Mahamat Saleh Anandif, RSSG, chef de la MINUSMA : « Il faut repenser le concept de maintien de la paix »

Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies a pris part, les 18 et 19 juin à Rabat, à la 2ème Conférence annuelle sur la paix et la sécurité en Afrique (APSACO) organisée par le think tank marocain OCP Policy Center.  

Quel intérêt présente l’APSACO 2018 sur le maintien de la paix en Afrique ?

C’est bien qu’il y ait des cadres de réflexion sur les opérations de maintien de la paix. Il y en a 13 dans le monde, 7 en Afrique, dont les 5 plus grandes, parmi lesquelles la MINUSMA. Nous sommes dans une évolution positive : des missions ont fermé au Libéria et en Côte d’Ivoire. Contrairement au passé, les coups d’État sont l’exception. Les élections se tiennent. Elles ne sont pas parfaites, mais elles ont lieu. Maintenant, il faut repenser le concept des opérations de maintien de la paix. Telles qu’elles ont été pensées, dans les années 50, elles ne sont plus adaptées. J’estime que nous sommes statiques. Au Mali, le terrain actuel, caractérisé par une guerre asymétrique et des mouvements terroristes, n’est plus le cadre classique de déploiement d’une mission de maintien de la paix. Il est extrêmement important que les Nations Unies s’interrogent et s’adaptent.

On parle d’une reprise en main des opérations sur le continent par l’Union Africaine…

L’Union africaine veut s’approprier les opérations de maintien de la paix, mais elles coûtent cher. A-t-elle les moyens d’assumer ce rôle ? Les réformes parrainées par le Président rwandais Kagamé sont en cours. J’ose espérer qu’elles apporteront des solutions.

Maintenir la paix dans des pays en guerre, n’est-ce-pas paradoxal ?

J’entends cela. On ne maintient pas une paix qui n’existe pas. Au Mali, il y a un Accord pour la paix et la réconciliation. Il n’est pas idéal, mais il existe. Comparé aux arrangements antérieurs, il apporte certaines solutions. C’est également le premier accord garanti par la communauté internationale, d’où la présence des Nations Unies, qui n’est pas négligeable.

Dans un mois, la présidentielle. Comment l’appréhendez-vous ?

Les élections sont organisées pour résoudre les conflits, comme en 2013, après le coup d’État et l’invasion du territoire. Les résultats ont été acceptés par tous les acteurs et l’ordre constitutionnel rétabli. Nous allons vers l’élection du 29 juillet 2018, qui doit démontrer que la démocratie est irréversible et que le processus fait son chemin. Il faut qu’en sortent des résultats consensuels, dans une atmosphère apaisée. Nous intervenons pour que le dialogue au sein de la classe politique malienne soit maintenu. Même si la période qui précède des élections est une période de tension, nous disons toujours que le Mali est différent, que les choses sont fragiles et qu’il faut tout faire pour ne pas revenir en arrière.

Un master à Bamako pour la paix en Afrique

L’école de maintien de la paix met en place, en partenariat avec l’IEP de Grenoble et l’ENAP du Québec, un nouveau master « Maintien de la paix et reconstruction de l’Etat post-conflit » afin de former des cadres de la CEDEAO, capables autant de prévenir les conflits dans la sous-région que d’y faire face. 

« La guerre est aujourd’hui asymétrique et pour cette raison, elle relève d’un caractère multidimensionnel qui nécessite une pluralité des profils », affirme Dr. Abdrahmane Oumar Coulibaly, professeur de droit privé FSJP et chargé de la coordination d’un nouveau master de l’Ecole de maintien de la paix (EMP) « Maintien de la paix et reconstruction de l’Etat post-conflit » qui débutera dès janvier 2018. L’intitulé fait écho au contexte malien qui tente depuis 2012 de se relever, de se reconstruire tout en maintenant une stabilité institutionnelle. L’EMP souhaite ainsi « donner une nouvelle orientation aux formations de maintien de la paix » assure Dr. Coulibaly.

