Tombouctou : insécurité grandissante dans la région

Voilà bientôt un mois que l’insécurité croît dans la 6ème région administrative du Mali. Des attaques à répétition et un blocus visant les populations font vivre à Tombouctou des heures difficiles.

S’il fallait un énième incident sécuritaire sur les voies menant à Tombouctou pour prendre au sérieux la volonté des terroristes d’isoler la ville, il a eu lieu. Dans la nuit du 1er au 2 septembre dernier, le Fihroun Ag Alinsar, l’un des bateaux express de transport de passagers de la Compagnie malienne de navigation fluviale (COMANAF), a été victime d’une attaque dans le cercle de Youwarou alors qu’il venait de Mopti pour rejoindre la ville de Kabara, près de Tombouctou. L’attaque, perpétrée à l’arme lourde, a causé la mort d’un enfant de 12 ans et fait plusieurs blessés et des dégâts matériels.

La Cité des 333 Saints est depuis quelques semaines soumise à une pression de la part des Groupes armées terroristes (GAT), notamment le JNIM, qui, selon des sources locales, imposent un blocus à la ville depuis trois semaines.

« Tombouctou est bien sous blocus depuis mi-août. Les denrées de première nécessité n’entrent plus depuis maintenant deux semaines », assène Mohamed Ag Alher Dida, journaliste-blogueur local. « Ça a commencé d’abord par des menaces, à travers des messages vocaux, qui n’ont pas été prises au sérieux au début. Mais nous qui avons vécu la crise ici savons que les terroristes mettent généralement leurs menaces à exécution. Aujourd’hui, Tombouctou est prise en étau, de telle sorte que la ville ne se ravitaille plus via les zones frontalières vers l’Algérie et la Mauritanie. Les voies sont carrément bloquées », ajoute-t-il.

Les camions en provenance des pays frontaliers, mais aussi des voies routières passant par Bambara Maoudé ou Soumpi, qui ravitaillent la ville sont bloqués en pleine brousse ou même incendiés. Le 27 août dernier, l’un d’eux a été calciné en plein jour par des hommes armés à quelques dizaines de kilomètres du quartier d’Albaradjou. Depuis, ils sont nombreux à stationner dans les rues de Tombouctou, comme en attestent des images authentifiées qui ont largement circulé sur les réseaux sociaux le 2 septembre dernier. Sous blocus, la Ville mystérieuse est également prise pour cible. Le JNIM a revendiqué le 30 août dernier des tirs d’obus visant la zone aéroportuaire de la localité. Quelques jours après, le samedi 2 septembre, c’est le cœur de Tombouctou qui a subi les affres du terrorisme. Des obus lancés en pleine ville par les GAT ont fait un mort. « Certains disent qu’il n’y a pas de blocus sur Tombouctou, mais nous, qui vivons dans la ville, savons quelle réalité nous vivons. Les GAT trompent souvent la vigilance des gens. Pendant une à deux semaines ils ne font rien, mais après ils reprennent leurs attaques », explique une source locale, selon laquelle la situation s’est fortement dégradée suite à l’entrée récente des FAMa à Ber.

Face à la situation « dangereuse », les ressortissants de la région se mobilisent. Outre les dénonciations sur les réseaux sociaux, des rencontres « pour trouver une solution » sont en cours sur place et également à Bamako.

Le lundi 9 septembre 2023, l’Association des ressortissants pour le développement du cercle de Tombouctou (ARDCT) et l’ensemble des Présidents des associations de ressortissants des cercles de Diré, Goundam, Niafunké et Gourma-Rharous, avec plusieurs leaders communautaires, ont rencontré le Premier Ministre, Choguel Kokalla Maïga autour de la situation de Tombouctou. Les organisations locales réclament, entre autres, « la pleine implication des structures et des acteurs locaux dans la recherche de toutes les solutions idoines à la situation actuelle que vit la région, le ravitaillement normal des populations en denrées alimentaires et en produits pharmaceutiques, le plein soutien à la COMANAF et à SKY-Mali, en vue de leur permettre d’assurer le transport des personnes et des biens en toute sécurité, et la sécurisation des axes routiers en renforçant le dispositif sécuritaire en place ».

Insécurité : Regain de tension au Centre et au Nord

Les régions du Centre et du Nord du Mali font face depuis quelques semaines à une multiplication d’attaques de groupes armés terroristes (GAT), non seulement contre les emprises des Forces armées maliennes (FAMa) mais également, et de plus en plus, contre des villages civils.  Un regain de violences qui inquiète au moment où la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) se retire du pays.

État d’alerte dans la région de Bandiagara, dans le centre du Mali. Après « l’attaque terroriste lâche et barbare » du village de Bodio, dans la commune rurale de Doucoumbo, ayant fait 17 morts et 2 blessés le 5 août 2023, 2 chasseurs ont trouvé la mort le jour suivant, après avoir heurté un engin explosif improvisé (EEI) entre le village de Bodio et Anakanda.

Le 7 août, le village de Gani, dans la commune de Bara Sara, a été attaqué à son tour et incendié. Bilan : 5 morts et plusieurs blessés.

« Forcer l’allégeance »

Pour Adama Diongo, Porte-parole du Collectif des associations des jeunes du Pays dogon, cette situation dans la région s’expliquerait en partie par la période de l’hivernage. « Les terroristes sont dans la logique de faire en sorte que le début de l’hivernage soit saboté, pour perturber la campagne agricole. Leur objectif principal est d’affamer la population pour qu’elle se voit obligée de signer des accords d’allégeance avec eux », expliquait-il dans notre parution du 14 juillet dernier.

Face à la persistance des attaques terroristes, occasionnant, outre des pertes en vies humaines, des maisons incendiées, des animaux emportés et un nombre croissant de déplacés dans les grandes agglomérations de la région, les forces vives de Bandiagara ont organisé une marche dans la foulée, le 9 août, pour « dénoncer une fois de plus le silence total de nos plus hautes autorités ».

Tensions vives

À l’instar de celle de Bandiagara, les régions de Mopti et de San font aussi face à des attaques similaires de groupes armés terroristes depuis le mois de juin. En outre,  dans la région de Tombouctou, les tensions se sont exacerbées depuis le 10 août et le début de la remise du camp de la Minusma de la localité de Ber à l’armée malienne.

Les affrontements qui s’en sont suivis, d’une part entre les Forces armées maliennes et les groupes armés terroristes et d’autre part avec les combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ont entraîné également des déplacements de populations de la zone, même si le contexte diffère de celui de l’insécurité globale, en hausse dans le Centre et dans le Nord.

La CMA, qui considère la zone comme étant sous son contrôle, estime que l’État, à travers l’armée, viole l’Accord pour la paix et la réconciliation en s’accaparant de l’ancienne emprise de la Minusma dans la région.

« Depuis l’annonce de la décision du départ des forces internationales, certains mouvements armés avaient manifesté leur inquiétude par rapport à l’après Minusma. Il est important de rappeler que ces forces jouaient un rôle politique important en matière du respect du cessez-le feu et de respect des engagements. Depuis la signature de l’Accord, il n’y a pas eu de belligérance entre les Fama et les groupes signataires », souligne Ibrahima Harane Diallo, chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel.

Avant de prendre possession du camp de Ber, le 13 août, l’armée a fait face à de nombreux incidents ayant entravé le mouvement de ses unités. Un communiqué de l’État-major daté du même jour a fait état d’un bilan de 6 morts et de 4 blessés dans les rangs des Fama et de 24 terroristes neutralisés.

Quelques jours plus tôt, dans plusieurs messages audio diffusés sur WhatsApp le 8 août, Talha Abou Hind, Émir du Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans, appelait ses hommes à stopper l’arrivée des camions en provenance d’Algérie et de Mauritanie dans la ville de Tombouctou.

Bandiagara : face à la recrudescence des attaques, le ras-le-bol de la population

Bodio, un village situé dans la commune rurale de Doucombo, cercle de Bandiagara, a été la victime d’une attaque terroriste le 5 août 2023. Bilan : 15 tués, 2 blessés, des dégâts matériels importants et une population traumatisée qui fuit la localité. Une énième attaque qui suscite la colère dans le Pays dogon. Pour manifester leur mécontentement, les « Forces vives » de la zone ont organisé une marche et décrété une journée Ville morte le 9 août 2023 à Badiangara. Ces attaques, devenues récurrentes, sont le symbole d’une insécurité qui gangrène le Pays dogon et au-delà et nécessite une analyse approfondie pour des solutions pérennes.

Le lendemain de l’attaque, entre Bodio et une localité voisine, un tricycle transportant deux chasseurs explose sur un engin explosif, causant la mort de ses deux occupants. Pour exprimer leur désarroi, « toutes les forces vives du Pays dogon, jeunes, femmes, commerçants, chefs de village et élus locaux, ont manifesté pour attirer l’attention des plus hautes autorités sur l’insécurité grandissante ». À l’issue de la marche, qui a dégénéré suite aux échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre, faisant des blessés, un mémorandum a été remis aux autorités. 

Ce regain de violence était prévisible, selon Adama Djongo, Président du Collectif des associations de jeunes du Pays dogon. À l’approche de chaque hivernage, il s’agit d’un moyen pour les « terroristes de maintenir les populations dans la famine en les empêchant de cultiver ». Malgré les différentes alertes, M. Djongo déplore l’insuffisance des actions et demande à l’État « de mobiliser tous ses moyens pour sécuriser les populations ». Les Forces vives ont donc remis dans ce cadre un mémorandum aux autorités. Elles ne veulent plus se contenter des « décomptes macabres », promettant de se faire entendre si rien n’est fait. La population a décidé mercredi 9 août d’une journée ville morte. Une manifestation a également été organisée. Pacifique au début, elle a par la suite dégénéré. Les forces de l’ordre ont effectué des tirs de sommation selon des témoins faisant 11 blessés dont quatre parmi les forces de l’ordre et sept parmi les manifestants dont un grave. Ce dernier a succombé à ses blessures dans la soirée du 10 août. Les forces vives de la région de Bandiagara ont donc décidé de poursuivre la journée ville morte jusqu’à nouvel ordre. Une mesure qui touche tous les secteurs d’activité hormis les services de santé ; l’EDM ; la SOMAGEP et le transport terrestre et aérien.

Les limites du tout sécuritaire

L’absence des autorités dans les localités reculées et la perte des moyens des milices d’autodéfense, qui assuraient leur propre sécurité, constituent pour certains observateurs les causes de cette insécurité persistante. Il faut donc que l’État analyse cette question sécuritaire complexe en redéfinissant « les paradigmes du conflit malien ».

C’est donc une politique à mettre en place et un processus à entretenir. Il faut que l’État soutienne d’abord un plan d’urgence aux populations, nombreuses à se déplacer, et se focalise « sur le dialogue entre les communautés ». Mais les solutions au conflit malien ne peuvent être que communes avec celles du Sahel, indiquent les mêmes analystes. Ces pays doivent se mettre en synergie et « harmoniser leurs stratégies ».

Zone des trois frontières : insécurité grandissante

Entre les affrontements des groupes armés et la multiplication d’actes de banditisme, les régions de Gao et de Ménaka, dans le nord du pays, font face depuis un moment à une situation sécuritaire précaire. Si les attaques terroristes d’envergure y surviennent moins ces dernières semaines, les populations de cette partie du territoire national sont de plus en plus livrées à une insécurité grandissante.

Enlèvements, assassinats ciblés, braquages. Cela sonne comme du déjà entendu à Gao. La région croule sous le poids de l’insécurité, qui va grandissant ces dernières semaines. « Sur la route Gao – Ansongo, ce sont des braquages à n’en pas finir. C’est pareil sur la route Gao – Bourem. Dans la ville, ce sont aussi les braquages, les assassinats, les enlèvements qui se multiplient. À part la commune urbaine de Gao, aucune localité n’est en sécurité. Tout le monde peut se faire tuer ou enlever à tout moment sans qu’il n’y ait de représailles contre l’ennemi », se désole Abdoul Karim Samba, Président de la Coalition des anciens des mouvements et organisations de la résistance civile de Gao (CAMORC Gao).

Sombre atmosphère

Le 1er novembre 2022, des hommes armés à moto ont attaqué un car de transport en commun. Bilan : 3 morts, dont un enfant de 5 ans victime d’une balle perdue. Le jour suivant, sur le même tronçon Gao – Ansongo,  tous les cars à destination d’Ansongo et du  Niger ont été pris pour cibles et les passagers dépouillés de leurs biens.

Six  jours plus tard, un conducteur de moto tricycle revenant du travail a reçu une balle à l’épaule et a été dépossédé de son engin par des individus armés. Quelques jours plus tôt, le chef du village de Bara, enlevé, avait été exécuté après que les ravisseurs aient demandé une rançon de 25 millions de francs CFA et fixé une date pour que cette somme soit mobilisée. La famille avait juste quelques heures de retard, à en croire M. Samba.

« Les gens dorment avec beaucoup d’inquiétude. Même chez vous, quel que soit le lieu où vous  êtes, même dans votre chambre, on peut venir vous trouver, prendre vos biens et vous tuer », dépeint-il, assurant que même le bétail n’est pas épargné. « Tout le bétail aujourd’hui sur les tronçons Gao – Ansongo et Gao – Bourem a été enlevé par des hommes armés, vers des destinations inconnues ».

Selon Abdoul Idrissa de « Kala A Ma Harandi », un collectif de journalistes-militants de la région de Gao, la raison principale de cette insécurité est tout simplement l’absence de l’État. « Les forces armées et de sécurité sont campées uniquement dans les grandes villes, à Gao, Ansongo, Labbezanga. Quand vous quittez Gao, à partir du checkpoint c’est fini, c’est le no man’s land jusqu’à Ansongo. L’État ne parvient pas jusqu’à présent à occuper tout le territoire, à part les grandes agglomérations », regrette-t-il.

Face à cette situation « d’inquiétude et d’incertitude », des organisations de la société civile de la région de Gao ont formulé le 18 octobre dernier des recommandations à l’endroit du Président de la transition, le Colonel Assimi Goita, et aux autorités régionales. Parmi lesquelles, entre autres, l’interdiction de la circulation d’armes et de tous les véhicules non immatriculés et non identifiés dans la ville de Gao, le contrôle systématique des conducteurs de tous les motos de type 125 cylindres et la réinstallation des checkpoints sur les grandes artères des villes.

Pour protester contre « la montée en puissance de l’insécurité dans le cercle d’Ansongo, les attaques régulières de l’État Islamique au Grand Sahara contre les populations civiles sans défense, les attaques à main armée, les assassinats ciblés, les braquages sur les axes routiers et les enlèvements de personnes et bétails », le Comité local de la société civile d’Ansongo, dans la région de Gao, a appelé à une désobéissance civile de  48 heures les 8 et 9 novembre, fermant les services étatiques, les structures de l’éducation et les trois entrées et sorties de la ville d’Ansongo, les routes menant vers  Ménaka, Gao et Niamey.

