El Ghassim Wane : « L’opération de retrait de la MINUSMA a été complexe et difficile »

Entamé le 1er juillet dernier, le processus de retrait de la MINUSMA est presque bouclé. Après 10 ans de présence, la mission onusienne quitte le Mali, où elle a longtemps été décriée par une grande partie de la population, qui regrettait son inefficacité et son inadaptation face à la complexe crise malienne. Le Mauritanien El Ghassim Wane, nommé le 15 mars 2021 et arrivé au Mali en mai de la même année, aura passé un peu plus deux ans comme chef de la mission. Dans cette longue interview exclusive, il revient sur la rétrocession des bases, les polémiques dans la région de Kidal, l’après 31 décembre 2023, le rapport sur Moura, l’avenir de l’Accord pour la paix et fait un bilan des 10 années de la MINUSMA.

La MINUSMA a organisé une cérémonie de clôture à son quartier général le 11 décembre pour marquer le départ de la mission. Quelle appréciation faites-vous du processus de retrait ?

La cérémonie qui a eu lieu le 11 décembre était destinée à marquer symboliquement le départ de la mission du Mali, à la suite de la demande faite à cet effet par les autorités de la Transition et de l’adoption subséquente par le Conseil de sécurité de la Résolution 2690. Dans les faits, nous avons déjà fermé les dix bases qui devaient l’être d’ici au 31 décembre 2023. Les trois restantes (Bamako, Gao et Tombouctou) seront converties en sites de liquidation à partir du 1er janvier 2024. Mais, même s’agissant de ces dernières emprises, nous avons déjà procédé à une rétrocession partielle aux autorités maliennes de la base de Gao et nous transfèrerons celle de Sénou, à Bamako, d’ici la fin du mois. Pour Tombouctou, tout est fait pour accélérer la cadence et assurer la remise de l’emprise au plus tard en février de l’année prochaine. Plus des deux tiers de nos personnels civils et en uniforme ont déjà quitté le Mali. Tous les personnels restants, à l’exception de ceux qui seront impliqués dans la liquidation de la mission, auront quitté le Mali d’ici la fin de l’année. Nous sommes évidemment satisfaits des résultats obtenus. Réussir le pari d’un retrait dans les délais fixés était loin d’être acquis, compte tenu de l’environnement sécuritaire, de l’envergure de la mission, de l’immensité de notre théâtre d’opération et d’autres contraintes, y compris logistiques.

Les Nations unies craignaient que le délai prévu pour le retrait ne soit trop court. Finalement, le défi a été relevé ?

Il est évident que le délai prescrit pour le retrait est exceptionnellement court. C’est une réalité ! Dans une situation normale, une opération de retrait de cette envergure prend beaucoup plus de temps. La question n’est pas que logistique et sécuritaire, il s’agit aussi d’assurer un transfert adéquat des tâches entre la mission qui part et les autorités du pays hôte et, le cas échéant, avec l’équipe-pays des Nations unies, qui regroupe les Agences, Fonds et Programmes de l’organisation, et d’autres acteurs, de manière à ce qu’il y ait une certaine continuité dans l’effort. Il faut, dans toute la mesure du possible, éviter des vides qui seraient préjudiciables à la stabilité du pays. Une fois que le délai fut déterminé, notre responsabilité était d’œuvrer à la réalisation de l’objectif fixé en préservant par dessus tout la sécurité de nos personnels. C’est ce qui a été fait, grâce au dévouement et au professionnalisme des personnels nationaux et internationaux de la MINUSMA, qui ont travaillé d’arrache-pied et fait montre d’une résilience et d’une créativité remarquables pour surmonter les difficultés rencontrées. Il a fallu aussi une bonne coordination avec notre siège à New York, qui nous a apporté tout le soutien nécessaire, ainsi qu’avec les pays contributeurs de troupes et de personnels de police. Il est crucial de relever que, dès le départ, des mécanismes de coordination ont été mis en place avec les autorités maliennes, tant au niveau national que local, avec pour objectif de faciliter un retrait ordonné et en toute sécurité. Il y a eu indéniablement des difficultés, mais je me réjouis de ce que l’objectif commun d’un retrait d’ici à la fin de l’année soit maintenant sur le point d’être réalisé.

La mission a dénoncé des contraintes dans son processus de retrait, notamment des autorisations de vols non accordées. Cela vous a-t-il obligé à vous adapter ?

On ne le dira jamais assez : le retrait de la MINUSMA est une opération d’une très grande complexité et les délais prescrits sont sans précédent pour une mission de cette envergure. Il a donc fallu s’adapter continuellement, en gardant à l’esprit l’impératif du respect du délai convenu, que nos partenaires maliens, et c’est parfaitement légitime, ont régulièrement rappelé, et celui de la sécurité de nos Casques bleus, qui revêt une importance d’autant plus grande que nous sommes la mission la plus dangereuse jamais déployée par les Nations unies. Oui, il y a eu des difficultés et nous nous en sommes ouverts à nos interlocuteurs maliens, dans le cadre des mécanismes de coordination mis en place pour faciliter le retrait, en plus des discussions que notre siège à New York a régulièrement eues avec la Mission permanente de la République du Mali auprès des Nations unies. En tant que partenaires devant œuvrer ensemble et en bonne intelligence à l’exécution de la Résolution 2690, il était important que nous puissions échanger en toute franchise sur le processus, sur nos préoccupations respectives et sur les difficultés rencontrées pour essayer de trouver les solutions les plus idoines.

Certains Maliens ont dénoncé une trahison de la part de la mission. Les autorités ont évoqué un non-respect de la résolution des Nations unies, notamment pour la rétrocession des bases de la région de Kidal. Pourquoi avoir fait le choix de partir sans cérémonie de rétrocession ?

 Je voudrais tout d’abord souligner que dans la très grande majorité des cas (Ogossagou, Douentza, Goundam, Ménaka, Mopti, Ansongo, entre autres), la fermeture de nos emprises et leur rétrocession se sont très bien passées, à la satisfaction et du gouvernement malien et de la MINUSMA. Cela dénote d’un degré élevé de coordination et de collaboration. Pour revenir plus directement à votre question, il importe d’abord de rappeler qu’avant le début du processus de retrait  nous avons élaboré un chronogramme tenant compte de plusieurs facteurs, notamment logistiques et sécuritaires. Ce plan a été partagé avec les autorités maliennes et, lorsque des ajustements ont dû être opérés du fait de contraintes totalement indépendantes de notre volonté, ceux-ci furent également communiqués, dans l’esprit du partenariat qui sous-tend la bonne mise en œuvre de la Résolution 2690. La fermeture des bases de la mission a été exécutée dans les périodes prévues. Cela n’a pu être le cas à Kidal, où la période envisagée a dû être réaménagée du fait d’impératifs sécuritaires. Je l’ai dit, et le Conseil de sécurité l’a souligné, la sécurité de nos Casques bleus est une préoccupation primordiale. Dans un contexte marqué par l’absence d’un mandat substantif à la suite de la demande de retrait et de la résolution du Conseil, la réduction drastique de nos capacités à nous protéger et l’augmentation très significative des risques sécuritaires, nous avions la responsabilité, l’obligation, de ne pas mettre la vie de nos personnels davantage en danger. Que ce soit lors des retraits de Ber, dans la région de Tombouctou, ou des bases situées dans la région de Kidal, nous avons fait face à des attaques et sommes, à plusieurs reprises, passés tout près de la catastrophe. Nous devons tous être soulagés qu’aucun Casque bleu n’ait perdu la vie dans ces opérations, même s’il y a eu des blessés nombreux : c’est un motif de satisfaction pour la mission, pour les pays contributeurs de troupes et de personnels de police, ainsi que pour les familles et proches des Casques bleus, et pour l’ensemble des États membres des Nations unies, étant donné que la mission a été mandatée par le Conseil de sécurité en leur nom.

Les autorités de la Transition étaient-elles informées de votre départ précipité de Kidal et de l’intention de ne pas faire de cérémonie de rétrocession ?

Comme indiqué plus haut, nous avons établi avec les autorités maliennes des canaux de communication multiples et à différents niveaux pour assurer une exécution aussi efficace et efficiente que possible du retrait de la mission. Dans ce cadre, nous échangeons régulièrement et dans le détail sur tous les aspects du processus de retrait, son évolution et nos préoccupations respectives.

Je crois que tous les acteurs concernés avaient conscience qu’un retrait dans des délais si courts, quelle que soit par ailleurs la bonne volonté des uns et des autres, ne pouvait être sans difficultés, d’autant qu’il est intervenu à un moment où le processus de paix était paralysé. Il peut y avoir des appréciations divergentes de ce qui s’est passé. Mais nous pouvons tous nous féliciter de ce qu’il est maintenant certain que le délai convenu pour le retrait sera respecté.

Une impression générale s’est dégagée, celle d’avoir favorisé les groupes armés, notamment la CMA, en agissant ainsi. Que répondez-vous ?

L’opération de retrait de la MINUSMA a été exécutée dans des conditions dont on ne soulignera jamais assez la complexité et la difficulté. Dans des situations de ce type, il n’est pas rare que des critiques soient entendues de la part des parties. Il ne vous a pas échappé que nous avons aussi fait l’objet de critiques de la part des Mouvements signataires. Notre unique objectif était d’assurer la bonne exécution de la résolution 2690. Et, dans cette entreprise, nous ne nous sommes jamais départis des principes qui gouvernent le fonctionnement des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Oui, il y a eu des incompréhensions et des questionnements, mais tout ceci est maintenant derrière nous. L’important, c’est la poursuite du processus de stabilisation, de paix et réconciliation et, pour cela, le Mali, qui appartient à la famille des Nations unies, pourra toujours compter sur le soutien indéfectible de l’organisation. La MINUSMA part, mais les Nations unies, à travers leurs Agences, Fonds et Programmes, restent pour continuer et renforcer la coopération existante.

Après cette phase de retrait, une nouvelle, dite de liquidation, va débuter le 1er janvier 2024. En quoi consiste-t-elle ? Comment de temps va-t-elle durer ? Quels personnels sont prévus à cet effet ?

Cette phase est mise à profit pour faire transporter hors du Mali les matériels et équipements, notamment ceux appartenant aux contingents qui n’ont pu être rapatriés avant la fin du retrait, ainsi que pour gérer tous les autres aspects, administratifs, financiers et autres, liés aux activités de la mission, et disposer de ses biens. Il importe de s’assurer que tout est en bon ordre.

L’expérience des Nations unies montre que ce type d’activités requiert normalement 18 mois pour être mené à bien. Mais mes collègues qui gèrent ce dossier ont la détermination de faire en sorte que ce travail soit accompli dans les délais les plus courts qui soient. Celui-ci mobilisera des personnels civils, avec le soutien d’effectifs limités de personnels de garde pour protéger les équipements encore au Mali et assurer la sécurité intérieure des sites de liquidation.

Combien d’agents de la MINUSMA auront quitté le Mali d’ici le 31 décembre 2023 ?

Plus des deux tiers de notre personnel sont déjà rentrés dans leurs pays respectifs. L’ensemble des personnels civils et en uniforme de la mission qui ne sont pas impliqués dans la phase de liquidation quitteront le Mali au plus tard le 31 décembre. Les personnels en uniforme – dont le nombre sera très limité – qui resteront au Mali seront ceux des unités de garde déployées sur les sites de liquidation, pour en assurer la sécurité intérieure, étant entendu que la sécurisation du périmètre extérieur de ces sites sera assurée par les autorités maliennes. Nous espérons nous accorder rapidement avec les autorités sur le détail des arrangements à mettre en place. Aux unités de garde s’ajouteront des éléments, également en nombre très réduit – post-curseurs laissés sur place par les contingents dont les équipements n’auront pu être rapatriés d’ici la fin de l’année

La MINUSMA employait de nombreux nationaux et avait des contrats avec des sociétés maliennes. Était-il prévu dans votre plan de retrait une indemnité pour ces personnes et entités ?

Le retrait est intervenu de façon abrupte et a dû être exécuté dans des délais on ne peut plus courts, apportant donc son lot de complications administratives et autres. Nous nous sommes employés à atténuer, dans le cadre strict de ce que permettent les règles des Nations unies et les règles contractuelles en cause, son impact pour nos personnels nationaux et internationaux et les entités avec lesquelles nous avons travaillé. Mais il est évident qu’il y a des limites à ce que nous pouvons faire.

Le Mali, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a le 16 juin dernier demandé le retrait sans délai de la MINUSMA. Vous étiez présent à cette réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Quel était le ressenti général après cette demande ?

Comme vous le savez sans doute, le Secrétariat des Nations unies, dans le rapport soumis au Conseil de sécurité pour sa session de juin 2023, avait recommandé que le mandat de la MINUSMA fût renouvelé pour une année supplémentaire. Et des consultations informelles avaient déjà commencé entre les membres du Conseil de sécurité sur un projet de résolution. Tel est le contexte dans lequel la demande de retrait a été faite. Les opérations de maintien de la paix, qui, même dans les conditions les plus favorables, sont d’une grande complexité, sont déployées avec le consentement de l’État hôte. Et il est évident qu’en l’absence d’un tel consentement il est quasiment impossible de mener à bien un mandat. La Résolution 2690 a tiré les conséquences de cet état de fait.

Avant que le Conseil n’entérine la fin de la MINUSMA, le 30 juin dernier, y a-t-il eu des discussions pour essayer de faire changer d’avis les autorités maliennes ?

Tout ce que je peux dire est que dès lors que le Mali a annoncé sa demande de retrait, l’attention s’est portée sur les conditions et les modalités de ce retrait, culminant avec l’adoption unanime de la Résolution 2690. Celle-ci constitue le guide commun, pour les Nations unies et pour le Mali, en vue de la réalisation du retrait demandé par les autorités maliennes.

Qu’est-ce qui a, selon vous, motivé la décision des autorités maliennes de réclamer le départ de la mission ?

Le Mali a exposé ses raisons devant le Conseil de sécurité le 16 juin 2023, lors d’une séance ouverte.

Le rapport de Moura, dont la publication avait été retardée, est très mal passé auprès des autorités. Pensez-vous que cela a eu un impact sur leur décision ?

Il n’appartient pas à la MINUSMA de spéculer sur les motivations d’une décision prise par les autorités d’un pays souverain ou de les commenter. Notre rôle, à ce stade, est de mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité et c’est ce à quoi nous nous sommes attelés depuis le 1er juillet 2023.

La MINUSMA était très importante dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Avec la reprise des hostilités, la prise de Kidal et votre départ, estimez-vous l’Accord enterré ?

Aucune des parties signataires n’a, à ma connaissance, dénoncé l’Accord, qui constitue un cadre de sortie de crise important pour le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que cet organe l’a, du reste, souligné dans le préambule de la Résolution 2690.

L’appui à la mise en œuvre de l’Accord de paix était la première priorité stratégique de la MINUSMA. Et, conformément aux résolutions du Conseil mandatant la mission, celle-ci a joué un rôle crucial, tant en termes de bons offices que de soutien opérationnel. Les Nations unies, en tant qu’organisation, restent bien sûr engagées en appui au Mali dans sa quête d’une paix durable, en prenant en compte les besoins et priorités de l’État malien.

La MINUSMA était également engagée dans le processus de transition, notamment sur le plan électoral. Quid après votre départ ?

Le mandat de la MINUSMA a pris fin le 30 juin 2023, date de l’adoption de la Résolution 2690 du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans le cadre de l’accompagnement de la Transition en cours au Mali et des cycles électoraux précédents, la MINUSMA s’était fortement impliquée, et de multiples manières. Elle a assuré la présidence du Comité local de suivi de la Transition, comprenant la CEDEAO, l’UA et la MINUSMA; apporté un soutien technique, logistique, financier et sécuritaire pour la bonne tenue des élections; œuvré à la participation des femmes et des jeunes aux élections et au renforcement de leur rôle dans la gouvernance locale et nationale; mobilisé le soutien de la communauté internationale, etc. Tout ceci a été fait dans un esprit d’excellente coopération avec les autorités maliennes compétentes. Le rôle de la MINUSMA était d’appuyer les efforts du gouvernement du Mali, et non de se substituer à l’État, qui continuera donc à mettre en œuvre ses objectifs de transition. Évidemment, les agences compétentes des Nations unies continueront, dans le cadre des priorités des autorités, à appuyer le processus électoral.

L’heure du départ est également celle des comptes. Après 10 ans de présence, quel bilan chiffré faites-vous de la MINUSMA ?

Il est impossible de faire un bilan exhaustif des 10 ans de la mission en peu de mots. Mais, pour le bénéfice de vos lecteurs, il me semble d’abord important de rappeler les conditions dans lesquelles la mission a été déployée et a opéré au Mali : le contexte sécuritaire, marqué par l’omniprésence du terrorisme, une menace asymétrique pour le moins inhabituelle pour le maintien de la paix; la taille de notre théâtre d’opération, avec une présence tant au centre que dans le nord du Mali et l’attente forte et bien évidemment légitime des populations quant à l’amélioration rapide de la situation sécuritaire et à la matérialisation des dividendes de la paix. À tout cela il convient d’ajouter la fragilité des processus politiques que nous étions mandatés à soutenir. Je peux dire avec certitude que l’action de la mission a eu des effets très bénéfiques et j’ai pu l’observer de mes propres yeux lors des très nombreux déplacements que j’ai effectués à l’intérieur du Mali. Nous avons aidé à la stabilisation des centres urbains dans les zones où nous étions déployés; exécuté des centaines de projets socio-économiques qui ont bénéficié aux populations, notamment dans le centre et le nord; réhabilité de nombreuses infrastructures aériennes, y compris à Gao, Tessalit et Kidal, ainsi que d’autres infrastructures tout aussi importantes tels des ponts  situés entre Sévaré et Bandiagara, le long de la route dite du Poisson qui conduit au Burkina Faso; protégé des civils dans nos zones de déploiement; soutenu de façon multiforme la réconciliation au niveau local; apporté un appui aux forces de défense et de sécurité, y compris en conduisant à leur demande des évacuations sanitaires et médicales et en finançant la construction d’infrastructures; facilité l’acheminement de l’aide humanitaire et appuyé les efforts de promotion et de protection des droits de l’Homme, y compris à travers un programme soutenu de renforcement des capacités. Nous avons aussi, comme je l’ai souligné tantôt, soutenu la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la Transition, en plus du processus d’élaboration d’une stratégie malienne de stabilisation des régions centrales du Mali.

Estimez-vous que la mission a été accomplie et les objectifs atteints ?

L’on ne peut dire, s’agissant d’une opération aussi complexe, que les objectifs ont été complètement atteints. La quête d’une paix durable est une entreprise de longue haleine. Elle repose fondamentalement sur la volonté et les efforts des acteurs nationaux. Dans le cas d’espèce, le rôle de la MINUSMA était de les accompagner et d’appuyer leurs efforts, sans préjudice de la responsabilité première qui est la leur.

De ce point de vue, il me semble que nous avons joué notre rôle. Et il est notable que, dans les zones où nous étions déployés, notre action a eu un effet tangible indéniable et était appréciée. Bien sûr, il y a eu des critiques, et cela est normal, car aucune œuvre ne peut être parfaite. La nôtre encore moins, car dépendant de beaucoup de variables multiples et complexes.

Nous nous sommes constamment employés à renforcer l’efficacité de notre action, y compris en restant à l’écoute des autorités, des autres acteurs concernés et de la population, d’une manière plus générale. Et nous nous sommes dépensés sans compter pour la cause de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Mali. L’engagement des personnels de la mission fut tout simplement remarquable, surtout au regard de l’omniprésence et de la gravité du risque sécuritaire. Le nombre élevé des pertes que nous avons subies et de blessures infligées à nos Casques bleus en est une claire et tragique illustration.

