ait son droit.

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Est-ce que votre présence à Bamako pour ce premier anniversaire est un signal fort pour la paix, lorsqu’on que sait vous étiez absent lors de la signature de l’accord ?

Pendant toute une année, nous avons observé comment s’établissait la confiance, le désir et la bonne volonté de tout un chacun pour appliquer cet accord, malgré les lacunes et les réserves que nous avions. Aujourd’hui, il est nécessaire que nous soyons là pour appuyer et aider à faire avancer le processus. Le président IBK a appelé les mouvements, leurs chefs, pour vraiment créer une mesure de confiance et nous avons répondu positivement à son appel, afin qu’on puisse avancer dans cette phase du processus pour obtenir un résultat concret sur le terrain. Le fait que nous soyons présents à Bamako, c’est pour réaffirmer notre volonté pour la mise en œuvre de cet accord. Pour nous, la paix, la vraie paix, c’est quand le simple citoyen sent qu’il y a du résultat. Ce n’est pas seulement entre les chefs, dans les bureaux ou dans les réunions, que la paix doit être effective, il faut que les populations des campagnes, hameaux en bénéficient. Il y a la paix lorsque des milliers de réfugiés rentrent chez eux et se sentent en sécurité.

Peut –on dire qu’avec cette « Entente » signée, il y a une confiance mutuelle assumée entre les groupes armés et le gouvernement ?

Pour moi, la confiance entre les parties est une chose qui vient au fur et à mesure qu’on avance dans l’application de l’Accord, qu’on avance dans le respect des engagements. C’est comme cela qu’on pourra gagner la confiance de l’un et de l’autre. Cela n’est possible que lorsqu’on travaille et qu’il y a du sérieux. Pour moi la signature du document intitulé ‘’Entente’’ est une étape très importante dans la mise en œuvre de l’accord. Mais l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain.

Le calendrier d’exécution des mesures, dans ce document d’Entente, n’est-il pas trop ambitieux ?

Si on se conforme au calendrier de la mise en œuvre de l’Accord, on devrait déjà en avoir fini, parce que les mesures devaient intervenir 60 jours après sa signature. Nous sommes fin juin, dans le calendrier, on doit commencer le travail à la mi-juillet. Il s’agira d’un test pour voir si les engagements sont respectés, ce qui créera plus de confiance. Cela dépendra de la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC). Aujourd’hui, le seul appareil ou mécanisme sur lequel, il y a unanimité, c’est le MOC. On doit lui donner les moyens et les matériels nécessaires afin qu’il mène sa mission pour sécuriser les zones. Sur ce point, il y a l’engagement de la communauté internationale.

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Justement par rapport à ce financement du MOC ,une réunion était prévue avec les partenaires techniques et financiers, où en sommes-nous exactement ?

C’est vrai, il est prévu de faire une rencontre avec les partenaires par rapport à ce point, mais ce qui est demandé est plus grand que les réponses de ce document. Le MOC est là, et a besoin de beaucoup d’aide. Aujourd’hui, le MOC n’existe que symboliquement, un peu à Gao, alors qu’il doit exister dans les cinq régions. Cela demande de fournir encore des efforts de la part des mouvements armés, du gouvernement malien et des partenaires. Pour que le MOC existe réellement sur le terrain, et pouvoir concrétiser ce qui est prévu dans l’Accord, c’est-à-dire respecter les dates et les chronogrammes, il faut un MOC robuste pour mener à bien la mission de sécurisation.

La signature de cette « Entente » a-t-elle été possible grâce à la médiation algérienne ?

L’Algérie a joué un rôle très important depuis le début des négociations, mais le résultat de cette Entente revient en premier lieu aux parties, gouvernement malien et mouvements signataires. En plus, toute la médiation internationale a joué un rôle important pour qu’on arrive à ce résultat. Mais le plus grand rôle revient aux parties.

Certains observateurs disent que ces autorités intérimaires sont une sorte de fédéralisme qui ne dit pas son nom, quel est votre avis sur la question ?

Le document qui est signé n’est que l’interprétation de l’Accord, c’était prévu dans l’Accord et ce n’est pas une chose nouvelle. Il s’agit juste de mettre en place ces autorités intérimaires dans les cinq régions de l’Azawad communément appelé Nord Mali. On ne doit pas avoir peur de ces appellations, l’essentiel c’est de construire un mécanisme, créer un climat pour que les populations que nous représentons tous, puissent vivre en paix et en harmonie entre elles pour un développement durable. Ce document appelé Entente n’est rien d’autre qu’une partie de l’Accord, donc, il n’y a pas lieu de parler de fédéralisme.

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Selon vous, le fédéralisme peut-il être une solution viable pour le Mali ?

On doit tout d’abord se poser certaines questions et la première c’est de savoir, quelles sont les solutions qui ont été trouvées aux différents problèmes qui se sont succédés depuis 1950. C’est-à-dire, si nous regardons depuis 30 ans tous les accords qui ont été signés avec les mouvements de l’Azawad, quels sont les accords qui ont apporté la stabilité pour le Mali ? Les Maliens doivent avoir le courage de trouver une solution aux problèmes qui sont posés à travers le dialogue. Il y a aujourd’hui des pays qui sont centralisés sur un pouvoir mais qui sont très faibles, il ya aussi des pays qui sont fédéraux mais plus forts. On doit sortir de cette prison qui consiste à croire que dès qu’on parle de fédéralisme, c’est affaiblir le Mali. Ce n’est pas le fédéralisme qui affaiblit le Mali, ce qui l’affaiblit c’est ce conflit à répétition qui nous ramène chaque année à la case de départ.

Peut-on obtenir une paix durable alors qu’il y a des tensions réelles, actuellement, entre groupes armés au nord ?

Aujourd’hui, il y a deux conflits différents. Le conflit entre le nord et le sud qui a fait profiter les autres conflits. Ce qui a même créé le conflit interne aux mouvements, entre les communautés et même à l’intérieur de Bamako. Les nombreux coups d’États sont les conséquences directes de ce conflit. Dès qu’on trouvera une solution exacte et adéquate à ce conflit entre le Nord Mali et le pouvoir central à Bamako, beaucoup de ces conflits vont disparaitre automatiquement, car ils ne sont que des conséquences. Il y a ce nouveau fléau, le terrorisme international, qui est rentré chez nous et a commencé à rendre la situation plus confuse, plus difficile et plus compliqué. Pour faire face à ce conflit qui est international, il faut d’abord résoudre le problème politiquement et unir nos rangs.

