Justice : Chouala Bayaya Haidara placé sous mandat de dépôt sera jugé le 12 mars 2024

Le leader religieux Chouala Bayaya Haidara a été finalement placé sous mandat de dépôt et transféré à la Maison centrale d’arrêt de Bamako ce 20 décembre 2023, après avoir été présenté mardi au procureur Adama Coulibaly du pôle spécialisé de lutte contre la cybercriminalité du tribunal de la commune VI.  Alors que ses fidèles étaient nombreux devant la Brigade d’investigation judiciaire (BIJ), il a été conduit discrètement à la MCA ce matin aux environs de 11heures 30 minutes. Il est accusé d’atteinte au crédit de l’Etat, et de la diffusion de propos mensongers, de nature à troubler l’ordre public. Alors que son jugement est fixé au 12 mars 2024, l’appel du 20 février a appelé à sa libération immédiate. La CMAS de l’imam Mahmoud Dicko lui a également apporté son soutien. Le haut conseil islamique dont il est membre a convoqué une réunion extraordinaire mercredi dont les conclusions ne sont pas encore connues. Dans une récente vidéo, il a dénonce ce qu’il qualifie de détention arbitraire notamment concernant Ras Bath, Rose Doumbia dit « Vie chère » mais également Madame Bouare Fily Sissoko. 

Projet de code pénal : nouveau visage de la justice ?

Débuté en 2017 par le ministère de la Justice et des droits de l’Homme, le processus de relecture du code pénal et du code de procédure pénale a franchi une nouvelle étape. Deux projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale ont été adoptés par le Conseil des ministres le 11 octobre 2023. Deux textes qui ambitionnent de corriger les lacunes en la matière et d’améliorer la distribution du service public de la justice. En attendant leur validation, ces textes comportent des innovations qui, espèrent les acteurs, contribueront à mettre en phase les textes et la réalité.

Le code pénal et le code de procédure pénale en vigueur datent de 2001. Des textes qui après plus de 20 ans d’application ont montré leurs limites, face à l’évolution de la situation socio-économique. Ce qui justifie, selon les initiateurs, la nécessité d’une mise à jour pour permettre aux praticiens d’avoir des « instruments juridiques pertinents », capables de lutter efficacement contre la criminalité sous toutes ses formes. L’issue du processus vise à obtenir des codes « consensuels, modernes dont l’application contribuera non seulement à garantir la bonne gouvernance, la stabilité et la paix, mais aussi à restaurer la confiance des justiciables en la justice ».

Des innovations majeures

Désormais le code pénal regroupera toutes les dispositions pénales contenues dans des textes épars et concernant divers domaines. Le nouveau projet de code pénal comprend ainsi 702 articles contre 328 dans le code en vigueur. Selon le ministère de la Justice, il prend en compte la responsabilité pénale des personnes morales, la mise en danger de la vie d’autrui, la rétention des notes en milieu scolaire et universitaire, les violences basées sur le genre (VBG, harcèlement sexuel) les pratiques de l’esclavage par ascendance, la question des mineurs face au terrorisme, la définition et la répression de la haute trahison, le délit d’apparence, le financement occulte des partis politiques, notamment.

Pour les acteurs de la justice, le code introduit aussi la numérotation analytique qui permet à ces derniers de garder des repères solides dans l’exploitation du document. Le projet de code qui regroupe l’ensemble des textes pénaux rend plus facile la recherche des instruments juridiques en vigueur et éparpillés dans des documents distincts.

En ce qui concerne le projet de code de procédure pénale, il prévoit notamment, le relèvement des délais de prescription, le renforcement du rôle du Ministère public, la clarification des règles de garde à vue, une meilleure réglementation des conditions de plainte avec constitution de partie civile, l’adoption du référé-liberté pour combattre les détentions injustifiées, l’introduction formelle des techniques d’enquêtes spéciales, le double degré de juridiction en matière criminelle, la création des chambres criminelles permanentes au sein des tribunaux de grande instance avec la suppression des cours d’assises.

Le projet de code de procédure pénale comporte 1371 articles contre 634 dans le code actuel. L’une des innovations en la matière, souligne le ministère est l’incorporation au texte proposé de l’ensemble des textes déjà modifiés ou nouvellement adoptés (Pôle national économique et financier, l’agence des gestions des avoirs gelés, saisis ou confisqués, la loi portant répression de la cybercriminalité… L’autre avancée concerne l’internalisation de plusieurs dispositions résultant d’instruments juridiques communautaires, régionaux ou internationaux auxquels le Mali a souscrit (OHADA, UEMOA, Union africaine, CICR, Conventions diverses du système des Nations Unies). Des partenaires ont « poussé » pour cette modernisation des textes de la justice voient le jour. L’USAID à travers Mali Justice Project qui a pris fin en février dernier a pendant 7 années appuyé le ministère de la Justice dans le processus.

Grandes attentes

Ce processus de modernisation et d’adaptation à un nouveau contexte, répond à un besoin pressant et récurrent des acteurs de la justice. La « loi pénale étant d’interprétation stricte », Chaque infraction doit être précisément prévue ainsi que les peines encourues, ce qui constitue un facteur de garantie pour une justice plus équitable. La relecture ainsi entreprise s’inscrit dans un vaste chantier de réformes du secteur de la justice entrepris depuis plusieurs années. La démarche qui s’est voulue inclusive vise le double objectif de rendre nos textes conformes à la réalité mais également d’édicter des règles en phase avec nos valeurs profondément ancrées. C’est pourquoi, pour certains acteurs, il est urgent d’entamer un processus de révision afin de sortir du « mimétisme » et de la reproduction de modèles quels qu’ils soient. Un travail de refondation indispensable qui doit aller au-delà d’une relecture de textes, selon Adama Samassékou, président du comité d’experts pour l’élaboration du programme national d’éducation aux valeurs. Pour lui, ce processus doit constituer une phase d’une transition plus longue qui permettra à la suite d’une réflexion bien menée de mettre à l’endroit en accordant à nos pratiques du droit leur place afin d’aboutir à une révision en profondeur.

L’introduction de dispositions spécifiques prévoyant et condamnant « l’esclavage par ascendance » est une « bonne chose » parce qu’il faut effectivement condamner ce genre de pratique qui ne sont pas acceptables dans une société démocratique, relevait M. Nouhoum Tapily, ancien président de la Cour suprême, lors de l’atelier de validation en août 2022. Il est vrai que le monde évolue, mais « nous avons nos réalités sociétales qui font que certains comportements qui peuvent être tolérés ailleurs ne pourraient pas l’être à l’état actuel dans notre pays ». Ainsi l’homosexualité, même s’il n’est pas nommé et « certains actes qui s’apparentent à ce genre de pratiques » ne sont pas tolérés dans notre société, seront érigés en infraction.

Implications

Depuis l’indépendance, les textes organisant la répression des infractions n’ont connu qu’une relecture, celle de 2001. Or, depuis, de nouvelles infractions et un nouveau contexte ont justifié la nécessité d’un nouveau dispositif. Parmi les mesures annoncées, celles qui concernent la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, du blanchiment du produit de la corruption, du recel du produit de la corruption, entre autres constituent des axes majeurs pour la prise en compte de l’efficacité dans la lutte contre la corruption. En effet, plusieurs acteurs ont souligné les limites des poursuites et des condamnations à des peines de prisons si elles ne sont pas accompagnées de mesures coercitives pouvant permettre de récupérer les produits de ce qui aurait été déterminé.

Une préoccupation prise en compte par les nouvelles dispositions pour rendre plus efficients les résultats de la lutte.

Aussi la « simplification » dans la poursuite, la création de pôle spécialisé pourraient offrir plus de célérité dans les traitements et contribuer à diminuer le taux de détenus en attente de jugement. Un état de fait qui crée un véritable fossé entre les justiciables et ceux qui rendent la justice et augmentent la défiance à l’égard de la justice.

Une fois qu’elles seront adoptées la mise en œuvre de ces dispositions constituera le prochain défi que devront relever les autorités en charge du processus. Selon plusieurs acteurs, outre les moyens qui seront indispensables pour mettre en place les changements de dispositif, c’est l’appropriation des futurs textes qui doit être la priorité. Il faut effectuer des démarches auprès de toutes les forces vives du pays afin qu’elles s’approprient le document, préconise M. Tapily. Essentiel pour l’inclusivité mais aussi afin que les citoyens comprennent la loi qui leur sera appliquée. Parce que plus la loi est connue, plus les gens y adhèrent et plus elle devient efficace, soutient-il. Si les nouveautés dans ces textes sont appréciées, plusieurs observateurs attendent de voir à l’application avant de juger. Car, selon eux, la distribution de la justice par certains magistrats est liée aux goûts des princes du jour. Les deux projets de loi seront soumis au vote du CNT, mais aucune date n’est encore fixée.

Repères :

15 au 20 août 2022 : atelier national de validation

Projet de  Code pénal : 702 articles contre 328 dans le code en vigueur

Projet de  Code de procédure pénale : 1371 articles contre 634 dans le code actuel

Magistrature : Mohamed chérif Koné radié

Lors d’une session disciplinaire tenue hier mardi 29 août, le Conseil Supérieur de la Magistrature a tranché en prenant la décision de radier Mohamed Cherif Koné de ses fonctions de magistrat. Le récit avec Soumaïla Fané

C’est une nouvelle goutte dans l’océan de tension qui oppose le magistrat Mohamed Chérif Koné aux autorités de la transition. Le 20 avril, le Ministre de la Justice, Mamadou Kassogué, a a saisi le conseil supérieur de la magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire0 contre des magistrats qui s’adonnent à des sorties médiatiques intempestives contraire à leur statut. Dans le même temps, il a également ordonné au Procureur général près la Cour d’appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les magistrats Cheick Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra pour opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir. Le président de la transition a saisi le Conseil Supérieur de la Magistrature pour prendre des mesures appropriées. Réunie donc en session disciplinaire hier mardi 29 août, l’instance a tranché en prenant la décision de radier Mohamed Cherif Koné de ses fonctions de magistrat, avec droit à la pension. Cette sanction intervient alors que la magistrat a fait valoir ses droits à la retraite pour le 31 décembre prochain. Son avocat Me Kassoum Tapo a dénoncé une forfaiture.

Pour rappel, Mohamed Cherif Koné, en plus de ses fonctions de magistrat, occupait le poste de Président de l’Association Malienne des Procureurs et Poursuivants. Les démêlées de ce magistrat de grade exceptionnel ont débuté lorsque, dans une lettre signée au nom de cette association dont il est le premier responsable, il dénonce le caractère illégal et inique des procédures contre certains anciens ministres du régime IBK. En réaction, par un décret présidentiel du 9 Septembre 2021, Mohamed Cherif Koné est limogé de son poste de 1er Avocat Général près la Cour Suprême, à peine six mois après sa nomination. Ses prises de position régulières à travers de longs communiqués dénonçant certaines actions des autorités de la transition l’ont mené à un bras de fer avec ces dernières. Il s’est aussi présenté comme un des responsables de l’Appel du 20 février qui fait office d’opposition à la transition et qui a notamment essayé de faire barrage au scrutin référendaire. Selon des sources, son collègue Dramane Diarra, est également appelé à comparaître devant cette instance.

 

Niger : les militaires envisagent de poursuivre Mohamed Bazoum pour haute trahison

Les militaires du CNSP ont annoncé dimanche leur intention de « poursuivre » le président renversé Mohamed Bazoum pour « haute trahison » et « atteinte à la sûreté » du pays. « Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour » les « preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président déchu et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger », a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, un des membres du CNSP, dans un communiqué lu à la télévision nationale. Le gouvernement appuie ses accusations sur des « échanges » de Mohamed Bazoum avec des « nationaux », des « chefs d’Etat étrangers », et des « responsables d’organisations internationales ». À propos du président déchu, le CNSP a appelé à « s’interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu’il est séquestré, alors même que les militaires n’ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu’il dispose encore de tous les moyens de communication ». Mohamed Bazoum, retenu dans sa résidence présidentielle depuis le 26 juillet – jour du coup d’Etat avec son fils et sa femme, avait déclaré dans plusieurs médias être un « otage », puis privé d’électricité et contraint de ne manger que du riz et des pâtes. Samedi, le président déchu a reçu la visite de son médecin pour une consultation médicale. Ce dernier a par la suite déclaré que les conditions de détention de Bazoum étaient inhumaines.

Ces déclarations surviennent après l’accueil par le CNSP d’une délégation de chefs religieux nigerians musulmans samedi, menée avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu, également à la tête de la CEDEAO, pour « apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire » de l’organisation.

Selon un communiqué de la médiation religieuse nigériane, le chef du régime militaire, le général Abdourahamane Tiani, avait « déclaré que sa porte était ouverte pour explorer la voie de la diplomatie et de la paix afin de résoudre » la crise.

Lutte contre la corruption : Issiaka Sidibé et plusieurs ex-collaborateurs placés sous mandat de dépôt

Issiaka Sidibé, président de l’assemblée nationale de 2013 à 2020 et plusieurs de ses proches collaborateurs de l’époque ont été placés sous mandat de dépôt mercredi 9 août par le pôle économique et financier de Bamako. En plus de Sidibé, Mamoutou Touré dit Bavieux actuel président de la fédération malienne de football et candidat à un nouveau mandat a également été écroué. Il a été directeur administratif et financier à l’assemblée jusqu’à son élection à la tête de la FEMAFOOT en août 2019. En outre de ces deux personnalités, trois autres personnes ont été placés sous mandat de dépôt et conduit à la maison centrale d’arrêt de Bamako. Il s’agit de Anfa Kalifa ex-contrôleur financier à l’Assemblée nationale, Demba Traoré qui y était comptable et de Modibo Sidibé, secrétaire général à l’assemblée nationale qui occupe la même fonction au sein du conseil national de transition subissent. Ils sont tous poursuivis pour les mêmes causes, atteintes aux biens publics sur un fond s’élevant à 17 milliards de Fcfa dont 7 milliards d’indemnités irrégulières et 10 milliards non justifiés.  Un autre nom est cité dans l’affaire. Mamadou Diarrassouba membre du CNT et ancien 1er questeur de l’assemblée nationale. Bénéficiant d’une immunité parlementaire, la justice aurait selon plusieurs informations requis la levée de cette immunité. Mais, elle n’est pas encore effective. Le ministre de la Justice Mamadou Kassogué avait promis le 20 juillet dernier que le procureur du pôle économique s’exprimerait bientôt sur le dossier.

