Accord de paix : le colonel Hassane Ag Fagaga intronisé à Kidal

À Kidal, ce mardi 28 Février, s’est déroulé la cérémonie d’intronisation de Hassane Ag Fagaga à la tête de l’autorité intérimaire de Kidal. Le nouveau président du conseil régional de Kidal a été intronisé par le ministre de l’intérieur du Mohamed Ag Erlaf et le haut représentant du président de la République du Mali pour la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali, le général Mahamadou Diagouraga.

Le colonel Hassane Ag Fagaga est un officier de l’armée malienne qui a déserté en 2012, il est par la suite devenu le numéro 1 de l’état major du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA). C’est un ex-grand chef rebelle du Mali qui a enfilé l’écharpe verte jaune rouge aux couleurs du Mali et qui a remercié les autorités maliennes et les mouvements armés de son intronisation. Il est également à noter que ce mardi 28 février, le drapeau malien absent depuis 2012, a flotté à Kidal. Il est également prévu selon un communiqué du haut représentant du président du Mali pour la mise en œuvre de l’Accord de Paix au Mali que l’installation des autorités intérimaires pour les régions de Gao et Menaka auront lieu le jeudi 2 Mars et celles des régions de Tombouctou et Taoudeni auront lieu le Vendredi 3 Mars.

À noter également, l’absence du président de la CMA, Alghabass Ag Intalla et du secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Cherif, à la cérémonie de l’intronisation du président des autorités intérimaires. « Nous sommes restés à Bamako pour régler d’autres questions urgentes pour les jours à venir ». a expliqué Bilal Ag Chérif, joint au téléphone.

Les autorités intérimaires sont une phase importante dans la feuille de route de l’accord de paix pour la résolution de la crise malienne, pour les cinq régions du nord du Mali. L’Accord stipule que la période intérimaire débutera au moment de l’installation des présidents des autorités intérimaires dans les 5 régions du nord Mali à savoir Kidal, Gao, Tombouctou, Taoudeni et Menaka . Une période qui durera 3 à 4 mois avant l’élection des présidents des conseils régionaux et qui mettront fin à la période intérimaire et à ses autorités.

Sidi Mohamed Ag Ichrach : « Dépasser mon appartenance tribale pour préserver et défendre les intérêts de l’État »

Sidi Mohamed Ag Ichrach, inspecteur des douanes, était secrétaire général du ministère du Commerce avant d’être nommé gouverneur de Kidal lors du Conseil des ministres le 17 février. Sa nomination, considérée comme une provocation par les leaders de la CMA, a entraîné la suspension de l’installation des autorités intérimaires à Kidal. Le nouveau gouverneur de la région septentrionale a reçu le Journal du Mali chez lui à Bamako, au moment où les négociations avec la CMA ont repris pour tenter de trouver une porte de sortie.

Qu’est-ce qui a concouru à votre nomination à la fonction de gouverneur ?

La région de Kidal n’étant pas dans une situation normale, il a fallu faire des compromis et les compromis c’est respecter les équilibres. Les pourparlers politiques ont abouti à la nécessité de jouer l’équilibre entre les différentes tendances. Je veux parler des 3 parties : la CMA, le gouvernement et la Plateforme. Nous avons cherché les hommes capables d’être consensuels, qui peuvent faire cet équilibre, dans une situation difficile, entre les exigences d’une administration normale et la situation anormale que vit la région de Kidal. Du côté de la CMA, on a choisi des hommes qui peuvent s’entendre avec les deux autres tendances. On a fait la même chose du côté de la Plateforme. Je crois que je suis rentré dans cet équilibre que le gouvernement recherchait et aussi parce que les décideurs ont estimé que je pouvais jouer ce jeu d’équilibre au niveau régional pour ramener la paix et aider à remettre ensemble les différents acteurs.

Malgré cette volonté d’équilibre, la CMA n’accepte pas votre nomination. Votre nomination n’est donc pas si consensuelle ?

Je pense qu’il y a eu une mauvaise circulation de l’information. Il y a eu aussi une peur, quelque part, parce qu’il y a des gens qui estiment que je suis plus proche d’un côté que de l’autre. Mais je suis heureux que chaque côté estime que je suis plus proche de l’autre. Cela me réconforte un peu. Je m’estime proche des deux camps.

On vous dit néanmoins très proche du GATIA.

Je ne cache pas ma proximité avec le GATIA, parce que dans la situation de tiraillement dans laquelle se trouve la région de Kidal aujourd’hui, chacun est obligé de choisir son camp. Mais je ne suis pas, si vous voulez, collé à un côté. Je pense que je comprends les positions des deux camps et de mon point de vue, je pense que je peux faire le lien.

Donc, en tant que gouverneur de Kidal, vous travaillerez à ce que le GATIA et la CMA ne s’affrontent plus ?

Je ne peux pas garantir que les affrontements ne reviendront pas mais j’y travaillerai, je travaillerai à rapprocher les points de vue. Dans les deux camps, il y a des gens qui me font confiance et d’autres qui se méfient.

Certains se méfient de vous du côté de la Plateforme ?

Oui bien sûr. Je ne suis pas un acteur très connu. C’est une réalité. Je pense que des deux côtés il y a des méfiances et j’en suis conscient mais il faut travailler à rapprocher les points de vue, il faut travailler à être centrale, à développer autour des intérêts de la Nation, des intérêts du pays, parce que la situation que nous vivons aujourd’hui est une situation malheureuse, transitoire, qui plombe le développement économique.

Vous ne représentez donc ni la CMA, ni la Plateforme, mais plutôt l’État ?

Le gouverneur représente l’État et de mon point de vue, c’est cette logique que l’autorité a voulu remettre en selle par ma nomination. Je suis fonctionnaire de la République et j’ai la capacité de dépasser mon appartenance tribale et mon appartenance régionale pour préserver et défendre les intérêts de l’État parce que les intérêts de l’État, ce sont les intérêts de tout le monde. Une administration impartiale, une administration qui s’intéresse à tout le monde, une administration qui prône la justice mais aussi une administration capable d’apaiser et de regrouper, de parler aux uns et aux autres, donc une administration ouverte vers les populations. C’est comme ça que je conçois le rôle de gouverneur dans la situation de la région de Kidal.

La CMA dit qu’il y a déjà un maire du GATIA et un député du GATIA à Kidal, ce qui provoquerait justement un déséquilibre ?

Donc la région de Kidal se borne à la ville de Kidal ? C’est le genre de positionnement qui est dangereux. La région de Kidal, c’est 11 communes, 4 cercles et même 5 avec un cercle qui vient d’être créé, un conseil régional et environ 200 à 300 fractions nomades. On ne peut pas faire une fixation sur la seule ville de Kidal. On dit que le maire est GATIA. Je ne sais pas s’il est GATIA ou pas, de même pour le député. Je pense que c’est le genre de chose qu’un cadre se doit de pouvoir dépasser. Je ne vois pas le maire de Kidal comme appartenant au GATIA, je le vois comme le maire de la commune urbaine ou rurale de Kidal, donc maire de toutes les communautés de Kidal. Le député est avant tout le député de la circonscription électorale de Kidal. Ce genre de classement n’est pas constructif. Les populations ont le droit d’élire qui elles veulent. Mettre les représentants de l’administration dans le même sac que les élus, c’est ne rien comprendre au monde moderne, parce que les administrateurs représentent l’État, et les élus, les populations.

Vous aurez dans vos nouvelles fonctions de gouverneur à travailler avec Hassan Ag Fagaga , le président du conseil régional de Kidal, le connaissez-vous et comment voyez-vous cette future collaboration ?

C’est une personne que je connais très bien, c’est un ami intime, avec qui j’ai partagé des moments très difficiles pendant les premières rébellions, nous avons une confiance réciproque, c’est quelqu’un, sans aucun doute, avec qui je peux très bien travailler.

Hassane Ag Fagaga est un militaire, qui n’a pas forcément les qualités requises pour diriger un conseil régional, pensez-vous que sa nomination comme président du conseil régional de Kidal est un bon choix ?

C’est un officier supérieur de l’armée malienne, il a quitté l’armée malienne avec le grade de colonel. Il a l’expérience parce qu’il a été commandant de troupe pendant plus de 10 ans. Qu’il soit compétent ou non n’est pas tellement une préoccupation pour moi, il a été désigné par la CMA pour être le président du conseil régional de Kidal et je suis tout à fait en conformité avec ce choix. Je n’ai pas à apprécier ni sa compétence ni son incompétence mais je dirai que sur le plan humain, c’est quelqu’un avec qui je peux travailler.

Quelles seront vos premières actions quand vous prendrez vos fonctions de gouverneur ?

La première action que je ferais c’est de prendre attache avec toutes les grandes notabilités pour expliquer ma mission et la manière dont je compte l’accomplir. Ensuite, je prendrai contact avec les élus, les députés, les chefs de fractions, pour avec eux, tracer et convenir du canevas dans lequel nous allons travailler, parce que c’est une mission qui ne peut pas être réussi individuellement. Elle nécessite l’implication de tout le monde et la participation des notabilités et des cadres de la région de Kidal, leur participation est indispensable pour réussir la mission.

Quelle sera votre politique à la tête du gouvernorat de Kidal durant votre mandat ?

Premièrement mettre ensemble les communautés, les différentes fractions, je suis conscient de la difficulté mais c’est par là qu’il faut commencer. Il faut que les populations puissent fréquenter dans la paix, les mêmes marchés, les mêmes puits, les mêmes pâturages, les mêmes routes, sans s’affronter. Si on n’arrive pas à faire cela, on ne peut pas lancer des actions de développement, sans développement le problème restera toujours tel qu’il est aujourd’hui. La deuxième chose, c’est faire redémarrer l’administration dans la région. On ne peut pas imaginer des zones entières de la région qui échappent au contrôle total de l’État, il faut donc travailler au retour de l’administration et avec l’administration, les services sociaux de base. Dans la région de Kidal, ça fait bientôt 6 ans que les enfants ne vont pas à l’école, cela fait 6 ans que les femmes accouchent dans des situations très difficiles, ça fait 6 ans que les malades ne sont pas soignés, 6 ans que les points d’eau ne sont pas entretenus, il faut relancer cela dans l’intérêt des populations.

La CMA fait la pluie et le beau temps sur Kidal, ses leaders sont contre votre nomination. Comment appliquer votre politique dans ces conditions ?

Ces chefs de guerre que vous avez cité, je les classe tous parmi les notables de Kidal de quel bord qu’ils soient. Ce sont des gens que je connais très bien car je suis de Kidal. Je sais qu’il y aura une glace à casser, il faudra la casser pour faire passer le message, pour parler. C’est aussi le travail du Comité de suivi de l’Accord. Au niveau régional il y a aussi un travail à faire pour calmer les différentes ardeurs. Ça ne va pas être facile mais c’est mon devoir de pouvoir les mettre ensemble, parce que s’ils ne sont pas ensemble, on ne peut pas avancer.

Serez-vous un peu le garant de la mise en œuvre de l’Accord dans la région de Kidal ?

Non, je ne serai pas le garant, la mise en œuvre de l’Accord incombe au Comité de suivi de l’Accord ici à Bamako, mais au niveau local il y a des apaisements à faire. Le terme de facilitateur serait mieux choisi.

Contrairement à votre prédécesseur qui était basé à Gao, siégerez-vous à Kidal quand vous serez gouverneur ?

Je le souhaite, si la sécurité des administrateurs n’est pas assurée à Kidal on ne pourra pas ramener l’administration. La sécurité de l’administration à Kidal ne peut pas être assurée si les différents groupes, je veux parler de la CMA et de la Plateforme, qui contrôlent la ville de Kidal où qui sont autour de la ville de Kidal, ne s’entendent pas pour la sécuriser. D’où l’importance de mettre ensemble les groupes armés qui sont sur le terrain, les rassembler autour de l’essentiel pour apporter l’accalmie dans la région, accepter le retour de l’administration, sécuriser l’administration, faire démarrer les autorités intérimaires, car elles représentent les populations, c’est comme cela que je vois une porte de sortie à cette situation.

Partez-vous bientôt pour Kidal ?

Moi je veux bien, mais pour aller à Kidal, il faut qu’il y ait l’entente entre les parties pour être sûr que l’administration pourra aller à Kidal. Si je vais à Kidal, c’est en tant que représentant de l’État. J’attends que tous les acteurs envoient des signaux pour le retour de l’administration à Kidal. Ce retour de l’administration doit être sécurisé, soit par les mécanismes du MOC soit par l’entente des différents groupes sur le terrain.

GATIA et CMA s’affrontent autour d’une nomination

L’installation des autorités intérimaires à Kidal qui aurait dû être effective lundi 20 février, a été suspendu suite à la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, un Touareg, haut-fonctionnaire de l’État, natif de Kidal, appartenant au groupe Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), ennemi déclaré de la CMA. Cet énième crise entre le GATIA et la CMA, qui tentent de peser de tout leur poids pour que le nouveau gouverneur soit maintenu ou sa nomination annulée, perturbe la mise en œuvre de l’Accord, dans un match dont l’enjeu est un échiquier nommé Azawad.

Depuis la nomination de Sidi Mohamed Ag Ichrach, rien ne va plus entre la CMA et le GATIA. Cet intellectuel, secrétaire général au ministère du commerce, ancien inspecteur des douanes et qui fut un cadre de la rébellion touareg des années 90, malgré ses compétences avérées pour exercer la fonction de gouverneur à Kidal, a néanmoins, du point de vue de la CMA, un terrible handicap : son appartenance au GATIA, mouvement ennemi de la CMA qui convoite le gouvernorat de Kidal depuis un certain temps.

Samedi 18 février lorsque le nouvelle de cette nomination est tombée, la surprise et la colère passées, les leaders la CMA ont décidé de suspendre la cérémonie d’intronisation de l’assemblée régionale, qui devait avoir lieu lundi dernier en présence du ministre de l’Administration territoriale, Mohamed Ag Erlaf. Ils ont éteint leurs téléphones pour ne pas être joint par les différentes délégations, le ministère et la médiation. « Ce qui est sûr c’est que cette nomination ne les arrange pas, ils l’a rejette, les politiques de la CMA la rejette, les militaires de la CMA la rejette. Une partie de la population acquise à la CMA la rejette, mais une partie de la population acquise à la CMA considère aussi qu’il n’y a pas de quoi en faire un si grand problème, car Ag Ichrach est de Kidal et a les qualités requises pour être gouverneur. La majeure partie de la population pense que c’est un faux problème », explique cet habitant de Kidal joint au téléphone.

Le désormais ancien gouverneur de Kidal, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal quand le nouvelle a été communiquée. Lui aussi ne s’attendait pas à sa mutation. « Koina Ag Ahmadou était proche du HCUA, des Ifoghas et de la CMA en particulier. Sur plusieurs points il faisait leurs affaires en étant à Kidal ou à Gao. Les cartes, les listes électorales pour les prochaines élections, tout ça se confectionne au niveau du gouvernorat, en ce sens il pouvait aider, ainsi que dans l’attribution des différents marchés et appels d’offres des bâtiments qui ont été endommagés, et qui découle de la gestion d’un gouverneur. Mais là, ce ne sera plus le cas et ça n’arrange pas la CMA », révèle cette source proche des mouvements.

Pour la CMA, la nomination de l’ancien gouverneur était circonstancielle, décidée par le gouvernement au même titre que celle de Sidi Mohamed Ag Ichrach, elle avait le mérite d’arranger tout le monde. « L’ancien gouverneur, Koina Ag Ahmadou, était à Kidal prêt à mettre les autorités intérimaires en place, préparer les élections et dans quelques mois on aurait pu changer », déclare ce cadre de la CMA. « En fait cette nomination est une vieille condition du GATIA. Condition qui a été balayée par la CMA et qui revient tout d’un coup de façon unilatérale. Il y a eu des tractations, des manoeuvres souterraines, des influences pour prendre Hassane Ag Fagaga dans la liste de la CMA pour la présidence du conseil régional, mais en contre-partie, on destinait le gouvernorat de Kidal au GATIA. C’est le ministre de l’Administration Territoriale qui à notre avis a manigancé tout ça et la CMA ne l’accepte pas. Ce qui s’est passé prouve la mauvaise volonté du gouvernement, à mon avis la partie gouvernementale ne veut pas de la paix » poursuit ce même cadre.

Après 3 jours de négociations, une solution de sortie de crise ne semblait pas encore en passe d’être trouvée. « Il serait plus consensuel de les écarter tous les deux, pourquoi ne pas nommer un gouverneur natif de Kayes ou de Sikasso, on est prêt à aller vers ce consensus », confie ce membre de la CMA qui siège dans une des commissions du CSA

Si aucune des parties ne maîtrise pour le moment la solution qui pourrait mener à une porte de sortie, selon nos informations, une proposition de la CMA, si le gouvernement maintient Sidi Mohamed Ag Ichrach comme gouverneur, pourrait émerger. Elle demanderait la nomination d’un gouverneur tendance CMA dans une région où la présidence est assurée par la Plateforme, histoire, dit-on à la CMA, de « rééquilibrer les choses ». « Ça serait un marché de dupe mais c’est comme ça, parce que Ag Ichrach est imposé par le GATIA », résume ce cadre de la CMA

Pour cet autre membre de la coordination, l’État n’arrive toujours pas à prendre des décisions vraiment terre à terre. « Je ne vois pas de sortie de crise, si l’État n’a pas la volonté politique d’aller vers la paix, il n’y aura pas de paix, c’est ça le problème. On va rester dans les tergiversations, ça va continuer à pourrir et ce n’est pas bien. Il faudrait que la décision vienne du plus haut niveau, c’est le 1er ministre qui doit s’imposer ou bien le président de la république pour donner des signaux forts, car nous sommes beaucoup plus pour la paix que les autres partis. On a fait des concessions mais ce que l’on reçoit en contrepartie envenime encore les choses », Conclut-il.