Tout récemment la France a clairement, par la voix de son ministre de la Défense Jean Yves le Drian, accusé le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) d’être un obstacle à la paix, que pensez-vous de cela ?

Je crois que le HCUA est un mouvement membre de la CMA et la CMA est un seul organe, qui a fourni beaucoup d’efforts pour arriver à trouver une paix. Les mouvements sont très solidaires entre eux, mais la CMA ne peut pas protéger les individus qui posent des actes solitaires qu’ils soient terroristes ou non. C’est-à-dire que tout individu qui mène des activités pareilles est condamnable par la CMA. Les mouvements qui composent la CMA ont beaucoup contribué pour la paix, mais chaque mouvement à son identité, mais ils ont tous beaucoup aidé pour parvenir à accomplir la mission, qui est de trouver une paix définitive.

Vers une suspension de l’aide humanitaire à Kidal ?

Lundi 6 juin, à Kidal, au nord du Mali, un entrepôt de vivre stockant des denrées humanitaires du Programme alimentaire mondial (PAM) a été pillé par des habitants. Ces denrées devaient répondre aux besoins alimentaires d’environ 11 000 personnes peuplant les 11 communes de Kidal. Les tensions entre groupes armés, sur place, mettent aujourd’hui en péril l’aide humanitaire vitale pour les populations.

À Kidal, tout le social est géré par des commissions (commission santé, commission énergie, etc.) dirigées par la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) monopolise certaines de ces commissions, comme celle des œuvres sociales qui gère la distribution des dons humanitaires, qui proviennent d’ONG ou de l’État. Cette gestion constitue un point de tension entre le groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) appartenant à la Plateforme et la CMA. Quand le GATIA a fait son retour à Kidal, il y a quelques mois, le mouvement a exigé une gestion à part égale des commissions administrées par la CMA, cette répartition était convenu entre les deux mouvements depuis les accords d’Anéfis. Dans un premier temps, des membres de la Plateforme ont été placés dans chaque commission. Il devait y avoir une représentativité à part égale entre les deux mouvements, mais la CMA a continué à monopoliser certaines commissions, comme celle en charge de l’humanitaire.

Avec l’échec du Forum de Kidal et la méfiance que se portent ces deux mouvements la situation est rapidement devenu explosive, et les tensions larvées entre les deux mouvements ce sont déplacées sur le terrain humanitaire. « La CMA détourne une majeure partie des dons alimentaires qu’elle revend sur les marchés locaux ou par camion jusqu’à Gao », révèle cette source, « Ça constitue une grande manne pour eux, ils ont pu se faire pas mal de liquidités, on dit qu’ils l’utilise pour payer leurs combattants » ajoute-t-il. Le GATIA de son côté lutte pour que les dons soient partagés en part égale pour les démunis. Deux secteurs qui sont peuplés par des Imghad (la tribu dont sont majoriatirement issus les membres du mouvement GATIA) ne reçoivent pas les dons alimentaires comme les autres secteurs de Kidal, « ils ne sont pas parvenus à s’entendre, ils se sont opposés plusieurs semaines là-dessus jusqu’au pillage de l’entrepôt lundi dernier », explique cet habitant.

Lundi 6 juin au matin, des pick-ups de la Plateforme sont partis se positionner devant l’entrepôt, rapidement rejoint par des combattants de la CMA. Les échanges ont été très tendus. Ne parvenant pas à s’entendre avec la CMA, des combattants du GATIA ont ouvert les portes de l’entrepôt et ont laissé les gens piller les vivres. Hommes, femmes, enfants et même certains combattants de la CMA se sont précipités et se sont servis. « C’est le besoin qui a amené les gens à faire ça, surtout en ce début de ramadan. Ces aides sont destinées aux gens mais finalement, avec la CMA, il n’en bénéficie pas et quand c’est partagé les gens ne reçoivent que quelques kilos. J’espère que ça ne va pas continuer comme ça, les gens ont apprécié, mais ça ne doit pas continuer », déclare un commerçant.

Une réunion devait se tenir vendredi dernier, entre les différents mouvements pour établir les mesures à prendre, dans la concertation. Cette réunion n’a pu avoir lieu et a été repoussée à une date ultérieure, les tensions demeurant très vive entre les deux mouvements. « la violence est contenue, mais si une coup de feu échappe entre eux, c’est la garantie d’un conflit », explique cette source. La Plateforme a créé, fin de semaine dernière, sa propre coordination qui s’occupera de l’aide humanitaire en parallèle à celle de la CMA. Les organisations humanitaires, sur le terrain, ne s’y retrouvent plus, ils sont à présent obligés de passer par deux commissions rivales, plus une autre association créée par le député de Tin-Essako, pour la gestion et l’acheminement des vivres. Sur place, la situation est très confuse, et certains organismes humanitaires menacent de suspendre leurs aides s’ils n’ont pas des garanties de pouvoir travailler de façon efficace et en toute sécurité.

Les tensions entre CMA et Plateforme se crispent à un moment où les pourparlers entre mouvement armés et gouvernement sont en dents de scie, concernamant l’application de l’Accord de paix et réconciliation, notamment sur les autorités intérimaires et la Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). De plus, la situation dans le région de Kidal reste fragile, depuis la mort de plus d’une dizaine de soldat appartenant à la mission onusienne et à l’opération barkhane. Ces derniers ont d’ailleurs entrepris, depuis plusieurs semaines, la construction d’un camp dans le fief même des djihadistes à Abeibara, « La pression mise par l’opération barkhane a permis d’arrêter de nombreux djihadistes, mais la situation est très tendu là-bas , des gens ont fui la zone, et à cause de l’action des forces françaises les djihadistes seraient en train de de se déplacer vers Tombouctou », conclut cette source.

Aéroport de Kidal : les femmes ont levé le camp

C’est vendredi 29 avril au soir, que les femmes menées par Zeina, femme du N°2 du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), qui occupaient depuis une quinzaine de jour l’aéroport de Kidal, ont levé le camp.