Ras Bath : le chroniqueur porte plainte contre le procureur Idrissa Touré

En détention provisoire à la prison centrale de Bamako, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath porte plainte auprès du Procureur général près de la Cour d’Appel de Bamako contre le Procureur de la commune IV, Idrissa Hamidou Touré, en protestation de son arrestation.

La plainte de Ras Bath contre, ldrissa Hamidou Touré, Procureur de la République du tribunal de grande instance de la commune IV et toutes autres personnes que l’enquête découvrira date du 29 mai dernier.  Il accuse le Procureur de la commune IV de «forfaiture, de simulation d’infraction, arrestation illégale et séquestration ». Le chroniqueur et ses conseillers protestent contre les chefs d’accusations que le procureur de la commune IV a retenu contre lui.

Le plaignant estime que le procureur s’est servi de sa fonction de procureur pour l’arrêter de façon illégale pour une infraction qu’il n’a jamais commise.  « Ce qui rend mon arrestation illégale et transforme ma détention en séquestration, faits prévus et réprimés par l’article 237 du Code Pénal », souligne Ras Bath.  Tout en protestant contre la « simulation d’infraction » utilisée pour l’arrêter.

Pour, l’Avocat, Me Mahamadou Camara, cette plainte pose un problème de fond. Car ayant un conseil d’avocats pour sa défense, la plainte est signée de lui. Alors que le plaignant est déjà sous le coup d’un mandat de dépôt, avec des faits bien définis. Selon Me Camara, en accusant le Procureur des mêmes faits qui lui sont reprochés, Mohamed Bathily, excelle plus dans la communication, afin d’attirer l’opinion nationale et internationale sur son incarcération.

Me Camara rappele qu’il sera difficile que cette plainte aboutisse, pour la simple raison qu’un procureur dans l’exercice de sa fonction ne peut faire l’objet de poursuite judiciaire.

Pour rappel, le 11 mars dernier,Ras Bath déclarait lors de la troisième conférence nationale du parti ASMA-CFP que l’ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, a été assassiné. Ces propos lui ont valu d’être interpellé par le procureur de la République de la Commune IV le 13 mars 2023, puis placé sous mandat de dépôt pour « simulation d’infraction ». Après son audition, le mercredi 29 mars dernier, il est également poursuivi pour « association de malfaiteurs, atteinte au crédit de l’Etat pris dans sa gouvernance judiciaire et politique ». Des poursuites passibles d’une peine allant à une dizaine d’années d’emprisonnement ferme.

Magistrats en « conflit » : Qui sont-ils ?

Ils sont tous magistrats mais ne s’accordent plus depuis quelques semaines sur  le fonctionnement de la Justice. Portrait de quatre « protagonistes » qui se font la « guerre ».

Mamadou Kassogué

De ses deux années (2019-2021) comme Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III en charge du Pôle économique à sa nomination au ministère de la Justice et des droits de l’Homme, Mamadou Kassogué, 49 ans, s’est forgé une réputation de « magistrat incorruptible ». Membre du Syndicat autonome de la magistrature (SAM), il se fait un nom en instruisant les dossiers de personnalités réputées intouchables. À son tableau de chasse, le maire de Bamako Adama Sangaré et Bakary Togola. Mais son image s’effrite lorsqu’en décembre 2020 il ouvre une procédure contre Ras Bath, Vital Diop (ancien DG PMU) et Boubou Cissé, entre autres, pour atteinte à la sûreté de l’État. Beaucoup dénoncent un dossier vide et la chambre d’accusation de la Cour d’appel annule les poursuites en avril 2021. Trois mois plus tard, Kassogué est nommé ministre de la Justice.

 

Idrissa Hamidou Touré

À 38 ans, le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune IV est le plus connu du Mali et le plus craint. Pour en arriver là, le magistrat a utilisé une méthode éprouvée, celle des dossiers médiatisés. Diaba Sora, Gaspi, Ras Bath, Issa Kaou N’Djim, pour ne citer que ceux-là, en ont fait les frais. Avant de devenir Procureur, Idrissa Hamidou Touré, dont le modèle est le Français Éric de Montgolfier, connu pour avoir fait trembler des hommes puissants, a été pendant 4 ans Substitut. Décrit comme sanguin, il a souvent eu maille à partir avec d’autres acteurs du milieu. En 2014, alors Substitut, il a été suspendu pour raisons disciplinaires. Une suspension qu’il juge « injuste » et « illégale » et qui a créé un différend entre lui et Me Mohamed Aly Bathily, ministre de la Justice à l’époque.

Cheick Mohamed Chérif Koné

C’est le « magistrat rebelle ». S’il y a un trait qui le caractérise, c’est son attitude « guerrière ». Cheick Mohamed Chérif Koné, 64 ans, n’a pas froid aux yeux. Magistrat chevronné, il était jusqu’en septembre 2021 Premier Avocat à la Cour suprême du Mali. Limogé après sa dénonciation de la procédure d’arrestation de l’ancien Premier ministre feu Soumeylou Boubeye Maiga, Cheik Mohamed Chérif Koné s’est depuis lors radicalisé contre les autorités de la Transition. En février 2023, il prend la tête de la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février dont l’objectif est l’abandon du projet de nouvelle Constitution et le respect du délai de la Transition. Il est Président de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA), créée en 2018, et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP), lancée en 2014. Il a également été Président du SAM avant d’être désavoué en 2017 par ses pairs.

Dramane Diarra

Proche compagnon de Cheick Mohamed Chérif Koné, Dramane Diarra est également membre de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP). Il est aussi le Rapporteur général de la Coordination des organisations de l’Appel du 20 février. Ancien Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune IV de Bamako, Dramane Diarra, 50 ans, est aujourd’hui à la Direction nationale des Affaires judiciaires et du Sceau. Moins présent que Chérif Koné, il n’en est pas moins aussi virulent. Il dénonce régulièrement ce qu’il considère comme une collusion entre l’Exécutif et des acteurs importants de l’appareil judiciaire, ainsi que « la banalité et la légèreté avec lesquelles le Mali est administré ».

Justice : quand les magistrats se déchirent

Depuis quelques semaines le torchon brûle entre différents acteurs de la Justice. Des magistrats et avocats se font la « guerre » par médias interposés et sur les réseaux sociaux, portant un coup à l’image de l’appareil judiciaire du pays, déjà écorné par certains maux qui le minent depuis toujours.

Le communiqué du ministre de la Justice et des droits de l’Homme lu à la télévision nationale le 20 avril 2023 sonne comme un poing tapé sur la table. Après des semaines de « sorties médiatiques intempestives » de certains magistrats et avocats, « contraires à leur statut et jurant d’avec les règles élémentaires de déontologie », Mamadou Kassogué est visiblement passé à la « vitesse supérieure ».

Il a saisi le Conseil supérieur de la Magistrature pour l’ouverture d’une enquête disciplinaire et a également ordonné au Procureur général près la Cour d’appel de Bamako d’ouvrir une enquête judiciaire contre les magistrats Cheick Chérif Mohamed Koné et Dramane Diarra pour « opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir ».

Le « clash » continue

Malgré cette annonce d’ouverture d’enquêtes, les « ardeurs » ne faiblissent pas. Les magistrats susmentionnés, Cheick Mohamed Chérif Koné, Président de la Référence syndicale des magistrats (REFSYMA) et de l’Association malienne des Procureurs et poursuivants (AMPP) et Dramane Diarra, magistrat en service à la Direction des Affaires judiciaires et du Sceau et également membre des deux organisations sus-indiquées, n’y sont pas allés de main morte, en réponse au ministre de la Justice et des droits de l’Homme.

« Face à la vaste campagne d’intimidation et de manipulation de l’opinion en cours autour de ce communiqué, faisant état des instructions en vue de l’ouverture conjointe de procédures disciplinaires et d’enquêtes judiciaires, l’AMPP et la REFSYMA, convaincues qu’aucun de leurs dirigeants n’a transgressé ni une disposition pénale ni une règle d’éthique ou de déontologie judiciaire, encore moins le devoir de réserve du magistrat dans la situation d’espèce, n’entendent pas se plier aux excès d’un ministre très partial ayant montré ses limites, refusent de se laisser intimider dans l’exercice légal de leur liberté d’expression, d’association et de réunion garantie par la Constitution (…) », a réagi Cheick Mohamed Chérif  Koné dans un communiqué publié le 21 avril.

À en croire Dramana Diarra, qui a également personnellement réagi dans la foulée, en dehors de la réponse de l’AMPP et du REFSYMA, qu’il assure l’engager, la mission d’enquête administrative que le ministre Mamadou Kassogué a commanditée auprès de l’Inspection des services judiciaires sur des faits disciplinaires relève de la compétence du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) et non de l’inspection, donc « illégale ». « Nous déplorons la confusion de genres dans laquelle vous excellez depuis votre nomination comme ministre chargé de la Justice », a-t-il martelé au chef du département.

Par ailleurs, pour l’ancien Premier Avocat général à la Cour suprême du Mali, la sortie du ministre remet en cause « de façon discriminatoire » leur exercice légal de la liberté d’expression, d’opinion, d’association et de réunion du seul fait de la non conformité de leur vision avec le « choix des autorités de la Transition dite de rectification » de se mettre aux « antipodes des principes démocratiques et des valeurs républicaines, par la terreur et la psychose ».

Le ministre Kassogué signalait dans sa note que la participation active des magistrats à un groupement politique (Appel du 20 février, NDLR), même avec la couverture syndicale, n’était pas conforme à l’éthique et à la déontologie de cette profession, « comme spécifiés notamment par les articles 19 et 20 du Code de déontologie, 71 de la loi No 02-054 du 16 septembre 2002 portant statut de la Magistrature ». Un « deux poids, deux mesures » est aussi reproché au ministre de la Justice, qui n’a pas cité le Procureur Idrissa Touré dans son communiqué pour les sorties dans les médias.

Vieille querelle

Pour comprendre l’animosité entre les protagonistes, il faut remonter six ans en arrière. Le 9 janvier 2017, les deux syndicats des magistrats, le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) déclenchent une grève. Ils réclament entre autres une augmentation des salaires et la relecture du statut de la Magistrature. La grève paralysera plus d’un mois la justice malienne. Mais, le 6 février 2017, Cheick Mohamed Chérif Koné, alors Président du SAM, se rend à l’ORTM pour lire une déclaration signifiant la fin de la grève. Rapidement, ses camarades contestent et traitent Koné et Diarra, également membre du SAM, de traitres. L’actuel ministre de la Justice était aussi à ce moment-là un membre influent du SAM. La pilule de cette « trahison » passe toujours mal auprès « du ministre, qui a du mal à se débarrasser de son costume de syndicaliste » confie un analyste qui a requis l’anonymat. Désavoués, Koné et Diarra plient bagages et fondent une année plus tard la Référence syndicale des Magistrats, avec Chérif Koné comme Président. À l’époque, le Procureur Touré, encore peu connu, appelle les différents acteurs à faire la paix pour le bien de la « Justice ». Mais un nouvel épisode va les opposer. En juin 2021, Mamadou Kassogué est nommé ministre de la Justice. Deux mois plus tard, le Procureur de la Cour suprême relance la procédure contre d’anciens dignitaires du régime IBK, notamment l’ex Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, dans les affaires d’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires. Chérif Koné, alors Avocat général à la Cour suprême, s’y oppose rapidement et dénonce une forfaiture. Selon lui, le dossier doit être instruit par la Haute cour de Justice. Le SAM et le SYLIMA désavouent la démarche de Koné et se rangent du côté du Procureur Timbo. Le 8 septembre, le Président de la Transition abroge le décret de nomination de Koné. Loin de s’en laisser conter, celui-ci multiplie les communiqués et attaque frontalement les autorités. Il se fait une image d’insoumis dans les médias alors que les voix discordantes sont rares. Les deux magistrats, mais pas que, dénoncent également l’ordonnance prorogeant l’âge de départ à la retraite de 65 à 68 ans pour les magistrats occupant les fonctions de Président et de Procureur général de la Cour suprême. Selon Diarra et Koné, cela ne sert qu’à maintenir des « amis » à ces postes et la mainmise de l’Exécutif sur le Judiciaire. Au plus sommet de l’État, le malaise s’installe et, selon une source bien introduite, le ministre Kassogué est sous pression pour trouver une solution aux récalcitrants.

Bras de fer à rebondissements

Le 30 mars 2023, l’Inspecteur en chef des services judiciaires, Moussa Aly Yattara, invite, à la demande du ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Dramane Diarra à se présenter à son service dans le cadre d’une enquête administrative. Ce dernier refuse, expliquant dans une longue note en réponse, le jour suivant, les missions assignées à l’Inspection, précisant que ce service judiciaire n’était pas l’inspection des magistrats ou des agents des services de la Justice.

Le 4 avril, il déclare dans une vidéo que le Procureur Idrissa Hamidou Touré était lui aussi visé par plusieurs plaintes mais n’avait jamais été invité à se présenter devant l’Inspection des services judiciaires. Le jour suivant, le Procureur de la Commune IV rassemble quelques médias pour apporter un démenti aux propos du magistrat Dramane Diarra, accusant celui qui l’avait précédé comme Procureur de la Commune IV de jalousie à son égard. Le Procureur plus le plus connu du Mali, et aussi le plus craint, a mis en garde contre la perte de crédibilité de l’Inspection des affaires judiciaires si jamais ce dernier ne répondait pas à l’invitation de l’Inspecteur en Chef.

« Si Dramane Diarra ne se rend pas à l’invitation de l’Inspection, c’est fini pour ce service, parce que plus personne ne s’y rendra, en tout cas pas mes agents », prévient-il au cours d’une longue intervention durant laquelle il se range derrière le ministre de la Justice. « Au jour d’aujourd’hui, Mamadou Kassogué est le patron de l’administration judiciaire. Que cela plaise ou pas, c’est comme cela ».

Comme Dramane Diarra, Cheick Mohamed Chérif Koné a également décliné l’invitation du même service le 6 avril, mentionnant dans un communiqué que son interpellation était en lien avec son rôle de Coordinateur général de la Plateforme des organisations de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali.

Devoir de réserve?