Autorités intérimaires : Tractations et compromis, pour la présidence d’une région

Hassane Ag Fagaga, chef militaire du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et membre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), dirigera le conseil régional transitoire de Kidal. Sa nomination serait la décision de la partie gouvernementale après plusieurs concertations et tractations avec la CMA et la Plateforme. En coulisses, cette nomination attendue, a imposé ce cadre militaire aguerri de la CMA au détriment du choix initial qui devait se porter sur Abda Ag Kazina, un intellectuel, maire adjoint de Kidal.

Officiellement c’est Hassan Ag Fagaga, ex-colonel de l’armée malienne, indépendantiste et ex-rebelle, qui a été désigné par le gouvernement pour présider la région de Kidal durant la période intérimaire. Officieusement, on rapporte que la partie gouvernementale a voulu ménager le CMA en demandant à la Plateforme de céder la présidence de Kidal, point de friction entre ces deux mouvements. Il y a eu beaucoup de tractation qui ont mené à des concessions et le dernier compromis a porté Hassane Ag Fagaga à la présidence de la région. « La partie gouvernementale a été maline, ils ont accepté de nommer Fagaga, d’une part pour ménager la CMA et faciliter leur retour à Kidal, d’autre part parce que Fagaga plaira aux gens réfractaires à l’État, ce qui permet aussi de canaliser beaucoup d’éléments radicaux de la CMA, et s’il y a un problème, ils ne pourront s’en prendre qu’à leur dirigeant », analyse cette source proche des mouvements

À Kidal, il semblerait que le choix de cette nomination ne soit pas du goût de tout le monde, car de nombreuses personnes désiraient que les choses avancent. La nomination de ce chef militaire, noyau dur de la CMA, ex-déserteur de l’armée malienne, qui fut l’instigateur de plusieurs rébellions n’est pas forcément, pour beaucoup, une bonne chose. « C’est quelqu’un qui n’est pas lettré, il n’a pas été à l’école. Sa nomination plaît surtout à une petite partie radicale, il y aussi des gens qui estiment qu’il a beaucoup fait pour la rébellion. Sinon la majeure partie de la population n’est pas très enthousiasmée par sa nomination », explique un employé humanitaire de Kidal, joint au téléphone.

Initialement, bien avant ce choix, était en lice pour présider l’assemblée régionale de Kidal, un conseiller d’Aguelhoc et Abda Ag Kazina, jeune adjoint au maire de Kidal. « C’est Abda qui était pressenti pour être en réalité le président, mais sa proximité avec la Plateforme a joué contre lui, surtout après l’opposition GATIA – CMA. Donc il y a eu cette nomination de Fagaga. La CMA l’a proposé parce qu’il est non seulement militairement un des hommes fort de de la CMA mais aussi pour son ethnie, c’est un Ifoghas. Dans toutes ces nominations, que cela soit la CMA ou la Plateforme, ils essaient toujours d’aménager les places en fonction des différentes ethnies », révèle cette source proche des mouvements.

De nombreux point séparent Kazina et Fagaga, le premier est jeune, brillant, un intellectuel qui est parvenu à la mairie de Kidal alors qu’il était dans la vingtaine, une grande surprise à l’époque, courtisé un temps par la CMA pour venir rejoindre leur rang, il a refusé, ce qui n’a pas été vraiment  apprécié, il représente aujourd’hui un certain renouveau. Le deuxième est un militaire aguerri, figure indépendantiste, cousin du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga, cacique de la rébellion, plus âgé et peu lettré. « le problème du choix de Abda Kazina c’est que la CMA voit en lui un pion du GATIA, notamment parce qu’il est un proche de l’ancien gouverneur de Kidal qui est actuellement ambassadeur du Mali au Niger et qui est lui même un proche du Général Gamou. il est aussi très jeune, dans notre milieu ici ce n’est pas facile pour les jeunes d’émerger comme ça, c’est un des très rare cas, sinon le premier. Globalement les intellectuels, les gens qui ne sont pas trop proche de la CMA ou qui sont objectifs, pensent que Kazina était un bon choix, car il à la tête dure et bien fixée sur les épaules », poursuit cette même source.

Hassane Fagaga devrait être investi par le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, ce samedi 18 février. Abda Kazina devrait aussi être présent pour cette investiture. Ce dernier, joint au téléphone, dit souhaiter que Hassane Fagaga soit « la personne qui pourra mener à bien cette période intérimaire, malgré les multiples insuffisances », mais le jeune maire adjoint de Kidal aura peut-être tout de même l’occasion de faire ses preuves puisqu’il est proposé, dans ces autorités intérimaires, comme premier vice-président de la région. « Si le consensus est mis en œuvre, et que je suis nommé, je pense qu’on fera de notre mieux pour qu’il y ait un décollage sur le plan du développement et de la réconciliation », nous a-t-il confié.

Alghabass Ag Intalla : « Je ne suis pas un va-t-en-guerre »

Le 16 décembre dernier, Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), accédait à la présidence de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Trois jours plus tard, il actait son leadership par un retrait unilatéral de la CMA du Comité de suivi de l’Accord (CSA), conditionnant le retour de son mouvement à la tenue d’une rencontre de haut niveau pour « sauver l’Accord ». Raison pour laquelle un deuxième CSA ministériel fut convoqué le vendredi 10 février, en présence des ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger. Cette rencontre a permis de mettre à plat de nombreux points de blocage et d’arriver à un consensus, remettant la mise en œuvre de l’Accord sur les rails. C’est en marge des travaux de cette rencontre du CSA, que le sulfureux nouvel homme fort de la CMA, qui se fait plutôt rare dans les médias, à accepter de s’exprimer, pour Journal du Mali, sur les sujets concernant le processus de paix et dont il fait aussi l’actualité. Interview.

La rencontre de haut niveau qui s’est tenue le 10 février marque le retour de la CMA dans les travaux du CSA et ses sous-comités. Considérez-vous que cette stratégie de la chaise vide était nécessaire pour faire bouger les lignes ?

Vous savez, on est dans un processus qui n’avance pas. Beaucoup d’amis nous ont conseillé de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide. On l’a fait pour faire bouger les choses et obtenir un consensus, notamment entre les mouvements. Donc, notre abstention était un peu pour forcer ce dialogue qui n’aboutissait pas, malgré la pression de la communauté internationale. Il fallait que nous le fassions pour permettre à la mise en œuvre de l’Accord d’avancer.

Après cette rencontre du CSA, peut-on dire qu’il y a maintenant un retour de confiance entre les groupes armés et le gouvernement, contrairement aux négociations précédentes ?

Vous savez contrairement à ce qui se dit, nous ne nous sommes jamais focalisé sur Kidal. Notre problème c’est tout le Mali et en particulier la zone de l’Azawad. Ce qu’on a demandé durant la rébellion, on ne l’a pas demandé seulement pour le Nord mais pour tout le Mali. La preuve en est que la conférence d’entente nationale, c’est pour tout le Mali. Pour répondre à votre question, la confiance est quelque chose qui vient en travaillant ensemble. Pour la rencontre de haut niveau du CSA, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une confiance totale et assumée, mais en posant des actions concrètes dans un travail en commun, cette confiance pourra s’instaurer avec le temps.

Le gouvernement devra décider qui sera le président du conseil régional de Kidal. Est-ce une façon pour la CMA de prouver sa bonne volonté à la partie gouvernementale ?

Bien sûr. Nous ne voulions pas, devant la communauté internationale, devant les membres du gouvernement et les différents autres mouvements, que l’on puisse dire que le blocage vient de notre côté.

La mise en place des autorités intérimaires et des patrouilles mixtes a débuté cette semaine et ira jusqu’à la fin février. Que pensez-vous de ce nouveau chronogramme?

Les populations de l’Azawad sont pro-mouvement ou pro-gouvernement. Elles ne refusent rien. C’est le gouvernement et nous qui sommes à même de dire si cela est possible ou si ce n’est pas possible. Mais sur place, les populations sont prêtes, donc ce chronogramme est possible à tenir.

 Les différentes parties ont souvent essayé d’inverser le calendrier de mise en œuvre de l’Accord. Qu’est-ce qui garantit que ce nouveau chronogramme sera respecté ?

On ne peut pas dire aujourd’hui qu’on a une garantie que l’on n’avait pas avant. Mais dans ce que l’on voit aujourd’hui, on peut dire que quelque chose a changé. Il y a un changement positif du côté du gouvernement vis-à-vis de notre position. Je vous rappelle que ce n’est pas à nous de faire des actes, c’est le gouvernement qui doit faire des actes. Nous on doit être seulement en accord avec les actes du gouvernement qui sont conformes à l’Accord.

Concrètement, comment vont se mettre en place les autorités intérimaires à Kidal ? Comment cela va-t-il se dérouler ?

Pour le moment, il y a un travail à faire avec les autres parties pour déterminer le chronogramme précis, parce que lors du dernier CSA, leur mise en place a été prévue entre le 13 et le 20 février. Mais ce n’est pas précis. On n’a pas dit Kidal c’est le 15 février par exemple. Normalement, ce jeudi tout doit être calé.

 Comment se fera le retour de la représentation de l’État et de ses services déconcentrés à Kidal ?

Dès que les autorités intérimaires seront installées, la représentation de l’État et les services déconcentrés suivront. Il n’y a aucune raison que cela traîne.

 La CMA a payé le plus lourd tribut lors de l’attentat contre le MOC à Gao. Avez-vous exigé de nouvelles garanties de sécurité pour vos combattants?

Vous savez, les combattants qui s’engagent savent qu’ils peuvent mourir au combat. Ce ne sont pas des chômeurs que nous envoyons pour toucher un salaire. Ce sont eux qui vont créer les conditions de sécurité là où ils seront déployés, ce n’est pas à nous de dire qu’on va les sécuriser. Ils vont prendre leur sécurité en charge. Les gens ont été surpris que des terroristes soient rentrés dans le camp du MOC. C’était malheureusement prévisible.

La vocation des patrouilles mixtes est d’abord de sécuriser les autorités intérimaires et les sites de cantonnement. Or, les combattants ne sont toujours pas cantonnés. Cela peut-il fonctionner ?

Dans la mise en œuvre de l’Accord, tant qu’on arrive à faire avancer les arrangements politiques et sécuritaires ensemble, on pourra aller de l’avant. Il faut éviter de vouloir ramener tout l’Accord à un problème de sécurité seulement. Il ne faut pas qu’on dise que tant qu’il n’y aura pas le MOC, on ne pourra absolument rien faire. Aujourd’hui le processus Désarmement Démobilisation Réinsertion (DDR) est très compliqué. Ce n’est pas évident de cantonner des gens dans une situation d’insécurité aussi élevée. Il y a 8 sites de cantonnement qui sont construits très loin des centres urbains pour la plupart. En réalité l’opérationnalisation du MOC est très complexe. Je crois que l’attentat de Gao nous oblige à revoir un peu toute la conception du MOC et à essayer de corriger les insuffisances liées à sa mise en œuvre.

Quel statut voyez-vous pour les combattants qui ont intégré les patrouilles mixtes dans le cadre du MOC ?

Le statut des combattants du MOC sera consigné dans un recueil de textes pris par le ministre de la Défense, de sorte que le combattant soit aligné sur son frère d’armes des FAMA en évitant toute forme de discrimination. À grade égal avec leurs frères d’armes des FAMA et ils seront considérés en phase préliminaire d’une intégration effective.

Les problèmes d’inclusivité des groupes armés comme la CPA, le CJA, le CMFPR2 et le MSA, bloquent la mise en œuvre de l’Accord. Où en sommes nous après cette réunion ?  Et pouvez-vous définir ce qu’est la CMA aujourd’hui, qui la compose ?

Je vais vous dire : ces groupes dit dissidents qui réclament de l’inclusivité, c’est un problème du gouvernement malien. C’est la mauvaise volonté du gouvernement malien qui a créé ces groupes là. C’est la sécurité d’État qui les a fait, c’est la sécurité d’État qui les a logés ici, c’est la sécurité d’État qui leur a donné l’ordre de mettre le désordre. Et ils pensaient nous faire chanter avec ces groupes là, mais ça va se retourner contre le gouvernement. Aujourd’hui, la CMA est composée d’un noyau dur, c’est à dire le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le HCUA et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), point.

Et le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) ?

Si vous démissionnez de la CMA, que vous partez rencontrer le GATIA ou bien la Plateforme ou bien le gouvernement, c’est que vous êtes de leur côté. Donc ce groupe ne fait pas partie de la CMA.

Comment entendez-vous résoudre ce problème d’inclusivité ?

Je suis sûr que si le gouvernement le veut, il va trouver une solution à tous ces mouvements. Et j’espère qu’il va gérer ce problème pour permettre au processus d’avancer.

Les divergences entre la Plateforme et la CMA sont-elles aujourd’hui normalisées ? Qu’en est-il avec le GATIA qui a un discours très va-t-en-guerre envers la CMA et notamment sur son retour à Kidal, par la force s’il le faut ?

Le GATIA a l’habitude de faire des discours très forts, pour les actions c’est autre chose. Je ne sais pas pourquoi il se sent obligé de faire ce type de publicité sur ses attitudes guerrières. Il n’y a rien à tirer de ce genre de comportement devant la communauté internationale. Avec la Plateforme, il n’y a pas de problèmes. Harouna Toureh, le secrétaire général de la Plateforme, est venu chez nous à Kidal la semaine dernière. Le vieux Ahmed Ould Sidi Mohamed, le secrétaire général du MAA pro-gouvernemental, est venu aussi chez nous à Kidal. Il voulait même rejoindre la CMA. On lui a dit qu’il y a des groupes pour garantir l’Accord, qu’il faut qu’il reste dans la Plateforme, que l’on va les soutenir et qu’ils nous soutiendrons, donc nous serons ensemble. Il y a un seul élément côté Plateforme avec qui les choses ne vont pas, c’est le GATIA.

 Doit-on craindre un retour au conflit entre GATIA et CMA ?

On craint toujours une escalade avec le GATIA, car s’ils croisent nos combattants ils vont automatiquement ouvrir le feu. En ce qui nous concerne, tout affrontement avec le GATIA n’est pas à l’ordre du jour.

On entend souvent dire que certaines forces ne souhaitent pas que le processus de paix réussisse. Quelles sont ces forces selon vous ?

Je pense que le GATIA fait partie de ces forces-là, parce que le GATIA existe pour causer des problèmes. S’il n’y a pas de problèmes le GATIA n’existe pas. L’armée malienne a mis le GATIA à sa place, elle lui a donné procuration. Ils ont des moyens, des voitures, des munitions, tout pour combattre les mouvements de la CMA. Tous les groupes que l’on dit extrémistes ne sont pas pour l’application de l’Accord. Ils préfèrent que les problèmes continuent.

La conférence d’entente nationale devrait se tenir en mars prochain. Encore un chronogramme très serré ?

Nous avons dit à toutes les occasions que la conférence d’entente nationale a pour objectif la réconciliation. Comment voulez-vous qu’on réconcilie des gens alors que des dizaines de milliers sont dans les camps de réfugiés. Les réfugiés doivent rentrer chez eux d’abord, qu’ils s’approprient les TDR de cette conférence et ensuite on pourra l’organiser avec les parties à l’Accord.

Beaucoup dans le Nord ne sont pas convaincus du bien fondé des accords. On entend encore parler d’autodétermination, de « Non au Mali ». Pensez-vous qu’il sera aisé d’y faire appliquer les mesures de l’Accord ?

Je pense que c’est au gouvernement de faire la sensibilisation sur l’Accord, de le faire accepter à tout le monde et de l’appliquer dans le sens des mouvements qui ont signé cet accord. Si on l’applique de façon unilatérale, ça ne peut pas répondre aux besoins de la population. Il est sûr qu’il y a toujours des gens ne seront pas contents de cet accord. Il ne faut pas oublier que c’est la communauté internationale qui nous a forcé la main pour accepter cet accord. Mais maintenant qu’on l’a signé, il suffit simplement de l’appliquer et tout le monde sera obligé de l’accepter.

Vous êtes l’actuel président de la CMA. Concrètement quels seront les changements que vous apporterez sous votre leadership ?

À mon arrivée à la présidence, je voulais faire de l’application de l’Accord issu du processus d’Alger ma priorité pour le bien-être de tous. Je voulais aussi prendre des mesures fortes pour unifier les Azawadiens. J’ai fait un acte fort en sortant la CMA du CSA peu de temps après mon arrivée. On dit que je suis va-t-en-guerre, mais moi je ne veux pas faire la guerre. Nous sensibilisons le gouvernement malien et les autres parties sur notre volonté à faire avancer le processus de paix.

Il y a au sein du HCUA, des éléments qui ont encore des liens forts avec Ansar Dine. N’est-il pas nécessaire de faire le ménage pour s’engager pleinement dans la mise en œuvre de l’Accord ? Pouvez-vous clarifier une fois pour toutes les relations que vous entretenez avec ce mouvement et son chef ?

