Koen Davidse : « La protection des civils incombe aux autorités maliennes »

Le mandat de la MINUSMA arrive à son terme le 30 juin prochain. Il sera renouvelé sans surprise pour une durée d’un an. Insécurité, force de réaction rapide, efficacité de la mission onusienne, Koen Davidse, Représentant spécial adjoint de la MINUSMA, a livré au Journal du Mali son point de vue sur ces questions d’importance, alors qu’une majorité de Maliens doute de l’impact réel des actions de la mission onusienne.

 Quel bilan faites-vous, au regard du processus de paix, de la situation sécuritaire au Mali et dans la région ?

La situation sécuritaire dans le Nord demeure fragile avec une recrudescence de l’activité des extrémistes violents et des éléments terroristes dans les régions centrales, ciblant entre autres des responsables étatiques et alimentant diverses tensions, notamment communautaires. Depuis juin de l’année dernière, 201 attaques ont été menées contre les forces maliennes, internationales et la MINUSMA, ainsi que contre les mouvements signataires. Par ailleurs, l’implication de certains de ces groupes au sein de réseaux criminels transnationaux, souligne l’urgente nécessité de contrer l’expansion du terrorisme dans la zone sahélo-saharienne. À cet égard, l’initiative du G5 Sahel de déployer une force conjointe au Mali répond aux défis sécuritaires transfrontaliers. Il convient de souligner que la responsabilité première d’assurer la protection des civils menacés de violences physiques incombe aux autorités maliennes.

Le mandat de la MINUSMA prendra fin le 30 juin prochain. Que peut-on attendre de ce nouveau mandat qui devrait lui être accordé ?

On ne doit pas s’attendre à des changements majeurs. Les principes clés et les objectifs sont clairs et inscrits dans le mandat actuel. Les rôles de bons offices du Représentant spécial et de la Mission sont appelés à se poursuivre dans le cadre des mécanismes de suivi et d’appui au processus de paix afin d’accélérer la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix. Par ailleurs la MINUSMA entend soutenir le PSIRC (Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre), mis en place par le gouvernement afin de faire face aux défis sécuritaires dans le Centre du pays et ceci en étroite concertation avec d’autres acteurs, notamment l’Union européenne. Une réflexion est sur le point d’être engagée sur un transfert progressif des responsabilités de consolidation de la paix aux autres membres du système des Nations unies, notamment des agences, en fonction de leurs avantages comparatifs et de leurs expertises.

Pourquoi la force d’intervention rapide n’est-elle toujours pas opérationnelle alors qu’elle devait être déployée en février ? Pouvez-vous nous dire quand elle le sera ?

Le déploiement du premier détachement de cette force de réaction rapide est prévu courant du mois d’août 2017. Il importe de rappeler que cette force a pour vocation, entre autres, de renforcer la protection de la population.

Le rôle de la MINUSMA est aussi de protéger les populations. Pourquoi n’y parvient-elle pas où plutôt pourquoi les populations ont l’impression qu’elle n’est pas là pour les protéger et remettent en cause son efficacité ?

La MINUSMA opère au quotidien dans un environnement particulièrement complexe et vaste. Pourtant, face à ces défis quotidiens, la Mission, par son engagement et ses actions, a évité à bien des égards, des dénouements tragiques. Ainsi, lors des combats entre les mouvements armés signataires aux abords de la ville de Kidal en août 2016, la MINUSMA a rapidement déployé ses moyens de surveillance et de force de maintien de la paix ainsi qu’un cordon sécuritaire, contribuant ainsi activement à la cessation des hostilités. Plus récemment, en mars 2017, la présence de certains groupes armés aux abords de la ville de Tombouctou a entrainé de la part de la MINUSMA un renforcement de ses capacités de surveillance, d’intervention, et de police en ville, contrant avec succès cette menace potentielle. Enfin, la recrudescence de la violence dans la région de Kidal, il y a dix jours, a conduit la Mission a déployer des patrouilles renforcées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, dans la ville de Kidal et à Aguelhok, destinées à apaiser les tensions et à protéger les civils conformément à son mandat. Il importe de rappeler que la protection des civils est l’affaire de tous. La MINUSMA ne saurait accomplir cette responsabilité seule. L’engagement des autorités maliennes et d’autres partenaires impliqués dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité est indispensable dans un cadre concerté.

