Processus de paix au Mali : Où sont les femmes ?

Piliers de la famille et de la société, les femmes sont en marge du processus de paix au Mali. La place qu’elles occupent dans leurs foyers et la puissance de leur approche font pourtant d’elles des actrices indispensables pour que chacun hume le vent de la paix. Elles sont exclues d’un processus qui se doit d’être inclusif, car c’est un leurre sans elles.

Elles sont mamans, épouses, sœurs, tantes, cousines. Elles sont le point focal de toutes les sensibilités, les meilleurs instruments de tous les apaisements. Leurs actes et leurs paroles tracent le chemin qui mène à la paix. Elles, ce sont les femmes. La crise de 2012, dont le pays se relève avec peine, a abouti en 2015, entre le Gouvernement, la CMA et la Plateforme, à la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Le texte prône, dans son Chapitre I, l’implication « des femmes et des jeunes », mais les acteurs sont toujours muets quant à la prise en compte de ces dispositions.

Actrices incontournables Fatoumata Maiga, Présidente de l’ONG Association pour les initiatives de paix (AIP), s’insurge contre cet état de fait. « Les femmes sont carrément exclues de toutes les structures de mise en œuvre de l’Accord, alors que sans leur implication et celle des jeunes au niveau communautaire, il n’y aura jamais de paix. Il ne faut pas que les gens se leurrent. Il faut qu’on les associe », plaide-t-elle. Présentes sur le terrain, actives pour faire baisser les tensions intercommunautaires, les femmes, selon elle, qui a participé aux négociations d’Alger en 2014, jouent un rôle prépondérant. « Malgré ce qu’elles font pour dénouer les crises, elles n’ont pas été associées formellement. Mais, quand ça coince, on leur demande de s’investir pour calmer les choses », dénonce-elle, très déçue. Imprégnée de la genèse des crises au Nord du Mali, l’organisation qu’elle pilote vit le jour en 1998, un an après la Flamme de la paix, dont elle fut l’une des protagonistes. Impliquer les communautés à la base semble être l’approche de toutes les associations qui militent pour la paix et la sécurité au Mali et c’est celle que privilégie la Coalition nationale de la société civile pour la paix et la lutte contre la prolifération des armes légères (CONASCIPAL).

« Ce que femme veut, Dieu le veut », dit l’adage. Si les femmes conservent leur capacité de résolution des conflits, les négliger peut aussi s’avérer fort regrettable. Emprunter un chemin sans elles, c’est risquer de tourner en rond. « La femme, c’est une maman, qui peut dire à son enfant ce qu’aucun homme ne peut lui dire. Une épouse, qui est au courant de ce que fait son mari. Elle a la possibilité de lui exposer les choses comme même sa maman ne pourrait pas », affirme la Présidente de l’ONG AIP. Pour Madame Sacko Kadi Kamissoko, Présidente de l’association des Sœurs unies de Tabacoro, « la femme, c’est le disque dur même de la société. C’est elle qu’on voit en premier lieu. C’est d’elle que viendra le dénouement de cette crise », assure-t-elle. « Si les femmes s’engagent, je vous assure qu’il y aura la paix dans ce pays », prophétise-t-elle.

La paix, un mirage ? S’il y a un vocable qui a été très utilisé ces dernières années c’est bien « paix ». Plus le mot revient, plus la situation se dilue. Des communautés ayant vécu en symbiose sont désormais sur le qui-vive. « Ce qui s’est passé à Gao, on aurait pu l’éviter, mais on a laissé la situation pourrir et dégénérer », regrette Fatoumata Maiga. Les femmes ont l’impression qu’elles ne comptent pas et « quand on les met dans certaines situations, elles le font savoir », avertit-elle. Elle fait partie du Collectif des femmes leaders qui avait, lors de la 23ème session du CSA, réclamé leur prise en compte dans les instances de l’Accord. «Nous voulons que les femmes soient parties prenantes de tout le processus, du sommet à la base », exige-t-elle, évoquant une violation de l’Accord. Selon elle la paix est possible, il suffit d’analyser certaines conclusions de la Conférence d’entente nationale. « On n’a pas dit de parler avec Iyad Ag Agaly ou Amadou Kouffa, mais avec les gens des villages. A Segou ou à Ménaka, pourquoi ne pas ramener sur le droit chemin les jeunes qui se battent pour ces chefs-là ? ». Elle en est certaine : « si les gens veulent sauver le pays, on le sauvera ».

