Kidal : le pari Gamou

Nommé le 22 novembre dernier Gouverneur de la région de Kidal après la reprise de la ville par l’armée malienne, El Hadj Ag Gamou est très attendu pour assurer la continuité du contrôle et de l’autorité de l’État dans la zone. Mais, pour y arriver, le Général touareg doit relever certains défis.

Deux semaines après sa nomination, le Général El Hadj Ag Gamou a quitté Bamako le 5 décembre 2023 pour l’Adrar des Ifoghas. Sa délégation a fait escale à Gao, où il a prêté serment dans la foulée.

Avant de s’envoler pour Kidal, le nouveau Gouverneur de la région a rencontré à Bamako les plus hautes autorités de la Transition, dont le Colonel Assimi Goïta. « Il a mis cette période à profit pour des rencontres avec différents ministres pour acquérir les conseils et orientations autour de ce qui l’attend. Toute cette organisation faite à Bamako, avec l’ensemble de son cabinet, entre en droite ligne avec le programme qui lui a été confié », affirme une source proche du général Ag Gamou.

Le nouvel homme fort de la région de Kidal a annoncé les couleurs de sa mission à sa sortie d’audience avec le Président de la Transition, le 24 novembre 2023. « Je vais tout faire dans l’intérêt général de la population de Kidal, faire venir tous les services sociaux de base et faire en sorte que la population de Kidal, qui a été trop fatiguée par l’insécurité, revienne chez elle et que cette région soit une région normale, comme toutes autres de la République du Mali », a-t-il promis.

Choix stratégique

L’une des principales missions assignées au Général Ag Gamou à Kidal est la consolidation de la cohésion sociale, qui passe par la réconciliation et le retour des déplacées dans la région. Issu de la fraction Imghad, dans une zone où la chefferie traditionnelle est détenue par les Ifoghas, dont sont issus la plupart des rebelles de la CMA, le nouveau Gouverneur pourrait toutefois se heurter à un rejet d’une partie des Kidalois. Contactés, les cadres de la CMA ont d’ailleurs préféré ne pas réagir à sa nomination.

Mais Alhassane Ag Hamed Ahmed, membre du Conseil communal des jeunes de Kidal, qui soutient que les Imghads et les Ifoghas de Kidal « cohabitent très bien » et qu’il n’y a « jamais eu une rivalité grave entre ces deux fractions », pense que le choix des autorités de la Transition porté sur El Hadj Ag Gamou est le bon. « Il a l’esprit d’un bon leader et, à la différence des Gouverneurs précédents, il connait bien le terrain », glisse-t-il, mettant tout de même l’accent sur l’appui indispensable du gouvernement dans la réussite de sa mission. « Les gens de Kidal n’ont pas peur de Gamou et ils le connaissent mieux que beaucoup d’autres, à Bamako ou ailleurs. Il faut qu’il ait l’appui des autorités mais aussi la pleine latitude de décider et de proposer des initiatives en tant que militaire », préconise-t-il.

Pour le géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel Dr. Alpha Alhadi Koïna, le Général Ag Gamou possède des atouts et dispose de plusieurs leviers pour réussir la réconciliation et le retour des déplacés à Kidal.

« Gamou est un symbole. Il est aussi un des cadres Touaregs qui appelle à la paix et qui a la confiance des plus hautes autorités. La majorité des Touaregs sont des Imghads. Si c’est Gamou qui les appelle à retourner à Kidal, je pense que ce sera plus écouté que si c’était fait par d’autres personnes », analyse-t-il.

Ménaka impactée ?

La nomination du Général Ag Gamou à Kidal pourrait impacter la situation sécuritaire dans la région de Ménaka, d’où il est originaire et où lui et ses hommes du Groupe d’auto-défense Imghads et alliés (GATIA) jouent un rôle-clé dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Pour l’heure, les forces du Général Gamou y sont toujours, mais il n’est pas exclu qu’elles se déplacent vers Kidal avec l’installation du nouveau Gouverneur.

« À Ménaka, cette nomination est plutôt bien vue. Même si certains membres du GATIA de Ménaka se déplacent vers Kidal, il n’y a pas que le GATIA dans la zone. Il y a aussi le MSA de Moussa Ag Acharatoumane, qui va rester », relève Dr. Koïna.

Mais une telle situation favorisera-t-elle la multiplication d’attaques terroristes dans la région de Ménaka, qui vient par ailleurs d’être visée, avec les localités de Labbezagan, Gossi et Tessalit, le 3 décembre dernier ?

« Je pense que les groupes extrémistes et les rebelles vont plutôt chercher à déstabiliser l’armée dans d’autres zones que Ménaka et Kidal », estime l’expert.

GSIM – MSA : ce qui se joue derrière « l’alliance» de circonstance

Un peu plus de deux ans après sa dernière apparition, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaïda, Iyad Ag Ghaly, s’est montré dans une vidéo le 22 janvier dans la région de Ménaka. Selon plusieurs sources, il y était pour accepter l’allégeance de notables issus de tribus de la zone et membres du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA). Ce ralliement, qui conforte un peu plus l’ancrage Al-Qaïda dans la zone, pourrait affaiblir le MSA et présager de nouveaux combats contre le groupe État islamique.

Selon nos informations, ces nouveaux membres du GSIM sont des notables de la communauté Daoussahak de la région de Ménaka. Une communauté issue de la tribu Tamasheq géographiquement présente dans une grande partie de la région de Ménaka et une partie du cercle d’Ansongo.

L’État islamique au Grand Sahara Sahel (EIGS) mène une offensive dans la région de Ménaka depuis mars 2022. Cette offensive, qui a conduit à des affrontements armés avec le GSIM, a occasionné des attaques non seulement contre les civils daoussahaks mais aussi contre les groupes armés, dont le MSA.

Systématiquement ciblés par l’État islamique depuis mars dernier (plusieurs tués) ceux-ci auraient préféré s’allier à « l’ennemi de leur ennemi », le GSIM, pour se défendre contre ces attaques.

L’analyste sécuritaire Ibrahim Maiga expliquait dans nos colonnes en avril dernier que les divergences entre les Daoussahaks, qui constituent le fer de lance du MSA, et la communauté peul Tolebe, fortement représentée au sein de l’EIGS, alimentaient le conflit entre le MSA et l’EIGS, au-delà des querelles d’ordre idéologique entre les deux camps.

« Ces derniers mois, ils (la communauté Daoussahak, ndlr) ont été meurtris par les attaques des groupes djihadistes, en l’occurrence l’État islamique. Pour sauver leur tête ils ont adhéré au GSIM. Iyad Ag Ghaly serait dans la zone depuis un moment et ils ont profité de cette présence pour lui prêter allégeance », explique Abdoul Nassir Idrissa, journaliste de la région. Il précise que ce n’est pas l’aile politique du MSA, mais plutôt « des notables, des chefs de tribus et fractions qui se sentent chaque jour persécutés ».

Le MSA impacté ?

Cette allégeance d’anciens membres du MSA au chef du GSIM n’a que peu surpris. Mais elle aura plusieurs implications dans l’évolution de la dynamique des forces en présence sur le terrain dans cette zone en proie à des combats pour son contrôle depuis des mois.

« Iyad Ag Ghaly marque sa présence à Ménaka. On sait tous qu’Al-Qaïda y était présent, mais d’une manière très timide, et c’est à la faveur de la guerre avec l’État islamique que le groupe s’est impliqué de plus en plus là-bas, à cause des échecs des autres factions face à l’État islamique. C’est sa façon à lui de montrer qu’il est soutenu dans la guerre contre l’État islamique », analyse une source spécialiste des mouvements djihadistes.

Si le chef terroriste y gagne dans l’ancrage d’Al-Qaïda dans la région de Ménaka, le MSA en revanche risque de s’affaiblir et de voir son influence réduite sur le terrain. Selon Abdoul Nassir Idrissa, la jeunesse daoussahak, qui constitue la branche armée du MSA, pourrait le déserter au profit du GSIM et le MSA pourrait devenir une coquille vide.

« Ces notables vont donner la majorité des jeunes daoussahak du MSA au GSIM et donc à Iyad Ag Ghaly », craint-il, soulignant aussi que le ralliement aux groupes terroristes de certains membres des groupes armés pro-gouvernement va créer « d’autres situations plus compliquées » sur le terrain.

Combats en vue

En relative accalmie depuis quelques semaines, les combats entre le GSIM et l’EIGS dans les régions du Nord pourraient reprendre très prochainement. Ce qui justifierait le renforcement des rangs du GSIM, qui, tout comme le groupe rival, a perdu beaucoup de combattants.

Dans une lettre attribuée à l’émir du GSIM de la région de Tombouctou en date du 16 janvier, ce dernier demande aux habitants de la localité d’Acharane (10 km de Tombouctou) de quitter les lieux pour ne pas être des victimes collatérales lors d’éventuels futurs affrontements.

Zone des trois frontières : insécurité grandissante

Entre les affrontements des groupes armés et la multiplication d’actes de banditisme, les régions de Gao et de Ménaka, dans le nord du pays, font face depuis un moment à une situation sécuritaire précaire. Si les attaques terroristes d’envergure y surviennent moins ces dernières semaines, les populations de cette partie du territoire national sont de plus en plus livrées à une insécurité grandissante.

Enlèvements, assassinats ciblés, braquages. Cela sonne comme du déjà entendu à Gao. La région croule sous le poids de l’insécurité, qui va grandissant ces dernières semaines. « Sur la route Gao – Ansongo, ce sont des braquages à n’en pas finir. C’est pareil sur la route Gao – Bourem. Dans la ville, ce sont aussi les braquages, les assassinats, les enlèvements qui se multiplient. À part la commune urbaine de Gao, aucune localité n’est en sécurité. Tout le monde peut se faire tuer ou enlever à tout moment sans qu’il n’y ait de représailles contre l’ennemi », se désole Abdoul Karim Samba, Président de la Coalition des anciens des mouvements et organisations de la résistance civile de Gao (CAMORC Gao).