Nous avons déjà répondu à cela. Nous l’avons aussi fait lors de la passation de pouvoir entre Bilal Ag Achérif et moi. On s’est retiré de l’accord pour faire respecter nos engagements. Cet engagement est aussi valable entre nous et Ansar Dine parce que nous étions chez Ansar Dine avant d’être au MIA puis au HCUA. Nous avons déclaré devant tous que nous avons quitté Ansar Dine. Si on voulait retourner à Ansar Dine, personne ne pourrait nous empêcher de les rejoindre, parce qu’ils sont là. Ce sont leurs actions radicales qui nous ont fait nous écarter d’eux. Je n’ai plus de contact ni avec Ansar Dine, ni avec son chef Iyad Ag Ghaly.

 

 

 

 

Barkhane déjoue un projet d’attentat à Kidal

Une semaine après avoir découvert puis neutralisés trois engins explosifs improvisés (IED) composés d’obus de mortier reliés entre eux, sur un axe majeur à Kidal, mardi 14 février 2017, la force Barkhane, alertée par la population de l’imminence d’une attaque terroriste visant Kidal, a lancé une opération de sécurisation de zone au Nord-Est de la ville, en appui avec le comité sécuritaire des mouvements de l’Azawad de Kidal (CSMAK) .

Suite à cette opération, la trentaine de militaires de la force Barkhane dépêchées sur les lieux a neutralisé un plot logistique terroriste et 15 obus de mortier de 60mm équipés de 15 fusées (dispositifs de mise à feu).

Les tentatives d’attentats avec des IED semblent se mulitplier actuellement au Nord du Mali. La semaine dernière deux autres IED avaient été détruits au Nord de Gao par les FAMa et près d’Ansongo par la MINUSMA.

Kidal : Barkhane neutralise un engin explosif

Mercredi 8 février 2017, la force Barkhane, informée par la population, est intervenue sur l’un des axes majeurs de la ville de Kidal pour désamorcer un engin explosif improvisé (IED).

Hier mercredi 8 février, une patrouille de sécurisation de la force française a détecté dans le centre-ville de Kidal, sur un point de passage principal, la présence d’un engin explosif improvisé particulièrement dangereux, composé de plusieurs obus.

Un périmètre de sécurité a rapidement été établi pour éviter tout risque. Des spécialistes en déminage ont pu neutraliser l’engin explosif. Une fois démantelé et mis en sécurité, les différents éléments récupérés ont été transmis au laboratoire de recherche et d’exploitation de la force Barkhane pour y être analysés dans le but de récolter des indices afin d’identifier le fabriquant.

Les mines et les engins explosifs improvisés constituent la principale menace contre les forces internationales, au Mali, ils frappent de manière indiscriminée civils et militaires.

En septembre 2016, Barkhane était intervenu sur un camion civil qui avait explosé sur un engin explosif posé par les groupes armés terroristes. En janvier dernier, une moto a sauté sur un engin explosif en pleine ville de Kidal tuant ainsi 2 jeunes hommes.

Depuis 2016, les IED posés par les groupes terroristes, ont causé la mort de 15 soldats FAMa, de 24 soldats de la MINUSMA et de 4 soldats de Barkhane, et blessé près de 130 soldats.

Barkhane : « Nous allons chercher les terroristes là où ils sont »

Alors que s’est achevé, lundi 6 février, le sommet extraordinaire du G5 Sahel où les chefs d’État du Mali, Niger, Mauritanie, Tchad et Burkina Faso, ont convenu d’une mutualisation des efforts pour mieux sécuriser et gérer les zones de frontières et de la mise en place d’une force conjointe régionale, pour faire face à un ennemi commun, le terrorisme. Au Mali, la lutte contre cette menace ne faiblit pas. L’opération Filidjo à Gao ainsi que les opérations que la force Barkhane mène à Kidal et dans sa région, ont commencé à donner des résultats. Le Lieutenant-colonel Philippe de la force Barkhane est revenu, pour le Journal du Mali, sur les dernières opérations de la force française en coordination avec les forces maliennes et sur la création de ces forces, mixtes ou conjointes, qui devraient permettre peu à peu une reprise en main sécuritaire dans la région.

Les opérations menées à Gao dans le cadre de l’opération Filidjo et à Kidal, ont permis d’effectuer des arrestations et de saisir du matériel qui pourrait fournir de précieux renseignements. À Kidal, la maison de Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine, a été perquisitionnée le 28 janvier dernier, une première depuis 4 ans, pourquoi maintenant et qu’y avez-vous trouvé ?

Tout d’abord, il y a une limite dans ce que je peux vous répondre concernant cette question. Si je vous dis réellement pourquoi nous avons fouillé cette maison, je compromets la sécurité des opérations. Donc, de manière générale quand nous montons une opération, c’est que nous avons des renseignements qui nous laissent penser que l’opération qui va être menée va être rentable.

Qu’entendez-vous par « rentable » ?

C’est-à-dire que soit on va trouver quelque chose, le genre de chose que l’on cherche, ou alors, cette action va empêcher des groupes armés terroristes de se réimplanter de manière durable dans un endroit, parce que l’on va perturber leur réseau de soutien, leurs informateurs etc. En l’occurrence, on est plus dans cette logique-là en ce qui concerne l’opération à Kidal. En agissant dans cette maison, on a perturbé potentiellement son réseau, Nous avons trouvé dans cette maison des choses qui nous intéressent et que nous sommes en train d’exploiter.

Donc cette opération a été fructueuse ?

Tout à fait et ce qui nous fait aussi penser que cette opération a été fructueuse, ce sont les réactions que vous allez certainement évoquer dans votre prochaine question.

Justement, à Kidal ainsi qu’à Gao, certains se sont élevés contre des pratiques douteuses de la force lors de certaines perquisitions, notamment la saisie de bijoux ou d’argent, qui n’ont pas un réel intérêt dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, pourquoi ces saisies ?

Il faut savoir que nous avons des indicateurs qui nous laissent à penser que nos actions sont très bien perçues, que ce soit pour l’opération Filidjo à Gao ou à Kidal, nous sommes particulièrement soucieux de la perception que peut avoir la population de notre action. À Gao, il y a en effet une somme d’argent qui a été saisie à des fins d’enquête et tant que nous n’avons pas la certitude que cet argent est honnête ou malhonnête, en lien ou pas avec le terrorisme, l’argent est mis quelque part sous séquestre en attendant les résultats de l’enquête. Je vous parle de très fortes sommes qui parce qu’elles étaient importantes nous ont alerté. Concernant les bijoux, la fouille de la maison de la personne à laquelle vous avez fait référence a été effectuée par des équipes spécialisées comprenant des gendarmes. À l’issue de la fouille, il y a un compte-rendu qui est fait, un procès-verbal qui liste les ressources que l’on a saisies. Si après enquête, on s’aperçoit qu’il n’y a rien à en tirer, on les rend. Dans le procès-verbal de l’opération de Kidal, il n’est en aucun cas marqué qu’on a saisi des bijoux.

Donc ces accusations visaient à discréditer le travail de la force, selon vous ?

Ce que je comprends, c’est que parce qu’on dérange les réseaux des groupes armés terroristes, on nous accuse de tous les noms. On a rapidement entendu, ici ou là, qu’après l’opération de Kidal, on avait volé des bijoux et comme ça n’a pas marché, le lendemain ils ont fait dire que nous avions violenté une petite fille. Une photo de cette même jeune fille, souriante avec ses parents et des éléments de Barkhane a d’ailleurs totalement démenti ces accusations.

Le mois de janvier a été un mois particulièrement sanglant, avec l’attaque du camp MOC, ainsi que de nombreuses attaques au nord et au centre du Mali. Est-ce que l’action de la force Barkhane est plus difficile, plus complexe, dans le contexte actuel où les attaques terroristes semblent se multiplier ?

Tout dépend qu’elle est le prisme que l’on prend, si on s’intéresse au mois de janvier, avec le nombre de morts et ceux du MOC, c’est vrai que le bilan est peu positif. Cependant quand on regarde la situation qui prévalait lors de la crise malienne avec la descente des groupes armés terroristes vers Bamako, qui a pu être stoppé et la situation que l’on connaît aujourd’hui, il y a quand même une nette différence. L’État malien est revenu dans certaines de ces villes, notamment à Gao, à Tombouctou et globalement la situation a beaucoup progressé. L’ennemi réagit à nos opérations et aux opérations de l’armée malienne et trouve des failles qui nécessitent de nous adapter. C’est un peu l’histoire du glaive et du bouclier, c’est-à-dire que lorsque nous effectuons des actions qui nous mènent à de très bons résultats, une fois que l’ennemi a compris comment nous avons mené notre opération, ils se réadaptent, c’est comme cela qu’ils utilisent des IED (engins explosifs improvisés – NDLR -) qu’ils placent sous nos convois. Ce qui est sûr, c’est que Barkhane s’adapte en permanence, pour justement être imprévisible et continuer à les perturber.

Votre base provisoire dans la zone d’Abeibara, connue pour être un sanctuaire terroriste, à été démontée, est-ce à dire que votre travail contre le terrorisme dans cette zone a été un succès et ne craignez-vous pas que les djihadistes qui ont été chassés se reconstituent ailleurs comme au centre du Mali par exemple ?

Le PAT (Point d’Appui Temporaire) d’Abeibara servait à notre effort dans le cadre de l’opération Septentrion qui avait pour but de réduire durablement la présence terroriste dans cette région. Une opération ça se prépare, ça se conduit et ensuite il faut l’arrêter. Une fois que l’on a considéré que les résultats étaient obtenus, on a démonté le point d’appui, qui était une base temporaire de départ. Pour répondre à votre question, oui il y a une réarticulation de la force qui va se réorienter vers le centre du Mali, pour des raisons évidentes de sécurité, je ne peux, évidemment, vous dire où.

N’est-ce pas un peu le problème de la force Barkhane, d’évoluer dans un immense territoire avec un nombre insuffisant d’hommes pour mener à bien ces opérations de sécurisation ?

Barkhane ne peut pas être partout tout le temps avec 4000 hommes déployés sur 5 pays, ce n’est pas possible dans une zone grande comme l’Europe, on ne peut pas être partout. Par contre nous cherchons à être où l’on veut et quand on le veut, c’est important, notamment dans le dimensionnement de la force. Nous avons des avions, des hélicoptères etc. donc de manière assez fulgurante nous pouvons basculer, par exemple, de Gao à Kidal, de Kidal à Madama au Niger, etc. On est dans une zone où l’ennemi se joue des frontières où ils essaient de se trouver des planques, ils jouent à cache-cache en quelque sorte et nous nous allons les chercher là où ils sont, comme ils changent d’endroit, nous changeons aussi d’endroit. Ils ont besoin de financement, de soutien, ils ne vivent pas de manière évanescente, et nous cherchons à perturber durablement leurs réseaux.

En parlant de financement, il est clair que l’une des sources de financement du terrorisme dans la région est le trafic de drogue, certains mouvements armés sont notoirement connus pour participer à ses trafics. Pourquoi la force Barkhane n’agit-elle pas contre ces trafics qui représentent une manne financière pour les groupes terroristes ?

La mission de Barkhane n’est pas de lutter contre le trafic de drogue. La mission de Barkhane c’est de veiller à ce que ces réseaux terroristes ne se reforment pas, pour cela notre action est régulière pour éviter toutes résurgences et préparer le terrain pour les forces maliennes quand elles réinvestiront ces zones. Nous n’avons pas vocation à lutter contre le trafic de drogue parce qu’il y a d’autres missions qui sont chargées de le faire.

Cette mission est assurée par une autre force française ?

Non, je ne crois pas.

Après 3 ans d’opérations, la force Barkhane est-elle en train de s’enliser comme on peut l’entendre ici où là, notamment chez certains observateurs et dans les médias ?

Avant de vous répondre, j’aimerais faire une parenthèse. Il y a parfois des formules journalistiques qui sur le papier font bien mais qui en fait ne représentent pas tellement la réalité et ne sont pas ancrées dans le réel. Je constate, qu’il y a pas mal de commentateurs dont quelques-uns dans les salons parisiens qui présentent le verre à moitié vide et ils ont des arguments pour le faire que je ne remets pas en cause. Mais à la force Barkhane, nous voyons le verre à moitié plein et surtout nous voyons qu’il se remplit alors qu’il y a quelques années, il était totalement vide. Aujourd’hui, ce verre continu à se remplir à un rythme qui parfois devrait forcer l’admiration des commentateurs.

À quel niveau constatez-vous ces progressions qui viennent un peu contredire l’impression globale ?

Je prends un exemple, la défense européenne n’est jamais arrivée à un même niveau d’interopérabilité, de volonté de travailler en commun que les Africains dans cette zone-là aujourd’hui. Il y a 3 ans les armées de la sous-région s’ignoraient totalement et n’avaient pas vocation à travailler ensemble. Aujourd’hui on planifie des opérations ensemble. L’opération Garikou a été préparée en commun avec le Mali, le Niger et Barkhane. On a échangé du renseignement et on a opéré ensemble. Cette opération est exemplaire et a montré ce vers quoi il faut tendre. Je vois cette coopération d’une manière très positive. Ils travaillent aux coudes à coudes avec nous car ils ont compris qu’il y avait un ennemi commun et que cet ennemi se défie des frontières et même en joue. Aujourd’hui, il y a des pays de la sous-région qui ont accepté ce qu’on appelle le droit de poursuite, c’est à dire qu’une force armée a le droit de traverser une frontière pour poursuivre l’ennemi sur le territoire d’un état souverain, c’est conceptuellement quelque chose qui serait difficile à admettre en Europe. Ici, ils le font et au plus au niveau. En début de semaine à Bamako le sommet du G5 Sahel à développer ça et c’est formidable.

La mise en place de ces forces, tripartite pour la zone Liptako-Gourma et conjointe pour le G5 Sahel, sonne-t-elle un retrait progressif de la force Barkhane ?

Cette force conjointe est plutôt une très bonne nouvelle. Disons que c’est exactement le but à atteindre de ce que l’on poursuit. Barkhane n’a pas vocation à durer éternellement. À terme, dans l’idéal, il faudrait que Barkhane se retire et que cette force conjointe prenne le relais et que les Africains puissent s’approprier leur propre sécurité.

Opération « Filidjo », un coup de pied dans la fourmilière djihadiste

Une opération de sécurisation d’envergure menée à la fois à Gao et à Kidal est en cours, faisant suite à l’attaque du camp militaire du MOC à Gao qui a fait 77 morts et 120 blessés. L’opération nommée « Filidjo » (coup de filet ) a permis d’arrêter une dizaine de suspect qui serait lié à l’attaque de Gao. Son action bien que nécessaire est décriée par certains et a poussé la Plateforme a quitté les travaux de la 15e réunion du Comité de suivi de l’Accord (CSA).

L’opération Filidjo, lancée à Gao par les forces de sécurité maliennes en coordination avec la force Barkhane et la Minusma, afin d’appréhender les responsables de l’attaque de Gao, qui a fait 77 victimes, dont une majorité dans le rang des mouvements armés, a permis l’arrestation d’une dizaine de suspect. Parmi eux, Chérif Ould Ataher, Baba Ould Cheikh et Mohamed Ould Ahmed, narcotrafiquants notoires. De l’armement, du matériel informatique, des carnets et des téléphones portables ont également été saisi. Les premiers éléments des interrogatoires confirment que ces personnes auraient joué un rôle d’accueil ou de planification.

Les fouilles, en peine nuit, de maisons et des bureaux dans le Nord du Mali se poursuit. Ces opérations ont notamment eu lieu à Anéfis ou 8 hommes appartenant au Groupe d’Autodéfense Imghad Touareg et Alliés (GATIA) auraient été arrêtés dans le cadre de cette affaire, ils sont soupçonnés d’avoir pu fournir des renseignements aux assaillants. À Kidal, une vaste opération et de nombreuses perquisitions ont eu lieu, samedi 28 janvier. La maison du chef djihadiste Iyad Ag Ghaly a été perquisitionnée, une première depuis le déclenchement de l’opération Serval en janvier 2013, qui a repoussé les djihadistes des principales villes qu’ils occupaient au nord du Mali

Vers 2h du matin, il y a eu à Kidal des tirs de fusée éclairantes, puis les hélicos de Barkhane ont survolé la ville jusqu’en tout début de matinée. « Aux alentours de 6h du matin, de nombreux militaires français appuyés par quelques éléments des forces de la CMA ont commencé les perquisitions, il y avait des blindés qui entouraient la maison de Iyad Ag Ghaly, dont il n’est plus le propriétaire d’ailleurs puisqu’il y a quelques années un parent de Ibrahim Ag Bahanga (un chef rebelle touareg mort en 2011 – NDLR -), qui était maire adjoint de Kidal à la fin des années 2000, l’a racheté. Une cousine de Iyad Ag Ghaly, ex-femme de Ibrahim Ag Bahanga y habitait. Les militaires de Barkhane avaient des chiens avec eux, certainement pour trouver de la drogue ou des explosifs  », relate cet habitant joint au téléphone.

Des ordinateurs, des téléphones portables et des effets personnels ont été saisies par les forces françaises. Les maisons voisines de celle de Iyad Ag Ghaly ont aussi été perquisitionnées comme celle de Cheikh Ag Aoussa, le défunt chef militaire du HCUA.