Aux mêmes dates, les Coordinations régionales de Gao des centrales syndicales UNTM, CSTM et CDTM ont décidé d’un arrêt de travail de 48 heures dans la région, durant lesquels tous les services publics et privés ainsi que les écoles ont été fermés.

Réponses insuffisantes

Pour faire face à l’insécurité dans la région de Gao, les autorités prennent des mesures, même si l’entièreté des recommandations de la société civile issues de la Déclaration dite de Gao du 18 octobre 2022 n’est pas encore effective.

Le 29 octobre dernier, une patrouille mixte d’envergure, dénommée «Dougoubasigui», regroupant au total 2 018 éléments des Forces de défense et de sécurité issues de l’Armée de terre, de la Garde nationale, de la Gendarmerie, de la Police et de la Protection civile a été lancée à Gao. Les checkpoints ont été également multipliés dans la ville. Bilan, pendant ces jours plusieurs véhicules non identifiés et des armes de guerre ont été saisis.

Abdoul Karim Samba fait partie des auteurs de la « Déclaration de Gao ». Il salue cette patrouille mixte d’envergure, qui « a donné des résultats et continue d’en donner », mais estime « qu’il reste encore beaucoup à faire ».

« Les malfaiteurs ont tellement gagné de terrain et ont tellement de stratégies que quelle que soit la réponse mise en place pour les contrecarrer ils trouveront d’autres manières de mener d’autres actions, plus isolées. Ce qui fait que la panique et le désordre continuent à faire effet sur les populations », souligne-t-il.

Pour le Colonel Souleymane Dembélé, Dhef de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA), parler de sécurité à Gao est « un peu compliqué ». « Ce n’est pas du terrorisme. Les individus se cachent derrière le terrorisme pour s’adonner à des actes de banditisme. C’est un peu délicat », confie-t-il, appelant les populations à coopérer avec les forces de défense et de sécurité.

« L’armée ne peut pas arriver à bout de cette insécurité sans la population. On pense que la sécurité est du seul ressort des forces de défense. C’est vrai, nous, nous venons en appui, mais la sécurité commence par les individus d’abord. L’armée ne peut pas faire du porte-à-porte », poursuit le chef de la Dirpa.

Mais, vu sous cet angle, Abdoul Karim Samba souligne la complexité, voire l’impossibilité, pour les populations de la région de Gao de signaler les hommes armés aux forces de défense et de sécurité. « Les populations ont peur. Aujourd’hui, par exemple, si quelqu’un est enlevé, sa famille engage des pourparlers avec ses ravisseurs sans passer par l’État. L’État aussi ne s’intéresse pas à cela. La famille mobilise le montant réclamé par les bandits et la personne est relâchée avec pour condition que cette dernière ne parle pas. Donc la personne libérée se tait et ne peut rien dire », explique-t-il, dénonçant des « complicités internes avec les ravisseurs qui savent qui enlever pour avoir gain de cause ».

« Nous sommes dans une situation de sauve-qui-peut. L’information ne peut plus remonter au niveau des forces de défense et de sécurité. La personne qui va remonter l’information ne va pas se sentir en sécurité. Du coup, même si elle voit le danger qui guette, elle ne peut pas parler et préfère se taire. D’un autre côté, la confiance n’existe plus au sein de la population, chacun ne sait plus qui est qui », dit-il.

Affrontements de groupes armés

Si l’insécurité dans la région de Gao est caractérisée par des actes de banditisme sans attaques terroristes d’envergure ces dernières semaines, la zone est aussi en proie à des affrontements entre groupes terroristes et groupes armés défendant la région.

Le 31 octobre dernier, selon la Plateforme des Mouvements du 14 juin d’Alger, « des éléments lourdement armés de Daech ont fait irruption dans le campement d’Ahina, dans la commune d’Anchwadj (région de Gao) ». « Une unité du Groupe d’Autodéfense Touareg, Imghads et Alliés (GATIA), qui patrouillait dans la zone, aussitôt informée, a lancé une offensive sur les assaillants. Après d’intenses combats, qui ont duré plusieurs heures, les malfrats ont été défaits avec une quinzaine de morts dans leurs rangs », a indiqué son communiqué, qui déplorait également la mort de 9 de ses combattants et de 4 civils lors de ces affrontements.

Dans la région voisine de Ménaka, les mêmes affrontements sévissent depuis le mois de mars et se sont intensifiés début octobre, pendant plusieurs jours, après des semaines d’une relative accalmie. Dans des communiqués de revendication authentifiés par le site spécialisé américain SITE, l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) a indiqué avoir tué 40 combattants du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), tandis que ce dernier, qui reconnait avoir perdu une trentaine d’hommes, a affirmé avoir tué 70 hommes de l’EIGS.

L’offensive de l’EIGS, qui n’épargne pas les civils de plusieurs villages de la région de Ménaka a occasionné des déplacements massifs des populations vers les villes de Ménaka, de Gao ou encore de Niamey, au Niger. Des déplacements dans lesquels Abdoul Karim Samba soupçonne des « infiltrations d’individus mal intentionnés, parce que depuis l’insécurité a augmenté à Gao », accuse-t-il.

Mali – Olivier Dubois : Le symbole d’une presse privée de liberté

La liberté de la presse est une quête permanente, soumise au Mali à de nombreuses menaces. Insécurité, accès difficile à l’information ou encore intimidations, les défis sont nombreux et l’exercice de la profession de plus en plus compliqué. Une liberté de la presse menacée également par les enlèvements et les détentions arbitraires. Nous avons choisi, au travers d’exemples concrets et récents, de mettre en exergue tous les écueils voire dangers auxquels font face les journalistes dans leur mission d’informer.
Une nouvelle stupéfiante pour ses confrères et le grand public, qui n’étaient pas encore dans le secret. Mais l’inquiétude était bien réelle dès les 48 heures qui ont suivi sa disparition le 8 avril. Cependant, pour ne pas compromettre une «éventuelle issue positive rapide », Reporter sans frontières, « en concertation avec les rédactions qui l’emploient habituellement », avait pris la décision de ne pas la rendre publique, a expliqué le 5 mai Christophe Deloire, directeur général de l’organisation.
Reporters sans Frontières a aussi demandé aux « autorités maliennes et françaises de tout mettre en œuvre pour obtenir sa libération ». L’enlèvement du journaliste rappelle douloureusement combien il est devenu difficile de travailler dans un contexte caractérisé depuis des années par une situation d’insécurité générale qui sévit également en dehors des frontières du Mali, dans toute la zone du Sahel. Le 26 avril 2021, la mort de deux journalistes espagnols, tués alors qu’ils étaient en reportage au Burkina Faso, avait également choqué l’opinion.
Ce terrain favorable à toutes sortes d’entraves à l’exercice de la liberté de la presse inquiète les professionnels des médias. Olivier Dubois, enlevé alors qu’il était en reportage, connait bien le Mali pour y vivre et y exercer son métier depuis plus de cinq ans. Il a d’ailleurs travaillé au Journal du Mali de 2015 à 2017. Il s’intéresse principalement aux questions sécuritaires et politiques. C’est avant tout un homme de terrain qui en rencontre directement les acteurs, une « tête chercheuse en mouvement » comme il se définit lui-même sur son compte Twitter. Mais le terrain est depuis quelques temps semé de nombreuses embûches et les journalistes, qui peuvent mobiliser derrière eux toute une corporation, sont devenus une denrée convoitée. Mais, au-delà, c’est partout au Mali que la quête de l’information est un risque que prennent chaque jour ceux dont la mission est d’informer.
« À longueur de journée nous recensons des cas de violations, de menaces, d’intimidations et d’enlèvements de journalistes »,
qui s’entendent dire par leurs ravisseurs qu’ils peuvent être enlevés sans témoins et qu’ils ont donc intérêt à « faire attention à ce qu’ils disent », explique M. Bandiougou Danté, le Président de la Maison de la Presse du Mali. Il n’est pas rare dans un tel contexte d’assister à des actes d’autocensure de la part de journalistes qui n’osent plus aborder certains sujets, ou de façon anonyme, ajoute M. Danté. À cette situation s’ajoute « la difficulté d’accéder à une simple information basique », relève Alexis Kalambry, Directeur de publication du bihebdomadaire Mali Tribune.
Lorsqu’elle a été rendue publique à la faveur de la vidéo publiée le 5 mai, la nouvelle de l’enlèvement du journaliste français a vite fait le tour des médias occidentaux, suscitant une vague de réactions et d’émotion. C’est une mobilisation similaire que le Président de la Maison de la Presse souhaiterait voir se manifester pour les confrères maliens. Il se dit même choqué par cette absence de réaction de la part de ces médias pour les cas de disparitions et d’enlèvements pourtant signalés lors de la célébration de la Journée du 3 mai, avant la publication de la vidéo du journaliste français. Un comportement qui « n’encourage pas la confraternité », déplore-t-il.
Fatoumata Maguiraga
Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°318 du 13 au 19 mai 2021 

Mali – GAO : Le «Far Nord»

Une terre hostile, où la loi n’a pas encore pu s’imposer et dont les immensités échappent toujours au contrôle de l’État : voilà les caractéristiques du Far West (l’Ouest lointain). Ce rappel des westerns américains des années 1940 fait doublement penser à une région du Mali d’aujourd’hui : Gao. À 1 188 km de Bamako et avec son insécurité récurrente, elle réunit tous les ingrédients d’un bon Far NordLes chameaux et les voitures remplaçant les chevaux.

Après le Far West, voici le Far Nord : la région de Gao. Occupée en 2012 par des djihadistes à la suite d’une rébellion armée, la zone est depuis revenue dans le giron de l’État en 2013, suite à l’intervention française. Mais sa situation sécuritaire reste toujours préoccupante. Le 8 septembre, une ambulance en provenance du village de Temera, cercle de Bourem, a été enlevée aux environs de six heures. Le malade, âgé de 10 ans, est mort dès son arrivée à destination à pied, aidé de ses accompagnants. Le même jour, un homme a été blessé lors d’un braquage en pleine journée au quartier Château de Gao, sous le regard stupéfait des habitants, et son véhicule emporté par des hommes armés non encore identifiés. Au soir du 5 septembre, c’est l’enlèvement d’un entrepreneur bien connu qui a ému la ville. Le 26 août dernier, un protocole d’accord entre différentes communautés mettait pourtant fin à des violences entre jeunes qui avaient fait 4 morts. Ce tableau de la situation sécuritaire n’est pas exhaustif. En dépit de la présence de l’armée et de l’administration dans toute la région, il dépeint un no man’s land, qui depuis des années s’étend.

Selon le dernier rapport trimestriel (avril, mai et juin) du Secrétaire général des Nations Unies, les forces de défense et de sécurité maliennes ont été la cible de 49 attaques, qui ont fait 67 morts et 86 blessés parmi elles. Et c’est dans la région de Gao, cercle de Bourem, que l’on enregistre les plus meurtrières. Le 19 mars, à Tarkint, 30 morts et 20 blessés et le 6 avril à Bamba, 25 morts et 12 blessés. La note sur les tendances des violations et abus des droits de l’Homme au Mali, rédigée par la MINUSMA, présente la région de Gao comme celle qui a enregistré le plus d’incidents sécuritaires du 1er avril au 30 juin 2020 au nord du pays. Sur 198, elle en a à son actif 81.

Indignation

C’est dans cet écosystème d’anxiété que vit la population de Gao. Et la situation est loin de la laisser indifférente. Moussa Bouréïma Yaro est le Coordinateur du mouvement des Jeunes patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des terroristes. Patrouilles qu’ils ont dû arrêter en 2013, quand la ville a été reprise par l’armée malienne. Selon lui, cette situation dénote d’un «  manque de volonté » des forces militaires et de police dont la ville regorge.

« Ce sont des événements qui étonnent tout le monde à Gao, la première région militaire, avec en outre de la présence de Barkhane et de la MINUSMA. Malgré cela, on n’arrive pas à sécuriser ne serait-ce seulement que la ville de Gao. Les gens se posent la question de savoir si ce problème de terrorisme ou de rébellion n’est pas une question d’affaires ».

L’analyste politique Khalid Dembélé relativise. « Ce sont des forces qui ont des missions bien définies. Les raisons pour lesquelles elles sont là peuvent être débattues. C’est l’appareil militaire malien qui a failli à protéger les personnes ».

Pour Boubacar Dacka Traoré, maire de la commune urbaine de Gao, les événements qui surviennent dans sa ville ne datent pas d’aujourd’hui. Et il est bien placé pour le dire. Le 27 mai dernier, il s’est fait braquer dans sa ville vers 9h30 et sa voiture a été emportée. « Jusqu’à là je ne l’ai pas revue ».

Armes

Pour les habitants et de nombreux observateurs, cette situation est liée à la circulation des armes. Selon la Colonel-major Nema Sagara, Secrétaire permanente de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, il est « impossible » de déterminer le nombre d’armes en circulation dans la région de Gao. « Il est exponentiel, les armes viennent de partout ».

À en croire un acteur sur place, les mouvements armés n’arrivant pas à prendre en charge leurs éléments, ces derniers se livrent à des enlèvements et à des braquages pour survivre. Certains jeunes, à ses dires, « ont même vendu leurs animaux ou leurs motos, pour acheter des armes et bénéficier du cantonnement, qui tarde toujours ». « Des jeunes qui ont des armes, qui n’ont pas de travail et qui ont des familles à nourrir. Et bien, la seule manière pour eux d’avoir de l’argent, c’est de sortir et braquer une à deux personnes. Ensuite ils ont quelque chose pour tenir une semaine ou un mois », conclut-il.

Boubacar Diallo

Centre du Mali : La défiance gagne du terrain

43 personnes sont mortes, selon des chiffres officiels, dans l’attaque des villages de Niangassadiou et de Binedama, les 3 et 5 juin dans le centre du Mali. L’association Tabital Pulaaku a accusé l’armée malienne d’être responsable de ces massacres. Le gouvernement, « très préoccupé par ces graves allégations », a ouvert une enquête le 7 juin, afin « d’établir immédiatement les faits. La justice est également saisie ».

L’État a ouvert plusieurs enquêtes à la suite d’autres situations dramatiques du genre. La deuxième attaque d’Ogossagou, le 14 février dernier, en est une illustration, alors que les conclusions de la première se font toujours attendre. Le gouvernement avait promis « d’arrêter et traduire les auteurs devant les juridictions compétentes » et, depuis, c’est le silence radio. La récurrence de tels faits constitue le terreau de la défiance des victimes envers la justice malienne. C’est dans cette optique que Tabital Pulaaku a demandé une enquête internationale indépendante des Nations Unies ou des organisations de défense des droits de l’Homme à la suite des attaques des villages de Niangassadiou et de Binedama. « Plusieurs tueries ont été perpétrées et aucune des enquêtes ouvertes par l’État pour situer les responsabilités n’a donné de résultats », remarque Mody Diakhaïté, Président de Tabital Pulaaku à Bankass. Même son de cloche chez Ginna Dogon. « Les enquêtes n’ont jamais produit de résultats, mais nous sommes républicains et nous soutenons la justice de notre pays. Cependant, nous n’avons jamais fait confiance à ce que l’État nous dit par rapport à la situation réelle au centre », renchérit Dramane Yalcoué, Président de la jeunesse Ginna Dogon.