Dans un communiqué, le 20 avril, le ministre de la Justice indexait le non respect de l’obligation de réserve et du devoir de retenue des magistrats mis en cause. Mais ces derniers ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les reproches du ministre relèvent  non seulement d’une « méconnaissance des dispositions pertinentes de la Constitution en vigueur, mais aussi et surtout d’une extrapolation inadmissible du devoir de réserve du magistrat, lequel n’est pas le devoir de silence sur tout, mais de ce qui peut être déféré devant lui et dont des parades légales sont, du reste, prévues ».

Plusieurs magistrats ou avocats, dont des anciens ministres, contactés, n’ont pas souhaité se prononcer sur la question. Par ailleurs, nos tentatives du côté du Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et du Syndicat libre de la Magistrature (SYLIMA) n’ont également pas abouti.

Selon une source au SYLIMA, le syndicat a décidé de s’abstenir d’intervenir dans les médias « en attendant d’y voir clair » et pour ne pas contribuer à aggraver les tensions.

Ras Bath : l’étau se resserre autour du chroniqueur

Incarcéré le 13 mars 2023 suite à des accusations publiques concernant le décès de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, Mohamed Youssouf Bathily alias Ras bath n’est visiblement pas au bout de ses démêlées avec la justice. Fin mars, le célèbre chroniqueur a été de nouveau inculpé pour 3 autres chefs d’accusation.

« Association de malfaiteurs contre autrui de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière », « offense au chef de l’État de 2023 jusqu’à 10 ans en arrière » et « diffusion de paroles contre les mœurs du pays ». Avant de se présenter le 29 mars 2023 devant le Procureur du tribunal de la Commune IV, Ras Bath ne s’imaginait pas être inculpé pour trois chefs d’accusations plus graves que la « simulation d’infraction » pour laquelle il avait été placé sous mandat de dépôt trois semaines plus tôt. D’autant plus que son Conseil, Me Kassoum Tapo, avait déjà introduit une demande de mise en liberté provisoire en attente du procès, prévu pour le 13 juin prochain.

Du délit au crime

Le Porte-parole du Collectif pour le développement de la République (CDR) qui encourait d’un mois à cinq ans de prison, en risque désormais au minimum 20, selon une source judiciaire. Mais pas que. Ras Bath est également maintenant visé par deux mandats de dépôts différents. Une nette aggravation de sa situation, selon un avocat qui a requis l’anonymat.

« La même personne était déjà placée sous un premier mandat de dépôt. Le Procureur a cru bon de chercher contre lu, d’autres charges. Cette fois ce sont des charges criminelles. Les crimes ne peuvent pas être déférés en citation directe devant le tribunal correctionnel, il faut une instruction préparatoire », confie cette source. Selon elle, le Procureur est tout simplement dans une logique « d’aggraver la situation » du célèbre chroniqueur, en lui reprochant des infractions criminelles et en saisissant le juge d’instruction par rapport  à ces « crimes ».

« La simulation d’infraction est un délit et, dans ce cas, la détention provisoire ne dépasse pas un an, tandis que pour les crimes on peut aller jusqu’à 3 ans », précise l’avocat, craignant que l’animateur de l’émission « Grand Dossiers » ne se trouve à présent dans une situation très complexe.

Musèlement ?

Au CDR, dont Ras Bath porte la voix, les partisans, « très surpris » de la tournure des évènements, pensent que leur « guide » est victime d’un acharnement parce qu’il dérange politiquement. « Nous pensons qu’on veut le réduire au silence et que l’objectif poursuivi est de le maintenir le plus longtemps possible en détention, parce que le juge d’instruction a tout son temps. Ras Bath est un détenu politique, il dérange », accuse Aliou Touré, Secrétaire administratif du Collectif. Il craint que les nouveaux chefs d’accusations qui pèsent sur le chroniqueur ne réduisent à néant l’aboutissement de la demande de mise en liberté provisoire formulée par son avocat.

« Même s’il obtient la liberté provisoire pour le premier mandat de dépôt, par rapport au premier chef d’accusation, nous craignons que cela ne soit pas le cas pour les trois nouveaux chefs d’accusation », avoue-t-il.

Mais le CDR ne compte pas rester sans agir. Il va animer une conférence de presse pour « montrer à l’opinion nationale et internationale notre désaccord », informe le Secrétaire administratif. S’il confirme que d’autres actions vont suivre dans la foulée, Aliou Touré assure que le Collectif ne posera aucun acte qui aille à l’encontre du respect des institutions de la République, « parce que nous avons confiance en notre justice ».

En 2021, après quelques mois de détention, la Cour suprême avait ordonné l’abandon des charges contre le Porte-parole du CDR, ainsi que plusieurs autres personnalités qui étaient poursuivies pour tentative de déstabilisation des institutions. Les affaires diffèrent et leurs issues pourraient également différer.

En attendant la suite que va lui réserver le juge d’instruction et la tenue d’un premier procès, le 13 juin 2023, Ras Bath continue d’être écroué. Le chroniqueur, qui au début  était détenu dans des conditions très peu enviables, a été transféré depuis peu au « 4ème cabinet » de la Maison centrale d’arrêt de Bamako, où il bénéficie de meilleures conditions et est autorisé à recevoir de la visite.

Ousmane Sonko : après une journée de tension, son procès renvoyé une nouvelle fois

Après deux renvois, le procès pour diffamation faux et injures publique, qui oppose Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko devait se tenir aujourd’hui. Cependant, le tribunal correctionnel de Dakar a prononcé, aux environs de 15h, le renvoi du procès au 30 mars prochain, au terme d’une courte audience. C’est dans une ambiance explosive qu’Ousmane Sonko s’est présenté devant les juges, ce jeudi au matin. Le déjà candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle a quitté son domicile de Keur Gorgui avant 9 heures, escorté par ses partisans. Son convoi a été bloqué un moment au niveau du rond-point Stèle Mermoz. Il y a eu un désaccord sur l’itinéraire à prendre. La tension est montée avec des jets de pierres de manifestants et des tirs de gaz lacrymogène des forces de l’ordre. Ousmane Sonko a été extrait de force de son véhicule par les forces de l’ordre et placé dans un véhicule de la police pour le tribunal.
La veille, il avait été empêché de quitter son quartier, les forces de l’ordre ayant quadrillé l’accès à son domicile alors qu’une manifestation de soutien organisée le jour même avait été interdite par le préfet de Dakar. Pour le moment, l’audience est à sa 4e fois suspension, depuis l’appel de l’affaire à la barre. Des pneus sont brûlés sur certaines artères de la capitale. Trois bus de la société publique de transport Dakar Dem Dikk ont été incendiés et un manifestant s’est également blessé à la cheville. Pour mémoire, Ousmane Sonko avait déclaré au cours d’une conférence de presse que l’ex-ministre de la Jeunesse et de l’emploi Mame Mbaye Niang a été épinglé par un rapport de l’Inspection générale d’Etat (l’IGE) pour détournement de fonds dans l’affaire dites des 29 milliards de Francs CFA du Programme des Domaines Agricoles Communautaires (PRODAC). Un rapport dont M. Niang, devenu entre-temps ministre du tourisme, conteste l’existence et à donc décidé de le poursuivre.

Justice : Mahamadou Camara remis en liberté sous caution

L’ancien ministre de l’Économie Numérique, de l’Information et de la Communication, M. Mahamadou Camara, inculpé depuis le 23 septembre 2021 dans l’affaire dite des contrats d’équipements militaires est remis en liberté sous caution, informe le Procureur général de la Cour Suprême du Mali dans un communiqué en date de ce jeudi  16 mars 2023.

 « Monsieur Mahamadou Camara bénéficie de la mise en liberté, pour avoir acquitté l’intégralité des 500 millions de Franc CFA en terme de sûreté constitué sur chacun des 10 Titres fonciers entre les mains de Monsieur le Directeur National du Cadastre », indique le communiqué. Ancien Directeur de cabinet du président IBK, Mahamadou Camara avait été placé sous mandat de dépôt depuis près d’un an et demi  pour  « favoritisme, faux en écriture, usage de faux et complicité d’atteinte aux biens publics par usage de faux ». Alors qu’elle bénéficie également d’une ordonnance de mise en liberté sous caution, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko incarcérée également  «  reste dans la position de détenue provisoire pour n’avoir pas, à ce jour encore acquitté la caution de 500 millions de Franc CFA à laquelle est subordonnée sa mise en liberté », précise le Procureur général.

« Il reste entendu que l’information judiciaire ouverte contre les personnes ci-dessus dénommées suit son cours dans le strict respect des principes directeurs du procès pénal, notamment ceux de la présomption d’innocence ainsi que du respect des droits de la défense », poursuit le communiqué.

Par ailleurs, les mandats  d’arrêt internationaux lancés contre l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, les anciens ministres Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, l’ancien Secrétaire général de la présidence, Moustapha Ben Barka, l’ancien Directeur Général de la BMS, Babaly Bah ainsi que Mohamed Kagnassi, Amadou Kouma, Nouhoum Kouma,  Soumaila Diaby et Mamadou Lamine Diakité, « attendent toujours de recevoir exécution de la part des destinataires des différents pays où lesdites personnes sont susceptibles de résider ou se rendre ».

Ras Bath : le chroniqueur placé sous mandat de dépôt

Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath a été placé ce lundi sous mandat de dépôt. Selon son mouvement le CDR, il a été interpellé chez lui ce 13 mars vers 10h par le commissariat du cinquième arrondissement. Après une audition de plus de cinq heures sur ses propos tenus samedi 11 mars lors de la conférence de l’ASMA CFP, il a été placé sous mandat de dépôt par le procureur de la commune IV. Invité à prendre la parole le weekend dernier lors de la troisième conférence nationale du parti de l’ASMA CFP, le chroniqueur a affirmé que Soumeylou Boubeye Maiga, fondateur du parti a été « assassiné « . Il a appuyé assurant que les proches de Soumeylou Boubeye Maiga ont interpellé sur son état de santé en vain. Avant de tacler le CNT, ainsi que différentes formations politiques sur leur silence sur les circonstances de la mort de l’ex Premier ministre. En prison depuis août 2021, accusé entre autres de « faux et usage de faux et d’atteinte au biens publics dans l’affaire de l’acquisition de l’avion présidentiel et des achats d’équipements militaires, l’état de santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’était sévèrement dégradé durant sa détention. Il est décédé le 21 mars 2022 à Bamako dans la clinique où il était hospitalisé depuis décembre 2021.

Kayes : des « esclavagistes » condamnés à la peine de mort

Un grand pas a été franchi dans la lutte contre l’esclavage dans la région de Kayes. Au cours de la session spéciale de la cour d’Assises de la région au titre de l’année judiciaire 2023, ouverte depuis le 27 février et toujours en cours,au moins sept « esclavagistes » ont été condamnés à mort et à cinq ans de prison  pour les meurtres de Youssouf Cissoko, Mountaga Diarrisso, Gossi Cissoko et Djané Cissoko, quatre militants anti-esclavagistes, qui ont été battus à mort dans le village de Djandjamé le 1er septembre 2020.

Il s’agit de Djibril Badiaga, Moussa Sissoko dit Papi, Ousmane Diarrisso dit Tamba, Hameye Diarrisso, Mohamed Diawara, Mohamed Diaby dit Hameye, tous condamnés à mort et Lamba Cissé qui a écopé de cinq ans.

Si les associations de lutte contre l’esclavage par ascendance se félicitent des verdicts, les charges retenues contre les condamnés (associations de malfaiteurs, assassinats, complicité d’assassinat, coups et blessures volontaires) ne leur convient pas pour autant.

« Nous espérons toujours que le gouvernement va adopter une loi spécifique pour criminaliser l’esclavage par ascendance qui fait des ravages dans nos localités. Elle n’est pas spécifiée actuellement dans les lois existantes », regrette Mikhailou Diallo, le président régional Kayes de la fédération malienne des associations de lutte contre l’exclusion, la discrimination, l’esclavage par ascendance et les inégalités sociales (FMALEDEI).

Selon les organisations, les crimes liés à l’esclavage sont considérés comme des problèmes de terre, des conflits entre clans, des coups et blessures… par la justice.

« Il ne pourrait en être autrement en absence de loi criminalisant la pratique de l’esclavage par ascendance au Mali », atteste Me Lury Nkouessom, chef de file de la composante accès à la justice du projet Mali Justice Project (MJP).

Cependant d’autres mesures sont en vigueur au Mali pour lutter contre la traite des personnes. En février 2011, le gouvernement a créé le Comité national de coordination de la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées (CNLTP). Cela a été suivi par l’adoption de la loi n°2012-023 du 12 juillet 2012, relative à la lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées (elle prévoit des sanctions pénales pour les individus coupables de traite des personnes pouvant aller de 5 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité selon les circonstances), et le lancement d’un Plan d’action national (2018-2022) en février 2019. Le Plan d’action national 2018-2022, qui fait actuellement l’objet d’une révision par les parties prenantes, prévoit, entre autres, de promouvoir la coordination et la coopération des acteurs dans la lutte contre la traite des personnes. Le Ministre de la justice Mamadou Kassogué a, en outre, appelé, en décembre 2021, les procureurs généraux « à prendre des dispositions pour que des poursuites soient engagées pour tous les cas de violences physiques et d’atteintes aux biens exercées contre ces personnes en considération de leur statut ».

Au Mali, l’esclavage a été abolit par l’administration coloniale depuis décembre 1905. Las, il persiste toujours dans le pays notamment dans la région de Kayes où plusieurs cas ont été recensés récemment. Rien qu’en juillet dernier, le cadavre brulé et mutilé de Djogou Sidibé, 71 ans, a été retrouvé près de son champ, non loin de son village, Lany Mody, dans le cercle de Kayes. La raison de l’assassinat, à en croire, plusieurs organisations de lutte contre l’esclavage est liée au refus de la vieille femme de se soumettre au statut d’esclave.

 

URD : Jusqu’où ira la discorde ?

Alors que le tribunal de la Commune V donné les pleins pouvoirs à Gouagnon Coulibaly le 1er novembre et que ce dernier a été installé ce lundi au siège comme nouveau président du parti Union pour la République et la démocratie (URD), les partisans du professeur Salikou Sanago continuent toujours à ne pas reconnaître sa présidence et entendent saisir la cour suprême. Jusqu’où ira le désaccord ?