Permettez-moi de saisir cette occasion pour, en mon nom et au nom de l’ensemble de mes collègues, remercier le gouvernement et le peuple maliens pour leur collaboration et soutien au cours de cette décennie et de formuler les vœux les meilleurs pour l’année 2024 et, au-delà, pour l’avènement d’un Mali en paix, stable et prospère.

Kidal : le pari Gamou

Nommé le 22 novembre dernier Gouverneur de la région de Kidal après la reprise de la ville par l’armée malienne, El Hadj Ag Gamou est très attendu pour assurer la continuité du contrôle et de l’autorité de l’État dans la zone. Mais, pour y arriver, le Général touareg doit relever certains défis.

Deux semaines après sa nomination, le Général El Hadj Ag Gamou a quitté Bamako le 5 décembre 2023 pour l’Adrar des Ifoghas. Sa délégation a fait escale à Gao, où il a prêté serment dans la foulée.

Avant de s’envoler pour Kidal, le nouveau Gouverneur de la région a rencontré à Bamako les plus hautes autorités de la Transition, dont le Colonel Assimi Goïta. « Il a mis cette période à profit pour des rencontres avec différents ministres pour acquérir les conseils et orientations autour de ce qui l’attend. Toute cette organisation faite à Bamako, avec l’ensemble de son cabinet, entre en droite ligne avec le programme qui lui a été confié », affirme une source proche du général Ag Gamou.

Le nouvel homme fort de la région de Kidal a annoncé les couleurs de sa mission à sa sortie d’audience avec le Président de la Transition, le 24 novembre 2023. « Je vais tout faire dans l’intérêt général de la population de Kidal, faire venir tous les services sociaux de base et faire en sorte que la population de Kidal, qui a été trop fatiguée par l’insécurité, revienne chez elle et que cette région soit une région normale, comme toutes autres de la République du Mali », a-t-il promis.

Choix stratégique

L’une des principales missions assignées au Général Ag Gamou à Kidal est la consolidation de la cohésion sociale, qui passe par la réconciliation et le retour des déplacées dans la région. Issu de la fraction Imghad, dans une zone où la chefferie traditionnelle est détenue par les Ifoghas, dont sont issus la plupart des rebelles de la CMA, le nouveau Gouverneur pourrait toutefois se heurter à un rejet d’une partie des Kidalois. Contactés, les cadres de la CMA ont d’ailleurs préféré ne pas réagir à sa nomination.

Mais Alhassane Ag Hamed Ahmed, membre du Conseil communal des jeunes de Kidal, qui soutient que les Imghads et les Ifoghas de Kidal « cohabitent très bien » et qu’il n’y a « jamais eu une rivalité grave entre ces deux fractions », pense que le choix des autorités de la Transition porté sur El Hadj Ag Gamou est le bon. « Il a l’esprit d’un bon leader et, à la différence des Gouverneurs précédents, il connait bien le terrain », glisse-t-il, mettant tout de même l’accent sur l’appui indispensable du gouvernement dans la réussite de sa mission. « Les gens de Kidal n’ont pas peur de Gamou et ils le connaissent mieux que beaucoup d’autres, à Bamako ou ailleurs. Il faut qu’il ait l’appui des autorités mais aussi la pleine latitude de décider et de proposer des initiatives en tant que militaire », préconise-t-il.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna, le Général Ag Gamou possède des atouts et dispose de plusieurs leviers pour réussir la réconciliation et le retour des déplacés à Kidal.

« Gamou est un symbole. Il est aussi un des cadres Touaregs qui appelle à la paix et qui a la confiance des plus hautes autorités. La majorité des Touaregs sont des Imghads. Si c’est Gamou qui les appelle à retourner à Kidal, je pense que ce sera plus écouté que si c’était fait par d’autres personnes », analyse-t-il.

Ménaka impactée ?

La nomination du Général Ag Gamou à Kidal pourrait impacter la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, d’où il est originaire et où lui et ses hommes du Groupe d’auto-défense Imghads et alliés (GATIA) jouent un rôle-clé dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Pour l’heure, les forces du Général Gamou y sont toujours, mais il n’est pas exclu qu’elles se déplacent vers Kidal avec l’installation du nouveau Gouverneur.

« À Ménaka, cette nomination est plutôt bien vue. Même si certains membres du GATIA de Ménaka se déplacent vers Kidal, il n’y a pas que le GATIA dans la zone. Il y a aussi le MSA de Moussa Ag Acharatoumane, qui va rester », relève Dr. Koïna.

Mais une telle situation favorisera-t-elle la multiplication d’attaques terroristes dans la région de Ménaka, qui vient par ailleurs d’être visée, avec les localités de Labbezagan, Gossi et Tessalit, le 3 décembre dernier ?

« Je pense que les groupes extrémistes et les rebelles vont plutôt chercher à déstabiliser l’armée dans d’autres zones que Ménaka et Kidal », estime l’expert.

Sécurité : pour les FAMa, objectif Kidal à « tout prix »

Après les prises d’Anéfis et de Tessalit, tous les regards sont tournés vers la ville de Kidal, dont le contrôle est le principal objectif de l’armée malienne. Alors que la MINUSMA accélère son retrait, « l’inévitable » bataille de Kidal semble plus que jamais imminente.

Dans sa note aux correspondants du 14 octobre dernier, la Minusma alertait sur les « tensions accrues dans le nord du Mali » qui augmentaient la probabilité d’un départ forcé de la Mission de cette région du pays. Une semaine après, le 21 octobre, la Mission onusienne a indiqué avoir achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit, dans la région de Kidal, « dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel ».

« Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies », a précisé la Mission onusienne.

« Les FAMa occupent entièrement le camp de Tessalit. Nous allons défendre corps et âme cette emprise pour honorer le Mali. Il faut aussi savoir que l’ONU n’a laissé aucun matériel de guerre dans le camp. Tous les matériels de guerre ont été soit transportés soit détruits sur place », a confirmé le Chef du détachement FAMa de Tessalit.

La même procédure devrait s’appliquer pour le cas de Kidal, même si le gouvernement de transition, dans un communiqué, le 18 octobre dernier, soupçonne une « fuite orchestrée en prétextant des raisons fallacieuses », visant à « équiper les groupes terroristes en abandonnant délibérément des quantités importantes d’armes et de munitions pour réaliser leur dessein funeste ».

Retrait anticipé

La fermeture du camp de Tessalit, qui marque le premier retrait de la Minusma de la région de Kidal, a été suivie dans la foulée de celle du camp d’Aguelhok. « Nos Casques bleus ont quitté ce jour le camp d’Aguelhok, dans le cadre de notre retrait du Mali et dans la fourchette prévue dans le plan communiqué au gouvernement malien. La situation sur place était devenue très dangereuse pour leur sécurité, avec des informations faisant état de menaces réelles contre eux », a affirmé un communiqué de la Minusma le 23 octobre.

Si à Tessalit l’ex-camp de la Minusma a été rétrocédé à l’armée malienne, ce n’est pas le cas à Aguelhok, où les Casques bleus de l’ONU ont déserté leur ancienne emprise sans rétrocession aux autorités maliennes.

Alors que cette situation faisait craindre une confrontation entre l’armée et le CSP-PSD pour le contrôle du camp, les tensions se sont très vite exacerbées entre les deux parties. Selon un communiqué de l’armée du 24 octobre, qui a souligné que cette situation de départ précipité de la Minusma mettait en péril le processus entamé et menaçait la sécurité et la stabilité dans la localité d’Aguelhok, « les terroristes ont profité de ce désordre pour s’introduire dans le camp et détruire plusieurs installations. Ils ont été neutralisés par les vecteurs aériens des FAMa ».

Quant à la rétrocession du camp de Kidal, qui cristallise les attentions et est source de tensions entre l’armée malienne et la CMA, appuyée par Fahad Ag Almahmoud, la Minusma a indiqué évaluer « attentivement la situation en vue d’ajuster le plan de retrait de sa base dans la ville de Kidal », sans pour autant avancer de date précise. Elle a, selon des sources locales, évacué le 25 octobre une grande partie du personnel du camp de Kidal. Il ne reste plus que quelques soldats tchadiens et togolais qui partiront dans quelques jours. En attendant, la CMA et ses alliés ont pris position autour du camp.

Changement de stratégie ?

Le départ précipité de la MINUSMA de son emprise de la ville de Kidal, contrairement au calendrier initial, pourrait-il impacter le processus de récupération de ce camp par l’armée malienne ?  Pour Ibrahima Harane Diallo, chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel, bien qu’il aurait été souhaitable que la Minusma s’en tienne au calendrier de départ, ce changement n’affectera en rien les plans des FAMa, qui, selon certains observateurs, pourraient presser le pas et risquer des pertes en n’avançant pas à un rythme mieux « sécurisé ».

« À partir du moment où l’armée est déjà présente dans certaines localités telles que Ber, Anéfis ou encore Tessalit, cela suppose que stratégiquement elle peut s’emparer de Kidal », dit-il. « Cette question de changement de calendrier n’est pas à mon avis déterminante dans la stratégie militaire mise en place. Cela peut peut-être changer la tactique de l’armée, mais je ne suis pas sûr qu’elle apporte un changement de stratégie globale », confie celui qui est également chercheur associé au Timbuktu Institute.

À l’intérieur de la ville de Kidal, la CMA mobilise. Sur ses différentes pages, Alghabass Ag Intalla a lancé un appel à la jeunesse de « l’Azawad » afin qu’elle soit la protectrice de la patrie et des faibles. « Un pays que nous ne protégeons pas ne mérite pas d’y vivre », a-t-il ajouté. Dans une déclaration en date du 24 octobre signée du « Meeting de la population de Kidal », il est demandé à la MINUSMA de céder son emprise aux autorités locales. Le meeting, poussé par la CMA, annonce tenir désormais un sit-in permanent à l’aérodrome de Kidal, pour « empêcher tout atterrissage d’avions autres que ceux impliqués dans le processus de retrait de la MINUSMA ». Ce sit-in, s’il a lieu, pourrait mettre en place des boucliers humains, selon un analyste.

Communication contre communication

Comme nous l’écrivions dans l’une de nos récentes parutions, en prévision de la reprise des hostilités à Kidal plusieurs combattants venus de Libye se sont joints à la CMA. Ils ont apporté avec eux de nombreuses armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa. À en croire certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes, qui étaient principalement stationnés aux alentours d’Anefis, se sont rapprochés de Kidal. La tension est très vive et les principaux leaders de la CMA jouent une partie de leur va-tout sur la communication. « Nous nous battons pour défendre notre culture et nos aspirations politiques. Nous continuerons de nous battre jusqu’à obtenir un nouvel accord avec le gouvernement, qui nous garantira une administration en mesure d’offrir une nouvelle gouvernance à nos régions », clamait Bilal Ag Achérif, cadre de la CMA, dans une récente interview accordée à un journal étranger. D’habitude réservé, le Secrétaire général du MNLA multiplie les interviews avec des médias français et britanniques, dans lesquelles il lance des appels à des soutiens matériels et s’évertue à porter des accusations d’exactions sur les FAMa et « Wagner ». La présence du groupe paramilitaire au Mali n’a jamais été confirmée par les autorités, qui évoquent plutôt des instructeurs russes. Sur les réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter) et Facebook, des comptes proches de la CMA relaient des accusations d’exactions supposées sans toutefois apporter de preuves concrètes. Pour tenter de contrer cette communication, l’armée a réajusté sa stratégie. Les « longs » communiqués de la DIRPA sur deux ou trois pages ont été remplacés par des formats plus courts et plus digestes. Face au terme de génocide visant une communauté employé par des proches de la CMA, les autorités utilisent activement l’ORTM. Dans l’une de ses émissions, la chaine nationale a fait intervenir Zeidan Ag Sidilamine, un ancien cadre des mouvements rebelles des années 1990 qui a même été leur porte-parole et qui dément tout amalgame visant des Touaregs à Bamako.

Vers un nouvel accord ?

Une éventuelle prise de Kidal par les FAMa ne signifiera pas non plus la fin de la guerre. Même si, pour beaucoup d’analystes sécuritaires elle permettra de porter un coup aux groupes rebelles et terroristes en les privant d’une base arrière, après l’occupation de Ber. Et pour Bamako ce sera un énorme gain politique. Toutefois, les tactiques de guérilla et de harcèlement se poursuivront certainement. Jusqu’à quand ? La signature ou la relecture d’un Accord pour la paix, répond un analyste en géostratégie. Avec cette fois-ci « l’État en position de force ». Les différents protagonistes ont conscience que cette guerre d’usure ne pourra pas durer éternellement. La voie du dialogue est toujours ouverte, si l’on s’en tient aux différentes déclarations des autorités et des groupes armés. Avec quel médiateur ? L’Algérie toujours, mais son rôle est contesté. La CMA estime « être trahie » par Alger, qu’elle juge beaucoup trop silencieuse et qui ne ferait pas assez pression sur les autorités, qui, de leur côté, n’ont que peu goûté que le Président algérien reçoive une délégation de la CMA.

Minusma : un retrait mouvementé

Alors que la 2ème phase du retrait de la Minusma est marquée par des affrontements entre les Forces armés maliennes et les groupes armés du CSP-PSD, la mission doit également faire face aux accusations des deux parties mettant en doute sa neutralité. Une situation qui complique davantage le désengagement de la mission onusienne, désormais prise entre le marteau et l’enclume.

S’il était déjà difficile pour la Minusma de se retirer du Mali dans des conditions sécuritaires idoines, les accusations des différentes parties qui revendiquent le contrôle des camps de la mission la mettent définitivement dans une situation encore plus délicate.

Le 13 octobre, devant le corps diplomatique accrédité au Mali, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, n’a pas mâché ses mots sur la situation à Kidal, où, quelques jours plus tôt, les groupes armés de la CMA avaient pris le contrôle des positions avancés de la Minusma.

« Au-delà du manque de communication sur un sujet aussi sensible, le gouvernement déplore profondément l’abandon des unités maliennes du Bataillon des forces armées reconstitués et aussi l’encerclement et l’occupation de leur camp par la CMA sans aucune réaction de la Minusma », a-t-il fustigé, soulignant que le gouvernement avait été mis devant le fait accompli concernant l’occupation du Camp BAFTAR de Kidal.

Entre deux feux

Dans une note d’information en date du 16 octobre 2023, le ministère a exprimé son étonnement et dénoncé « l’action unilatérale de la Minusma, contraire à l’esprit de coordination et de collaboration voulu entre les deux parties dans le cadre du processus de retrait et non conforme au plan de retrait convenu en ce qui concerne le camp de Kidal ».

Le CSP-PSD, de son côté, a dénoncé dans un communiqué, le 13 octobre, un parti pris de la Minusma avec un « chronogramme flexible que nous soupçonnons d’être en phase avec le rythme opérationnel et tactique des FAMa ». « Nos remarques et suggestions sur la présence de zones d’ombres pendant les précédentes rétrocessions des emprises aux forces maliennes semblent avoir été purement et simplement écartées », a indiqué le CSP, prévenant que ses forces « ne sauraient rester observatrices dans la situation sans également agir ».

Menace d’attaque directe de la mission onusienne ? Pour Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel, cela semble très peu probable. « Les groupes armés ne veulent pas du tout se mettre à dos la communauté internationale, qu’ils sollicitent d’une manière ou d’une autre pour une solution pacifique. Certainement ils vont mettre la pression, mais je ne les vois pas directement attaquer les forces onusiennes », tranche-t-il.

Délai tenable ?

Selon la Résolution 2690 du Conseil de sécurité des Nations unies, le désengagement de la Minusma doit être effectif le 31 décembre 2023. Si, d’une part, le gouvernement du Mali et, de l’autre, les groupes armés du CSP-PSD tiennent au respect de ce délai, les Nations unies, également « déterminées à achever le retrait de la Minusma dans le délai prévu », se disent toutefois préoccupées par l’intensification des tensions et une présence armée croissante dans le nord du Mali, « qui risquent d’empêcher le départ ordonné et dans les délais ».

Dans une note aux correspondants en date du 14 octobre 2023, la Minusma a fait cas de convois logistiques n’ayant pas été autorisés à quitter la ville de Gao depuis le 24 septembre pour récupérer le matériel des Nations unies et des pays contributeurs de troupes actuellement à Aguelhok, Tessalit et Kidal. « Cela pourrait avoir un impact important sur la capacité de la mission à respecter le calendrier imparti ». Mais, selon le gouvernement, les autorisations concernant ces convois sont liées à la situation sécuritaire et seront délivrées « en fonction des améliorations constatées ».

« La Minusma va tout faire pour s’en tenir au délai. À défaut de pouvoir acheminer le lot de matériels, je pense qu’elle va les abandonner sur place. Mais le respect du délai est très important pour la mission et jusque-là le déroulement du processus nous conforte dans l’idée qu’elle va le respecter », affirme Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité.

Le 16 octobre, la Minusma a entamé, comme prévu, « dans un climat de haute tension », le processus de retrait de ses camps dans la région de Kidal, en commençant par Tessalit et Aguelhok. Cela alors que dans la matinée l’armée malienne, anticipant le décrochage, avait fait atterrir à Tessalit un avion qui a essuyé des tirs de rebelles séparatistes, mais qui a pu se poser et repartir sans difficulté après que l’aviation eût neutralisé les positions ennemies, selon un communiqué des FAMa. La Minusma a cité ces accrochages comme illustrant la détérioration rapide des conditions de sécurité pour la vie de centaines de soldats de la paix, indiquant que son personnel avait été contraint de chercher abri dans les bunkers en raison de ces échanges de tirs. Initialement prévu pour la mi-novembre, son retrait du camp de Kidal pourrait s’accélérer. Les camps de Tessalit et de Douentza ont été rétrocédés aux FAMa le 21 octobre dernier. Dans un communiqué publié hier 22 octobre, la mission onusienne a révélé avoir « achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit dans la région de Kidal, au nord du Mali, dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel. De nombreux soldats du contingent tchadien ont été rapatriés directement à Ndjamena à bord d’avions affrétés par leur pays. Pendant ce temps, les autres contingents présents à Tessalit, tels que l’équipe népalaise de neutralisation des explosifs et munitions (EOD), les ingénieurs cambodgiens et l’unité de services et de gestion de l’aérodrome bangladaise, sont tous partis à bord d’avions des Nations unies. Le personnel restant est parti dans un dernier convoi terrestre en direction de Gao le 21 octobre 2023, mettant fin à la présence de la mission à Tessalit. « Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient, ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies. Cette décision, qui constitue une option de dernier recours suivant les règles et procédures de Nations-unies, est due au fait que 200 camions, qui devaient se rendre dans la région de Kidal récupérer ce matériel, sont à Gao depuis le 24 septembre, faute d’autorisation des autorités au vu de la situation sécuritaire » peut-on lire dans le communiqué.

Kidal : la reconquête en marche ?

Partie de Gao le 2 octobre dernier, la colonne militaire des Forces armées maliennes (FAMa), en route vers Kidal, poursuit son avancée. Alors qu’elle a repris le contrôle de la ville d’Anefis, à environ 112 km de Kidal, le 7 octobre, l’armée malienne est plus que jamais tournée vers la reconquête de ce bastion des ex-rebelles de la CMA, hors de contrôle de Bamako depuis plus d’une décennie.