Sombre atmosphère

Le 1er novembre 2022, des hommes armés à moto ont attaqué un car de transport en commun. Bilan : 3 morts, dont un enfant de 5 ans victime d’une balle perdue. Le jour suivant, sur le même tronçon Gao – Ansongo,  tous les cars à destination d’Ansongo et du  Niger ont été pris pour cibles et les passagers dépouillés de leurs biens.

Six  jours plus tard, un conducteur de moto tricycle revenant du travail a reçu une balle à l’épaule et a été dépossédé de son engin par des individus armés. Quelques jours plus tôt, le chef du village de Bara, enlevé, avait été exécuté après que les ravisseurs aient demandé une rançon de 25 millions de francs CFA et fixé une date pour que cette somme soit mobilisée. La famille avait juste quelques heures de retard, à en croire M. Samba.

« Les gens dorment avec beaucoup d’inquiétude. Même chez vous, quel que soit le lieu où vous  êtes, même dans votre chambre, on peut venir vous trouver, prendre vos biens et vous tuer », dépeint-il, assurant que même le bétail n’est pas épargné. « Tout le bétail aujourd’hui sur les tronçons Gao – Ansongo et Gao – Bourem a été enlevé par des hommes armés, vers des destinations inconnues ».

Selon Abdoul Idrissa de « Kala A Ma Harandi », un collectif de journalistes-militants de la région de Gao, la raison principale de cette insécurité est tout simplement l’absence de l’État. « Les forces armées et de sécurité sont campées uniquement dans les grandes villes, à Gao, Ansongo, Labbezanga. Quand vous quittez Gao, à partir du checkpoint c’est fini, c’est le no man’s land jusqu’à Ansongo. L’État ne parvient pas jusqu’à présent à occuper tout le territoire, à part les grandes agglomérations », regrette-t-il.

Face à cette situation « d’inquiétude et d’incertitude », des organisations de la société civile de la région de Gao ont formulé le 18 octobre dernier des recommandations à l’endroit du Président de la transition, le Colonel Assimi Goita, et aux autorités régionales. Parmi lesquelles, entre autres, l’interdiction de la circulation d’armes et de tous les véhicules non immatriculés et non identifiés dans la ville de Gao, le contrôle systématique des conducteurs de tous les motos de type 125 cylindres et la réinstallation des checkpoints sur les grandes artères des villes.

Pour protester contre « la montée en puissance de l’insécurité dans le cercle d’Ansongo, les attaques régulières de l’État Islamique au Grand Sahara contre les populations civiles sans défense, les attaques à main armée, les assassinats ciblés, les braquages sur les axes routiers et les enlèvements de personnes et bétails », le Comité local de la société civile d’Ansongo, dans la région de Gao, a appelé à une désobéissance civile de  48 heures les 8 et 9 novembre, fermant les services étatiques, les structures de l’éducation et les trois entrées et sorties de la ville d’Ansongo, les routes menant vers  Ménaka, Gao et Niamey.

Aux mêmes dates, les Coordinations régionales de Gao des centrales syndicales UNTM, CSTM et CDTM ont décidé d’un arrêt de travail de 48 heures dans la région, durant lesquels tous les services publics et privés ainsi que les écoles ont été fermés.

Réponses insuffisantes

Pour faire face à l’insécurité dans la région de Gao, les autorités prennent des mesures, même si l’entièreté des recommandations de la société civile issues de la Déclaration dite de Gao du 18 octobre 2022 n’est pas encore effective.

Le 29 octobre dernier, une patrouille mixte d’envergure, dénommée «Dougoubasigui», regroupant au total 2 018 éléments des Forces de défense et de sécurité issues de l’Armée de terre, de la Garde nationale, de la Gendarmerie, de la Police et de la Protection civile a été lancée à Gao. Les checkpoints ont été également multipliés dans la ville. Bilan, pendant ces jours plusieurs véhicules non identifiés et des armes de guerre ont été saisis.

Abdoul Karim Samba fait partie des auteurs de la « Déclaration de Gao ». Il salue cette patrouille mixte d’envergure, qui « a donné des résultats et continue d’en donner », mais estime « qu’il reste encore beaucoup à faire ».

« Les malfaiteurs ont tellement gagné de terrain et ont tellement de stratégies que quelle que soit la réponse mise en place pour les contrecarrer ils trouveront d’autres manières de mener d’autres actions, plus isolées. Ce qui fait que la panique et le désordre continuent à faire effet sur les populations », souligne-t-il.

Pour le Colonel Souleymane Dembélé, Dhef de la Direction de l’information et des relations publiques des armées (DIRPA), parler de sécurité à Gao est « un peu compliqué ». « Ce n’est pas du terrorisme. Les individus se cachent derrière le terrorisme pour s’adonner à des actes de banditisme. C’est un peu délicat », confie-t-il, appelant les populations à coopérer avec les forces de défense et de sécurité.

« L’armée ne peut pas arriver à bout de cette insécurité sans la population. On pense que la sécurité est du seul ressort des forces de défense. C’est vrai, nous, nous venons en appui, mais la sécurité commence par les individus d’abord. L’armée ne peut pas faire du porte-à-porte », poursuit le chef de la Dirpa.

Mais, vu sous cet angle, Abdoul Karim Samba souligne la complexité, voire l’impossibilité, pour les populations de la région de Gao de signaler les hommes armés aux forces de défense et de sécurité. « Les populations ont peur. Aujourd’hui, par exemple, si quelqu’un est enlevé, sa famille engage des pourparlers avec ses ravisseurs sans passer par l’État. L’État aussi ne s’intéresse pas à cela. La famille mobilise le montant réclamé par les bandits et la personne est relâchée avec pour condition que cette dernière ne parle pas. Donc la personne libérée se tait et ne peut rien dire », explique-t-il, dénonçant des « complicités internes avec les ravisseurs qui savent qui enlever pour avoir gain de cause ».

« Nous sommes dans une situation de sauve-qui-peut. L’information ne peut plus remonter au niveau des forces de défense et de sécurité. La personne qui va remonter l’information ne va pas se sentir en sécurité. Du coup, même si elle voit le danger qui guette, elle ne peut pas parler et préfère se taire. D’un autre côté, la confiance n’existe plus au sein de la population, chacun ne sait plus qui est qui », dit-il.

Affrontements de groupes armés

Si l’insécurité dans la région de Gao est caractérisée par des actes de banditisme sans attaques terroristes d’envergure ces dernières semaines, la zone est aussi en proie à des affrontements entre groupes terroristes et groupes armés défendant la région.

Le 31 octobre dernier, selon la Plateforme des Mouvements du 14 juin d’Alger, « des éléments lourdement armés de Daech ont fait irruption dans le campement d’Ahina, dans la commune d’Anchwadj (région de Gao) ». « Une unité du Groupe d’Autodéfense Touareg, Imghads et Alliés (GATIA), qui patrouillait dans la zone, aussitôt informée, a lancé une offensive sur les assaillants. Après d’intenses combats, qui ont duré plusieurs heures, les malfrats ont été défaits avec une quinzaine de morts dans leurs rangs », a indiqué son communiqué, qui déplorait également la mort de 9 de ses combattants et de 4 civils lors de ces affrontements.

Dans la région voisine de Ménaka, les mêmes affrontements sévissent depuis le mois de mars et se sont intensifiés début octobre, pendant plusieurs jours, après des semaines d’une relative accalmie. Dans des communiqués de revendication authentifiés par le site spécialisé américain SITE, l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) a indiqué avoir tué 40 combattants du Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), tandis que ce dernier, qui reconnait avoir perdu une trentaine d’hommes, a affirmé avoir tué 70 hommes de l’EIGS.

L’offensive de l’EIGS, qui n’épargne pas les civils de plusieurs villages de la région de Ménaka a occasionné des déplacements massifs des populations vers les villes de Ménaka, de Gao ou encore de Niamey, au Niger. Des déplacements dans lesquels Abdoul Karim Samba soupçonne des « infiltrations d’individus mal intentionnés, parce que depuis l’insécurité a augmenté à Gao », accuse-t-il.

Ménaka : les cours suspendus suite à l’assassinat d’un enseignant

La synergie locale des syndicats de l’éducation de Ménaka a décider d’arrêter les cours du jeudi 10 novembre au mardi 15 novembre inclus. La synergie explique cette décision par les assassinats de leur collègue Sidi Ag Assoulta, conseiller au CAP de Ménaka et de son fils à leur domicile le mercredi 9 novembre. Aux autorités de la région, la synergie l’ouverture d’une enquête impartiale afin d’arrêter les auteurs, la sécurisation des enseignants et de leurs familles ainsi que la sécurisation de l’espace scolaire. La région de Ménaka est en proie depuis le mois de mars à une grande insécurité avec une offensive de l’Etat Islamique au Grand Sahara. Les combats font rage depuis quelques entre l’EIGS et le JNIM pour le contrôle de plusieurs localités.

Ménaka: pourquoi l’EIGS et le GSIM convoitent la région ?

La région de Ménaka est le théâtre d’affrontements, depuis le mois de mars, entre deux nébuleuses terroristes, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), branche sahélienne du groupe État Islamique, et le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaeda. Les combats ont repris ces derniers jours, avec, selon nos informations, des victimes dans les deux camps. Pourquoi cette région est-elle autant convoitée par les deux groupes rivaux ?

« Des affrontements entre Jnim et Daech signalés cet après-midi au sud-ouest d’Insinsnane », a alerté sur Twitter le 29 octobre Fahad Ag Almahmoud du Groupe d’auto-défense Touareg, Imghad et alliés (Gatia), Président de la plateforme du 14 juin 2014 d’Alger.

À l’en croire, ces affrontements entre les deux organisations, qui « restent extrêmement puissantes sur le terrain et ont reçu des renforts de partout », ont tourné en faveur du GSIM, qui a fait son entrée à Anderamboukane le 30 octobre, alors que les renforts de Daech s’étaient regroupés à Tadjalalte, 30 km à l’ouest.