Si ces opérations d’envergures sont plutôt jugées positivement par les habitants, certains déplorent des pratiques douteuses de la part de la force Barkhane. « Ce genre d’opération est une bonne chose si l’objectif est de réellement neutraliser les groupes djihadistes mais ça doit se faire dans le respect des règles. Durant l’opération à Kidal, Barkhane à aussi saisi des bijoux de valeurs et de l’argent, ces objets personnels n’ont pas d’utilité pour aider à traquer les djihadistes, alors pourquoi ? S’interroge Ibrahim Ag Eouegh, un membre de la CMA.

Ces opérations coup de poing de Barkhane se sont aussi invitées à la 15e session du Comité de suivi de l’Accord. La Plateforme, composée de mouvement pro-gouvernementaux a quitté les débats lors du premier jour de session, hier, lundi 30 janvier. Ils entendent protester contre « la persécution des arabes de Gao », pris pour cible quotidiennement par l’opération Filidjo de Barkhane. Ils conditionnent leur retour aux travaux du Comité, à une discussion sur ce point qu’ils estiment crucial. Pour l’instant, leur demande n’a pas été satisfaite et une seconde chaise vide vient s’ajouter à celle de la CMA, qui a quitté les négociations fin décembre dernier. La CMA, d’ailleurs, loin de protester contre les opérations françaises dans le Nord, travaille actuellement à des opérations à Kidal et dans sa région qui viseront à traquer ceux qui lancent des attaques aux obus ou place des explosifs improvisés sur les axes de circulation de la région.

GATIA – CMA, un retour au choc ?

Samedi 21 janvier, trois jours après l’attentat à la voiture piégée qui faisait 77 morts à Gao, dont la majorité parmi les groupes armés, une attaque contre un poste du GATIA près de Tinessako faisait 13 victimes. Cette attaque, imputée à la CMA, vient s’ajouter aux nombreuses violations des accords de cessez-le-feu et pourrait être le point de départ, si on n’y prend pas garde, d’un nouveau conflit entre les deux mouvements rivaux, qui pourrait faire basculer la région dans une nouvelle guerre fratricide.

Malgré les signes d’unité qui ont fait suite à l’attentat qui a fait 77 victimes à Gao, le conflit est la discorde, entre le GATIA et la CMA,  en pause relative depuis septembre dernier, semble ravivé. Samedi 21 janvier, vers 4h du matin, une colonne d’une dizaine de pick-up faisait route vers un poste tenu par le GATIA, situé à une quarantaine de kilomètre de Kidal à l’est d’Edjarer, sur l’axe Tinzawaten-Ménaka, dans le cercle de Tinessako. L’attaque a surpris les 14 combattants du Gatia qui ne se sentaient pas menacés. « Ils sont venus les canarder en pleine nuit alors qu’ils avaient relâché leur vigilance. Il y a eu 13 morts, un combattant du GATIA a pu en réchapper, il a fait une trentaine de kilomètre à pied pour alerter ses compagnons. Le GATIA a suivi les traces des assaillants, elles menaient à Kidal… », explique cette source proche des mouvements.

Le secrétaire général du GATIA, Fahad Ag Almahmoud a accusé la CMA d’être l’auteur de l’attaque et plus particulièrement un certain Bohaba Ag Hamzata qui serait membre de la coordination. Les responsables de la CMA ont rejeté ces accusations dans un communiqué publié le jour même et ont appelé la Minusma à diligenter une enquête afin de faire la lumière sur ce tragique événement. 24 h plus tard, sur les réseaux sociaux, le groupe djihadiste Ansar Dine revendiquait l’attaque.

Dans le dernier rapport du secrétaire général des Nations Unies sur le situation au Mali, il est fait état, depuis septembre 2016, dans la vallée d’Edjarer, d’exactions, perpétrées par des combattants de la Plateforme et visant les populations, les forçant à se déplacer sous peine de torture ou de mort. Le GATIA, par ces actes, s’est attiré les foudres d’Ansar Dine qui a déclaré la guerre au groupe d’Auto-défense à majorité Imghad.

Bonnet blanc, blanc bonnet Les accusations envers la CMA du secrétaire général du GATIA, ne s’avère pas totalement infondées, mais établir sa responsabilité semble plus complexe. « La mort de ces 13 combattants est dû à une frange du HCUA, des gens qui sont en connivence avec les islamistes. Ils appartiennent aussi à la CMA, ils sont sous l’autorité de son chef actuel, Alghabass Ag Intalla. C’est eux qui avaient perpétré l’attaque de Sehene, début octobre 2016, le jour de la mort de Cheickh Ag Aoussa. En réalité, Bohaba Ag Hamzata, qui est un parent d’Alghabass Ag Intalla est un narcotrafiquant notoire et un des hommes fort du HCUA, ce n’est pas totalement un électron libre, c’est un Ifoghas, un clan soudé, et Ansar Dine est à dominante Ifoghas », révèle cette même source qui côtoie les mouvements.

La katiba de Bohaba Ag Hamzata est une des rares qui ose s’aventurer or de Kidal depuis les affrontements entre Gatia et CMA, qui ont enflammé la région entre juin et septembre 2016. Selon nos informations, ce cadre militaire du HCUA aurait commis l’attaque avec l’aide de son ex-beau père, Malik Wanasnate, un ancien du Mouvement Islamique de l’Azawad (MIA) passé par le HCUA avant de le quitter en 2015 pour revenir à Ansar Dine. En 2012, il était un des commandants de Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du célèbre groupe djihadiste. « Il y a des éléments du HCUA qui sont liés aux djihadistes et qui navigue entre ces deux mouvements », explique cet ancien cadre du MNLA, « Il y a une facette de la CMA pour les médias, mais les gens qui vivent à Kidal savent bien qu’il y a des personnes non-officielles au sein du HCUA, qui sont des bras armés d’Ansar Dine, en même temps ils sont dans l’Accord mais ils font aussi ce qu’ils veulent. Ça maintient la terreur et leur pouvoir sur les autres », ajoute-t-il.

Depuis l’attaque, la tension est en hausse à Kidal. Les rumeurs parlent de représailles et les deux camps s’organisent. « Les armes lourdes sont montées sur les véhicules et la CMA renforcent ses positions. Tout le monde va être comptable de l’action de quelques-uns. Les gens ont peur que cette attaque remette tout à zéro. On craint un nouvel embargo et des affrontements. Après l’attaque, tous les chefs du GATIA qui étaient à la frontière algérienne ou en Libye, lieux de tous les trafics, sont revenus dans la région de Kidal, ils ne reculeront devant rien », explique cet habitant joint au téléphone. Pour cet ancien partisan du MNLA, « ces combats successifs pour la drogue, la rivalité entre Imghad et Ifoghass ou entre le GATIA et le HCUA, ne sont pas prêt de se terminer », affirme-t-il, « Le MNLA n’a pas apprécié cette attaque mais ils ne peuvent rien faire car ils sont dominés militairement et politiquement par le HCUA » et qu’on ne vienne pas lui parler de la Minusma ou de Barkhane « ils ne feront rien pour trouver les coupables, car ils ont toujours besoin de preuve alors qu’ils ne font même pas le déplacement » conclut-il.

Exécution des deux journalistes de RFI : “Envoyé Spécial” révèle un possible scandale d’Etat

Les deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, auraient été enlevés et assassinés par Al-Qaïda, en représailles au versement incomplet de la rançon pour la libération des otages d’Arlit. Scandale d’Etat en perspective si cette révélation explosive de l’émission de reportage “Envoyé Spécial”, diffusée ce soir, se vérifiait.

https://www.youtube.com/watch?v=jjtndRixRmo

Un an durant Envoyé spécial a enquêté sur une affaire d’Etat : la question des négociations qui ont rendu possible la libération des otages d’Arlit, enlevés au Niger en septembre 2010. Signée Geoffrey Livolsi, Michel Despratx, Antoine Husser, Loup Krikorian et Marielle Krouk, cette investigation aux révélations explosives, explore les liens qui existent avec une seconde affaire : l’enlèvement et l’assassinat de deux journalistes français de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, à Kidal, au Mali.Le point de départ, c’est l’enlèvement, le 16 septembre 2010, à Arlit, dans le Sahel, de six hommes et une femme travaillant sur le site minier d’Areva, par un commando d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Leur kidnapping a eu lieu en pleine nuit, après une fête entre collègues. Les ex-otages racontent qu’à 2h30 du matin, ils se sont fait sortir du lit « de manière assez violente » puis ont été embarqués « encore pieds nus » dans un véhicule. Direction le massif des Ifoghas au nord-est du Mali, une zone contrôlée par les Islamistes. Sur ces sept employés d’Areva, quatre hommes, Pierre Legrand, Marc Féret, Thierry Dol et Daniel Larribe, vont rester captifs durant trois ans. Lorsque ces quatre ressortissants français sont finalement libérés le 29 octobre 2013, la France se félicite d’avoir récupéré ses otages « vivants », et d’avoir maintenu « l’unité de la Nation ».Loin de ces satisfecit, Envoyé spécial, au terme d’une enquête extrêmement délicate, ponctuée de menaces sur son équipe et la rétractation de certains témoins-clés, révèle une autre histoire. Un récit très différent de la version officielle qui, s’il se vérifiait, constituerait un véritable scandale d’Etat qui éclabousserait la présidence de la République, le ministère de la Défense et la DGSE. Explications en quatre points.

Comment la France a mis en place deux équipes rivales de négociateurs pour obtenir la libération des otages

Très vite, l’identité des ravisseurs des Français est connue : il s’agit d’une équipe sous les ordres d’Abou Zeid, cofondateur d’AQMI. L’homme s’est spécialisé, depuis 2003, dans le rapt de touristes dans le Sud de l’Algérie. Avec lui naît le business juteux des otages.Le film explique bien comment deux équipes de négociateurs ont travaillé en parallèle. Soutenu par Areva et la DGSE, Jean-Marc Gadoullet, ex-agent secret, est le premier à être mandaté par la France pour aller négocier la libération des otages. Officiellement, c’est Areva qui paye, mais c’est l’Elysée qui supervise les opérations. Gadoullet finit par rencontrer Abou Zeid, qui est prêt à libérer les otages par paquets. Mais la négociation n’aboutit pas et Gadoullet est blessé par balles en novembre 2011 : il doit rentrer se faire soigner en France, mais assure qu’il continue à travailler.Un nouveau négociateur (concurrent) surgit en la personne de Pierre-Antoine Lorenzi. Lui aussi ex-agent de la DGSE et patron de la société de sécurité Amarante, il est introduit dans le jeu avec l’aval du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Plan A contre à plan B, DGSE contre ministère de la Défense… Envoyé spécial dépeint un fiasco, une guerre des négociateurs, de l’argent qui s’évapore, le refus de la France de payer une rallonge au nom des « frais d’opérations »…

Pendant ce temps, les otages vivent l’enfer : « des interrogatoires, des simulacres d’exécution, beaucoup de tirs de kalashnikov. La haine et l’atrocité de ces individus, c’était de la torture », résume l’un d’entre eux, Thierry Dol devant la caméra.Comment la France a fait traîner les négociations, laissant ses ressortissants en danger dix-huit mois supplémentaires

Pourquoi la France a-t-elle annulé une mission menée par le négociateur Jean-Marc Gadoullet en mai 2012 ? L’enquête rappelle les circonstances. Le 1er avril 2012, un accord signé par AQMI confirme que l’otage Marc Feret va être libéré contre le versement d’une rançon de 6,5 millions d’euros. L’homme se prépare à sa libération. Il raconte comment l’un de ses ravisseurs lui offre en souvenir un petit cadeau : une boîte d’ananas. De son côté, Gadoullet espère que cette première libération va permettre d’entrer en négociation pour les trois autres employés d’Areva et de Vinci. Arrivé à Niamey, au Niger, l’intermédiaire attend le feu vert de l’Etat français pour aller chercher l’otage. Mais rien ne va se passer comme prévu. Le 3 mai 2012, trois jours avant le second tour de l’élection présidentielle, Areva est informée que « l’opération est annulée ». Le général Benoît Puga, chef de l’état-major de Nicolas Sarkozy (il deviendra celui de François Hollande) a-t-il décidé seul, comme l’affirme le magazine de France 2, d’annuler la mission de libération ? A-t-il fait obstruction à la libération des otages ? Conséquence grave : Abou Zeid, chef des ravisseurs d’AQMI, n’aura plus confiance et Marc Feret et ses camarades resteront otages dix-huit mois de plus. Depuis sa libération, Marc Féret a porté plainte pour connaître la vérité et savoir « si des personnes ont, à un moment donné, pris la décision de mettre sa libération en suspens pour une raison X », explique-t-il aux journalistes d’Envoyé spécial.Comment “Envoyé spécial” démonte l’affirmation de François Hollande : “La France ne paye pas de rançon”

En arrivant au pouvoir, François Hollande impose une nouvelle doctrine : « La France ne verse pas de rançon pour libérer ses otages ».Contrairement à ce credo martelé régulièrement, l’enquête met au jour les sommes versées. La France aurait dépensé plusieurs dizaines de millions d’euros pour libérer ses otages. Trente millions d’euros, tirés des fonds secrets de la République, ont ainsi été versés pour obtenir libération de Pierre Legrand, Marc Féret Thierry Dol et Daniel Larribe le 29 octobre 2013 après 1139 jours de captivité.Au-delà de cette affaire, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les pays occidentaux auraient versé plus de 120 millions d’euros à AQMI de 2008 à 2013. A elle seule, la France aurait, durant cette période, versé 55 millions d’euros, se plaçant ainsi au premier rang des payeurs.Comment “Envoyé spécial” relie l’assassinat des deux journalistes français de RFI à la libération des otages d’Arlit

Ghislaine Dupont et Claude Verlon, journalistes à RFI, étaient venus couvrir les élections législatives au Mali. Mais, selon Envoyé spécial, les deux journalistes travaillaient discrètement sur un autre sujet, sans en avoir parlé à leur rédaction : le possible détournement d’argent des rançons des otages d’Arlit. Ghislaine Dupont et Claude Verlon sont enlevés et assassinés exactement trois jours après la libération des otages, dans une proximité de temps mais aussi de lieu (dans la même région de Kidal).« Quand on a commencé notre enquête (il y a un an), on n’avait pas du tout établi de lien entre les otages et les assassinats des journalistes de RFI », explique Geoffrey Livolsi, coauteur du reportage. « C’est au fur et à mesure qu’on l’a compris […] que des gens nous ont fait état de ce lien, nous ont dit de creuser… Quand quelqu’un comme Alain Juillet (ancien directeur au sein de la DGSE) s’exprime face caméra comme il le fait, cela nous a étonné qu’il s’aventure de lui-même sur ce sujet  », ajoute Livolsi.Témoignage après témoignage, il apparaît, dans cette affaire complexe, que l’intégralité de la somme versée par la France n’est pas allée aux ravisseurs. Des témoins-clés évoquent des détournements d’argent. AQMI parle d’« une facture non réglée ». Certains intermédiaires (chauffeurs, gardes du corps, types qui ouvraient les routes, sécurisaient les contacts, gardiens…) n’auraient pas été payés et se seraient sentis lésés. C’est par vengeance que l’organisation terroriste aurait exécuté les deux journalistes français le 2 novembre 2013.Jusqu’ici, seul le soupçon d’un lien entre les deux affaires existait (comme le confirment les proches de Ghislaine Dupont et Claude Verlon), mais n’avait jamais été établi. C’est désormais le cas.Enfin, dernier élément troublant (mais pas incriminant de façon formelle), révélé par Envoyé spécial : l’ordinateur personnel de Ghislaine Dupont qu’elle avait laissé à Paris, a été piraté une heure avant son enlèvement. Ses mails ont été copiés et vidés. Ultime détail troublant d’une enquête aux multiples rebondissements.

Mara devant la justice ?

La commission ad-hoc chargée d’enquêter sur la tragique visite de Moussa Mara à Kidal en 2014, a requis l’ouverture d’enquêtes judiciaires contre l’ancien premier ministre et le général Mahamane Touré, chef d’état major des armées à l’époque des faits.

La commission chargée de situer les responsabilités dans les tragiques évènements de Kidal qui avaient conduit à la mort de 50 militaires et à l’exécution sommaire de 6 administrateurs civils a rendu ses premières conclusions lors d’une séance plénière tenue mardi dernier. À la lecture des 68 pages que compose le rapport, il ressort que plusieurs personnes, hiérarchie militaire et diplomates ont prévenu Mara de la dangerosité de la visite et tenter de l’en dissuader. Selon le document, la MINUSMA a aussi informé le chef du gouvernement de la tenue d’un congrès du MNLA et du HCUA le jour même de sa visite. Malgré toutes les mises en garde, Mara a décidé de se rendre dans la zone. Déjà indexé à l’époque comme étant responsable, il s’en défendait

« Comment puis-je être responsable ? Je suis Premier ministre légitime de la République du Mali, comment puis-je être considéré comme responsable ? Il faut être sérieux et voir la situation en face. Je suis venu tranquillement, j’ai discuté et pendant que je discute, on attaque l’endroit où je me trouve. Et après on veut me traiter de responsable. Il faut qu’on soit sérieux. » Deux ans plus tard, le discours a pris une nouvelle tonalité. Le candidat déclaré à la mairie du District de Bamako se dit serein et à la disposition de la justice. « Il faut laisser le processus continuer tranquillement et que l’Assemblée prenne des décisions qui lui semblent appropriées et ensuite que le processus continue éventuellement sur le plan judiciaire. Tout ce qui se passe est tout à fait conforme à la démocratie et à nos textes. Donc laissons les choses évoluer » précise t-il. Avant d’ajouter « Nous qui sommes les responsables publics, si nous ne sommes pas prêts à faire face à la justice, je pense qu’on ne rendrait pas service à notre démocratie et à notre pays ».