Le calme avant la tempête. Après d’intenses combats les 4, 5 et 6 octobre, les forces armées maliennes, appuyées par des Russes, ont pris le contrôle le 7 octobre de la localité d’Anefis, une ville stratégique qui permet d’accéder à Tessalit, Aguelhoc et Kidal. La colonne des FAMa, qui a quitté Gao le 2 octobre vers la région de Kidal, a été la cible de plusieurs attaques de groupes terroristes. Depuis la reprise des hostilités avec la CMA, les autorités de la Transition ainsi que l’armée emploient indistinctement le terme « terroristes » pour désigner les ennemis qu’elles combattent. Selon des sources crédibles, les combats entre les FAMa et la CMA, appuyée par des éléments de GATIA fidèles à Fahad Ag Almahmoud, ont causé de nombreux morts et dégâts. Aucune des parties n’a communiqué le bilan de ses pertes. La colonne, composée de véhicules blindés et pick-up, plus d’une centaine, escortés par des avions et des drones, a finalement eu raison de la résistance des groupes armés grâce à l’apport des vecteurs aériens. Le terrain plat et dégagé favorisait les frappes et offrait peu de possibilités aux assaillants de se couvrir. Désavantagés par le terrain et alors que leurs pertes s’accumulaient, ils ont été contraints d’abandonner Anefis. « Aujourd’hui, l’armée malienne occupe Anefis et ses alentours. La situation sécuritaire est sous contrôle mais reste toujours imprévisible », a confié dans la foulée un officier à la télévision nationale. Selon certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes sont principalement stationnés aux alentours d’Anefis avec quelques éléments de la CMA. Le reste des troupes est replié sur la ville de Kidal, ainsi qu’à Aguelhoc et à Tessalit. En prévision de la reprise des hostilités, plusieurs combattants venus de Libye sont venus se joindre à la CMA. Ils ont apporté avec eux plusieurs armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa.

Objectif Kidal

Si l’objectif final reste l’occupation de l’emprise de la MINUSMA dans la ville de Kidal, programmée pour novembre, les FAMa doivent aussi, selon le calendrier, prendre possession des emprises de la mission onusienne à Aguelhoc et à Tessalit. Du fait de la situation sécuritaire précaire, les acteurs, aussi bien gouvernementaux que de la MINUSMA, se gardent de donner une date précise pour la reprise de ces camps. La seule certitude qui semble partagée est que la MINUSMA va achever son retrait le 31 décembre 2023. En attendant, les différentes forces se préparent. « La CMA, qui a attaqué plusieurs camps le mois dernier (Bourem, Léré, Bamba, Dioura…), ne peut se permettre de perdre ses positions à Kidal », confie un analyste qui a requis l’anonymat. De leur côté, les autorités de la Transition, qui pourraient faire face à une contestation suite au report de la présidentielle, ont grandement besoin du gain politique que leur apporterait la prise des bastions de la rébellion, qui cristallise l’attention de beaucoup de Maliens. Selon des observateurs, de nouvelles batailles sanglantes et coûteuses s’annoncent. D’autant que se trouvent aussi dans cette zone les terroristes du JNIM, dont la collusion avec la CMA a été rapporté par de nombreuses sources, qui prendront certainement part aux différentes batailles. L’environnement devrait leur être favorable, notamment dans l’Adrar du Tigharghar, une montagne située entre Kidal et Tessalit qui a servi de sanctuaire aux terroristes d’Al Qaïda et d’Ansar Eddine en 2012, et qui est une cachette parfaite pour tendre des embuscades et prendre à revers une unité de combat.

Panique à Kidal ?

En attendant, des sources rapportent une certaine panique dans la ville de Kidal. Les habitants redoutent l’offensive. Beaucoup d’entre eux, qui s’étaient habitués à la non présence de l’État malien, plient bagage en direction de Tinzawatene, à la frontière avec l’Algérie, ou de Bordj Badji Moctar, sur le territoire algérien. C’est dans cette situation tendue que la composante FAMa et celle et de la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger du Bataillon des Forces armées reconstituées a quitté le 10 octobre le Camp 1 de Kidal pour celui de la MINUSMA. Le camp est depuis occupé exclusivement par la CMA. La MINUSMA précise qu’elle n’a pas évacué les 110 éléments mais qu’ils sont « venus » d’eux-mêmes. Rappelons qu’en février 2020, la première compagnie du Bataillon reconstitué de l’armée malienne (BAFTAR) est arrivée à Kidal. Depuis lors, cette armée, cantonnée dans son camp, n’a pas pu mener d’opérations.

Sécurité : la guerre entre dans une nouvelle phase

La situation sécuritaire dans le nord du pays s’est considérablement dégradée depuis le début du mois de septembre, avec la multiplication des attaques terroristes visant des positions des Forces armées maliennes (FAMa) mais aussi des civils. Par ailleurs, alors que l’armée s’apprête à reprendre les camps de la Minusma dans la région de Kidal, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), de son côté, est déterminée à garder les zones sous son contrôle.

49 civils et 15 militaires tués, des blessés et des dégâts matériels. C’est le bilan provisoire donné par le gouvernement de la double attaque terroriste revendiquée par le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (JNIM) le 7 septembre 2023, contre le bateau « Tombouctou » reliant Gao à Mopti et la base militaire des FAMa à Bamba, dans la région de Gao.

407 rescapés de cette attaque sont arrivés le jour suivant à Gourma-Rharous, où dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, ils appelaient les autorités de la Transition à l’aide. « Tous mes enfants sont morts, ma famille entière, il ne me reste plus que mon petit-fils, que vous voyez avec moi », se lamente un vieil homme devant un groupe de rescapés qui scande : « nous voulons quitter ici ». « Nous avons perdu beaucoup de personnes, des enfants tout comme des adultes et des personnes âgées. Nous sommes fatigués. Nous n’avons ni à manger ni à boire, nous avons tout perdu dans cette tragédie. Nous voulons rentrer chez nous », confie, très remontée, une femme. Ce sont les affres, les dernières d’une guerre qui s’étend et devient de plus en plus meurtrière.

Le 8 septembre, au lendemain de cette double attaque, le camp militaire de Gao a été à son tour la cible d’une attaque terroriste faisant une dizaine de morts et des blessés parmi les Forces armées maliennes, suivie 3 jours après, le 11 septembre, de tirs d’obus à l’aéroport de Tombouctou occasionnant des dégâts matériels dans le camp de la MINUSMA s’y trouvant.

Guerre ouverte

Au même moment où les attaques du JNIM se multiplient, la CMA, de son côté, mène des actions dans le but d’empêcher la perte des zones qu’elle contrôle dans le nord du pays. Dans un communiqué en date du 10 septembre, le Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD), regroupant la CMA et d’autres mouvements signataires de l’Accord pour la paix, « tout en désignant la junte au pouvoir à Bamako comme seule responsable des conséquences graves qu’engendrera sa stratégie actuelle de rompre le cessez-le feu », déclare « adopter dorénavant toutes mesures de légitime défense contre les forces de cette junte partout sur l’ensemble du territoire de l’Azawad ».

« Le CSP-PSD appelle les populations civiles à s’éloigner au maximum des installations, mouvements et activités militaires et les assure que ses forces feront de la sécurisation des personnes et de leurs biens leur priorité contre toutes sortes de menaces », poursuit le communiqué, signé du Président Alghabass Ag Intalla. Mais le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger s’en sont désolidarisés pour n’avoir pas été associé à la rédaction de la déclaration.

Le 11 septembre, dans une « communication en temps de guerre », la cellule d’information et de communication des affaires militaires de l’Azawad, créée quelques jours plus tôt, demandait « à tous les habitants de l’Azawad de se rendre sur le terrain pour contribuer à l’effort de guerre dans le but de défendre et protéger la patrie et ainsi reprendre le contrôle de l’ensemble du territoire national azawadien ». Pour concrétiser ses menaces, la CMA est passé à l’acte le 12 septembre en s’attaquant à une position de l’armée malienne à Bourem, dans la région de Gao. Selon certaines sources, le dispositif de l’armée malienne qui doit reprendre les camps de la MINUSMA dans la région de Kidal est stationné dans cette zone. Les combats violents ont duré plusieurs heures et la CMA s’est repliée suite à l’intervention des vecteurs aériens de l’armée, qui ont effectué de nombreuses frappes. L’État-major général des armées, qui n’évoque pas la CMA dans son communiqué, parle « d’une attaque complexe aux véhicules piégés de plusieurs terroristes à bord de plusieurs véhicules et motos ». Bilan, « 10 morts et 13 blessés dans les rangs des FAMa et 46 terroristes neutralisés, plus de 20 pickups détruits, y compris ceux équipés d’armes ». Signe que la collusion réelle entre la CMA et le JNIM, comme ce fut le cas en 2012, est désormais bien intégrée dans la communication de l’armée. Ces affrontements directs entre les deux principaux protagonistes signent aussi la « mort cérébrale » de l’Accord pour la paix signé en 2015, du moins en l’état, à moins que la communauté internationale, en l’occurrence l’Algérie, chef de file de la médiation, jusqu’alors silencieuse, ne tente de faire rasseoir les parties autour de la table.

Nouveau tournant

En attendant, pour l’analyste politique et sécuritaire Moussa Djombana, la montée des tensions dans le nord s’explique par une combinaison de facteurs, notamment la volonté d’occupation de l’espace laissé par le départ progressif de la MINUSMA et le renforcement des capacités militaires des FAMa, qui envisagent des offensives, y compris dans les zones couvertes par le cessez-le-feu de 2014. « Cela a provoqué la colère de la CMA, qui interprète cela comme une violation du cessez-le-feu et une agression », souligne-t-il.

La reprise des hostilités, qui semblait inévitable entre les deux camps, fait basculer la situation sécuritaire dans le pays dans une nouvelle phase depuis la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en 2015.

À en croire M. Djombana, elle risque de se détériorer davantage par la suite. « Pour les autorités maliennes, les opérations visent les groupes armés terroristes, pas la CMA. Cependant, pour la CMA, la violation du cessez-le-feu de 2014 et la caducité de l’Accord pour la paix sont une réalité depuis quelque temps. Les FAMa ont pris Ber grâce à une opération militaire d’envergure, un bastion de la CMA depuis 2012, ce qui augmente la probabilité de nouveaux affrontements », analyse-t-il.

Même son de cloche chez le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna. « On sait qu’aujourd’hui les groupes armés ne veulent pas du tout laisser l’armée s’installer confortablement dans certaines zones qu’ils prétendent être leurs fiefs. Ber était l’une d’elles. Aujourd’hui, l’armée est aussi déterminée à occuper Aguelhok, Tessalit et plus tard Kidal. S’il n’y a donc pas de négociations, il est fort probable que des affrontements aient lieu », avance-t-il.

Pour Dr. Koïna, la position et la posture actuelle des groupes armés s’expliquent par le fait que la MINUSMA étant en train de partir, « ils essayent d’occuper le plus tôt possible le terrain et d’harceler l’armée avant qu’elle ne puisse se positionner. Pour y parvenir, il est important pour ces groupes armés et terroristes de terroriser la population et de faire peur à l’armée ». « La CMA a tout à perdre si l’armée malienne récupère Kidal. Il est tout à fait normal qu’elle essaye de tout faire pour rester sur ses positions », glisse-t-il.

Accord pour la paix : l’inévitable confrontation entre les parties ?

Alors que le processus du retrait de la MINUSMA doit s’achever le 31 décembre 2023, la mission onusienne a entamé le 1er septembre 2023 la deuxième phase de rétrocession de ses emprises à l’État malien. Cette phase, qui verra la rétrocession des camps d’Aguelhok, de Tessalit et de Kidal à l’armée malienne, des zones sous contrôle de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), fait craindre une reprise des affrontements armés entre les deux parties.

Si la rétrocession du camp de Ber, dans la région de Tombouctou, avait déjà occasionné mi-août un regain de tensions entre l’armée malienne et les groupes armés terroristes, d’une part, et la CMA, de l’autre, celles en vue dans le bastion des ex-rebelles des camps d’Aguelhok et de Tessalit, du 15 au 30 septembre 2023, et de Kidal deux mois après, le 15 novembre, risque de marquer définitivement la reprise des affrontements entre les Forces armées maliennes (FAMa) et la CMA, depuis la signature du cessez-le-feu du 23 mai 2014. C’est du moins ce que laissent présager les différentes prises de position des deux camps depuis un certain temps.

Escalade

Assurant le 12 août dernier qu’elle poursuivrait pleinement la défense de ses positions, consacrées par le cessez-le-feu du 23 mai 2014 et par les arrangements sécuritaires, lors des heurts qui ont émaillé la reprise en main du camp de Ber par les FAMa, la CMA a dénoncé dans un communiqué, le 28 août 2023, le largage de deux bombes par des avions FAMa sur le village d’Anefis, pour « terroriser les habitants et sur une position de la CMA, sans faire de victimes ».

« Après maintes analyses, et au vu de ce qui précède, la CMA considère que la junte de Bamako a définitivement et délibérément opté pour une escalade vers des hostilités ouvertes aux conséquences obligatoirement désastreuses », indique le communiqué, signé du Porte-parole Ibrahim Ag Eouegh.

Dans la foulée, l’armée malienne a de son côté annoncé avoir mené le même jour dans la localité une frappe aérienne contre un « groupe de terroristes armés, neutralisant plusieurs terroristes et quatre camions ».

À l’occasion de la réunion du Conseil de sécurité, à la même date, sur le rapport d’étape du Secrétaire général des Nations Unies sur le retrait de la MINUSMA, Issa Konfourou, Représentant permanent de la République du Mali auprès des Nations Unies à New York, a déclaré que si les Forces armées maliennes étaient attaquées ou empêchées d’accomplir leurs missions elles se verraient dans l’obligation de réagir vigoureusement.

« La détermination du Mali à faire occuper par l’Armée malienne tous les camps qui seront libérés par la MINUSMA ne constitue pas un acte de belligérance ou de rupture du processus de paix. Au contraire, cela s’inscrit dans le processus régulier de rétrocession des emprises de la Mission et dans le respect du cadre juridique en vigueur, notamment l’Accord pour la paix et la réconciliation, ainsi que toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui reconnaissent la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali », a clamé l’ambassadeur.

La CMA soutient le contraire. Pour les ex-rebelles, en tenant « coûte que coûte à occuper les emprises de la MINUSMA, y compris celles situées dans les zones sous contrôle de la CMA », Bamako « viole tous les arrangements sécuritaires garantis jusqu’ici par la mission onusienne et la communauté internationale ».

Pour Baba Dakono, Secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la Gouvernance et la Sécurité (OCGS), la question d’une violation ou non aujourd’hui des arrangements sécuritaires devient une « guerre d’interprétation » entre le gouvernement et la CMA.

« À partir de la signature de l’Accord pour la paix, il convient de s’interroger sur le cessez-le-feu de mai 2014, s’il va au-delà de cet Accord, qui prévoit des mécanismes, notamment l’armée reconstituée pour la gestion des zones qui étaient précédemment sous contrôle d’acteurs armés comme la CMA », relève -t-il, précisant qu’il n’y a pas eu d’arrangements sécuritaires sur la rétrocession des emprises de la MINUSMA dans le cadre de son retrait et que les arrangements que la CMA évoque sont ceux de 2014, qui avaient convenu que chaque camp devait rester sur ses positions.

Affrontements en vue ?

Selon Baba Dakono, la poursuite de la rétrocession des camps de la MINUSMA à l’armée malienne dans les régions du nord sera inévitablement jalonnée de tensions entre Bamako et la CMA, parce que la MINUSMA ne peut rétrocéder ses camps qu’à l’armée malienne, ce que conteste la CMA.

Le ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Colonel-Major Ismaël Wagué, a invité le 28 août 2023 les « frères » des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali à « revenir à la table des négociations dans le processus de paix, en vue de surmonter les défis actuels par la voie du dialogue ». Un « non évènement » du côté de la CMA, où la main tendue du gouvernement semble être rejetée.

« Un communiqué laconique d’appel au dialogue de la part de l’adversaire, publié concomitamment à des frappes aériennes sur tes positions, ne saurait être qu’une pièce d’un jeu préétabli. Celui qui consiste déjà à refuser d’assumer que l’on te vise en déclarant exclusivement cibler des terroristes. La recette est bien facile mais indigeste », a fustigé le 29 août Attaye Ag Mohamed, l’un des porte-voix de la CMA. « Nous avions tellement gardé les mains tendues pour le dialogue qu’elles souffrent encore de crampes », a-t-il ironisé.

Pour la poursuite de la rétrocession des camps de la MINUSMA à l’État malien, notamment dans le fief de la CMA à Kidal, Dr. Mady Ibrahim Kanté, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako, envisage pour sa part trois scénarios. Le premier serait celui, comme dans le cas de Ber, où l’armée malienne récupérerait les camps après des accrochages avec la CMA sans une véritable guerre.

Le deuxième serait un affrontement entre les deux parties, les camps de la MINUSMA revenant à la partie qui prendrait le dessus. Mais, avec un tel scénario, la partie perdante continuerait à harceler l’autre, avec le risque d’une aggravation par la suite de la situation, souligne-t-il.

Le troisième scénario, selon l’universitaire, serait celui de « discussions sous la table », qui seraient par ailleurs déjà en cours. À l’en croire, même si le gouvernement ne fait pas d’annonces, des discussions discrètes sont menées pour aller vers une solution négociée. Discussions qui, si elles aboutissaient, permettraient une entente entre l’armée malienne et la CMA pour éviter la « guerre ».

« Je pense que ce dernier scénario est le plus probable, parce que la guerre n’arrange pas la CMA aujourd’hui. Elle n’a pas la même position de force qu’en 2012, où elle était plus forte que l’armée malienne. Aujourd’hui, c’est le contraire, l’armée malienne a pris le dessus. Par ailleurs, la CMA n’a plus le soutien des populations locales dans certaines régions du Nord, comme en 2012 où elle était soutenue par ces dernières pour mener les combats contre l’État malien », avance Dr Mady Ibrahim Kanté.

Accord compromis

Soumis à plusieurs difficultés dans son application depuis sa signature en 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’a jamais autant frôlé la rupture que ces derniers mois.

Selon les analystes, une éventuelle reprise des combats entre la CMA et les Forces armées maliennes sonnerait le glas définitif de cet Accord, déjà bloqué depuis des mois dans sa mise en œuvre suite au retrait des groupes armés signataires réunis au sein du CSP-PSD de tous les mécanismes de son suivi depuis décembre 2022.

« Sauf illusion, il est difficile de croire qu’on puisse revenir à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Je pense que ce qui pourrait être fait aujourd’hui, ce sont de nouvelles discussions ou de nouveaux arrangements pour permettre de rétablir la stabilité dans le Nord du Mali », préconise Baba Dakono.

Gouvernement – Groupe armés : jusqu’où ira la discorde ?

Le survol de Kidal, en milieu de semaine dernière, par des avions de l’armée malienne a exacerbé les tensions entre différentes parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Alors que la médiation internationale tente de trouver une voie pour la reprise du dialogue, le gouvernement malien et les groupes armés signataires campent sur leurs positions.

Que serait-il advenu ce 5 avril 2023 si, depuis le ciel du Septentrion malien, l’armée de l’air avait répondu aux tirs de sommation des combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) en direction des avions de chasse qui ont survolé à basse altitude, selon plusieurs sources, certaines villes du nord dont Kidal ? Il n’en a en tout cas pas fallu plus pour que les ex-rebelles crient à une « violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014 et une provocation grave opérée sous les yeux de la communauté internationale, garante des arrangements sécuritaires et de l’Accord pour la paix ».