« elles ont été approchées par des leaders de la CMA qui leur ont demandé de partir. Elles ont dit qu’elles resteraient vigilantes quant à  la satisfaction de leurs doléances. Mais les gens ici savent que ces revendications ne viennent pas d’elles », confie cette source. Ces évènements ont érigé Zeina en femme leader du clan HCUA à  Kidal, face à  Aminatou, la soeœur du député d’Abeibara, Ahmada Ag Bibi, désormais ex-leader des femmes, auparavant à  la tête de ces marches de protestation. Cette dernière était opposée à  la manifestation de Kidal et l’occupation de l’aéroport qui s’en est suivi. Ces tensions qui existent depuis longtemps entre le MNLA et le HCUA, sont aussi présentent en interne au sein du MNLA. La récente démission du porte-parole pour l’Europe, Moussa Ag Assarig, a révélé ces dissensions, « Ce qu’a souligné Moussa Ag Assarig n’est pas faux mais il n’est pas écouté, il y a des gens de Kidal qui s’accaparent les pouvoirs au sein du MNLA. Lui n’est pas de Kidal mais de la région de Gao et il vit en France, sa démission n’a pas eu d’effet », explique un observateur local.

Au lendemain des manifestations, l’aéroport de Kidal est presque complètement détruit et sera inutilisable pour un bon moment. Des 4/4 et une dizaine d’hommes de la CMA lourdement armés assurent désormais la sécurité des lieux. Il faudra quelques dizaines de millions de Fcfa pour réparer les dégâts et faire repartir l’activité aéroportuaire. La Minusma semble la seule organisation sur place capable de payer les dégâts. Hervé Ladsous, secrétaire général adjoint des nations-unis pour la paix au Mali, arrivé dimanche dernier en hélicoptère à  Kidal, a déclaré qu’il est nécessaire de trouver un accord entre les différentes parties qui pourraient garantir que des événements comme la manifestation de Kidal ne se reproduisent pas.

Pour rappel, l’aéroport de Kidal est aussi utile aux populations qu’à  la Minusma et à  Barkhane, il sert à  acheminer les personnes, du matériel, des médicaments mais aussi à  faire atterrir les gros porteurs militaires et leurs chargements. Les manifestations, même si c’était leur but, ne seront pas parvenus à  stopper Barkhane dans sa traque. à€ Kidal, Tessalit ou Abeibara, les Français sont lancés dans une opération pour traquer les coupables responsables de la mort des 3 militaires français qui ont explosé sur une mine, sur la route de Tessalit. Chaque jour, ils survolent Kidal en hélicoptère. Samedi dernier une opération menée par la force Barkhane, à  Akomass située à  environ 80 km de Kidal, à  permis l’élimination d’Attiyoub Ag Eghya et l’arrestation de Assafagh Ag Attiyoub, tous deux djihadistes d’Ansar Dine, le mouvement qui a revendiqué la mort des Français. « Les opérations de ratissage par Barkhane continuent, elles montrent leur efficacité et sont appréciées par la majorité. Il y a ceux que ça dérange car ils ne sont pas très habitués à  ça et aussi parce que certains coopèrent avec les djihadistes. Les français ne savent pas qui est qui, donc ils fouillent un peu tout le monde », confie une source locale.

La tension des dernières semaines est un peu retombée sur la ville-bastion, une autre séquence s’ouvre, et en dehors des problèmes inhérents aux différentes parties : groupes armés, Minusma ou Barkhane, les populations doivent aussi faire face à  l’écrasante chaleur de la saison chaude qui a asséché les nappes phréatiques et causé une pénurie d’eau.

Manifestation sanglante à Kidal : le HCUA mis en cause

Lundi 18 avril, des manifestants, quelques dizaines de personnes pour la plupart des jeunes, se sont massées devant l’aéroport de Kidal pour protester contre la vague d’arrestations d’une dizaine de suspects par la force Barkhane, dans le cadre de la lutte antiterroriste. Des slogans anti-barkhane ont fusé, accompagnés de jets de pierres, puis des coups de feu ont éclaté. « Les manifestants ont voulu s’en prendre à  un véhicule armé de la MINUSMA pour en arracher la mitrailleuse. C’’est ce qui a déclenché les coups de feu », explique un habitant présent lors de la manifestation. Le bilan faisait état deux morts et d’une dizaine de blessés dont 3 cas graves. Une enquête diligentée par la MINUSMA devra faire la lumière sur les circonstances ayant mené à  la mort des deux victimes. Dans le chaos, des manifestants sont parvenus à  rentrer dans l’aéroport, occasionnant beaucoup de dégâts, « les gens ont tout saccagé, ils ont arraché les barbelés qui entourent l’aéroport, emportés des tonnes de ciment et pillé ce qui pouvait être emporté », révèle une source locale. Une réunion d’urgence a été organisée au camp de la MINUSMA, en présence de responsables de la CMA, et des forces onusienne et française. Un communiqué de la MINUSMA, puis un autre de la CMA, condamnant les actions des manifestants et appelant au calme, ont été diffusés le jour même, suite à  cette réunion. Au lendemain des évènements, la tension était un peu retombée sur la ville et le but poursuivi par les manifestants semblait plus clair : « cette manifestation était organisée par des jeunes et des femmes du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Elle visait à  faire pression sur Barkhane pour stopper les arrestations et dans un deuxième temps, faire pression pour que les personnes arrêtées soient libérées, car la plupart sont du même clan que Cheick Haoussa, le numéro 2 du HCUA », révèle cette même source. L’aéroport de Kidal est pour le moment fermé à  tout trafic, la MINUSMA devant procéder à  une inspection des sols pour détecter la présence de mines qui auraient pu être enfouies durant le chaos de la fusillade. Sur place, ces évènements ont amené une grande tension entre le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et le HCUA. « Les deux jeunes qui sont morts sont du MNLA. Ils étaient à  l’école quand ils ont été amenés jusqu’à  la manifestation par des anciens leaders du MNLA qui se sont joints à  la femme de Cheick Haoussa, ce qui a créé des conflits entre les femmes et les jeunes des deux mouvements », décrit cet habitant. De plus, selon nos informations, l’un des otages de l’équipe du CICR, libéré dimanche dernier, beau-frère de Cheick Haoussa, aurait été un meneur dans les évènements survenus lundi. à€ sa libération, cet employé du CICR, était porteur d’un message des ravisseurs destiné à  la force Barkhane, demandant la libération des personnes arrêtées en échange des otages de la Croix-rouge. Enfin, et toujours selon notre source, ce guide, également apparenté à  Cheick Haoussa, serait actuellement détenu à  Gao, car il est soupçonné de connivence avec les ravisseurs. Pour rappel, quatre employés (trois humanitaires locaux et un chauffeur) du CICR ont été enlevés le 13 avril dernier à  Abeà¯bara, au nord de Kidal.