Pour qu’une action en justice soit intentée à l’égard de Mara, l’Assemblée Nationale devra rédiger une résolution de mise en accusation, qui sera ensuite débattue lors d’une séance plénière. Si elle est adoptée, le dossier d’instruction sera ensuite remis à la Haute Cour de Justice.

 

Accord de paix : l’inclusivité de gré ou de force

Le MSA, la CPA et le CMFPR2, se sont fendus d’un communiqué, jeudi 15 décembre, qui acte d’une profonde fracture avec la CMA, au moment ou le Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et les patrouilles mixtes sont en plein préparatifs à Gao, où les FAMA et la Plateforme sont déjà prêt à participer.

Depuis octobre dernier et le décret de nomination des autorités intérimaires, rien ne va plus entre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les petits mouvements qui la composent, poussant le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), la Coalition des Peuples de l’Azawad (CPA) et la Coordination des mouvements, Forces Patriotiques de Résistance (CMFPR2) à entrer en dissidence et à bloquer la mise en œuvre de l’Accord de paix, car ils ne sont pas pris en compte dans les instances prévues dans l’Accord d’Alger.

Le communiqué conjoint résultat de la session extraordinaire, entre ces 3 mouvements, qui s’est déroulée, hier, jeudi 15 décembre, semble enfoncer le clou et être la preuve que les tractations engagées entre les différents mouvements sous médiation du gouvernement et de la communauté internationale, n’ont menée à rien. « Conscients du refus persistant de la CMA de Kidal d’imposer l’inclusivité à l’Accord par sa volonté irrecevable d’étendre son hégémonie à toutes les régions du Nord. Nous informons l’opinion nationale et internationale que nous opposons un refus catégorique à toute application exclusive de l’Accord, notamment en ce qui concerne les patrouilles mixtes, les autorités intérimaires et autres organes et/ou instances prévus aux termes de l’Accord d’Alger », indique le communiqué. Pour Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA, cette déclaration commune ne ferme pas la porte définitivement à la CMA : « La fracture n’est pas totale mais c’est un message pour la CMA, la médiation et le gouvernement, pour leur indiquer de faire les choses comme il faut », explique-t-il.

Néanmoins le communiqué ajoute que, « Tous les recours possible seront mis en œuvre y compris la force jusqu’à notre prise en compte intégrale ». Au sein de cette alliance de mouvement, ont reconnaît exercer une certaine forme de pression pour que les choses avancent. « La CMA est très divisée et doit régler ses problèmes et ses contradictions en interne avant toute chose. Elle prendra conscience que l’inclusivité est la porte de sortie, mais ça ne sera pas facile en réalité, parce que les acteurs sont trop opposés sur pas mal de sujets », poursuit le secrétaire général du MSA, dont le mouvement fait toujours partie de la CMA. « Il faut résoudre ce problème rapidement sinon ça va envenimer la situation et incontestablement perturber l’accord », prévient-il.

Alghabass Ag Intalla : «Le retour de l’administration malienne à Kidal ira crescendo »

Alors que les autorités intérimaires et le MOC ne sont toujours pas en place, que les tensions entre mouvements armés ressurgissent et que les attaques terroristes se sont notablement accentuées dans le Nord du Mali, le ministre de l’Énergie et de l’eau, Malick Alhousseini Maiga, foulait le sol de Kidal le 2 décembre dernier, un symbole et une première depuis mai 2014. Alghabass Ag Intalla, secrétaire général du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), qui a directement oeuvré à la venue de ce ministre de la République dans la capitale du Nord, a accepté de répondre aux questions du Journal du Mali sur ces sujets brûlants qui font l’actualité.

La question d’un retour de l’administration malienne est cruciale à Kidal, sous quelles conditions serait-il possible dans un avenir proche, selon vous ?

Le retour de l’administration malienne ira crescendo avec l’application des termes des Accords. La visite ministérielle du ministre de l’Énergie Malick Alhousseini Maiga en est une étape, prévue dans les mêmes accords.

Justement, la visite du ministre de l’Énergie à Kidal a été une réussite et un symbole fort. On dit que c’est vous qui avez piloté sa venue, est-ce exact ? Par ailleurs, le MNLA ne semblait pas, au début, sur la même ligne que vous pour cette visite. Quelles sont vos relations avec Bilal Ag Chérif, chef du MNLA. On les dit compliquées ?

Toute la CMA s’est impliquée dans la réussite de la visite ministérielle. Nous faisons partie de la CMA. Nos relations avec le Secrétaire général du MNLA ont toujours été très bonnes et nous convergeons ensemble vers la réalisation d’une paix juste et durable.

Suite à la désignation des autorités intérimaires, la CMA a connu des divisions et certains vous accusent d’en être à l’origine. Que répondez-vous à cela ?

Ses accusations n’ont aucun fondement. Nous sommes une composante de la CMA et je ne vois ni comment, ni pourquoi d’ailleurs j’agirais négativement pour infléchir une décision qui s’inscrit en droite ligne dans le processus des Accords d’Alger et profiterait aux ressortissants de l’Azawad.

Où en est-on actuellement dans la mise en œuvre de l’Accord ?

La mise en œuvre a accusé un retard considérable, toute chose qui avait émoussé un peu l’enthousiasme initiale des populations. L’impact des consultations et commissions diverses à Bamako n’est pas visible sur les terrains. Ce retard a été malheureusement exploité par des parties opposées au retour à la normalité qui se sont insérées dans les failles du système pour retarder d’avantage les échéances initialement prévues.
Cependant la 13ème session de la CSA a fait des recommandations que nous estimons être assez significatives dans la mise en œuvre des Accords. Nous tiendrons les engagements que nous avions pris dans ce sens.

Comment expliquez-vous le retard, les avancées et reculades dans la
mise en œuvre de l’Accord ?

Beaucoup de paramètres concourent à cette situation. L’opposition interne aux Accords, leur opérationnalisation légale, la mise à niveau des institutions de l’État par rapport à leur contenu, la mise en place des mesures de confiance, inertie administrative, déficit de moyens financiers et matériels adossé à une mauvaise volonté due essentiellement à une lecture biaisée des Accords. A cela, s’ajoutent les agendas cachés de certaines forces qui ont du mal à s’inscrire dans la normalité.

Le CSA a mis un groupe de travail en place à l’issue de sa 13ème session pour garantir le succès de ce groupe. Il est demandé aux groupes armés d’être représentés au plus haut niveau. Êtes-vous prêts à participer à ce groupe de travail ?

Nous participons déjà à ce groupe de travail et sommes prêts à apporter notre contribution au sein de tous les mécanismes susceptibles de faire avancer le processus pour lequel nous nous sommes engagés.

Les tensions semblent être ravivées entre le Gatia et la CMA, surtout depuis l’attaque d’un convoi du Gatia par Ansar Dine et dit-on, par des combattants du HCUA, en novembre dernier. Se dirige-t-on vers un nouveau conflit armé entre mouvements ?

Les évènements de Tinzaouatène en novembre dernier ne concernent pas la CMA malgré tous les sous-entendus diffusés à dessein par le Gatia. Nous ne souhaitons pas nous engager dans des querelles intestines qui ne font que déchirer encore plus le tissu social. Néanmoins, nous sommes prêts à toutes éventualités espérant qu’aucune nouvelle escalade ne vienne perturber le processus de paix engagé.

Au niveau sécuritaire on observe une intensification des attaques terroristes visant les FAMA et les forces étrangères. Que peut faire le HCUA à son niveau contre la recrudescence de ces attaques ?

Le HCUA comme l’ensemble de la CMA est aussi victime de cette recrudescence. Á ce sujet, la CMA ne peut rien faire en dehors des mécanismes prévus par les Accords. Il faut noter qu’une autre forme de terrorisme règne et est matérialisée par les attaques, les violations des droits humains, les terreurs faites sur les populations civiles imputables aux milices armées des groupes dits d’autodéfense.

Certains avancent qu’il faudrait faire entrer Iyad Ag Ghaly à la table des négociations, quel est votre avis là-dessus ?

Si ceux qui le disent pensent que cela peut ramener la paix, la cohésion sociale, la concorde souhaitée pour lesquelles nous avions signé des accords, je ne peux que m’en réjouir.

 

Le ministre de l’Énergie et de l’eau à Kidal

Le ministre malien de l’Énergie et de l’eau, Alhousseini Maiga, est enfin arrivé à Kidal vendredi 2 décembre en fin de matinée. Cette visite de travail initialement prévue le mercredi 30 octobre avait dû être repoussée pour raisons sécuritaires. Le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) qui organisait la visite et souhaitait la venue du ministre à Kidal n’avait pas cru bon de se concerter avec l’autre mouvement majeur de la CMA , le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), générant un refus de ce dernier, qui a organisé des manifestations de femmes et de jeunes, jeudi 1 décembre, pour protester contre la venue du ministre, contraignant ce dernier à rester à Gao.

Après des tractations, les choses ont pu rentrer dans l’ordre et le ministre accompagné de Koina Ag Ahmadou, le gouverneur de Kidal, très proche du HCUA, ont pu obtenir leur ‘‘Laisser-passer‘’ et atterir à Kidal. Ils ont été accueillis par le secrétaire général du HCUA, Alghabass Ag Intalla, son frère le député Mohammed Ag Intalla, des membres de la CMA et de la MINUSMA.

L’objectif de cette mission, sous haute sécurité, était de se rendre compte sur place de l’état des infrastructures en matière d‘adduction d’eau et de fourniture de l’énergie électrique. Une délegation technique avait précédé le ministre pour évaluer les besoins de ces infrastructures. Des visites ont été effectuées sur les sites d’approvisionnement en eau et électricité de la ville.

Ce déplacement est fortement symbolique, car un ministre de la République n’avait plus foulé le sol de Kidal depuis mai 2014, et le gouverneur de Kidal n’y revenait que pour le deuxième fois.

Néanmoins les populations sur place n’ont pas semblé être impactées par la force de ce symbole avant tout politique.  « Les gens à Kidal ne s’intéresse même pas à cette visite, conflits et reculades les ont rendus fatalistes, même les combattants ne se sentent pas concernés, ils ne cherchent qu’à ce que l’accord soit mis en œuvre pour qu’ils soient réintégrés dans l’armée  », conclut cette source proche des mouvements.

Iyad Ag Ghaly – Mahmoud Dicko : « Un arrêt des attaques, oui, mais concernant les forces armées du Mali ».

On apprenait dimanche que Iyad Ag Ghaly, l’éminence grise du groupe djihadiste Ansar Dine, qui sévit dans le nord du Mali, avait signé un accord de cessez-le-feu sur tout le territoire avec Mahmoud Dicko, président du Haut-Conseil islamique (HCI) du Mali. Pourtant ce même dimanche en début de soirée, le camp de la Minusma à Kidal était la cible de plusieurs tirs de roquettes, mode opératoire caractéristique d’Ansar Dine, pour qui les forces étrangères sont l’ennemi à abattre. Selon nos informations, cette attaque ne trahirait pas l’accord de cessez-le-feu signé avec le président du HCI.

Ce sont plusieurs tirs de mortier qui ont visé le camp de la Minusma à Kidal, dimanche soir dernier, n’occasionnant aucune victimes mais causant des dégâts matériels dont l’ampleur réel reste encore difficile à établir. « ll y eu plusieurs déflagrations et un grande fumée noire qui sortait du camp. Les hélicos de la Minusma qui transportent les troupes, les officiels ou les gens des mouvements armés, entre Gao et Kidal, ont été touchés par les éclats d’obus, deux notamment, mais les dégâts ne seraient pas importants », explique ce résident du quartier Aliou à Kidal joint au téléphone.

Bien que cette attaque n’est pas été revendiquée, la plupart des attaques visant le camp de la Minusma le sont par Ansar Dine, dirigé par l’ex-chef rebelle Iyad ag-Ghaly, qui voue aux ‘‘mécréants’’ (les forces étrangères) une guerre sans merci.

Le camp de la Minusma a été frappé au moment ou le président du Haut Conseil islamique (HCI), Mahmoud Dicko, confirmait aux médias qu’il avait, après des mois de négociation, signé une lettre avec Iyad Ag Ghaly, dans laquelle ce dernier s’engage à accepter un cessez-le-feu « sur toute l’étendue du territoire». Cette nouvelle à surpris à Kidal où la plupart des gens s’attendaient à une intensification des attaques djihadiste après la mort de Cheikh Ag Aoussa. Le document dont «l’authenticité ne fait pas de doute », selon le porte-parole du HCI, a été annoncé comme un tournant dans la crise du Nord-Mali par certains médias, mais l’attaque du camp de la Minusma vient remettre cela en question.

Selon une source bien informée de la région, Iyad Ag Ghaly n’aurait en rien rompu cet accord de cessez-le-feu. « Le document écrit en arabe, a été mal traduit ou interprété, ce sont les forces maliennes qui sont épargnées et ne seront pas visées par Ansar Dine sur tout le territoire et non les forces étrangères comme la Minusma ou Barkhane, donc un arrêt des attaques, oui, mais concernant les forces armées du Mali. Elles ne sont quasiment pas présentent dans le Nord d’ailleurs, à part à Tessalit ou elles restent cantonnées . L’attaque d’hier soir était aussi là pour mettre l’accent sur ça. », révèle cette source.

Malgré la pression que Barkhane exerce sur les groupes djihadistes notamment à Abeibara , depuis l’installation dans la zone d’une base française provisoire, Ansar Dine ne semble pas avoir relâché son emprise sur le Nord. L’attaque du camp de la Minusma aurait été possible, d’après certains, par le relâchement notable du blocus exercé par la GATIA qui encerclait Kidal où la CMA restait cantonée.

Selon nos informations des cadres du mouvement et Iyad Ag Ghaly lui-même aurait éte aperçu plus au nord, dans la zone de Tinzawatène. une ville située à la frontière algérienne, stratégique pour le chef djihadiste car il peut ainsi franchir la frontière algérienne sans être inquiété. Dans cette zone, les populations rapportent croiser de nombreux combattants armés et à moto.

L’emprise du mouvement Ansar Dine s’étendrait même jusqu’à Ménaka et serait renforcée par une collaboration d’opportunité avec le MUJAO, soupçonné d’être derrière les attaques du camp de réfugiés de Tazalit et de la prison de haute-sécurité de Koukoutalé au Niger.

Kidal : des classes ouvertes mais sans professeurs

Lundi 17 octobre, la cérémonie d’ouverture des écoles à eu lieu à Kidal, dernier bastion de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), en présence du gouverneur de Kidal. Fait notable, lors de cette cérémonie, le drapeau national à orné les murs des classes. Si cette rentrée est à saluer, sur le terrain, la situation sécuritaire dans la zone ne favorise pas l’envoi d’enseignants.

C’est ce lundi 17 octobre que le gouverneur de Kidal, Koïna Ag Ahmadou, a présidé la cérémonie d’ouverture de la rentrée scolaire 2016-2017 à Kidal dans une classe dont les murs étaient ornés du drapeau national. « je suis actuellement à Kidal, ce qui est également un symbole assez fort […] C’est un bon signe pour tout le Mali », a déclaré Mr Ag Amadou, qui réside, pour sa propre sécurité, à Gao depuis sa nomination en mars dernier.

L’ouverture des classes à Kidal est le premier pas vers un retour de l’État malien qui n’était plus dans la ville depuis mai 2014, quand la visite du Premier ministre de l’époque Moussa Mara, avait basculé en affrontement entre l’armée malienne et les rebelles.

Aujourd’hui, si les classes rouvrent à Kidal, la donne sécuritaire dans la zone démotive les enseignants à venir travailler dans ce fief de la CMA. Le ministère de l’Éducation à d’ailleurs précisé n’envoyer personne de Bamako, pour cette cérémonie d’ouverture, car « le contexte ne s’y prête pas ». « Il ne sert à rien de rouvrir des écoles sans enseignants ! Ils n’iront de toute façon pas à Kidal tant que la sécurité n’y sera pas garantie, donc un quart du travail a été fait. On ouvre les écoles sans enseignants et sans les collectivités territoriales, celles qui sont chargées de la gestion des écoles », résume un élu local.

Le conflit entre le Groupe d’autodéfense Imghad et alliés (GATIA) et la CMA, qui a éclaté au cours de l’été et l’hostilité de certains mouvements de la coordination vis à vis des forces étrangères et de L’État malien, n’arrange pas la situation. Dimanche dernier, à la veille de la cérémonie d’ouverture des classes, des femmes et des enfants ont manifesté contre le Mali et les ‘‘les mécréants’’ que sont Barkhane et la Minusma, beaucoup brandissaient le portrait de leur défunt leader, Cheikh Ag Aoussa, mort le 8 octobre dernier dans l’explosion de son véhicule. « On demande au gouverneur du Mali de venir ouvrir les écoles, mais la veille on manifeste contre le Mali, on veut une chose et son contraire, c’est impossible! », ajoute ce même élu.