Néanmoins, M. Diakhaïté relativise : le premier rapport trimestriel 2020 de la division des droits de l’Homme de la MINUSMA a accusé les forces de défense nationale et d’autres acteurs de tueries de civils au centre du Mali. Cependant, il n’a jamais été suivi d’arrestations.

Afin que la crédibilité en la justice malienne renaisse, il propose de mettre fin aux « arrestations et exécutions extrajudiciaires de la part des forces armées de l’État ». « Si c’est l’État le premier responsable d’une tuerie, osera-t-il enquêter sur lui-même ? », questionne-t-il.

Pour Dramane Yalcoué, faire appel à une enquête internationale indépendante n’est pas la solution à long terme. « La solution, c’est que les Dogons et les Peulhs s’acceptent, qu’ils règlent ce qui se pose comme problème au centre. Les morts ne vont pas revenir, mais faisons en sorte qu’il n’y en ait plus ».

Boubacar Diallo

Insécurité: 377 000 enfants ont besoin d’assistance et de protection au Mali

Ce mercredi 21 août 2019, une mission de haut niveau de l’UNICEF a terminé une visite de terrain sur le programme conjoint de coopération entre le Mali et l’UNICEF en matière de protection et d’éducation des enfants. La mission est revenue sur la coopération et la stratégie mise en oeuvre avec a Mali et des partenaires afin d’apporter du soutien aux enfants déplacés à cause de l’insécurité. Au terme de sa visite, la mission a échangé avec la presse sur la situation des enfants au Mali ainsi que la nécessité de les protéger. 

Les conséquences de l’insécurité deviennent inquiétantes dans notre pays. Seulement au premier semestre de l’année en cours, près de 377 000 enfants ont besoin d’assistance et de protection. Selon les données préliminaires enregistrées par les Nations Unies plus de 150 enfants ont été tués au cours du premier semestre de 2019.

Les experts estiment à 75 le nombre d’enfants blessés lors d’attaques violentes dans notre pays. La principale cause réside dans la croissance de l’insécurité dans le centre et le nord du Mali. Dans un contexte d’instabilité, Ils sont de plus en plus nombreux les enfants qui subissent sans aucune défense ou protection les conséquences de cette instabilité sociale. 

Selon l’Unicef, le recrutement ou l’utilisation des enfants dans des groupes armés a doublé cette année par rapport à la même période en 2018. Une situation inquiétante qui conduit même à la déscolarisation des enfants. Toujours à cause de l’insécurité, 900 écoles recensées sont restées fermées au premier semestre 2019 conduisant à une baisse de niveau dans certaines parties du pays et à une année scolaire perdue pour d’autres.

La récurrence des attaques sporadiques seulement dans la région de Mopti ces derniers mois et la présence de groupes armées ont entraîné la mort, la mutilation, la séparation des enfants de leurs familles, l’exposition aux violences sexuelles causant même des traumatismes psychologiques. 

En collaboration avec les autorités locales et les partenaires, l’Unicef envisage apporter un appui psychosocial à un peu plus de 90 000 enfants touchés par le conflit. Il s’agit aussi de fournir des soins médicaux, de travailler sur la question de réinsertion sociale, mais aussi et surtout de retrouver les familles des enfants séparés. 

Malnutrition : Mondoro la sinistrée

À Mondoro, dans le cercle de Douentza, les populations sont affectées depuis juin 2018 par la malnutrition. Suite à une intervention de la direction régionale de la Santé de Mopti, les malades avaient été soignés. Mais l’insécurité dans la région et dans cette commune, située à 170 kilomètres de Douentza, a fini par faire resurgir  en juin 2019 la maladie, frappant plus d’une centaine de patients et faisant des morts. En dépit de la visite du ministre de la Santé le 26 juillet, la situation reste alarmante.

2 décès. Plusieurs patients au Centre de santé communautaire (CSCOM) de Mondoro, mais aussi des malades dans les villages voisins. Les chiffres du ministère de la Santé et des affaires sociales, en visite le 26 juillet dans cette commune du cercle de Douentza, diffèrent de ceux du 2ème adjoint au maire, Moulaye Ongoiba. Mais tous reconnaissent, au-delà des chiffres, qu’un drame se joue et qu’il urge d’agir. Depuis une année, cette commune de 53 276 habitants, selon le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2009, souffre de malnutrition.

« Sur le plan sanitaire, la situation s’améliore. Il y avait 72 malades au CSCOM pour cause de malnutrition. Ils souffraient d’œdèmes, de courbatures. À notre arrivée,  nous avons trouvé 19 patients et on nous a notifié malheureusement deux décès de personnes de 34 et 36 ans », explique le chargé de communication du ministère de la Santé et des affaires sociales, Markatié Daou. Il ajoute « à cause de cette malnutrition, des maladies viennent se greffer et le manque de micronutriments dans  l’organisme cause des signes de brûlure sur la peau et des douleurs au niveau des articulations ». Selon l’Unicef, « la malnutrition est liée avant tout à la valeur nutritionnelle des aliments qu’on a absorbés ». Le fonds souligne sur son site qu’on « peut manger à sa faim et être malnutri mais aussi qu’on peut être malnutri et ne pas avoir la sensation de faim ».

Actuellement à Bamako, l’adjoint au maire de Mondoro a quitté la commune une semaine avant la visite du ministre de la Santé, Michel  Hamala Sidibé. Il dresse s’étonne que la délégation se soit arrêtée seulement à Mondoro ville. « Dans le village de Douna, on parlait à un moment de 65 malades et de 58 à Yangassadjou. Récemment, 27 malades ont pu être acheminés au CSCOM de Mondoro. 2 parmi eux  sont  décédés et 25 ont pu avoir un traitement. Vers Tiguila, on a fait état de 86 malades », dénombre Moulaye Ongoiba. Si ce déplacement du ministre a soulagé les populations, leurs attentes ne sont point encore comblées. « Nous avons été surpris qu’il reparte sans se rendre dans un village, à 25 kilomètres, dans lequel sont couchés des malades. Personne ne leur a rendu visite et ils ne peuvent pas venir à Mondoro. Mais nous le remercions pour ses efforts, car c’est la première fois depuis le début de la décentralisation qu’on reçoit un ministre dans notre commune », se console l’élu

L’insécurité cause de tous les maux

Dans cette partie du centre du pays, l’insécurité qui règne depuis 2015 a atteint depuis le début de l’année un niveau  inédit, avec des massacres de populations, des vols de bétails et des destructions de greniers. Les attaques des groupes terroristes et des milices locales ont installé la psychose chez les populations. Plusieurs villages vivent sous ’embargo, dans la peur et l’inquiétude.

« Tout ce qui se passe est dû à l’insécurité. Parce que si on parle de la famine, de malnutrition ou de maladies inhabituelles, c’est à cause de  l’insécurité. Certains villages sont assiégés et dans un blocus », témoigne l’adjoint au maire. Alors que la période de soudure est entamée, les populations de ces zones vivent leur deuxième hivernages sans avoir cultivé la moindre parcelle.

« Les habitants ne bougent pas. Ils ne peuvent ni aller cultiver, ni aller aux foires. Toutes les activités qu’ils menaient pour vivre sont arrêtées. Une population qui vivait d’agriculture et d’élevage, qui ne cultive plus, sans animaux, ne menant aucune activité depuis deux ans, rien d’étonnant à ce qu’elle soit frappée par la malnutrition ».

La fragilité de cette commune s’explique aussi par son enclavement. « C’est la seule commune qui nous a été signalée. C’est une zone minée et difficile d’accès. La peur de sauter sur une mine a créé la psychose au sein de la population. Les gens  d’ailleurs ne peuvent pas approvisionner le marché et ceux qui sont sur place ne peuvent pas sortir », avoue Markatié Daou, qui était de la délégation ministérielle.

Pourtant, en juin 2018, l’alerte était venue des villages Yangassadjou, Douna et Tiguila. La direction régionale de la Santé de Mopti avait été saisie et une investigation, en août 2018, avait conclu qu’il s’agissait de malnutrition. « Je faisais partie de cette mission. Des dispositions avaient été prises pour apporter aux patients les traitements. La maladie avait disparu jusqu’au mois de juin 2019, où elle est réapparue à Yangassadjou et à Douna,  faute de suivi », rappelle Moulaye Ongoiba.

Quelles réponses aux besoins ?

En plus de l’insécurité alimentaire, la commune est sans réseaux téléphoniques et sans électricité. Le CSCOM ne dispose que d’un seul médecin et de deux matrones. Selon M. Daou, l’armée a demandé un camion de grande capacité pour transporter certains produits. « Le ministre de la Santé est sur un plan d’urgence de deux semaines. Il était venu exprimer la solidarité du gouvernement, mais aussi envisager des actions, parmi lesquelles l’envoie de médicaments, d’un groupe électrogène, d’agents de santé et le rétablissement des communications », ajoute-t-il. Pour répondre à la crise alimentaire dans la région, le Premier ministre, Dr Boubou Cissé, a lancé lors de sa récente visite à Mopti une opération de distribution de 8 000 tonnes de céréales. 150 tonnes sont destinées à Mondoro, plus 50 autres données par le ministre Michel Sidibé lors de sa visite. 50 des 200 tonnes promises sont en de route, à Koro actuellement, selon le ministère. Pour appuyer les efforts des autorités et des ONG sur place, l’ambassade de France au Mali a octroyé le 26 juillet au Programme alimentaire mondial (PAM) un montant de près de 460 millions de francs CFA pour assurer une aide alimentaire aux populations. « C’est une contribution qui servira à poursuivre l’appui au gouvernement dans son plan de réponse nationale aux crises pendant cette période de soudure très difficile, d’autant plus dans un contexte de violence et de déplacements. Les déplacements internes sont un facteur qui préoccupe et rend la situation encore plus grave, car ces gens ont quitté leurs avoirs et se retrouvent aujourd’hui dépourvus de moyens de subsistance », souligne Silvia Caruso, Représentante résidente du PAM. Selon Joël Meyer, l’ambassadeur de France, l’objectif est double : « fournir une aide alimentaire d’urgence à 7 094 personnes, déplacées, victimes de catastrophes naturelles ou de chocs de production et permettre la prise en charge de 13 496 enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition ». Les organisations humanitaires et les ONG se mobilisent pour endiguer le phénomène. « Actuellement, les partenaires humanitaires (OMS, UNICEF, PAM, ONG) appuient la réponse dans le secteur de la santé et de la nutrition à travers la direction régionale de la Santé. Des intrants nutritionnels  pour la prise en charge des cas de malnutrition aiguë modérée ont été acheminés à Mondoro et d’autres sont en route », informe Mme Katy Thiam, chargée de l’information publique à OCHA Mali.

Malgré cette mobilisation, la fin des malheurs des populations du centre reste liée à la sécurité. « Nous attendons de nos autorités des dispositions pour nous sécuriser, pour que les gens puissent aller dans leurs champs. Un paysan qui n’a pas cultivé, même si tu lui donnes des millions de tonnes de céréales, il ne sera jamais satisfait. C’est le seul moyen de mettre fin à la malnutrition que nous subissons », affirme le 2ème adjoint au maire de Mondoro.

Centre du Mali : Au bord d’une crise humanitaire sans précédent

La crise sécuritaire qui secoue le centre du Mali a provoqué ces derniers mois une dégradation de la situation humanitaire dans les régions de Mopti et Ségou, où, selon le Bureau de la Coordination des affaires humanitaires des Nations Unies au Mali (OCHA), des milliers de personnes seront en insécurité alimentaire dans les prochaines semaines. Insécurité grandissante, conditions de vie précaires, réserves agricoles épuisées, hivernages perturbés, déplacés massifs, le centre du Mali n’a jamais été aussi proche d’une crise humanitaire sans précédent et dont les conséquences pourraient être lourdes pour tout le pays. Si des actions sont en train d’être menées pour éviter le pire, la situation est pour l’heure très préoccupante.

« Durant la période de soudure, plus de 256 000 personnes seront sévèrement affectées par l’insécurité alimentaire, tandis que 668 000 autres seront sous pression dans la région de Mopti, où se trouvent environ 46% des personnes en situation de crise ou d’urgence au Mali », prévient le dernier rapport de situation du Bureau de la Coordination des affaires humanitaires des Nations Unies au Mali, en date du 6 mai 2019.

Mais déjà, selon les résultats du « Cadre harmonisé » de mars 2019, la crise alimentaire touche actuellement plus de 187 000 personnes et en menace 414 000 autres.  Elle s’est accentuée dans le centre du pays en raison de la perturbation des activités agro-pastorales des populations et de la libre circulation des personnes et des biens, dues essentiellement à l’insécurité, notamment à la menace djihadiste de plus en plus forte.

Situation critique

« Plusieurs dizaines de villages dans les cercles de Bankass, Koro, Bandiagara et Douentza n’ont pas pu cultiver pendant deux hivernages successifs et le cumul du déficit céréalier place systématiquement de nombreuses familles, déplacées ou pas, sous la menace de la famine », indiquait un document de presse de l’association Dogon vision début mai.

La situation au centre du Mali perturbe les circuits des marchés et provoque l’absence de cultures vivrières, mais elle affecte également la mobilité des personnes et des animaux, entrainant ainsi des mouvements inhabituels de populations.

En une année, le nombre de personnes déplacés internes dans la région de Mopti a explosé. Selon la Direction nationale du développement social, à la date du 27 mai 2019, il était de 49 663 personnes, réparties entre les cercles de Bandiagara, Bankass, Djenné, Douentza, Koro, Mopti, Tenenkou et Youwarou.

Victimes pour la plupart des conflits intercommunautaires qui secouent le centre du pays, ces déplacés font face à une forte dégradation de leurs conditions de vie, au point que l’accès à certains services sociaux de base, tels que l’éducation pour les enfants et la disponibilité de l’eau potable et des services nutritionnels est  fortement remis en question.

« Les ménages déplacés ont besoin d’un important soutien, car ils ont généralement peu accès à des moyens de subsistance et disposent d’une capacité d’adaptation limitée. Les personnes actuellement déplacées ne peuvent plus cultiver leurs terres, impactant ainsi leurs conditions de vie futures », relève Silvia Caruso, Directrice et Représentante du Programme alimentaire mondial (PAM) au Mali.