Zone « libre »

Pour Abdoul Nasir Idrissa de « Kala A Ma Harandi », un collectif de journalistes-militants de la région de Gao, observateur de l’évolution depuis plusieurs mois des conflits entre les deux groupes terroristes dans la zone, les affrontements s’inscrivent une logique de de positionnement. « Chacun des deux groupes veut avoir la mainmise sur Anderamboukane, ce qui fait une entrée directe sur le Niger », soutient celui qui pense que l’intérêt et la convoitise de la région de Ménaka sont dus à la libre circulation qu’elle offre.

« La zone de Ménaka est une zone carrefour, où l’on peut facilement se cacher dans des forêts. À partir de Ménaka, vous avez une ouverture sur Kidal, jusqu’à l’Algérie et également sur le Niger. La zone de Talataye, dans le cercle d’Ansongo, jusqu’à Anderamboukane, est également une zone où l’on peut circuler librement. L’espace est vide, sans présence militaire », explique-t-il.

Assurer l’autofinancement

Dr. Aly Tounkara, Directeur du Centre d’études stratégiques et sécuritaires au Sahel (CE3S) pense pour sa part que la recrudescence des conflits dans la région de Ménaka est en partie due aux mésententes entre groupes armés dans la zone. « Les groupes armés eux-mêmes, qu’ils soient signataires de l’Accord pour la paix ou pas, peinent à s’accorder sur l’essentiel dans la région de Ménaka, contrairement à des localités comme Kidal, où l’on a quand même une prééminence de la CMA », indique-t-il.

Par ailleurs, selon lui, chacun des groupes cherche à contrôler ce territoire parce que lorsque ce contrôle est acquis, « on a par ricochet les populations avec soi, la mainmise sur tout ce qui est mobilité en termes d’escorte, les cartels de la drogue, même les voies clandestines qui mèneraient à la migration irrégulière, des aspects qui permettent entre-autres aux groupes de s’autofinancer ».

Le spécialiste des questions de sécurité souligne que les clivages ethniques et les tensions entre les communautés dans cette région attisent également les affrontements, que ce soit entre l’EIGS et le GSIM ou entre l’un des deux et les groupes armés de la zone.

En avril dernier, au plus fort des affrontements qui opposaient l’EIGS au Mouvement de soutien de l’Azawad (MSA), qui tentait de contrer l’offensive de l’État Islamique, Ibrahim Maiga, spécialiste sécuritaire et ancien chercheur à l’ISS Africa, expliquait dans nos colonnes que ces affrontements se nourrissaient d’une longue conflictualité, qui s’était établie dans cette zone frontalière entre certaines communautés.

Rebondir après Talataye

Pour certains observateurs, la reprise récente des combats entre l’EIGS et le GSIM dans la zone de Ménaka s’expliquerait aussi par une volonté de revanche des hommes d’Iyad Ag Ghaly, suite à leur « défaite » à Talataye, dans le cercle d’Ansongo, début septembre.

Une défaite qui, selon une source citée par l’Agence de presse africaine (APA News), a « terni l’image du GSIM et a consolidé le mythe d’invincibilité de l’EI, d’où une mobilisation du GSIM depuis quelques semaines pour cette grande offensive, pour réarmer moralement ses combattants, affectés par cette défaite ».

Ménaka : Accord CMA – Plateforme pour un retour au calme

Après une hausse des tensions mi-décembre entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 d’Alger, due à la mort d’un officier du MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad) dans un accrochage à Andéramboukane, les deux coalitions sont parvenues dimanche 12 janvier à Ménaka à la signature d’un document contenant des « arrangements sécuritaires » pour la région. Mais, si cet accord est salué des deux côtés, sa mise en œuvre sera à suivre de près.

« Faire la lumière sur le regrettable incident d’Inchinanane, survenu le 21 décembre 2019, et recourir aux mécanismes coutumiers de gestion des conflits », mettre en place des « patrouilles mixtes dans le cadre de la lutte contre le banditisme et la criminalité » et organiser des « campagnes de sensibilisation en vue du renforcement de la cohésion sociale et du vivre ensemble à travers toute la région » sont quelques-unes des résolutions que les deux parties se sont engagées à appliquer.

« Vu la situation à Ménaka, cet accord permettra de faire baisser les tensions et d’éviter l’affrontement entre les parties. Quels que soient les problèmes ou les dissensions qui ont été évoqués entre elles, mieux vaut finir par un accord, aussi mauvais soit-il, qu’une guerre entre les parties », se réjouit Daouda Maïga, Gouverneur de la Région de Ménaka.

« Le fait que ces deux coalitions soient arrivées à une entente va conduire à une cessation des hostilités et donc à un retour au calme », souligne-t-il.

Accord et après ?

Si une chose est de parvenir à un accord, mettre en œuvre les résolutions qui en sont issues en est une autre. Mais les acteurs des deux groupes armés semblent prêts à les traduire en actes.

En ce qui concerne les patrouilles mixtes, Ag Hamadouna, chargé de la Communication du GATIA, membre de la Plateforme, affirme que les choses seront bien coordonnées pour y parvenir.

« Nous avons un état-major à Ménaka, la CMA également. Nous allons donc organiser une autre rencontre après, avec les autorités et les Famas, pour concrétiser ces patrouilles » indique-t-il.

« Aujourd’hui, la situation est décantée. Il y a moins d’ardeur à aller à la violence. Nous allons continuer les discussions pour la mise en œuvre effective des résolutions et nous avons grand espoir d’y parvenir », relève également  Attaye Ag Mohamed, chargé des Questions de droits de l’Homme à la CMA.

Germain KENOUVI

Désenclavement : Dans l’attente des chantiers

Longtemps accessible par la voie ferrée, la région de Kayes n’entend plus siffler le train depuis quelques années et la route qui la relie à la capitale « a  pratiquement  disparu ».

Si la mobilisation a conduit à un début de solution pour la route, les cheminots fondent beaucoup d’espoir sur les « démarches »  en cours pour relancer le chemin de fer, convaincus que ces deux voies sont complémentaires et indispensables pour le désenclavement de la région.

« Avec le trafic actuel, les routes peuvent difficilement tenir au-delà de 3 ans. Il faut donc des trains pour soulager la route », soutient Bolidjandjan Keïta, le Président des Conducteurs de train de la société Dakar Bamako Ferroviaire (DBF), coordinateur traction.

Même si la situation a peu évolué depuis la fin de leur grève de la faim, le responsable syndical reconnait « la bonne volonté » des autorités. Mais malgré le paiement de 4 mois de salaire, ils sont aujourd’hui « revenus à 8 mois de salaires impayés », déplore-t-il.

Sur l’évolution du chantier des rails, il note cependant des progrès. « Sur le tronçon sénégalais, il y avait un pont qui était hors d’usage. Il a été réparé et la réception doit avoir lieu dans les jours à venir ».

De lents progrès

À Bamako, l’administrateur  de la  DBF chargé de gérer la phase transitoire souhaite également lancer les travaux de réfection de la voie ferrée. Une étape essentielle attendue avec beaucoup d’espoir.

Cependant, des avancées réelles ne pourront être enregistrées que lorsque les 12 voitures commandées, ce qui n’est pas encore le cas. « Si la volonté des États accompagne l’administrateur, nous avons espoir dans  la reprise », souligne M. Kéïta.

Lors de la nomination de l’administrateur, en 2018, il avait été demandé au Mali et au Sénégal de verser 10 milliards chacun pour relancer les travaux.

Dans le schéma actuel, il a été décidé de renoncer à ce montant et demandé à chaque partie de jouer son rôle, notamment en payant les travailleurs en attendant cette relance.  Ce qui est le cas au Sénégal mais pas encore au Mali.

À Ménaka, c’est un autre projet qui fait naître l’espoir, celui de la route qui liera la région au reste du Mali et à la frontière avec le Niger, d’où vient la plupart de « ce qui est consommé ici », assure Harouna Ibatane Yattara, le Président du Mouvement des jeunes de Ménaka.

« Ce projet fait partie des actions prioritaires de l’alliance G5 Sahel (2019 – 2021) ». Et les autorités ont promis de faire tout pour accélérer le plaidoyer autour de la construction de cette route », conclut M. Yattara.

Barkhane: Immersion à Ménaka

Présente à Ménaka depuis plus d’un an pour lutter contre les groupes armés terroristes, la force Barkhane représente, dans cette région stratégique, une arme redoutable. Ses actions sur le terrain, en partenariat avec les FAMAs, la Minusma, les forces de sécurité et certains groupes armés, ont permis d’instaurer depuis quelques mois une relative accalmie dans la ville. Immersion avec une force qui mise parallèlement sur des actions de développement pour un retour à la normale.

Ménaka. 23 février. Il est 16 heures quand l’avion se pose sur une piste en latérite, à une centaine de mètres du super camp de la Minusma, qui abrite les forces armées maliennes et la base opérationnelle avancée de la force Barkhane. Un vent poussiéreux souffle sur toute la zone. Un camion de Barkhane pour le transport de l’équipage est déjà stationné, sécurisé à 360° par des véhicules blindés légers. Le convoi pénètre quelques minutes après dans la base de Barkhane, dont la voie d’accès passe par la Minusma. De véritables fortifications se présentent sous nos yeux. Des postes de défense, des BRDM, des véhicules blindés, des avions, des militaires armés sont installés dans cette zone, soigneusement  épargnée des regards indiscrets.

À l’intérieur de la base, l’ambiance est particulière. Des tentes en bâches sont dressées, des douches et toilettes de campagne aussi. À quelques mètres, le drapeau de la France flotte à côté de celui du Mali. « Bienvenue sur le camp français de Ménaka. C’est assez exceptionnel d’accueillir autant des journalistes sur une base militaire, donc nous sommes forcément obligés de respecter certaines consignes de sécurité », explique  le lieutenant Léopold, officier de presse. Au même moment, un hélicoptère survole de camp. C’est dans ce labyrinthe que se préparent les opérations communes et les patrouilles, souvent avec les forces armées maliennes ou avec la Minusma. Mais aussi des opérations d’envergure contre les groupes armés terroristes (GAT). Une vie rustique, dans un environnement aux aléas difficiles. Déjà,  le soleil rougeâtre cède la place à l’obscurité.  