Selon lui, ces changements intempestifs de position s’expliqueraient par le fait que la CMA est acculée, « elle est dans ses derniers retranchements, donc elle joue la carte de l’apaisement pour tenter de conserver les privilèges qu’elle a acquis en conservant la gestion de la ville de Kidal », affirme-t-il. En tout cas, ces avancées et ces reculades, sur le chemin sinueux du processus de paix, et malgré la volonté des responsables scolaires de rouvrir progressivement les établissements scolaires à Kidal, rendent pour le moment cette entreprise, bien qu’effective, quelque peu incertaine.

Un potentiel successeur à Cheikh Ag Aoussa

6 jours après la mort de Cheick Ag Aoussa, l’enquête qui devra faire la lumière sur les circonstances de sa mort s’annonce difficile. À Kidal, la colère est un peu retombée, beaucoup se sont résignés et une minorité appelle à la vengeance. La ville et les mouvements sont toujours pressurisés par l’étau qu’exerce le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), tandis qu’au Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) un potentiel successeur est en passe d’être désigné.

Alors que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) soutient que la mort de Cheikh Ag Aoussa est un assassinat et que sa voiture a été piégée dans l’enceinte du camp de la Minusma, Radia Achouri, porte-parole de la force onusienne, a appelé à éviter « les spéculations hasardeuses ». Elle a confirmé que la Minusma a engagé une enquête interne sur le déroulement de la réunion à laquelle participait le chef militaire du HCUA, avant de décéder dans l’explosion de son véhicule. Elle a aussi rappelé que la force onusienne n’avait pas d’autorité judiciaire pour enquêter et que la Minusma se tenait à la disposition des autorités compétentes du pays. « Toutes les preuves sur la scène de l’explosion ont été dispersées, les gens ont tout pris, et la Minusma n’est venu sur la zone que le lendemain de sa mort, vers 9h du matin. Il n’y a plus rien pour vraiment commencer une enquête, rien sur quoi travailler », révèle cette source.

Peu confiant dans l’issue de l’enquête, la CMA dit vouloir porter plainte devant la communauté internationale pour le meurtre de son leader. À Kidal, les gens ce sont résignés, d’autres appellent à combattre Barkhane et la Minusma. « Il faut s’attendre prochainement à une vidéo des djihadistes, qui vont utiliser ça pour essayer d’attirer des combattants, parce que beaucoup d’entre eux au sein de la CMA y étaient pour Cheikh Ag Aoussa. Il reste maintenant Alghabass Ag Intalla, mais il a moins de potentiel que Cheikh, il est moins stratégique », explique cette même source.

Un nouveau faucon Un potentiel successeur serait en passe d’être désigné, Chafighi Ag Bouhada, un chef du HCUA, de la tribu Iradjanatène, ancien adjudant-chef de l’armée, qui a été un lieutenant du général Gamou, qu’il a suivi au Niger. Quand il en est revenu avec ses hommes, Ansar Dine les ont récupéré et il leur est resté fidèle jusqu’à présent. « C’est un grand combattant, il a participé à la dernière bataille entre la CMA et la Plateforme à Edjarer, et ça été un de ceux qui ont quitté le champ de bataille en dernier », explique ce sympathisant de la CMA.

Pression et accélération Dans la région, le GATIA domine toujours le terrain, autour de Kidal, dans les principales villes, et dernièrement à Tin-Essako, village natal d’Alghabass Ag Intalla. « C’est le fief des Ifoghass, il y a avait des Imghad mais ils ont été chassés en 1994. C’est un endroit où il n’était même pas envisageable de voir une unité du GATIA, même le gouvernement n’y est plus depuis les années 90, le député de Tin-Essako n’y va même pas. Donc si le GATIA est là-bas, c’est que c’est vraiment la totale ! », affirme cet habitant joint au téléphone.

La CMA ne contrôle à présent que Kidal et Tessalit, d’où des renforts pourraient venir. « À Tessalit, un échelon de la CMA dirigé par Chafighi Ag Bouhada a été rejoint par des Idnanes et puis récemment par une colonne d’une dizaine de voitures. Il paraît qu’il y avait dans cette colonne des gens qui ont participé à l’attaque de Tazalit au Niger. Cet échelon pourrait gagner Kidal pour renforcer la CMA, par la route de Tin-Essako, car le GATIA qui encercle la ville ne peut pas contrôler la zone à 100% », détaille cette source proche des mouvements.

Pour l’heure, les différentes parties semblent soucieuses de s’inscrire dans la continuité de la mise en œuvre de l’Accord de paix. Chaque mouvement a remis, jeudi dernier, la liste de leurs représentants pour les autorités intérimaires. La CMA a annoncé dans un communiqué, le 12 octobre, la réouverture des écoles à Kidal, conformément à l’Accord de paix. « Ces changements rapides révèlent que les choses sont concentrées dans les mains de quelques personnes, des gens comme Cheikh Ag Aoussa à présent décédé et Alghabass Ag Intalla. Dès qu’il y a un événement tragique, ça peut diamétralement changer la donne », analyse cet employé d’une ONG locale, qui dit apprécier ce revirement mais qui reste attentif à la suite des événements.

Kidal : 19 écoles devraient rouvrir à partir du 15 octobre

Un communiqué diffusé par la CMA, le 12 octobre dernier, informe l’opinion nationale et internationale de la réouverture des écoles à Kidal, fermées depuis la crise de 2012. Cette décision de la CMA, qui se veut une preuve de la volonté des mouvements à faciliter le retour de l’administration malienne à Kidal, conformément à l’Accord de paix issu du processus d’Alger, a été le fruit de longues négociations et le résultat des pressions que subit actuellement la coordination.

C’est dans un communiqué en date du 12 octobre que la CMA a annoncé le lancement officiel de la cérémonie d’ouverture des classes à Kidal, ce samedi 15 octobre. Cette réouverture concernerait 19 écoles de la primaire au collège. Pour le lycée de la ville, qui doit-être réhabilité, car il avait été occupé successivement depuis 2012 par les djihadistes et le MNLA, une réouverture n’est pour le moment pas prévue, l’établissement endommagé ayant besoin de tableaux, fenêtres, tables, bancs pour constituer des classes.

Actuellement au Gouvernorat de Gao, le Gouverneur de Kidal et le directeur de l’académie de l’enseignement de Gao, planchent sur cette rentrée ainsi que sur le moyen d’acheminer des fournitures à destinations des élèves.

Cette rentrée des classes à Kidal, dont la plupart des établissements scolaires sont restés fermés depuis la crise de 2012, est le fait de longues négociations entre l’État malien, les partenaires internationaux et les ONG. Ces dernières avaient aidé à ouvrir l’année dernière, les écoles à Aghel’hok et Tessalit. La pression exercée actuellement par le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) dans la région de Kidal et sur sa ville emblématique, où la CMA est confinée, ne serait aussi pas étrangère à ce revirement de situation. « La CMA essaie de montrer qu’elle est disposée à mettre en œuvre l’Accord, ça va passer par l’ouverture des classes et ensuite l’installation des autorités intérimaires, entres autres, c’est la conséquence de cette pression », explique cette source proche du GATIA.

En effet, l’année dernière à la même époque, la situation de la CMA était tout autre car les mouvements de la coordination pouvaient aller et venir sans contrainte. « Ils étaient à Anéfis, ils étaient à Aghel’hok, Tessalit, même à Ménaka. Maintenant ils sont cantonnés à Kidal et Tessalit, sans pouvoir sortir, ils veulent montrer leur bonne foi à la communauté internationale. Ces derniers jours les choses avancent, mais je ne sais pas si ce rythme va se maintenir », explique cet habitant joint au téléphone.

Après la mort d’un des chefs emblématique de l’ex-rébellion, Cheikh Ag Aoussa, un changement est perceptible et les choses semblent progresser. Pour preuve, la manifestation anti-Minusma et anti-Barkhane prévue, mercredi dernier, a été annulée, pour des raisons de sécurité mais aussi pour ne pas ajouter de fausses notes dans cette nouvelle volonté affichée, avec cette cérémonie d’ouverture des classes, de participer pleinement à la mise en œuvre du processus de paix.

Cheikh Ag Aoussa, derrière l’attaque de Sehen ?

Samedi 8 octobre, des combattants armés ont attaqué le village pro-GATIA de Sehen, situé dans la toute nouvelle région de Ménaka et majoritairement habité par des civils. Deux personnes ont été tuées et une dizaine de personnes ont été pris en otage. En représailles, le GATIA a lancé une contre-attaque sur le village de Tin-Essako, fief des Ifoghas, prenant aussi des otages. Cette attaque pourrait être le dernier acte fomenté par Cheikh Ag Aoussa avant sa mort.

L’insécurité va crescendo dans le Nord. Après plusieurs attaques enregistrées la semaine dernière contre des positions de la MINUSMA, le conflit CMA-GATIA se poursuit. Samedi 8 octobre au matin, un échelon du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) composé de 12 véhicules a quitté Kidal pour Sehen, un village pro-GATIA situé dans dans la région de Ménaka. Les ex-rebelles ont brûlé 7 motos, saisi deux véhicules, et emmené 17 otages. Deux mort étaient a déplorer suite de cette attaque.

Le Gatia alerté, a rapidement dépêché des renforts sur les lieux, mais quand ils sont arrivés le HCUA était déjà parti. Selon nos informations, Cheikh Ag Aoussa était à la manœuvre pour cette attaque survenue avant son décès. « Il est sorti de Kidal dans la matinée avec ce convoi de 12 véhicules, le 13ème étant le sien, il a donné les instructions avant de repartir en ville », explique cette source proche du GATIA, « un de nos chef l’a appelé et a enregistré la conversation. Il lui a demandé pourquoi le HCUA attaquait un lieu ou il n’y a que des populations civiles. Ag Aoussa a répondu qu’il n’était pas au courant, qu’il n’a jamais autorisé ses hommes à faire du mal à des civils, mais il a quand même reconnu que ce sont ses hommes qui sont partis là-bas et il s’est dégagé de toutes responsabilités », ajoute cette même source.

En représailles, Le GATIA a lancé une contre-attaque sur le village de Tin-Essako, où ils ont pris 4 véhicules et fait une dizaine d’otages, dont une majorité de civils Ifoghas. Les deux mouvements ont convenu de se rencontrer pour échanger leurs otages. Selon nos informations, cet échange aurait eu lieu, hier mardi 11 octobre, mais 4 otages pris par le HCUA était manquant lors de l’échange, on ne sait pas à l’heure actuelle s’ils sont vivants ou morts.

Une rentrée scolaire à Kidal ?

Alors que la rentrée scolaire au eu lieu lundi dernier pour la majorité des académies au Mali, après quatre ans de conflit, au nord du pays, l’insécurité demeure et les établissement scolaires restent fermés privant d’études nombres d’élèves. Pourtant à Anéfis voir à Kidal les choses pourraient changer.

Dans le Nord du mali, sur le terrain, notamment à Anéfis, on œuvre déjà à la réouverture des écoles pour la rentrée 2016. Les deux établissements de la ville sous la direction de l’académie de Gao devraient rouvrir leurs portes dans la quinzaine qui vient et le programme scolaire national y être dispensé. « Nous allons rouvrir les établissements normalement la semaine prochaine, nous préparons la rentrée », explique Babba Ould Sidi El Moctar, le maire d’Anéfis. « Pour l’instant cette réouverture ne concerne que les deux établissement d’Anéfis, nous sommes plus confiants cette année car la Plateforme pourra assurer la sécurité qui faisait défaut l’année dernière. En réalité, c’est les enseignants qui craignaient pour leur sécurité, ce qui faisait que les classes restaient closes, les choses devraient changer », ajoute l’élu local.

Du côté de Kidal, Le gouverneur de la ville basé à Gao ainsi que le directeur de l’académie de l’enseignement de Gao, ont tenté lundi 3 septembre dernier, de gagner Kidal pour la rentrée scolaire, ils ont été contraint d’annuler leur déplacement pour des raisons sécuritaires. Cependant, un nouveau départ pour la ‘‘ville bastion’’ est prévu et on assure même qu’une rentrée scolaire serait programmée pour le 15 octobre prochain, en fonction de la donne sécuritaire.

Une commission d’éducation locale de la ville de Kidal, a travaillé ces deniers mois à des rapprochements avec l’État et des partenaires comme l’Unicef, pour donner, pendant les vacances d’été, des cours de rattrapage aux élèves du primaire déscolarisés.

Ces deux rentrées, si elle sont menées à terme, devraient permettre de réinsérer dans le programme scolaire national nombre d’élèves trop longtemps déscolarisés.

Fête de l’indépendance anti-Mali à Kidal

Une fois de plus, les mouvements armés, du moins certains d’entre eux,  à Kidal,  font parler d’eux. Au vu des manifestations qui ont eu lieu dans la ville de Kidal, le 22 septembre dernier, date l’anniversaire de l’indépendance du Mali, au cours desquels, le drapeau du mali a été brûlé. Des actes suffisamment graves qui relance le débat sur la volonté des groupes armés à réellement œuvrer pour le retour de la paix.

La date anniversaire de l’accession de notre pays  à la souveraineté internationale n’a pas été célébrée à Kidal comme partout sur le territoire national. La population a plutôt marché pour montrer son mécontentement dans le retard acquis dans la mise en oeuvre de l’Accord pour la  paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger.  Au cours cette marche qui a mobilisé une majorité de femmes et d’enfants, certains actes posés avaient de quoi heurter l’opinion publique malienne. Le drapeau national a été brûlé devant une foule rassemblée scandant des slogans anti-Mali ou des « Allahou Akbar », ou des messages du genre « rendez-nous notre pays ».

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Pour nombre de Maliens, les groupes armés  présents à Kidal font de la surenchère pour se faire entendre à chaque fois que l’occasion se présente  « C’est devenue une habitude, les chefs du HCUA, chaque fois qu’ils sont acculés ont recours aux femmes et aux enfants pour se faire entendre. C’est eux qui avaient poussés les femmes et les enfants à s’attaquer à l’aéroport de Kidal au mois de juin passé, occasionnant des pertes en vie humaines », indique une source locale. Sans confirmer, ni infirmer, ces propos, un responsable de CMA souligne que la dynamique de paix établie depuis la signature de l’Accord est aujourd’hui menacée par le comportement belliqueux  du gouvernement malien et de la communauté internationale dans la gestion de la crise de Kidal. « C’est la réaction d’une population poussée au désespoir. On se sent abandonner par tout le monde y compris l’Etat et la communauté internationale. Aujourd’hui, la population civile est martyrisée par les milices de l’Etat, sans qu’on lève le petit doigt pour dire ça suffit », explique-t-il.  De  nombreux  d’observateurs politiques, rejoignent l’avis des responsables de la CMA:  les manifestations organisées dans la ville de Kidal, le jour de la fête de l’indépendance, ne sont pas une réelle volonté politique de saborder le processus de paix, mais plutôt un moyen de pression sur l’Etat pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord, avec la mise en place des autorités intérimaires et  l’opérationalisation du mécanisme opérationnel de coordination (MOC). « C’est dans  l’air  du temps, je pense sincèrement que les manifestations et propos hostiles ne signifient pas que les mouvements se retirent de l’Accord, au contraire, c’est un moyen pour eux  de faire pression sur  l’Etat et ses partenaires  pour sa mise en œuvre », conclut un élu local.

Suprématie de la Plateforme dans la guerre ethnique au Nord-Mali

Depuis vendredi dernier 16 septembre, les combats ont repris entre la CMA et la Plateforme, notamment à Intachdayte, la plus importante base du MNLA. Après ces affrontements qui ont fait une dizaine de mort, des dégâts matériels et permis aux hommes de Gamou d’acquérir un impressionnant arsenal du MNLA, la Plateforme a lancé d’autres actions militaires, qui lui ont permis de contrôler presque toute la région à part Kidal, où la CMA, affaiblit, reste acculée.

 La ville d’Intachdayte, à majorité Idnane, entièrement sous les ordres de Mohamed Ag Najim, le chef militaire du MNLA, a été attaquée et conquise vendredi 16 septembre, par une colonne composée d’une quarantaine de véhicules de la Plateforme. Une grande partie de l’armement stocké par le MNLA et rapporté de Libye s’y trouvait et a été saisi par la Plateforme puis transporté à Anéfis. Intachdayte est tombée parce que les forces de la CMA n’y était pas en nombre. L’encerclement de la ville de Kidal par la Plateforme a mobilisé beaucoup de leurs troupes et laissé cette base isolée, permettant aux hommes de Gamou d’attaquer. « La Plateforme avance que deux des leurs ont été capturés par un groupe armé qu’ils soupçonnaient fortement d’être des Idnanes d’Intachdayte, c’est pour cela qu’ils auraient pris la ville, mais la réalité c’est qu’ils l’ont attaqué pour s’accaparer les armes, affaiblir la CMA, renforcer l’encerclement de Kidal et son isolement », explique cet employé d’une ONG local.

Depuis la courte trève initiée par les différentes parties quelques jours avant la fête de Tabaski, il n’y a pas eu de cesser le feu, dans le climat de tension qui prévaut dans la région depuis l’interdiction faites à la Plateforme, par les forces internationales, d’entrer dans la ville de Kidal alors que les forces de la CMA peuvent en sortir.

