Le Premier Ministre s’est rendu à Soumpi

Cette petite bourgade de la région de Mopti est l’épicentre de l’influence du prédicateur radical Amadou Kouffa, leader de la Katiba Macina et membre de l’engeance terroriste qui réunit plusieurs autres groupes terroristes de la zone. Important dispositif militaire et attentes immenses des populations sont les symboles de cette visite inédite d’un chef de gouvernement dans le village.

Rester debout

C’est le lundi 6 novembre que la visite du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga était prévue dans les localités de Niafunké et Soumpi. Mais les attaques contre les forces de sécurité et les civils, qui ont coûté la vie à une dizaine de personnes pour cette seule journée dans la région, ont obligé une révision de l’agenda. Il faut rappeler qu’Abdoulaye Idrissa Maïga effectue une tournée au centre et au nord du Mali depuis le vendredi 3 novembre, prenant fin ce mardi 7 novembre. Kouakourou, Teninkou, Youwarou, dans la région de Mopti, ont été parmi les temps forts de cette mission qui avait pour objectif de rassurer les populations du soutien des autorités maliennes face à  l’insécurité chronique à  laquelle elles sont confrontées.

Soumpi, à 40 km de Niafunké, région de Tombouctou. Lundi 06 novembre, un véhicule de l’armée saute sur une mine provoquant trois blessés graves. Le Premier ministre sur place le lendemain veut réconforter les troupes et porter un  message de fermeté vis-à-vis des terroristes. Arrivé sur place à 7h, M. Maïga s’est rendu sur la base de vie de la SATOM où un briefing lui a été présenté par le comandant de GTIA El Farouk, le Colonel Dembélé. La dernière étape de la tournée a été Niafunké, également sous la menace des djihadistes. Le Premier ministre y a eu un échanges avec les populations sur les préoccupations du cercle. Il les a exhortées à « rester debout ».

 

Nouvelle attaque sur le fleuve Niger

Les bateaux Tombouctou et Modibo Kéita de la Compagnie nationale de navigation (COMANAV) qui relient Koulikoro à Gao par le fleuve ont été attaqués ce jeudi 05 octobre. L’incident qui n’a pas fait de victimes s’est déroulé à la hauteur du village de Kouakourou.
« Nous avons essuyé des coups de feu environ 2 kilomètres en amont du village de Kouakouou. Nous avons riposté et les assaillants ont reculé avant de revenir à la charge 1 kilomtre après la sortie de la localité », explique un militaire malien, présent à bord du bateau, au sein de détachement en charge d’en assurer la sécurité.
Aucune victime n’est heureusement à déplorer à l’exception d’un blessé léger. Les assaillants avaient « certainement l’intention de dépouiller les passagers du bateau », pense savoir l’un des passagers. Le bateau est en effet  seul lien sûr désormais entre le centre et le nord du Mali et fort employé en cette période d’étiage par les commerçants. Une source sécuritaire quant à elle, pense que l’attaque avait pour but de libérer un prisonnier présent à bord de l’un des bateaux. « Ils ont essayer de libérer un des leurs qu’on avait avec nous », précise notre source.
Un important déploiement de sécurité était visible à l’escale de Mopti où le bateau est arrivé en début d’après midi, dans un tonnerre d’applaudissements. Du public massé sur la grève comme des passagers, pour saluer les militaires, « nos héros ». « Pas question de les laisser gagner, le bateau va repartir pour rallier sa destination finale. On est préparés. On va assurer la sécurité » poursuit notre militaire.

C’est la deuxième fois en l’espace de quelques jours que le bateau de la COMANAV est attaqué par des hommes armés. La première s’était déroulée dans la nuit du 29 au 30 septembre derniers.

Kouakourou : Résister ou se soumettre ?

À Kouakourou dans la région de Mopti, depuis plus de trois semaines, la population est cloîtrée, prise dans l’étau que resserrent peu à peu les djihadistes, qui occupent la forêt, empêchant quiconque d’entrer ou de sortir par voie terrestre ou fluviale. La présence passive de l’armée, dans une zone où les relations entre djihadistes et populations sont souvent complexes, exacerbe les tensions dans ce terroir où la loi du plus fort a le plus souvent cours.