« La fourniture d’une aide alimentaire d’urgence ne sera plus possible dès le mois de juillet, moment le plus critique de la saison de soudure. Un montant supplémentaire de 18 millions de dollars est dès à présent nécessaire pour assurer une réponse jusqu’à la fin de cette période », ajoute- t-elle.

Causes multiples

De nombreuses causes expliquent la situation plus que jamais déplorable dans laquelle se retrouve aujourd’hui le centre du Mali. L’insécurité qui y règne et qui contribue essentiellement à la dégradation de la situation humanitaire est le résultat de l’accumulation de plusieurs facteurs.

« À l’origine, cette crise est liée à la gestion des ressources naturelles. Les deux types de populations que sont les agriculteurs et les éleveurs cohabitent au centre du Mali et il leur est demandé de se partager et d’exploiter le même espace. L’éleveur tenant  à son bétail et l’agriculteur à sa terre, les incompréhensions ne manquent pas », explique Adama Diongo, Président du collectif des associations des jeunes du pays dogon.

Pour lui, si par le passé, les ancêtres avaient toujours su trouver les arrangements pour que ces incompréhensions ne dégénèrent pas, aujourd’hui, d’autres acteurs, plus radicaux sur le terrain, interfèrent dans les moments de frustrations entre communautés et sont en posture de commandement pour multiplier les exactions. « En plus de cela, il faut relever la faiblesse de l’État malien dans la zone. Il ne contrôle pas la situation et laisse libre cours aux attaques », ajoute-t-il.

Le secteur est devenu le centre de toute la problématique humanitaire depuis 2017, en raison du problème sécuritaire qui s’est progressivement déplacé du nord vers le centre, surtout dans la région de Mopti.

« Il y a le banditisme armé et la criminalité ambiante, sans oublier l’état de siège imposé à certaines communautés. Tous ces éléments empêchent les populations de circuler librement et de mener leurs activités économiques », pointe Ibrahima Sangaré, Directeur national du développement social.

Quelles réponses ?

Pour faire face à la situation, le gouvernement du Mali, en collaboration avec ses partenaires, et de nombreuses ONG et associations sur le terrain conjuguent leurs efforts pour un retour à la normale dans le centre du pays.

L’État vient en aide aux populations touchées à travers divers appuis, dont le renforcement des mesures sécuritaires pour contrer les bandits armés et l’enregistrement des déplacés pour mieux leur porter assistance.

« Déjà, plus de 500 tonnes de mil et 255 tonnes de riz ont été distribuées aux populations victimes de la crise au centre et des actions de sensibilisation sont en cours pour permettre aux résidents de rester sur place, pour encourager le retour des populations déplacées dans des zones de provenance sécurisées », déclare M. Sangaré.

Pour sa part, le Collectif des associations des jeunes du pays dogon, créé il y a un an, s’est fixé comme objectif de contribuer à l’avènement de l’apaisement au centre et mène des actions pour venir en aide aux déplacés internes.

« Depuis que nous avons commencé, nous avons pu récupérer une cinquantaine de tonnes de céréales, que nous avons pu redistribuer dans la région de Mopti. Plusieurs donateurs se sont manifestés et nous ont apporté des céréales et d’autres produits de première nécessité », indique Adama Diongo.

Par ailleurs, la France est également attentive à la situation humanitaire au centre du Mali. Le 9 avril dernier, l’ambassadeur Joël Meyer a signé deux conventions d’un montant d’environ 1 milliard de francs CFA au bénéfice de plus de 65 000 personnes dans les régions de Mopti et Tombouctou.

Ce financement, alloué à deux projets, l’un porté par le PAM et l’UNICEF et l’autre par l’ONG Solidarité Internationale, s’inscrit dans les engagements français au titre de la Convention internationale relative à l’assistance alimentaire.

Le projet « Assistance alimentaire et nutritionnelle aux populations vulnérables au centre du Mali », d’un montant de 656 millions de francs CFA, permet des transferts monétaires aux personnes déplacées internes et assure le dépistage et la prise en charge de la malnutrition aigüe, modérée et sévère pour 5 000 enfants dans la région de Mopti.

Selon le Service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France au Mali, il « vient de débuter et l’identification des bénéficiaires est en cours, à travers un processus communautaire basé sur des critères de vulnérabilité à l’insécurité alimentaire ». Un autre programme, dédié au cercle de Bankass et mis en œuvre par l’ONG Première urgence internationale a également été financé récemment.

Malgré les différentes mesures prises, l’horizon ne semble pas près de se dégager. Les besoins en matière d’assistance saisonnière et d’urgence sont loin d’être couverts et l’aide aux personnes en situation de crise alimentaire et nutritionnelle, y compris les déplacés internes, risque d’être fortement réduite. « Aujourd’hui, nous craignons une grande famine. Les villageois n’ont pratiquement plus rien, les réserves de vivres sont épuisées et des greniers ont été brûlés », s’inquiète M. Diongo.

Mopti et Tombouctou : L’insécurité augmente le risque de famine

Au Mali, la dégradation de la situation sécuritaire et les changements climatiques affectent la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance d’environ 3 000 000 de personnes. Parmi elles, 548 000 sont en situation de crise. Particulièrement touchée, la région de Mopti enregistre une augmentation importante de la malnutrition globale, qui est passée de 5% à près de 9% en 2018.

Près de la moitié des ménages ne disposent pas d’une dotation alimentaire suffisante. Si l’insécurité et les conflits compliquent les interventions, les réponses durables se font également attendre dans cette zone, l’un des greniers du Mali.

« Nous espérons que cette année les programmes de réponse nationale seront mis en œuvre avec moins de difficultés que l’année dernière », affirme Madame Silvia Caruso, la Directrice pays et Représentante du Programme alimentaire mondial (PAM) au Mali.  En effet, faute de moyens, le Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA) n’a pu effectuer de distributions gratuites en 2018 dans la région de Mopti.

Plusieurs localités de cette région et de celle de Tombouctou sont durement  touchées par une crise alimentaire et nutritionnelle résultant « des effets  combinés du dérèglement climatique, des périodes de soudure de plus en plus longues, (…) et de la dégradation continue de la situation sécuritaire », explique M. Félix Ackébo, Représentant Adjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) au Mali.

Cette dégradation sécuritaire, qui a empêché plusieurs zones de produire, a  aggravé « une situation alimentaire déjà catastrophique », relève Madame Diallo, Présidente de l’Organisation pour un développement intégré au Sahel (ODI Sahel), qui œuvre dans le domaine du  changement climatique et  de la gestion des ressources en eau notamment, partenaire du Commissariat à la sécurité alimentaire dans le cadre de la distribution gratuite de vivres et d’aliment bétail. Comme quelques organisations encore présentes dans la région de Mopti, et malgré le contexte sécuritaire difficile, l’ONG espère que la situation va s’améliorer et permettre la mise en place d’actions durables, et surtout de conditions favorables, pour permettre aux populations de continuer à assurer leur propre subsistance.

En attendant, les actions d’urgence continuent. L’ambassade de France au Mali a procédé le 9 avril à la signature d’une convention avec le PAM, l’UNICEF et Solidarités Internationales dans le cadre du projet « Assistance alimentaire et nutritionnelle aux populations vulnérables au centre du Mali ». Elle concerne une aide alimentaire d’urgence d’environ 1 milliard de francs CFA (1,5 million d’euros) au bénéfice  de 65 432 personnes dans les régions de Mopti et Tombouctou.

À Mopti, le financement, environ 655,9 millions de francs CFA, fournira une assistance alimentaire et nutritionnelle, à travers des transferts monétaires, à 6 393 personnes déplacées internes, ainsi qu’une prise en charge de la malnutrition pour 15 099 enfants et 2 250 femmes enceintes et allaitantes. À Tombouctou, l’aide de 327,97 millions de francs CFA est destinée aux personnes déplacées des communes de Goundam, Tonka et Télé.

Insécurité : Le centre fait-il oublier le nord ?

Dans le nord du pays, des personnes sont assassinées, souvent en masse. Au centre de l’attention au début de la crise, cette zone est supplantée depuis des mois par des violences, tantôt de milices communautaires, tantôt de groupes djihadistes au centre. Qu’en est-il ?

« Le bilan est passé aujourd’hui à  49 morts, parce qu’un blessé a succombé », informe Mohamed Ag Albachar, porte-parole du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA). Ce chiffre macabre est le résultat du forfait commis par des « bandits armés » en motos à l’est de Ménaka, les 11 et 12 décembre. Les victimes étaient de la communauté Daoushak, principale base du mouvement. Quelques semaines plus tôt, le 12 novembre, une attaque terroriste menée par des hommes non identifiés faisait trois morts et de nombreux blessés à Gao, malgré la présence des nombreuses forces armées. À Tombouctou, le constat est similaire. Les  populations se sont habituées aux violences. « Le centre est devenue l’épicentre de la crise, mais l’arbre ne cache pas la forêt. Cela ne fait pas ombre aux exactions qui se passent au nord », rappelle Drissa Traoré, coordinateur du projet conjoint AMDH –  FIDH. Des mesures sécuritaires sont annoncées pour réduire le banditisme dans les régions de Gao et Tombouctou. « Il est vrai qu’il y a une recrudescence des exactions au nord, mais ce qui se passe au centre est très grave», reconnait le charge de communication du MSA. La situation « est préoccupante » parce que les milices locales sont devenues un véritable danger pour la cohésion sociale et la paix. « C’est au centre qu’il y a le plus d’affrontement intercommunautaires. Il a fait oublier le nord, mais c’est surtout parce que l’ennemi au nord est connu, alors qu’au centre il y a également des populations locales qui s’affrontent », souligne Dr Fodié Tandjigora, sociologue à l’Université des lettres et sciences humaines  de Bamako. Il y a urgence selon lui, « c’est à gérer rapidement parce qu’il y a un risque que cela se transmette à la future génération ».

La MINUSMA a déployé une équipe spéciale d’enquête sur le lieu des exactions à Ménaka « pour établir les faits et les circonstances » de ces exécutions. L’AMDH et la FIDH invitent les autorités « à mener des enquêtes sur ces crimes qui ne peuvent pas être tolérés », soulignant la recrudescence d’actes insoutenables.

Situation alimentaire du Mali : Résoudre l’équation de l’insécurité

Selon le rapport mondial trimestriel de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) qui cite l’analyse du « Cadre harmonisé » de mars 2018, environ 387 000 personnes nécessitaient une aide alimentaire de mars à mai 2018 au Mali. Un chiffre qui devait passer à 933 000 de juin à août, selon le même rapport. Si les paysans s’attendent à une meilleure saison cette année, les difficultés liées à l’insécurité demeurent.

« Les motos sont des outils de travail. Les champs sont distants d’environ 7 à 10 km des zones d’habitation. Faire ce trajet en charrette, si l’on pas d’autres moyens, cela peut être contraignant », déplore Abdoulaye Daou, responsable des organisations paysannes de la zone Office du Niger. Comme dans plusieurs parties du centre du Mali, l’interdiction de circuler avec des engins à deux roues est encore en vigueur dans cette zone.

Une difficulté de taille pour les paysans, qui doivent faire face à une période de soudure particulièrement difficile cette année. Correspondant à la période de contre saison, elle s’est caractérisée aussi par le manque d’eau. Plusieurs paysans qui ont planté  du riz ou de l’échalote n’ont pas pu récolter, les plants s’étant desséchés.

Même si l’aide périodique accordée par le gouvernement et ses partenaires a été distribuée dans plusieurs sites, dont celui de Macina, les ménages connaissent des difficultés, car le kilo de riz a atteint 350 francs CFA par endroits. « C’est pourquoi certaines familles consomment actuellement plutôt du mil », explique M. Daou.

S’ils se réjouissent d’un bon début d’hivernage, les habitants de la commune de Haïbongo, dans le cercle de Diré, région de Tombouctou, redoutent l’indisponibilité de l’engrais, indispensable pour leurs cultures. « La situation alimentaire est très difficile. Mais si la pluie continue et que nous avons les engrais à temps, il y aura une bonne récolte », assure Boubacar Touré, régisseur  de la commune d’Haïbongo et paysan de son état. Se réjouissant d’une saison qui s’annonce bien, contrairement à l’année dernière, il note que les paysans ne sont pas empêchés de vaquer à leurs activités, même s’ils deviennent facilement la cible des bandits « lorsqu’ils ont une nouvelle moto ».

S‘il ignore les raisons de l’indisponibilité de l’engrais et du gaz oil pour faire fonctionner les motopompes, « qui viennent du sud », il redoute l’augmentation du prix de l’engrais, qui pourrait s’ajouter à celui des céréales,  déjà monté à 250 ou 275 francs CFA au lieu de 200. Malgré des distributions alimentaires pour soulager les populations, les paysans espèrent disposer de tous leurs moyens de production afin de cultiver dans la sérénité et « d’avoir une meilleure production cette année ».

Election du 29 juillet : Le ministère de l’Administration Territoriale fait le point

Le secrétaire général du ministère  de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation a animé une conférence de presse le 17 mai. Il a rappelé les mesures prises et à venir pour la bonne tenue de l’élection présidentielle du 29 juillet, y compris la livraison des cartes d’électeurs.

La date du 29 juillet approche à grand pas. Les préparatifs pour la bonne tenue de l’élection présidentielle se poursuivent. C’est dans ce cadre que le secrétaire général du ministère de l’Administration Territoriale  et de la Décentralisation, Babahamane Maiga,  a tenu une conférence de presse le jeudi 17 mai dans les locaux du ministère.

Pour couper court aux doutes sur le respect du chronogramme, le secrétaire général rassure.  «  Je peux vous affirmer qu’à la date d’aujourd’hui tous les actes législatifs et règlementaires devant encadrer le scrutin sont prêts et ont été publiés. Le collège électoral a été convoqué le 28 avril et la campagne électorale débutera le 7 juillet », rappelle-t-il.

De même, les cartes d’électeurs biométriques, sans lesquelles le vote est impossible, seront bientôt délivrées. « La première semaine de juin inch’Allah, toutes les cartes d’électeurs biométriques seront là à Bamako et la distribution se fera dans la foulée», informe le secrétaire général du ministère. Chaque région aura droit à son lot de cartes pour une distribution rapide et efficace. La MINUSMA qui est un partenaire de l’État intervient aussi pour couvrir « les régions les plus difficiles ». « Tout ce qui concerne les régions du Nord,  la MINUSMA va nous aider au transport logistique du matériel électoral et documents, l’acheminement  des cartes d’électeurs et agents électoraux », souligne le conférencier.

Il assure que les concertations avec les partis politiques vont reprendre bientôt.  « Dans les jours à venir, le ministre sera là avec les partis politiques pour s’entretenir de toutes ses innovations », fait-il savoir.