Entre Gouagnon Coulibaly et Salikou Sanago, la fracture est très ouverte. Après la confirmation par la Cour d’appel, le 7 septembre dernier, du jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako, validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022 qui avait porté Gouagnon Coulibaly à la tête de l’URD, ce dernier a reçu les pleins pouvoirs de la justice pour l’administration du parti le 1er novembre 2022, via une ordonnance du juge des référés du Tribunal de 1ère instance de la Commune V. Il dispose ainsi d’une autorisation qui lui donne l’accès au siège du parti et fait de lui le « seul habilité à poser tous actes de gestion et d’administration ».

« En conséquence, M. Coulibaly doit sans aucune entrave reprendre la haute et totale direction du parti et continuer de le gérer et de l’administrer conformément aux textes », précise Mamadou Dicko, membre de l’URD.

C’est dans ce contexte qu’il a été installé ce lundi dans ses fonctions de Président au siège du parti. « Ceux qui ne sont pas d’accord, malgré leur minorité en ont le droit, mais franchement et très honnêtement le Président Gouagnon Coulibaly est légitime à l’URD. Avec lui, nous demeurons engagés à redonner à l’URD son éclat et à nous rassembler avec tous ceux qui le souhaitent », affirme le Président de la jeunesse de l’URD Abdrahamane Diarra.

Cependant, malgré la prise de pouvoir de Gouagnon Coulibaly, c’est loin d’être la fin de l’épilogue judiciaire, car les soutiens du 1er Vice-président, le Pr Salikou Sanogo, ont  annoncé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême.

Dans un communiqué, le 2 novembre le Secrétaire général du parti, Daouda Touré, réputé proche du Pr Sanago, assure « qu’appel a été interjeté contre l’ordonnance du tribunal de la Commune V », et rappelle que « le pouvoir en cassation exercé contre l’arrêt de la Cour d’appel le 7 septembre suit son cour à la Cour suprême ». En outre, une enquête judiciaire est ouverte contre Gouagnon Coulibaly et autres « pour faux et usage de faux » devant le juge d’instruction du 9ème cabinet du tribunal de la Commune III après une plainte des partisans du Pr Salikou Sanogo. « À ce niveau, avec les affaires superposées, je ne pense pas que le dialogue puisse permettre aujourd’hui de réconcilier les cadres de l’URD. Ils sont déjà passés de tribunal en tribunal », explique le politologue Bréhima Mamadou Koné, qui craint un scenario à l’ADEMA des années 2000 – 2002. Confronté à des luttes d’ego, le parti au pouvoir de l’époque avait  vu plusieurs de ses cadres démissionner du parti et créer le leur. Notamment son ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qui avait quitté ce parti en 2000 et fondé en 2001 le Rassemblement pour le Mali (RPM). L’ex candidat du Parti de l’abeille aux élections présidentielles de 2002, Soumaïla Cissé, avait lui aussi créé l’URD en 2003, considérant avoir été lâché par une partie de l’ADEMA-PASJ lors de l’échéance électorale.

« C’est le même jeu qui est en train de se jouer aujourd’hui au sein de l’URD, où les soutiens du Pr Salikou Sanogo risque de quitter l’URD pour aller créer un autre parti, parce qu’il est difficile aujourd’hui d’avoir un consensus. Ce sont des querelles d’intérêts qui opposent les deux parties », indique M. Koné. Selon lui, c’est une question de légitimité qui se pose. « Et quand des questions de légitimité se posent au sein d’un parti politique, il est difficile d’avoir l’union sacrée autour des idéaux du parti », trouve-t-il.

Union à l’URD : la difficile mission de Gouagnon Coulibaly

La Cour d’appel de Bamako a confirmé le 7 septembre 2022 le jugement N°130 du 4 avril 2022 du Tribunal de Grande instance de la Commune V du District de Bamako validant le Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022, qui avait porté M. Gouagnon Coulibaly à la tête de l’Union pour la République et la Démocratie (URD). Confirmé Président du parti de la Poignée de mains en attendant une nouvelle action en justice du camp Salikou Sanogo, l’ancien député de Kati doit s’atteler à la réunification de l’URD, secouée par de divisions internes depuis la disparition de Soumaila Cissé.

En rendant son arrêt le 7 septembre 2022, la Cour d’appel de Bamako a mis fin à 5 mois d’attente des deux camps protagonistes de la crise au sein de l’URD. Mais le feuilleton judiciaire ne semble toujours pas avoir connu son épilogue. Dans un communiqué, le même jour, signé du Secrétaire général Daouda Touré, proche du 1er Vice-président Salikou Sanogo, « l’URD assure qu’un pourvoi en cassation sera exercé contre ledit arrêt de la Cour d’appel dès sa notification ».

Mais, pour les soutiens de Gouagnon Coulibaly, ce pourvoi en cassation sera « sans effets sur l’application rigoureuse et intégrale de l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel ». Ces derniers sont déjà d’ailleurs tournés vers l’investiture du nouveau Président du parti, « dans les prochains jours ». Mais Gouagnon Coulibaly et ses proches veulent tendre la main aux « camarades » qui s’opposent à eux.

Main tendue

Loin d’un triomphalisme affiché, Gouagnon Coulibaly, après cette confirmation comme successeur de feu Soumaila Cissé à la tête de l’URD, se positionne en rassembleur. S’il évite lui-même de se prononcer avant toute passation officielle de pouvoir au sommet du parti, ses proches, quant à eux, communiquent.

Le Secrétaire politique du Bureau exécutif national de l’URD, Bakary Fomba, affirme que M. Gouagnon Coulibaly, qui est « résolument déterminé à rassembler tous les courants du parti, entreprendra très prochainement, dans un esprit d’ouverture et de mains tendue, les actions idoines, permettant de préserver en toutes circonstances l’unité du parti, si chère aux militants ».

« Je pense que la décision de la Cour d’appel n’est pas la victoire d’un camp sur l’autre, mais plutôt une opportunité pour nous tous de nous retrouver pour faire de l’URD un parti encore plus grand », confie également Abdrahamane Diarra, Président de la Jeunesse URD, proche du camp Gouagnon Coulibaly.

Pour parvenir à ces « retrouvailles » après de longs mois de mésententes, Gouagnon Coulibaly et ses proches comptent sur le dialogue. « Nous allons approcher nos camarades qui ne partagent pas nos avis, leur expliquer le bien-fondé de notre démarche. Nous allons aussi accepter des concessions et des compromis », assure Mamadou Dicko, 2ème Secrétaire politique de l’URD.

« Je suis convaincu que tous les courants peuvent se retrouver, pas forcément être d’accords sur tout mais sur le minimum, pour qu’ensemble nous puissions continuer notre combat pour le Mali », poursuit celui qui rappelle que le Congrès qui a élu Gouagnon Coulibaly, n’a « changé personne » et que le Pr. Salikou Sanogo reste le 1er Vice-président du parti. « L’objectif n’a jamais été d’enlever ou d’exclure quelqu’un. Nous continuons à nous battre pour que l’unité du parti soit préservée ».

Nouvelle cohésion ?

Si le nouveau Président de l’URD veut s’employer à réunifier le parti et à tendre la main à ceux qui s’opposent à lui, ces derniers, même s’ils n’excluent pas de refaire route ensemble, semblent résolus à aller au bout de la bataille judiciaire ouverte, en atteste le pourvoi en cassation annoncé.

« Accepter ou pas la main tendue, cela ne se décide pas au niveau d’une seule personne. Nous allons aviser. De toute façon, personne n’a intérêt à ce qu’on mette ce parti à l’eau. Nous avons intérêt à nous unir », glisse Daouda Koné, 7ème Vice-président, proche de Salikou Sanogo.

Élu à la tête de l’URD lors du Congrès extraordinaire du 16 janvier 2022, avec la participation de plus de 1100 délégués, Gouagnon Coulibaly, 60 ans, ancien député et Président de la Commission des Travaux publics, de l’habitat et des transports de l’Assemblé Nationale de 2007 à 2013, a depuis demandé à la Commission nationale de conciliation et d’arbitrage du parti de « redoubler d’efforts » dans la recherche de « solutions idoines de conciliation qui soient en adéquation avec les textes et pratiques convenus du parti ».

Ses proches l’affirment, l’ancien Directeur de campagne de feu Soumaila Cissé est « ouvert d’esprit » et « totalement disponible » pour rassembler tous les bords.

Politique : les exilés de la transition

La Cour suprême du Mali a lancé le 25 juillet 2022 un mandat d’arrêt international, rendu public le 28 juillet, à l’encontre des anciens ministres Boubou Cissé, Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra et de l’ancien PDG de la BMS, Babaly Bah. Un nouvel épisode qui s’inscrit dans la démarche de la lutte contre la corruption des autorités de la transition, semble cibler d’anciens responsables du régime déchu d’Ibrahim Boubacar Keïta. Comme d’autres avant elles, ces personnalités se retrouvent à l’extérieur du pays, doutant de l’impartialité de la justice malienne.

Le bruit courait depuis des jours. Il a fini par se confirmer en fin de semaine dernière. Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra, tous deux ex-ministre de l’Économie et des finances, Tiéman Hubert Coulibaly, ex-ministre de la Défense nationale, et Babaly Bah, ancien Président directeur général de la BMS-SA, font l’objet d’un mandat d’arrêt international lancé à leur encontre pour « crimes de faux et d’usage de faux, d’atteinte aux biens publics et de complicité de ces infractions », a informé le 28 juillet dans un communiqué Mamadou Timbo, Procureur général de la Cour suprême. Ce mandat d’arrêt, a-t-il précisé, fait suite à l’ouverture par la Chambre d’instruction de la Cour suprême d’une information judiciaire sur des faits « liés à l’affaire du marché public dit Paramount, lequel marché public s’inscrit dans la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire, ainsi que la Loi de programmation pour la sécurité intérieure ».

Des « Marauders » manquants

 L’affaire remonte à octobre 2015. Tiéman Hubert Coulibaly et Mamadou Igor Diarra, respectivement ministres de la Défense et de l’Économie, signent au nom du gouvernement avec le groupe sud-africain Paramount, spécialisé dans l’industrie de véhicules blindés et aéronefs, un accord d’un montant de plus de 59 millions de dollars portant sur l’acquisition de 36 véhicules blindés type « Marauders », la mise en état de deux petits avions de l’armée de l’air, la fourniture de matériels de rechange et la formation des pilotes et des chauffeurs des blindés.

Les modalités de paiement du contrat étaient, selon une source proche du dossier, une avance de 20% à la signature du contrat, puis les 80% restants payables sur les 3 années suivantes (2016, 2017 et 2018). Sauf que, malgré le paiement du premier acompte via un compte dédié à la BMS en décembre 2015 (11,8 millions USD), aucun véhicule n’a été livré comme prévu.

Cela a poussé Boubou Cissé, successeur de Mamadou Igor Diarra à la tête du département des Finances en janvier 2016, à refuser de s’acquitter de la 1ère des trois autres échéances prévues au contrat. Selon un cadre du département, « le contrat comportait plusieurs irrégularités, à commencer par le fait qu’il était libellé en dollars américains au lieu de francs CFA », ce qu’exige le code des marchés publics pour éviter les pertes de change, et que « les paiements étaient échelonnés sur 3 ans à travers l’émission de trois billets à ordre », un instrument financier non reconnu par la comptabilité publique malienne.

En octobre 2016, Boubou Cissé et Abdoulaye Idrissa Maïga, nouveau ministre de la Défense, décident d’envoyer une mission d’inspection en Afrique du Sud, à l’issue de laquelle le contrat qui lie l’État malien et Paramount a été modifié, avec un libellé en francs CFA (35,5 milliards) et la méthode de paiement modifiée. Mais ce n’est qu’en 2019, après plusieurs sommations, que le gouvernement malien, alors dirigé par Boubou Cissé, obtient finalement la livraison de 8 véhicules blindés « Marauder », grâce à l’entremise des Émirats arabes unis. Quant aux volets formation, fourniture de pièces de rechange et remise en état des deux avions, ils auraient été correctement exécutés.

Réactions en chaîne

 Quelques jours après l’officialisation du mandat d’arrêt international à leur encontre, parmi les personnalités visées, les 3 anciens ministres ont réagi. D’abord l’ancien Premier ministre, suivi de ses deux anciens collègues. « … Contrairement à ce que veulent faire croire les personnes qui ont été chargées d’instruire ce dossier, en aucun cas je n’ai posé un acte illégal dans l’exercice de mes fonctions et d’ailleurs, au moment de la conclusion de ce marché, en octobre 2015, j’étais en charge du ministère des Mines, donc étranger à la conclusion de ce marché », a-t-il déclaré, dans un communiqué publié le 1er août. « En tout état de cause, lorsque j’ai eu le privilège et l’honneur d’être ministre, puis Premier ministre de notre pays, j’ai agi au service de l’État, dans le souci de l’intérêt général, du respect des contrats signés avec nos fournisseurs, de la préservation du bien public et de notre Nation », a ajouté l’ancien Chef de gouvernement.

Son prédécesseur au ministère de l’Économie et des Finances, Mamadou Igor Diarra, confirme avoir été le signataire du contrat, précisant dans son communiqué « qu’une fois que ce marché avec Paramount Ltd a été soumis par le ministère de la Défense et des Anciens combattants, il a fait l’objet de plusieurs vérifications préalables par les services techniques dédiés et j’en ai personnellement demandé la modification sur trois points techniques afin de mieux préserver le intérêts de l’État du Mali. Ainsi, mon rôle purement administratif et prescrit par les textes en vigueur au Mali s’est arrêté là, fin décembre 2015 ».

L’ex-candidat à la présidentielle de 2018, passé de directeur général de la Bank Of Africa Sénégal au poste de directeur régional UEMOA puis Afrique centrale en avril dernier, réside depuis au Congo Brazzaville, mais semble vouloir collaborer avec la justice malienne, à en croire son communiqué : « Lors de mon dernier séjour au Mali, venu enterrer ma défunte mère en mars 2022, je me suis spontanément rendu auprès  de certaines autorités, afin de leur notifier ma disponibilité pour des éclaircissements sur tout dossier sur lequel je disposais d’informations et/ou qui ont pu relever de mes attributions de l’époque ».

Même son de cloche chez l’ancien ministre de la Défense nationale, Tiéman Hubert Coulibaly, qui affirme dans un communiqué non daté, n’avoir agi « que dans le cadre de prérogatives claires » définies pour la mission qui lui était confiée et « pour assurer la meilleure préparation opérationnelle de nos forces face au défi sécuritaire ». Il ajoute que « si la justice malienne devait rechercher à situer ma responsabilité dans le cadre d’une quelconque information judiciaire, elle a la latitude de procéder au moyen d’une commission rogatoire à laquelle je m’engage à répondre prestement ».