L’éternel combat pour la sécurité

À Ménaka ou Minika (Où allons-nous en tamasheq), la force Barkhane entretient un partenariat solide avec les forces armées maliennes. Les deux armées mènent régulièrement des patrouilles communes dans la ville. Dimanche 24 février. Alors que la nuit a été froide, les premiers rayons du soleil annoncent le début d’une journée de forte chaleur. Sur la base de Barkhane, le dispositif se met en place pour une patrouille commune avec les FAMAs dans Ménaka. Le convoi se met en marche et quelques instants après, toujours à l’intérieur du super camp, deux pick-up des Famas, équipés d’armes lourdes, rejoignent le cortège. Au dehors, un premier arrêt au commissariat de police de la ville, de l’autre côté de la route nationale. Les bâtiments avaient  été occupés suite à la rébellion de 2012 par des groupes armés. Rénovés par la Minusma, ils sont redevenus opérationnels en décembre 2017, avec un effectif d’une vingtaine d’éléments. Selon le capitaine Alhousseyni Ag Annaib, chef du commissariat, la conjoncture sécuritaire s’est améliorée depuis, même si les défis sont considérables. « Il y a du calme aujourd’hui. La situation sécuritaire à Ménaka n’est pas seulement d’ordre terroriste, elle est mise à mal surtout par les conflits intercommunautaires », souligne-t-il. « Nous avons obtenu la participation des groupes armés, qui montre leur volonté d’aller vers la paix.  Cette dynamique fait qu’avec les  FAMAs et les forces étrangères, ils patrouillent ensemble pour sécuriser les populations, d’où une certaine tranquillité », ajoute-t-il. L’établissement bénéficie, outre de l’appui de la MINUSMA, de celui de  la force antiterroriste. « Barkhane nous a installé des postes de combat sur le toit et dans les alentours, mais aussi des fils barbelés. Nous avons  mis en place avec les FAMA, Barkhane et la Minusma un poste de coordination d’opérations tactiques, ici au commissariat », se réjouit le capitaine, avant d’ajouter « sans la France nous n’en serions pas là ». Il reste cependant que l’action de ces forces de sécurité intérieures est très limitée dans une ville où tout le monde peut s’arroger le droit de porter des armes. Il déplore l’insuffisance des moyens humains et matériels. « La police ici, est militaire et donc nous avons besoin de moyens militaires. Quand on va attaquer le commissariat avec des moyens militaires, ce n’est pas avec du gaz lacrymogènes que nous allons pouvoir nous défendre », argumente sereinement le chef de la police judiciaire.

En plus de son appui aux forces de sécurité, c’est véritablement avec les forces de défense que Barkhane collabore de façon quotidienne. « Nous faisons des patrouilles avec Barkhane, mais aussi avec la Minusma et les groupes signataires de l’Accord, comme le GATIA et le MSA », témoigne le sergent Aboubacar Traoré, chef  de l’équipe en patrouille des Famas.

En visite à Ménaka le 25 février, le commandant de la force Barkhane, le Général Fréderic Blachon, a rappelé tout son intérêt pour la région. « Tout commence par la sécurité. En venant ici, c’est l’occasion pour moi de vous montrer à combien la force Barkhane estime essentielle la sécurité de cette ville. Ce que je suis en train de faire en ce moment, au côté d’un gouverneur, je le fais peu, et peut être pour la seule et unique fois au cours de mon mandat », affirme-t-il. « En 2018, nous avons pu neutraliser pas mal de terroristes. Nous leurs avons porté des coups et repoussé la menace. Mais nous savons que l’ennemi peut toujours faire du mal, même si c’est sans commune mesure avec la situation d’il y a deux ans », ajoute avec verve le commandant. Alors que les Famas s’installent à Anderanboukane, le patron de la plus importante opération militaire extérieure française rassure. « Nous avons bien l’intention de continuer à nous investir. Nous resterons le temps nécessaire à Ménaka, jusqu’à ce que le relais puisse être un jour pris complètement par les FAMAs », affirme-t-il. Parlant des rapports de Barkhane avec les mouvements présents sur le terrain, comme la Plateforme, la CMA et le MSA, le général fait le point. « Barkhane entretient entre avec l’ensemble des groupes signataires une impartialité totale. Il y a des groupes signataires qui sont plus engagés aux côtés du gouverneur et, par la force des choses, ce sont bien ceux-là qui bénéficient de plus de soutien », précise-t-il, avant d’ajouter : « ceux qui payent le prix du sang contre le terrorisme ont à un moment donné plus de légitimité, qu’on le veuille ou non », avance-t-il, faisant référence notamment au  GATIA et au MSA. 

Quelques minutes après, comme elle le fait le plus souvent, la patrouille commune s’engouffre dans la ville, au nord-ouest. Les enfants dans les rues, au passage des véhicules, lèvent une main en guise de salutation aux soldats. Une présence militaire qu’ils ont finie par intégrer, dans cette ville où le bruit des armes n’effraie plus. Sur certains murs figure encore le nom de la discorde : Azawad. 

Arrivée Place de l’indépendance, adjacente à la mairie, la patrouille s’immobilise, puis commence une progression à pied vers le principal marché moderne de la ville. Des commerçants détaillants exposent leurs produits variés dans cet espace public. Mais c’est au marché que se concentre l’essentiel des articles, des céréales, des habits, des condiments, avec toujours une ambiance animée. Ceux qu’on appelle là-bas en tamasheq les « Ikoufar » (les Blancs, les Occidentaux, les non musulmans en général), suscitent malgré tout la méfiance de certaines personnes. « Je n’ai rien contre eux, mais je sais que les gens s’en méfient ici », confie un habitant de la ville, sous anonymat.  Par contre, l’Imam de la mosquée du premier quartier se dit satisfait de leur présence. « Ils ne nous dérangent pas. Ce sont seulement ceux qui n’ont pas confiance en eux qui n’apprécient pas leur présence ici », se démarque Ibrahim Souley Maiga. 

Opérations séduction

Force militaire par excellence, Barkhane s’investit aussi depuis quelques mois dans des actions civilo-militaires en faveur des populations de Ménaka. « Nous sommes là pour rassurer la population et faire en sorte que le développement puisse se poursuivre, et même reprendre parfois dans certaines régions. Il n’y a pas de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement », dit le colonel Gabriel, commandant du groupement tactique numéro 2 de la force. Pour manifester cette volonté, Barkhane a signé un contrat avec le Groupement entreprise commerce général dans le cadre de la gestion des déchets du 1er quartier. Un incinérateur a été installé pour permettre à l’association des femmes de trier les déchets de Barkhane, qu’elles récupèrent, brûlant ce qui est inutile. D’un coût de  22 millions de francs CFA, il permettra dès le 1er mars à 110 familles de bénéficier de ses retombées, en vendant les bidons et contenants en aluminium récupérés jusqu’au Niger voisin. « Barkhane nous a aidé à obtenir le projet. C’est un atout, parce qu’il n’était pas destiné à l’origine à Ménaka », souligne l’entrepreneur Moussa Ismaguel. 

De l’autre côté de la ville, dans le lit de la mare d’Izgaret, au troisième quartier, la force Barkhane a également doté les maraichers d’un puits à grand diamètre d’une valeur de 5 millions de francs CFA. Mais, mal conçu, il a été endommagé avant de recevoir un autre financement de Barkhane. « Je cultive de la betterave, de la salade, du choux et des épices variées. Je les vends à bas prix à ces femmes là-bas, qui, elles, les revendent au marché avec un peu de bénéfice », signale le jardinier Abdoulaye Mohamed. « Vu que nous n’avons pas d’activités, à cause de la crise, nous faisons ce travail », note-t-il avec amertume. Ces initiatives d’aide à la population sont mises à profit par la force pour échanger avec elle et recenser certaines de ses préoccupations. C’est dans ce cadre qu’elle a fourni en juillet 2018, dans l’ouest de la ville, au quartier Abattoir, un château d’eau. D’une capacité de 50 barriques, sa réalisation a coûté 22,6 millions de francs Cfa à Barkhane. Plus de 120 familles bénéficient désormais de cette source, rare, d’eau potable, grâce à cinq bornes fontaines installées dans le quartier.  Devant le domicile du chef de quartier, président de l’entreprise Bellakoni, une borne fontaine. Des dizaines de bidons sont  rangés devant.

Duo sécurité – développement

Si la sécurité de la ville et de la région en général est une préoccupation majeure, le développement demeure le socle de la stabilité. « La création d’un cadre de concertation de tous les acteurs présents à Ménaka a permis de conjuguer nos efforts, Famas plus groupes armés, de patrouiller à l’intérieur de la ville, mais, également, les patrouilles Famas – Barkhane – Minusma ont réduit largement l’insécurité à Ménaka et dans ses alentours », rapporte Daouda Maiga, le gouverneur de la région. Pour soutenir les actions de sécurisation, il mise sur des projets de développement colossaux, en plus des actions des ONG présentes. « Nous avons lancé il  y a quelques jours le Programme  de développement de la région de Ménaka, pour presque 1,5 milliard de francs CFA, sur financement de l’Agence française de développement (AFD), pour un an. (…) On lutte contre l’insécurité et on installe le développement, qui est l’une des mamelles de la stabilité », affirme le gouverneur. 

Pour sa part, le Comanfor (Commandant de la force) prévoit de revenir au printemps avec le conseiller en développement de l’AFD. « Nous, notre  domaine, c’est la sécurité. Mais le constat est fait depuis fort longtemps qu’il n’y a pas de développement sans sécurité. Nous sommes donc ceux qui vont créer les conditions pour cela », résume le Général Blachon.