À cette accusation à peine voilée les autorités de la Transition n’ont jusque-là officiellement pas réagi. Selon nos informations, elles ne souhaitent pas communiquer pour l’heure sur cette situation. Nos tentatives auprès de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) pour plus d’informations sur l’opération de survol et les moyens mobilisés n’ont pas abouti.

Reprise des combats ?

L’Accord pour la paix et la réconciliation en lui-même est vacillant depuis des mois. En décembre 2022, les représentants des groupes armés signataires, réunis au sein du Cadre stratégique permanent pour la paix, la sécurité et le développement  (CSP-CSD) ont suspendu leur participation aux mécanismes de sa mise en œuvre.

Les différentes tentatives de la médiation internationale (Rencontre à Kidal avec les groupes armés, rencontre des groupes armés à Alger avec le Président algérien, réunion de la médiation à Bamako avec l’ensemble des parties…) pour que les différentes parties signataires reprennent le dialogue n’ont visiblement pas porté fruit.

Dans ce contexte, le récent « incident » de Kidal fait craindre à certains observateurs une nouvelle poussée de température entre le gouvernement du Mali et les mouvements armés, sans exclure une montée des tensions aboutissant à une reprise des combats armées entre les deux camps près d’une décennie après la fin des confrontations. Le 6 avril, sur les réseaux sociaux, des photos d’armes antiaériennes aux mains des mouvements signataires ont circulé lors de la célébration de l’unilatérale « indépendance » de l’Azawad. Une réponse, selon certains, au survol.

Mais, à en croire Dr. Aly Tounkara, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel, un tel scénario est peu probable. « Quand on regarde depuis trois mois de part et d’autre les différentes déclarations qui sont faites çà et là, tout laisse entendre que des velléités sécessionnistes pourraient difficilement être déclenchées de nouveau, au regard de l’intérêt, en dépit de ces agissements, que les deux parties manifestent vis-à-vis des débuts d’accalmie que l’Accord a pu quand même instaurer entre elles depuis des années ».

Sauver l’Accord

La médiation internationale, garante du suivi de l’Accord depuis sa signature en 2015, tente de le sauver. D’ailleurs, le gouvernement de transition a toujours réitéré son attachement et son engagement à une mise en œuvre « intelligente » de l’Accord. Même s’ils semblent ne pas s’accorder sur les mêmes priorités que les autorités, les groupes armés signataires, de leur côté, restent également disposés à aller vers sa mise en œuvre.

Mais aucune des deux parties n’a pour l’heure réagi aux nouvelles « propositions concrètes » que la médiation internationale a indiqué leur avoir fait, dans un communiqué en date du 9 avril 2023. « Nous sommes en train d’étudier et de nous concerter sur ces propositions avant d’y répondre », nous a indiqué une source au sein des groupes armés qui n’a pas souhaité détailler les propositions en question.

Toutefois, selon certaines sources, il s’agirait, entre autres, de l’opérationnalisation de la Commission ad hoc sur la chaîne de commandement des forces reconstituées, d’un début de l’opération DDR sur un premier lot de 13 000 ex-combattants et de la mise à jour des arrangements sécuritaires sur le cessez-le-feu. La médiation internationale veut aller vite. Selon nos informations, elle envisage de rencontrer le gouvernement le 17 avril, avant d’élargir les discussions aux groupes armés signataires une semaine plus tard, à partir du 24.

Mines : au nord, la ruée vers l’or

Au Mali, une quinzaine de sites miniers exploitent l’or, en plus des multiples zones d’orpaillage. L’activité est fortement concentrée sur les régions du Sud. Mais depuis 2020 les chercheurs de métal jaune se ruent aussi vers la partie septentrionale du pays, où plusieurs gisements ont été découverts ces dernières années.

Almaghmor. Le nom de ce village situé à 140 km de Tombouctou revient en boucle sur les réseaux sociaux depuis fin mars. Selon plusieurs sources, des autochtones y ont découvert une mine d’or à ciel ouvert. Sur le site en plein désert que l’on peut apercevoir sur des images relayées sur Internet, des personnes s’affairent à exploiter le métal jaune. « Ils sont plusieurs chercheurs d’or à se rendre dans le village avec du matériel depuis une semaine, malgré les conditions climatiques difficiles et l’insécurité qui règne dans la zone », explique un ressortissant de la localité, qui confirme l’information de la découverte du site.

Tout comme à Almaghmor, de l’or a récemment été découvert dans plusieurs localités du septentrion malien. Notamment à Igouzar, à 50 km de Kidal. Dans la région, à 40 km au sud de Tessalit, des sites aurifères ont également été découverts en 2020.

Autre région, autre découverte. À 90 km de Gao, dans les localités de Marsi, N’Tillit nord et sud et Tinaïkorene, du métal jaune a été aussi trouvé en 2020. « L’État est au courant de ces sites d’orpaillage, mais, avec l’insécurité qui règne dans la zone, il n’arrive pas à les contrôler pour le moment. Ce qui fait que nous ne disposons pas de données spécifiques sur ces lieux d’exploitation minière. Par exemple, sur la quantité d’or qu’on y exploite », explique un agent de la Cellule de planification et de statistique du secteur Mines et énergie (CPS/SME), un service du ministère des Mines qui publie chaque année des données statistiques sur ces deux secteurs économiques. En absence de contrôle de l’État, les sites, selon de nombreuses sources, sont assujettis aux groupes armés, dont la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et la Plateforme.

« Les groupes armés font partie des principaux acteurs de cette mini-industrie. Sur la route entre Gao et In-Tillit, les check-points anarchiques sont légion. Il n’est pas rare de voir des groupes d’hommes, qui souvent ne sont même pas armés, demander aux voyageurs de payer entre 2 000 et 2 500 francs CFA », explique le journaliste Mohamed Touré, auteur de l’article « In-tillit dans la région de Gao : l’irrésistible attraction de l’or », publié en 2021.

Blocages dans l’Accord pour la paix : à qui la faute ?

Prévue pour le 15 juin, la 40ème session du Comité de suivi (CSA) de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit faire un nouveau point sur sa mise en œuvre. Censé aboutir à une « paix globale et durable, garantissant une solution définitive à la crise qui affecte le Nord du Mali », l’Accord est encore loin de l’espoir suscité. Cinq ans après, aucun des axes ne connaît une mise en œuvre satisfaisante, selon les acteurs. Réformes institutionnelles et politiques, défense et sécurité, développement et réconciliation nationale, ou encore justice et questions humanitaires, « les problèmes restent entiers ». Si une relecture peut s’avérer nécessaire, l’Accord doit être mieux partagé afin que l’ensemble de la population y prenne une part active, mais aussi que les parties signataires agissent avec plus de bonne foi.

Dans un communiqué rendu public le 28 mai 2020, en prélude à la 40ème session du CSA, la MINUSMA a exhorté « les parties signataires à s’abstenir de tout acte contraire à l’esprit de l’Accord ou susceptible de remettre en cause, non seulement la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali (…) », quelques jours après le refus de la CMA de laisser entrer à Kidal le bataillon de l’armée nationale reconstituée. Un communiqué du gouvernement reprochait au mouvement de s’emparer de fonctions régaliennes de l’État.

Ce « manque de confiance et de bonne foi des parties prenantes, mouvements signataires, Gouvernement et médiation internationale est le premier obstacle à la mise en œuvre de l’Accord », selon un observateur. Ainsi, malgré la signature de l’Accord,  les ex-rebelles restent armés et contrôlent toutes les régions du Nord du pays, ajoute t-il. Mais ce qui a manqué le plus depuis la signature, « c’est un réel portage politique », estime Monsieur Mahamadou Diouara, sociologue. « C’est un document éminemment politique, qui engage la Nation sur un chemin réformateur qui engendre beaucoup de changements et dont la matérialisation implique la participation inclusive de l’ensemble des composantes de la Nation, au niveau national et local ».

Accord non inclusif

Ce projet politique déterminant aurait obtenu les résultats escomptés s’il avait été mieux partagé, estime les observateurs. Tous les acteurs de sa mise en œuvre concrète, notamment les populations, devraient en avoir une conscience claire, afin d’en comprendre les « tenants et les aboutissants », ainsi que leurs rôles dans le processus.

« Malheureusement, depuis sa signature, ni le gouvernement ni les groupes armés signataires ne sont allés vers le peuple » pour expliquer le contenu de ce document signé en son nom, lui faire connaître les dividendes attendus, les rôles et les risques encourus en cas de non application.

L’absence de ce préalable, essentiel à l’appréhension du processus par la majorité des acteurs, a eu pour conséquence de faire de « la mise en œuvre de l’Accord une entreprise isolée entre le Gouvernement, la CMA, la Plateforme », ajoute M. Diouara.  Entre ces acteurs, les groupes non signataires et une partie de la société civile, qui manifestent leurs désaccords pour une disposition non appliquée ou le retard accusé dans l’application d’une autre. Pendant ce temps, la question de la qualité de l’Accord reste en suspens et ne permet pas au citoyen de participer à son application.

Or le projet politique porté par l’Accord est celui de la régionalisation. Une étape dans le processus de décentralisation pour offrir des réponses locales à des questions dont la connaissance et la maîtrise échappent souvent à l’État central. Mais, dans la réalisation de cette ambition, au lieu d’une vision globale capable d’assurer une mobilisation accrue de tous les acteurs, les parties prenantes ont privilégié « des questions subsidiaires, priorités d’intérêt immédiat ».

Intérêts particuliers

Dès lors, cette défense d’intérêts partisans a transformé « en condition imparable une disposition de l’Accord » : les autorités intérimaires, celles qui devaient durant une période transitoire permettre aux parties signataires, grâce à une convention, d’assurer ensemble la sécurisation des zones à conflit avec un Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).

Ces forces, composées de combattants de chaque groupe signataire et de militaires, sous le commandement d’un officier supérieur de l’armée, devaient effectuer des patrouilles mixtes afin de permettre aux autorités d’exercer leurs missions.

L’impossibilité d’accomplir « correctement » ces missions a conduit à la mise en place d’autorités exceptionnelles. Ce qui n’a fait que « réveiller les peurs des populations du nord qu’une communauté se voit octroyer les droits et privilèges de disposer de la destinée des collectivités », estime le sociologue Diouara. Des craintes qui se sont  d’ailleurs justifiées, contribuant à démobiliser les acteurs locaux.

L’absence de vision globale dans la mise en œuvre de l’Accord a aussi entraîné la mise en avant d’une autre question comme condition, celle du DDR. Ainsi, au lieu d’une mobilisation des énergies et intelligences de chaque collectivité, c’est la réinsertion qui a été « vendue » aux jeunes, déplore le sociologue. Engendrant une course aux armes afin d’être affilié à un groupe armé et reconnu comme ex-combattant.

Alors qu’il aurait fallu que chaque région puisse s’organiser, créer une fonction publique territoriale et mettre en place une police territoriale, sous l’autorité du chef de l’exécutif local, élu au suffrage universel direct et appuyé à chacune des échelles  par un comité consultatif local de sécurité composé de représentants des jeunes, des femmes, des autorités traditionnelles. Cela aurait permis de mobiliser les jeunes de chaque ethnie pour constituer une force territoriale afin d’assurer cette sécurité et empêché les affrontements entre différentes ethnies à Mopti.

Mais une mauvaise lecture de l’Accord a engendré une mobilisation contre lui, empêchant cette mesure et favorisant les clivages intercommunautaires et l’émergence de singularités et fondamentalismes.

Pourtant, un tel programme pour utiliser les ressources locales allait créer de l’emploi  et de l’espoir, ainsi que de nouvelles aspirations.

Mauvaise foi

Manifestement, les parties prenantes de l’Accord font preuve de mauvaise foi. « Elles font semblant de jouer leurs rôles », mais comme « au chat et à la souris, prenant en otage le peuple et le pays », parce qu’elles « semblent toutes servir des intérêts personnels et/ou communautaires », plutôt que l’intérêt général, souligne un acteur.

Les principes et les engagements sont clairs et hiérarchisés, précise M. Diouara. L’unité, la souveraineté de l’État sur le territoire, la forme républicaine et la laïcité sont des principes acquis et acceptés par toutes les parties.

À partir de là, les gestes de la CMA ne peuvent se justifier que par « l’architecture institutionnelle de la mise en œuvre de l’Accord, la faiblesse de l’État malien et la duperie de la médiation de la communauté internationale », analyse cet observateur.

Rappelant que l’Accord prevoyait que 90 jours après sa signature les groupes armés donneraient la liste de leurs combattants et armes à la Commission technique de sécurité (CTS), pendant que les MOC sécuriseraient les sites de cantonnement, dont la MINUSMA en avait construit huit une année après la signature, le sociologue Diouara déplore « qu’à ce jour, ces forces n’aient pas déposé les armes. Nous sommes comme au jour de la signature ».

S’il n’est pas exclu de relire le texte de l’Accord, parce qu’il a été rédigé dans un contexte qui n’est pas le même actuellement, certaines déclarations ayant été plus « néfastes » qu’utiles, il est indispensable que « les gens en aient une compréhension claire », suggère M. Diouara.

Il faut surtout lui « donner une chance d’obtenir l’adhésion d’une grande partie des Maliens, afin qu’il soit un instrument approprié de paix, de prévention des crises, porteur de développement équilibré des régions du Mali », conclut un acteur.

Fatoumata Maguiraga

Quelques dates…

Infographie: Boubacar Diallo et Marc Dembelé

Mali – Marche du 5 juin : l’Imam Mahmoud Dicko appelle à la mobilisation

Au Mali, l’imam Mahmoud Dicko, a dans une vidéo rendue publique ce 1er juin 2020 sur Facebook appelé à la mobilisation pour la marche du 5 juin. L’ancien Président du Haut Conseil Islamique s’est indigné de la gouvernance du pays par le Président Ibrahim Boubacar Kéïta. 

L’imam Mahmoud Dicko promet de diriger la prière de ce vendredi 5 juin à la place de l’Indépendance. Dans la vidéo réalisée par la cellule de communication de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants qui le soutiennent, Mahmoud Dicko a appelé toutes les régions du Mali à rejoindre la place de l’Indépendance pour une marche pacifique. « C’est une marche pacifique, sans bâton, ni haches, ni couteaux, ni insultes », a-t-il expliqué.

Il a pointé du doigt la gouvernance du Président Ibrahim Boubacar Kéïta qu’il qualifie d’échec. L’absence de l’Etat à Kidal, l’insécurité au centre du pays, la corruption sont entre autres problèmes qu’il a mis en exergue. 

L’imam Mahmoud Dicko a invité les manifestants à porter des masques en ce temps de covid-19.  Il a mis en garde l’Etat contre toute répression et a promis de ne pas « annuler la marche à la dernière minute pour une quelconque intimidation ». 

Rappelons que la Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) et le Mouvement Espoir Mali Koura (EMK) avaient appelé le Président Ibrahim Boubacar kéïta à la démission le 30 mai dernier. Le 26 mai dernier, les trois mouvements avaient tenu une rencontre tripartite et ont convenu de l’unité d’action.

Boubacar Diallo

 

Sécurité : Le sentiment « anti-français » gagne les esprits

La montée chez une partie des Maliens d’un sentiment de lassitude vis-à-vis de la France et de sa présence militaire au Mali va grandissant. Alors que les appels de soutien aux Forces armées maliennes se multiplient, à travers des manifestations populaires, ces dernières deviennent très rapidement l’occasion pour certains d’exprimer ouvertement leur mécontentement envers le rôle des Français dans la gestion de la crise sécuritaire qui secoue le pays depuis 2012. Si l’Hexagone n’est pas exempt de reproches, n’est-il pas indexé à tort ? Pour beaucoup, la question est : la France joue-t-elle franc jeu au Mali ?

Vendredi 15 novembre 2019. Des milliers de Maliens sont sortis massivement pour répondre à l’appel de partis politiques de l’opposition et regroupements de la société civile afin de manifester un soutien sans faille à l’armée malienne, qui ne cesse de compter ses morts au front dans la crise sécuritaire que traverse le pays depuis des années.

Si officiellement le mot d’ordre était donc clairement en faveur des Famas et de la dénonciation de la mauvaise gouvernance, les partisans de l’incrimination de la France dans les plus grands  malheurs du Mali, du moins d’un point de vue sécuritaire, n’ont pas manqué l’occasion de se faire entendre. Certains l’ont même poussé à l’extrême, en brûlant le drapeau français Place de l’Indépendance à Bamako, un lieu hautement symbolique.

« Ces moments sont douloureux à plus d’un titre. Ils occultent les efforts déployés par la France pour sauver le Mali du péril djihadiste et font le jeu de ceux-là même qui attaquent les forces maliennes et internationales. Ils ne sont pas à l’image de la longue et amicale coopération qui unit la France et le Mali », regrette SE Joël Meyer, ambassadeur de France au Mali.

Les initiateurs de la manifestation n’ont pas, dans les jours qui ont suivi, condamné ces actions même s’ils n’approuvent pas ces agissements. « Les messages qui ont été véhiculés par les leaders présents lors de la manifestation n’étaient pas des messages de haine contre la France. Nous n’adhérons pas à cette position. Mais aujourd’hui il faut comprendre que cette population est perdue à cause de la mauvaise gouvernance. Notre problème n’est pas donc pas la France », explique Moussa Seye Diallo, secrétaire adjoint à la communication de l’URD.

« Mais, quand vous lancez un appel, c’est tout le monde qui vient, avec ses intentions, émotions et réflexions. Aujourd’hui, quand on regarde la population malienne, on se rend compte que certains n’arrivent pas à comprendre ce qui se passe dans les zones de conflit. Bien qu’il y a une présence des forces étrangères, avec en tête de proue la France, les massacres continuent », ajoute-il.

Même son de cloche chez les Fare An ka Wuli, où l’on précise que la manifestation n’avait pas pour but d’attaquer qui que ce soit, même si l’on estime la réaction de certains Maliens compréhensible. « La déclaration du Président Modibo Sidibé va dans le sens de l’essence même de la mobilisation. Après, l’opinion nationale et les ressentiments des uns et des autres quant à la position de la France ne nous engagent pas », précise Bréhima Sidibé, secrétaire général adjoint du parti, qui par ailleurs fait partie du regroupement « Anw Ko Mali Dron ».

Causes lointaines 

Avant d’en arriver là, des prémices avaient déjà été observés à travers le pays. Que ce soit lors des manifestations récentes à Sévaré ou de la mobilisation du mouvement « On a tout compris » début 2018, le sentiment « anti-français » croît ces dernières semaines.

« Il s’explique par un essoufflement face à la détérioration de la situation sécuritaire. Autant, en 2013, l’arrivée de l’opération Serval, avec la campagne militaire franco-africaine qui s’en est suivie, a été perçue comme salvatrice, autant  la persistance de la menace sécuritaire des années après reste incompréhensible pour certains Maliens », fait remarquer Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études de sécurité en Afrique (ISS Africa).

Cet observateur averti trouve d’ailleurs « normal » que la population s’en prenne un peu aux acteurs militaires, et donc à la France, considérée comme une puissance dans ce sens, capable d’aider le Mali à faire face aux terroristes si elle jouait franc-jeu.

« La suspicion vient du fait que les Maliens ne comprennent pas toujours pourquoi, à l’entrée de Kidal, les troupes françaises avaient interdit l’accès des troupes maliennes, et cela jusqu’à présent », souligne le Pr Issa N’diaye, ancien ministre de l’Éducation nationale et militant du mouvement démocratique.

Selon lui, cela crée une ambigüité et ce n’est pas seulement au Mali que les Français sont indexés, mais un peu partout en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso ou au Niger.