Kidal, la grande inconnue

Le Forum de Kidal, qui devait se tenir dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas, en présence de la Plateforme, de la CMA et de l’État malien, a été reporté à une date ultérieure. Sur place, c’est la confusion. Cette ville bastion chargée d’histoire, qui a vu naître la majorité des conflits armés du Nord-Mali, semble encore hésiter entre défiance vis-à-vis de Bamako, et réconciliation

Nouvelle péripétie dans le long processus vers la paix. Le Forum de Kidal, prévu depuis plusieurs semaines pour se tenir du 27 au 30 mars, devait marquer le retour de l’administration, symbolisé par une participation effective des autorités maliennes, représentées au plus haut niveau par le Premier ministre Modibo Keïta, et sceller la paix des braves entre les différents groupes armés, a été reporté sine die. Selon une source sur place, malgré cette décision, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (groupes armés pro-gouvernementaux) tiennent des discours diamétralement opposés. « Ici, la CMA assure que le Forum est toujours maintenu à la date prévue, tandis que la Plateforme dit qu’il va être reporté, voire annulé », affirme un habitant joint sur place.

Confusion et incompréhension  Résultat, à Kidal les populations ne savent plus à quel sein se vouer. « Quand la CMA part à Bamako, elle se dit favorable à l’État, et quand elle est ici, elle dit à une partie de l’opinion qu’elle est toujours dans la logique de l’Azawad », souligne cet habitant du quartier Aliou. Depuis une semaine, le courant électrique est coupé, « le moteur du groupe électrogène doit être réparé pour la tenue du forum », assure pourtant un cadre de la CMA. Quant à l’eau, elle commence à se faire rare, ce qui, associé à la très grande chaleur, contribue à une tension de plus en plus palpable dans la ville, surtout depuis l’annonce de la tenue du Forum, et de son report. « La CMA a fait courir le bruit dans Kidal que le gouvernement ne serait qu’invité lors du Forum, et ne prendrait pas part aux négociations entre les groupes. L’État a fait savoir qu’en tant que financier du forum, qui se déroulera sur son territoire, il ne compte pas être un simple invité », précise un élu local. Conséquence de ces cafouillages, l’État et la Plateforme se sont, pour le moment, retirés de l’organisation du Forum. Plusieurs chefs des groupes armés font depuis plusieurs jours la navette entre Bamako et Kidal pour lever les incompréhensions. Lundi 21 mars au soir et dans la journée de mardi, une délégation menée par Nina Wallet Intallou, viceprésidente de la Commission vérité justice réconciliation (CVJR) et ancienne égérie de la rébellion, est arrivée à Kidal, en provenance de Bamako. Certaines femmes, menées par Zeina, la femme de Cheik Haoussa, l’un des leaders du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et proche du terroriste Iyad Ag Ghaly, ainsi qu’Aminatou, la sœur du dé- puté de Kidal, élu du Rassemblement pour le Mali (RPM) et proche du HCUA, ont tenté de les agresser. Hostiles au Forum et à toute forme de reconnaissance de l’État malien, ces groupuscules ont sé- questré quelques membres de la délégation, avant de les libérer et de les sommer de retourner à Bamako. « Le problème à Kidal, ce n’est même pas les gens qui souhaitent la partition ».

Les origines de la division  Selon Mohamed, natif de Kidal âgé de 35 ans, « le fond du problème, c’est un conflit tribal entre Imghad, la tribu vassale du général Gamou, et les Ifoghas, la tribu noble qui dirige le HCUA et sa structure chapeau la CMA, incarnée par la famille Intallah. Ils ont ramené leur conflit interne au niveau national et ils se battent pour diriger la ville de Kidal et toute la région ». Un simple conflit communautaire serait donc à l’origine de l’embrasement répété du Nord du Mali, et des blocages qui empêchent un retour de la paix et de l’État sur l’ensemble du territoire, notamment dans cette région du septentrion. À l’en croire, la confusion qui règne actuellement serait exacerbée par le budget de 400 millions de francs CFA alloués par l’État pour l’organisation du Forum, et qui ont été divisé entre la Plateforme et la CMA. Même si l’on ne sait pas à l’heure actuelle quand se tiendra l’événement, pour le professeur Naffet Keïta, fin connaisseur de la région, l’enjeu est clair : « un partage des postes entre les communautés est désormais nécessaire pour qu’elles arrêtent de s’affronter. C’est ce qui devrait être validé en prélude à la mise en place de l’administration transitoire ». En attendant, sur Kidal, comme un symbole des divergences actuelles, flottent les drapeaux du Groupe d’autodéfense Touareg, Imghad et alliés (GATIA), du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), du Mouvement des arabes de l’Azawad (MAA), et du HCUA. Reste à savoir si les couleurs de ces différents mouvements pourront, dans un futur hypothétique, se fondre dans le vert-jaune-rouge du drapeau national.

Sidi Brahim Ould Sidati : « Après l’Accord, nous devons développer un sentiment national plus fort »

Peu connu du public jusqu’au 20 juin 2015, Sidi Brahim Ould Sidati, originaire de Tombouctou, est le Secrétaire général du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Ex-maire de la commune rurale de Ber (région de Tombouctou), il a, au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), signé l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Cet enseignant de formation revient dans cette interview exclusive réalisée le 10 janvier à Bamako, sur les conditions de mise en œuvre du texte. Audelà des divergences supposées ou réelles au sein de la CMA, le combat d’Ould Sidati, qui participe aux travaux du Comité de suivi de l’accord (CSA), serait avant tout celui de l’unité des populations du Nord, envers qui le Mali n’aurait pas toujours été tendre.

Journal du Mali : Huit mois après la signature de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation, quelle appréciation faîtes-vous de la mise en œuvre du texte, vous qui repré- sentez la CMA au sein du Comité de suivi de l’Accord ?