 

Dialogue inclusif: le Mali face à son destin

C’est reparti pour un round. Alors que l’à‰tat malien est groggy après la défaite de Kidal, il s’assoit à  la table de négociation avec des groupes armés déterminés à  obtenir le maximum de concessions de Bamako. Pris entre le feu financier de la communauté internationale et la reprise du combat des groupes armés qui réoccupent progressivement les localités des régions de Gao et Kidal, les Maliens n’expriment que peu d’espoir en cette énième négociation avec ceux qui ont pris les armes contre le pays à  maintes reprises. Pour beaucoup, c’est contraint que le Mali se lance dans le processus qui démarre aujourd’hui, car ne disposant pas de toute la latitude pour imposer ses vues d’à‰tat souverain. Et ce n’est pas l’échange de prisonniers de ce mardi qui convaincra les sceptiques. Face à  face multi-partite A la table de discussions, le gouvernement malien sera face au MNLA(Mouvement National de Libération de l’Azawad) , au MAA (Mouvement Arabe pour l’Azawad), HCUA(Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad). A eux trois, ces mouvement représentent la branche radicale de la rébellion, celle qui continue d’exiger un statut d’autonomie. Alors que la communauté internationale exclut toute idée de partition du Mali, ces groupes sous la houlette du MNLA continuent d’oeuvrer pour la création d’un Etat d’Azawad avec ses organes institutionnels. Selon un document entériné le 14 juin dernier, signé des trois entités, la future collectivité de l’Azawad serait créée par une loi organique votée par le parlement malien. Dans ce document leur territoire se limite aux trois Régions du Nord du Mali. Cette position des groupes armés risque de rendre difficile la négociation voire de la faire tout simplement avorter. Les revendications du MNLA et ses alliés étant depuis toujours rejetées par le gouvernement qui ne veut as discuter de l’intégrité territoriale du pays. Participeront également à  la réunion d’Alger, d’autres mouvements plus modérés. Il s’agit de la Coalition du peuple pour l’Azawad (dissidence du MNLA dirigée par Ibrahim Ag Mohamed Assaleh), de la Coordination des mouvements et forces patriotiques de résistance (regroupant les mouvements armés sédentaires) et d’une partie du Mouvement Arabe pour l’Azawad . Pour ces derniers, il n’est pas question d’une partition du pays. Ils ont d’ailleurs accepté de signer une « Plateforme préliminaire d’Alger », rendue publique le 14 juin dernier. « Les signataire de cette plate forme ont tous affiché leurs volonté en s’engageant à  respecter l’intégrité territoriale et l’unité, la laà¯cité de l’Etat et son caractère républicain conformément aux accords de paix ». La Plateforme indique aussi la volonté des trois groupes est de « s’engager avec le gouvernement du Mali de manière constructive sur la voie du dialogue et de la négociation pour une nouvelle gouvernance répondant aux aspirations profondes et aux revendications légitimes des populations des Régions du Nord du Mali (…) lesquelles aspirations reflètent en réalité la diversité géographique sociale et culturelle du Mali « . Le document insiste sur la promotion d’une « plus grande participation des communautés dans la gestion de leurs affaires et des affaires publiques et une présence accrue et équilibrée de ces communautés dans les différentes sphères politiques et administrations de l’Etat ». Avec des positions aussi divergentes, le moins qu’on puisse dire est qu’à  Alger, les choses ne seront pas faciles. La délégation gouvernementale, forte de six ministres et des acteurs de la réconciliation nationale malienne, entend bien maintenir ses positions et obtenir des gages sûrs de ses interlocuteurs. Du côté des mouvements rebelles, on se sent conforté par les récentes victoires militaires et on veut garder une position ferme en vue d’obtenir le maximum. Que va donner ce rendez-vous? C’est la question que se posent les Maliens, persuadés que l’avenir de leur pays se joue là , sur cette terre algérienne qui aura vu défiler bien des « frères ennemis » maliens au cours des dernières décennies. Et quand on apprend que pour le MNLA, la rencontre d’Alger qui s’ouvre aujourd’hui n’a guère d’importance car n’étant qu' »une prise de contact avec le gouvernement malien ». L’autre n’a-t-il pas dit que « comme on fait son lit, on se couche »?