Mandats « politiques » ?

Si la poursuite en soi de ces dignitaires du régime déchu suscite déjà certaines interrogations dans l’opinion publique, les motivations réelles et le moment choisi, à l’entame de la dernière phase de la transition, se prêtent encore plus aux interprétations diverses.

« Ces mandats s’inscrivent dans une logique de concrétisation des recommandations des ANR. On sait qu’elles ont fortement recommandé la lutte contre l’impunité, la corruption, les malversations financières. Je me dis que les autorités de la Transition, qui sont actuellement engagées dans une bataille de refondation, sont en train d’aller dans ce sens », soutient l’analyste politique Ballan Diakité. « Toutefois, il y a quand même lieu de craindre que ces mandats ne soient la manifestation d’une volonté politique contre les anciens dignitaires du régime d’IBK. La justice doit faire son travail dans la neutralité, l’indépendance et dans la transparence à tous les niveaux pour que la vérité judiciaire triomphe », poursuit-il.

L’ancien Premier ministre Boubou Cissé a d’ailleurs alerté en ce sens, craignant une instrumentalisation de la justice pour  « détourner l’opinion publique nationale des vrais enjeux du moment en matière sécuritaire, sociale et économique ».

L’avocat Cheick Oumar Konaré membre de la commission de rédaction de la nouvelle Constitution, pour sa part, même s’il soutient que la justice est libre de lancer un mandat d’arrêt contre qui elle veut, avance que celui-ci aura des difficultés à être exécuté. « Nous sommes sous un régime militaire et, par définition, les autres pays ne nous considèrent pas comme une démocratie. Par conséquent, il est difficile d’exécuter ces mandats d’arrêts, d’autant plus que ceux qui sont visés sont pour la plupart des hommes politiques. On va considérer à l’étranger que ces mandats sont des mandats politiques », pense l’avocat.

 L’URD impactée

Mamadou Igor Diarra, 27ème Vice-président, et Boubou Cissé, Secrétaire aux affaires économiques de la section de Djenné, ont adhéré au parti à la poignée de mains, l’URD, respectivement en mars et juin 2021, avec des ambitions de candidature pour le compte du parti à la prochaine élection présidentielle devant conclure la transition.

Mais avec les poursuites judiciaires les impliquant, leur avenir politique au sein du parti de feu Soumaila Cissé, pourraient être compromises, même si jusqu’à preuve du contraire, ces deux personnalités ainsi que toutes les autres visées bénéficient de la présomption d’innocence.

Au sein du parti, déjà en proie à une bataille judiciaire pour son contrôle, le clan opposé à la candidature de l’un ou l’autre de ces anciens ministres et nouveaux adhérents, se réjouit, selon une source interne, de la tournure des évènements à l’encontre de leurs « adversaires ». Au même moment, les soutiens de Boubou Cissé et de Mamadou Igor Diarra, convaincus du « dessein politique » derrière les poursuites judiciaires de leurs leaders, se disent « très consternés », comme l’atteste la réaction de la section de Djenné, qui soutient Boubou Cissé, ou encore du Collectif des associations et groupements de la région de Mopti, qui avait œuvré à faire de ce dernier un citoyen d’honneur de la ville de Mopti en 2021. Dans un communiqué publié le 2 aout, il « invite les autorités de la transition à la retenue et au discernement à l’endroit de tous les dignes fils de ce pays qui se sont battus avec amour et dévotion afin de le faire avancer ».

« Nous sommes obligés de chercher d’autres candidats pour remplacer ces personnalités sous mandat d’arrêt, qui sont pour l’instant exclues de la course à la candidature du parti », reconnait, contrarié par cette nouvelle donne, un responsable communal de l’URD, proche du camp du nouveau président du parti, le contesté Gouagnon Coulibaly. « Le parti doit quand même pouvoir trouver à l’interne d’autres candidats, si à l’approche des échéances électorales les personnalités visées ne sont toujours pas rentrées. Je pense qu’à ce niveau il n’y a pas de grands risques », relève aussi pour sa part Ballan Diakité. Pour l’analyste, les conséquences pour l’URD pourraient plutôt se situer au niveau du financement, Boubou Cissé et Mamadou Igor Diarra étant « potentiellement des bailleurs de fonds pour le parti » dans l’optique des futures échéances électorales.

D’autres politiques « introuvables »

Les affaires divergent, mais ont toutes un point commun : les personnes présumées impliquées ont trouvé refuge hors du pays ou y vivent cachées. Début avril, Oumar Mariko, président de SADI, a été convoqué à la gendarmerie après que, selon son parti, son domicile ait été encerclé deux jours plus tôt par des hommes armés suite à des propos sur l’armée jugés critiques.

Depuis, Dr. Mariko est introuvable. Alors qu’on le croyait en « fuite » hors du Mali, l’ancien député avait fait une sortie médiatique quelques jours plus tard depuis le lieu où il s’était réfugié, affirmant qu’il était toujours sur le territoire malien.

Quant au fils de l’ancien Président feu IBK, Karim Keïta, en exil depuis la chute de son père en août 2020, il est visé par un mandat d’arrêt international depuis juillet 2021, dans l’affaire de la disparition du journaliste du « Sphinx », Birama Touré. Un mandat lancé à son encontre par le juge d’instruction du Tribunal de grande instance de la Commune IV du District de Bamako, mais qui, selon des proches du dossier, ne semble pas avoir encore fait l’objet d’une notice rouge d’Interpole. L’ancien Président de la Commission défense de l’Assemblée nationale se trouve en Côte d’Ivoire, ainsi que quelques-unes des autres personnalités visées par la justice sous la transition. Ce qui n’écarterait pas, selon certaines rumeurs, l’hypothèse d’une demande d’« échange » avec Bamako, en contrepartie de la libération des 49 militaires ivoiriens arrêtés le 10 juillet à l’aéroport Président Modibo Keïta.

 

Bakary Togola : la Cour suprême casse l’arrêt d’acquittement

La cour suprême du Mali a cassé mercredi 20 avril 2022 l’arrêt d’acquittement du 29 novembre 2021 de Bakary  Togola et ses 11 coaccusés poursuivis pour  « atteinte aux biens publics et complicité, faux et usage de faux ».Conséquence, l’ancien président de  l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali (APCAM) et de la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton (C-SCPC) devrait retourner devant la justice.

Bakary Togola devrait comparaître à nouveau  devant une Cour d’assises« recomposée », à en croire une source au niveau du ministère de la Justice et des droits de l’homme.

Le 10 décembre 2021, à la clôture de la session spéciale de la Cour d’assises de Bamako, Idrissa Arizo Maïga, alors procureur général  près la cour d’appel de Bamako s’était insurgé contre l’arrêt acquittement rendu, le qualifiant de « désastre » et de « fiasco ». Aussi, avait-il indiqué que le parquet général avait immédiatement exercé un pourvoi en cassation.

Par ailleurs, le ministre de la Justice, Mahamadou Kassogué lui avait déjà instruit dans une lettre le 7 décembre 2021, l’ouverture d’une enquête suite à  des « informations concernant le comportement de certains membres de la Cour et les connivences qui auraient entouré la gestion de cette procédure ».

Rappelons que l’actuel ministre de la Justice était Procureur de la république près le tribunal de grande instance de la commune III du District de Bamako, chargé du Pôle économique et financier, au moment de l’ouverture de l’information judiciaire concernant l’affaire.

Bakary Togola était placé sous mandat de dépôt depuis le 13 septembre 2019 avant d’être acquitté faute de preuves  le 29 novembre 2021. Il est présumé principal auteur des faits de détournement de deniers publics, sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations estimées à plus de 9 milliards entre 2013 et 2019.

Soumeylou Boubeye Maïga : où en est sa demande d’évacuation ?

Après son placement sous mandat de dépôt, le 26 août 2021, la santé de Soumeylou Boubeye Maiga s’est détériorée au fil des mois, selon ses proches. Suite à plusieurs demandes de sa famille et de ses avocats, l’ancien Premier ministre a été transporté d’urgence le 15 décembre 2021 dans une clinique privée de Bamako. Par la suite, la demande d’évacuation vers l’étranger demandée par son équipe médicale est restée jusque-là sans réponse favorable.

Dans un communiqué, le 23 décembre 2021, la famille de Soumeylou Boubeye Maïga alertait sur la grave détérioration de son état de santé et interpellait les autorités à différents niveaux pour qu’elles répondent à l’urgence de donner leur accord et d’éviter à tous une « situation irréparable ».

Elle faisait savoir par la même occasion que le rapport établi par l’équipe médicale, dont les autorités étaient saisies, soulignait que son pronostic vital était engagé à court terme. « L’équipe médicale pluridisciplinaire qui l’a pris en charge, à la suite de différents examens, a fait le constat de la gravité de son état et conclu à l’impérieuse nécessité de son évacuation à l’étranger afin de pouvoir procéder aux examens complémentaires indispensables à son traitement et nécessitant un plateau technique adapté, inexistant au Mali ».

Statu quo

Suite à cette demande d’évacuation, la justice a demandé une contre-expertise concernant le rapport établi par l’équipe médicale de Soumeylou Boubeye Maïga et un Conseil de santé relevant du gouvernement a été mis en place. Il s’est réuni le 15 janvier 2022 et a rendu ses conclusions, lesquelles, à en croire Issa Diarra, le Secrétaire général de l’ASMA-CFP, formation politique que préside Soumeylou Boubeye Maïga, confirment celles du premier rapport établi par l’équipe médicale.

« Même si ce rapport n’est pas officiel, l’information a été donnée aux plus hautes autorités pour les dispositions à prendre. Cela fait quelques jours, mais il n’y a pas encore eu de réponse. La demande d’évacuation reste stationnaire », confie M. Diarra.

« Ampliation du rapport a été faite au Premier ministre et au Président de la transition mais il n’y a pas eu de suite. C’est vrai qu’il y a des aspects politiques dans cette affaire et je pense que ce n’est pas seulement l’administration sanitaire qui va avoir le dernier mot. À mon avis, c’est à ce niveau qu’il y a un blocage », poursuit celui qui plaide pour que la situation de l’ancien Premier ministre soit vue sous un aspect humanitaire et sanitaire. Les autorités de la transition se refusent à tout commentaire sur le sujet.

« À notre avis, si on lui reproche des choses économiques, tout le monde aura intérêt à ce qu’il soit en bonne santé pour en répondre devant la justice. Mais aujourd’hui nous nous demandons qui a intérêt à ce qu’il ne se rétablisse pas pour que la vérité ne jaillisse pas », soupire le Secrétaire général.

À l’en croire, l’état de santé du Président de l’ASMA-CFP est toujours préoccupant un mois et demi après son admission en clinique, même s’il reconnaît que cette hospitalisation permet de stabiliser un peu son état.

Appel aux autorités

Depuis le début, de l’incarcération de Soumeylou Boubeye Maïga jusqu’à la détérioration de son état de santé, son parti a multiplié les manifestations de soutien à son égard et alerté maintes fois sur l’urgence de son évacuation sanitaire vers l’étranger.

Outre le Président de la transition et le Premier ministre, les responsables du parti ont interpellé les Présidents des différentes institutions du Mali, les leaders politiques et religieux, les familles fondatrices de Bamako et toutes les autorités morales pour s’impliquer activement afin que la demande d’évacuation sanitaire aboutisse.

« Tant qu’il est malade, nous n’allons pas l’oublier. Nous demanderons toujours ce qu’il y a lieu de faire. Nous exploiterons toutes les voies et moyens possibles pour qu’on puisse le soigner », affirme Issa Diarra

Pour rappel, Soumeylou Boubeye Maïga, incarcéré dans l’affaire dite de détournement des équipements militaires et l’achat de l’avion présidentiel, attend toujours son procès.

Mali – Oumar Mariko : en liberté provisoire en attendant son jugement

Placé sous mandat de dépôt depuis le 7 décembre 2020, Dr Oumar Mariko, président du parti SADI a été mis en liberté provisoire en attendant son jugement prévu pour le 15 février 2022. L’un de ses avocats Me Mamadou Ismael Konaté, ancien ministre de la Justice s’est félicité de cette décision sur les réseaux sociaux saluant une « juge à l’écoute, un parquet attentif et des confrères engagés et volontaires pour une justice des hommes, libre et indépendante ». Il est reproché à Oumar Mariko des faits d’injures contre le Premier ministre Choguel Maïga « par le biais d’un système d’information et de communication. ». Son co-accusé, Bakary Camara, poursuivi pour avoir diffusé ces propos sur les réseaux sociaux a aussi été mis en liberté provisoire.

Me Mohamed Aly Bathily : « Je suis très attentif à l’application du droit de façon égale pour tous »

Pour l’ancien ministre de la Justice Me Mohamed Aly Bathily, membre du Comité stratégique du M5, l’enquête dans l’affaire des tueries de juillet 2020 devait commencer par le ministère de la Sécurité, l’autorité de tutelle compétente pour déployer la Force spéciale antiterroriste (FORSAT)

Que pensez-vous de la libération sous pression du Commandant de la FORSAT, qui s’est par la suite remis à la disposition de la justice ?

Je suis très attentif à l’application du droit, mais de façon égale pour tous les citoyens. Il y a trois commandants à la FORSAT : celui qui commande les gendarmes, celui de la garde nationale et celui de la police. C’est la FORSAT qui est intervenue et non sa version police, garde nationale ou gendarmerie. Pourquoi seul le commandant de la police a été interpellé et non les trois en même temps ?  D’après les textes, la FORSAT est placée sous l’ordre du ministre de la Sécurité. En aucun cas elle ne peut intervenir sans ordre du ministre. Personnellement, le premier point sur lequel je porterais mon attention est de savoir d’où vient l’ordre qui a permis de mettre la FORSAT dehors.

Est-ce que ce coup de pression des policiers ne va  pas influencer le processus de manifestation de la vérité ?

Moi, je serais juge, cela ne m’intimiderait pas. Ils ont le droit de manifester, de faire un sit-in, mais si le juge est droit dans ses bottes cela ne doit pas l’impressionner. Mais s’ils veulent aller au-delà, en cassant la prison par exemple, c’est autre chose.