Sidi Brahim Ould Sidati : Il y a eu deux phases après la signature de l’accord. Trois premiers mois tendus avec des affrontements sur le terrain et un doute réel quant à sa mise en application. Cet état de fait a duré jusqu’en octobre 2015. Après la rencontre d’Anéfis, les lignes ont commencé à bouger. Pour moi, il y a clairement un avant et un après Anéfis. Après ces discussions, on a vu les différentes commissions travailler et réaliser des avancées sur les textes législatifs. Ces avancées ne sont certes pas visibles sur le terrain, mais c’est un début de mise en œuvre.

Cette mise en œuvre avance-t-elle au bon rythme ? N’est-elle pas un peu lente et pour quelles raisons ?

Nous n’avons pas encore une action physique, visible sur le terrain qui permet de dire que la mise en œuvre de l’accord avance. Des actions qui impacteraient sur le quotidien des populations. Au début, il n’existait pas de confiance entre parties signataires, ce qui a retardé les choses, et certains avaient même voulu remettre l’accord en cause.

Vous parlez de confiance. Existe-t-elle désormais au sein du comité de suivi après la phase critique ?

Il est difficile de construire une confiance lorsqu’on a peur. Il y a des mesures de confiance telles que la libération des prisonniers rebelles. Il y a bien sûr moins de tiraillement aujourd’hui dans le comité de suivi. Cette confiance, à mon humble avis, s’installe peu à peu. Mais pour l’heure, on ne peut pas dire qu’elle est définitive.

Vous avez eu à suspendre votre participation au comité de suivi de l’accord. Tout cela est-il derrière vous ?

On a voulu suspendre effectivement pour voir s’il y avait vraiment un accord ou pas, et un changement dans les comportements des parties. Il n’était pas possible de poursuivre avec l’avancée des troupes sur Anéfis. Après les discussions, les choses sont revenues au bon point de départ, avec l’arrêt des hostilités sous l’œil de la médiation.

Êtes-vous satisfait quant à la sécurisation des biens et des personnes sur le terrain ?

La majorité des prisonniers a été libérée, même s’il demeure des exceptions que nous traitons. Il faut bien sûr plus d’actions sur le terrain, comme la prise en charge de combattants pour sécuriser le Nord et éviter les troubles. Néanmoins, l’arrêt des hostilités est effectif. La Plateforme et la CMA parlent aujourd’hui de la même voix. Nous faisons même des communiqués conjoints. Ce qui permet de faire avancer le processus. L’accord prévoit en outre des autorités de transition pour permettre cette ré-administration, et le retour des réfugiés. On a tenté d’ouvrir les écoles à Kidal, mais il n’y a pas d’autorité à Kidal. Or, il faut des pouvoirs mixtes pour exécuter tout cela. Beaucoup reste à faire.

Est-il vrai qu’il existe, au sein de la CMA, un antagonisme entre le MNLA et le HCUA ?

Je crois qu’une confusion existe. Pour rappel, le HCUA faisait partie d’Ansar Dine et a rompu avec lui, pour divergences de vues. Et à chaque fois qu’il y a eu un problème entre le MNLA et Ansar Dine, on l’a mis au compte du HCUA, qui est aujourd’hui membre de la CMA. Pour moi, il n’y a pas d’antagonisme entre les deux mouvements.

Que pensez-vous de l’attaque récente sur plusieurs éléments du MNLA, et revendiquée par Ansar Dine ? Cela vous inquiète-t-il ?

C’est justement ce problème récurrent entre le MNLA et Ansar Dine qui persiste. Vous savez, il y a aujourd’hui ceux qui sont contre l’Accord et le mettent en péril. Ils ont un objectif commun, celui de faire échouer le processus de paix.

Revenons sur le MNLA, on l’accuse de jouer un jeu solitaire. Notamment sur la nomination de Madame Nina Wallett Intalou au sein de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) et sans consultation des autres mouvements de la CMA ?

Il n’y a pas de crise entre les mouvements de la CMA. Je le répète. Le problème vient d’Ansar Dine, qui est pour l’application de la charia. Je vous l’ai dit, certains membres du HCUA ont quitté ce mouvement. Par ailleurs, le MNLA ne fait pas cavalier seul. Il fait partie d’un ensemble qu’est la CMA. Quant à la nomination de Madame Intalou, elle a été proposée par la commission. Nous, nous n’étions pas d’accord sur le nombre de personnes représentées au sein de la CVJR, qui était de 2, au lieu de 5. Entretemps, trois personnes ont été nommées. Le problème est réglé.

Est-ce que la CVJR a réellement des marges de manœuvre ?

La commission n’est pas un outil de l’accord. Elle s’est faite avant l’accord. Nous avions demandé des modifications, car si elle ne dépend que d’un ministère, cela n’a pas de sens. Il faut lui donner une certaine liberté avec un ancrage qui lui permet de dire sa vérité. Dans sa forme actuelle, ce n’est pas la vision de la CMA.

Que pensez-vous de l’influence négative d’Iyad Ag Ghaly sur le processus de paix ? Est-elle réelle selon vous ?

Pour moi, le problème ne vient pas d’Iyad seul. Il y en a d’autres comme Amadou Koufa, du Front de libération du Macina. Ce sont des personnalités qui ont une autorité certaine sur les populations locales, et qui étaient là bien avant l’accord. Donc, ne peut nier cette équation. Maintenant, tout dépend de la vitesse d’exécution de l’accord. Plus on tarde, plus ils gagnent en influence, mais plus nous accélérons, plus leurs marges de manœuvre sont réduites et ils seront isolés.

Iyad Ag Ghaly continue pourtant de rallier à sa cause autour de Kidal et ailleurs. La paix est-elle possible et durable sans Iyad ?

Encore une fois, tout va dépendre de la mise en œuvre de l’accord. Aujourd’hui, c’est vrai, il est dans une logique de ratisser le plus largement possible. Mais l’accord doit permettre de contenir ces gens, ces velléités. Et si demain, on devait né- gocier, ce serait sur des choses isolées. Il nous faut accélérer le processus.

Parlons du MAA, votre mouvement, qui a deux branches. L’une plus proche du gouvernement, l’autre dissidente proche du MNLA et plus radicale ?