Alhamdou Ag Illyene : « Il faudra panser toutes les plaies »

Du 2 au 4 février, le Conseil supérieur des Imghads et Alliés tiendra à Gao une rencontre autour de la cohésion sociale et du vivre ensemble. La question sécuritaire sera aussi au cœur des échanges, avant une autre rencontre, plus large, sur les mêmes sujets. Alhamdou Ag Illyene,  Vice-président du Conseil et ancien ambassadeur du Mali au Niger, répond aux questions de Journal du Mali sur cette initiative.

Pourquoi cette rencontre ?

La cohésion sociale, le vivre ensemble, mais aussi la sécurité, dans le cadre de l’Accord.

Quels sont les thèmes qui seront traités ?

D’abord la réconciliation. Par choix politiques et options diverses, les personnes ont été amenées à se dissocier. Cela a dégénéré par endroits et a même conduit à des conflits. Il y a des antagonismes et des conflits d’intérêts et de leadership qui ont fait que les gens se sont retrouvés de part et d’autre. Certains dans la République, certains dans les mouvements, certains dans des mouvements opposés et d’autres dans des groupes armés non signataires. Tout cela a amené des tensions qui aujourd’hui causent énormément de préjudices à la population. Il y a eu des morts d’hommes. Maintenant, il faut une normalisation. Il est important que les gens s’acceptent dans leur diversité. Certains vivent sur le même espace et sont dans des mouvements différents, à la CMA, à la Plateforme, dans des partis de l’Opposition ou de la Majorité. De 2012 à nos jours, il y a eu trop de conflits. Il faudra panser toutes ces plaies et revivre les uns aux côtés des autres.

C’est une rencontre des Imghad et Alliés uniquement ?

Pas seulement. Il y a des Imghad qui sont à la CMA et d’autres qui ne sont dans aucun mouvement, même si c’est rare. Il s’agit essentiellement de communautés des deux côtés du fleuve, Haoussa et Djerma, et de Ménaka et Kidal. Nous essayerons d’identifier les foyers de tensions pour les assainir.

D’autres communautés vivent les mêmes situations, pourquoi ne pas les associer ?

Cela est prévu lors de la grande rencontre que le comité de pilotage va organiser plus tard. Nous l’avons reportée pour des problèmes de logistiques et de calendrier. Il nous semblait plus intelligent de régler les conflits à petite échelle d’abord.  

Quelle lecture faites-vous des attaques contre la coalition MSA / GATIA à Ménaka et Gao ?

Le MSA et le GATIA sont des mouvements qui ont pris des positions, adopté une certaine ligne de conduite. La question est pourquoi ces deux mouvements seulement sont attaqués? L’Accord est très clair. Il a des principes, la paix, la réconciliation et la sécurisation, ce que le MSA et le GATIA font. Quand vous vous attaquez à ceux qui créent l’insécurité, attendez-vous à des réactions.

Ménaka : 42 civils de la communauté Idaksahak tués

A Ménaka, de nouveaux crimes ont été commis dans plusieurs localités à l’est de la région, vers le Niger voisin. Une quarantaine de civile ont été exécutés par des individus armés se déplaçant sur une vingtaine de motos. Une tragédie qui se répète dans cette partie du pays où sévit l’État Islamique au grand Sahara.

« 42 civils ont été exécutés dans leurs campements parmi lesquels deux enfants de moins de huit ans », annonce le communiqué en date du 12 décembre du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA). Ce mouvement est essentiellement composé de membres de la communauté Idasahak et est dirigé par Moussa Ag Acharatoumane. Les faits macabres se sont déroulés entre la nuit du 11 et la matinée du 12 décembre. Des hommes armés se déplaçant sur une vingtaine de motos « ont fait irruption dans plusieurs localités au sud de la région et ont exécuté des civils » de cette communauté. Ces crimes se seraient déroulés entre la localité de Tinabaw située à 20 km de la ville de Ménaka et celle de Tabangout-Tissalatene à environ 50 km. Selon le communiqué du MSA, « les assaillants après leur forfait sont repartis vers la frontière nigérienne après avoir allumé un feu de brousse.» Des troupes du MSA, du GATIA, de la CMA et des forces armées maliennes ont été dépêchées sur les lieux du « massacre ». Trois blessés, rescapés de la tuerie ont été évacués sur l’hôpital de Ménaka. Tout en condamnant « avec la plus grande fermeté ces crimes abominables », le MSA appelle la cellule de droits de l’homme de la MINUSMA à faire la lumière sur cette affaire. Pour la même circonstance, le mouvement demande aux organisations humanitaires et au gouvernement malien de venir « urgemment » en aide à ces populations en situation difficile. Dans un communiqué en date du 13 décembre la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se dit « indignée qu’au jour même de la célébration de la Journée internationale des Droits de l’Homme » que « ses principes sont souillés par le massacre d’innocents ».  La CMA appelle « à plus de déterminations afin que des dispositions draconiennes soient prises pour que cesse ce genre de massacres ».

Ce n’est pas en effet la première fois que des civils de cette communauté sont pris pour cible. Il y quelques mois déjà des exactions ont été rapportées dans cette partie de la région. Le plus souvent, ce sont des conflits intercommunautaires entre les Idaksahak et les peuls qui sont mis en avant. Mais la présence du groupe Etat islamique au Grand Sahara, dirigé par Abou Walid Al –Sahraoui a semé le chaos. Ses éléments en représailles à la guerre que lui mène la coalition GATIA-MSA en collaboration avec Barkhane, ciblent des civiles  proches de ces mouvements.

Ces récentes violences, risquent de se multiplier, au regard de la situation. Pourtant,  cette région était  considérée autrefois comme une exception à l’insécurité et à la criminalité.

Bajan Ag Hamatou : « Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles »

Depuis quelques semaines, la ville de Ménaka est confrontée aux vols à mains armées.  Mais jeudi dernier, c’est un vieil arabe qui a été assassiné en plein jour. Dans ce contexte, plusieurs personnalités se sont rencontrées Place de  l’indépendance pour dénoncer ces pratiques et appeler au calme. Bajan Ag Hamatou, député élu à Ménaka et 6ème Vice-président de l’Assemblée nationale, explique à Journal du Mali comment lutter contre ces agissements.

Qu’est ce qui explique  le banditisme à Ménaka, malgré la présence de forces armées dans la ville ?

Depuis 2012, nous sommes soumis à ce grand banditisme. Depuis le déclenchement de la rébellion,  nous  ne connaissons que morts d’hommes et braquages. La grande majorité de la population a encouragé ce banditisme dans le nord du Mali et dans la région de Ménaka. C’est devenu un comportement des jeunes gens et, au fur et à mesure, ce phénomène s’aggrave. Si nous  ajoutons  les morts d’aujourd’hui à ceux d’hier et d’avant-hier, c’est extrêmement inquiétant. La  MINUSMA, Barkhane, les forces armées maliennes et les mouvements sur place ont décidé de lutter contre ce phénomène. Mais son ampleur est telle que ni Barkhane ni la MINUSMA ne peuvent le réduire en un temps record. Il faut que toute la population prenne conscience de ce qui nous arrive et du devoir que nous avons de lutter contre ces pratiques. Malheureusement, c’est à Ménaka et ses alentours que cela se passe.

Que faut-il faire pour  lutter contre ce banditisme ?

Il n’y a pas d’autre solution au phénomène que nous vivons qu’une meilleure coordination. Il faut qu’il y ait une bonne organisation entre ceux qui combattent ces pratiques, les forces armées et de sécurité du Mali, la MINUSMA, Barkhane et les mouvements armés, appuyés par les populations. Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles. Chacun d’entre nous a le devoir et l’obligation d’arrêter ce phénomène. La  seule solution passe par  l’implication des cadres, des responsables et de la population. Il ne servira à rien de pleurnicher et de se demander pourquoi cela arrive. Que chacun parle à ceux qui sont autour de lui et qu’on dénonce ceux qui le font.

Quelles sont les mesures prises concrètement ?

Ceux qui sont chargés de la sécurité de nos populations et de leurs biens ont décidé ensemble de se retrouver pour apporter la solution à cette criminalité. Mais elle ne peut être réellement efficace que si la population aide ces forces-là dans ce travail. C’est notre devoir, parce que ce sont nos enfants et les membres de nos familles qui meurent. Le plus rapidement possible une solution sera trouvée.

Scrutin du 29 juillet : Une élection particulière

La dernière élection présidentielle remonte à 2013. 5 ans après, le contexte a changé et des nouvelles réalités sont apparues sur la scène nationale. Le scrutin tant attendu renferme des grands enjeux tant le chantier devient chaque jour plus laborieux. Petite rétrospective d’un mandat.

5 années se sont écoulées entre 2013 et 2018. Alors que le pays sortait d’une transition, les élections ont été organisées dans un contexte d’urgence. A l’issue du second tour du scrutin, IBK a été élu sur le score écrasant de  77,62% des voix. Galvanisé par cette estime des Maliens, il promettait de mettre le Mali au dessus de tout et de travailler pour « le bonheur des Maliens ». Mais c’était sans mesurer combien le chemin était caillouteux. Dès le début, il écarte la junte, qui lui faisait obstruction, de son chemin et se lance après une courte période dans des négociations avec les groupes armés qui contrôlaient le Nord du pays.  Paradoxalement, l’élection de cette année 2018 se tient dans un contexte « pire que celui de 2013.  En 2013, des candidats ont été au Nord pour battre campagne, alors qu’aujourd’hui il y a des endroits dans les régions du centre où on ne peut pas se rendre, même en plein jour », dit Baba Alfa Umar, chercheur sur les questions de sécurité et de paix dans le Sahel. Selon lui, au lieu que la situation, surtout sécuritaire, ne s’améliore, elle empire. « Il y a des choses qui sont pire qu’avant, d’autres qui n’ont pas évolué, ou pas de manière significative, comme les réfugiés », affirme-t-il. « Dans la région des Tombouctou, en 2013, il y a des endroits où des milices ont pris les urnes et sont parties avec. Il n’y a aucune raison de penser que cette année la situation pourrait être meilleure»,  se souvient Baba Alfa Umar.