Une ambigüité que ne comprend pas SE Joël Meyer, selon lequel, au contraire, la position de la France face au fléau terroriste qui meurtrit le Sahel a toujours été parfaitement claire.

« Quelle « ambiguïté », de la France et de la communauté internationale, peut-on dénoncer alors que, aux côtés de leurs camarades maliens, tant  de soldats français et étrangers, tout particulièrement Africains, se sont sacrifiés sur ce sol pour défendre ce pays ? », questionne le diplomate français, qui avoue par ailleurs comprendre l’incompréhension ou l’impatience d’une partie de l’opinion malienne.

Pour SE Meyer,  la lutte contre le fléau terroriste s’inscrit nécessairement dans un temps long. « Croyez bien encore une fois que nous préférerions épargner la vie de nos militaires, mais la France tient ses engagements de solidarité », rappelle-t-il.

Kidal, le point d’achoppement

Pour beaucoup, le nord du Mali, plus précisément la région de Kidal, serait le symbole du « jeu trouble » auquel s’adonnerait la France au Mali. Les Maliens auraient toujours en travers de la gorge cette interdiction des forces françaises d’entrer à Kidal pour en reprendre le contrôle au détriment des rebelles Touaregs.

« Cela est difficile pour un pays qui se dit ami du Mali d’interdire l’entrée dans une partie du territoire national malien aux troupes maliennes. Cela ne peut pas se justifier, ce qui rend la position de la France de plus en plus indéfendable, même du point de vue de certaines personnes dans l’opinion publique française », relève le Professeur N’diaye.

« S’agissant de Kidal, le Président Macron a récemment rappelé que la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali n’étaient pas négociables », lui répond l’ambassadeur Joël Meyer, pour lequel ces principes ont été solennellement consacrés par l’Accord signé en 2015 entre le gouvernement et d’anciens rebelles du Nord, qui ont ainsi fait le choix de retrouver le giron de l’État malien plutôt que de poursuivre leur funeste entreprise déstabilisatrice.

« La France n’a d’autre intérêt au Nord que l’application de cet Accord », soutient-il très fermement.

Désengagement français ?

Pour ceux qui se questionnent sur un éventuel désengagement de la France du Mali, vu les appels incessants émanent d’une partie de l’opinion nationale, il n’en serait rien, du moins pas tant que les données n’auront véritablement pas évolué.

« Un tel désengagement, c’est d’abord admettre que les millions d’euros qui ont été investis au Mali et dans le Sahel n’auront pas servi à grand-chose. Ce serait pratiquement un aveu d’échec », affirme Baba Dakono. « D’autre part, la position portée par une frange de la population n’est certainement pas celle portée par les décideurs au plan national, qui ont établi le plan de coopération militaire avec la France », précise le chercheur.

Un point de vue qui cadre parfaitement avec celui du représentant de la diplomatie française au Mali, qui réaffirme l’attachement de son pays au « caractère souverain des décisions des autorités maliennes pour ce qui concerne leur pays », avant d’appeler les Maliens à « distinguer la réalité de la désinformation et à faire la part entre les faits et les rumeurs ». « Ne nous trompons pas d’ennemi », avertit-il.

Le Comité de suivi de l’accord de paix d’Alger prévu ce mardi a été reporté

Le 38ème Comité de suivi de l’accord (CSA) de paix d’Alger initialement prévu ce mardi 17 septembre à Kidal a été reporté.

ça devait être une première qu’un Comité de suivi de l’accord (CSA) de paix d’Alger se délocalise dans le nord du pays. Cette démarche a été adoptée à l’occasion de la  dernière réunion du comité. Mais le 16 septembre 2019, l’Algérien Ahmed Boutache, président de la médiation internationale, dans ses échanges avec les différents membres du CSA a informé que la réunion prévue ce mardi serait repoussée peut-on lire chez nos confrères d’rfi.

Kidal : Un CSA de haut niveau le 17 septembre ?

La prochaine session du Comité de suivi de l’Accord (CSA) pourrait se tenir à Kidal. Prévue pour le 17 septembre, cette réunion de haut niveau, à laquelle participeront le ministre algérien des Affaires étrangères et son homologue malien, sera une première depuis la signature de l’Accord pour la paix, en 2015.

Le 17 septembre prochain, la ville de Kidal pourrait acceuillir la 38ème session du Comité de suivi de l’Accord. Une réunion de haut niveau qui verra la participation des ministres des Affaires étrangères et de la coopération internationale de l’Algérie et du Mali. Le porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mossa Ag Attaher, est confiant. « Nous avons prévu de tenir la prochaine session du CSA à Kidal, pour la délocaliser et amener tous les acteurs et la communauté internationale à voir les réalités sur place. Elle devait se tenir le 9 septembre, mais elle a été repoussée, normalement au 17 ». Même si le Président du CSA reste prudent quant au lieu, tout porte à croire que la rencontre pourrait bien se tenir dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas. « Rien n’est encore définitivement décidé. Il y a plusieurs propositions à l’étude. Cela peut être Bamako ou ailleurs. Pour l’instant rien n’est tranché », souligne Ahmed Boutache. La délocalisation d’une session du CSA à Kidal, avec le cortège d’acteurs qui en sont membres et les hautes personnalités qui y participent, peut être plus qu’un symbole. La région échappe depuis plusieurs années à l’État et de plus en plus devient source de discordes. « C’est une innovation qu’on veut apporter, pour que les ambassadeurs et les autres personnalités aillent voir ce qui se passe sur le terrain. L’objectif est de voir de plus près les réalités. Les symboles de l’État dont parlait Tiebilé, il va les voir ». Mais, « si on veut vraiment les symboles qui représentent un État, il faut créer les services de l’État qui préserveront ces symboles » ajoute Mossa Ag Attaher.

Pour le retour de l’administration, le porte-parole de la CMA estime qu’il ne peut se faire que dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord. « Il n’y a pas de calendrier formel ». Quant au Gouverneur, il assure que les administrateurs sont déjà à Kidal. « On travaille dans le calme et les gens reviennent petit à petit », glisse Sidi Mohamed Ag Ichrach. 

Yaya Sangaré : « Celui qui brûle ou profane le drapeau national doit s’attendre à des sanctions »

Le 17 juillet, à Kidal, des manifestants hostiles à une initiative d’installation du drapeau national au Mécanisme opérationnel de Coordination (MOC) ont commis des outrages aux symboles de l’État. Aussitôt, le gouvernement, la médiation et les mouvements signataires de l’Accord ont condamné ces actes.  Yaya Sangaré, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, chargé des relations avec les Institutions,  a accordé à Journal du Mali une interview à ce sujet.

Comment expliquez-vous l’hostilité de ces populations vis-à-vis de ces symboles alors que le processus de retour définitif de l’État est en cours?

Je ne pense pas que cela soit le fait de tous les Kidalois, mais d’un groupe d’individus qui n’ont pas bien compris la situation réelle du pays. Ces gens pourraient être manipulés par des groupes qui ont intérêt à ce que l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger n’avance pas. Je voudrais dire aussi qu’il y a aujourd’hui des instruments sur lesquels nous devrons nous fonder pour avancer pour que le retour de la paix soit effectif. Il y a l’Accord, qui n’a pas touché à certains éléments essentiels, comme l’intégrité du territoire et l’unité nationale. Il y a donc des éléments pour travailler à ce que l’intégrité territoriale du Mali soit respectée. Cela veut dire que nous sommes une même Nation sous la même République. Cette République a des attributs qui en font un pays souverain. Le drapeau en fait partie. Il est l’identité de notre pays au plan international. Ce qui s’est passé à Kidal est donc très grave et doit être condamné et puni, parce que ce n’est pas la première fois que cela arrive. Le drapeau consacre notre dignité et notre fierté d’être Maliens. Ce qui s’est passé, nous allons continuer à le condamner et à demander à ce que les gens arrêtent ce genre de comportements, qui peut créer un fossé entre la population de Kidal et le reste des Maliens, ce qui n’est pas bon. Cela peut aussi ternir l’image de Kidal aux plans national et international. La communauté internationale est aujourd’hui auprès du Mali pour que nous puissions travailler au développement. Ce type de comportement peut démotiver ceux qui sont en train d’aider notre pays à retrouver la paix. Kidal a besoin de développement, d’eau potable, de centres de santé, d’écoles. Nous sommes dans un monde d’hyper compétitivité et tous ceux  qui ne seront pas au rendez-vous vont rater le développement. Nous ne voulons pas que Kidal subisse cela.

Au-delà des condamnations, y a-t-il des mesures à prendre, des sanctions ?

Il est prévu dans l’Accord des sanctions à chaque fois que quelqu’un essaie de mettre à mal sa mise en œuvre. Et ces comportements le font. Nous allons demander à la communauté internationale d’activer ces sanctions contre tous ceux qui sont initiateurs ou auteurs de ces comportements. Mais pour le faire il faut diligenter une enquête. Le gouvernement est déterminé à situer les responsabilités, poursuivre les auteurs et commanditaires et les traduire devant la justice. Les lois au Mali sont très claires en la matière. Celui qui brûle ou qui profane le drapeau national doit s’attendre à des sanctions. Au-delà des dispositions de l’Accord, ce sont des choses assimilables à des crimes contre le pays.

Comment allez-vous mener ces enquêtes alors que l’État est absent de Kidal ?

C’est la raison pour laquelle nous interpellons fortement la CMA, qui s’était engagée à faire en sorte que l’État revienne à Kidal. Le gouverneur est déjà nommé. L’État fait des efforts dans tous les domaines, services sociaux de base, école, santé, énergie, mais ce genre de comportements nuit à la sécurité de ses agents. L’État fait de son mieux. Il va travailler avec ceux qui ont juré de faire en sorte que l’État malien soit présent à Kidal. Ces gens-là sont de Kidal. Nous allons également travailler avec la communauté internationale pour progressivement aller à leur identification et pour voir dans quelle mesure ils peuvent être remis à la justice.

La CMA a aussi  condamné ces actes. Joue-t-elle vraiment franc jeu alors que rien n’est supposé se passer à Kidal sans son aval ?

Nous n’avons aucune raison de douter d’une partie signataire de l’Accord. La situation de Kidal est très complexe. Nous savons les efforts que fait la CMA pour la sécurité et la tranquillité des populations de Kidal, mais nous savons également que Kidal n’est pas entre les mains d’une seule composante. C’est une coordination. Certainement qu’il y a des éléments incontrôlés qui ne veulent pas de cette paix,  de cette unité, qui ne veulent du Mali. Ce sont eux qui ont créé cette situation afin qu’il y ait un embrasement. Cet embrasement n’arrange personne. Nous prenons acte de la condamnation qui a été faite par la CMA, mais nous disons encore à la CMA de travailler d’arrache-pied pour qu’il y ait une communauté de vue et d’actions afin que Kidal revienne effectivement dans le giron de la République du Mali.

Propos recueillis par Acherif Ag Ismaguel

Alhamdou Ag Illyene : « Il faudra panser toutes les plaies »

Du 2 au 4 février, le Conseil supérieur des Imghads et Alliés tiendra à Gao une rencontre autour de la cohésion sociale et du vivre ensemble. La question sécuritaire sera aussi au cœur des échanges, avant une autre rencontre, plus large, sur les mêmes sujets. Alhamdou Ag Illyene,  Vice-président du Conseil et ancien ambassadeur du Mali au Niger, répond aux questions de Journal du Mali sur cette initiative.

Pourquoi cette rencontre ?

La cohésion sociale, le vivre ensemble, mais aussi la sécurité, dans le cadre de l’Accord.

Quels sont les thèmes qui seront traités ?

D’abord la réconciliation. Par choix politiques et options diverses, les personnes ont été amenées à se dissocier. Cela a dégénéré par endroits et a même conduit à des conflits. Il y a des antagonismes et des conflits d’intérêts et de leadership qui ont fait que les gens se sont retrouvés de part et d’autre. Certains dans la République, certains dans les mouvements, certains dans des mouvements opposés et d’autres dans des groupes armés non signataires. Tout cela a amené des tensions qui aujourd’hui causent énormément de préjudices à la population. Il y a eu des morts d’hommes. Maintenant, il faut une normalisation. Il est important que les gens s’acceptent dans leur diversité. Certains vivent sur le même espace et sont dans des mouvements différents, à la CMA, à la Plateforme, dans des partis de l’Opposition ou de la Majorité. De 2012 à nos jours, il y a eu trop de conflits. Il faudra panser toutes ces plaies et revivre les uns aux côtés des autres.

C’est une rencontre des Imghad et Alliés uniquement ?

Pas seulement. Il y a des Imghad qui sont à la CMA et d’autres qui ne sont dans aucun mouvement, même si c’est rare. Il s’agit essentiellement de communautés des deux côtés du fleuve, Haoussa et Djerma, et de Ménaka et Kidal. Nous essayerons d’identifier les foyers de tensions pour les assainir.

D’autres communautés vivent les mêmes situations, pourquoi ne pas les associer ?

Cela est prévu lors de la grande rencontre que le comité de pilotage va organiser plus tard. Nous l’avons reportée pour des problèmes de logistiques et de calendrier. Il nous semblait plus intelligent de régler les conflits à petite échelle d’abord.  

Quelle lecture faites-vous des attaques contre la coalition MSA / GATIA à Ménaka et Gao ?

Le MSA et le GATIA sont des mouvements qui ont pris des positions, adopté une certaine ligne de conduite. La question est pourquoi ces deux mouvements seulement sont attaqués? L’Accord est très clair. Il a des principes, la paix, la réconciliation et la sécurisation, ce que le MSA et le GATIA font. Quand vous vous attaquez à ceux qui créent l’insécurité, attendez-vous à des réactions.

Présidentielle 2018 : Après 5 ans, IBK de retour à Kidal

Le président IBK est actuellement à Kidal jusqu’à demain matin dans le cadre de sa tournée électorale. Sur place, il a rencontré les responsables de la CMA, les autorités traditionnelles et échangé avec la population, sur des questions cruciales comme la mise en oeuvre de l’accord de paix, le statut de l’Azawad et la sécurisation du processus électoral.

Cela faisait 5 ans que le président IBK n’avait pas foulé du pied le sable de Kidal, où il a atterri ce jeudi 19 juillet aux environs de treize heures dans un avion affrété de Gao par la Minusma. Sa venue dans ce bastion du Nord, fief des ex-rebelles de la CMA, s’est faite dans une relative discrétion. Cette étape, fortement symbolique dans la tournée électorale du candidat, avait d’abord été annoncée pour le 9 juillet dernier avant d’être à nouveau décalé au 19 juillet.

Sur le Tarmac de l’aérodrome de la Minusma, le président-candidat a été accueilli par Bilal Ag Chérif, président en exercice de la CMA, Mohamed Ag Intalla, l’Aménokal des Ifoghas ainsi que par les autorités traditionnelles de la ville.

Le cortège composé de plusieurs véhicules 4×4 s’est ensuite dirigé vers le siège du DDR, un ancien hôtel, ou le président a pris ses quartiers et a déjeuné avec ses hôtes avant de gagner le siège de l’autorité intérimaire, en fin d’après-midi, pour un meeting. C’est en présence des différents cadres et responsables de la CMA, de la société civile, des femmes et des jeunes, que le président candidat a fait un discours où il s’est engagé à construire sur place un aérodrome international, ainsi qu’un hôpital régional. Le président-candidat a ensuite pris part à des échanges directs avec l’assistance, notamment sur le retard dans la mise en œuvre de l’Accord et la question de la reconnaissance de l’Azawad.

Le président et ses collaborateurs passeront la nuit dans la ville où un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé. Dans les airs d’abord, où les chasseurs de la force française Barkhane ont patrouillé le ciel lors du déplacement du président, et sur terre où sa sécurité est assurée à 100 % par les forces de la CMA et de la CSMAK, la police locale. Pour l’occasion, la ville a été bouclée à l’intérieur comme à l’extérieur, jusqu’à quelques kilomètres autour de Kidal. Les Famas, récemment intégrés dans le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC), n’ont pas été convié à sortir de leur camp pour venir renforcer le dispositif de protection du président-candidat.

Si il y a 5 ans, l’ambiance était un peu tendue avec notamment des manifestations contre la venue du candidat, il n’en a rien été pour sa seconde visite dans la cité des Ifoghas, même si les « vives IBK » n’ont pas ponctué l’arrivée du président-candidat comme on a pu l’entendre sur d’autres étapes de sa tournée. On pouvait tout de même lire sur des banderolles, des messages de bienvenue à l’adresse d’Elhadj Ibrahim Boubacar Keita. « Pour nous, c’est comme la visite de n’importe quel candidat à l’élection présidentielle. Ce qui nous importe, c’est leur potentiel à mettre en œuvre l’accord de paix d’Alger. Nous avons déjà expérimenté IBK ces 3 dernières années. Nous nous baserons sur ce qu’il va dire et les propositions concrètes qu’il va faire, sachant que parfois les déclarations faites ne sont pas forcément suivis d’effet », affirme Mohamed Ould Mahmoud, actuel porte-parole de la CMA, qui réfute toute inclinaison particulière pour le président candidat. « Il y a des cadres de la CMA qui le connaissent, depuis même avant le temps de l’Accord, mais nous savons aussi que pour ce qui est de l’Accord, il n’a pas fait grand-chose. En fait, on ne sait pas si ça a évolué avec lui. Ça a plutôt évolué avec le premier ministre actuel, Soumeylou Boubeye Maiga. On a quand même eu à faire à 4 premiers ministres ! Donc, nous ne sommes pas forcément très proches d’IBK, mais nous restons quand même très liés à la mise en œuvre de cet accord, car c’est la seule chose qui nous lie avec le Mali et c’est le candidat qui nous satisfera le plus à ce niveau qui aura notre faveur » poursuit Mohamed Ould Mahmoud.

Pour Nasser, habitant de Kidal, qui déclare sans ambage, « je ne voterai pas ! », ce ne sont pas les quelque 30 000 potentiels votants que vise le gouvernement malien à travers cette venue à Kidal, mais plus la garantie que, « les élections se tiendront bien à Kidal le 29 juillet de 8 h à 19 h et sans incident. Ça démontrerait que Kidal est devenue une ville malienne comme les autres », explique-t-il.

Le bon déroulement du processus électoral, c’est justement l’un des enjeux des discussions que le président-candidat aura avec les responsables de la CMA avec qui il devrait s’entretenir dans la soirée. « La CMA a posé des conditions pour être impliquée dans le processus électoral : la prise en charge des militaires, la sécurisation des élections, les autorités intérimaires au niveau des cercles. Ce sont autant de questions auxquelles nous attendons des réponses, car nous voulons dans les zones que nous contrôlons, assurer la sécurité du processus électoral à 100 %. Nous sommes un mouvement politico-militaire et nous entendons jouer un rôle important et prépondérant dans la sécurisation de ce processus », avertit le porte-parole de la CMA.

Ces audiences avec des personnalités de la CMA, pourraient achever de convaincre ceux qui doutent encore, à 5 jours de la visite de son principal concurrent Soumaila Cissé, même si, comme le concède ce cadre de la CMA sous anonymat, « plusieurs responsables de la CMA soutiennent IBK, car ils estiment qu’il y a eu un début d’exécution de certains points de l’accord sous son mandat. Pour eux, il vaut mieux le soutenir pour parachever ce qu’il a commencé ».

Le candidat IBK devrait quitter Kidal demain matin pour s’envoler  pour Tombouctou.

MOC de Tombouctou et de Kidal : Gao a servi de leçon

Le 23 mai, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) de Tombouctou a été lancé en présence du commandant de la force de la Minusma. Celui de Kidal a démarré deux semaines plutôt. A la différence de l’installation du Moc de Gao en 2016, endeuillé par l’attentat,  le mode de déploiement et de sécurisation de cet outil dans les deux régions s’opère avec mesure.