Cet état de fait existe depuis l’accord de Ouagadougou. Nous sommes restés proches du HCUA et aussi du MNLA depuis trois ans, avec les mêmes revendications politiques et organisations militaires sur le terrain. Mais il n’y a plus de différences, puisque nous sommes tous réunis au sein de la CMA et cela dans un seul objectif, appliquer l’accord de paix. Idem entre nous, le gouvernement et la Plateforme.

À propos de la Plateforme, Maître Toureh, son représentant, déplorait une inertie du gouvernement. Les autorités tiennent-elles leurs promesses ?

Je pense qu’il y a une nette amélioration depuis un mois et demi. Une évolution certaine du gouvernement quant à l’application de l’accord et des textes législatifs qui le régissent, comme par exemple le processus de Désarmement Démobilisation et Réinsertion (DDR) ou encore, la mise en place des outils de transition. L’accord prévoit ces textes et même la révision de la Constitution, nécessaire pour mettre certaines dispositions en place.

Justement, tout ceci pourrait rallonger davantage la période transitoire…

Tout cela fait partie de l’accord. Ce sont des phases. Cela dit, la prise en charge des combattants est par exemple une chose qui urge. Les textes doivent être accélérés. Il nous faut reconstituer une armée capable de sécuriser les personnes. Ramener les réfugiés, rouvrir les écoles, des urgences qui ne doivent plus attendre, avant toute idée d’élections. Maintenant qu’on a signé cet accord, nous devons développer un nationalisme plus fort et éviter les tiraillements du passé. C’est un changement de comportement, de mentalité. Aussi bien pour la majorité que pour l’opposition. Tout le monde est concerné.

Sur la prise en charge des combattants, la MINUSMA attend la liste des personnes devant être cantonnées. Qu’est-ce qui bloque ?

C’est dû au manque de confiance. Nous n’en sommes pas à notre premier coup d’essai, beaucoup d’accords ont été signés au Mali. Aujourd’hui, les gens ne veulent pas fournir une liste, se livrer, tant qu’ils n’ont pas la garantie que leurs revendications politiques seront prises en compte. Elles concernent évidemment le nord et l’Azawad. Ceci dit, à partir du moment où l’on connaît les sites de cantonnement, nous avons donné un chiffre de 600 hommes par site. En fonction de la prise en charge de ces combattants, nous donnerons les listes et nous pourrons avancer dans le processus. Vous savez, il est difficile de regrouper des gens qui sont dispersés dans un rayon très vaste.

Un délai est prévu pour mi janvier ? Est-ce réalisable ?

Les textes sont déjà faits. On s’entend sur la méthode et les quotas. J’estime qu’autour du 20 janvier, on sera dans la bonne démarche.

Sur un tout autre plan, un remaniement ministériel s’annonce. La Plateforme a un représentant depuis le dernier réaménagement. La CMA espère-t-elle encore faire partie d’un nouveau gouvernement, comme en juin ?

Lorsqu’on a signé cet accord, il y avait des priorités à régler avant de penser à intégrer le gouvernement. Par ordre, la libération de nos prisonniers, la prise en charge de nos combattants, la mise en place d’autorités de transition, etc. Après tout cela, on pourra penser à une éventuelle participation au gouvernement.

Est-ce que la nomination d’une personnalité du Nord au poste de Premier ministre pourrait faire avancer plus vite le processus et donner un signal fort ? Vous aviez auparavant demandé des postes clés…

Nous avons d’abord un timing à exécuter. L’entrée au gouvernement n’est pas notre priorité du moment. L’actuel Premier ministre est d’ailleurs un homme d’une grande sagesse. Il ne s’agit pas d’un problème de personnes ou du président IBK, mais d’une volonté nationale afin que les gens aillent vers cette unité nationale. La fissure était grande et la solution demande un grand effort national.

La MINUSMA est au Mali depuis plus de deux ans. Comment jugez-vous son action ? Que peut-on attendre de l’arrivée de Mahamat Saleh Annadif, nouveau chef de la Mission ?

Faire sans la MINUSMA n’a pas de sens, puisque les Maliens ont accepté sa présence. C’est aussi aux parties maliennes de dégager une feuille de route claire quant à leurs attentes sur le rôle que doit jouer la MINUSMA pour sécuriser. Mais la paix, ce sont d’abord les Maliens qui la feront, avec une vision et une stratégie commune. Monsieur Annadif ? On lui souhaite du succès, évidemment. Il est nouveau, il lui faudra sans doute un temps de compréhension et d’adaptation au contexte et aux Maliens. Son prédécesseur Mongi Hamdi avait déjà intégré beaucoup de choses en un an.

Vous avez déclaré que l’attentat du Radisson visait l’accord de paix. Faut-il craindre d’autres actes ?

Les Maliens doivent apprendre à vivre avec le terrorisme et rester vigilants. Le danger est constant et permanent. On ne doit pas s’arrêter à dix jours de mobilisation pour laisser les choses s’essouffler. L’état d’urgence doit permettre une capacité de réaction plus rapide, des fouilles systématiques, ce qui demande des moyens et des dispositions juridiques efficaces.

L’état d’urgence s’applique-t-il au Nord?

L’état d’urgence s’applique là où il y a un État, ce qui n’est pas le cas au nord du Mali. Quand il n’y a pas d’État, pas d’état d’urgence donc…

Les fonds qui doivent être alloués au Nord, environ 300 milliards, sont-ils un élément fondamental pour enclencher le développement ?

On ne peut faire une paix sans ressources. Mais l’essentiel n’est pas dans l’argent. Plutôt dans le fait de comprendre qu’on doit travailler ensemble pour la paix, avant tout développement. Les différentes agences et les fonds de développement, on le sait, ont plus permis de construire des villas à Bamako que de développer le Nord. Ne tombons pas dans les mêmes erreurs.

Mais à long terme ?

Au Mali, les régions du nord repré- sentent les deux tiers du pays. Pour les politiques nationales de développement, d’éducation ou de santé, on a toujours regardé le facteur démographique. Dans 1/3 du pays (sud et centre) vous avez 90 % de la population qui vit et bénéficie de ces politiques. Imaginez que pour avoir un Centre de santé communautaire (CESCOM) au nord, il faut au minimum 5 000 personnes, ce qui exclut d’office de nombreuses localités dans le nord. L’État, c’est avant tout un contrat social avec les populations, et lorsque ce contrat n’est pas rempli, l’appartenance à l’État est difficile. J’ai été enseignant pendant 12 ans à Bamako. En discutant avec les populations au nord, j’ai compris qu’elles n’avaient aucun attachement à l’État malien. Dans l’accord, il y a la création du Sénat, avec une représentativité liée au territoire et non plus seulement au facteur démographique pour créer un réel partage du pouvoir. Si au sud vous avez 5 régions, pour le Nord qui représente les 2/3 du territoire, il faudrait en créer 15.