« Dans tout Kouakourou, vous ne trouverez personne pour vous dire ce que nous vivons sur le terrain », affirme, méfiant, Moussa Kondo, ex-élu de la ville. Dans cette commune du cercle de Djenné, balayée par une crise sans précédent, le mot d’ordre est de se taire. « On parlera quand la situation sera meilleure », assure Kondo, même si les choses vont de mal en pis, comme la foire du village, activité économique principale de ce chef-lieu, qui depuis 3 semaines n’a plus ouvert ses portes. Et s’il n’y avait que ça. Les djihadistes, en représailles, ont brûlé les principaux moyens de subsistance du village, enlevé le cheptel et détruit plusieurs périmètres rizicoles. « Il y a vraiment un blocus là-bas , il ne peuvent ni entrer ni sortir, ni aller aux champs, les animaux de labours ont éte emmenés. Comme le blocus ne date pas de très longtemps, apparemment ils parviennent à s’auto-suffire. Même sur le fleuve quand vous essayez de passer pour aller à Mopti, les djihadistes interceptent les pirogues et les font retourner. Ils sont en état de siège ! », explique un habitant d’une commune voisine du cercle de Djénné. Kouakourou est en crise et la population en résistance. Les hommes patrouillent dans les rues, dans un climat de tension permanente qui redouble une fois la nuit tombée. « Tout le village est sur le pied de guerre. Tous les jeunes sont sortis, avec des gourdins, des haches, des harpons, des fusils de chasse. C’est inédit ! Nous faisons avec les moyens du bord, nous gérons ça à notre manière. Nous pensons que ça pourra marcher », lâche Moussa Kondo, la voix lasse, fatigué de rester en alerte de longues heures jusqu’à l’aube.

« Tout le village est sur le pied de guerre. Tous les jeunes sont sortis, avec des gourdins, des haches, des harpons, des fusils de chasse »

Les djihadistes, installés depuis 2015 dans la forêt voisine de Korori, ont fait récemment monter d’un cran la rigueur de leur charia, en exigeant des femmes et des filles qu’elles portent le voile. « Ils ont commencé à frapper les femmes qui n’obtempéraient pas, et pas seulement à Kouakourou. Ici, c’est principalement un village bozo, des pêcheurs, et à présent ils ne veulent plus que les femmes pêchent et ils les battent. Les hommes se sont révoltés et tout est parti de là », explique Abdramane Diallo, natif de la commune et membre de l’association Tabitaal Pulaaku, qui suit la situation de très près. « Les gens disent que les djihadistes sont des Peuls mais il y a plusieurs ethnies parmi eux, ils parlent la langue c’est vrai mais c’est la langue que tout le monde parle ici. Ils sont en armes, entraînés et capables du pire. Les villageois pensaient pouvoir leur tenir tête seuls, puis ils ont fait appel à l’armée, qui est venue et repartie, pour revenir encore. Les contingents sont là, ils campent et il ne se passe rien », déplore Abdramane Diallo.

Photo : AF 2014

Résister ou se soumettre « Les militaires sont avec nous et le village est mobilisé. Nous sommes derrière l’État », lance Moussa Kondo avec conviction. Pourtant, certains pointent du doigt l’inaction manifeste des forces de sécurité. « Elles sont en ville, mais il n’y a pas de patrouilles. Les djihadistes sont à quelques kilomètres et elles n’y vont pas. Rien ne bouge, rien ne change, le village est toujours sous embargo », confie une source sous anonymat.

« Là-bas, l’armée est plus le problème que la solution »

Pour Abdramane Diallo, la présence de l’armée dans la zone cause problème : « L’armée malienne n’est pas là-bas et quand elle vient c’est pour de timide opération coup de poing et puis elle s’en va, ça aggrave la situation car les djihadistes sont fâchés de savoir que les habitants ont fait appel à l’armée. Vous savez, avant qu’elle ne vienne, la population souhaitait négocier. Les djihadistes connaissent les villageois, ils cohabitent depuis deux ans. Généralement, ce sont des enfants du terroir, qui sont nés ou ont grandi ici. L’armée malienne doit soit jouer son rôle régalien, et les chasser, soit partir, et laisser la population transiger. Là-bas, l’armée est plus le problème que la solution ».

Pour certains, une autre solution serait le retour du maire de Kouakourou, parti au Hadj et bloqué à Bamako sans possibilité de pouvoir regagner son village.  « Il sait comment négocier avec les djihadistes et a compris qui si on ne se mêlait pas de leurs affaires, on pouvait vivre tranquille. Mais c’est aussi un problème politique », poursuit Abdramane Diallo, « l’opposant au maire de Kouakourou, qui voulait sa place, est celui qui a mobilisé pour mettre sur pied cette résistance ».

Pour la population de Kouakourou, comme des communes des cercles de la région de Mopti, sous la férule des djihadistes, l’avenir est chargé d’incertitudes. Il n’existe en tout et pour tout que deux possibilités, résister ou se soumettre. Par manque d’État, la seconde solution est souvent jugée plus salutaire. « Tout le monde les rejette, personne n’est d’accord avec eux, mais ils s’imposent avec leurs armes. Il n’y a pas d’État. Ceux qui sont censés le représenter ne font que passer et ne posent aucun acte pour nous sortir de nos problèmes. Que voulez-vous faire, à part négocier ? », interroge un habitant du cercle de Mopti, qui ne voit malheureusement pas, dans l’état actuel des choses, d’autre choix.