Les policiers pointent du doigt le M5 comme celui qui a ordonné la désobéissance civile qui a dégénéré…

La désobéissance civile est un droit constitutionnel. Les policiers font de l’amalgame. Ils ne peuvent pas nous dire que lorsque nous exerçons nos droits constitutionnels ils ont le droit de nous tirer dessus comme des lapins. Qu’ils se défendent autrement et mieux. Selon moi, le juge a mal procédé. Je n’aurais jamais appelé les commandants sans avoir au préalable appelé l’autorité de tutelle, qui est la seule à pouvoir ordonner leur sortie. Pour arrêter les commandants, il aurait fallu établir qu’ils étaient sortis d’eux-mêmes. Certes, à l’époque des faits, il n’y avait pas de ministre de la Sécurité. Mais tant qu’on n’a pas fait de passation on est en charge du département. J’aurais d’abord demandé la réalité à Salif Traoré. S’il niait avoir une quelconque responsabilité dans la décision d’envoyer la FORSAT sur le terrain les jours des tueries, il faudrait alors interroger le Premier ministre et le Secrétaire général du ministère de la Sécurité d’alors. 

Choguel Kokalla Maiga : 100 jours de débats

Des podiums  de conférences de presse à n’en pas finir du M5-RFP, celui qui est devenu à la faveur du coup de force du 24 mai dernier l’allié numéro un des militaires aux commandes a hérité de la Primature pour « rectifier » la Transition. S’il s’est attelé à la tâche, à un « moment crucial », et œuvre à la concrétisation des axes prioritaires de son Plan d’action, validé par le Conseil national de Transition début août, le Premier ministre Choguel Kokalla Maiga doit faire face à la méfiance d’une partie de la  classe politique, qui ne s’accorde pas avec lui sur certaines questions pourtant fondamentales. Une réalité qui fait planer de gros nuages sur la suite de la transition, dont la fin est annoncée pour février 2022.

La « thérapie de choc » du Docteur Choguel Kokalla Maiga  au chevet du « grand corps malade » Mali a bel bien et commencé à être appliquée. Mais, près de 100 jours après le démarrage de ce « traitement », bien malin celui qui peut déjà entrevoir son efficacité à terme, les premiers signes concrets  de « guérison » se faisant toujours attendre.

« Nous pouvons dire que le bilan de ces 3 premiers mois n’est pas très flatteur. Le Premier ministre a présenté un Plan d’action du gouvernement et, si on doit l’évaluer, on doit le faire sur la base de ce plan. Et sur cette base plusieurs actions prévues sont déjà en retard dans la mise en œuvre », pointe le porte-parole du parti Yelema Hamidou Doumbia.

Sécurité, Justice et Refondation sont les trois besoins indispensables à la survie du Mali, selon le Premier ministre. Trois piliers autour desquels sont définis les quatre axes prioritaires que sont le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales et la promotion de la bonne gouvernance, ainsi que l’adoption d’un pacte de stabilité.

Nettoyage judiciaire

Pour le Premier ministre, des efforts sont entrepris pour améliorer la sécurité sur toute l’étendue du territoire avec des opérations militaires qui y sont continuellement menées. Mais les impacts de ces opérations ne sont pas encore visibles à bien des égards.

« Concernant la sécurité, les attentes tardent à être comblées. Ce que nous nous voulons entendre, c’est que des territoires sont libérés. Mais c’est le contraire qui se produit au quotidien », se désole Housseini Amion Guindo, Président de la Convergence pour le développement au Mali (Codem), qui ne réfute pas pour autant « la volonté et l’engagement » dont fait preuve le Premier ministre.

Boubacar Bocoum, analyste politique, est plus tranché. Pour lui, la situation sur le plan sécuritaire est encore « plus catastrophique » qu’elle ne l’était, « sans évolution » ni de « montée en puissance » de l’armée. C’est finalement sur un autre terrain, celui de la justice que la nouvelle équipe se fait « sentir ».

Déterminé, sous l’impulsion du Président de la Transition, le colonel Assimi Goita, à mener une lutte implacable pour combattre la corruption et l’impunité, qui « sont à la base de la déliquescence de l’État », le Chef du gouvernement a durant ces 100 premiers jours réussi à faire bouger quelques  lignes.

La Justice, à travers la Cour suprême, a rouvert certains dossiers de malversations financières, notamment ceux de l’acquisition de l’aéronef présidentiel et de l’achat des équipements militaires sous l’ancien Président IBK. Ce qui a conduit au placement sous mandat de dépôt le 26 août dernier de l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga et de l’ancienne ministre des Finances Mme Bouaré Fily Sissoko, à l’issue d’une procédure contestée, où les tiraillements des spécialistes du droit n’aident pas à y voir clair.

Comme promis par le Chef du gouvernement du temps de tirades du M5, les poursuites judiciaires sur les tueries et exactions des 10, 11 et 12 juillet 2020 à Sikasso, Kayes et Bamako sont également engagées, ayant conduisant à l’arrestation du commandant de la Forsat lors de ces évènements, le commissaire divisionnaire Oumar Samaké, provoquant au passage la colère des policiers.

Des actions que le Président de la Codem salue. Mais il estime qu’il reste encore beaucoup à faire, surtout au niveau de l’impartialité. « Il faut faire en sorte que la justice ne soit pas celle des vainqueurs. Cela est très important pour le nouveau Mali », s’alarme celui qui conduit également aux destinées du regroupement politique Alliance Jigiya Koura.

Refondation oui, mais…

S’il y a un point pour lequel le bout du tunnel semble encore loin pour le Premier ministre Maiga, c’est bien la question de la refondation du Mali, qui englobe toutes les réformes politiques et institutionnelles concourant à y parvenir.

La tenue des Assises nationales de la refondation (ANR), chère à l’ancien Président du Comité stratégique du M5, ne fait pas consensus. Et c’est bien là l’un des défis majeurs à relever dans les prochaines semaines par les autorités de la Transition.

Le constat est sans appel. Une partie de la classe politique, s’oppose tout simplement à la tenue de ces Assises, prévue pour la fin du mois de septembre et dont les termes de références sont en train d’être élaborés, selon certaines informations au niveau de la primature.

Pour ces politiques, regroupés au sein du Cadre d’échanges pour la réussite de la Transition mais pas que, d’autres ayant les mêmes positions sans en être, cela va être les assises de trop, parce que par le passé plusieurs échanges de ce genre ont déjà eu lieu.

Le Chef du gouvernement ne l’entend pas de cette oreille. Pour lui, les ANR seront différentes de tous les fora du passé. Leur particularité sera que les conclusions seront « immédiatement exécutoires » et  vont « s’imposer à toutes les autorités politiques ».

« Ce qui est nouveau cette fois-ci, c’est que l’ensemble des résolutions de ces différents fora vont servir de matières premières. On ne va pas les jeter à la poubelle parce que c’est le résultat d’actions et de réflexions de Maliens », explique le Premier ministre.

« Nous allons les enrichir par les idées des forces du changement. Ce sont les transformations politiques et institutionnelles que les forces du changement voulaient pour le Mali nouveau qui  vont enrichir le débat », ajoute-t-il.

Pour Housseini Amion Guindo, la transition a commencé par une concertation nationale qui a fixé son cadre et ses limites. Ce n’est  donc  pas pendant cette transition qu’il faut tenir des Assises nationales « coûteuses » pour lui « donner une nouvelle orientation ».

Une nouvelle orientation, qui, sans équivoque, mènera à la prolongation du délai de la transition, suspecte-t-on d’ailleurs du côté du Parti pour la Renaissance nationale (Parena).

« Nous prenons la tenue des ANR comme un stratagème pour sortir du délai initial de la fin de la transition. Nous ne voulons pas être la caution ou les complices d’une quelconque prolongation de la transition. Nous l’avons dit dès le début et nous camperons sur cette position », affirme le Secrétaire général Djiguiba Keita dit PPR.

Le parti de l’ancien chef de la diplomatie malienne, Tiébilé Dramé, a d’ailleurs déjà  lancé les futures « empoignades » durant les prochaines semaines entre la classe politique et le Premier ministre.

Le Parena a tout simplement décliné une demande en date du 4 septembre 2021 du ministère de la Refondation de l’État l’invitant à une rencontre le 6 septembre, relative aux « Assises  nationales de la refondation et à la création de l’Organe unique de gestion des élections et autres sujets connexes ».

« Pour nous il n’est pas question que ces assises remettent en cause un consensus national et international. C’est un mauvais jeu, qui contribuera à davantage diviser les Maliens », renchérit M. Guindo, qui va jusqu’à parler de « trahison » des Concertations nationales de septembre 2020.

Mais, s’offusque l’analyste politique Boubacar Bocoum, la classe politique est en manque de réalisme et se met dans des procès d’intentions aux autorités de la transition quant à la question de prolongation de celle-ci.

Selon lui, cette classe politique doit être « plus sérieuse », d’autant plus que « ni le Président ni le Premier ministre de la transition n’ont jusqu’à preuve du contraire affiché une volonté de prolonger le délai ».

Vers un blocus ?

La mise en place de l’Organe unique de gestion des élections est la deuxième pomme de discorde entre les politiques et le Chef du gouvernement. Processus « irréversible » selon le Premier ministre, dont une esquisse de chronogramme de mise en place a d’ailleurs été  établie au niveau du ministère délégué chargé des Réformes politiques et institutionnelles. Cela ne fait pas pour autant l’unanimité.

Au Parena, tout en n’étant « pas fondamentalement contre » la mise en place de l’Organe unique de gestion des élections, on pense que tel qu’il est proposé il ne pourra pas se faire sans la révision de la Constitution. « Or nous disons que la révision de la Constitution est également un stratagème pour sortir du délai de la transition, parce que cela va prendre beaucoup de temps », précise Djiguiba Keita.

Il souligne en plus que son parti a proposé comme solution alternative la création d’un organe transitoire régissant les élections, où les prérogatives de la Cour constitutionnelle vont rester.

Même son de cloche à la Codem, dont le leader rappelle qu’il y a eu un consensus sur une « Ceni renforcée » et un maintien des autres organes intervenant dans le processus électoral bien avant l’arrivée de l’actuel Premier ministre, avec le même ministre en charge de l’Administration territoriale.

Par ailleurs, selon Housseini Amion Guindo, qui ne voit pas quel intérêt  le Premier ministre aurait à vouloir imposer l’organe unique sans consensus, ce dernier gagnerait à respecter ce que veut la classe politique.

Un avis que ne partage pas l’analyste politique Boubacar Bocoum. « La faisabilité ou non de l’organe unique, ce n’est pas la classe politique qui la définit. Si les autorités de la transition pensent qu’elles peuvent l’instaurer, je ne vois pas où est  le problème. C’est le rôle de l’État de l’exécuter », tranche-t-il.

La mission de la Cedeao  pour le suivi de la transition, qui a séjourné à Bamako du 5 au 7 septembre, a réitéré l’impératif du respect du délai de la transition et demandé au gouvernement la publication d’un chronogramme détaillé des futures élections.

Quand elle a rencontré la classe politique, celle ci dans sa majorité, y compris des partis membres du M5-RFP, a été unanime sur la tenue aux dates indiquées des élections.

Si le Premier ministre ne s’y oppose naturellement pas, il insiste toujours sur l’effectivité des réformes avant ces rendez-vous électoraux. Des réformes qui vont être décidées lors es Assises nationales de la refondation pourtant rejetées par une partie importante de la classe politique. De quoi présager d’un bras de fer à l’horizon ?

Mali – Karim Kéïta: dans l’œil de la justice

L’ex député et fils de l’ancien Président Ibrahim Boubacar Kéïta, Karim Kéïta est recherché par la justice malienne dans cadre de l’affaire du journaliste Birama Touré, disparu en 2016. Exilé en Côte d’Ivoire depuis l’année dernière, et la chute de son père, M. Kéïta, que plusieurs médias ont depuis le 5 juillet affirmé être sous le coup d’un mandat d’arrêt international d’Interpol, ne l’était pas à cette date, mais cela ne devrait plus tarder, selon des sources au sein de la justice malienne.

Mandat d’arrêt ou non ? Lundi 5 juillet, plusieurs médias ont annoncé l’émission d’un mandat international par Interpol à l’encontre de Karim Kéïta dans l’affaire de la disparition du journaliste Birama Touré, qui n’a plus donné signe de vie depuis 2016. Cette demande aurait été émise par le juge d’instruction du tribunal de la Commune IV du District de Bamako. Mais il semble que l’information ait fuité, puisque le lendemain de l’annonce, le 6 juillet, on assurait du côté du tribunal que le document n’avait pas encore été cacheté. Néanmoins, précise notre source, cela devrait changer d’ici la fin de la semaine. À la même date, Karim Kéïta n’était pas non plus répertorié dans la notice rouge d’Interpol, qui recense les fugitifs recherchés dans le cadre de poursuites ou afin qu’ils purgent leur peine. Son avocat, interrogé par Reporters sans frontières, a également démenti l’existence d’un mandat d’arrêt international contre son client, indiquant que ce dernier faisait objet d’une demande de renseignements pour être entendu par Interpol à Abidjan. L’ancien député et Président de la Commission défense de l’Assemblée nationale y vit en exil depuis le coup d’État contre son père en 2020. Des proches précisent qu’il a pris connaissance de la nouvelle dans l’après-midi du 5 juillet.

Cabale politique

C’est la stratégie de défense dont vont user les avocats de Karim Kéïta, lui qui représente encore pour de nombreux Maliens le symbole du népotisme, de la gabegie et de tout ce qui allait de travers sous la présidence de son père, Ibrahim Boubacar Kéïta. Celui que l’on surnomme Katio s’est toujours défendu d’être mêlé d’une quelconque manière à la disparition du journaliste Touré. En 2019, il avait été convoqué par un juge, avant que cette convocation ne soit annulée, au motif qu’elle avait été diffusée sur les réseaux sociaux, mais aussi par la protection conférée par son immunité parlementaire. Pourquoi relancer l’affaire maintenant ? Une source judiciaire qui a requis l’anonymat parle d’un contexte « favorable ». « Quand IBK était au pouvoir, c’était difficile de faire le procès. Il aurait été difficile, voire impossible, d’aboutir à quelque chose, vu que son fils était l’accusé. Maintenant qu’il ne l’est plus, c’est normal de rouvrir le dossier pour mettre au clair cette affaire ».