Si l’organisation matérielle de cette élection est sur la bonne voie, le problème d’insécurité dans plusieurs parties du territoire reste entier. « Toutes les dispositions  sont en cours pour juguler cette insécurité et permettre à l’administration de prendre place dans certaines localités  où elles n’étaient pas pour mener à bien le travail », déclare Babahamane Maiga.

Un discours qui ne convainc point à deux mois du scrutin. Au moins 56 communes n’ont pas participé aux élections  communales de 2016. La situation, deux ans après est toujours complexe. Absence de l’administration dans certaines  localités, attaques des groupes armés terroristes au nord et au centre, conflits intercommunautaires,  le tableau est loin d’être idoine. Mais l’impératif de tenir ce scrutin à date et dans des conditions acceptables passe avant tout.

Du côté de l’opposition, on prévient que ‘’la fraude comme en 2013’’ ne sera pas tolérée cette fois ci. D’ailleurs, la coalition pour l’alternance et le changement, regroupant des partis politiques de l’opposition et d’autres mouvements  prévoit le 2 juin une marche pacifique pour  ‘’la tenue d’élection crédible, inclusive et transparente’’.

Étienne Poudiougou : « C’est une manœuvre pour m’évincer de la mairie de Koporo-Na »

Étienne Poudiougou, maire de Koporo-Na (cercle de Koro) a été suspendu le 14 avril dernier de ses fonctions pour avoir rédigé une lettre intimant à la communauté peule de quitter sa commune. L’élu, traité de « raciste » par certains, qui vit aujourd’hui caché, a expliqué à Journal du Mali les tenants et aboutissants d’une affaire qui a secoué le pays tout entier.

Dans quelles circonstances avez-vous été amené à rédiger cette lettre ?

Je tiens d’abord à dire qu’il n’y avait pas de confrontation entre Peuls et Dogons dans mon village, pas de situation conflictuelle. Le samedi 7 avril, il y a eu une réunion sur la paix et la réconciliation à Pel Maoudé. À l’issue de la rencontre, les participants étaient convaincus que ces histoires de conflits entre Peuls et Dogons allaient prendre fin et étaient satisfaits. Parallèlement se tenait à Koro une autre réunion, rassemblant les chasseurs de Koro et de Koporo-Na. Peu de temps après, des soi-disant chasseurs de Koporo-Na sont revenus avec un papier, qu’ils ont distribué aux chefs de village, leur intimant de chasser les Peuls de leurs localités.

Il y avait donc déjà eu un appel à chasser les Peuls ?

Oui, et j’en ai été le premier surpris quand j’ai été saisi de la diffusion de cette propagande. J’ajoute que le dimanche j’avais reçu des appels disant que, pendant notre réunion, j’avais demandé à ce que l’on chasse les Peuls de la commune. Dès le lundi 9 avril, j’ai convoqué d’urgence tous les chefs de village. Je leur ai dit que cette situation était inacceptable, car nous vivons avec les Peuls depuis toujours et que les chasser était impensable. Ils étaient d’accord et nous avons décidé d’envoyer une mission à Koro pour avertir de ce qu’il se passait. Nous avons contacté les chasseurs pour qu’ils préviennent leur coordination à Koro. Il y avait 7 personnes dans la délégation, dont moi-même. Le 10 avril, tout le monde était présent, sauf les chasseurs. Nous sommes repartis. Durant notre trajet, nous les avons appelés plusieurs fois, mais ceux que nous avons contacté ont refusé de décrocher leur téléphone.

Vous pensez que les chasseurs sont derrière cette propagande ?

Le chef des chasseurs de Koporo-Na, ainsi que l’adjoint de la coordination des chasseurs, que nous avons rencontrés, nous ont fait savoir que leur confrérie n’était pas au courant et n’avait rien à voir avec cela. Je doute que ceux qui ont décidé ça soient vraiment des Dozos. Toujours est-il que je suis revenu à Koporo-Na pour y passer la nuit. J’ai été appelé par un proche qui m’a dit que deux personnes étaient venues le voir et lui avaient dit que je devais faire un communiqué demandant aux Peuls de quitter le territoire de la commune. Si je refusais, je serais tué, ainsi que ma famille et tous les Peuls. J’ai eu peur et j’ai écrit la lettre, pour me protéger, protéger ma famille et protéger les Peuls de ma commune.

Pourquoi ne pas en avoir d’abord parlé aux autorités ?

J’ai agi sous la menace et parce que je n’avais aucune protection. Je suis d’ailleurs toujours menacé. Je me désengage de cette lettre. C’est parce que j’ai refusé que le message de propagande soit diffusé partout dans ma commune que j’ai été considéré comme un ennemi. Les Peuls de Koporo-Na peuvent témoigner que ce n’est pas mon genre de tenir de tels propos. Je n’ai aucun sentiment xénophobe envers eux, nous avons toujours vécu en harmonie.

L’avis manuscrit rédigé le 12 avril dernier par Etienne Poudiougou, maire de Koporo-Na.

Selon vous, qui se cache derrière ces menaces et dans quel intérêt ?

Je suis visé par des personnes mal intentionnées. Pour que leur propagande soit crédible, elles m’ont forcé à écrire cette lettre en tant que maire. C’est une manœuvre politicienne pour m’évincer de la mairie, en faisant peser sur moi de graves accusations. Les deux personnes qui ont proféré ces menaces de mort sont connues, ce sont des émissaires de mes concurrents politiques. Je fais partie de l’UDD (Union pour la Démocratie et le Développement), le Président de la section de Koro, à laquelle j’appartiens, est Maître Hassan Barry. Comment peut-on me considérer comme raciste alors que le Président de la section locale de mon parti est un Peul ?

Qui sont ces concurrents politiques ?

Je ne peux pas les citer. Cela a commencé lorsque le maire élu est décédé. J’ai été désigné pour être le nouveau maire, ce qui a créé des contestations et des jalousies. Certains ont refusé ma nomination. L’affaire est allée jusqu’à la Cour suprême, mais leur requête n’a pas abouti. L’UDD a conservé la mairie. Les perdants n’ont jamais accepté cela malgré la décision de la Cour suprême.

La communauté peule a-t-elle commencé à quitter le commune ?

les Peuls sont toujours là , aucun chasseur n’est venu leur dire de partir. Aucun peul n’est venu me visiter à ce sujet.

Craignez-vous toujours qu’on attente à votre vie et comment voyez-vous l’avenir ?

J’ai quitté Koporo-Na pour me protéger. J’ai quitté ma maison et je suis parti loin. Je ne peux pas vous dire où je me trouve. Je reviendrai, mais actuellement la situation ne le permet pas. Je suis victime d’une conspiration et je ne sais pas ce que l’avenir me réserve.

Insécurité dans le Nord : Le calvaire des populations

La situation sécuritaire dans le Nord du Mali est la plus grande préoccupation des populations. Dormir au clair de lune est devenu un rêve. Aussi bien en ville qu’à la campagne, les habitants sont à la merci des bandits armés, qui n’hésitent pas, dans les pires des cas, à commettre des crimes abjects.  

Braquages, viols, engins explosifs improvisés, assassinats… tout le quotidien est rythmé de peurs pour les populations au Nord du Mali. Les quelques espoirs suscités par la signature de l’Accord pour la paix se sont dissipés. La présence des mouvements signataires, de l’armée malienne et des forces internationales ne parvienne pas à circonscrire un phénomène de plus en plus glaçant. « Depuis 2012, on est dans l’attente. On a l’impression d’être abandonnés, comme si on ne faisait plus partie du Mali ! », s’emporte Oumarou Maiga, jeune chômeur habitant Ménaka. Il y a seulement deux semaines, un véhicule du gouvernorat de la région a été enlevé au centre de la ville, en plein jour. Pourtant, ce n’est pas faute de forces qui légitiment leur présence par les besoins sécuritaires de ces populations. « Hier seulement, 30 passagers ont été dépouillés de leurs biens entre Tombouctou et Bambara-Maoudé. C’est notre lot quotidien », témoigne Mohamed Touré de Tombouctou, sortant de l’ex-FLASH. « Il y a deux semaines, des hommes armés ont assassiné un gendarme, ici, à Tombouctou ville, seul Dieu nous protège ! », confie-t-il, résigné. Selon lui, les forces armées dans la région « ne font que de la figuration ». « Plus rien ne va, une opération ville morte est prévue pour protester contre l’insécurité ». La région de Gao n’est pas exempte de problèmes. Dans les endroits reculés, un triste sort est réservé aux imprudents.

L’Accord ou la chienlit ?

« C’est le chaos partout au Nord », poursuit Mohamed Touré, qui erre depuis 2013 à la recherche d’un emploi.  L’Accord pour la paix et la réconciliation, présenté comme l’antidote à tous ces maux, se met en œuvre à pas de tortue. « Tantôt la ville est occupée par le Gatia, tantôt par la CMA. L’Accord était censé rétablir la sécurité, mais c’est peine perdue », déplore Issouf Ag Agaly, enseignant à Ménaka. Le cantonnement des groupes armés et la réinsertion des personnes inactives sont à son avis la solution. « Le chômage pousse les gens désœuvrés qui détiennent des armes à braquer les populations et les ONG et à commettre toutes sortes de bêtises », affirme Mohamed Maiga, commerçant à Gao.

Le Général Salif Traoré face à la Presse : « La sécurisation du pays est en bonne voie ».

 

C’est un ministre de la Sécurité et de la Protection Civile détendu qui a répondu aux nombreuses interrogations de la presse ce matin.

C’est à un exercice assez délicat compte tenu de la situation sécuritaire peu enviable du pays, auquel le ministre de la Sécurité et de la Protection Civile s’est prêté ce matin. Dans la salle de conférence de la Maison de la Presse, le Général Salif Traoré, a répondu sans fard et en bambara aux questions d’une dizaine de radios privées.  Insécurité au Nord et Centre du Mali, grand banditisme dans la capitale et ses alentours, répression des manifestations, tels sont entre autres les thèmes abordés lors de cette rencontre de plus d’une heure. Sûr de lui et très à son aise, le ministre a donné l’assurance que tout est mis en œuvre afin d’assurer une pleine sécurité sur le territoire. D’autant plus à quelques mois d’importantes échéances électorales. « Le président nous a demandé d’accélérer le processus de sécurisation, pour que les Maliens du Nord, du Centre et dans quelques localités de Ségou, puissent au moment des élections aller voter en toute sérénité », explique-t-il. Cette opération sécurisation est actuellement en cours et en ‘’très en bonne voie’’ à l’en croire. « Depuis quelques semaines, nos forces sont présentes dans de nombreuses localités où elles n’étaient pas avant, et dans les jours qui viennent, nous serons présents dans beaucoup d’autres », assure-t-il.

Coopération des populations

Pour en optimiser les résultats, le ministre a requis l’appui des populations, qui est, en son sens, indispensable pour mettre « hors d’état de nuire » et terroristes et bandits. Des plaques sur lesquels sont inscrits les numéros verts ont depuis peu été installées dans les grandes artères de Bamako. « Nos récents bons résultats sont en très grande partie dû à notre coopération avec les populations, il est impératif que cela continue pour le bien de tous », plaide-t-il. Mais cette « coopération » pourrait être mise à mal, par les récentes répressions dont des manifestants ont été victimes de la part des forces de l’ordre. Tout en ne cautionnant pas ces « violences » le ministre est resté ferme quant à la nécessité de respecter les décisions des autorités.

Respect de la loi

« Nous ne sommes pas là pour violenter qui que ce soit, mais pour faire respecter la loi, si les marcheurs ont l’autorisation de marcher, ils le feront en étant encadré par nos soins, mais même dans le cas contraire, les forces doivent les disperser sans avoir recours à la brutalité ». Apostrophé par un journaliste qui affirme avoir été violenté et emprisonné lors de la marche du mouvement Waati Sera, contre la France, le ministre sans se dérober, lui a demandé de porter plainte, avec preuves à l’appui. « Les responsables devront rendre des comptes », ajoute-t-il.

 

 

Barkhane : le point sur son engagement

Pas très habitué à cet exercice de communication, la force Barkhane, par la voix de son général, Christian Allavène, a organisé une rencontre avec les journalistes qui s’est tenu à la maison de la presse, à Bamako, ce 21 novembre. Le souhait de la force étrangère était d’informer la presse malienne sur « les actions de Barkhane en faveur de la population malienne ».

Les travaux accomplis

Cette conférence de presse a débuté en évoquant les différentes réalisations accomplies par la force armée française. En plus de ces interventions militaires, la force Barkhane s’est engagé à prodiguer des soins à la population malienne, première victime de cette insécurité. « Barkhane a accordé pas moins de 5 000 consultations médicales et sanitaires au profit de la population. Ce sont 500 patients qui ont été soignés par des soins médicaux de Barkhane », commence-t-il à dire. En tout ce sont près de 28 500 actes médicaux qui ont été prodigués aux Maliens, à l’heure actuelle.

En poursuivant son exposé sur ces données chiffrées, il a été question des actions civilo-militaires (CIMIC). « Ce sont des actions militaires au profit de la population civile. Ces actions tournent autour des besoins vitaux. Il s’agit de l’accès à l’eau (…) de l’électricité, l’éducation. Et c’est d’ailleurs une graine que Barkhane plante pour l’avenir du peuple malien », affirme le général. Pour l’eau et l’électricité, la force Barkhane s’appuie les deux partenaires de la lutte contre le terrorisme que sont le Mali et la France. « Barkhane appui la remise en route de la centrale électrique de Kidal et y a investi beaucoup d’argent. Grâce à EDM, l’État malien, qui a décidé de consacrer une somme très conséquente à la remise en route de cette centrale à Kidal, l’a relancé il y a un mois et demi. Au moment de notre arrivée, la centrale fournissait six à huit heures d’électricité pour environs 25 % de la population kidaloise, aujourd’hui, 80 % de la centrale électrique produit quasiment 100 % des Kidalois a au moins 20 heures », dit Christian Allavène. Pour une autre ressource vitale, qu’est l’eau, le général nous apprend la présence, à Gao, de la société française Veolia, dont certains représentants sont sur place. Cette venue est motivée par une étude des projets qui pourront y être menés à très court terme au profit du grand Gao. « D’autres projets sont en cours, même si certaines régions bénéficient davantage d’aide que d’autres », précise le chef militaire.

Dans son appui aux forces armées malienne, l’opération Barkhane poursuit son appui aux militaires maliens à travers 142 actions de formations dispensées, en 2017, la fourniture de munitions, de carburant et d’alimentation.