Pour une meilleure efficacité de l’Union Africaine, trois centres travaillent pour le renforcement de la Force en Attente de l’Union Africaine (UA). La Koffi Anan International Peace Training Center à Accra (KAIPTC) chargée de la tactique, la National Défense College à Abuja (NDC) chargée de la stratégie et l’École de maintien de la paix (EMP) qui, en tant que seul centre francophone, doit renforcer la Force en Attente de la CEDEAO. L’EMP est reconnue dans la sous-région pour les formations de courte ou de longue durée, sanctionnées par une attestation, qu’elle assure à l’intention des stagiaires militaires, paramilitaires et des civils. « On répond d’abord à une demande de nos auditeurs qui souhaitent avoir des formations sur le maintien de la paix en Afrique au plus près des réalités locales » plaide Dr. Coulibaly. Ce master, en partenariat avec l’École Nationale d’Administration Public du Québec, l’Institut d’Études Politiques de Grenoble (IEP Grenoble) permettra aux étudiants d’être diplômé de deux masters : celui en maintien de la paix de l’EMP et d’un executive master de l’IEP de Grenoble.

Validé par le Ministère malien de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le programme du master permettra aux auditeurs du programme de suivre des unités de cours sur le DDR, la réforme du secteur de la sécurité ou encore la coopération civili-militaire (CIMIC) données par autant des universitaires que des professionnels afin de répondre au mieux aux besoins. Les candidats ont jusqu’au 30 novembre pour finaliser leur demande d’inscription.

Alors que l’enseignement supérieur malien est considéré comme « un fourre-tout » pas adapté aux besoins locaux, la création de ce master dès janvier 2018 apporte une valeur ajoutée en terme de lutte contre le chômage en raison des débouchés qu’elle crée, notamment la spécialisation en développement et reconstruction de l’Etat post-conflit ou l’expertise des questions de conflit.

Avec une inscription à hauteur de 4 800 000 francs CFA « pour l’instant », des offres de bourses d’excellence sont proposées pour ce programme par la BNDA, entre autres.

Charte pour la paix : nouveau coup d’épée dans l’eau ? 

Au Mali, vingt-quatre mois après la signature de l’accord issu du processus d’Alger, le train de la paix semble toujours à quai. Pendant ce temps, les actes de banditisme, les attaques et les enlèvements se multiplient de façon inédite. C’est dans ce contexte que la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, élaborée à la suite de la Conférence d’entente nationale, a été remise au président de la République mardi 20 juin dernier. Mais nombreux sont les Maliens qui s’interroge sur ce qu’elle apporte au processus, et sur sa capacité, dans le climat de défiance et de division actuel, de mener le pays vers le chemin de la paix.

Deux ans jour pour jour après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, se voyait, le 20 juin 2017, remettre des mains du Médiateur de la République, Baba Akhib Haïdara, la Charte pour la paix, l’unité et la réconciliation nationale, censée exprimer la volonté et l’engagement de toutes les composantes de la nation à œuvrer à la consolidation de la paix et à l’unité. Ce document rédigé sur la base des conclusions de la Conférence d’entente nationale (CEN) intervient à un moment où le pays traverse une crise sociale et sécuritaire sans précédent, où les divisions et le pessimisme ambiant gangrènent la vie des populations, faisant de cette paix tant souhaitée, un projet intangible.

Une charte de paix qui divise « Cette charte aurait été une bonne base pour consolider la paix, mais vu la situation actuelle et compte tenu de tout ce qui se passe, elle ne reflète aucune réalité. C’est du vide ! », lâche, désabusé, Ibrahim Ag Eouegh de la CMA, membre de la commission spéciale en charge de rédaction de la charte, qui deux semaines durant, avec une quarantaine de membres, a planché pour produire un document final dans le court temps imparti. Selon lui, toutes les missions qui se sont rendues dans le pays et surtout à l’extérieur pour présenter et expliquer le projet de texte aux compatriotes, sont revenues porteuses des mêmes échos : « On n’a rien compris à la CEN, on ne peut rien comprendre à cette charte, on nous parle des Accords, il ne sont pas appliqués, il y a des griffonnages sur le papier mais sur le terrain il n’y a rien ! » « À Kidal, les gens nous ont dit qu’ils ne se reconnaissaient pas dans la Charte pour la paix, et dans l’Azawad, qu’ils ne partagent aucune valeur, aucun principe avec les gens du Sud », poursuit notre interlocuteur. Dans le bastion du Nord, la tentative de vulgarisation de ce texte censé favoriser l’union sacrée a plutôt récolté une fin de non-recevoir. « Ils sont venus nous parler de paix alors que nous sommes en guerre. Ils viennent nous parler de réconciliation nationale alors que le gouvernement envoie ses milices nous attaquer », s’exclame ce membre de la CMA joint au téléphone à Kidal. « Effectivement, la semaine où nous étions là-bas, il y a eu plus de 30 morts dans des conflits intercommunautaires et tout ce que nous sommes venus exposer a évidemment été très mal reçu », explique Ibrahim Ag Eouegh, qui déplore que l’impératif de la date de remise de la charte au président IBK ait primé sur le temps et la qualité du travail et que tous les compte-rendus de mission n’aient pas été utilisés pour l’élaboration de la charte, notamment ceux concernant l’épineux sujet de l’Azawad, passé, selon lui, à la trappe.