Cycle de violences Si la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali en 2015 a marqué une étape solennelle, elle n’a pas eu pour effet de stopper les pertes en vies humaines. La Conférence d’entente nationale, qui s’est tenue fin mars début avril  2016 à Bamako a formulé des recommandations pour la paix et formulé le document de base de la Charte pour la paix, mais des groupes terroristes se dressent toujours contre l’État et ses symboles jusqu’à dans le centre du pays. Mines, embuscades, assassinats, intimidations, le centre est devenu une zone interdite. De présumé terrorisme, la situation dégénère en présumés conflits intercommunautaires. Personne n’aurait pensé que le cycle des violences allait  se propager dans de telles proportions. Des milliers de déplacés internes ont fui les représailles dans leur localités respectives. « Quand vous prenez la zone du Gourma, plusieurs communautés ont fui à cause des règlements de comptes. Les populations d’Oudalan sont aussi parties à cause des opérations de l’armée burkinabé », témoigne le chercheur. Entre le marteau et l’enclume, les civils sont le plus souvent les premières victimes. « Même pour aller à Mopti ou à Sévaré, les agents de l’État sont ciblés. Ce qui se passe aujourd’hui était inimaginable il y a 5 ans », précise un journaliste de la région.

Pour lutter contre le terrorisme dans la zone sahélienne, une organisation dénommée G5 Sahel a été mise sur pied. Mais les résultats de ces actions sont toujours attendus. Dans la région de Ménaka, la dégradation de la situation est inédite. Le Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) et le groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) mènent des opérations antiterroristes à la frontière entre le Mali et le Niger depuis des mois. Une situation qui a provoqué des exactions sur les civils dans la zone.

De nouvelles lois Les nouvelles lois adoptées renforcent les dispositions existantes, notamment la loi électorale de 2016, modifiée en 2018. De nouvelles dispositions ont été prises. Selon Amary Traoré de la CENI, en 2013, la loi électorale actuelle n’était pas encore en vigueur. Votée en 2016, elle stipule que : « dès la convocation du collège électoral, les dons en nature et les libéralités sont interdits. Aussi bien les t-shirt que les ustensiles de cuisine. Tout cela est interdit pendant les campagnes », souligne-t-il. « Il est  interdit de procéder, lors des campagnes, à des déclarations injurieuses ou diffamatoires, par quelque voie que ce soit, à l’endroit d’un ou de plusieurs candidats ou listes de candidats», stipule cette nouvelle loi électorale.

Elle a encore été modifiée en 2018,  avec des changements comme la suppression du vote par anticipation des membres des forces armées et de sécurité, le remplacement de la carte Nina, qui a servi pour voter en 2013, par la carte d’électeur biométrique, et l’octroi de deux assesseurs à la majorité et à l’opposition, entre autres.

Avec l’élection du 29 juillet, c’est une nouvelle ère qui s’annonce pour le Mali. Calme ou mouvementée? Seul l’avenir le dira.

Leila Gobi, la Perle de Ménaka

Les voix de la musique malienne sont diverses et particulières. Parmi elles, celle de Leila Gobi, artiste native de Ménaka qui, après avoir conquis le public local, charme  désormais les  publics au-delà du Mali. Elle rentre d’une tournée internationale et a accepté de parler de son parcours et ses ambitions.

3 albums, chacun d’une dizaine des titres. Des tournées en Afrique, Europe, et  aux États-Unis. Leila Gobi a fait son chemin dans la musique.  Après l’obtention de son Diplôme d’Etude Fondamentale (DEF)  en 2000, elle  rentre à l’Institut Nationale des Arts (INA). Quatre ans après, elle termine ses études en musique.

Flash back. En 1997, elle participe à la semaine scolaire régionale de Gao. Ce fut le déclic.  « Je suis devenue première de la région dans la rubrique soliste. J’ai chanté ‘’Il faut éduquer les enfants’’ », se rappelle encore l’artiste trentenaire. A son retour à Ménaka, elle est repérée par une organisation internationale pour prêter son talent à une campagne de sensibilisation sur la malnutrition. Son destin est alors déjà tracé.

Transmettre des valeurs. C’est en 2010, qu’elle rentre véritablement dans le monde avec son premier album, ‘’ Minika’’, le nom de sa ville. En 12 morceaux, Leila Gobi y  évoquait la cohésion sociale, la noblesse des gens de Ménaka, l’éducation des enfants et prodigue aussi des  conseils  entre autres. Avec ‘’Aiyitma’’ ‘’Mes frères’’, un de ses  morceaux culte, qui appelle à l’entente et l’amour entre tous les  frères,  c’est une  voix berceuse qui a conquis la population de Ménaka. Peu à peu, son écho se propage au-delà. « Nos ancêtres nous ont laissé des valeurs et ce sont ces valeurs que je cite dans ce morceau pour ne pas que les gens les oublient », souligne celle dont le père s’oppose à son métier. En 2012, alors que le pays tombe dans la crise elle sort son deuxième album sur la paix. L’unité et la fraternité étaient mises en avant.  En 2017, un troisième vient marquer sa maturité musicale. Il s’intitule ‘’Adounia’’, ‘’La vie’’, où elle parle d’elle-même  et invite chacun à s’interroger sur soi. 

Avec son groupe ‘’Leila Gobi’’, elle  a entrepris une tournée d’une dizaine de jours en Europe au mois de juin  dernier. « On avait fait deux concerts très importants  dans chacune de ces deux villes (Lyon, France et Genève, Suisse,ndlr). Ils nous avaient bien accueilli et on a passé par beaucoup des villes », dit-elle, satisfaite. Elle vient d’être invitée à Ménaka pour l’inauguration de la maison des jeunes.

SBM à Ménaka

Le mercredi 09 mai,  le Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maiga effectuait une courte visite à Ménaka. Objectif, apporter aux populations de la neuvième région administrative du Mali le message de compassion du Chef de l’Etat après de récentes attaques meurtrières dans la localité. Un train de mesures a été annoncé et les habitants espèrent que cette visite soit un  « déclic »…

Au cours de  la visite qui a duré un peu moins de 3h, le chef du gouvernement a réitéré l’engagement de l’Etat à assurer la sécurité de tous les Maliennes et Maliens et améliorer l’accès aux services sociaux de base. Aussi en réponse aux besoins immédiats des Ménakois, il a annoncé l’octroi à la ville de deux groupes électrogènes, 500 tonnes de céréales et plus de 1500 tonnes d’aliment-bétail. Le Premier ministre a aussi offert 10 millions de FCFA pour venir en aide aux familles déplacées, 5 millions pour la Coordination régionale des jeunes, 5 millions pour les femmes et 5 autres millions pour les notabilités. Cette visite qui était la première d’une haute personnalité de l’Etat dans la région depuis 2012 a suscité l’espoir chez les Ménakois. « Pour nous c’est une opportunité, car longtemps nous nous sommes senti délaissés. Sa visite nous a redonné le sentiment d’être maliens » avoue Djibrilla Maiga, Président du conseil régional des jeunes de Ménaka.

Mais au-delà de cette symbolique, le passage de Soumeylou Boubeye Maiga doit, selon notre interlocuteur être un élément déclencheur de la réelle prise en charge de la région. « Nous attendons que ce soit le déclic qui pourra donner des débuts de solutions à tous nos problèmes. » poursuit notre interlocuteur. Car à l’en croire en effet, Ménaka est une région enclavée où il n’ya ni électricité, ni eau potable, encore moins l’accès à internet. A coté de cela, le climat sécuritaire ne cesse de se dégrader. « Tous les jours sur l’axe Ansongo-Ménaka il ya des vies humaines qui se perdent » déplore Djbrilla Maiga. A cela il faut ajouter les attentats et autres exécutions sommaires qui ont endeuillé des dizaines de familles ces dernières semaines.

Les différents dons offerts par le chef du gouvernement ont été bien appréciés mais selon le président du conseil régional des jeunes, ce n’est pas suffisant. « Ce n’est pas la solution que nous attendions en réalité aux problèmes sociaux de la ville » lâche- t-il, tout en reconnaissant que le geste en soi est bon. Pour lui, les urgences de l’heure sont l’eau, l’électricité. «  Si l’Etat malien arrive à résoudre ces problèmes, nous n’avons pas besoin d’autre chose en plus si ce n’est la sécurité sur l’axe Ansongo-Ménaka » avance –t-il.

La visite de Soumeylou Boubèye Maiga à Ménaka aura été, au delà des annonces faites, plus dans la symbolique. Après avoir signifié aux populations que « l’Etat n’a pas délaissé cette région » en proie à un gros défi sécuritaire et social,  ces dernières attendent maintenant de voir la situation changer sur le terrain et leurs conditions de vie s’améliorer.

Comme un rappel de la fébrilité de la région, quelques heures après la visite du Premier ministre, une attaque a fait 5 victimes civiles dans la zone. C’est un véhicule qui avait quitté Indelimane pour la foire de Ménaka qui a été « attaqué par des hommes armés. Cinq passagers civils ont été » tués par des « assassins (qui) sont ensuite allés dans un campement pour tuer d’autres civils touaregs », a affirmé jeudi un élu local, sous couvert de l’anonymat pour raisons de sécurité. L’attaque a été confirmée par une source sécuritaire.

 

Germain KENOUVI

 

 

Ménaka : Le découpage territorial pose problème

Adopté lors du Conseil des ministres du 28 février 2018, le nouveau découpage du cercle de Ménaka ne fait pas encore l’unanimité. Une délégation des communautés non satisfaites de ce découpage s’est rendue à Bamako pour une série de rencontres avec les autorités. Déterminées à faire prendre en compte leurs préoccupations, les populations, par la voix de leurs représentants, sont engagées à poursuivre les pourparlers.