Pour finir, que souhaitez-vous pour la nouvelle année 2016 ?

Que les choses aillent plus vite. Que ce texte trouve son application réelle. Évidemment, je souhaite plus de paix pour les Maliens et que l’on puisse se mettre ensemble et au dessus de tous ceux qui sont contre cet accord de paix.

 

 

Accord de paix : conclave à Kidal pour décider

Ils font durer le suspense. En tout cas, le 10 mars a été choisi par les mouvements réfractaires au texte d’Alger pour trouver une position commune. Pendant que le gouvernement malien multiplie les rencontres pour sensibiliser sur l’accord de paix, des appels ont été lancés par les chefs politiques et militaires des mouvements séparatistes qui ont appelé leurs partisans à  participer à  une réunion à  Kidal. Les mouvements armés de Kidal vont-ils enfin se faire à  l’idée d’aller vers la signature de l’Accord ? Il semblerait que certaines têtes de file à  Kidal tiennent encore des discours négationnistes. Cela entraà®né par les idéologies les plus radicales de ceux qui ne veulent pas la paix au Mali. On le sait Kidal, est le bastion des rebelles touaregs, et des chefs djihadistes comme Iyad Ag Ghaly, s’y promènent ou des évadés comme Mohamed Aly Ag Wadoussène, libéré en échange de l’otage français Serge Lazarevic. Car signer un accord avec le Mali, signifierait, recadrer les choses, aller vers le justiciable, la normalité, une normalité que ne veulent pas les trafiquants de drogue. Car au-delà  de toute revendication sécessionniste, signer signifierait, mettre fin à  une zone de non droit. Si des manifestants à  Kidal, ont crié à  tue-tête, voir leur Azawad fondre comme neige au soleil, l’enjeu dépasse ce territoire, et est d’abord celui de la réconciliation et de la Paix. Mais si un Accord n’est pas la paix, comme l’a si bien rappelé Abdoulaye DIOP, le ministre malien des Affaires étrangères, le plus dur reste à  venir pour ceux qui voudront bien parapher le document. Une étape cruciale en tout cas se joue en ce mois de Mars. Après le 10, il ne restera plus que quinze jours aux séparatistes pour rallier le Mali…

Le HCUA sur le pied de guerre contre les troupes alliées

Ce qui devait être une rencontre de restitution à  sa base des conclusions du pourparler d’Alger aura été finalement une incitation à  la révolte et la haine contre les forces basée dans la région de Kidal de la part du second fils du patriarche des Ifoghas Intallah Ag Mohamed, 85 ans. « Nous allons nous battre pour l’érection de l’Etat de l’Azawad, puisque la Minusma et la France se sont retournées contre nous. Elles veulent nous imposer un document qui ne répond pas à  nos aspirations. Nous allons organiser une marche de protestation de toute la communauté touareg pour marteler notre désapprobation du document », a insisté Algabach Ag Intallah Le successeur désigné du vieillard Intallah à  la tête de la communauté Ifoghas va plus loin, en demandant membres du HCUA et à  la jeunesse désœuvrée de la région de venir prendre des armes à  leur niveau pour organiser la défense de l’intégrité du territoire qu’il considère comme celui de l’Azawad. Le colonel déserteur de l’armée malienne, Nazim et d’autres officiers rebelles se sont rendus ce vendredi à  Anefis, en vue de mettre le dispositif de défense en place. Leur objectif est de s’attaquer aux forces de la Minusma et de la France pour changer le cours des choses. Le patriarche des Ifoghas, Intallah Ag Mohamed devra très bientôt le tablier. Il a choisi son fils Algabach pour le succéder au détriment même de son ainé Mohamed Ag Intallah, alors que Iyad Ag Rhaly s’impose au yeux de cette communauté comme l’héritier naturel du vieux Intallah pour prendre les rênes de la tribu Ifoghas. C’’est l’équation Iyad qui fait donc peur à  la fratrie Ag Intallah, Mohamed et Algabach qui ont une peur bleue du leader d’Ancardine. Ils veulent offrir un statut particulier à  Iyad Ag Rhaly, pour asseoir une serenité au sein de la communauté Ifoghas. Car l’Algerie a été très claire, il n’y aura point d’Etat autonome à  sa frontière, sinon elle l’absorbera. Cette décision algérienne est tributaire de la position des Idnanes algériens qui sont assimilables aux juifs américains par leurs influences au niveau de la haute sphère politique. Mieux en termes de représentativité, les Imrades dont est issu le Général Elhadj Gamou sont beaucoup plus nombreux. Ceux ci sont cependant marginalisés par les séparatistes Ifoghas C’’est d’ailleurs cette division qui a fait clasher la visite du Premier Ministre à  Kidal. Car il a été demandé à  Mohamed Ag Intallah de préparer la visite et celui-ci avait eu toutes les assurances de la part du MNLA, à  travers sa marâtre, notamment la dernière épouse du vieux Intallah, qui est la tante maternel de Bilal Ag Cherif. Un autre facteur favorable au Mali est le fait que de nombreuses interrogations sur la cartographie du supposé Etat de l’Azawad, taraudent les esprits des émissaires des groupes armés séparatistes. Les leaders non kidallois commencent à  comprendre qu’ils sont en train de se battre pour la cause des Ifogas de Kidal, au détriment des intérêts des autres communautés. Les Kalansars de Tombouctou de Nina Wallet, (sœur de Oumou Sall) sont en train d’entrevoir les voies et moyens pour rejoindre la plate forme des groupes d’autodéfense favorables à  l’unité du Mali. Les autres communautés qui composent le MNLA ont aussi pris conscience des rôles secondaires qu’ils assument au sein du mouvement séparatiste. Car ce sont les Ifoghas ont toujours les beaux rôles en faisant prôner leurs intérêts au niveau politique, alors que les autres fils des autres communautés se font tuer aux combats. Les Chabanamas de Kidal, les Oulimidingues de Menaka sont d’ailleurs de cet avis

