Liberté de la presse : 115eme place pour le Mali

 

 

Selon le dernier rapport de Reporters Sans Frontières (RSF) publié mercredi, Le Mali occupe la 115eme place dans le classement mondial 2018 de la liberté de presse. Même si le pays a gagné une place par rapport au classement précédent, il demeure toujours dans la zone rouge.

Tout en indiquant que les atteintes à l’encontre des journalistes ont diminué, RSF  affirme que la liberté de presse reste fragile au Mali. « Plus de quatre ans après l’assassinat des deux journalistes de RFI à Kidal, l’enquête peine à progresser. Depuis la crise de 2013, le nord du pays demeure une zone dangereuse et peu accessible. » Peut-on lire dans le rapport, qui met en avant la prise d’otage de journalistes de l’ORTM en 2014 par un groupe touareg et le meurtre d’un journaliste à Tombouctou en 2015.

A en croire RSF Les médias maliens sont soumis à des pressions officielles sur les questions traitant de la sécurité. « Toute critique de l’armée peut conduire à une arrestation et à une inculpation d’atteinte aux moeurs et de propos démobilisateurs de troupes » poursuit le rapport. La presse malienne jouit d’un grand pluralisme mais  elle souffre, selon le rapport, d’un manque cruel de moyens et peine à s’affranchir des diktats éditoriaux de ses promoteurs.

Par ailleurs RSF déplore l’existence des sujets qui restent tabous et en veut pour preuve les menaces contre deux journalistes d’investigation en juin 2017 pour « avoir révélé l’implication de trois hauts dignitaires de la Conférence épiscopale du Mali dans une affaire d’évasion fiscale. »

Le Mali, avec un score global de 36,15 en 2018 contre 38,27 en 2017 a légèrement progressé avec une différence de -2,12. En 2018, selon le rapport, aucun meurtre de journaliste n’a été enregistré dans le pays.

Pour Alexis Kalembry, Directeur de publication de «  Les Echos », « Juste une place, ce n’est pas trop fameux mais cela reste à saluer parce que depuis longtemps notre classement a baissé surtout à cause des exactions des groupes islamistes. ». A l’en croire, c’est  un bon signe que le Mali n’ait pas régressé même si le pays n’a pas retrouvé son niveau d’il ya cinq ans. De son coté, Youssouf Camara, rédacteur en chef adjoint de « L’indépendant » relativise aussi. « Ce classement n’est pas honorable pour notre pays, mais vu que nous sommes dans une situation de crise, il ya beaucoup de difficultés pour la presse. Le Mali mérite mieux que ça. » A-t-il indiqué.

Le classement mondial de la liberté de la presse concerne 180 pays. Cette année, La Norvège occupe la première place suivie de la Suède et des Pays Bas tandis que la Corée du nord demeure la lanterne rouge. Le Ghana (23eme), la Namibie (26eme) et l’Afrique du Sud (28eme) sont les trois premiers pays au niveau du continent africain.

 

Délit de presse au Mali : bientôt une loi pour sa dépénalisation

Organisée depuis trois ans par la Maison de la presse, la Journée internationale de la liberté de la presse est une occasion pour le monde de la presse malienne de discuter, se former, se documenter, s’entraider, fraterniser et surtout faire un état des lieux sans complaisance de la liberté de presse.

La journée internationale  de la liberté de la presse a été célébrée au Mali hier mercredi, à l’instar d’autres pays, avec comme thème cette année: « Devoirs et responsabilités du journaliste en période de crise ».

Lors de la célébration de cette journée dans la maison de la presse par  le ministre de l’Economie numérique et de la Communication Arouna Modibo Touré,  il y a une bonne nouvelle pour les journalistes. Le ministre a annoncé, des réformes qui aboutiront à la dépénalisation des délits de presse en République du Mali. « Aucun journaliste ne doit se retrouver en prison à cause de son opinion, par conséquent, aucun journaliste ne sera poursuivi pour délit de presse en république du Mali”, a-t-il déclaré.». Selon lui le sens des responsabilités et l’accompagnement des journalistes ont permis à  notre pays de sortir progressivement de la crise née suite aux événements de 2012. « Vos commentaires, vos critiques, vos analyses ont permis de faire comprendre et accepter par  nombre de nos concitoyens le sens et la portée de l’accord pour la paix et la réconciliation pour le Mali issu du processus d’Alger signé le 15 mai et le 20 juin 2015 ».  Le ministre à encouragé les journalistes en leur disant : «  Vous avez ainsi joué votre rôle d’éveilleur de conscience, vous avez su anticiper sur la crise, Vous avez su prévenir la haine, l’exclusion, deux phénomènes qui détruisent la démocratie, les liens ancestraux et les rapports sociaux. Il a également souligné la présence de nombreux medias de 1991 à nos jours. “Nous avons aujourd’hui plus de 120 titres de journaux, une vingtaine de presse en ligne, plus de 400 radios et une vingtaine de télévisions libres en attente d’être autorisées par la HAC”.