L’insécurité au centre du Mali

L’absence de la force militaire dans cette partie du pays s’explique par le fait que «  Barkhane intervient là où on lui demande de le faire. La force militaire travaille dans les zones aux profits desquelles l’État malien lui demande d’intervenir. Je vous le rappelle, la force française, intervient au profit et en appui de la MINUSMA. » Pour le commandant Allavène, les missions à menées dans le nord du pays ne sont pas encore accomplis et reconnaît que cette partie du pays est la priorité de Barkhane. « Le « ménage », si je peux me permettre d’utiliser cette expression un peu maladroite n’est pas complètement réalisé ». Il poursuit en précisant que les effectifs de Barkhane sont minimes face à l’immensité du territoire malien. « Barkhane, c’est 4 000 hommes dans un pays vaste comme le Mali, je vous laisse imaginer si nous avons la capacité à être partout et en même temps. » L’absence des forces française dans le centre du pays est un fait que M.Allavène a tenu à pondérer en précisant que « les FAMas oeuvrent dans cette partie du pays ».

Sujets épineux

Sur une possible porosité entre certains groupes signataires de l’accord de paix d’Alger et les terroristes, Christian Allavène lève le voile. « Les différentes opérations que nous avons menées récemment dans le nord, mais pas uniquement, notamment par la saisie d’un nombre de pièces à charge, démontrent la collision qui existe entre certaines personnes de certains groupes armées signataires et des groupes armés terroristes. »

Suite au tollé qu’à susciter la mort des 11 soldats maliens tués dans une embuscade de la force militaire française, en octobre dernier, le général Christian Allavène, n’a pas souhaiter s’étendre sur ce sujet. Afin d’y mettre à terme. « Votre président et notre ministre [Florence Parly, ministre française des Armées : NDLR] ont affirmé que cette affaire était derrière nous. Souhaitez-vous vraiment la remettre devant nous ? Ne pensez-vous pas qu’il convient de sortir de ce sujet et de considérer l’avenir ? Cette affaire est derrière nous, je cite votre président et ma ministre », se contente-t-il de dire.

 

Ménaka : Le MSA se désagrège

Il y régnait un calme quasi-exceptionnel, mais, depuis quelques semaines, la région de Ménaka tombe dans l’insécurité, avec des affrontements entre le MSA et des groupes armés vers la frontière nigérienne. Ces affrontements ont créé une fissure au sein du mouvement, avec la démission, le 11 octobre dernier, de  certains chefs de fractions de la communauté Daoussahak, au profit du HCUA, membre de la CMA. L’un d’eux, Siguidi Ag Madit, de la fraction Idoguiritan, a expliqué au Journal du Mali les raisons qui les ont poussé à faire ce choix.

Quels sont les chefs de fractions qui ont démissionné du MSA pour le HCUA ?

Le maire de la commune  d’Inekar, Almahmoud Ag Hamad Taha ; Alhassane Ag Afoya, ancien Président du conseil de cercle de Ménaka ; le marabout Hamad Ehya Ag Alwafi,  Rhissa Ag Mahmoud, chef de la fraction Tabhaw, et moi-même, chef de la fraction Idoguiritan, la plus grande fraction de la région de Ménaka, avons décidé de démissionner du MSA avec nos fractions.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter le mouvement ?

La principale raison est directement liée à Moussa Ag  Acharatoumane, le chef du MSA. Quand il y a eu les affrontements entre la CMA et le GATIA, il avait dit que nous, les Daoussahaks, n’étions pas concernés et qu’il faut que nous ayons notre propre un mouvement. C’est ce que nous avons fait. Almahmoud Ag Hamad Taha et moi étions les seuls à le soutenir, ce jour-là. Depuis, il n’a fait que prendre des décisions sans nous consulter, il n’y a pas eu un seul jour où il nous a appelés pour  que nous prenions des décisions ensemble. Une de ces décisions nous a causé tous les problèmes du monde.

Laquelle ?

Quand il est allé au Niger, nous avons appris qu’il avait signé un accord pour combattre les Peulhs et les Arabes. Depuis, ces communautés nous font la guerre et nous n’avons pas les moyens de nous défendre. Il nous a aussi mis en guerre avec  les Imajaghans, dont le chef traditionnel est le député Bajan Ag Hamatou. Tous ces affrontements nous ont affaiblis et maintenant nos populations ne peuvent plus retourner chez elles, car les Daoussahaks ont tué un nombre important de Peulhs. Je n’ai jamais vu une telle catastrophe arriver à Ménaka. Ce problème-là nous préoccupe au plus haut niveau. C’est la paix que nous voulons. Il  ne va plus nous mettre en guerre contre les autres.

Quand Moussa est allé au Niger, qu’est ce qu’il a signé exactement ?

Nous avons appris qu’il nous avait engagés, nous, les Daoussahaks, dans une guerre contre les Peulhs pour aider à combattre le MUJAO, alors que le MUJAO est en guerre contre les forces étrangères. Si nous nous mettons en travers du chemin du MUJAO, il nous chassera de notre terroir. Le MSA ne peut plus faire face à ces gens-là, il ne peut plus nous protéger. Les  déplacés et les morts dont vous entendez parler, c’est à cause de cela.

Donc, ces Peulhs qui vous combattent font partie du MUJAO ?

Moi je ne sais pas vraiment. Je sais seulement que ce sont des Peulhs et des Arabes. Nous cohabitions ensemble paisiblement mais maintenant ils nous font la guerre à cause de ces décisions.

Quelles seront les conséquences de votre démission pour  le MSA ?

Je ne sais pas, mais nous ne sommes plus d’accord avec le leadership de Moussa. On ne peut plus tolérer que des gens d’ailleurs viennent travailler à Ménaka puis nous laissent. Moussa Ag Acharatoumane ne prenait que des personnes originaires de Talatayte (commune d’Ansongo – NDLR), pour tout ce qu’il faisait, et personne parmi nous, à Ménaka.

Vous étiez auparavant au MNLA. Pourquoi avoir choisi le HCUA?

Oui, c’est vrai, nous étions au MNLA. Notre engagement était avec le MNLA car c’est là-bas que nous étions et avions combattu. Mais nous ne nous sommes rendu compte de notre choix qu’après avoir déjà donné notre parole au HCUA. En même temps, il se trouvait que c’est avec Alghabass Ag Intallah (chef du HCUA – ndlr) que nous étions en contact. Nous avons intégré le HCUA aussi pour nous protéger de toutes ces guerres. Ce n’est pas pour l’argent ou autre chose.

Qu’espérez-vous de ce ralliement à la CMA ?

On n’aurait jamais dû quitter la CMA, surtout au moment où il y a eu des avantages,  avec l’Accord de paix. Le MSA n’est pas un grand mouvement, comme la CMA et la Plateforme. Nos enfants n’auront pas de place dans l’intégration, ni de  travail. C’est pour cela aussi que nous avons pris cette décision.

Commune de Dioungani : Les Chrétiens pris pour cible

Il est 14h30 quand, dans une cacophonie motorisée, 12 hommes armés convergent vers l’église catholique du village de Douna, chef-lieu de la commune de Dioungani, dans le cercle de Koro. Aux cris d’Allah Akbar, ils s’élancent en direction du bâtiment religieux. Les villageois comprennent vite ce qui va se passer et rentrent se cloîtrer chez eux. Nous sommes le vendredi 6 octobre, une date que la population et la communauté chrétienne de Douna n’oublieront pas. Deux longues heures d’une séquence violente et choquante, mais qui dans la commune, ces 8 derniers mois, est loin d’être inédite.

Une poignée d’hommes a pris position sur les principaux axes menant à l’église, tandis que d’autres escaladent le bâtiment et entreprennent méthodiquement de casser la croix en béton équipée d’un haut-parleur qui trône sur le toit. Elle finit par dégringoler et se briser au sol, accompagnée de clameurs de satisfaction. « Une femme est sortie et a essayé de leur faire entendre raison. Ils l’ont battue ! Malgré les coups, elle leur a dit qu’elle préférait être tuée que de ne rien dire. L’un des hommes a pris son coupe-coupe et lui a tailladé le bras », se remémore un habitant de Douna qui tient à garder l’anonymat. Une fois le lieu de culte décapité de son symbole, les hommes pénètrent dans l’église et rassemblent tout ce qu’ils peuvent : meubles, crucifix, portrait de la Vierge, effigie de Jésus, rideaux, nappe d’autel. Ils jettent le tout sur le sol en un grand tas. « Avec de l’essence, ils y ont mis le feu. Tout a flambé. Ils ont pris leur temps », témoigne un autre villageois. Les flammes ont déjà bien noirci les murs de l’église et calciné ce qui s’y trouvait, quand les profanateurs quittent le village en trombe, criant à la population abasourdie qu’il est interdit désormais d’y prier.

Malgré la destruction de nombreuses antennes-relais dans la commune, où plusieurs villages sont coupés du monde, la nouvelle se propage comme une traînée de poudre. 24 h plus tard, un contingent de l’armée malienne se rend sur place, inspecte l’église, fait une ronde, puis s’en retourne à sa base de Koro. À Douna, l’attaque a surpris, comme dans la paroisse de Barapeli, dont le petit village dépend. L’effroi a saisi les communautés qui redoutent que les djihadistes ne mettent en péril la présence chrétienne dans la commune.

Actes antichrétiens en augmentation « C’est la cinquième communauté visée », souligne un élu de la commune, « les djihadistes veulent imposer leur loi. Ils brûlent les églises et veulent chasser les Chrétiens ». « Depuis quelques mois, ils interdisent toutes les activités religieuses chrétiennes. Si ce n’est pas respecté, ils menacent de revenir pour sévir plus fort », confirme l’Abbé Edmond Dembélé, Secrétaire général de la Conférence épiscopale du Mali.

C’est le 15 avril dernier, lors de la nuit de Pâques, qu’une première attaque contre une église chrétienne est signalée à Didia, un village de la commune de Dioungani. Là-bas, les djihadistes ont intimé aux Chrétiens du village de ne plus sonner la cloche et de ne plus se rassembler. Le 15 août, ils s’en prennent au village de Djanwelli, dans la même commune, avec un procédé particulier. « Ils ont rassemblé Chrétiens et Musulmans sur la place publique et ont prêché le coran durant 3 heures, avant de leur ordonner de ne plus jouer du tam-tam et de ne plus chanter pendant la prière », raconte un commerçant du cercle de Koro. Le 26 août, c’est l’église du village de Bodwall qui est attaquée. « Ils ont voulu casser la cloche de la petite église, mais ils n’ont pas réussi. Alors, ils sont allés au hangar à palabre des Dogons et leur ont dit de dire aux Chrétiens de détruire leur église », poursuit le commerçant. Le 19 septembre dernier, ils défoncent les portes de l’église de Dobara, toujours dans la commune de Dioungani, rassemblent à l’extérieur tout ce qu’ils peuvent y trouver et y mettent le feu, avant de menacer de mort tous ceux qui dorénavant viendraient y prier.

Chasser les Chrétiens Dans l’importante paroisse chrétienne de Barapeli, qui s’étend sur 8 150 km², forte de 45 églises et de plus de 130 communautés dynamiques qui n’hésitent pas à bousculer les prêtres pour l’apostolat (propagation de la foi), on ne comprend pas pourquoi ces attaques visent seulement la commune de Dioungani. « La cohabitation entre Chrétiens et Musulmans était bonne. Dans les différentes fêtes religieuses, ils se rendaient mutuellement visite. Depuis l’arrivée des djihadistes, les choses ont changé. Certains, à l’est de Barapeli, pensent qu’il y a plus d’églises que de mosquées », relève un habitant. Une affirmation plausible pour ce prélat de la paroisse : « il est vrai que ces hommes armés, quand ils sont venus à Douna, ont dit à certains musulmans, « ils ont des églises partout et vous vous n’avez même pas assez de mosquées », et ils ont ordonné à ces gens d’en construire. En se basant là-dessus, on peut se dire que, peut-être, le dynamisme de nos communautés fait qu’ils pourraient se sentir un peu menacés », avance-t-il.

Une autre raison est évoquée par cet employé d’une ONG locale, qui rappelle que depuis des mois les djihadistes, au nom de l’Islam, ont interdit le tabac ainsi que les boissons alcoolisées. « À Douna, il y a deux églises. Ils ont seulement attaqué celle des Catholiques, pas celle des Protestants. L’église catholique a été attaquée parce que la consommation d’alcool n’y est pas prohibée alors que les Protestants l’interdisent. Dans le village, il y avait un maquis à côté de l’église attaquée. Après l’avoir saccagée, les djihadistes sont partis trouvés des consommateurs là-bas. Il y en avait deux, un Dogon et un Peul. Ils les ont frappé, ont bandé les yeux du Peul et sont partis avec. On a plus de nouvelles depuis », ajoute-t-il.

Pour l’Abbé Edmond Dembélé, la consommation d’alcool reste une explication négligeable. « Ce n’est pas seulement du côté des Catholiques, les adeptes de la religion traditionnelle, partout sur le territoire du Mali, sont aussi des consommateurs d’alcool. Je pense qu’il y a d’autres explications un peu moins sommaires ».

Dans les villages attaqués de la commune de Dioungani, désormais les Chrétiens font profil bas. Ils ne vont plus prier à l’église, conscients que ces lieux de culte sont devenus une cible privilégiée des djihadistes. « Nous leur avons dit de ne pas aller y prier pour leur sécurité et parce qu’il y a eu une forme de profanation de ces lieux de culte. Pour nous Chrétiens, ce qu’il s’est passé, ce sont des blasphèmes contre Dieu, Sa parole et Son église. Les fidèles sont inquiets. On est passé à un cran supérieur. Ils ne savent pas si demain ils se lèveront sur leur pied. Mais ils ne souhaitent pas partir, parce que le Mali est un pays laïc, que c’est leur village et qu’ils espèrent que des solutions seront trouvées et que le calme et la cohabitation pacifique qui régnait jusqu’ici reviennent », explique un curé.

À Douna, les blessures du 6 octobre mettront beaucoup de temps à se refermer. Pour les Chrétiens les plus âgés du village, qui ont vu la communauté se constituer, l’église se bâtir, ces images indicibles, ne pourront jamais être effacées.

Nouvelle attaque sur le fleuve Niger

Les bateaux Tombouctou et Modibo Kéita de la Compagnie nationale de navigation (COMANAV) qui relient Koulikoro à Gao par le fleuve ont été attaqués ce jeudi 05 octobre. L’incident qui n’a pas fait de victimes s’est déroulé à la hauteur du village de Kouakourou.
« Nous avons essuyé des coups de feu environ 2 kilomètres en amont du village de Kouakouou. Nous avons riposté et les assaillants ont reculé avant de revenir à la charge 1 kilomtre après la sortie de la localité », explique un militaire malien, présent à bord du bateau, au sein de détachement en charge d’en assurer la sécurité.
Aucune victime n’est heureusement à déplorer à l’exception d’un blessé léger. Les assaillants avaient « certainement l’intention de dépouiller les passagers du bateau », pense savoir l’un des passagers. Le bateau est en effet  seul lien sûr désormais entre le centre et le nord du Mali et fort employé en cette période d’étiage par les commerçants. Une source sécuritaire quant à elle, pense que l’attaque avait pour but de libérer un prisonnier présent à bord de l’un des bateaux. « Ils ont essayer de libérer un des leurs qu’on avait avec nous », précise notre source.
Un important déploiement de sécurité était visible à l’escale de Mopti où le bateau est arrivé en début d’après midi, dans un tonnerre d’applaudissements. Du public massé sur la grève comme des passagers, pour saluer les militaires, « nos héros ». « Pas question de les laisser gagner, le bateau va repartir pour rallier sa destination finale. On est préparés. On va assurer la sécurité » poursuit notre militaire.