Jeudi 24 mai, la conférence de presse bimensuelle de la MINUSMA s’est tenue au siège de la mission à Badalabougou. Animée par  Madame Myriam Dessables, chef de bureau de la communication stratégique et de l’information publique et le commandant de la force, le Général Jean Paul Deconinck en direct de Tombouctou.

Après la revue sur les différentes activités menées par la MINUSMA et sa force de police dans le pays, l’interaction sur  l’opérationnalisation du mécanisme opérationnel de coordination de façon générale a été engagée entre le commandant de la force de la mission des Nations Unies et les journalistes dont certains étaient en direct de Gao.

« J’étais il y a quelques instants dans le camp de MOC de Tombouctou où j’ai pu assister à l’inauguration officielle de ce  bataillon MOC  comme on l’avait fait le 11 mai à Kidal. Je retiens une certaine fierté d’avoir pu souligner les efforts consentis  par les parties tant au niveau politique, opérationnel que  tactique », s’est réjoui le General Jean Paul Deconinck.

Plusieurs fois annoncé, le lancement de ces deux MOC constitue un pont indispensable pour la poursuite de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Comme dit un adage, « vaut mieux tard  que jamais ». Au-delà de la symbolique,  le Général Deconinck pense qu’il s’agit de bien plus. « Nous avons constitué aujourd’hui le socle du panthéon de Tombouctou, c’est-à-dire un commandant  intégré et cohérent», se félicite-t-il.  51 éléments, soit 17 pour le gouvernement, la CMA et la plateforme sont ainsi déployés à Tombouctou et à Kidal. Une compagnie de 150 hommes sera dans une semaine à Kidal et une autre dans deux semaines à Tombouctou selon le général.

Un acheminement progressif qui n’a rien avoir avec les 500 et  quelques éléments fournis d’un coup au MOC de Gao. Un  mécanisme  qui a subi un attentat terroriste incroyable et qui, depuis laisse à désirer. « Certaines  lacunes au niveau de Gao, ont été relevées dans le sens où nous étions allés trop vite. Il fallait atteindre certains objectifs alors que certaines conditions n’étaient pas remplies », regrette le commandant. C’est pourquoi, cette fois ci,  « ce n’est pas pour rien que nous commençons par le socle. On va les former, leur inculquer des éléments indispensables au niveau de la conduite militaire, de la discipline », réajuste-t-il. En même temps,  les équipes d’entrainement à Gao seront renforcés pour  rendre opérationnel ce MOC comme les deux autres. « Nous avons tiré des enseignements sur le plan sécuritaire, des aménagements du site, sur le progressivité  dans les  installations, aussi au niveau humain et inclusivité des différents mouvements signataires », conclut le commandant, appelant à la collaboration de la population pour parvenir à des résultats tangibles.

La force de la  MINUSMA assure pour le moment la sécurité de ses éléments à Tombouctou et à Kidal.  Mais « petit à petit ces unités » prendront la relève.

Ainsi, à terme, 600 éléments, dont 200 pour chacune des parties seront acheminés dans  chacune de deux régions. La mise en place des  MOC de Gao, Tombouctou et Kidal  ouvre la voie au processus démobilisation désarment et réintégration sans lequel la sécurité serait impossible.

Tombouctou et Kidal : enfin le MOC

Le mécanisme opérationnel de coordination (Moc), régulièrement évoqué  tarde à se mettre en place dans les régions du Nord.  Prévue par l’Accord pour la paix, réaffirmée  comme indispensable par la feuille de route signée  le 22 mars, l’installation de cet outil annoncé le 30 avril  à Tombouctou et  à Kidal n’a pas lieu,  mais reste programmée.

Le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Tieman Hubert Coulibaly avait lors de sa conférence de presse  du 19 avril affirmé que ce dispositif essentiel  allait démarrer dans « dix jours ». Engagement non tenu, témoignage  des difficiles dépassements que les parties auront  à opérer pour avancer. Prévue officiellement pour 30 avril, la mise en place du mécanisme opérationnel de coordination à Tombouctou et à Kidal a donc été de nouveau ajournée.

Le MOC et le processus de Démobilisation, Désarmement et réinsertion(DDR) constituent le volet sensible inclus dans les mesures sécuritaires intérimaires. L’un reste  un préalable pour l’autre. La 28e réunion de la  Commission Technique de Sécurité (CTS) tenue le 19 avril à Bamako avait recommandé l’installation de ces mécanismes de coordination dans les deux régions concernées. Selon la MINUSMA, les partis signataires ont annoncé lors de la dernière session du CSA, leur engagement à « démarrer graduellement  l’opérationnalisation des unités mixtes de MOCs de Tombouctou et de Kidal avec l’enregistrement d’une cinquantaine de combattants » pour chaque région. Des informations confirmées par  Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la CMA. « Il  y a juste un problème de  regroupement des différentes parties qui n’est pas encore fait. Du côté de la CMA, tout l’effectif est regroupé à Ber et attend qu’il rejoigne Tombouctou. Celui de Kidal est sur place.  Les FAMAs  ont déjà  désigné leur effectif mais n’ont  pas rejoint le groupe », informe-t-il. Une  première vague de 51 officiers issus des différentes parties dont 17 pour chacune pour chaque région sera bientôt acheminée. « Nous nous sommes dits qu’ au lieu d’attendre  les  200, il faut démarrer pour que chaque deux semaines  le même effectif suivra », précise Ilad Ag Mohamed. Avec la signature de la feuille de route pour la mise en œuvre du chronogramme d’actions prioritaires endossées par la 23è session du comité de suivi de l’Accord, cet énième report n’entame donc pas l’optimisme des acteurs.  La poursuite de la mise en œuvre de ce nouveau  chronogramme devrait contribuer à faire avancer un processus dont chacune des étapes  est indispensable pour le succès de l’Accord.

Ilad Ag Mohamed : « Dès lors que les gens respectaient l’intégrité territoriale du Mali, rien n’interdisait de brandir un drapeau »

Le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, a effectué une visite le 23 mars  à Kidal. Une première pour un chef du gouvernement depuis 4 ans. Elle est apparue comme annonciatrice d’une nouvelle ère, basée sur la confiance. Ilad Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), livre à Journal du Mali ses impressions sur ce déplacement.

Sur quoi ont porté vos échanges avec le Premier ministre ?

Ils ont porté essentiellement sur une nouvelle façon de faire. Il veut asseoir la confiance entre les acteurs et écouter les populations pour savoir directement ce qu’elles veulent. Nous pensons que c’est une bonne chose. Nous sommes  longtemps  restés dans l’immobilisme. Maintenant, on s’est dit qu’il faut anticiper pour qu’il n’y ait plus de prétextes. Il s’agissait de briser la  glace entre les différents acteurs en termes de mesures de confiance.

Pensez-vous que cette visite va accélérer le chronogramme pour le retour effectif de l’administration à Kidal ?

Oui. Nous avons un chronogramme qui  été  signé il y a quelques jours.  Avec cette nouvelle feuille de route, nous pensons que la  mise en œuvre de l’Accord sera facilitée. Aujourd’hui, ce qui est sûr, c’est que les messages du genre « aucun Premier ministre n’a été admis à Kidal » sont désormais derrière nous. On verra. Tout dépendra une fois de plus de la volonté et de l’engagement du gouvernement. Nous ne cessons de le dire.

Lors de cette visite, des couacs ont été relevés, comme l’exhibition du drapeau de l’Azawad et des chants indépendantistes de femmes. Était-ce délibéré ?

Ce sont des gens qui croient profondément en l’Azawad  et en son drapeau. Ils s’expriment librement. Qu’est-ce qu’on attend de nous ? De les empêcher de scander ? Ou de leur interdire de faire flotter leur drapeau ? Les gens ont dit ce qu’ils pensaient et je crois que c’était aussi l’un des intérêts de cette visite. Le Premier ministre doit écouter. En tout cas, il n’est jamais revenu vers nous  pour nous demander de quoi il s’agissait. Les gens ont le droit de s’exprimer démocratiquement et rien n’interdit d’exhiber un drapeau. Dès lors que les gens respectaient l’intégrité territoriale du pays et les autres aspects, rien n’interdisait de brandir un drapeau.

Il a été aussi question de l’élection présidentielle. Pensez-vous  que les conditions seront réunies d’ici là pour sa tenue ?

On verra. C’est le Premier ministre qui a tous les moyens entre les mains pour organiser les élections. Pour nous, de notre côté, rien ne peut empêcher l’organisation des scrutins.

EXCLUSIF/ Zeina Walet Ilady : « Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! »

Depuis le début du mois d’octobre à Kidal, au Nord du Mali, les manifestations s’enchaînent contre la Force Barkhane et ses méthodes. La mort entourée de mystère, il y a un an, de Cheikh Ag Aoussa, ex-numéro 2 d’Ansar Dine, chef militaire redouté et sulfureux du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), dans l’explosion de son véhicule, est venue s’ajouter à l’hostilité suscitée par les récentes actions coups de poings de la force française. Beaucoup à Kidal pointent du doigt son rôle trouble dans la mort de ce faucon de la rébellion touarègue. Au premier plan, Zeina Wallet Ilady, la veuve de Cheick Ag Aoussa, instigatrice des manifestations qui agitent la capitale de l’Adrar des Ifoghas. Cette femme d’influence est déterminée à tout faire pour que la force Barkhane « dégage » de la région.

La force Barkhane a procédé à plusieurs interventions qui se sont soldées par des arrestations dans Kidal et sa région depuis le début du mois d’octobre. Des manifestations contre Barkhane, dont vous êtes l’une des principales instigatrices, ont lieu depuis, chaque semaine. Pourquoi une telle hostilité envers la force française ?

Depuis que Barkhane est ici, je ne vois pas ce qu’ils ont fait de bien pour Kidal. Ils arrêtent nos hommes, prennent des innocents qu’ils nomment terroristes et quand ils ont fini avec eux, ils les donnent au Mali. Quand on se tourne vers le Mali pour les faire libérer, il faut donner de l’argent, prendre des avocats, payer 2 à 3 millions de francs CFA. Ils « bouffent » ça et personne ne sort. Puis Barkhane revient encore pour prendre les gens en disant que ce sont des terroristes. Pour moi, c’est Barkhane les terroristes ! Moi, c’est eux que je crains. Leurs actes sont comme ceux des terroristes. Ils rentrent dans les maisons des personnes, les violentent, parfois les tuent, brûlent leurs biens. Pour  moi, c’est la même chose.

Pourtant ils luttent contre le terrorisme justement. Il y a eu des résultats…

On n’est pas contre Barkhane parce qu’on serait avec les terroristes ou parce qu’ils luttent contre le terrorisme. Mais Barkhane ne combat pas les terroristes, ils font de vastes coups de filet et s’en prennent aux gens de la région. Au final, c’est eux qui nous terrorisent ici chez nous, ils font ce qu’ils veulent. Je suis en charge de la gestion de la ville d’Abeïbara concernant la santé, la nourriture, l’éducation, etc. Je travaille aussi à faire revenir les jeunes dans la région. Mais personne ne souhaite revenir. Quand on essaie de les sensibiliser au retour, ils répondent : « On va nous prendre pour des terroristes, ils vont nous mettre en prison et qui nous défendra demain ? ». Comment voulez-vous les sensibiliser dans ces conditions ? On est contre tout ce que fait Barkhane ici.

 Durant vos manifestations on pouvait entendre et lire sur des banderoles les slogans « Barkhane dégage ! », « Dehors la France ! ». Souhaitez-vous vraiment le départ de la force Barkhane qui, par ailleurs, est aussi impliquée dans des actions de développement à Kidal ?

Mon souhait est que Barkhane quitte la région de Kidal. Ils savent que le terrorisme n’est pas concentré à Kidal ou dans la région. Ils savent où sont les terroristes, ils n’ont qu’à y aller avec leurs hélicos. À Kidal, ils ne développent rien. Ils ont donné un financement pour une école, ils ont refait la peinture, placer des fenêtres et mis une plaque qui prouve qu’ils ont fait quelque chose pour Kidal. Pour les autres actions de développement, je ne sais pas si c’est Barkhane, je pencherais plus pour la MINUSMA.

Vous ne mettez pas la MINUSMA dans le même sac que Barkhane ?

La première manifestation qu’on avait faite, c’était il y a un peu plus d’un an contre la MINUSMA car elle avait tué, lors d’une marche de contestation, deux jeunes. Pour moi, il y a moins de problèmes avec la MINUSMA car elle vient en aide aux populations, elle aide au développement de la région, elle transporte nos gens. Certains, durant nos manifestations, ont voulu s’en prendre à la MINUSMA. Je condamne ça. On a plus de problèmes avec Barkhane qu’avec la MINUSMA.

Jusqu’où êtes-vous prête à aller avec ces manifestations ?

C’est simple, Barkhane doit partir ou c’est nous qui partirons ! Soit elle nous laisse Kidal ou bien on s’en va ! Chaque nuit, leurs avions survolent Kidal, on a du mal à dormir avec ça. Il y a aussi leurs patrouilles qui posent problème. Depuis un certain temps ils ne viennent plus chez moi, mais avant il venait devant ma porte. Les enfants n’osaient pas sortir, les gens n’osaient pas rentrer. Même quand la porte était fermée, ils venaient regarder dans ma cour. Je ne sais pas pourquoi. Nous allons continuer de manifester contre Barkhane chaque lundi, jusqu’à ce qu’il y ait une solution !

 Avez-vous essayé de rencontrer la force française pour vous expliquer avec eux ?

Je n’ai pas parlé avec Barkhane, je n’ai même pas cherché à parler avec eux. Le 8 octobre dernier, date anniversaire de la mort de Cheikh (Cheikh Ag Aoussa, son époux – ndlr), lorsque la population est sortie pour manifester, Barkhane est sortie du camp avec ses véhicules dans la foule, alors qu’il y avait beaucoup de tension. Les gens mécontents leur ont jeté des pierres. Elle aurait dû normalement rester dans son camp parce que les gens manifestaient. Ils ont été caillasses parce qu’on ne veut plus les voir dans la ville.

Cela fait un an que Cheikh Ag Aoussa, votre mari, est décédé dans l’explosion de son véhicule, non loin du camp de la MINUSMA. Pour vous, que s’est-il passé ce 8 octobre 2016 ?

Ce jour-là, mon mari m’a dit qu’il avait une réunion à laquelle il devait assister au camp de la MINUSMA, une réunion de sécurité. Donc, à 15h, il est parti. Il devait revenir à 17h pour venir me chercher et me mener chez ma mère, que je devais aller visiter. À 18h, il n’était toujours pas revenu. Je l’ai appelé, il ne répondait pas au téléphone. Après ça, on a entendu une grosse explosion en provenance du camp de la MINUSMA. Quelques instants après, les gens m’ont appelé et m’ont dit que c’est le véhicule de mon mari qui avait sauté.

Se sentait-il menacé ? Vous avait-il fait part de quelque chose ?

Je n’ai vu aucun signe particulier, mais je sais qu’avant ça, plusieurs fois, il y a les soldats de Barkhane qui sont venus le voir à la maison. Ils disaient à Cheikh qu’il travaillait avec des terroristes. Quand il y a eu l’attaque terroriste à Nampala, où 17 soldats maliens ont été tués, quelques mois auparavant, ils sont venus chez moi et ils ont montré un rapport à mon mari. Ils lui ont dit qu’à Nampala, les armes qui ont été saisies provenaient de chez nous. Cheikh leur a dit d’entrer. Ils lui ont dit qu’il y avait des gens d’Ansar Dine parmi les attaquants. Cheikh leur a répondu que s’ils savaient qu’il y avait des gens d’Ansar Dine alors il fallait aller les prendre. J’étais là, je suis au courant de ça.

Qui a assassiné votre mari, selon vous ?

Les Français m’ont pris mon mari. Je suis sûre que ce sont eux qui ont fait ça. À chaque fois que je suis allée au camp de la MINUSMA, j’ai toujours été fouillée. Ils vous font sortir de la voiture, ils vous fouillent, ainsi que le véhicule. Ça a été aussi le cas pour Cheikh avant qu’il ne rentre dans le camp ce jour-là, comme à chaque fois qu’il s’y rendait avec ses dossiers. Donc, c’est impossible que son véhicule ait pu entrer avec une bombe à l’intérieur du camp sans que la MINUSMA ou Barkhane ne soit au courant. Il n’y a qu’à l’intérieur que ça a pu se faire. Pour moi, c’est sûr que ça a été organisé, peut-être entre la MINUSMA et Barkhane, mais les responsables sont dans ce camp.

L’enquête n’a pas pu établir qui étaient les auteurs. Un an après, cherchez-vous toujours à savoir ce qu’il s’est réellement passé ?

Je continuerai à me battre pour savoir ce qui s’est passé, même si je ne sais pas comment je peux faire, comment je peux savoir. Mais je n’ai pas peur de mourir pour ça. Vous sentez-vous menacée ? Bien sûr. J’ai peur pour moi et pour la population. J’ai vu comment ils agissent ici. Je sais que je suis en danger quand je dis à Barkhane de dégager, mais je ne peux pas laisser faire ça.

Pour vous, la paix et la sécurité dans Kidal et sa région sont-elles possibles sans la présence des forces françaises ?

La paix, c’est la route qu’a prise la CMA depuis la signature de l’Accord de paix. Je suis d’accord avec ça, même si, selon moi, il n’y aura pas de paix véritable sans séparation d’avec le Mali. Le principal problème de la sécurité ici, c’est le manque de développement et de travail pour les jeunes. S’il y a ça, l’insécurité va diminuer, même si elle ne disparaîtra pas tout à fait. Mon souhait le plus cher est que Barkhane quitte Kidal. Quand ils seront partis, la sécurité sera une autre question à résoudre, et on verra à ce moment-là ce qu’il y aura lieu de faire.

Barkhane : « Nous montons nos opérations sur la base de renseignements solides »

La force Barkhane, suite à plusieurs opérations récentes, se retrouve dans le collimateur de la population de Kidal, qui manifeste régulièrement pour exiger son départ. Sur les réseaux sociaux, elle est la cible d’une campagne de critiques virulentes. Le Lieutenant – Colonel Philippe Bou, porte-parole de la force, a répondu aux questions du Journal du Mali sur cette hostilité visant la force française, qui semble déranger, particulièrement dans la région de Kidal.

Barkhane a procédé, ces dernières semaines à des interventions et des arrestations à Kidal et dans sa région. Qu’est-ce qui les a motivées et est-ce dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?

Barkhane a pour mission principale de lutter contre le terrorisme. A ce titre, nous montons des opérations sur la base de renseignements solides et nous les conduisons seuls ou avec des forces partenaires, comme les FAMa. Ces interventions conduisent à prendre sur le fait des individus en possession de ressources liées à des activités terroristes, comme de l’armement, des munitions, du matériel explosif, ou pouvant servir à différents types d’attaques. De fait, les individus détenant ces ressources ont des comptes à rendre à la justice du Mali. Ceux qui n’ont rien à se reprocher mais qui se trouvent suspectés d’être en relation avec des groupes terroristes au moment de l’action sont naturellement relâchés après vérification.

Dans quelle mesure Barkhane peut-elle décider de perquisitionner le domicile d’un suspect, en utilisant la force si nécessaire ?