Samedi 17 septembre, la Plateforme a annexé Inkhalil, puis Ikadawatène ou la CMA a fui sans combattre. Actuellement le mouvement du général Gamou contrôle presque toute la région, à part la ville de Kidal tenue par la CMA, Aghel’Hok où la force tchadienne de la Minusma ne laissent pas entrer les groupes armés, Abeibara et Tin-Essako, un fief de la tribu des Ifoghas. Les forces de la Plateforme sont actuellement stationnées  à côté de Tessalit, sans pour l’instant tenter de prendre la ville. « À Tessalit, il y a eu des micmacs, Mossa Ag Habida, un commandant de la CMA qui était le chef local du HCUA, un Iradjanatane, une tribu plus proche des Imghad que des Ifoghas, a rallié la Plateforme avec hommes et véhicules. Il faut savoir que la fibre ethnique est très importante dans ce conflit et il se trouve que le grand-frère de Mossa Ag Habida était un lieutenant de Gamou dans la rébellion des années 90, il est décédé lors de la première guerre tribale qui a opposé les éléments de Iyad Ag Ghali aux hommes de Gamou. Mossa qui a retrouvé d’ancien frères d’armes dans les rangs de la Plateforme a donc fait défection pour la rejoindre. Ce n’est pas la première fois que des combattants de la CMA ou du HCUA passent dans l’autre camp », affirme cette source proche des mouvements.

Selon nos informations, un important chef du HCUA à Kidal, Chafighi Ag Bouhada, qui est le cousin de Mossa Ag Habida, a rejoint Tessalit lundi soir à la tête d’une trentaine de véhicules en contournant le dispositif de la Plateforme via des routes dans les zones contrôlées par les djihadistes (Tin-Essako, Talahandak, Tintisska ), pour que la ville ne tombe pas aux mains de leur adversaire. Des affrontements du côté de Tessalit semblent imminents.

Depuis que l’étau de la Plateforme se resserre sur Kidal, la CMA, affaiblit par les combats, les défections et les dissensions, tentent de trouver des alliances. Mardi 20 septembre, la Coalition du Peuple pour l’Azawad (CPA) d’Ibrahim Ag Mohamed Assaleh a dissout sont mouvement pour rejoindre le MNLA. Selon certains observateurs ce mouvement compterait environ 500 combattants qui viendraient renforcer les troupes de la CMA.

Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad ( MSA) de Moussa Ag Acharatoumane, qui a quitté la CMA le 2 septembre dernier, a signé samedi 17 septembre, un accord sécuritaire avec la Plateforme et le MAA-Plateforme, pour mener des patrouilles dans la région de Gao afin de traquer les voleurs et autres coupeurs de routes qui pullulent dans la région. « Certains éléments de la CMA ont la dent dure contre le MSA, ils disent que des combattants de ce mouvement ont été vu avec des éléments de la Plateforme lors des attaques d’Inkhalil et d’Inkadawatène. Le MSA n’a pas rejoint la Plateforme, pas encore, ils ont signé cet accord de sécurité et d’autres accords plus secrets, dont un, qui leur donne la garantie que la Plateforme les aidera s’ils sont attaqués par la CMA », révèle cette source.

Le gouvernement malien qui soutenait la CMA, il y a encore quelques mois, semble avoir changé son fusil d’épaule. Sur les ondes de RFI, la semaine dernière, Bilal Ag Achérif, secrétaire-général du MNLA, a constaté  que « le gouvernement et la Plateforme veulent tourner  le dos à cet accord ( de paix et de réconciliation) […] si on continue à ce rythme là, il risque de ne plus avoir d’accord du tout auquel se référer », a-t-il déclaré. Début septembre, le HCUA avait menacé de prendre les armes, « si le gouvernement ne prend pas ses responsabilités en rappelant à l’ordre ses militaires déguisés en miliciens […] notre réplique sera à la hauteur de l’affront et même peut-être disproportionné », ajoutait le mouvement. « Le processus de paix est en danger c’est vrai, avec les affrontements qui continue ça risque d’échouer, rien ne va être appliqué et en même temps c’est une menace, car pour la CMA la Plateforme est une milice malienne, donc pour eux c’est le Mali qui tire les ficelles. Bilal Ag Achérif est manipulé par le HCUA. Ils font appel à lui, ils lui font faire des déclarations parce qu’ils savent que le MNLA a la sympathie de la France et d’autres partenaires, ils ne veulent pas être isolés et donc ils le mettent en avant dans la communication», explique ce proche des mouvements.

Pour Azaz Loudag Dag, chef de la communauté Imghad, ce conflit n’est pas un problème entre mouvements mais un problème de communauté, complexe, tant les différentes communautés sont imbriquées dans les mouvements. « On ne peut pas trouver une solution au niveau des mouvements, il faut trouver la solution au niveau des communautés concernées, c’est à dire la communauté Ifoghas et la communauté Imghad. Ce sont ces deux communautés qui ont des problèmes, notamment le fief de Kidal, qui appartient aux Imghad et qui a été occupé par la CMA quand elle a chassé le gouvernement du Mali et tout le reste, avec l’appui des djihadistes et des terroristes. Ils l’ont occupé avec l’aide de la communauté internationale (notamment Serval) qui pensait que Kidal appartenait aux Touaregs et que par conséquent il fallait la donner aux rebelles, alors que parmi les touaregs tous ne sont pas des rebelles. Ce que la France n’a pas compris dans le scénario actuel c’est que ce sont les djihadistes qui ont mis en place les Ifoghas pour les faire occuper le Nord-Mali. Nous, on veut une solution négociée, on ne veut pas du tout aller à la guerre. Comprenez bien que si on nous empêche de rentrer à Kidal, on reste autour de la ville et à chaque fois qu’on rencontrera leurs éléments, il y aura certainement des heurts », conclut-il.

Pour cet habitant de Kidal, fataliste, au-delà des communautés, le véritable but de cette guerre c’est la domination de ce territoire que les rebelles appellent Azawad et qui malgré les accords, ne semblent toujours pas vouloir faire un avec le Mali.

La CMA à Kidal, en état de siège ?

Après la grande bataille d’Edjarer qui a vu le reflux de la CMA sur la ville de Kidal, la coordination a commencé à se réorganiser et a repris la gestion de la ville. La Minusma et la force Barkhane ont édifié des checks-points à l’extérieur de Kidal pour prévenir toutes attaques des combattants de la Plateforme, mais ces derniers encerclent la ville empêchant la CMA d’entrer ou de sortir de Kidal par les grands axes.

Suite à la Bataille d’Edjarer et aux tentatives de médiation à Bamako qui n’ont rien donné, les tensions entre la CMA et la Plateforme sont toujours vives. La Minusma et la Force Barkhane ont édifié des checkpoints en dehors de la ville non loin des positions de la Plateforme, notamment sur l’axe Gao-Kidal, Kidal-Edjerer et Kidal-Aguelh’hok, pour empêcher d’éventuels combats au cas où les combattants de la Plateforme tenteraient un retour à Kidal. Les hommes du général Gamou sont positionnés à une dizaine de kilomètres de ces grands axes et semblent prendre la ville en étau.

La CMA, pour le moment, a repris la gestion totale de Kidal, tandis que dans sa région, les principales villes sont sous la domination d’un camp ou d’un autre. « À Kidal c’est la CMA qui gère mais ils sont sous la pression constante de la Plateforme, à Anéfis c’est la Plateforme qui gère la ville, à Aguelhoc il n’y a aucun mouvement présent militairement mais la gestion est partagée 50/50 entre CMA et Plateforme, à Tessalit c’est aussi le cas mais là-bas, il y a pas mal de membres du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) », explique une source locale .

L’aide humanitaire et le ravitaillement qui vient de Gao, passe d’abord par les checkpoints de la Plateforme, qui fouillent systématiquement tous les véhicules. « Dernièrement, ils sont tombés sur un chargement de Talkies-walkies militaires qui était destiné à la CMA, et ont intercepté la cargaison. Ça a augmenté le risque pour les transporteurs qui véhiculent des choses à destination de la CMA, ils sont stoppés, vidés de leur chargement et retournés sur Gao », ajoute cette même source.

Lundi 12 septembre, quelques combattants de la CMA sont partis en éclaireur, à moto, pour inspecter les environs, ils ont été capturés et on est sans nouvelles depuis, « il paraît qu’ils ont été abattus », rapporte un habitant. La libre circulation des personnes est néanmoins possible, mais les gens très proches de la CMA, eux, ne peuvent pas voyager au risque d’être fait prisonnier. « Un collègue qui devait voyager à Gao n’a pas pu y aller car sa famille est très impliquée du côté de la CMA notamment dans les affrontements », explique cet employé d’une ONG.

Actuellement la tension reste vive à Kidal mais il n’y a pas d’affrontements entre la Plateforme et la CMA, sortie affaibli par sa dernière bataille contre la Plateforme. Un affaiblissement aggravé par la scission au sein du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), qui a fait perdre des centaines de combattants à la CMA qui sont partis fonder le MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad), ainsi que beaucoup de véhicules, d’armes et d’équipement. « Cette scission était prévisible, depuis toujours d’ailleurs, mais ça s’est accentué avec les derniers combats inter-communautaires et inter-mouvements. Ceux qui ont quitté ont vu que ce n’était pas leur combat et que ce n’était pas dans leur intérêt. Ils ont essayé de faire entendre leur voix, les insultes ont fusé et il y a eu la scission », explique ce proche des mouvements. « ils ont signé des accords avec Gamou pour avoir des postes clés dans la gestion de la région de Ménaka où ils se sont retirés. Ils ont même signé des protocoles d’accord secrets. Pour le moment ils n’en parlent pas officiellement mais quand même il y a eu un rapprochement. À Ménaka, en réalité c’est la Plateforme qui domine, même le gouverneur a été nommé sur leur proposition, donc ils ont approché les fondateurs du MSA dans ce sens, pour pouvoir affaiblir la CMA politiquement et militairement, renforcer leur rang et partager la gestion des autorités intérimaires avec eux. » ajoute-t-il.

La Plateforme contrainte par les forces internationales de rester hors de Kidal et qui revendique toujours sont droit à rentrer dans la ville et à participer à sa gestion, ne semble pas vouloir lâcher prise et pressurise de l’extérieur la CMA. À Kidal rien n’avance, rien ne bouge, les camps sont positionnés, dans l’attente d’une brèche chez l’un ou l’autre des adversaires.

GATIA-HCUA : recherche de solutions à Bamako et d’armes à Kidal

Alors qu’à Bamako la médiation tente de faire discuter les deux mouvements armés entre eux pour trouver un terrain d’entente, à Kidal, sur le terrain, tout n’est qu’affaire de positionnement stratégique et de préparation militaire. Des réalités différentes qui minent la population désireuse de voir la paix émerger.

À Bamako les groupes armés, signataires de l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger, restent verrouillés sur leur position : Le HCUA exige que la GATIA reste hors de Kidal et le GATIA tient à être inclus dans la gestion administrative et sécuritaire de la ville. Les efforts déployés par Mahamadou Diagouraga, le Haut représentant du chef de l’État pour la mise en œuvre de l’Accord, et la médiation internationale, via des « rencontres informelles », avec les délégation des deux mouvements pour parvenir à une solution viable, n’a pour le moment mené à aucun compromis. Chaque partie défendant âprement son point de vue, renforcé par trois conflits qui ont causé de nombreux morts de part et d’autre.

Si à Bamako le statu quo règne depuis des semaines, à Kidal, les regards sont tournés vers la capitale, d’où l’on espère fortement qu’une solution viendra. La partition jouée par les groupes armés sur place ne met pas l’accent sur la recherche de solutions mais plutôt sur le renforcement de leurs positions respectives en vue d’un prochain affrontement. « Les renforts affluent des deux côtés, ils viennent d’un peu partout. La CMA qui a perdu beaucoup d’hommes et d’équipement dans ces 3 conflits tente de se réorganiser et de se réarmer. Elle a tenté de faire venir des armes de la Libye, il y a une dizaine de jours, un grand convoi chargé d’armes et de munitions, mais il a été intercepté par la force Barkhane, à la frontière entre la Libye et le Niger, une partie est retournée en Libye, une autre a été saisie ou détruite. Si ça négocie à Bamako, ici les groupes armés sont sur le pied de guerre », affirme une source locale.

Les 3 derniers conflits entre GATIA et HCUA, en plus des morts, ont poussé sur les routes nombres de familles et fait de nombreuses veuves. « Il y a eu des centaines de mort et des centaines de blessés. Les gens ici sont très très remontés contre les chefs des différents mouvements. Il y a beaucoup de gens neutres dans ce conflit qui tentent de faire entendre leurs voix, des intellectuels, des chefs traditionnels, mais ils ne sont pas écoutés comme avant, les chefs des mouvements armés n’en font aujourd’hui qu’à leur tête », explique cet habitant joint au téléphone.

L’exaspération et la colère qui ont gagné la population, visent aussi les forces internationales, cibles de rumeurs nombreuses et d’une certaine défiance, concernant leurs buts réels dans ce conflit. « Il y a beaucoup de rumeurs, de théories du complot, autour du rôle de la MINUSMA et de la France. Dans les deux camps on soutient qu’elles aident l’autre camp, ou travaillent uniquement pour leurs intérêts. On dit ici que Barkhane soutient le HCUA, ou que la force française œuvre à affaiblir les deux mouvements pour avoir la mainmise sur la ville et les richesses de la région ». ajoute ce même habitant.

À Kidal, malgré le climat de tension, on place ses espoirs vers Bamako, même si l’on sait que les précedents accords signés, ne sont jamais parvenus à chasser la discorde et les rivalités qui animent depuis longtemps ces deux mouvements.

3ème affrontement entre groupes armés à Kidal

La CMA et le GATIA se sont affrontés pour la troisième fois en 3 semaines, mardi soir et ce mercredi matin, à Edjarer, à une cinquantaine de kilomètres de la ville de Kidal. Ces combats désormais récurrents et à huis clos, ont déjà précipité sur les routes nombre de famille, exaspèrent les habitants mais aussi les combattants.

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), appartenant au mouvement pro-gouvernemental la Plateforme, se sont de nouveau affrontés hier, mardi 9 août, à Edjarer, situé environ à une cinquantaine de kilomètres de Kidal, aux alentours de 17h et jusque dans la matinée de mercredi. C’est le troisième conflit armé entre ces deux groupes depuis l’accord de Niamey signé par ces deux mouvements, et qui entérinait un partage équitable des pouvoirs dans la gestion sécuritaire et socio-économique de la ville.

Ce nouvel affrontement était prévisible et a éclaté malgré le « dispositif sécuritaire » déployé par la Minusma et les « moyens d’observation » qu’elle a mise en oeuvre. Depuis les affrontements des 21 et 22 juillet dernier, le GATIA avait interdiction de pénétrer dans la ville de Kidal, dont la majeure partie de la population appartient à la tribu Imghad, à l’instar des combattants du GATIA. Le GATIA avait indiqué, qu’il ne pouvait être tenu hors de la ville de Kidal, et qu’il y rentrerait soit par la force soit par la négociation. La médiation à laquelle participe le général Gamou, à Bamako, pour tenter de trouver une solution à ces conflits récurrents, est quant à elle pour le moment toujours au point mort.

C‘est dans ce climat de tension et de rancune où chaque camp est vérrouillé dans ces convictions, que ce troisième affrontement a éclaté. Il est encore difficile, à l’heure actuelle, de dire avec certitude laquelle des deux parties (CMA et Gatia) a attaqué en premier. Almou Ag Mohamed, le porte-parole du HCUA, sur internet, a déclaré que son mouvement était une fois de plus victime, et que « c’est bien la CMA qui a été attaquée et non l’inverse ». Selon une de nos sources sur place, « La CMA a reçu des renforts venant de Tombouctou, Ménaka et de l’Algérie, des véhicules et des armes. Tous ces renforts ont été acheminés vers Tin-Essako et de là-bas ils se sont rendus à Edjarer, avec le gros des forces de la CMA, pour attaquer les positions du GATIA, et ainsi casser le blocus du groupe armé pro-gouvernemental, autour de la ville ». Le Gatia souhaitait faire appel, en renfort, à des Touaregs libyens qui travaillaient dans l’armée du Colonel Kadhafi, mais la situation de chaos qui règne actuellement en Libye ne leur aurait pas permis de venir les épauler.

La violence des combats était audible, dans la nuit de mardi à mercredi, jusqu’à Kidal, située à une cinquantaine de kilomètres de la ligne de front. Selon nos informations, le GATIA aurait pris le dessus sur la CMA, qui se serait replié et repartirait en direction de Kidal, les combattants de la Plateforme auraient récupéré des véhicules et de l’armement. Aucune information sur le nombre de victimes résultant de ce troisième conflit ne nous est parvenu pour le moment.