Le ministre a invité les patrons de presse à balayer devant leur porte pour que la carte de presse ne soit plus obtenue que par les seuls journalistes, démontrant ainsi  leur foi dans leur métier.

La presse malienne : en déclin ou en évolution ?

A l’occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse le journaldumali.com vous offre les réactions de journalistes de vos médias nationaux sur le thème suivant : la presse malienne, évolution ou déclin?

Ramata Diaouré,  journaliste et membre du bureau de la Maison de la presse

Vu la floraison d‘organes, on ne peut vraiment pas dire que la presse malienne soit en déclin. Mais on peut légitimement s’interroger sur cette évolution, qui ne me semble pas être des plus favorables. Malgré un déficit de professionnalisation de nos journalistes et de graves manquements en termes d’éthique, de déontologie et même de qualité d’écriture en français, chacun veut devenir Directeur de Publication. Les « bailleurs de fonds » étant nombreux, opérateurs économiques, politiciens ou tout simplement riches avides de gloire, les opportunités pour créer un titre ne manquent pas et elles sont largement saisies. Le Mali a donc une presse en évolution, mais rarement animée par de vrais journalistes, consciencieux et respectueux des règles de leur art. Le combat à mener est de ne plus avoir quelque 130 rédactions qui ne servent pas notre métier, mais plutôt une trentaine qui « mouillent vraiment le maillot ».

Boubacar Sangaré, journaliste à Sahelien.com

C’est plus une évolution à mon sens qu’un déclin, même si mon avis il reste encore beaucoup à faire: salaire bas pour les journalistes, absence de contrat et pendant ce temps ces journalistes continuent à recevoir des leçons sur les vertus de la patience de la part des directeurs de publication qui vivent pourtant bien moins dans l’inquiétude de l’avenir dans laquelle se débattent leurs employés. Pour faire simple, le journaliste malien ne voit même pas la queue du diable à plus forte raison la tirer. Dans la plupart des rédactions, il n’y a que trois à quatre journalistes qui sont salariés et les autres vivent du nom du journal, c’est à dire « le journalisme alimentaire ». C’est déplorable à dire mais c’est comme ça. Le chemin à faire reste long parce que les gens crèvent de faim dans ce métier.

 

Aliou Hasseye, journaliste à Maliactu.net

Les difficultés auxquelles sont confrontés les journalistes et les entreprises médiatiques peuvent apparaître comme des freins à l’évolution de la presse. Cependant, elles sont à relativiser dans le contexte particulier de notre pays où malgré l’insécurité et la situation économique, la presse tente de maintenir une certaine dynamique qui est à saluer et encourager. De ces efforts constants des acteurs du domaine, il ressort une véritable évolution de la presse malienne qui gagne en diversité. Cette évolution s’apprécie d’abord au niveau de la presse écrite. Depuis les mouvements démocratiques des années 90, ce milieu ne cesse d’observer une réelle ascension avec la multiplication des titres. Nous avons ensuite l’émergence d’une nouvelle presse qui est unanimement présentée comme celle de l’avenir. Il s’agit des sites internet d’information. Le nombre de journaux en ligne est en pleine croissance. Il y a enfin la presse audiovisuelle, certainement le secteur qui enregistre la plus fulgurante mutation. Après le boom des radios privées, la télévision nationale n’est plus la première source d’information télévisuelle. Ce tableau reluisant ne doit cependant pas occulter les difficultés de la presse au rang desquelles le sous-financement du secteur figure en bonne place. Par ailleurs, la diversité des médias doit s’accompagner d’une amélioration de la qualité des contenus. Il faut noter à ce sujet que la haute autorité de communication (HAC) devrait participer à instaurer un plus grand respect des règles d’éthique et de déontologie. Un autre motif d’optimisme sur l’avenir de la presse malienne.

Adama Diarra, journaliste à l’Essor

Difficile de répondre à cette question fermée. Cependant faisons la part des choses. En termes de titres de publication, on peut dire, sans risque de se tromper que la presse a réellement évolué. Même si le contenu laisse à désirer très souvent. Par ailleurs, il faut reconnaître qu’il y a de moins en moins de rigueur dans le traitement de l’information. Souvent on se contente des infos publiée sur les réseaux sociaux sans recoupement au préalable. Sur ce plan, il y a déclin. Et c’est un fait!