De la transparence

 

Qu’elles soient aurifères ou qu’elles exploitent des sources d’eau minérale, les industries minières du Mali sont un acteur très important de l’économie nationale. Avec une contribution de 6% au PIB, les activités extractives sont particulièrement rentables pour l’Etat qui perçoit des dividendes et autres taxes sur l’exploitation de ses gisements. Mais, comme pour la plupart des pays dont le potentiel dans ce domaine est élevé et où les populations voient les richesses circuler sans avoir « leur part du gâteau », la question de la transparence de la collecte, puis de la gestion des revenus, se pose.

On en parle beaucoup dans l’actualité de ces derniers jours. Le Niger, pays aux richesses minérales importantes, en particulier l’uranium dont il est le premier producteur mondial, s’est retiré de l’ITIE. L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) est une norme internationale qui prône la transparence dans la gestion des ressources pétrolières, gazières et minières d’un pays.

Mise en œuvre par une coalition composée de gouvernements, de sociétés minières et de la société civile, cette norme a pour objectif principal le renforcement de la gouvernance et de redevabilité dans le secteur extractif. A travers la collecte et l’étude des informations liées au flux de capitaux entre les miniers, les sous-secteurs qui leur sont liés et l’Etat, l’ITIE œuvre à la transparence de cette industrie sensible. Elle publie ainsi chaque année des rapports ITIE exhaustifs, incluant la divulgation complète des revenus de l’État issus des industries extractives, ainsi que la divulgation de tous les paiements significatifs versés au gouvernement par les entreprises pétrolières, gazières et minières. C’est pour avoir manqué d’esprit de collaboration lors de l’élaboration dudit rapport que le Niger a été suspendu de l’Initiative, avant de prendre la décision, ce mois de novembre 2017 d’en quitter les rangs.

La menace d’une suspension avait également pesé quelques mois sur le Mali avant que les choses ne rentrent dans l’ordre. « Une affaire de gouvernance interne », comme l’énonce ce journaliste, avait assombri les relations au sein de l’instance au niveau du pays. Mais si l’on en croit la secrétaire permanente de ITIE Mali, Fatoumata Traoré, le risque de suspension d’un pays est plutôt lié à « un processus complexe de contre-performance auquel le Mali a échappé suite à sa validation par le Conseil d’administration du Secrétariat international de l’ITIE le 24 mai 2017 ». Membre de l’ITIE depuis 2007 et déclaré « pays conforme » en août 2011, le Mali fait donc des efforts pour respecter les normes de l’organisation. Constitué institutionnellement d’un Comité de supervision, d’un Comité de pilotage et d’un Secrétariat permanent, ITIE Mali, dans lequel sont représentés tous les acteurs publics comme privés, a déjà publié huit rapports portant sur les exercices 2006, 2007 et 2008 cumulés, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014. Le dernier en date, émis en novembre 2017, couvre la période s’étalant du 1er janvier au 31 décembre 2015, et constitue le neuvième rapport ITIE du Mali depuis son adhésion à l’ITIE. Ces publications des informations sur le secteur permettent aux citoyens d’apprécier la manière dont les revenus sont gouvernés et éventuellement de demander des comptes.

Contrôle accru des déclarations

Comment mieux gérer les revenus miniers au Mali afin d’augmenter la contribution du secteur dans le budget national? En février 2017, la «Conférence gestion des revenus miniers au Mali», se tenait au Grand Hôtel de Bamako. Au cours de cette rencontre où la question de la gouvernance et de la transparence était à l’ordre du jour, les participants ont pu mesurer l’étendue de l’apport des industries extractives à l’économie du Mali. 1500 milliards de francs CFA, c’est la somme que le budget national malien a perçue comme revenus tirés de la gestion des mines sur une période de cinq années, allant de 2011 à 2016. Ce montant, ensuite dispatché, sert à plusieurs emplois (voir tableau en page 16) dont, entre autres le financement des collectivités, à différents fonds (Fonds d’appui à la formation professionnelle, Fonds d’informatisation de la Douane), mais aussi à des redevances reversées à l’Union économique ouest-africaine (UEMOA) et à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour l’année 2015, plus de 135 milliards de francs CFA ont ainsi été redistribués.

Quid des populations ?

Ces dernières, riveraines des sites d’extraction et les moins bien loties dans l’accès aux ressources provenant de leur exploitation, réclament régulièrement une répartition « plus équitable » de ces ressources. De Morila à Kalana en passant par Diago, les revendications récurrentes sont rapportées aux pouvoirs publics, aux dirigeants des mines afin qu’ils « n’oublient pas que c’est sur nos terres qu’ils sont en train de travailler », explique un habitant de la localité, employé de la mine de Kalana. « Les collectivités locales auxquelles les mines versent impôts et taxes ont le devoir de les utiliser pour améliorer les conditions de vie des populations », explique cet opérateur minier. Qui ajoute que de nombreuses actions sont faites en faveur des populations mais que le rôle de la mine « n’est pas de développer, nous venons seulement en ajout aux initiatives locales ».

« Personne ne peut vous dire ce qui sort réellement de cette mine ». Cette phrase, souvent prononcée en particulier par les acteurs locaux de la société civile illustre le « peu de connaissance du système de fonctionnement » des miniers, explique notre acteur du secteur, qui requiert l’anonymat. « Les miniers communiquent beaucoup, nous donnons nos chiffres, ceux de notre production, ceux des exportations, les revenus reversés au budget de l’Etat et à celui des collectivités, nos actions humanitaires, etc. On ne peut pas nous targuer de manque de transparence », ajoute-t-il. Boubacar Dienta, ancien secrétaire permanent de l’ITIE Mali, affirmait que le gouvernement doit renforcer la transparence dans la gestion des revenus à travers une vérification plus pointue des paiements qui sont effectués par les entreprises et les revenus qui sont perçus par les régies de l’État. Il s’agit également de procéder à une comparaison des chiffres.

Comme pour illustrer ses propos, le dernier rapport de l’ITIE fait ressortir, après rapprochements des chiffres fournis par les industries extractives retenues et ceux de l’Etat, un écart équivalent à plus de 7 %. « L’écart résiduel global non concilié s’élève à 13 265 millions de francs CFA soit 7,09% du total des recettes déclarées par l’Etat après ajustements », peut-on lire dans ledit rapport. Il faut noter que sont retenues dans le périmètre de conciliation défini par le Comité de pilotage de l’ITIE pour l’année 2015 toutes les sociétés minières dont le total des recettes déclarées par les régies financières est supérieur à 50 millions de francs CFA. 

Rationaliser la collecte

C’est pour le ministre de l’Economie et des Finances, l’une des priorités pour améliorer la gouvernance de la gestion des revenus des industries extractives. Rationaliser les différentes structures de l’Etat qui interviennent dans le secteur est indispensable, « nous n’avons pas moins de 4 à 5 structures d’au moins 3 ministères différents qui interviennent dans l’organisation institutionnelle de la collecte de ces revenus », expliquait-il lors de la rencontre de février sur la gestion des revenus miniers. La relecture en cours du cadre réglementaire et juridique, jugé trop complexe et l’élaboration en cours d’un code unique pour le secteur devraient permettre de simplifier et de rendre plus efficace le système. Au ministère des Mines, on est fermement convaincu que «si la richesse minière du pays est judicieusement gérée, elle peut contribuer au développement économique et à la réduction de la pauvreté», comme le déclare le chef de département, le Pr Tiémoko Sangaré.