Dialogue : trois groupes armés signent une « plateforme préliminaire »

Présents à  Alger depuis le 5 juin pour des consultations « exploratoires », après l’accord de cessez-le-feu signé le 23 mai avec le gouvernement malien, les dirigeants de trois mouvements ont signé une « plateforme préliminaire » afin de parvenir à  un accord. Il s’agit du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), de la Coordination pour le peuple de l’Azawad (CPA) et de la Coordination des Mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR). Il y aura désormais deux regroupements de mouvements armés en face du gouvernement malien. Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), dont des dirigeants sont à  Alger, devraient également signer cette plate-forme, a indiqué à  l’AFP une source proche des négociations. « Rapprocher les points de vue » Le ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra a estimé que les discussions avaient permis de « rapprocher les points de vue » des trois mouvements et de « clarifier » les positions, selon l’agence APS. Il a insisté sur la nécessité d’un dialogue intermalien « inclusif ». « Les négociations sont devenues prioritaires. La région sera en danger s’il n’y a pas de réconciliation », a déclaré le chef de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), Albert Gérard Koenders, à  la télévision d’Etat, à  l’issue d’un entretien avec M. Lamamra. « Nous pensons que C’’est une avancée vers le début des pourparlers inclusifs entre Maliens. Je félicite le gouvernement algérien pour le travail fait pour en arriver là  », a déclaré le Haut Représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel, Pierre Buyoya, cité par l’agence APS à  l’issue d’une rencontre avec M. Lamamra. Les facilitateurs seront notamment l’Algérie, le Maroc, le Burkina Faso, l’ONU et l’ancien Premier ministre malien Modibo Keà¯ta.

Dialogue inclusif: Modibo Kéita sera le négociateur

Le Président de la République avait annoncé, il y a un semaine, le choix d' »une personnalité dont le sens de l’Etat et de la Patrie, la probité et le courage politique sont de notoriété avérée, la lourde charge de conduire, sous mon autorité directe, les pourparlers, avec les groupes en rébellion certes, mais aussi, comme le stipule l’article 21 de l’Accord de Ouagadougou, avec l’ensemble des communautés du Nord, pour obtenir une paix durable conforme aux intérêts et aspiration de notre peuple(…) ». Chose promise, chose due, pourrait-on dire. Le nom de cette personnalité est connu depuis hier mercredi 22 avril 2014 : il s’agit de Modibo Kéita, un grand commis de l’Etat. Le conseil des ministres d’hier a été informé de sa nomination par le président de la République en qualité de Haut représentant du chef de l’Etat pour le dialogue inclusif inter-malien. Premier Ministre de mars à  juin 2002 Ancien ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du général président Moussa Traoré, C’’est ce vieux briscard de la vie politique et sociale du Mali qui a finalement répondu aux traits du portrait-robot dressé la semaine dernière par le président de la République pour driver les négociations au nord. En tout cas sa riche connaissance du pays pourrait bien plaider en sa faveur. l’éphémère premier ministre, de mars à  juin 2002, de Alpha Oumar Konaré après avoir été secrétaire général de la Présidence, n’est pas à  son coup d’essai dans la gestion des grands chantiers du pays. Ainsi en 2008 il fut nommé en qualité de président de la commission préparatoire des Etats généraux sur la corruption au Mali. l’homme jouit auprès de ses compatriotes du sens élevé de la patrie et est caricaturé comme un bourreau de travail avec une intégrité morale appréciable. On se souveint qu’après sa nomination comme Premier ministre par le président Alpha Oumar Konaré en 2002, Modibo Kéita faisait sa déclaration de biens adressée au président de la Cour suprême. Une première dans l’histoire du Mali, qu’il réitérera d’ailleurs en quittant son poste. Ces qualités d’honnêteté, de proité et de rigueur envers lui-même et les autres suffiront-elles à  notre sexagénaire pour réussir le pari du dialogue inclusif inter-malien ? C’’est tout le malheur qu’on lui souhaite.