C’est la deuxième fois en l’espace de quelques jours que le bateau de la COMANAV est attaqué par des hommes armés. La première s’était déroulée dans la nuit du 29 au 30 septembre derniers.

Région de Mopti : La pieuvre Katiba Macina

« Le gouvernement travaille à stabiliser la situation sécuritaire dans la région centre du pays », affirmait le Président IBK, en évoquant la situation préoccupante au centre du Mali, à la tribune des Nations-Unies, le 19 septembre dernier. Pourtant, cette situation sécuritaire, qui n’a jamais vraiment été traitée, a empiré et permis à la Katiba Macina d’étendre sa mainmise sur la majeure partie des cercles de la région de Mopti.

Là-bas, des hommes armés à moto traquent et exécutent les agents de l’État ou les chefs de villages, kidnappent ceux qui ne veulent pas adhérer à leur mouvement, interdisent fêtes et baptêmes, soumettent la population à leur charia, imposent leur loi dans une grande partie des territoires enclavés de la région centre. « Si ce que vous entreprenez ne leur plaît pas, ils viennent vous stopper, vous bastonnent et personne ne réagit. Personne ne parle, par crainte d’être éliminé. Ça nous tient dans la peur. Ils sont les chefs ici, cela ne fait aucun doute ! », témoigne un habitant du cercle de Tenenkou.

Au fil des témoignages, on comprend vite que pour les habitants, la situation a empiré. Par manque de représailles, les djihadistes en toute impunité ont intensifié leurs actions. « Pour nous, l’État a démissionné laissant le champ libre aux djihadistes qui peuvent imposer leur loi », déplore ce commerçant de la ville de Tenenkou.

Les maîtres du centre En l’espace de quelques années, les hommes d’Amadou Kouffa, ont pu conquérir à peu près tous les territoires du Macina qu’ils revendiquent, sans réelle opposition ou résistance. « Quand ils se déplacent, ils sont généralement par 2, sur 3 ou 4 motos, et quand vous voyez 6 motos ou plus, ça veut dire qu’il va y avoir une attaque », décrit ce même commerçant. Pour lui, il ne fait aucun doute que la ville de Tenenkou, le coeur, la capitale du Macina, est visée par Kouffa et ses hommes. « On reçoit souvent des menaces, comme pour la Tabaski, mais les FAMA sont présents donc ils ne font rien. La vie continue, mais la psychose est là », assure-t-il. « Ils sont quasiment partout, c’est vrai », confirme cet enseignant de la ville, « ils ont quadrillé tous les cercles. Nous avons pensé qu’avec la crue des eaux ils ne pourraient pas se mouvoir. Mais nous avons constaté depuis quelques mois qu’ils ont même des pirogues et des pinasses à moteur. Ils interviennent et stoppent les gens même sur le fleuve  », poursuit-il.  « Dans les petits villages et les hameaux, ils viennent pendant la foire. Ils ne veulent pas voir de femmes mêlées aux hommes, dans les voitures ou les pirogues et les cravachent si elles ne sont pas voilées. Il y a des femmes qui se voilent chez nous, mais c’est devenu une obligation, avec des châtiments corporels si on ne s’y soumet pas. Ce n’est pas possible ! », s’agace ce chef de famille.

Depuis quelques mois, dans de nombreux cercles de la région de Mopti, la charia est appliquée à des degrés divers, de gré ou de force. « Souvent, vers le crépuscule, ils sortent et prennent les gens en otage dans les mosquées. Sous la contrainte de leurs fusils, ils font leurs prêches pour forcer les gens à les suivre, à faire ce qu’ils veulent. Même les grands marabouts sont agressés, comme celui de Dialloubé. Tout ça effraie les gens ! », explique un agent de santé du cercle de Youwarou, l’un des seuls corps de fonctionnaires de l’État à être autorisé par les djihadistes à circuler et travailler librement.

Une armée immobile Plusieurs personnes de la région confirment cette injonction générale à des pratiques plus rigoristes de l’islam. Seules les grandes villes où les forces de l’armée malienne sont cantonnées sont épargnées, alors qu’à quelques kilomètres, en brousse, la réalité est toute autre. « L’armée reste cantonnée en ville et ne patrouille pas aux alentours, car on lui a donné la consigne ferme de ne bouger que sur instruction. Et les instructions ne viennent pas », poursuit notre agent de santé. « Je pense que c’est dû aux complicités des djihadistes avec la population. Il suffit qu’un véhicule militaire sorte en brousse pour que l’information soit donnée et que les djihadistes placent des engins explosifs sur les routes. L’armée malienne a beaucoup souffert de ça dans le cercle de Tenenkou. Elle a enregistré beaucoup de morts », ajoute-t-il.

Les effectifs et les véhicules militaires peu adaptésà la réalité du terrain, face à des hommes armés à moto qui peuvent disparaître dans les brousses parmi les populations, sont pointés du doigt par de nombreux habitants, mais aussi un certain manque de volonté politique. « Si l’armée faisait ses patrouilles au niveau des hameaux, des villages, peut-être qu’ils cesseraient. Mais ils ne le font pas. À mon avis, jusque-là, on a pas vraiment voulu chasser les djihadistes de ces zones. Dans le Macina, à Diabaly, Diafarabé, Dogo, etc., on sait exactement ou se trouve les djihadistes. Les gens là-bas peuvent vous dire où ils sont », indique cet habitant de Mondoro dans le cercle de Douentza.

Une katiba en évolution Dans ce contexte où l’État est faiblement présent, les habitants de la région de Mopti sont partagés entre le recours à la force pour chasser les djihadistes et l’organisation de cadre de concertation pour discuter avec eux. « Il faut que l’on identifie leurs chefs et que l’on s’assoit pour discuter. La plupart de ces hommes sont des chômeurs. Il faut créer de l’emploi, si chacun a de quoi vivre, sans quémander ou voler, ils cesseront tout ça. En attaquant, on risque de tuer des innocents. L’État tirera sur ses propres enfants et ce n’est pas une solution », avance cet élu du cercle de Youwarou.

Toujours est-il que prochainement seront déployées dans la région, les forces de la Minusma et du G5 Sahel. Rien de nature à inquiéter les hommes de Kouffa aux dires de certains. «  La mise en place du G5 Sahel coïncide un peu avec la mise en place du G5 des djihadistes », lance le Dr Bréma Ély Dicko, chef du département sociologie-anthropologie de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako et fin connaisseur de la région. « On assiste à une évolution dans les modes opératoires. Les djihadistes sont en train d’aller vers la deuxième étape de leur implantation, qui consiste à inviter les populations à aller vers des pratiques plus rigoristes de l’islam. Vers un islam fondamentaliste. Ce ne sont plus seulement les représentants de l’État qui sont menacés, mais les populations locales, sommées de pratiquer un islam pur, débarrassé de tout syncrétisme. C’est ce que l’on voit notamment à Kouakourou et à Dialloubé », explique le chercheur, qui avoue ne pas entrevoir de portes de sortie à cette situation critique, et qui craint que la logique du tout militaire, sans appui des populations, ne parvienne à venir à bout d’un phénomène désormais bien enraciné.

 

 

Human Rights Watch accuse les FAMAs de violations de droits de l’homme

 L’organisation de défense des Droits de l’Homme Human Rights Watch a indexé  dans un rapport publié le 08 septembre dernier l’armée malienne des « graves violations des droits de l’homme ». Selon  l’organisation c’est dans la volonté de «  contrer les groupes islamistes dans le centre du Mali » que ces violations ont été commises. Pour vérifier  ces accusations,  en plus des allégations faites par la MINUSMA, la CMA et la Plateforme, le ministre des droits de l’homme et de la reforme de l’Etat a effectué une visite dans la région le 23 septembre.

L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch dans un rapport publié le 08 septembre dernier, accuse l’armée malienne de violations de droits de l’homme dans la région de Mopti (Centre du pays). Le début de ces atteintes commises remonte à  fin 2016. Il s’agissait pour l’armée malienne  de contrecarrer la montée en puissance des groupes islamistes qui s’imposent en maitre des lieux dans certaines localités de la région. Elle aurait donc fait recours à des pratiques répressives allant « des meurtres extrajudiciaires, à des disparitions forcées, à des actes de torture et à des arrestations arbitraires à l’encontre d’hommes accusés de soutenir les groupes armés islamistes » souligne le rapport. En plus des ces actes dénoncés, l’organisation a documenté l’existence de trois fosses communes «  qui auraient contenues des cadavres d’au moins 14 hommes exécutés après avoir été détenus depuis décembre par des militaires maliens », accable le rapport, selon lequel les abus ont continué jusqu’en juillet 2017. Dans la même période, les groupes armés islamistes ont eux aussi commis dans la même zone du centre des  abus graves des droits de l’homme, « notamment des exécutions sommaires de civils et de militaires de l’armée malienne, des destructions d’écoles, et le recrutement et l’utilisation d’enfants comme soldats »  poursuit le rapport d’HWR.

Pour vérifier la veracité des accusations et les allégations formulées par la Minusma et les groupes armés signataires de l’Accord, le ministre des droits de l’homme et de la reforme de l’Etat a effectué  le 23 septembre, une tournée de trois jours dans la cinquième région. Sur place, le ministre Me Kassoum Tapo accompagné des membres de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et des autorités administratives de la région a visité les  prisons, les gendarmeries et  les commissariats de certaines localités comme Douentza, Hombori  Bandiagara, Sevaré pour ne citer que celles-ci. Le ministre s’était dit «  séduit » par la qualité de certains lieux de détention qui répondent à un certain confort. «  J’ai été personnellement séduit, en tant qu’avocat par cette gendarmerie ou j’ai vu une cellule pour la première fois avec une douche intérieur » se réjouissait-il. Il a eu l’assurance lors de cette mission que tous les présumés terroristes arrêtés sont au bout de 48 heures transférés à Bamako.

Revenu a Bamako, il a tenu hier mardi dans l’après midi au sein de son département une conférence de presse. Lors de cette rencontre il a  dénoncé le rapport de l’organisation des Droits de l’Homme,  qui selon lui manque de « sérieux » et de professionnalisme. Selon lui, ce document aurait dû être transmis aux autorités maliennes avant sa publication. Toute chose qui scandalise le ministre qui par la même occasion a balayé d’un revers de la main les accusations formulées à l’encontre des forces de défense et de sécurité malienne.

 

Le tronçon Menaka-Ansongo de nouveau fermé

Après avoir été une première fois fermé durant trois jours (août 2016) par le syndicat des transporteurs, le tronçon Ansongo-Menaka, est depuis hier 20 septembre, de nouveau fermé, et ce pour 15 jours cette fois-ci. Cette décision a été prise à la suite d’une réunion entre les organisations des sociétés civiles de Gao et d’Ansongo qui s’est tenue le 19 septembre.

Elle a été motivée par l’insécurité qui règne sur cette route où de nombreux braquages et attaques ont été enregistrés. C’est sur ce même tronçon, qu’un convoi de l’armée malienne s’est fait attaquer hier, faisant une victime, et un blessé du côté des Famas.« La route n’est pas du tout sécurisée, il y’a énormément d’attaques, et nous savons tous qui sont les responsables de ces attaques, mais personne n’ose les dénoncer, ils continuent donc à faire régner leurs lois » explique cet habitant de Menaka, qui a requis l’anonymat pour des questions de sécurité. « Ce sujet est assez délicat, pour les habitants d’ici (Menaka), beaucoup s’abstiennent d’intervenir dessus, parce qu’il y’a des risques de représailles » confie-t-il.

Ces derniers jours de nombreux véhicules ont été braqués et d’autres ont même été enlevés par des hommes armés. « Il y’a des forces qui règnent en maitre sur ce tronçon, et pour l’heure nul n’arrive à s’opposer à eux, nous vivons dans une insécurité totale » conclut notre source.

 

 

Hombori : le nouveau no man’s, no justice land ?

Il n’est caché de personne que le centre du Mali, principalement la région de Mopti, depuis 2015 est devenu un foyer actif de banditisme dont la violence est traduite par plusieurs attaques, prises d’otages, intimidation et assassinat de populations civiles, innocentes.

Plus de 52 attaques en deux ans

Les études sur la problématique de l’insécurité à laquelle fait face le Mali, dans son septentrion et sa région centre, dénombrent plus de 52 attaques depuis 2015, contre des militaires et populations civiles. Des attaques perpétrées par divers milices auto-proclamées, qui ont causé plusieurs morts. Le climat insécuritaire au Nord a fini par déteindre sur la quiétude en région de Mopti, réveiller des anciennes appréhensions intra et inter-communautaires, qui ont conduit à la propagation de menaces en bande armée. Sévaré et Douentza sont à ce jour l’épicentre des tensions, également les plus touchés par les trafics en tout genre.

Mopti dans le tourbillon djihadiste

Les attaques s’intensifient dans la zone du Delta intérieur du Mali, depuis près deux ans. Les créations actives de milices d’auto-défense se transformant en Katiba, prêtant aussitôt allégeance à des groupes djihadistes, démontrent la réalité du danger de ces zones, ce constat n’est que la partie immergée de l’iceberg, de la violence dont sont confrontés les habitants des zones de conflits. La tension est palpable, les menaces, prise d’otage font désormais partie du quotidien des habitants.

Doit-on se formaliser avec l’inacceptable ?

Des échos remontés de témoins directs découvrent l’impuissance de nos concitoyens de l’intérieur, les victimes et parents de victimes sans défense, rentrent en rupture pour la plupart dans leur foi en l’État et la justice, par conséquent se murent dans le fatalisme. La ceinture insécuritaire qui les tenaillent, angoisse les populations de la région de Mopti, pris en étau entre deux tourbillons : confrontation entre bandes armées d’un côté, combats de riposte entre les armées officielles engagées dans la lutte contre le terrorisme et les narco-djihadistes, de l’autre.

Est-il qu’en entendant, c’est une autre section du Mali qui est en train de perdre espoir en l’état malien. C’est le cas de cette famille de Hombori dont le chef, non moins chef religieux a été pris en otage. Les habitants du quartier (…) et ses ressortissants à Bamako, sont ébranlés et sous le choc, depuis quelques jours par l’annonce d’une éventuelle exécution de leur ami, frère, père et guide religieux. Cette commune du cercle de Douentza est en proie aux exactions d’hommes armés jouant aux caïds dans toute la zone. Ils sont identifiés des habitants que la peur muselle.