22 fractions et 7 villages représentant environ 80% du territoire du cercle de Ménaka, ce sont les « communautés lésées » qui réclament la création de 4 nouvelles communes, selon le chef de la délégation, Baba Oumar Maïga. Pour lui, les communautés dénoncent d’abord la non prise en compte de leurs préoccupations, exprimées pourtant avant la décision de création. « Les communautés se sont concertées et acceptées avec des potentialités », selon Baba Oumar Maïga et les conclusions de leurs assises ont été envoyées à Bamako en août 2017, soit  deux mois avant le Conseil de Cabinet d’octobre 2017.

Autre reproche fait à ce nouveau découpage, « il viole les textes de loi sur la décentralisation et met à mal le vivre ensemble ». Alors que les textes interdisent la création d’une commune pour une seule fraction, le nouveau découpage en autorise deux. « Greffer un village situé à 70 kilomètres de Ménaka à la commune urbaine, c’est freiner son développement », s’indigne M. Maïga.

Concentrées au sud-ouest, les 3 communes rurales nouvellement créées excluent les 2/3 de la population du cercle, selon les représentants des communautés. « Nous réclamons plus de maillage dans le cercle de Ménaka et la prise en compte des préoccupations », explique Harouna Abatane, l’un des membres de la délégation. Le découpage constitue en outre pour les représentants « une entrave à l’épanouissement et même à l’accès aux services sociaux de base ». « Les 3 communes rurales créées comptent 8 écoles, dont 4 fonctionnelles, et 1 enseignant pour 6 classes. Selon les communautés lésées, il y a 75 écoles fonctionnelles », explique M. Maïga.

Redoutant un manque de volonté politique, les représentants se disent cependant déterminés à poursuivre la mission que leur ont confiée leurs communautés. C’est pourquoi, alors qu’ils font le compte-rendu de leurs rencontres à la base, les concertations se poursuivent à Bamako, avec des prises de contact avec diverses autorités, y compris des chefs religieux et coutumiers. Même si les autorités gouvernementales sont réticentes à la création de nouvelles communes, à cause des incidences financières, Harouna Abatane prévient : « nous ne commettrons pas la même erreur qu’elles, qui ont décidé sans prendre en compte l’avis des communautés. Elles nous ont demandé de réclamer 4 communes. Nous nous en tenons à cela ».

Ménaka : au moins 40 personnes tuées par des hommes armés

 

 

Les affrontements entre la coalition MSA/ GATIA et des groupes armés dans la région de Ménaka ne cessent de faire des victimes de part et d’autre. En 48 heures, 43 personnes de la communauté Daoussahak, étoffe principale du MSA,  ont été tuées par des hommes dans cette zone.  Terrorisme ou guerre communautaire ?

Dans l’après-midi du  vendredi 27 avril, plusieurs sources locales et  ainsi qu’au  près du Mouvement pour le Salut de l’Azawad  font état de 31 personnes  tuées de la communauté Daoussahak dans la région de Ménaka  près d’Infoukaretane, non loin de la frontière nigérienne.  L’évènement  a eu lieu dans la localité de Wakassa où des hommes armés  ont  abattu dans un campement un  nombre important de civiles. « Il y a douze personnes qui ont été tuées hier à Aklaz vers Anderanboukane et  31 autres  aujourd’hui   à Wakassa », confirme Mohamed Ag Albachar, porte-parole du MSA. La communauté ciblée, les Daoussahak , sont l’âme même du mouvement que dirige Moussa Ag Acharatoumane, le MSA . En coalition avec le Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA), les deux groupes  affrontent depuis des mois des groupes dits ‘’terroristes’’ ou ‘’criminels’’ sévissant dans cette zone entre la frontière malienne et nigérienne. Ils ont maintes fois sollicité l’aide de la communauté internationale et du gouvernement malien pour faire face à leurs ennemis.  La force française Barkhane les a finalement ralliées dans la lutte. Des bombardements et des renseignements ont été décisifs dans les récents affrontements meurtriers  à l’ouest de Ménaka.

Accusée d’exactions sur 93 personnes dans plusieurs localités de la région, l’un des dirigeants de cette coalition, notamment Moussa Ag Acharatoumane a démenti instantanément le directeur de la division des droits de l’homme de la MINUSMA, auteur des révélations, Guillaume N’guefa.  Pour le secrétaire du mouvement, le combat qu’ils mènent vise  des ‘’criminels’’ et se refuse de le qualifier autrement. Il avait aussi avancé qu’il s’agissait de défendre leur communauté de ces genres d’attaques barbares.

Toutefois, le contentieux existant entre la communauté Daoussahak et celle des peuls dans cette partie pourrait être aussi la cause de tous les débordements.  Une thèse,  même si écartée jusque-là  par certains, reste très plausible. «  C’est la mafia qui opère le long de la frontière avec le Niger. Il y a une rencontre entre  toutes  les communautés de la zone frontalière, organisée par   l’ONG HD, à Niamey. Je pense que  l’objectif est de la saboter », suppose le porte-parole du MSA. De tout temps, ces responsables du mouvement n’ont  qualifié ceux avec qui ils sont en guerre  ni des terroristes ni des djihadistes.

Dans un communiqué  datant du 27 avril, le MSA dit condamner ‘’ avec la plus grande fermeté les crimes de masse perpétrés par des criminels sanguinaires, sans foi ni loi contre des populations civiles IDAKSAHAK sans défense. ‘’  Il invite par cette occasion la division de droits de l’homme de la MINUSMA et les autres organisations du même domaine à mener des enquêtes pour situer les responsabilités.

Le contexte sécuritaire complexe, avec la présence de l’émir de l’Etat islamique dans le Grand Sahara qui s’appuie sur un recrutement local complique davantage une issue heureuse à la situation.  Une certitude, le sang n’a pas fini de couler dans cette nouvelle région qui aspire pourtant à la paix et au développement.

 

 

Ménaka : Une région en souffrance, au cœur des enjeux

La région de Ménaka, martyrisée par la crise de 2012, continue de souffrir. Malgré sa libération en 2013, puis son  érection en région, ses populations vivent dans l’urgence. Si l’insécurité diminue, l’accès à l’eau, à l’électricité et à la connexion internet sont de quotidiennes préoccupations.  Des voix lasses et en colère nous interpellent.

« L’eau, c’est la vie », dit un adage touareg. A Ménaka, dans l’est du Mali, cette réalité est mal vécue quotidiennement. Ville martyre, Ménaka a subi toutes les péripéties de la crise de 2012. Région stratégique, frontalière avec le Niger, tant de fois elle a basculé, lors de l’occupation, d’un groupe armé à un autre. Libérée en 2013 des groupes djihadistes, son opérationnalisation en région, une exigence de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali signé en 2015, avait suscité de grands espoirs de changement des conditions de vie des populations. Plus de quatre ans après, la demande sociale est à son comble. Les manques d’eau, d’électricité et de connexion s’ajoutent au problème d’insécurité. Les secteurs de l’éducation, de la santé et des infrastructures n’ont point bénéficié de l’attention du gouvernement.  Pour dénoncer « la triste réalité », la société civile a organisé le 20 mars une marche pacifique. Une liste de doléances a été remise au Gouverneur de la région, Daouda Maiga  pour une suite favorable. Depuis, la situation a pourtant empiré.

Une situation intenable

« Nous sommes dans la soif, on n’a ni eau ni électricité, à plus forte raison la connexion 3 G. Les gens sont obligés de parcourir de longues distances pour ramener quelques bidons du forage », témoigne Agaly Ag Bilal, chef de famille. L’absence de services sociaux de base dans la nouvelle région est manifeste. Depuis plus de deux mois, la population fait face à des coupures d’eau, à une absence totale d’électricité et à une connexion 3 G inexistante.

La période de chaleur et les conditions climatiques peu clémentes s’ajoutent à un quotidien de calvaire. « Personne n’a rien apporté à la région. Les problèmes qui existent à Ménaka n’ont pas d’explication, ils ont trop duré. Depuis son érection en région, rien n’a bougé d’un iota. L’eau constitue la plus grande urgence aujourd’hui, c’est d’elle que les gens vivent », interpelle Eglasse Ag Ibrahim, un jeune habitant de la ville. La situation qu’il décrit est alarmante. Dans cette zone désertique, l’eau a un prix. Chaque jour la tension monte. « Bientôt c’est le mois de carême. Le ministre de l’Énergie et de l’eau est venu jusqu’à Ansongo, mais il est reparti sans venir à Ménaka. Les gens sont prêts à la désobéissance civile », dénonce Mohamed Ag Issafeytane, journaliste à la radio rurale. « Ménaka est une ville martyre. Ici les gens ont opposé leur résistance à l’occupation. Mais c’est comme si on n’existait pas dans ce pays », se révolte-t-il.

Au niveau du seul forage de la ville, les gens se bousculent. Un bidon de 20 litres d’eau coûte 100 francs CFA. Les puits et les oueds sont asséchés et les cultures maraichères mis à mal. La capacité de la seule adduction d’eau est insuffisante pour une population en pleine croissance dans une ville en expansion. « L’installation était destinée à des bornes fontaines. Mais, face à la croissance de la population, les gens ont amené l’eau dans leurs maisons. La demande est le triple de l’offre», explique Djibrilla Maiga, Président du Conseil régional des jeunes. Constat partagé par le Président de l’Autorité intérimaire, Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed. « L’expansion de la ville dépasse les capacités des anciennes installations. Il y a des quartiers où les tuyaux ne sont pas posés. Nous avons de réels problèmes pour subvenir aux attentes », reconnait-il.  Dans cette région désertique, la vie n’est pas rose, avec de faibles revenus et une économie confrontée aux aléas de l’insécurité et de la sècheresse. Si l’eau est une demande pressante, l’électricité en est aussi une. « Depuis qu’on a fait la marche, on a plus revu d’électricité. Dès que la nuit tombe, seule les lumières du gouvernorat et des ONG humanitaires sont visibles. Je charge mon téléphone grâce à la batterie de ma moto », témoigne un autre habitant. Pour Nanout Kotia, maire de Ménaka, « la situation est toujours la même » depuis la dernière action de la société civile. Certains parlent  même d’une région de « façade » au vu de manque de réponses. « Nous leur avons dit lors de la marche que si l’internet, l’eau et l’électricité ne venaient pas nous allions renoncer à la région et redevenir un cercle, mais, jusque-là, sans aucune suite », se désole Eglasse Ag Ibrahim.