Quid de l’extradition ?

« Si l’État malien émet, à travers Interpol, une demande d’extradition contre l’accusé, pour ne pas violer la Convention d’extradition de la CEDEAO, qui met à la charge des États membres de la communauté l’obligation d’extrader lorsque les conditions qu’elle contient sont remplies, la République de Côte d’Ivoire sera contrainte de livrer M. Kéïta à la justice malienne », explique Me Mouhamed Sidibé, juriste au cabinet Diabaté. Mais cela reste sous conditions. D’après cette convention de la CEDEAO, l’État requis est tenu d’extrader la personne si cette dernière n’avait pas dans cet État la qualité de national lors de la commission de l’infraction. En clair, si Karim Kéïta était Ivoirien, la Côte d’Ivoire n’aurait aucune obligation de le livrer. Dans un second cas, si les infractions sont d’ordre politique ou militaire, l’État requis est libre d’extrader ou pas. D’où l’angle de défense des avocats de M. Kéïta, qui veulent mettre en avant son passé politique et ses liens familiaux pour contrecarrer toute demande d’extradition. Une stratégie qui pourrait s’avérer payante. Un policier d’Interpol Côte d’Ivoire, contacté par nos soins, indique qu’ils ne peuvent pas le mettre aux arrêts « si c’est dans  cadre politique », à moins qu’il ne soit recherché pour grand banditisme. Notre interlocuteur affirme aussi qu’ils ne sauraient agir sans l’aval de « leur grande direction, qui se trouve à Lyon ».

Aly Asmane Ascofaré

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°326 du 08 juillet au 14 juillet 2021 

Mali – Parrainages électoraux : Une source de corruption ?

Le sujet est brûlant au Sénégal voisin. Le 28 avril dernier, la Cour de justice de la CEDEAO, saisie par le parti Union sociale libérale en décembre 2018, a jugé que le système de parrainage adopté pour la présidentielle de 2019 violait «  le droit de libre participation aux élections ». À quelques mois de la présidentielle au Mali, et à l’heure des réformes politiques et institutionnelles, cette décision fait ressurgir dans notre pays le débat sur le parrainage des candidatures. Un parrainage que certains jugent non seulement discriminatoire mais aussi facteur de situations de corruption.

L’article 149 de la loi N°2016-048 du 17 octobre 2016, portant loi électorale, modifiée en 2018, le stipule clairement. Lors de l’élection du Président de la République, pour être validée par la Cour Constitutionnelle « chaque déclaration (de candidature, ndlr) doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) Députés ou cinq (05) Conseillers communaux dans chacune des régions et du District de Bamako ».

Si en général cette disposition ne pose pas d’obstacles aux « grands candidats », elle écarterait de facto certains autres citoyens désireux d’aller à la conquête du pouvoir.

Facteur de corruption ?

Mme Abidine Rakia Alphadi, Malienne de la diaspora qui avait longtemps affiché sa volonté de participer à la présidentielle de 2018, avait fini par se désister à cause d’un système de parrainage qu’elle ne voulait pas « cautionner ».

La Présidente de l’ONG ARCA-International avait d’ailleurs porté plainte devant la Cour de justice de la Cedeao contre ce « système mafieux » de parrainages. « Le parrainage sert juste à acheter des parrains, des signatures d’élus surtout, pour faire valider une candidature à une élection présidentielle», fustige-t-elle.

Loin de partager cet avis, Mamadou Traoré, Président du parti Union An ka bolo di gnogon ma, le plus jeune candidat à l’élection présidentielle de 2018, estime que pour avoir une certaine légitimité il faut se faire parrainer.

« Le parrainage en soi n’est pas mauvais. Je pense qu’il faudra que les candidatures soient parrainées parce que cela témoignera du fait qu’on n’est pas seul à concourir à la fonction de Président de la République », affirme-t-il, assurant par ailleurs n’avoir pas personnellement vécu des situations de corruption, sa candidature « ayant suscité de l’engouement à cause de son courage et de son engagement pour le Mali ».

Mais, lors de la compétition électorale de cette année-là, l’analyste politique Boubacar Salif Traoré, qui avait accompagné un candidat, confie avoir vu « beaucoup de négociations autour des parrainages ».

« Il y a effectivement le fait que certains élus monnayent ce précieux document, qui permet au candidat de valider sa candidature de manière officielle. Certains maires et députés n’hésitent pas à prendre des sommes assez conséquentes pour donner leurs parrainages », témoigne-t-il.

« Cela fait que dans nos démocraties cette situation de parrainage est assez compliquée, dans la mesure où, au lieu de renforcer la démocratie, malheureusement elle affaiblit le processus démocratique. Elle a des conséquences très fâcheuses et assez déplorables », regrette par ailleurs le Directeur du cabinet Afriglob Conseil.

Système de grands parrains?

La question du parrainage pour l’élection du prochain Président de la République pose aujourd’hui au Mali un autre problème. En lieu et place d’une Assemblée nationale, il y a d’une part un Conseil national de Transition dont les membres n’ont pas le statut de députés et de l’autre des maires dont les mandats ont été prolongés à cause de la non tenue des élections communales.

« Je ne pense pas que les membres du CNT soient habilités à parrainer des candidatures, parce qu’ils ne disposent pas de la légitimité populaire. Ces parrainages n’ont de sens que si les personnes bénéficient d’une légitimité issue des urnes », affirme Boubacar Salif Traoré.

Selon lui, dans le cadre de la présidentielle de 2022, il va donc falloir réfléchir pour trouver « un système de grands parrains » au sein de la population. « Des personnes reconnues comme étant à la tête de grandes associations et jouissant d’une bonne moralité », le tout sous le « regard très strict et très vigilant » de l’État.

Germain Kenouvi

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°318 du 13 au 19 mai 2021 

Mali – Boubou Cissé : libre de sauter dans l’arène politique

Soupçonné de « nourrir des ambitions présidentielles » et d’être le cerveau d’un présumé coup d’État, l’ancien Premier ministre Boubou Cissé était poursuivi, aux côtés d’autres personnalités, depuis décembre 2020 pour « atteinte à la sureté de l’État ». La Cour suprême a rejeté, le lundi 19 avril, le pourvoi en cassation du Procureur général pour le maintien des charges et confirmé l’abandon des poursuites. Cette séquence refermée, les rumeurs sur une possible candidature de l’intéressé à la prochaine présidentielle vont de plus belle. L’ancien Premier ministre n’a pour l’heure rien laissé filtré de ses intentions, va-t-il maintenant se dévoiler, étant désormais libre de le faire ? 

 « Il semblerait que je sois devenu malgré moi une menace politique », déclarait Boubou Cissé à un média français début janvier. L’ancien Premier ministre voyait en l’affaire « d’atteinte à la sûreté de l’État » le visant « une cabale contre sa personne ». Son avocat, Me Kassoum Tapo, est allé plus loin le 8 janvier dernier, lors d’une conférence de presse, en disant « ce qui se passe est un complot contre Boubou Cissé, pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle prochaine ». Depuis, l’espace médiatique malien ne cesse de se demander ce qu’il en sera. « Un homme politique reste un homme politique. Il a occupé l’un des postes les plus élevés au Mali, celui de Premier ministre, avec le portefeuille de l’Économie et des Finances. Cela lui a permis d’engranger une grande expérience en termes de connaissance de l’administration publique et de la gestion du gouvernement. À ce niveau, il ne serait pas étonnant qu’un tel homme puisse prétendre à la présidence. Donc, en regardant son parcours, on peut évidemment soupçonner des intentions politiques », explique Ballan Diakité, politologue.

 Soutien de l’URD ? L’avocat de Boubou Cissé, Me Kassoum Tapo, a lancé le 4 avril le « Mouvement pour la Refondation du Mali » (MOREMA), composé de partis politiques et d’associations. Plusieurs soupçonnent derrière ce regroupement l’ombre de l’ancien Premier ministre. En outre, une éventuelle candidature soutenue par l’Union pour la République et la Démocratie (URD), où Boubou Cissé possède des soutiens, est souvent évoquée. Vraiment imaginable ? « En politique, tout est imaginable. C’est ce qui fait en même temps sa beauté et son caractère froid. On ne peut prendre cette information que d’une seule main pour le moment. Quoi qu’il en soit, l’URD reste un grand parti. Et aujourd’hui on sait que le décès de Soumaïla Cissé laisse ce parti un peu orphelin. Donc, aujourd’hui, ils sont à la recherche d’une personnalité charismatique. Et je pense que Boubou Cissé peut effectivement répondre à ce critère-là au niveau de l’URD », ajoute Ballan Diakité. Selon d’autres observateurs du landerneau politique malien, certains cadres de l’ADEMA et du RPM pourraient rejoindre une grande plateforme de soutien à l’ancien Premier ministre, qui serait déjà en gestation.

 Des atouts Boubou Cissé est un économiste formé en France, ancien de la Banque mondiale où il a officié au Nigeria et au Niger. Son parcours dans les hautes sphères de l’État malien entre 2013 et 2020 lui a notamment permis de développer un réseau de relations au sein de la communauté des bailleurs de fonds, qui « apprécie sa rigueur », selon un ambassadeur de la place, mais aussi de cultiver des amitiés haut placées dans plusieurs pays de la sous région. Un atout non négligeable pour qui veut financer une campagne électorale. S’il est vrai que le dernier chef du gouvernement d’IBK nourrit une ambition présidentielle, l’épisode de la « déstabilisation des institutions » peut le servir, « le faisant apparaitre auprès des Maliens comme une victime des militaires au pouvoir ».

 Toujours est-il que si Boubou Cissé se déclare, il devra affronter, outre d’autres anciens Premiers ministres, les accusations de ses adversaires sur son rôle présumé lors de la répression des 10 et 11 juillet 2020,

Mali – « Déstabilisation de la transition » : un casse tête judiciaire

Quand la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako a annulé le 2 mars la procédure et les mandats délivrés contre Mahamadou Koné, Souleymane Kansaye, Vital Robert Diop, AguibouMackyTall et Mohamed Youssouf Bathily, et ordonné leur mise en liberté, c’est un ouf de soulagement qui a gagné les proches et amis des accusés, tout comme les représentants de la communauté internationale, attachés à l’indépendance de la justice. Mais dans la soirée, ce satisfecit quasi-général était vite douché par l’intervention dans le JT de 20h de l’ORTM du procureur général Idrissa ArizoMaïga, annonçant un pourvoi en cassation.

« Conformément à nos réquisitions écrites, on n’est pas d’accord avec la décision de la chambre d’accusation, même si notre représentant à l’audience était d’avis pour l’annulation, ça c’est du droit parce qu’au parquet on dit que la plume est serve, et que la parole est libre », a t-il déclaré, pour expliquer le pourvoi. Pour le citoyen lambda, outre le langage d’initiés, il est difficile de comprendre comment un procureur général peut faire appel d’une décision qui va dans le sens du réquisitoire de l’avocat général, représentant du ministère public. Ce dernier, en la personne d’Alou Nampé, avait en effet plaidé le 16 février en faveur de l’annulation pure et simple de la procédure pour vice de forme. La chambre d’accusation siégeant seulement les mardis, le délibéré avait été reporté du 23 février au 2 mars, du fait de la mutation vers la Cour Suprême de l’avocat général et de deux des trois juges siégeant à la Cour d’appel. Un changement intervenu pour éloigner des magistrats considérés comme trop indépendants? Quoiqu’il en soit,leurs remplaçants auront « dit le droit »,comme s’en réjouissait KassoumTapo, leader du pool d’avocats, peu de temps après l’énoncé du verdict : « c’était un dossier vide, pour lequel on a voulu instrumentaliser la justice. Aujourd’hui, c’est la démocratie qui gagne. Espérons que cette décision fasse jurisprudence pour que plus personne ne soit détenu illégalement par la sécurité d’État ».

Bataille judiciaire

Passé ces réjouissances, la défense a un temps envisagé d’introduire un recours en interprétation auprès de la Cour d’appel, dès la confirmation du pourvoi en cassation. L’objectif était d’obtenir que celle-ci tranche sur la question du caractère exécutoire ou non du pourvoi, qui ouvrirait la voie à une libération des détenus sans attendre la suite de la procédure auprès de la Cour suprême. Mais cette option a finalement été abandonnée afin de ne pas ralentir l’avancée d’une affaire dont le temps d’aboutissement est déjà suffisamment incertain. Conséquence, Mohamed Youssouf Bathily, dit Ras Bath, chroniqueur sur la radio Renouveau FM, Vital Robert Diop, directeur général du PMU Mali, Souleymane Kansaye, receveur général du District de Bamako pour le Trésor public, Mahamadou Koné, trésorier payeur général, et AguibouMackyTall, directeur général adjoint de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (AGEFAU), tous accusés de « complot contre le gouvernement et association de malfaiteurs », et « d’offense à la personne du chef de l’État » pour Ras Bath, restent détenus à la Maison centrale d’arrêt de Bamako depuis le 31 décembre 2020, soit 10 jours après leur arrestation par la sécurité d’État. Quant à celui qui est désigné comme le « cerveau » du présumé complot, l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, il se trouve « en lieu sûr » selon ses proches, et « introuvable » selon la justice, qui n’a pourtantentamé aucune poursuite à son encontre. Une chose qui « en dit long sur les incohérences de toute cette procédure », selon un proche du dossier, « car ils n’ont absolument rien contre lui ». Également interpelé au début de l’affaire, Sékou Traoré, ancien Secrétaire général de la présidence, est la septième personnalité accusée. Il a rapidement été relâché, protégé par son statut de magistrat et son rang de ministre, qui lui ont permis d’être renvoyé directement devant la Cour suprême, seule habilitée à instruire des dossiers qui concernent des ministres en exercice.

Tous les regards sont désormais tournés vers la plus haute juridiction du pays, dont la décision pourrait prendre plusieurs semaines. Les avocats travaillent à l’enrôlement du dossier lors de prochaine audience qui se tiendra le 15 mars. Dans le cas contraire, il faudra attendre le mois suivant, les audiences ne se tenant qu’une fois par mois.