Contrairement aux groupes armés terroristes (GAT), nous agissons en toute transparence, dans un cadre en totale conformité avec le droit international et en liaison avec les autorités maliennes. Comme tout le monde le sait, les GAT sont armés et dangereux, pas seulement pour Barkhane. Faut-il rappeler le bilan des actions des GAT sur la population ? Donc, sans dévoiler quoi que ce soit sur nos méthodes, pour des questions de sécurité opérationnelle, Barkhane adapte son dispositif et ses moyens à la menace et à l’environnent du moment, en toute légalité.

Qu’ont permis toutes les dernières opérations ?

Elles ont été fructueuses. Dans le cas de l’action menée à Kidal le premier octobre, par exemple, du matériel conséquent a été saisi dans les habitations, notamment de l’armement, des munitions et des ressources importantes qui entrent dans la composition d’engins explosifs improvisés, comme des détonateurs ou du cordeau détonant. Ces engins explosifs provoquent la mort, indifféremment, de soldats ou de la population civile le long des routes. Les personnes résidant dans ces habitations ont donc des comptes à rendre à la justice. Ce qui n’a pu être saisi a été détruit, pour éviter un emploi pour des actions terroristes. Toutes nos actions, qui permettent localement de désorganiser, démanteler et neutraliser des réseaux de GAT ont été réalisées en totale transparence, avec les autorités de Kidal et la justice malienne.

Ces opérations ont déclenché plusieurs manifestations à Kidal. Barkhane est accusée d’avoir volé des bijoux, de l’argent. Pourquoi ces saisies et que deviennent ces biens personnels ?

Nous avons parfaitement suivi les manifestations dans la ville de Kidal. Qu’elles réunissent quelques centaines de personnes ou les plus modestes. Celles qui sont spontanées et celles qui sont orientées, provoquées, téléguidées. Il s’agit en fait de campagnes de dénigrement. Concernant les saisies, Barkhane agit en totale conformité avec le droit international et avec les autorités maliennes. Si du matériel saisi lors d’une opération doit être rendu après exploitation, il le sera systématiquement. Même si certaines procédures peuvent prendre un peu de temps. Plus précisément, s’agissant des bijoux et de l’argent par exemple, sachez que nos prises font l’objet d’un procès-verbal de la gendarmerie et que l’ensemble est remis, soit aux intéressés, si aucune charge n’est retenue contre eux, soit aux autorités maliennes, contre PV contradictoire, dans le cas inverse.

L’action de Barkhane est de plus en plus critiquée. Des véhicules de la force ont même été récemment caillassés. Certains vont même jusqu’à parler d’une « force d’occupation ». Comment expliquez-vous cela ?

Barkhane ne répond pas aux allégations. Elle agit, elle fait ce qu’elle dit, elle fait agir. Nos nombreux contacts avec la population et les autorités nous permettent de savoir que nos actions sont appréciées dans le domaine de la sécurité, mais aussi dans le partenariat avec les forces de sécurité maliennes, dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’eau. Depuis le début de l’année 2017, 78 actions d’aide au développement ont été entreprises. Plus d’une vingtaine sont des projets d’envergure. Il faut plutôt regarder ce que nous apportons au Mali et à sa population, en termes de contribution à la sécurité et au développement.

Que compte faire Barkhane contre ces opérations visant à discréditer son action ?

Tôt ou tard, les masques tombent. Les gens comprennent où sont leurs intérêts. Les jeunes kidalois qui se sont vu récemment détruire leur sonorisation, mise en place pour une grande rencontre de football, dans le but de leur interdire le concert qui devait suivre, savent parfaitement ce que l’on veut leur imposer. C’est aux Maliens de se prendre en main et de préparer leur avenir, qui passe principalement par la sécurité. A Barkhane, nous poursuivrons notre mission en appui au Mali et à sa population.

 

Attaque d’une rare intensité contre le camp de la Minusma à Kidal

Ce mercredi 20 septembre aux environs de 5h30 du matin, deux postes avancés de la Minusma ont été attaqués par des hommes armés, puis les assaillants ont ciblé le camp de la Minusma avec de nombreux tirs d’obus avant de lancer un assaut. Si aucune victime n’est à déplorer, pour le moment, les dégâts matériels à l’intérieur du camp semble importants.

C’est à l’heure de la prière, vers 5h30 du matin que la ville de Kidal a senti plusieurs fois la terre trembler et entendu de nombreuses détonations provenant de deux postes avancés de la Minusma à l’entrée Est qui va vers l’aéroport tenu par des Guinéens et vers la sortie de Gao, tenu par des Tchadiens. « Cette attaque contre des positions de la Minusma à Kidal a été plus violente que les fois précédentes. Ils ont attaqué ces positions de la Minusma tenues par des forces africaines, car ils ont compris qu’après un petit échange de tirs, ils fuient. Seul les Tchadiens leur ont tenu tête, non seulement, ils tiennent leur positionet en plus ils avancent », témoigne cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Après avoir attaqué les deux postes avancés, les assaillants ont ciblé de tirs d’obus nourris, le camp de la Minusma avant de tenter un assaut à l’arme automatique. Les forces internationales ont très rapidement répliqué, les nombreux tirs échangés, ont secoué la ville. Plusieurs obus tirés pas les assaillants sont tombés à l’intérieur du camp principal causant de nombreux dégâts. Les combats ont duré environ 45 minutes avant que les assaillants ne disparaissent. « Avec les nombreux tirs qu’il y a eus, ça a dû faire des dégâts matériels importants dans le camp, c’est sûr, parce qu’il y a eu une très grosse et épaisse fumée noire qui a jailli du camp, pendant un bon moment, on a senti qu’il y a quelque chose de très gros qui a brûlé, ça a créé des nuages de fumée noire et ça a recouvert une grande partie du camp et ses alentours », poursuit ce même habitant.

Selon un employé du camp de la Minusma à Kidal, joint au téléphone, des maisons du personnel auraient été touchées et fortement endommagées par les tirs d’obus. Une autre source interrogée avance que « les réserves de carburant à l’intérieur du camp ont été touchées ».

Cette attaque contre des positions de la Minusma est loin d’être inédite. Mardi 19 septembre, dans le quartier Aliyou, un véhicule de la Minusma avait heurté un engin explosif improvisé. Cependant, l’attaque a surpris à Kidal, une ville ou pourtant les échanges de coups de feu ne surprennent plus vraiment les habitants. « Il y a eu des attaques de ce genre plusieurs fois, mais les tirs d’obus ont été cette fois-ci très nombreux et très intense des deux côtés », explique cet employé humanitaire résident du quartier Aliyou. « Vous savez les tirs chez nous, c’est quotidien. La veille au soir, pour le mariage de la fille de la co-présidente des femmes du MNLA avec un gars de la CMA, il y avait eu de gros tirs à l’arme automatique, à la mitrailleuse lourde, à une cadence très élevée, on pensait même que c’était des combats qui avaient débuté. Mais ce matin, avec les détonations et la terre qui a tremblé ce n’était pas habituel », ajoute-t-il.

À Kidal alors, quel les forces de la Minusma patrouillent les rues et que les hélicos surveillent le ciel, les rumeurs vont déjà bon train concernant les raisons de cette attaque. « Il y a des gens qui pensent que cette attaque est arrivée en réaction à la non-obtention de visa d‘Alghabass pour les USA, je trouve que c’est un peu exagéré, mais des gens interprètent ça comme ça ici », indique cette source proche des mouvements. « Cette attaque peut-être une sorte de défi des djihadistes pour dire qu’ils sont toujours là, qu’ils sont toujours capables de perpétrer de tels actes au moment où il y a l’assemblée générale des Nations-unies à New-York. Mais, ils ont leur agenda propre, il y a non seulement les Nations-unies, mais aussi les négociations pour la paix entre la CMA et la Plateforme et le retour de l’administration à Kidal. Ça ne les arrange pas eux. Car dans la région de Kidal, c’est Ansar Dine qui opère », conclut cette même source.

Kidal : Le retour de l’administration pose question

Les forces de la CMA et de la Plateforme ont observé sur la ligne de front, ces 15 derniers jours, dans un climat de méfiance mutuelle, le cessez-le-feu, sans quitter leurs positions, même pour fêter la Tabaski. Alors qu’à Bamako on s’évertue à trouver un consensus entre ces deux signataires de l’Accord pour parvenir à la signature d’une paix définitive et envisager le retour de l’administration. La CMA a fait montre d’une certaine volonté d’accélérer les choses en accueillant le Gouverneur de Kidal, fin août. Mais son installation prochaine et le possible retour de l’administration sont aussi souhaités que redoutés dans la capitale de l’Adrar des Ifoghas.

Je retournerai à Kidal en début de semaine prochaine », confirme Sidi Mohamed Ag Ichrach, Gouverneur de la région. « Une fois là-bas, je vais travailler à l’installation de l’administration, à la réouverture des écoles, qui est une priorité, et à la réconciliation entre les différentes communautés. Ce ne sont vraiment pas les occupations qui vont me manquer », ajoute-t-il, enthousiaste.

Si le court séjour du gouverneur fin août s’est bien passé, certains à Kidal ne sont pas encore convaincus du changement que son installation pourrait apporter. « Il va prendre ses fonctions à Kidal en tant que gouverneur, mais pour gouverner qui et quoi ? Pourra-t-il seulement prendre des décisions ici ? », s’interroge un sympathisant de la Plateforme. « Vous savez, les notabilités qu’il a rencontrées ici ne sont pas reconnues par toutes les communautés. Ce sont les mêmes visages, des leaders de la CMA qui deviennent chefs de fractions quand ils le veulent, chefs de tribus, etc. Durant son séjour, il n’a pas parlé de la Plateforme, or on ne peut parler du retour de l’administration sans la Plateforme. Ag Ichrach, c’est plus un bonus concret et officiel pour la CMA ! », poursuit-il

Adhésion populaire ? Sur l’installation du gouverneur et le retour de l’administration, les Kidalois sont eux aussi divisés, entre les pro-Mali, qui espèrent que son installation marquera le début du changement tant espéré, et ceux qui conservent encore le souvenir vivace de la lutte pour un État de l’Azawad libéré du Mali. « Au sein de la CMA, il y a aussi des divisions. Il y a beaucoup de clash à ce sujet sur les réseaux sociaux. Ils insultent leurs chefs. Beaucoup leur reprochent, maintenant que le GATIA a été chassé, de ramener le Mali. Pour eux, c’est le royaume des Ifoghas qu’ils veulent construire avec l’État malien. Le Mali redevient fréquentable, son gouverneur revient, son armée va revenir, certains jurent que cela ne se fera pas », confie cette source. Pour Almou Ag Mohamed, porte-parole du HCUA, « comme partout il n’y a jamais d’unanimité. Mais je peux vous affirmer que ceux qui ne sont pas dans la logique de la CMA aujourd’hui ne sont pas très nombreux. Elle a pris un engagement au nom des populations qu’elle représente dans l’accord qu’elle a signé. Cet engagement, même s’il n’a pas l’adhésion de tous, la CMA fera en sorte de l’honorer ».

À Kidal, il est notoire que les populations suivent toujours la décision des chefs. Pour autant, est-ce que cela marchera ? « Ça dépend. Le gouverneur sera là-bas sécurisé par les forces de la CMA. Donc la CMA joue le rôle de la force publique et celle de l’État. Si l’État ne veut exister que par procuration, ça marchera un temps, mais ça ne va pas tenir », objecte une humanitaire basé à Kidal. « Cette installation peut être le début d’une nouvelle dynamique positive, qui risque d’être aussi influencée par des troubles ou des affrontements sur le terrain. Mais il y a quand même le début d’une nouvelle dynamique » admet un officiel malien sous couvert d’anonymat.

Autre élément de réponse qui penche en faveur d’un retour facilité de l’administration, la ferveur des entreprises de BTP à Kidal, qui voient dans la mise en œuvre de l’Accord des contrats juteux, avec tous les marchés qui ne manqueront pas de tomber. « Ça se joue aussi au niveau économique, avec toutes les reconstructions qu’il y aura. Ces marchés seront généralement attribués aux entreprises de BTP des différents chefs de la CMA et de quelques combattants. Ils bénéficieront de ces retombées sans les partager avec les autres entrepreneurs de la Plateforme. Ça motive leur volonté d’un retour de l’État et de l’administration. Ce qui est recherché, c’est le contrôle du terrain, mais aussi de capter les dividendes de la paix », souligne avec malice cette source proche des mouvements armés.

 

 

Caravane de la paix sur Kidal : le nouveau défi du mouvement ‘’Trop c’est Trop’’

Le mouvement ‘’Trop c’est Trop’’, après s’être illustré à travers des sit-in dénonçant l’immobilisme du gouvernement face aux problèmes sociaux, la position ambigüe de la France sur la question de Kidal et la récente victoire face à la révision constitutionnelle, explore un nouveau terrain : celui de la paix et de la réconciliation. Il compte à présent faire partir une caravane pour la paix jusqu’à Kidal le 23 septembre prochain. Un défi qui nécessite l’implication de toutes les parties signataires de l’Accord de paix.

Le mouvement ‘’trop c’est trop’’ n’est plus à présenter. Très actif depuis juillet 2016, le mouvement, qui au début n’était pas du tout populaire, ne cesse de s’imposer comme le porte-parole des populations maliennes. Ce fut l’un des premiers a organisé des manifestations contre la révision constitutionnelle. Plusieurs mouvements l’ont rejoint et ont finalement contraint le Président IBK à surseoir à ce projet qui faisait polémique. Pour le mouvement, des priorités existent, l’une d’elle est la réconciliation entre les Maliens. C’est pourquoi, il vont organiser une caravane pour la paix à Kidal qui quittera Bamako le 23 septembre prochain.

Le chargé de communication du mouvement, Malick Konaté, justifie la date du 23 septembre, le lendemain de la fête de l’indépendance du Mali : « Nous avons initié le 23 septembre pour une raison symbolique. La caravane aussi est pour consolider la paix et les liens sociaux entre les jeunes maliens. C’est le moment propice pour mobiliser l’ensemble de la population malienne surtout nous les jeunes pour aller vers une paix définitive » a-t-il expliqué.

Pour atteindre un tel objectif, pas de catimini. Un appel a été lancé à tous les citoyens maliens pour aider dans l’organisation de ce projet. «  Nous avons fait appel à tous les mouvements, à toutes les organisations qui souhaitent accompagner ce projet. Nous allons faire appel à toutes les parties signataires pour nous aider. Nous avons déjà été reçus par la CMA, pour les écouter, nous conseiller et avoir un appui financier auprès d’eux » soutient Malick Konaté.

Le porte-parole de la CMA, Ilad Ag Mohamed, a confirmé que le mouvement avait pris contact avec eux dans le cadre d’une « caravane de la paix qui a pour objectif de passer par Gao, Ménaka et Kidal ». Pour la CMA, l’action était salutaire, c’est pourquoi elle a aussi profité de l’occasion pour demander au mouvement de clarifier ses intentions. « Au départ c’était un mouvement qui était contre la CMA et qui a des accointances avec des milices pro-gouvernementales », souligne Ilad Ag Mohamed.Mais la CMA n’est pas contre cette initiative, «  Il faut que ce mouvement oeuvre réellement pour la paix, et la cohésion sociale » a martelé Ilad Ag Mohamed, «  Kidal n’est pas une ville fermée à qui que ce soit, n’importe qui peut prendre son véhicule aller à Kidal » mais « il y a certes des problèmes d’insécurité, liés aux enlèvements des véhicules ou on dépouille les personnes de leurs biens » reconnaît-il. Avec un budget prévisionnel de cinq cent à six cent millions de franc CFA, le mouvement compte sur la contribution surtout en nature, les matériels notamment. L’accompagnement de tout un chacun est sollicité par le mouvement. «  Cinq franc n’est pas petit et cinq mille francs n’est pas trop » souligne Malick Konaté. « Nous allons demander à la région de Kayes et Koulikoro de rejoindre les gens qui sont à Bamako pour prendre le départ ; les régions de Ségou, Sikasso iront à Mopti. C’est à Mopti que vont se rencontrer ces régions pour prendre départ là bas aussi pour Gao. Les régions de Tombouctou, Taoudeni et Ménaka viendront à Gao. C’est à Gao que le départ pour Kidal sera pris, on verra aussi si la jeunesse de Kidal viendra à Gao pour qu’on puisse aller à Kidal ensemble», détaille Malick Konaté. Les participants à cette caravane sont estimés, y compris les équipes techniques et médicales, à 1120 (mille cent vingt) personnes. Le mouvement ‘’trop c’est trop ‘’ est convaincu de l’utilité de cette initiative, qui n’a rien à voir avec la politique. « Après cinq ans, il y a une fracture entre nous les jeunes. Ils sont eux là-bas, nous aussi nous sommes là, on veut consolider les liens, s’asseoir et discuter et voir les problèmes auxquels nous sommes confrontés pour leur apporter des solutions, ensemble » confie le leader du mouvement. Une fois à Kidal, les jeunes de toutes régions du Mali, pendant trois jours, organiserons des visites, colloques, des matchs de football et des rencontres diverses avec les notabilités, les jeunes etc. Toujours selon Konaté, il ne s’agit pas seulement de voyager pour voyager mais l’objectif c’est de voir le terrain « nous-mêmes » et voir ce qu’il faut apporter.

L’aspect sécuritaire n’est pas en reste, et des mesures seront prises assure t-il, «  Nous n’allons pas faire de parti pris, nous allons demander le concours tout le monde, la MINUSMA, Barkhane, le gouvernement du Mali et les mouvements signataires de l’Accord d’Alger ». Bien que prudent pour le moment le porte-parole de la CMA, insiste sur la clarification du projet car «  il nous faut savoir la lecture même de ce mouvement par rapport à l’Accord de paix » disait-il. « Aujourd’hui, un mouvement qui s’inscrit à l’encontre de l’Accord de paix n’est pas le bienvenu à Kidal », a-t-il fait remarquer. «  la CMA où qu’elle se trouve peut apporter quelque chose, notamment l’accompagnement des forces qui se montreraient disponible pour la sécurisation de la caravane, que ce soit la MINUSMA, Barkhane ou même les FAMas si c’est possible ; avec la plateforme cela serait un peu difficile dans la mesure où on n’est pas parvenu à un cessez-le-feu encore » indique Ilad Ag Mohamed. Aussi la CMA pourrait faciliter sur le plan politique et social, les contacts avec les populations locales.

Pour l’heure, le mouvement est à pied d’œuvre pour réunir les conditions à la tenue de cette caravane nationale. Une initiative visant selon les organisateurs a apporté leur pierre à l’édifice de la résolution des conflits et de la réconciliation au Mali.

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, a enfin foulé mercredi 23 août, le sol de la capitale du Nord pour un séjour de 3 jours. Sa venue, peut-être considéré comme la volonté des différentes parties d’avancer sur la mise en oeuvre de l’Accord. Le gouverneur de Kidal, peu avant son départ pour Gao, a répondu aux questions du Journal du Mali, sur ce séjour qui pourrait être le point de départ vers un retour de l’administration à Kidal, qui n’a jamais été effectif depuis les événements de mai 2014.

Ce déplacement à Kidal était-il de votre initiative ?

Depuis que j’ai été nommé gouverneur, je ne suis pas arrivé à Kidal de façon satisfaisante, la dernière fois que je suis venu ça ne s’est pas bien passé. Depuis lors, j’ai essayé d’entretenir de bons rapports avec la CMA et la Plateforme pour rejoindre Kidal et rapprocher les points de vue, afin que l’on puisse avancer dans le domaine de le réconciliation et de l’Accord de paix. Il y a eu une succession d’événement qui sont intervenus et qui ont permis ma venue à Kidal. Le premier, c‘est le cessez-le-feu déclaré par la Plateforme il y a une semaine, le deuxième c’est la déclaration de Bilal Ag Chérif qui a affirmé que l’administration pouvait revenir à Kidal et parallèlement à ça, depuis deux mois, je suis en train d’échanger avec la CMA, la Plateforme et les notabilités, pour rapprocher les points de vue. Je leur ai dit que la région ne pouvait pas vivre sans administration. C’est la conjugaison de tout ces efforts qui ont rendu possible ma venue à Kidal. 