Nord Mali : nouvelle rencontre entre les belligérants en Algérie

Alors que le Maroc a décidé de s’investir dans la quête d’une solution durable à  la crise au nord du Mali, l’Algérie n’entend pas se retrouver hors du processus. Les différents mouvements en conflit dans la zone depuis 2012 vont s’y retrouver autour d’une même table dans une tentative de parvenir à  une solution durable à  la crise qui secoue ce pays du Sahel. Selon une source algérienne, il s’agit du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), coté rebelles et du mouvement Ganda Koi (maà®tres de la terre), coté pro-gouvernemental. Moulay Ben Ammar al-Hassani, un notable et médiateur issu de la région d’Adrar (1.430 km au sud d’Alger), a précisé que ce round des négociations aura lieu dans la ville de Bordj Badji Mokhtar, dans l’extrême sud algérien, en attendant d’entamer un nouveau cycle de négociations de paix dans la capitale algérienne. L’Algérie qui est considérée par la communauté internationale comme étant un élément clé dans la résolution du conflit malien a par le passé accueilli les différentes factions et tenter de trouver une solution à  la crise politique de son voisin du sud. Pour une solution satisfaisante pour toutes les parties, Moulay Ben Ammar al-Hassani a révélé que l’Algérie proposera aux différents antagonistes, dont le gouvernement malien, l’installation de camps pour protéger les combattants des mouvements armés, la proclamation d’une amnistie par le gouvernement au profit des combattants touaregs, ainsi que l’organisation d’un référendum dans la région Azawad pour l’autonomie de la région du Nord Mali.

Accord de Ouaga: libération de 23 militants MNLA/HCUA

La cérémonie de remise en liberté a eu lieu ce mercredi 2 octobre 2013 à  l’hôtel Al Farouk de Bamako en présence du ministre de la justice, garde des sceaux Mohamed Ali Bathily, du ministre de la réconciliation nationale et du développement des régions du nord, Cheick Oumar Diarrah, du Chef de la Minusma, Albert Koenders et des représentants des institutions régionales et internationales. Cette libération s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord de Ouagadougou entre le gouvernement du Mali et les groupes armés. « Nous vous informons de la libération des prisonniers dans le cadre de la réconciliation », a déclaré le représentant de la Minusma. Et le ministre de la justice Mohamed Bathily de préciser que parmi les prisonniers libérés, deux ont bénéficié de la grâce présidentielle, deux sont placés sous contrôle judiciaire et deux autres sont décédés en prison. Satisfaction du coté de la société civile de Kidal représentée par Mohamed Ag Intalla et Zeà¯d Ag Hamzatta . « Je remercie tous ceux qui se sont impliqués dans la libération des prisonniers. Tout le monde sait que cette libération contribue à  la réconciliation et à  la paix. Nous voulons témoigner qu’un pas vient d’être franchi dans le cadre de la réconciliation », a déclaré Mohamed Intallah. Même réaction du côté des prisonniers libérés. El Hadj Mohamed Maà¯ga, prisonnier arrêté à  Kidal a remercié les autorités pour ce geste en leur faveur. « Je suis très heureux d’être libéré, je salue tous ceux qui se sont impliqués dans notre libération. Je ne souhaite plus qu’un tel évènement douloureux se produise dans notre pays », a-t-il dit.

Mali: réaction du gouvernement suite à la déclaration des groupes armés

Suite à  la déclaration des groupes armés (le MNLA, le HCUA et le MAA), dans la presse le jeudi 26 Septembre 2013, faisant état du non-respect par le gouvernement malien des engagements pris dans l’Accord de Ouagadougou, le Gouvernement de la République du Mali tient à  apporter les précisions suivantes : Après sa mise en place, le 08 septembre 2013, sous la haute Autorité du Président Ibrahim Boubacar Keita, le Gouvernement a accompli les tâches suivantes : Premièrement : l’Adoption de Mesures de confiance, à  travers la libération des personnes détenues A ce jour, 32 personnes ont été libérées. D’autres dossiers sont en cours de traitement, notamment, celui des députés qui sont sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Deuxièmement : l’Organisation des Forums de sensibilisation En application de l’article 20 de l’Accord préliminaire à  l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix signé à  Ouagadougou le 18 juin 2013, le gouvernement a organisé, les 15 et 16 septembre 2013, des forums de sensibilisation dans les trois régions du Nord en se rendant successivement à  Tombouctou, Kidal et Gao. D’autres missions conduites par les gouverneurs et les préfets ont effectué la même démarche dans le même objectif. Troisièmement : Le 17 septembre 2013, le Président de la République a rencontré les groupes armés (MNLA, HCUA, MAA et FPR) Lors de cette rencontre, le Président de la République a fixé le cadre des futures négociations, tout en rappelant le principe suivant :  »Tout peut être discuté sauf l’intégrité territoriale et l’unité nationale ». Le lendemain 18 septembre 2013, le Gouvernement a participé à  la réunion du Comité de suivi de l’Accord de Ouagadougou, à  l’issue de laquelle il a officiellement remis à  la MINUSMA et à  la Croix Rouge 12 personnes qui ont fait l’objet de mesures de libération. Quatrièmement : Les à‰tats généraux de la décentralisation sont convoqués du 21 au 23 octobre 2013 Déjà , les groupes de travail sont à  pied d’œuvre pour préparer cette grande réunion qui permettra de faire le bilan de l’expérience malienne en matière de décentralisation mais surtout de déterminer les mécanismes institutionnels permettant de donner plus de pouvoirs aux collectivités décentralisées. Cinquièmement : Le cantonnement Le gouvernement a informé la MINUSMA et les autres partenaires extérieurs qu’il était disposé à  prendre en charge une partie du financement de l’opération de cantonnement dès qu’un accord interviendrait sur les critères. Sixièmement : Un Programme d’urgence pour la relance du développement dans les régions du Nord a été finalisé le 26 septembre 2013 En outre, le Plan de développement accéléré des régions du Nord est en cours de préparation. Septièmement : Le gouvernement prépare activement les Assises nationales du Nord Elles se tiendront avant l’expiration des 60 jours prévus pour le démarrage des discussions avec les groupes armés, conformément aux engagements contenus dans l’Accord de Ouagadougou.