Boubacar Tangara : « Kokè » exposé en France

Dessinateur par passion, Boubacar Tangara dit Kokè a dû mettre entre parenthèses cette vocation sous la pression familiale. Après des études de droit écourtées et un diplôme en multimédia, il laisse s’exprimer son talent. Après quelques expositions en Afrique et en Italie, il se prépare aujourd’hui  pour 3 accrochages en France.

C’est en 2016 qu’il se rend à l’évidence et décide d’emprunter « son propre chemin ». « Entre 2007 et 2016, je me suis dispersé », dit Kokè Tangara entre l’enseignement, la photographie et la réalisation. C’est lors de sa participation à la Biennale de Dakar 2016 que les commissaires de l’exposition arrivent à le convaincre de « rester artiste ». Il démissionne alors de l’entreprise où il était concepteur graphique. « J’ai commencé à créer. C’était dur, je galérais ». En 2017, il produit une centaine d’œuvres. Travailler encore et toujours « pour se faire  plaisir et avoir cette sensation de bonheur intérieur », c’est ce qui compte. L’argent ? « Souvent on est pressé d’en avoir, mais il faut être rigoureux et persévérant ».

C’est ce qui caractérise le parcours de ce jeune de 36 ans, simple et « entier », qui, après un bac en Sciences Humaines, s’inscrit en droit. En licence, il postule pour le Conservatoire Balla Fasséké Kouyaté, où il obtient  une spécialisation en multimédia en 2010. Remarqué par ses professeurs pour ses « talents en dessin », il participe dès 2008 à sa première Biennale de Dakar. Deux ans plus tard, il fait partie des révélations.

Il poursuit parallèlement la création et ses différents métiers. Avec le soutien de ses amis et de ceux qui le découvrent au fil des expositions, travaillant avec les matériaux accessibles, « papier et feutres », il produit au gré de ses envies. Ses sources d’inspiration sont l’être humain et sa complexité, la religion, l’environnement, le rapport de l’Homme avec son Créateur et avec « le Prophète de l’Islam » (PSL), auquel il a dédié un tableau. Une œuvre qui reprend l’initiale du nom en arabe du Prophète, « représenté dans un paysage agréable pour incarner l’Islam, religion de paix et de tolérance, et non d’intolérance comme nous le montrent actuellement les extrémistes ».

Kokè aime « magnifier les femmes », dont il fait des portraits réalistes avec  différents motifs, car elles « sont difficiles à cerner ». Pour ses 3 expositions en France, dont la première à Rouen du 23 février au 18 mars 2018, il espère se « montrer » et vendre ses œuvres, « pas seulement aux Européens, mais aussi aux Maliens ».

King Massassy : « Je définis mon travail comme l’Afrique de tous les jours »

Il est le seul Malien à l’honneur dans l’exposition In de la Biennale africaine de la photographie qui se tient actuellement à Bamako. Très éclectique, et après des succès dans le monde de la musique et de la comédie, King Fototala Massassy s’attaque à un nouveau défi. Entretien avec un artiste qui ne se fixe aucune limite.

Journal du Mali : Vous êtes très connu dans le monde du Hip-Hop et aujourd’hui on vous découvre photographe. Comment cela s’est-il fait ?

King Massassy : Je fais des photos depuis longtemps. Après mes tournées en Europe, j’achetais une voiture, je la conduisais jusqu’à Bamako et je prenais des photos que postais sur Internet. Un jour j’ai été contacté par Igo Diarra, de la galerie Médina, qui m’a dit qu’elles étaient belles. Il m’a ensuite envoyé vers une personne très expérimentée en la matière, Amadou Chab Touré. En 2015, j’ai été sélectionné pour l’expo « Focus on Mali », qui mettait en avant de jeunes photographes maliens. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans la photo, et j’y ai pris plaisir. Un des premiers appareils photo que j’ai acheté était un jetable, c’était à Montgomery, aux États-Unis. Je venais de discuter avec Rosa Parks et j’ai eu envie d’immortaliser ce que je vivais. Mais je ne me considère comme un véritable photographe que depuis huit mois.

Artiste, auteur, comédien, photographe : comment arrivez-vous à concilier tout cela ?

Pour moi, lorsque l’on sait lire et écrire, nous devons nous donner des possibilités, parce que nul autre ne nous les donnera. Un de mes oncles me disait « Lassine, tu n’es pas talentueux. Tu as 2% de talents, tu dois passer tout le reste du pourcentage à ne pas te reposer sur tes lauriers. Il faut travailler, avoir envie. L’animateur de l’émission G21, Amadou Diop, me disait que l’on naît tous artistes, mais que chacun choisit sa voie. J’aime bien cela. La meilleure manière pour moi de concilier tout cela, c’est de travailler. J’ai plaisir à travailler. Après, selon moi, on arrive à se développer comme on le peut. Je crois que si j’ai une longue vie, d’autres choses viendront.

Quelles sont les particularités de vos œuvres ?

Je prends souvent les gens sur le vif, dans la rue. Je fais beaucoup de contre-plongée, car cela veut dire pour moi, agrandir le sujet. Les personnes que je prends en photo sont pour la plupart des marchands ambulants, ceux qui ne demandent et n’attendent rien de l’État, qui n’ont pas fait 20 ans d’études pour un jour se poser et se présenter comme jeune diplômé sans emploi. Ma façon de photographier ces travailleurs, c’est comme si je me prosternais face à certaines personnes qui se lèvent sans rien demander, qui se battent, qui ne sont pas là à attendre que cela tombe du Ciel. Je fais aussi de la mise en scène, pour montrer l’Afrique qui est là, qui est grande et qui n’est pas dans les médias. Je définis mon travail comme l’Afrique de tous les jours en studio.

Que représente cette Biennale pour vous ?

Une porte, une chance, je dirai même un don. Je ne m’attendais pas à être choisi parmi les photographes maliens, parce que je suis encore un nouveau photographe. Cette Biennale, c’est la boite de Pandore. Soit tu travailles et tu avances, soit tu as eu ta chance et tu te reposes sur le fait d’avoir tout juste été sélectionné et que le reste viendra du Ciel. Non, il ne faut rien attendre, il faut aller le chercher.

Le Mali a eu d’éminents photographes, leur travail vous inspire-il ?

Complètement. On parle de Malick Sidibé, de Seydou Kéita, mais aussi d’Akin Bode Akinbiyi du Nigeria. On ne part jamais de zéro, on s’inspire tout temps de quelque chose et ces personnes-là m’inspirent. Je résume un peu ma vision de la photo au fait que je prends dans le passé pour travailler le présent, dans lequel je suis, puis pour entrebâiller une porte vers un futur proche ou lointain. La photo est un art incroyable et l’un de mes plaisirs est de m’inspirer de tout le monde et de m’incruster au milieu de la porte laissée ouverte.