Quel bilan faites-vous de ces 3 jours à Kidal ?

Le bilan est très positif de mon point de vue. Il y avait une armoire à glace qu’il fallait bouger vis-à-vis des populations, je crois que cela a été fait. Nous nous sommes parlés, nous avons compris comment chacun est en train de se positionner pour l’avenir. Ces échanges avec la populations ont été très importants. Je ne pense pas qu’habituellement les gouverneurs entretiennent des concertations satisfaisantes avec les populations de le région de Kidal et c’est ce cadre-là que j’aimerais instaurer : toujours échanger avec les populations, le société civile, les chefferies, pour essayer d’avancer ensemble et permettre le retour progressif de l’administration. Cette première étape était très importante à franchir. Ce que j’ai aussi constaté lors de ce voyage, c’est que la population de Kidal a de grandes attentes, aussi bien vis-à-vis de l’administration que vis-à-vis des partenaires au développement, parce que la région est dans un état de délabrement avancé, les activités économiques sont arrêtées, les administrations sont délabrées. Il faudrait remettre tout ça en place pour permettre le redémarrage économique de la région. Enfin, ce qui me paraît aussi important, après mes discussions avec les populations, c’est leur désir de paix dans la région, cette préoccupation est ressortie au niveau de tous les groupes que j’ai rencontré, que ce soit la CMA, la société civile, les femmes, les jeunes, les opérateurs économiques. C’est vraiment la préoccupation essentielle des populations de Kidal. Ce sont les trois éléments que je tire de mon voyage là-bas.

Les chefs de fraction et les notabilités ont exprimé des doléances à L’imam Dicko, parmi lesquelles, le changement du gouverneur pour un autre plus «neutre», qu’en est-il aujourd’hui ?

J’ai eu des échanges avec la coordination des chefs de tribus de la région de Kidal et je peux vous dire que cette doléance semble être dépassée. Ils ont une exigence forte, c’est de disposer d’une administration impartiale et neutre entre les deux groupes. Cela cadre parfaitement avec ma vision du problème parce que je considère que dans la situation de la région de Kidal, pour bien faire les choses, vous devez observer une certaine équidistance entre les parties . Je pense donc que c’est une question dépassée.

Vous êtiez à Kidal pour préparer le retour de l’administration, y’a-t-il un chronogramme élaboré ?

Il n’y a pas de date précise pour le moment, il y a des propositions. La société civile a identifié les services qu’elle juge prioritaire comme le secteur de l’eau, de l’électricité, de l’éducation, de la santé. Ses services-là, la population en a immédiatement besoin. Nous allons essayé d’établir un chronogramme que nous allons soumettre aux autorités nationales, qui vont l’apprécier et essayer de démarrer le retour de l’administration à Kidal. Il n’y a pas pour le moment de papier écrit. Vous savez, les acteurs sur place ne voulaient même pas que je reparte, ils pensaient que j’étais venu pour rester. Ils disent qu’à chaque fois les gens viennent, ils disent qu’ils vont revenir mais ils ne reviennent pas.

Justement, quand retournerez-vous à Kidal ?

Après la Tabaski, je m’installerai définitivement à Kidal ! Pour moi c’est une installation définitive, je n’attendrais pas les protocoles et autres, le reste de l’administration me trouvera là-bas.

Le gouvernorat est vétuste et délabré, comment ferez-vous pour siéger avec votre administration ?

Vous savez, je suis de Kidal, je suis un nomade, si on me donne une paillote, j’irai habiter là-bas, il n’y a pas de souci, que le gouvernorat soit en bon état ou pas ce n’est pas un problème. L’essentiel pour moi, c’est qu’il y ait la paix à Kidal.

Une trêve de 15 jours a été signée entre le CMA et la Plateforme, mercredi 23 août, jour de votre arrivée à Kidal. Pourquoi une paix définitive n’a-t-elle pas été signée entre ces deux mouvements ?

Lorsque les groupes armés ont convenu de la trêve de 15 jours, les notables m’ont aussi demandé « mais pourquoi 15 jours et pas une paix définitive ?». Je comprends aussi les groupes armés qui ont leurs éléments à gerer, il faut pouvoir les rassembler, les sensibiliser, les ramener dans certaines positions. Mais je peux vous dire que les gens avec qui j’ai échangé sont vraiment engagés en faveur du processus de paix, c’est vraiment l’élément essentiel, tout le monde est d’accord pour dire que la situation ne peut pas perdurer et qu’il faut aller vers la paix. Donc je ne m’arrête pas vraiment à ces 15 jours. Après la fête de Tabaski, on va les pousser encore pour essayer d’aller à plus de 15 jours. La société civile à Kidal est d’ailleurs en train de discuter de ça.

Qui a assuré votre sécurité à Kidal, vous aviez refusé de vous rendre dans la capitale du Nord si la CMA s’occupait de votre sécurité sur place ?

C’est la CMA qui a assuré ma sécurité. Elle a monté le mécanisme de sécurisation avec la Minusma. Je logeais dans le ville de Kidal même. Je peux vous dire que ça s’est bien passé, il n’y aura pas de problème. Nous sommes entre nous vous savez, nous avons nos solutions.

 

Nouvelle trêve entre CMA et Plateforme

Le gouverneur nommé par l’Etat malien pour la région de Kidal (nord-est) a annoncé aujourd’hui avoir rejoint son poste, une première depuis 2014 dans ce fief des ex-rebelles touareg, qui ont accepté d’observer une nouvelle trêve avec les groupes armés pro-gouvernementaux.

« Je suis bien arrivé à Kidal. Tout se passe bien pour le moment », a déclaré par téléphone à l’AFP le gouverneur, Sidi Mohamed Ag Icharach. « On peut effectivement dire que c’est un début de retour de l’Etat sur place », a ajouté M. Ag Icharach, venu de Bamako, à plus de 1.500 km de Kidal.

« Le gouverneur de région est arrivé en tenue d’apparat. Il a été reçu royalement par les populations et par la CMA », la Coordination des mouvements de l’Azawad, formée d’ex-rebelles touareg, a déclaré à l’AFP un responsable de la coordination.

L’Etat malien n’avait pas repris pied à Kidal depuis mai 2014, lorsque des combats qui ont éclaté au cours d’une visite du Premier ministre de l’époque, Moussa Mara, s’étaient soldés par une lourde défaite de l’armée face aux ex-rebelles de la CMA. Nommé en juin puis dépêché à Kidal pour une campagne de sensibilisation, le gouverneur Ag Icharach s’était vu interdit l’accès de la ville depuis deux mois par la CMA.

Il a pu enfin gagner son poste après l’annonce de la signature mardi d’une trêve entre groupes armés. « La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a joué un grand rôle » pour aboutir à cette trêve, a affirmé Almou Ag Mohamed, chargé de communication de la CMA.

L’information a été confirmée de source proche du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), un mouvement pro-gouvernemental rival de la CMA.

Le gouverneur Ag Ichrach ce mercredi à Kidal

Mercredi 23 août, Sidi Mohamed Ag Ichrach, gouverneur de Kidal, devrait se rendre dans la capitale des Ifoghas pour, pendant quelques jours, préparer le retour de son administration, alors que les tensions subsistent toujours entre la Plateforme et la CMA, qui entreprend d’avancer dans le processus de paix sans son frère ennemi pourtant signataire de l’Accord.

Sidi Mohamed Ag Ichrach, le gouverneur de Kidal, qui n’a toujours pas pu prendre fonction dans la capitale du Nord depuis sa nomination, devrait arriver demain à Kidal, pour préparer sa prise de fonction définitive dans la ville. « je serai demain à Kidal, si la réservation d’un vol de la Minusma est possible dans ce cours délai », a confirmé Sidi Mohamed Ag Ichrach au JDM.

À Kidal, cela fait quelques semaines qu’on entend dire que le gouverneur viendra s’installer. « Ça va se faire d’une manière ou d’une autre, la CMA pousse pour cela, elle essaie de poser des actes et des actions qui vont aller dans le sens de l’apaisement avec l’État et pour montrer à la communauté internationale qu’elle est de bonne foi dans la mise en œuvre de l’Accord », explique ce sympathisant de la coordination joint au téléphone. « La CMA veut montrer qu’elle fait avancer l’Accord pour continuer sa stratégie d’évincement de la Plateforme de la mise en œuvre de l’Accord. C’est un geste politique, ça arrange la CMA ainsi que le gouvernement, qui pourra dire à l’opinion nationale que l’administration recommence à se déployer à Kidal, c’est une façade tout ça », maugrée cet habitant de Kidal.

Toujours est-il que cette future installation du gouverneur à Kidal, pose des questions pour le moment sans réponses : Où sera-t-il logé, sachant que les bâtiments du gouvernorat de Kidal sont vétustes ou délabrés ? Qui assurera sa sécurité, alors qu’il refusait encore récemment de siéger à kidal si la CMA devait le sécuriser ? Comment parviendra-t-il à travailler avec les autorités locales, sachant que les chefs de fraction et les notabilités, acquises à Mohamed Ag Intalla, l’aménokal de Kidal, souhaitent changer ce gouverneur qui est un membre de la Plateforme ? « Si le gouverneur s’installe à Kidal ce sera certainement au camp de la Minusma », indique cet employé humanitaire de la région, « mais à quoi cela va servir puisqu’il n’y a aucun local en ville ou il pourra travailler ou s’abriter avec toute son administration qui est à Gao », poursuit-il.

La venue du gouverneur à Kidal intervient plus d’une semaine après la déclaration de « cessez-le-feu unilatérale » de la Plateforme et alors que la CMA a décidé d’avancer dans la mise en œuvre de l’accord sans pour autant inclure son adversaire. Une rencontre dimanche dernier a eu lieu à Anéfis entre des émissaires de la Plateforme et Alghabass Ag Intalla, Bilal Ag Chérif et Mohamed Ag Najim de la CMA. Selon nos informations, malgré un premier échec dans ces tractations, un accord pour une trêve serait en passe d’être trouver, même si certains ne semble pas vouloir s’inscrire dans cette dynamique : « On est pas dans le cadre de la recherche d’une paix durable. La CMA essaie de nous diviser et de nous exclure de la mise en œuvre de l’Accord . Tant qu’il y aura cette idée d’exclusion, ça ne pourra pas fonctionner. », souligne ce cadre de la Plateforme.

Moussa Maïga : « L’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle »

La Plateforme « On a tout compris, Waati sera », constituée de plus d’une centaine d’associations, a été contrainte vendredi 18 août par les forces de l’ordre, d’effectuer son deuxième sit-in prévu en face de l’ambassade de France, devant la Pyramide du souvenir. Moussa Maïga, membre fondateur de Waati Sera, a expliqué au journal du Mali, les buts de cette Plateforme qui pointe du doigt le rôle «trouble» de la France au Mali et qui prend de plus en plus d’ampleur.

Pourquoi avez-vous voulu faire un nouveau sit-in devant l’ambassade de France ?

Nous l’avons fait dans l’intention de dénoncer l’ingérence française dans la gestion de la crise Malienne.

Qu’appelez vous ingérence française ?

Nous ne sommes pas d’accord avec la politique française, car la France prend parti du côté des ennemis du Mali, comme la CMA, composée de ceux qui se disent nationalistes, le MNLA et de terroristes.

Ne pensez-vous pas que dans la situation actuelle au Nord, il serait dangereux de laisser Kidal sans la présence des forces étrangères ?

Avant que la France n’arrive à Kidal, les terroristes occupaient le Nord. À l’époque il n’y avait pas d’attentat, c’était juste leur charia qu’ils appliquaient à la population. La situation s’est aggravée malgré la présence de plusieurs troupes étrangères sur le sol malien. Nous voulons connaître leur agenda, nous ne savons pas ce qu’ils font au Nord. On augmente leur mandat mais la situation ne fait qu’empirer. Même l’autre jour, Ménaka est tombée dans les mains de la CMA sous les yeux de la Minusma. Nous avons vu la libération de Gao et Tombouctou par des forces étrangères mais jusqu’à présent Kidal n’a pas été libérée, qu’attendent les forces françaises pour libérer Kidal ? Si la France avait libéré toutes les régions du nord pour combattre le terrorisme, comme ils le disent, on les soutiendrait sans problème. Qquand ils ont libéré Konna le peuple malien a applaudit, après nous avons constaté qu’au lieu de se ranger auprès du Mali ils se sont rangé au côté des terroristes.

Concrètement, demandez-vous le départ des forces étrangères ?

Ce n’est pas ça notre objectif, nous voulons leur transparence, qu’ils mettent de côté leurs intérêts pour libérer le nord du Mali d’abord. Qu’ils n’oublient pas que le peuple malien aspire à avoir la paix. Cela fait longtemps que nous sommes dans l’impasse totale et c’est la France qui est dessous tout ça.

Pour vous la France est-elle toujours une amie du Mali ?

On peut être ami mais chacun doit garder sa personnalité, l’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle. La France est toujours une amie, mais nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’elle fait au Nord.

Selon vous, est-ce seulement la faute de la France ou aussi celle du gouvernement malien qui n’est pas suffisamment fort pour être souverain sur son territoire ?

Nous n’avons pas de gouvernement, c’est un gouvernement incompétent qui a les mains liées et qui ne peut rien faire. C’est au peuple de se défendre. Quelqu’un qui tend la main ne peut pas dénoncer celui qui lui donne à manger, notre gouvernement reste et demeure au côté du néo-colonisateur.

Peut-on vous considérer comme un mouvement anti-français ?

Nous sommes un mouvement anti politique française au mali.

Comme un mouvement nationaliste ?

Nous sommes nationalistes, nous sommes des patriotes. On aime notre pays, on ne veut pas perdre notre pays, quand on perd une chemise elle peut être remplacée pareille pour une chaussure. Mais quand on perd une nation on ne peut jamais la remplacer, nous sommes prêts à mourir pour le Mali.

Après ces deux sit-in jusqu’où comptez-vous aller ?

Nous sommes capables de révolutionner le Mali tout entier de Kayes à Kidal pour dénoncer l’ingérence des autorités étrangères. Nous avns commencer avec 30 associations et aujourd’hui il y en a plus d’une centaine et ça continue. Nous voulons la paix, que ça soit avec les autorités locales ou étrangères mais nous n’acceptons pas leur mauvaise gestion de la crise. Il faut que cette gestion soit transparente que la population sache qu’on est en train d’aller vers la paix. Connaissant les moyens logistiques dont disposent les forces étrangères qui sont au Mali, est ce que les terroristes peuvent vraiment les empêcher de libérer Kidal ? Comment la CMA peut-elle, devant la France, brandir un autre drapeau différent de celui du Mali. Ils réclament leur indépendance sous les yeux de la France et de la Minusma, sachant l’accord de paix qui a été signé. Depuis la signature de cet accord, on pensait aller vers la paix, mais c’est le contraire, nous assistons à une division du pays manigancée par la France. La France défend ses intérêts, parmi lesquels l’exploitation de nos ressources, en oubliant ceux du peuple malien.

Guillaume Ngefa : « Notre rôle, c’est d’établir la vérité »

 La Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA est un pilier fondamental de la mission onusienne. Les personnes qui y travaillent assurent la protection et la promotion des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national. La découverte récente de fosses communes dans la région de Kidal et la libération de 9 enfant soldats enrôlés dans les mouvements armés ont, pour un temps, mis sur le devant de la scène cette division très informée et qui cultive la discrétion. Guillaume Ngefa, son Directeur, a répondu aux questions du Journal du Mali sur son travail quotidien dans un contexte de violence et d’insécurité.

Quel est le rôle de la division des Droits de l’Homme de la Minusma ?

C’est la composante de la mission qui a reçu mandat de surveiller la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national, d’aider à enquêter sur les abus et les violations des droits de l’homme, de les documenter et de les rendre publics et de contribuer au renforcement des capacités des institutions nationales, ainsi que des organisations non-gouvernementales. Nous aidons aussi à l’administration de la justice.

Faites-vous aussi de la sensibilisation ?

Le volet sensibilisation est une composante essentielle de notre travail. Nous conduisons une série de formations des forces de défense et de sécurité maliennes, en coopération avec l’EUTM et l’EUCAP, qui forment la police et la gendarmerie. Nous avons des programmes de renforcement des capacités des organes chargés de l’administration de la justice. Chaque année nous organisons une formation avec l’institut des droits de l’homme de Strasbourg sur le droit international, les droits de l’homme et le droit humanitaire, nous en sommes à la quatrième.

Quel est votre rôle face à des abus et des violations graves des droits de l’homme ?

Les violations du cessez-le-feu peuvent s’accompagner d’abus ou de violations des droits de l’homme. Nous devons enquêter, faire la lumière et rendre nos conclusions accessibles au public via un rapport. Nous recevons toutes sortes d’allégations, de plusieurs sources : victimes, chefs de villages, sources journalistiques, témoins. Nous les vérifions pour les corroborer, voir si elles sont vraisemblables. Car elles peuvent être fictives, minimisées, exagérées ou utilisées à des fins totalement politiciennes. Vu la complexité de certaines situations, on déploie d’abord une mission d’investigation. Quand on a assez d’éléments, on déploie une mission d’établissement des faits pour les vérifier et les déterminer. Ce devoir de vérification permet aux victimes de connaître la vérité et à la justice d’ouvrir des enquêtes pour que les auteurs répondent de leurs actes.

Comment cela s’est- il passé pour les fosses communes découvertes dans la région de Kidal ?

Nous documentons et suivons cela depuis juillet 2016, lorsque les affrontements ont commencé entre le Gatia et la CMA. Après vérification, nous sommes arrivés à 67 allégations de violations des droits de l’homme. C’est dans l’établissement des faits que nous avons découvert deux fosses communes et deux tombes individuelles. Jusqu’à maintenant, nous avons 34 cas d’abus sérieux qui ont été commis aussi bien par le GATIA que par la CMA. Les conclusions de nos enquêtes sont partagées avec les groupes armés. Le but est qu’ils assument la responsabilité de ce qui s’est passé. Les faits commis peuvent faire l’objet d’enquêtes judiciaires.

Comment faites-vous pour ne pas être manipulés par les uns ou les autres ?

On tente de nous manipuler, ça fait partie du jeu, mais les informations sont collectées, vérifiées. On ne s’appuie que sur des fait établis. Si ce n’est pas vérifié, on parle d’allégation. Il y a eu un mois d’enquête en ce qui concerne les fosses communes de Kidal. Les 33 allégations qui restent doivent passer par tout ce processus. L’enquête doit continuer, il y a des éléments manquants.

Une fois les responsabilités établies, que va-t-il se passer ?

Nos enquêtes ne sont pas des enquêtes criminelles. Ce sont des informations mises à la disposition de la justice pour qu’elle ouvre une enquête criminelle. C’est à elle de dire le droit, de qualifier les faits et de déterminer la sanction prévue par la loi malienne. Il est important que la justice fasse son travail.

 La justice s’est-elle saisie de précédents rapports que vous lui avez transmis ?

Nous avons produit trois rapports, sur Kidal et Tin Hama notamment. Ils ont été transmis à la justice. Maintenant, il faut leur poser la question. Notre travail est important dans le processus de paix, ça rassure les gens, au moins ils savent que l’impunité ne continue pas.