Cet autre membre de la commission rédaction, a quant à lui été surpris par le « fort scepticisme » des populations à voir s’installer la paix. « Pour la plupart des gens rencontrés, ce qui est difficile à croire, c’est la capacité de l’État à mettre en œuvre ce qu’on leur a dit. Les gens ne sont plus comme ils étaient il y a trois ou quatre ans. Les populations n’écoutent plus, parce qu’on leur a trop fait de promesses et finalement ils ne croient plus à rien. Je fais parti de ceux qui croit qu’il sera difficile de faire appliquer ces mesures, ce pessimisme est généralement partagé. Pour eux la paix est un mirage ».

Démarrer le train de la paix Depuis sa signature en juin 2015, l’accord de paix fait du sur place. Ce constat globalement admis, même par ceux qui sont le plus enclin à dire qu’il y a des progrès, ne permet pas pour autant, malgré des symptômes connus, d’appliquer les remèdes qui permettraient de le faire avancer. « La réalité c’est que l’accord traite d’un problème entre le Nord et le Sud qui n’a jamais existé, alors que nous avons un problème intercommunautaire et de gouvernance locale. Il y a eu plus de morts chez moi après la signature de l’Accord de paix qu’avant. Les gens pensent que c’est un problème touareg, de racisme, que nous sommes marginalisés. Pourtant, aujourd’hui la CMA est prête à accepter des militaires noirs issus du Mali alors qu’elle n’accepte pas la Plateforme, donc c’est d’abord un problème du Nord et du Nord. Nous contaminons tout le reste des Touaregs dans le Nord du Mali avec nos problèmes communautaires », analyse Abda Ag Kazina, 1er vice-président de l’autorité intérimaire de Kidal, toujours sans exercice et cantonné à Bamako.

Si l’on pouvait désigner un symbole de cette paix à construire, Kidal, « là où tout a commencé et là où tout devra finir », ironise ce membre de la Plateforme, serait celui-là. Ce bastion qui résiste à la souveraineté de l’État pourrait, si l’administration et l’armée y faisaient un retour effectif comme cela est prévu pour fin juillet, devenir un signal fort et un vecteur de paix. « Le gouvernement malien a fait de Kidal le symbole de la restauration de l’autorité de l’État. Tant que le drapeau malien ne flottera pas à Kidal, tant que l’armée ne sera pas de retour, il n’y aura pas de reconstruction de la paix. Or il faut se rappeler, que même lorsque l’État était présent à Kidal, la situation était loin d’être apaisée. Je pense donc que Kidal n’est qu’un symbole politique », objecte cet officiel européen proche du dossier. « Y a-t-il un autre endroit où l’on peut parler de paix dans ce pays ? », s’interroge Ilad Ag Mohamed, qui regrette cette focalisation sur la capitale de l’Adrar des Ifoghas. « Les gens sont plus préoccupés par les symboles que par la vie réelle et le quotidien des populations qui, elles, attendent toujours une attention particulière de la part du gouvernement ».