Quelles voies et moyens préconisez-vous pour faire avancer la paix et la stabilisation dans le contexte actuel ?

Le dialogue constructif et inclusif, notamment à l’égard des femmes et des jeunes, est le seul moyen de faire face aux défis et d’avancer ensemble sur le chemin de la paix. Car il n’y pas d’autre alternative pérenne. La solution à la crise malienne est avant tout politique. Seule la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix peut assurer au Mali de renouer avec la nécessaire stabilité et prospérité.

11ème session du CSA : des sanctions pour les fauteurs de troubles

Dans une sorte d’adresse de clôture de la 11ème session du Comité de suivi pour la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, la médiation avait cru bon de rappeler le rôle et la responsabilité des mouvements armés signataires dudit Accord. Elle menace désormais de sanctionner les auteurs des actes pouvant entraver la bonne marche du processus de paix.

La cérémonie d’ouverture des travaux était présidée par le président du CSA, Boutache Ahmed. Étaient également présents, l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de paix au Mali, notamment Koen Davidse de la MINUSMA, le haut représentant du Chef de l’Etat pour la mise en œuvre de l’Accord, Mahamadou Diagouraga. L’ordre du jour de cette 11ème session portait sur une présentation par le gouvernement des suites à données aux recommandations formulées lors de la dixième session du CSA, notamment en ce qui concerne la mise en place des autorités intérimaires dans les cinq régions (Gao, Ménaka, Tombouctou, Kidal et Tessalit) et la fonctionnalité du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) à travers des patrouilles mixtes. La session a aussi enregistré les présentations et discussions de chacun des sous-comités qui concernent les questions politiques et institutionnelles, les questions de défense et de sécurité, le développement socio-économique et culturel ; la réconciliation, la justice et les questions humanitaires. La médiation internationale très préoccupée par les graves affrontements et leur poursuite sporadiques dans la région entre les mouvements signataires, a condamné ces violations du cessez-le-feu. Elle estime par ailleurs que cette situation ne saurait perdurer plus longuement, sans compromettre l’essence même de l’Accord pour la paix et la réconciliation. « En absence de toute volonté manifeste ou la persistance d’entraves à la mise en œuvre de l’Accord, ceux reconnus responsables à titre individuel ou collectif s’exposeront à des sanctions de la part de la communauté internationale qui pourrait diligenter une enquête destinée à situer les responsabilités », souligne le communiqué de la médiation.

Cette 11ème session a été marquée aussi par des actes concrets, le dépôt des listes pour la patrouille mixte par les groupes armés, convergence de vue des acteurs sur la responsabilité des groupes armés à résoudre leurs différends par le dialogue et l’engagement du gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour une mise en œuvre diligente de l’Accord. « Plus que jamais, la paix un impératif incontournable pour la stabilité et la prospérité des pays de la zone sahélo-sahariennes et la situation à Kidal ne saurait prendre tout le processus en otage  et nous sommes heureux de constater que les mouvements veulent aller dans ce sens. Et la CMA a déposé la liste de ses 200 éléments devant participer aux patrouilles mixtes dans le cadre du MOC», a expliqué M. Boutache Ahmed.

Pour le représentant de la MINUSMA, la 11ème session a été très importante pour avoir mobilisé de nouveau la communauté internationale pour le Mali, afin d’améliorer son soutien et coordonner les stratégies en faveur du pays. « On a dit aux mouvements qu’il est important d’avoir de bonnes nouvelles et également demandé qu’il était important de respecter la cessation des hostilités, de faciliter l’assistance humanitaire, de continuer le dialogue mais aussi et surtout de continuer avec la mise en œuvre de l’Accord », a-t-il souligné. De l’avis du secrétaire permanent de la Commission nationale de mise en œuvre de l’Accord, M. Inhaye Ag Mohamed, la volonté affichée par le gouvernement, les groupes armés signataires de l’Accord ne s’est jamais démentie au cours de cette 11ème session. « Leur credo commun, la paix rien que la paix. Malgré les incidents enregistrés par ci par là, notamment à Kidal, il est heureux de constater que le processus est en marche, lentement mais sûrement », conclut-il