Une éventuelle exécution

Monsieur (…) aurait été exécuté il y a deux jours par ces ravisseurs. Pour l’heure la mort n’est pas constatée par le retour du corps. Ce qui nous convie à la prudence. La nature de sa prise d’otage ne saurait être définie ou difficilement définissable, tant les familles des victimes remettent leur sort entre les mains de Dieu, désarmées , face à des sans foi ni loi. De source familiale et traçable, Monsieur (…) a été fait otage au retour d’une mission maraboutique dans un village à quelques kilomètres de sa ville. Il était en compagnie de son chauffeur, lorsque des hommes surgissent de nulle part, extraie le chauffeur de la 4X4, et partent avec le bien et son propriétaire. Dans ce trafic humain, le mode opératoire reste idem à celui du rapt à Youwarou en avril 2017, sur la personne d’Amadou Ndjoum, agent de l’I.N.P.S toujours entre les mains de ses ravisseurs. Monsieur (…) à sa capture avait une conséquente somme d’argent sur lui. Le mobile demeurant le même, l’argent. L’échange d’otage leur fonds de commerce principal.

Dernièrement plusieurs attaques dans le cercle de Douentza

Les dernières attaques depuis 2016 recensées dans la localité de Hombori découvrent peu à peu comment la violence fait rage, s’installe dans cette ville. La dernière en date est l’attaque d’un poste de la douane et d’une brigade territoriale de la gendarmerie. Hombori est victime des soubresauts du conflit du Nord, qui se déplace vers l’épicentre du Mali depuis 2013. Cette ville de la région de Mopti, se rappelle au bon souvenir des touristes par l’authenticité de son rocher caméléon, dont les couleurs se ravivent au coucher du soleil. Aujourd’hui Hombori tremble de peur, ses femmes maltraitées par les bandits armés, ses enfants enlevés pour les utilisés contre les leurs, prise d’otage et disparition sont plus que tout le quotidien de cette commune du cercle de Douentza. Hombori la ville aux 25.527 âmes se trouve actuellement balafré par diverses attaques. Le sublime visage rayonnant est défiguré par la peur de ses habitants tant la nature des violences ne leur était pas une habitude.

Le Mont hombori le nostalgique dont le flan gaude découvre la poétique Main de Fatma (Garmi Tondo), pour laquelle plusieurs touristes à la découverte du Mali faisait le détour pour le massif imposant de 1153 mètres, ne sait plus sur quel pied danser. Hombori comme Sévaré sont des zones à sécuriser d’urgence. Ne nous conformons pas à l’habitude de la barbarie chaque innocent tombé est une perte regrettable pour le Mali.

La reprise des villes aux proies à l’insécurité est infailliblement un gage de reprise d’une santé économique. Puissions-nous un jour sortir de la spirale infernale !

 

Gao : Insécurité malgré le MOC

Depuis l’opérationnalisation des patrouilles mixtes, en février dernier, quatre véhicules du MOC ont été enlevés et plusieurs braquages ont eu lieu. La situation sécuritaire à Gao semble s’être dégradée et les soldats du MOC sont pointés du doigt par la population, qui déplore le manque de contrôle de ces hommes en armes, aux profils divers.

Qui nous protégera de ceux qui doivent nous protéger ? C’est en substance le questionnement d’une grande partie de la population de Gao, revenue de la belle image des patrouilles mixtes lancées en février dernier : FAMA, CMA et Plateforme, ensemble, dans leurs beaux uniformes, à bord de pick-ups flambants neufs, patrouillant dans les rues de Gao. Ce maillon essentiel de la mise en œuvre de l’accord a su monter contre lui, en quelques mois, nombre de détracteurs qui n’en comprennent plus vraiment le sens. « Ils devaient être ensemble pour sécuriser, mais ils ne s’entendent pas entre eux, ils braquent les gens, ils volent leurs propres véhicules puis disparaissent», déplore Moussa Boureima Yoro, coordinateur des mouvements de résistance civile de Gao.

À qui la faute ? La mise en place, après le deuxième vol d’un véhicule du MOC, d’une police militaire visant à ramener de l’ordre et d’un numéro vert destiné à la population pour les plaintes, n’auront pas réussi à endiguer les problèmes. « Effectivement, on ne peut pas tout nier », reconnaît le colonel Mahamane Boubou du camp MOC de Gao. « Mais il y a aussi des amalgames. Gao est plein de mouvements armés, des gens de tous les horizons venus pour constituer les bataillons mixtes. On rencontre des problèmes avec ces combattants qui ne sont pas du MOC mais qui sont armés dans la ville. Ils sont en quelque sorte hors périmètre. Ce sont eux qui font des incursions dans la ville », affirme-t-il. Pour beaucoup, la faute incomberait aussi à la mise en œuvre du MOC qui s’est faite à la hâte, sans prendre le temps de définir des critères importants d’incorporation de ces éléments. Pour Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord, toutes sortes de gens mal-intentionnés se trouvent au sein des mouvements armés et ont été transférés dans la MOC, un peu comme si le ver était dans le fruit. « il y a beaucoup de moudjahidines qui ont intégré les mouvements signataires sous le drapeau de la paix, mais qui ont d’autres idées derrière la tête. Ça menace la paix dans l’avenir si ces éléments sont ensuite intégrés dans l’armée ou la gendarmerie. Il faut revoir les choses, savoir qui sont ces combattants et d’où ils viennent », assure-t-il. À Gao, certains exigent que le camp du MOC soit délocalisé à l’extérieur de la ville, d’autres souhaitent que le mécanisme soit dissout. « On veut la paix c’est vrai, mais il faut quand même qu’il y ait des normes qui puisse garantir que cette paix sera ramenée », conclut Moussa Boureima Yoro.

Axe Sévaré – Gao : la route de l’insécurité 

Le voyage peut être un plaisir, il est aussi souvent une nécessité. Mais depuis la crise multiforme de 2012 jusqu’aujourd’hui, l’axe Sévaré – Gao sur la route nationale n°16 est surtout un passage à grand risque, et sur tous les plans.

Long de 573 km l’axe Sévaré-Gao, ouvert à la circulation en 1986, est plus que jamais dégradé. Avant même la crise de 2012, ce long tronçon aux millions de crevasses n’encourageait personne à l’emprunter. Ce ne sont pas les passagers qui diront le contraire, ni les compagnies de transport qui peinent à assurer la pérennité de leurs véhicules sur des routes extrêmement abîmées. Outre les questions de sécurité routière dues au mauvais état de la route, il se pose depuis la guerre au nord la question de la sécurité tout court, avec la multiplication des braquages, enlèvements de véhicules, et pire, la présence d’engins explosifs (mines) qui menacent chaque véhicule de transport en commun, comme particulier. Wassama Soumeïlou Maïga a quitté Gao il y a une semaine dans l’autobus de Bani Transport, l’une des rares compagnies qui continue de relier Bamako aux villes du nord du pays. « La route était vraiment mauvaise de Gao jusqu’à Konna », nous confie-t-il. « On avait fait des déviations avant de reprendre ce qui reste de la route », ajoute-t-il, l’air fatigué. Aujourd’hui les passagers voyagent la peur au ventre car à tout moment la mort peut surgir sans avertir. L’explosion d’une mine sur l’axe Gao – Gossi le 19 février 2017 sous un bus de Nour Transport, faisant 1 mort et 14 blessés, est encore vivace dans les esprits.

Sans fin L’impact sur les revenus économiques des populations du Nord et usagers est non négligeable, les compagnies ayant augmenté leurs tarifs pour pouvoir rester à flot. « La route est mauvaise, et cela pousse certaines compagnies à mettre, sur ce tronçon, des vieux cars » raconte Housseini Ag Yehia, un passager de la compagnie Tilemsi, qui vient de faire le trajet Gao – Bamako en plus de 72 heures. Au grand désarroi des passagers, dont nombreux sont ceux qui ont opté pour la voie aérienne. Avec les avions de la MINUSMA, « le calvaire c’est pour les autres ». C’est le sentiment d’Ahmed Mohamed, passager de SONEF. Comme tous les habitants et ressortissants des localités au-delà de la ligne médiane de Mopti – Konna, il attend désormais que les travaux maintes fois annoncés pour la réhabilitation de ce tronçon démarrent. Sauf que les conditions de sécurité actuelles hypothèquent fortement la réalisation du projet. Comme un serpent qui se mord la queue…

 

Insécurité : Une réalité quotidienne malienne

Pour ce seul dernier week-end, le pays a enregistré quatre attaques d’importance sur son sol, faisant des victimes humaines et des dégâts matériels dans différentes localités.

En effet, dans la nuit vendredi 24 au samedi 26 mars, un poste de sécurité de l’armée malienne à Almoustarat à 120 km de Gao a été attaqué par des hommes armés. Cette attaque a occasionné la mort de trois soldats maliens et quatre autres blessés du côté des forces de sécurité. Les assaillants non identifiés ont emporté un véhicule équipé, des armes et des munitions.

Ce même samedi 26 mars, en soirée, un poste situé dans la localité de Ouelessébougou à 80 km de la capitale malienne a aussi été attaqué. L’attaque perpétrée par des bandits armés non identifiés a enregistré la mort d’un douanier et un autre a été gravement blessé.

Dans le but déstabiliser le pays, depuis les événements de 2012, les attaques à mains armées prolifèrent au Mali. Comme à « Gao », dimanche 27 mars, où des passagers de la compagnie de car Sonef et de la compagnie Nour transport ont été dépouillés de leurs biens par deux individus armés. Au cours de cette opération un passager a été blessé par balle. Il a succombé à ses blessures à l’hôpital de Gao.

Le poste de la gendarmerie du carrefour de Djenné dans la région de Mopti a aussi essuyé une attaque dans la soirée du 26. Cette dernière attaque n’a occasionné aucune victime, mais les bandits ont incendié 6 motos appartenant à la gendarmerie.

Tandis que le pays fait face à une crise sécuritaire, se tient dans la capitale, la Conférence d’Entente Nationale, prévue pour durer une semaine, du 27 mars au 2 avril 2017 et dont les objectifs principaux sont de ramener la paix et la sécurité au Mali.

 

 

L’insécurité provoque des vagues de déplacés dans le Nord

Dans son dernier rapport, le bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a mis en lumière une hausse des déplacés dans les régions Nord du Mali. Cette migration forcée serait principalement dû à l’insécurité qui règne dans ces zones.

Selon le rapport, environ 2000 personnes se sont déplacées des régions Nord du pays à cause d’une sécurité toujours aussi précaire. Parmi elles, mille personnes ont quitté Anefif, dans la région de Kidal pour aller à Bourem dans la région de Gao, en raison de l’alerte de combats entre CMA et Plateforme dans la zone. Dans la région de Tombouctou, un conflit entre communautés touaregs a poussé plus de mille autres personnes à l’intérieur du cercle de Gourma Raous. Dans la région de Menaka, des conflits inter-communautaires ont également entraîné le déplacement de plusieurs ménages.

En tout il y aurait 36 690 personnes encore déplacées au Mali dont 24% sont des femmes et 56% des enfants. Par ailleurs, 134 817 Maliens seraient refugiés dans les pays limitrophes. « Les conséquences de la crise politico-sécuritaire qui sévit dans le pays depuis 2012 à entraver l’accès des populations aux services sociaux de base dans certaines zones. Les besoins humanitaires ont augmenté dans plusieurs secteurs, le nombre de personnes dans le besoin est estimé à 3,7 millions en 2017 » s’alarme Mbaranga Gasarabwe, coordinatrice des activités opérationnelles de l’OCHA. Ces déplacements entraînent des situations humanitaires très précaires dans ces zones. « En 2016 déjà, nous avions cherché à mobiliser 354 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires identifiés notamment dans les secteurs de la santé, de l’hygiène, de la sécurité alimentaire, de la protection…En 2017, 293 millions de dollars seront nécessaires pour mettre en œuvre la réponse humanitaire qui ciblera 1,36 millions de personnes sur un total de 3,7 millions dans le besoin » ajoute t-elle.

Le Nord n’est pas la seule zone d’insécurité du pays. Le Centre et même le Sud du pays se retrouve souvent impacté par des actes de violences. Il y a une semaine dans le cercle de Macina, des violences entre peuls et bambaras ont entraîné la mort de 21 personnes. « Nous ne pouvons plus vivre là-bas, nous allons retourner à Konna » déclarait alors Amadou Diallo, dignitaire peul qui vit à Macina. Selon le parti du PARENA, 49 personnes ont été assassinées dans les régions de Mopti et de Ségou durant les six premières semaines de l’année 2017. Un chiffre macabre que l’on peut prêter aux exactions commises par le prédicateur Amadou Kouffa et ses adeptes.

 

EUTM : quelle formation pour l’armée malienne ?

Le 23 mars 2016, le Conseil européen annonçait sa décision de prolonger jusqu’en 2018 la mission de l’EUTM. Le but de ce troisième mandat est de permettre à l’armée malienne de conquérir l’intégrité territoriale et vaincre la menace terroriste, selon Marc Levenberg du service des affaires publiques de la mission. 26 pays parmi lesquels des États de l’Union européenne contribuent au personnel et au financement de l’EUTM.

Formation en palier La formation prend en charge, dans un premier temps, les chefs militaires, pour leur permettre d’exercer leur autorité et renforcer « l’art du commandement, le sens des responsabilités ». Elle concerne des domaines tels que le droit des conflits armés, le leadership, le savoir-faire tactique et stratégique, ainsi que les méthodes de planification et les principes fondamentaux militaires. Au centre d’entrainement de Koulikoro, des stages sont organisés dans les domaines du tir de précision, du guidage aérien, de l’appui mortier et des opérations commandos. Selon la mission, il est prévu un stage de 12 semaines pour les futurs commandants de compagnie en gestion et évacuation des blessés, tir, tactique, demande d’appui feu. Des instructeurs sont aussi entraînés à la planification et à la conduite autonome d’une instruction de qualité au sein de leurs garnisons respectives. À cela viennent s’ajouter des modules de formation sur le respect des droits de l’Homme et du droit des conflits armés. « Du personnel qualifié délivre des cours sur les principes d’humanité, de distinction, de proportionnalité et de nécessité militaire », ajoute M. Levenberg. Selon lui, des formations sont également données sur la connaissance des procédures et des conduites à tenir en cas de capture, de transfert ou de traitement de prisonniers, la prise en compte des enfants, des personnes et des sites protégés, la lutte contre les violences sexuelles et la protection des femmes, la gestion des réfugiés et des personnes déplacées, les règles d’engagement et la légitime défense. Reste à savoir si ces formations ont une réelle utilité sur le terrain…