Pour Oumar Alassane Touré, président de la Coordination nationale du réseau des jeunes patriotes du Nord pour la paix et le développement, la question du Nord ne doit pas être gérée par le gouvernement mais directement de Koulouba, parce qu’il y a des choses sur le terrain qui ne peuvent être réglé sur le plan judiciaire et règlementaire. « Le président a le pouvoir discrétionnaire qui lui permet de réagir sur le plan institutionnel au niveau de la sécurité, de la justice. Un ministre, un préfet ou un directeur au niveau local, ne peut pas s’engager sur certaines choses, ils doivent toujours écrire, mais cela met parfois des mois, une année, pour être traité par les services techniques de l’État, c’est long et la question du Nord est urgente ». Pour le président de la coordination, le fait que les accords de paix aient été signés avec les leaders des mouvements armés qui n’ont pas ou peu de leadership sur le terrain, rend la population inaudible. « Ces leaders peuvent vous dire oui mais le lendemain il y a des attaques et des sabotages, ils ne contrôlent pas le terrain. Tous ces mouvements ont un commandement local, un chef de zone. Ce sont eux qui détiennent la réalité du terrain, sur le plan militaire et sécuritaire. À tout moment, ils sabotent ce que Bamako dit. Il faut une stratégie pour que les décisions prises à Bamako à destination des populations soient appliquées de manière automatique sur le terrain ». Une gageure quand on sait que les décisions de Bamako sont difficilement relayées au niveau des cercles, des communes, des villages car dans beaucoup d’endroits, les services techniques de l’État ne sont plus présents.

Cette instrumentalisation des populations par les groupes armés, les djihadistes mais aussi par les autorités traditionnelles voir par les partis politiques, sont autant d’obstacles qui contrecarrent le processus de paix. « Nous avons vu des gens de l’opposition politique venir dire aux jeunes, chez nous, de ne pas déposer les armes, parce qu’IBK ne contrôle pas l’État. Ils disent de garder les armes jusqu’aux prochaines élections et qu’on verra la situation après. Donc les jeunes, armés, continuent d’attaquer les gens dès qu’ils ont besoin de carburant ou de mouton à manger, car il n’y a pas de loi pour celui qui a faim », confie ce combattant de la région de Gao.

Obtenir la paix localement « Au Mali il y a deux grands problèmes, un problème de gouvernance et un problème d’impunité, il faut mettre un terme à tout cela, il faut que les gens comprennent qu’on est dans un État organisé avec des responsabilités et des lois qu’il faut respecter », estime Azarock Ag Innaborchad, président du CJA.

À cela s’ajoute des décisions trop centralisées à Bamako et déconnectées des régions. « La paix ne se joue pas qu’autour d’une table à Bamako avec des conseillers, à la télé ou dans les médias, mais aussi et surtout là où la population aspire au développement et au progrès. Il faut des actions concrètes, visibles sur le terrain à destination des populations. Il faut s’intéresser avant tout à ce qu’elles demandent. Ces populations seront les meilleurs conseillers du président », assure le leader du CJA.

La responsabilité seule des autorités maliennes ne peut cependant être désignée car pour le gouvernement de Bamako, la situation est aussi délicate à gérer, entre les problèmes locaux et les agendas des partenaires internationaux. « Aujourd’hui sur la zone Sahel et sur le Mali, au niveau international, vous avez au minimum 17 stratégies, et entre ces stratégies, vous n’avez aucune coordination, mais la même méthodologie », confie ce spécialiste de l’Afrique subsaharienne. « À un moment, il faut faire un virage à 360 degrés, voir et énumérer les problèmes au niveau local, ensuite au niveau national et international, pour essayer de les régler concrètement. Pour construire une paix durable au Mali, il faut renverser la table et travailler sans tarder sur ces aspects-là », préconise-t-il.

 

Koen Davidse : « La protection des civils incombe aux autorités maliennes »

Le mandat de la MINUSMA arrive à son terme le 30 juin prochain. Il sera renouvelé sans surprise pour une durée d’un an. Insécurité, force de réaction rapide, efficacité de la mission onusienne, Koen Davidse, Représentant spécial adjoint de la MINUSMA, a livré au Journal du Mali son point de vue sur ces questions d’importance, alors qu’une majorité de Maliens doute de l’impact réel des actions de la mission onusienne.