L’indépendance en question

L’instance suprême agira t-elle en toute indépendance ? C’est la question que beaucoup se posent.Il est permis d’en douter, malgré les communiqués de presse dans lesquels les syndicats de la magistrature aiment à clamer ce sacro-saint principe. La décision du procureur général de faire appel n’a t-elle pas été annoncée après une rencontre au ministère de la Justice ? La sécurité d’Etat, qui est à l’origine de l’enquête et des soupçons de déstabilisation des institutions n’est-elle pas sous la tutelle de la Présidence de la République ?Et que penser des mutations qui viennent d’être effectuées ?Selon le Dr Mamadou Guissé, enseignant-chercheur à la faculté de droit privé, « si les personnes inculpées sont libérées, cela peut porter un coup rude aux services de renseignement ». Éviter le discrédit d’un service aussi stratégique que la SE, au mépris de la justice ?

« La Chambre d’accusation a dit le droit, il n’y a aucun doute », tranche le Professeur Kissima Gakou, doyen de la faculté de droit privé de Bamako (FDPRI). « Elle ne regarde pas les faits et l’appel lui a demandé de statuer sur les irrégularités de droit ». Des faits qui, même s’ils n’ont pas permis d’établir des infractions, sont des indices sur lesquels « le pouvoir semble s’être précipité, dans un contexte où le danger pouvait venir de partout », ajoute le Professeur Gakou. Et le docteur Guissé d’affirmer que l’on peut se réjouir de « la petite forme d’indépendance des institutions judiciaires que l’on commence à voir », parce qu’auparavant, chaque fois que l’État avait une position elle était soutenue jusqu’au bout par tous les acteurs de l’appareil judiciaire. La « cacophonie » entre la Chambre d’accusation et le Procureur permet de se rendre compte que « le droit mérite d’être dit et sera peut-être dit ».

Scrutée par les défenseurs de droit et des libertés, l’attitude de la justice est la seule qui doit retenir l’attention dans ce dossier, estime Maitre Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la Justice. « Les gens ont été arrêtés par la sécurité d’État et non par la justice, ce qui est une première anomalie. Arrêtés dans des conditions irrégulières et forcément détenus dans les mêmes conditions ». Et, enfin, « la DGSE passe la main à la justice, un blanchiment de la procédure », s’indigne Maître Konaté. S’interrogeant sur le pourvoi du Procureur général, il ajoute que, la prison étant l’exception, le maintien en prison peut constituer une « violation flagrante des libertés ». Il déplore le fait qu’un « contexte politique vient polluer le dossier ». La « déstabilisation est une infraction à poursuivre, mais on ne doit pas perdre de vue le respect de la procédure », poursuit-il.

En attendant l’issue de cette procédure, l’affaire continue de susciter les débats et certains acteurs alertent sur la nécessité de sauvegarder les principes de liberté individuelle et collective, même dans un contexte particulier comme celui du Mali.

Ras Bath : sa vie derrière les murs

Le  chroniqueur  Mohamed Youssouf  Bathily, alias Ras Bath, est en détention provisoire depuis le 31 décembre 2020, pour des « faits d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». À la Maison centrale d’arrêt de Bamako, il est plutôt en forme et garde le contact avec ses soutiens, qui ne ménagent rien pour obtenir sa libération.

Même s’il n’a plus ses dreadlocks, Ras Bath garde sa tête froide. « Il a un moral d’acier », affirme Boubacar Yalcoué, Secrétaire administratif du CDR (Collectif pour la défense de la République). Depuis sa mise en détention provisoire, il a pu lui rendre visite plusieurs fois.

Selon lui, Ras Bath est détenu au « premier cabinet », « le lieu le plus confortable de la Maison centrale d’arrêt ». Il a une journée chargée. Après l’appel quotidien des prisonniers, vers 6 heures du matin, Ras Bath s’acquitte de sa prière. Ensuite, il vient à la rencontre de ceux qui viennent lui rendre visite, de huit heures jusqu’à dans l’après-midi. « Par moments il est même débordé ».

À la Maison centrale d’arrêt, il mange bien, grâce à sa famille et au CDR.  Souffrant de problèmes de genoux, il bénéficie également d’un suivi médical. « J’en ai été témoin quelques fois. Quand on arrive, on le trouve en train de checker son état de santé avec des médecins », témoigne Boubacar Yalcoué.

Ras Bath n’est pas déconnecté de l’actualité. À chaque fois que les membres du CDR lui rendent visite, ils en débattent. « Le guide » profite aussi de ces occasions pour mûrir la stratégie de ses soutiens qui se mobilisent pour sa libération.  « On a de tout temps échangé avec lui », explique Boubacar Yalcoué. « Le seul message qu’il ne cesse de nous répéter, c’est de rester républicains et démocrates, de ne jamais poser des actes qui portent atteinte aux lois maliennes. Nous sommes dans ce canevas. Quand nous souhaitons poser des actions, on échange avec lui sur ce qu’il y a lieu de faire. »

Le CDR prévoyait une marche qui a été interdite à cause de l’état d’urgence et de la pandémie de Covid-19. Ensuite, c’est une demande de sit-in au Camp I de la gendarmerie, à la sécurité d’État et au tribunal de la Commune III qui a été retoquée pour les mêmes raisons. Ce 21 janvier, le CDR prévoit une caravane à travers Bamako. « Nous en avons parlé à Ras Bath et il n’y a vu aucun inconvénient ».

Me Cheick Oumar Tounkara : “le dossier contre notre client Vital Diop est vide”

Me Cheick Oumar Tounkara, un des avocats qui assure la défense de Vital Robert Diop en est convaincu, il n’existe aucun élément de preuve contre son client. Placé sous mandat de dépôt depuis le 31 décembre 2020 avec d’autres personnalités pour atteinte à la sûreté de l’Etat, le directeur général de PMU-Mali ne comprend pas les accusations le visant. Me Tounkara évoque dans cet entretien sa confiance de voir son client bientôt libéré et blanchi.

Depuis son incarcération à la maison centrale d’arrêt, avez-vous pu rencontrer votre client ?

Je l’ai rencontré. Depuis le jeudi 31 décembre 2020, il a été placé sous mandat de dépôt et détenu à la maison centrale d’arrêt de Bamako, depuis ce jour, j’ai l’opportunité de le voir quand je veux. Ma dernière visite remonte au mardi 5 janvier. Je me suis entretenu avec lui pour comme d’habitude m’enquérir de son état de santé et de son moral.

Quelles sont les conditions de détention ?

La maison centrale de Bamako n’est pas un hôtel cinq étoiles, donc bien évidemment, les conditions ne sont pas désastreuses certes, mais elles ne sont pas non plus optimales. Vital Diop tient le coup même s’il est affecté par tout ça, car au même titre que ses avocats, il se pose la question de savoir ce qui lui arrive. Il ne comprend pas cette procédure qui le vise et il se pose des questions.

Au-delà du communiqué du procureur de la République près le tribunal de la commune III, avez-vous plus de précisions aujourd’hui ?

Il est reproché à notre client au même titre que les codétenus d’avoir constitué une association de malfaiteurs en vue de perpétrer un coup d’Etat contre les autorités de la transition. Et au même titre que Mahamadou Koné et Souleymane Kansaye, il lui est reproché d’être le bras financier de ce prétendu complot, c’est pour cela qu’il est poursuivi et incarcéré à la maison centrale d’arrêt de Bamako.

Mais vous estimez que les poursuites à l’encontre de votre client n’ont pas lieu d’être…

Le dossier est vide pour la simple raison qu’à ce jour, s’agissant notamment de notre client Vital Diop, il lui est reproché des choses, mais jusqu’à maintenant, il n’a pas été confondu, que des suppositions, des questions, des affirmations, mais pas d’éléments de preuves. On dit qu’il a posé des actes, mais aujourd’hui, ils sont incapables de présenter un seul élément de preuve attestant la véracité de ces faits, ce qui nous fait dire aujourd’hui que ce dossier est vide.

Vous y voyez une instrumentalisation ?

Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y a une instrumentalisation et nous faisons confiance en la justice malienne pour nous édifier amplement sur ces aspects. Ce sera désormais la tache du juge d’instruction qui a été désigné. Il est chargé de poursuivre et d’instruire à charge et à décharge, nous lui laissons donc le soin de nous édifier sur tout cela.

Avez-vous confiance en la justice malienne dans ce dossier ?

En tant qu’acteur de la justice, je ne peux que manifester ma confiance vis-à-vis de nos autorités judiciaires quant à la manifestation de la vérité dans cette affaire. La justice malienne est indépendante, et elle a toujours fait abstraction de pression ou d’instrumentalisation au cas où il en aurait dans cette affaire. Notre client et nous fondons nos espoirs sur le juge d’instruction pour le blanchir définitivement dans cette affaire. Nous avons confiance que ce sera le cas à l’issue de cette procédure. Il n’a commis aucune action subversive, il n’est associé ni de près ni de loin aux faits qui lui sont reprochés.

Votre client serait-il selon vous un bouc-émissaire du fait de ses liens avec l’ex-Premier ministre Boubou Cissé ?

C’est un peu notre sentiment à nous. Comme indiqué aujourd’hui, rien ne justifie que notre client soit poursuivi vu qu’il n’y a pas d’éléments probants dans le dossier. Ce qui nous amène à penser que c’est peut-être parce qu’il est proche de Boubou Cissé et de l’ancien régime, que ce sont ses relations qui lui valent d’être poursuivi et incarcéré.

Que comptez-vous faire à court terme ?

Tous les avocats qui assurent la défense des intérêts des personnes mises en cause dans cette affaire ont introduit le lundi 4 janvier des demandes de mises en liberté entre les mains du juge d’instruction. Ce dernier dans sa sagacité a jugé nécessaire de refuser ces demandes jeudi 7 janvier. Nous en prenons acte. Notre client a été informé ce vendredi matin par l’entremise du greffier. L’étape qui va suivre est de nous investir auprès du juge d’instruction afin que notre client soit entendu le plus rapidement possible sur le fond de cette affaire, c’est ce que nous appelons l’interrogatoire de fond. Ceci nous permettra immédiatement d’entrevoir à nouveau une demande de mise en liberté. Aujourd’hui, même si ce n’est pas à mon avis contraire à la loi, la pratique voudrait que chez nous, le juge procède d’abord à l’interrogatoire de fond avant d’envisager de déposer une demande de mise en liberté. Nous avons entamé dès hier jeudi une demande collective auprès du juge d’instruction afin qu’il entende dans les meilleurs délais nos clients, et nous lui avons précisément demandé s’il pouvait entamer ces interrogatoires de fond dès ce lundi.

Atteinte à la sûreté de l’Etat : les avocats des accusés s’expliquent

« C’est la première fois de ma carrière que j’ai connaissance d’un tel dossier. C’est scandaleux ! Demain, ce sont les droits des Maliens même qui sont menacés », s’étonne Marcel Ceccaldi, conseil  de Dr. Boubou Cissé, comme pour évoquer la faiblesse des éléments retenus contre son client.  Tous les avocats des autres personnes accusées dans le dossier sont dans cette logique. Ils s’insurgent contre une « enquête initiée par la sécurité d’Etat dont personne n’a vu le contenu », et qui, à leur dire, s’apparente à une tentative d’écartement et d’isolement de toute personne susceptible de peser lors de la présidentielle prochaine. « Le lien entre Sékou Traoré (désormais ex secrétaire général de la présidence)  est sa position pour la présidentielle prochaine. Les deux ont collaboré dans le temps. Et on suppose que Sékou Traoré pourrait pencher la balance en faveur de l’ancien Premier ministre. Donc il faut le faire dégager », soutient Me Abdourahamane Touré, conseil de Sékou Traoré.   « L’auteur principal de ce complot serait le Dr. Boubou Cissé selon le réquisitoire du  procureur, qui nourrit des ambitions présidentielles.  Cela est peut-être un crime, je ne sais pas. Boubou Cissé n’a jamais été convoqué par la justice. Nous avons demandé à la sécurité d’Etat s’ils sont responsables de la décente armée à son domicile. Elle a répondu non. Boubou Cissé est aujourd’hui en sécurité. Il n’a pas fui et ne se trouve dans aucune ambassade. Ce qui se passe aujourd’hui est plutôt un complot contre Boubou Cissé pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle prochaine  », poursuit Me Kassoum Tapo, conseil de Boubou Cissé. Il explique qu’ « aucune des personnes accusées ne se sont rencontrées  dans un passé récent. »

Me Mamadou Traoré, conseil du chroniqueur Ras Bath, a fait état de tortures morales et physiques  qu’aurait subi son client. «  On lui a fait faire des exercices physiques, des pompes au-delà de 300 ».

L’ancien Premier ministre Boubou Cissé, Mamadou koné, trésorier payeur général, Vital Robert Diop, directeur général de la société PMU Mali, Souleymane Kansaye, receveur général du district, Sékou Traoré, Youssouf Mohamed Bathily alias ras Bath et Aguibou Tall, directeur général adjoint de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel et frère de l’ancien Premier ministre sont les personnes accusées dans l’affaire.

Leurs avocats ont déclaré avoir introduit une demande de remise en liberté qui a été rejetée.

Mali – Atteinte à la sûreté de l’Etat : Ras Bath et ses co-accusés placés sous mandat de dépôt

Arrêtés il y a une semaine plusieurs personnalités, dont le chroniqueur Ras Bath ont été placées sous mandat de dépôt par le juge en charge du dossier. Poursuivies pour atteinte à la sûreté de l’Etat selon un communiqué du procureur de la République Mamadou Kassogue, les mis en cause avaient été interpellés lundi 21 décembre dans des circonstances troubles. Ces « arrestations » avaient suscité les réactions notamment du président de la commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) qui dénonçait  « des arrestations sans base légale ». Ras Bath et ses co-accusés devaient être présentés au juge le 28 décembre, mais un attroupement devant le tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako avait empêché l’audition.

Mali – Sidiki Diabaté : liberté provisoire pour l’artiste

Après trois mois de détention, Sidiki Diabaté a bénéficié ce 29 décembre d’une libération provisoire. Visé par une plainte de son ex compagne, Mariam Sow dite Mamasita, pour « coups et blessures volontaires aggravés, séquestration, interruption volontaire de grossesse », l’artiste était incarcéré depuis le 25 septembre dernier à la maison centrale d’arrêt de Bamako. Des l’annonce de la nouvelle, de nombreux fans de la star se sont massés devant les murs de la prison. Sur les réseaux sociaux, les proches de l’artiste saluent avec une certaine sobriété cette libération. L’affaire est toujours entre les mains du tribunal de la Commune III de Bamako, la date du procès n’est pour l’heure pas connue.