À Kidal, où quelques dizaines d’hommes de la CMA sont restés en arrière pour protéger la ville, les gens sont fatigués de ces conflits perpétuels entre mouvements, de même chez les combattants. « S’il y a une négociation elle pourrait aboutir car les gens n’en peuvent plus et les combattants des deux camps aussi, car ils ont subi des pertes sans précédent. La CMA voudrait que l’Algérie règle cette question et qu’elle mette en œuvre ce qui a été signé à Niamey », explique un habitant joint au téléphone. Même si la majorité de la population à Kidal est acquise au GATIA, une cohabitation entre les deux mouvements est vue là-bas comme la seule sortie de crise possible. « Il faut que les deux mouvements cohabitent, intelligemment, dans l’intérêt de tous. Il y aura certainement une issue, les pertes en vies humaines ont été colossales, ça ne peut pas durer, il faut qu’il y ait une négociation, qui va donner quelque chose de bon », conclut-il

Kidal : calme relatif et négociations au point mort

Un calme précaire règne sur Kidal alors que les négociations ont repris entre les chefs de la Plateforme et de la CMA pour tenter d’établir un cessez-le-feu et une paix durable entre les deux groupes armés, touaregs, lancés dans une guerre fratricide.

Les négociations pour une sortie de crise entre la Plateforme et la CMA avaient été stoppés net lors du second affrontement entre les deux groupes armés à Tassik, samedi dernier. Pour l’heure, elles ont repris pour tenter de réinstaurer un dialogue entre les deux camps. Le général Gamou est toujours à Bamako mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé. La CMA a estimé hier que la situation sur le terrain, qui s’est soldée, au cours des deux affrontements, par des dizaines de morts, dont deux proches de Bilal Ag Achérif, le chef du MNLA, a « dépassé les petits arrangements locaux » et que la résolution de cette crise doit désormais être traitée par les mécanismes prévus à cet effet dans l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger. De son côté, la Plateforme reste sur sa position et ne voit comme issue à la guerre qui l’oppose à la CMA, qu’une gestion partagée de la ville de Kidal, dont la population et les principaux représentants politiques sont issus de la tribu Imghad.

À Kidal, si le calme est revenu depuis le second affrontement entre groupes armés, la raison en incombe aux forces de la CMA positionnées en majeure partie à quelques kilomètres de la ville, pour prévenir toute tentative d’approche des colonnes de la Plateforme, à la force Barkhane qui a augmenté ces patrouilles dans la zone et qui survole fréquemment avec ses hélicoptères et ses avions l’espace aérien de la ville. La Minusma aurait de plus mis en place un « dispositif sécuritaire » aux principales entrées de Kidal et effectue des patrouilles pour prévenir toute reprise des hostilités. « On entend que la Minusma sécurise les alentours de la ville, mais je ne sais pas, nous ne sortons pas beaucoup, on va au marché puis on rentre se terrer chez nous, il y a des véhicules de la Minusma qui vont vers le côté où il y a le Gatia, mais on dirait que c’est plus une ligne rouge à ne pas franchir qui a été indiqué par la Minusma au GATIA, explique cet habitant joint au téléphone.

La vie a repris malgré tout dans un climat mêlant fatalisme et incertitude quant aux jours à venir. « En ville, quand ils sortent, le gens ne s’attardent pas, l’ambiance est un peu spéciale car beaucoup de gens pro-Gatia ou Imghad ont quitté la ville. Depuis quelques jours, les chefs de la CMA ont fait passer à la radio des messages pour appeler la population à ne pas déserter Kidal », indique ce commerçant sous anonymat. Cependant, des arrestations de civils soupçonnés de complicités avec le GATIA ont rendu le climat délétère pour les partisans de la Plateforme ou pour ceux, ni-Gatia, ni-CMA, qui craignent l’instabilité dans la zone et veulent rejoindre la ville de Gao, jugée plus sûre.

Les drapeaux du MNLA et du HCUA flottent, en ville, les couleurs et les noms de ces mouvements ainsi que le terme « Azawad » s’affichent sur les graffitis un peu partout sur les murs. L’appartenance à ces groupes armés, mise en avant, semble dominer par rapport au conflit ancien entre touarègues de la tribu Ifoghas et Imghad qui bien qu’important, doit être relativisée. « Il y a beaucoup d’Imghad au sein du HCUA et de la CMA. C’est ce qui fait la force des Ifoghas, ils sont une minorité comparée au Imghad mais ils arrivent à dominer, à faire en sorte que les autres s’allient à eux », explique cette source. Le général Gamou qui revendique un partage équitable de la ville, comme entériné par les accords d’Anéfis et la déclaration de Niamey, n’est pas originaire de la région de Kidal, mais du cercle de Ménaka dans la région de Gao, où les Imghad dominent. « La CMA utilise cet argument pour dire que c’est Gamou, qui vient de loin, qui monte les uns contre les autres, il veut diriger alors que les Imghads et les Ifoghas sont de Kidal ou de sa région, et qu’ils ont grandi ensemble. Ils ont avec eux l’argent et le pouvoir, ça aide beaucoup à convaincre », ajoute cette même source. Ils y auraient des centaines d’Imghads au MNLA et au HCUA. « Il y a même des officiers supérieurs et des colonels. Lorque la situation devient intense dans les rapports entre ces deux clans et que le doute peut faire hésiter les combattants Imghads, ils sont toujours arrivés à les canaliser, à leur dire que ce n’est pas une guerre tribale mais plus une guerre entre mouvements. Le rapport entre nobles (Ifoghas) à vassaux (Imghad) intervient faiblement dans cet état de fait », conclut-il.

Sur place, en ce début de week-end, on craint que le bruit des armes trouble à nouveau la tranquillité du désert, dans des combats dont personne ne peut dire formellement quelle sera la finalité.

Fahad Ag Almahmoud : »Il n’y a jamais eu d’affrontements entre la Plateforme et la CMA pour la drogue »

 

Depuis deux semaines, Kidal est le théâtre d’affrontements entre la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Fahad Ag Almahmoud est le secrétaire général du Groupe armé touareg Imghad et alliés (GATIA), membre de la Plateforme.

Quelle est la situation aujourd’hui à Kidal ?

La situation est relativement calme. La MINUSMA a interdit à la Plateforme de rentrer dans la ville à travers une vidéo sur les réseaux sociaux, même si nous avons remarqué que la CMA continue de se préparer à nous attaquer. Pour le moment, on n’est pas dans la ville, mais on cherche à réduire leur marge. Il n’est pas question qu’on soit exclus de la gestion de Kidal.

On parle plutôt de conflits pour le contrôle des routes de la drogue dans le Sahara ?

Ces gens et tous ces experts-là sont des ignorants. Tout le Sahara est une route. Tu peux aller partout ! Ils ont dit la même chose à propos de Tabankort, en voulant faire de nous des crapules. Aujourd’hui, on ne parle plus de drogue à Tabankort. Il n’y a jamais eu d’affrontements entre la Plateforme et la CMA pour la drogue. Le problème qui nous oppose, c’est que les Ifoghas veulent que tout le monde soit derrière eux. Ils veulent être le seul interlocuteur de la communauté internationale. Par le passé, il y a eu l’expropriation des Arabes de In Khalil par les Ifoghas. C’est le fond du problème Ifoghas/Imghads. Il est impensable pour nous que les Imghads, qui sont majoritaires, soient dans une situation de dominés à Kidal, surtout que les voies démocratiques nous donnent raison : le député est Imghad, le maire aussi. C’est le plus grave problème du conflit. Tant qu’il n’est pas résolu, on n’avancera pas. Il faut que les gens arrivent à s’accepter et à vivre ensemble.

Il y a deux semaines, vous avez dit dans un post sur Facebook, que depuis la visite de Bilal Ag Chérif à Bamako, le comportement de la CMA avait changé vis-à-vis du GATIA et avez évoqué des promesses que le Président lui aurait faites…

Je vais être clair avec vous. Je n’ai fait que répéter le compte rendu que Bilal Ag Chérif (Secrétaire général du Mouvement national de libération de l’Azawad, ndlr) et Alghabass Ag Intallah (Secrétaire général du Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad) ont fait à leur état-major à Kidal. Je n’ai plus rien à ajouter.

Kidal : l’enjeu des affrontements entre frères ennemis

De violents affrontements à une trentaine de kilomètres à l’est de Kidal, ont éclaté samedi matin, entre la Plateforme et la CMA. Sur place la situation est confuse. Personne ne sait comment réconcilier ces deux mouvements qui sont enferrés dans un conflit aux multiples enjeux, qui ne semblent pas pouvoir se résoudre dans l’immédiat.

Le langage des armes a encore parlé, samedi matin, à une trentaine de kilomètres de Kidal, entre ce qu’il convient mieux d’appeler, à présent, un combat Plateforme contre CMA, tant les différents groupes armés satellites de ces deux mouvements, ont rejoint le conflit. « Nous ne combattons pas seulement le GATIA, il y a avec eux, les arabes, les peules, le MAA, les Ganda Koy et les Ganda Izo, ces groupes d’autodéfense ont tous attaqué nos positions », affirme Iknane Ag Achérif, chef de la brigade anti-terroriste de la CMA à Kidal ». Pour lui, la Plateforme est responsable du déclenchement des combats : « Nos hommes étaient partis présenter leurs condoléances aux familles dont les parents ont été exécutés par la Plateforme, vers Tassik.  Ils nous ont attaqué hier matin vers 6h et les combats ont continué jusqu’à 11H. Il y avait seulement 20 voitures de la CMA composées de tous les groupes du mouvement, en face il y avait 50 à 60 véhicules. Nous n’avons pas eu le dessus car nos renforts sont partis trop tard et sont arrivés quand nos troupes avaient déjà décroché », indique-t-il.

Une source proche de la Plateforme à Kidal, donne une toute autre version des faits. Selon elle, deux colonnes de la CMA ont quitté Kidal 3 jours avant les affrontements du samedi 30 juillet, en direction de la ville de Tin-Essako, « Ils ont voulu attaquer par surprise les positions de la Plateforme qui sont à Tassik, pour bénéficier de l’effet de surprise, mais la Plateforme était déjà bien positionnée, donc ça a déclenché les combats », explique-t-il.

S’il est difficile de comprendre comment les choses se sont réellement passées, il en est de même pour établir un bilan des victimes. Selon cette même source, la Plateforme aurait 1 mort et 4 à 5 blessés à déplorer, et se seraient emparés de 4 véhicules et fait 7 prisonniers, dont un chef du groupe terroriste AQMI, qui combattait, selon cette source, au côté de l’adversaire. La CMA accuserait la perte de 7 combattants et aurait de nombreux blessés.

 Ambiguïté des forces internationales

Le rôle des forces internationales sur le terrain, durant ces affrontements, reste assez confus. Un habitant joint au téléphone, témoigne que des hélicoptères de la force Barkhane ont survolé la zone des combats sans intervenir. « Les troupes de la CMA qui se sont repliées sur Tin-Essako, c’est ça qui a arrêté les combats », ajoute ce même habitant. La Minusma aurait mis en place un dispositif d’interposition à une dizaine de km au sud de Kidal pour protéger les populations et empêcher le conflit de gagner la ville. L’impartialité de la force onusienne dans ce conflit a d’ailleurs été décriée, sur les réseaux sociaux, suite à une vidéo postée samedi 30 juillet sur la chaîne Youtube de l’organisation. Dans cette vidéo, l’adjoint du commandant du secteur nord de Kidal, indique avoir des moyens d’observation permettant, « de déceler, au plus tôt, l’arrivée possible d’éléments du GATIA venant du sud et voulant entrer en confrontation avec la CMA qui est toujours présente à Kidal ». Cependant, ce même habitant qui était sur place, assure qu’ « il n’y a pas eu de force d’interposition à l’intérieur ni à l’extérieur de la ville, il n’y a pas eu non plus de patrouilles, la Minusma n’est pas intervenu », souligne-t-il.

La domination comme enjeu principal

Ces événements sont intervenus alors qu’une médiation avait lieu à Bamako avec le général Gamou. Les déclarations d’entente et autres accords papiers, signés depuis 2015, dont le dernier récemment à Niamey, semblent en tous cas, ne pas parvenir à endiguer une situation dont les racines conflictuelles sont nombreuses et répondent à 3 enjeux principaux : la gestion de la ville de Kidal, l’ancien conflit tribal entre Imghad et Ifoghas et la mainmise pour l’un des deux camps, sur le marché du narcotrafic. « La Plateforme et la CMA ont dans leurs rangs des gens qui travaillent dans le narcotrafic, c’est cela même qui alimente le conflit. Avant la bataille de Kidal (les 21 et 22 juillet dernier), des voitures transportant de la drogue, escortées par des éléments du GATIA, ont été interceptées par des combattants du HCUA, qui ont volé cette grande quantité de drogue pour la revendre. Il y a eu des tractations pendant 1 semaine avec le GATIA pour calmer la situation mais ça n’a pas abouti… », révèle cette source. Depuis longtemps, Kidal et sa région sont, pour le narcotrafic, un point stratégique que les deux quand entendent conserver. « Le HCUA, ce sont eux qui détiennent le marché de la drogue, ainsi que la chefferie à Kidal, leur influence est grande et ils arrivent à convaincre le MNLA de les suivre, même si ces deux mouvements n’ont pas la même idéologie », déclare cette source ayant requis l’anonymat.

Sur place, ces conflits ont fini d’exaspérer les gens et les familles qui continuent à quitter la ville. La vie semble suspendue au conflit qui agite ces deux mouvements majeurs, qui semblent déconnectés des réels intérêts de la population. Un peu partout en ville et surtout à l’extérieur de Kidal, des véhicules armés patrouillent, l’ambiance sécuritaire est à son maximum. « Les combats vont reprendre, on ne sait pas quand, aujourd’hui, demain, après-demain, mais les combats vont reprendre. Il n’y a aucune médiation pour stopper ça », conclut désabusé, cet habitant.

Les deux mouvements, suite à l’affrontement, ont réaffirmé, à travers deux communiqués diffusés ce week-end, leur attachement à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, dont l’avenir paraît, pour nombre d’observateurs, incertain.

Azaz Ag Loudagdag : « nous ne laisserons jamais Kidal ! »

Sous le contrôle de la CMA depuis les affrontements sanglants de la semaine passée, la ville de Kidal risque de connaitre de nouvelles tensions si rien n’est fait.  Les éléments du GATIA qui étaient repliés vers la périphérie de Kidal se préparent pour retourner dans la ville. Azaz Ag Loudagdag, président de la coordination Imghad, qui était présent à la réunion de Niamey, a répondu aux questions du Journal du Mali.

Quel est le bilan des affrontements entre la CMA et le GATIA ?

Je ne m’aventurerai pas là-dessus, chacun dit ce qu’il veut, mais ce qui est sûr et certain, c’est qu’il y a eu des morts des blessés et des dégâts matériels de part de d’autres.

Dans un communiqué, la CMA a demandé au GATIA de quitter Kidal et les environs pour éviter d’autres incidents, quel est votre point de vue là-dessus ?

Pas question que le GATIA quitte Kidal, la majorité de Kidal appartient aux Imghads et ils sont du GATIA. Pour preuve, toutes les élections sont gagnées en temps normal par les imghads. Le député et le maire sont des élus Imghads. Nous ne laisserons jamais Kidal ! parce que c’est eux qui sont venus à la faveur de Méharistes, d’Ansardine et des Djihadistes du MUJAO. Ils se sont bien implantés avec des complicités extérieures. Les pays étrangers les ont aidés à rester comme si c’était une part qu’on leur donne. Personne n’est d’accord qu’on quitte Kidal, nous devrons partager la ville ou advienne que pourra. Nous préférons le faire de façon pacifique, mais si on n’obtient pas cela, tous les autres moyens seront utilisés. Nous sommes majoritaires à Kidal, mais les gouvernements français et maliens ont épaulé les Ifoghas et les ont utilisés pour maitriser tout le monde. C’est une opposition ancienne, mais maintenant on est au 21ème siècle et les gens ne sont plus d’accord. Les Ifoghas considèrent les Imghads comme des vassaux et ils refusent d’être sous leur domination.

Qu’est ce qui est en jeu à Kidal et qui provoque les tensions ?

Les problèmes sont exacerbés parce que bientôt seront mise place les autorités intérimaires, donc chacun se positionne. La Plateforme estime  que le gouverneur qui a été nommé  est plus ou moins de la famille Ifoghas et qu’il ne peut pas leur tenir tête et appliquer une gestion équitable. Puisque le gouvernement leur a donné le gouvernorat, nous nous voulons la présidence de l’Assemblée régionale pour équilibrer les choses. Il n’est pas question que les deux premiers responsables de la région soient tous Ifoghas et on est prêt à affronter n’importe qui pour qu’il y ai un véritable partage du pouvoir.

On dit que la CMA a bénéficié d’une aide extérieure pour déloger le GATIA de la ville, est-ce vrai ?

Non, cela n’est pas fondé, le GATIA a effectivement pris plusieurs quartiers, entre temps il y a eu des renforts du côté de la CMA, et les renforts qui sont venus, certaines personnes estiment que c’étaient des djihadistes ou autres, mais je ne suis pas formel. Ce que je sais, c’est qu’il y a eu une médiation de la MINUSMA en la personne de Ponde Bruno, le chef de la Minusma à Kidal, qui a demandé aux uns et aux autres de quitter la ville, le général Gamou et Cheick Ag Haoussa ont été d’accord. Mais ce dernier a fait semblant de quitter pour ensuite retourner dans la ville. Donc, la CMA est restée tandis que le GATIA était hors de la ville, maintenant je ne suis pas étonné que le GATIA cherche à rentrer de nouveau dans la ville de Kidal. Ceux qui disent qu’il s’agit d’une déroute peuvent aller vérifier à la Croix rouge. C’est leur façon de communiquer, mais la réalité, croyez-moi, est tout autre.