 Quel bilan faites-vous, au regard du processus de paix, de la situation sécuritaire au Mali et dans la région ?

La situation sécuritaire dans le Nord demeure fragile avec une recrudescence de l’activité des extrémistes violents et des éléments terroristes dans les régions centrales, ciblant entre autres des responsables étatiques et alimentant diverses tensions, notamment communautaires. Depuis juin de l’année dernière, 201 attaques ont été menées contre les forces maliennes, internationales et la MINUSMA, ainsi que contre les mouvements signataires. Par ailleurs, l’implication de certains de ces groupes au sein de réseaux criminels transnationaux, souligne l’urgente nécessité de contrer l’expansion du terrorisme dans la zone sahélo-saharienne. À cet égard, l’initiative du G5 Sahel de déployer une force conjointe au Mali répond aux défis sécuritaires transfrontaliers. Il convient de souligner que la responsabilité première d’assurer la protection des civils menacés de violences physiques incombe aux autorités maliennes.

Le mandat de la MINUSMA prendra fin le 30 juin prochain. Que peut-on attendre de ce nouveau mandat qui devrait lui être accordé ?

On ne doit pas s’attendre à des changements majeurs. Les principes clés et les objectifs sont clairs et inscrits dans le mandat actuel. Les rôles de bons offices du Représentant spécial et de la Mission sont appelés à se poursuivre dans le cadre des mécanismes de suivi et d’appui au processus de paix afin d’accélérer la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix. Par ailleurs la MINUSMA entend soutenir le PSIRC (Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre), mis en place par le gouvernement afin de faire face aux défis sécuritaires dans le Centre du pays et ceci en étroite concertation avec d’autres acteurs, notamment l’Union européenne. Une réflexion est sur le point d’être engagée sur un transfert progressif des responsabilités de consolidation de la paix aux autres membres du système des Nations unies, notamment des agences, en fonction de leurs avantages comparatifs et de leurs expertises.

Pourquoi la force d’intervention rapide n’est-elle toujours pas opérationnelle alors qu’elle devait être déployée en février ? Pouvez-vous nous dire quand elle le sera ?

Le déploiement du premier détachement de cette force de réaction rapide est prévu courant du mois d’août 2017. Il importe de rappeler que cette force a pour vocation, entre autres, de renforcer la protection de la population.

Le rôle de la MINUSMA est aussi de protéger les populations. Pourquoi n’y parvient-elle pas où plutôt pourquoi les populations ont l’impression qu’elle n’est pas là pour les protéger et remettent en cause son efficacité ?

La MINUSMA opère au quotidien dans un environnement particulièrement complexe et vaste. Pourtant, face à ces défis quotidiens, la Mission, par son engagement et ses actions, a évité à bien des égards, des dénouements tragiques. Ainsi, lors des combats entre les mouvements armés signataires aux abords de la ville de Kidal en août 2016, la MINUSMA a rapidement déployé ses moyens de surveillance et de force de maintien de la paix ainsi qu’un cordon sécuritaire, contribuant ainsi activement à la cessation des hostilités. Plus récemment, en mars 2017, la présence de certains groupes armés aux abords de la ville de Tombouctou a entrainé de la part de la MINUSMA un renforcement de ses capacités de surveillance, d’intervention, et de police en ville, contrant avec succès cette menace potentielle. Enfin, la recrudescence de la violence dans la région de Kidal, il y a dix jours, a conduit la Mission a déployer des patrouilles renforcées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, dans la ville de Kidal et à Aguelhok, destinées à apaiser les tensions et à protéger les civils conformément à son mandat. Il importe de rappeler que la protection des civils est l’affaire de tous. La MINUSMA ne saurait accomplir cette responsabilité seule. L’engagement des autorités maliennes et d’autres partenaires impliqués dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité est indispensable dans un cadre concerté.

Quelles voies et moyens préconisez-vous pour faire avancer la paix et la stabilisation dans le contexte actuel ?

Le dialogue constructif et inclusif, notamment à l’égard des femmes et des jeunes, est le seul moyen de faire face aux défis et d’avancer ensemble sur le chemin de la paix. Car il n’y pas d’autre alternative pérenne. La solution à la crise malienne est avant tout politique. Seule la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix peut assurer au Mali de renouer avec la nécessaire stabilité et prospérité.

Hervé Ladsous: La situation au centre du Mali préoccupe le Conseil de Sécurité

Le 1er avril 2017 prendront fin les fonctions de Hervé Ladsous à la tête des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le français a choisi Bamako pour entamer une tournée d’adieu. Au Mali, il a rencontré le personnel onusien mais aussi les autorités maliennes. Au terme de la visite, il a également échangé avec la presse, le 18 mars à l’Hotel Salam. Morceaux choisis.

La conférence d’entente nationale: « Il faut que la conférence d’entente nationale soit inclusive même si ce ne sera pas facile, du fait de la fragmentation de certains groupes signataire mais comme je l’ai dit lors de mes passages précédents, il va falloir se compter: qui est du côté de la paix et qui est contre la paix. Je pense que c’est un processus et dont l’aboutissement est proche.  »

La MINUSMA dans le contre-terrorisme aux côtés de Barkhane? :  « Le maintien de la paix  au sens onusien n’a pas vocation à déboucher sur des opérations anti-terroriste en tant que telle.  Nous opérons dans des milieux où opèrent les terroristes, il faut donc se prémunir de tous les moyens possibles mais notre vocation première n’est pas celle là ».

La MINUSMA déployée au centre du Mali? : « La question du centre, c’est quelque chose dont le Conseil de sécurité prend de plus en plus conscience. Et nous développons notre présence, notamment dans la région de Mopti, parce que nous devons appuyer la stratégie multidimensionnelle intégrée qui a été mise en place par le gouvernement malien pour rétablir la sécurité dans cette zone ».

Les relations avec les autorités maliennes : « On a eu certaines différences d’appréciation mais on les a chaque fois surmonter en en parlant en confiance, en amitié, et se mettant d’accord qu’il y a des choses qui peuvent aller plus vite, plus loin. C’est ce qui s’est produit l’an dernier à plusieurs reprises, nous avons regretté que le processus de mise en place de l’accord soit extrêmement lent mais maintenant je crois que les choses bougent. Le plus important c’est que les Nations Unies restent en accompagnement et en appui de nos amis maliens ».

Les missions dans le monde : » Nous sommes en train de fermer l’ONUCI en Côte d’Ivoire et contrat rempli. Si vous prenez la situation en 2010-2011 et aujourd’hui, il n’y a pas photo. On a fait le job et dans six à huit mois, le Conseil de sécurité va trancher et on verra si on va clôturer la mission au Libéria et plus tard, celle d’Haiti. Voila trois missions dans lesquelles les Nations Unies ont fait la différence. Il y a quelques jours à New York, on avait le président Touadéra de Centrafrique et là aussi comparer la situation à celle d’il y a trois ans, on arrive à progresser. Encore une fois, le maintien de la paix, c’est un projet politique que souvent nous avons à gérer alors qu’il n’y a pas vraiment de processus de paix. On est parti en Centrafrique bien avant le Forum de Bangui et on peut faire le même constat à propos du Soudan du Sud. C’est cela la difficulté et il faut s’y adapter parce que l’attente est grande. La statistique montre que quand une opération a été montée dans un pays en crise , il y a 60% de chances que le pays ne retombe pas dans la crise. J »espere que dans quelques années la MINUSMA perdra sa raison d’être parce que les Maliens eux-mêmes auront fait ce qu’il y a à faire pour sortir le pays de la crise. »

Maintien de la paix : un Français en cache un autre

Hervé Ladsous, chef des Opérations de maintien de la paix depuis le 2 septembre 2011, laissera son fauteuil à une autre diplomate français, Jean-Pierre Lacroix, en mars prochain. Au Mali, où les défis sont nombreux, pourra-t-il faire mieux ?

Cela fait plus de 20 ans que la France dirige le département des Opérations de maintien de la paix des Nations unies, un poste prestigieux s’il en est, qui lui permet de conserver une influence certaine au sein de l’ONU et en Afrique, où sont déployées la majorité des opérations. Et ce monopole n’est pas près de changer de main.

Hervé Ladsous a tenté durant ses six années à la tête de ce département budgétivore (son budget annuel est estimé à 9 milliards de dollars), d’y imprimer sa vision stratégique, avec quelques victoires comme en Côte d’Ivoire et au Libéria, et des cas beaucoup plus difficiles comme en Centrafrique, au Soudan du Sud et au Mali. Pour ce dernier, en quatre années, 118 soldats de la paix ont été tués, faisant de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) l’une des opérations de paix les plus mortelles, comme l’indiquait le Washington Post sur sa Une du 17 février. Ce constat soulève des questions sur la réelle efficacité de l’institution à maintenir la paix dans des zones du monde où les accords politiques sont fragiles, voire inexistants, et qui sont menacées par le terrorisme transnational de l’État Islamique ou d’Al-Qaïda.

Monsieur Ladsous et le Mali Les relations entre Hervé Ladsous et le Mali ont souvent été en demi-teinte, parfois emmaillées de saillies réciproques. Notamment en mai 2015, lors de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en l’absence de certains mouvements armés du Nord Mali, où une sortie du chef des Opérations de maintien de la paix, invitant les autorités maliennes à ne pas « profiter de l’accord pour attaquer ceux qui n’ont pas paraphé ou signé », avait récolté une réponse péremptoire du président IBK : « Nous ne sommes pas des gueux M. Ladsous, nous sommes des gens de bonne compagnie ». Un échange qui traduisait une certaine défiance du Mali, qui a toujours souhaité que la MINUSMA prenne une place plus offensive par rapport aux menaces sécuritaires qui le déchirent, alors que l’accord de paix peine toujours à se mettre en place.

Nouveau titulaire Alors qu’Hervé Ladsous est admis à faire valoir ses droits à la retraite depuis avril 2016, c’est désormais à Jean-Pierre Lacroix, 56 ans, qu’il incombera de relever le défi. Le nouveau chef des Opérations de maintien de la paix est un diplomate apprécié, fin connaisseur du système onusien puisqu’il était jusqu’à présent à la tête de la direction des Nations unies au Quai d’Orsay. Il aura la charge de répondre rapidement aux difficultés opérationnelles et au manque de matériels adaptés que connaît la force onusienne au Mali, de dynamiser la contribution des casques bleus chargés de maintenir la paix, de faire respecter le cessez-le-feu par tous les belligérants et de protéger ses soldats, avec, on le lui souhaite, plus de succès que son prédécesseur.

 

 

 

ONU : Jean-Pierre Lacroix, nouveau chef des opérations de maintien de la paix

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a annoncé mardi la nomination du diplomate français Jean-Pierre Lacroix comme nouveau chef des Opérations de maintien de la paix, pour une durée d’un an dans un premier temps.

Le responsable des Affaires politiques de l’Onu, l’Américain Jeffrey Feltman, va lui conserver son poste, également pour un an, le temps que l’organisation fasse le point sur son fonctionnement et sa structure interne. Ces deux postes de secrétaires généraux adjoints sont parmi les plus prestigieux aux Nations unies.
Jean-Pierre Lacroix, 56 ans, va prendre la suite de son compatriote Hervé Ladsous, qui va céder sa place le mois prochain après six ans en poste.

 M. Lacroix était jusqu’à présent directeur pour les Nations unies et les organisations internationales au ministère français des Affaires étrangères. Il va prendre la direction des opérations de maintien de la paix alors que l’Onu peine à digérer les différents scandales d’abus sexuels commis par des Casques bleus dans plusieurs missions en Afrique.

Les Etats-Unis, plus gros contributeurs aux opérations de maintien de la paix de l’Onu, songent à réduire leur contribution, qui compte à l’heure actuelle pour 29% d’un budget de 7,9 milliards de dollars en 2017.
M. Guterres a pris la suite de Ban Ki-moon le 1er janvier et a promis de réformer les Nations unies pour tenter d’améliorer leur capacité à résoudre les conflits et grandes crises internationales.

Le secrétaire général a précisé dans un communiqué qu’il avait mis en place une équipe qui effectuera un examen interne des stratégies de l’organisation, de son fonctionnement et de son architecture.
Cette équipe, dirigée par l’Erythréen Tamrat Samuel, soumettra ses recommandations d’ici le mois de juin.