Des alternatives éphémères

Les solutions alternatives proposées par les autorités  locales en collaboration avec Barkhane et la MINUSMA ne suffisent pas pour faire face aux besoins. Mais elles ont eu le mérite d’étancher un minimum la soif des habitants des quartiers périphériques. « Nous sommes dans une saison très chaude où il y a beaucoup de consommation. Nous avons réalisé un forage, installé un groupe électrogène et réhabilité l’installation existante. En partenariat avec Barkhane, nous avons positionné dans les quartiers où ils n’y a pas d’eau 11 cuves approvisionnées par les citernes de la MINUSMA. C’est là que les habitants se procurent l’eau », dit le Président de l’autorité intérimaire. Quant à la société TILGAZ, qui fournissait par intermittence l’électricité, elle a cessé de fonctionner faute de matériel. « Ses deux groupes  électrogènes sont tombés en panne. Barkhane a réparé un, qui ne suffit pas », rappelle Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, assurant que des plaidoyers ont été menés et que l’information est montée vers qui de droit. Pour le Président du conseil régional des jeunes, « il faut des solutions durables et définitives et non des palliatifs. Ce dont on a besoin, c’est d’EDM, de la SOMAGEP et la connexion. L’État doit prendre ses responsabilités. Il est inadmissible aujourd’hui qu’une  région comme Ménaka continue d’avoir soif et d’être dans l’obscurité. On ne demande pas l’impossible. Si nous ne sommes pas des Maliens, qu’on nous le dise ! », prévient-il. Selon lui, une nouvelle mobilisation se prépare avant le début du carême. Le sentiment d’abandon invite à des rétrospections. « Finalement,  l’histoire est en train de donner raison au MNLA. Ménaka a été totalement délaissé. On parle de programme présidentiel d’urgences sociales pendant que nous avons soif et sommes dans l’obscurité », dénonce sans concession Mohamed Ag Issafaytane. Le Gouverneur Daouda Maiga assure que les demandes « légitimes » des populations retiennent l’attention des plus hautes autorités. « Tous ces problèmes sont réels et le gouvernement est à pied d’œuvre pour faire avancer ces dossiers ».

De nombreux enjeux

La région couvre environ  80 000 km2 et de nombreux acteurs y interviennent. En plus de la MINUSMA et de Barkhane, l’armée malienne, la CMA, la Plateforme et le MSA cohabitent. La présence de Barkhane a fait diminuer l’insécurité. « Depuis qu’ils sont arrivés, la situation est redevenue stable. La décision du gouverneur de faire sortir tous les groupes armés de la ville a été appliquée », souligne le Président de l’autorité intérimaire, qui se félicite la collaboration des acteurs pour les patrouilles mixtes. Il y a pour chaque mouvement trois véhicules, deux autres pour la sécurité des responsables et un autre pour les patrouilles. Au sud dans la région, vers la frontière avec le Niger, les groupes MSA et GATIA s’affrontent régulièrement avec des groupes dits « terroristes ». Ils ont été soupçonnés le 12 avril  par le Directeur de la Division de droits de l’homme et de la protection de la MINUSMA de graves violations des droits de l’homme dans certaines localités. Des accusations que le Secrétaire général du MSA a jugées sur RFI « infondées ». « Nous ne sommes pas dans une guerre communautaire, nous défendons nos communautés contre une organisation criminelle », s’est-il défendu, appelant à une enquête transparente.

La floraison des acteurs et le déploiement prévu de la force G5 Sahel le long des frontières témoignent de l’intérêt de sécuriser Ménaka. En attendant, les difficultés sociales et le mécontentement de communautés « lésées » par le récent projet de découpage territorial interpellent.

 

Ménaka : La coalition MSA – GATIA étrangle Abou Walid

Depuis plus d’un mois, des combats opposent dans la région de Ménaka la coalition Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) et Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (GATIA) aux éléments d’Adnan Abou Walid Al Sahraoui, émir de l’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Le 12 mars, l’EIGS aurait subi un autre revers dans la localité de Tabardé, illustrant le rôle majeur de  cette coalition dans la lutte contre le terrorisme. Mais est-ce vraiment le début du déclin de l’EIGS dans la région ?

Une dizaine de morts le 26 février, plus d’une vingtaine entre le 6 et le 12 mars. Ce sont les pertes subies par le groupe d’Abou Walid dans la région de Ménaka, selon les différents communiqués publiés par la coalition MSA – GATIA. Des personnes ont été neutralisées ou arrêtées, des engins explosifs retrouvés et du matériel militaire saisi. Ces deux mouvements traquent depuis quelques mois les éléments d’Abou Walid, chef de l’État Islamique dans le Grand Sahara. Celui-là même qui s’était établi dans cette zone, menaçant certaines communautés ainsi que des leaders locaux. Ses incursions audacieuses, dont celle du 4 octobre 2017 contre des soldats de l’armée nigérienne et des forces spéciales américaines à Tango Tango, avaient révélé sa férocité. Mais la reprise des opérations MSA – GATIA a contrarié la poursuite ses plans funestes. Ainsi, entre le 22 février et le 12 mars, plusieurs combats ont eu lieu entre cette coalition et des éléments affiliés au représentant de l’État islamique dans le Grand Sahara. Les affrontements d’Ikadagotane, le 22 février, à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Ménaka ont enregistré l’implication décisive de la force Barkhane aux cotés de la coalition. Des personnes ont été arrêtées et des matériels récupérés, selon le communiqué conjoint du MSA et GATIA. « Il y a une volonté de ces acteurs, à travers leurs communiqués, de s’imposer comme des mouvements crédibles dans la lutte contre le terrorisme, mais également dans la stabilisation du pays, surtout à un moment où l’État a du mal à se réimplanter dans cette région », souligne Ibrahim Maiga, chercheur à l’Institut d’études et de sécurité.

Le 26 du même mois, d’autres affrontements ont eu lieu à cheval entre le Mali et le Niger, à l’issue desquels « une dizaine » de morts ont été enregistrés parmi les terroristes, d’après un autre communiqué de deux mouvements. Le 6 et 7 mars, à Tinzouragan et Tawraghen, dans la même zone frontalière, des accrochages violents ont fait « cinq morts, une dizaine de personnes arrêtées et des engins explosifs retrouvés », souligne un autre communiqué. Difficile à vérifier. Les 9 et 10 mars, c’est à une soixantaine de kilomètres de Ménaka, au sud-ouest, que des accrochages se sont soldés par « la défaite » des éléments d’Al Sahraoui, avec « une quinzaine de morts, deux personnes immobilisées et des matériels militaires saisis ». Pour Ibrahim Maiga, ces bilans, s’ils sont concordants auront des conséquences sur le « bien-être » de l’EIGS. « On n’a pas une idée des effectifs d’Abou Walid, mais on ne peut nier l’impact de ces opérations sur la santé de son groupe dans la région de Ménaka », analyste-t-il.

Le début du déclin ?

Selon un chef militaire du MSA, le 11 et 12 mars à Tabardé, à 45 kilomètres à l’ouest de Ménaka, de nouveaux accrochages ont fait six morts et quatre personnes arrêtées dans les rangs des terroristes. Le MSA a enregistré 1 mort et 1 blessé et le GATIA 2 blessés. L’engagement de la force Barkhane aux cotés de la coalition MSA – GATIA sèmerait-il la terreur dans les rangs d’Abou Walid ? « A chaque fois qu’on les croise, on les défait. Même hier, certains ont fui. Deux ont été tués par les frappes de Barkhane, qui nous aide avec ses avions et des renseignements », affirme le chef militaire du MSA. De l’autre côté de la frontière « il y a l’armée nigérienne qui essaie de prendre en étau Abou Walid et le pousse dans les bras du MSA et de GATIA », explique Ibrahim Maiga, qui, tout en se gardant « d’un triomphalisme béat », reconnait « une situation compliquée » pour Abou Walid. Malgré tout, il reste prudent, car « c’est souvent au moment où on pense que ces groupes sont sur le déclin qu’ils commettent les pires atrocités et montrent leur capacité de nuisance », se méfie-t-il.

L’engagement sans répit de la coalition MSA – GATIA et de la force Barkhane portent de sérieux coups à cette branche de l’Etat islamique, en attendant le déploiement futur de la force du G5 Sahel le long de la frontière Mali – Niger pour affirmer que la fin du règne d’Abou Walid à Ménaka a sonné.

 

Mali : mort d’un soldat malien et d’au moins trois casques bleus dans le nord-est

C’est dans un communiqué de la MINUSMA que la nouvelle a été donnée. Hier matin, le 24 novembre, la force armée des Nations-unies au Mali, a repoussé une attaque lors d’une opération conjointe avec les FAMas dans la région de Ménaka.

Dans le document, nous apprenons que « trois Casques bleus de la MINUSMA ont été tués, et plusieurs ont été blessés, certains sont dans un état critique. Un soldat FAMa a aussi perdu la vie lors de l’attaque, un autre a été blessé. »

Du côté des assaillants, il y a, également, des morts et des blessés. Une logistique s’est rapidement mise en place avec des renforts aériens pour renforcer la sécurité des hommes de la MINUSMA et des FAMas.

Mahamat Saleh Annadif, Représentant spécial du Secrétaire général du Mali (RSSG) et Chef de la MINUSMA, condamne cette attaque qui survient au moment où les forces armées procédaient à une assistance auprès des populations de la région. « Je condamne avec la plus grande énergie cette attaque qui endeuille une nouvelle fois la Force de la MINUSMA, ainsi que les FAMas. J’adresse mes condoléances aux familles des victimes et souhaite un prompt rétablissement aux blessés », a déclaré le RSSG avant de surenchérir :

« Cette opération, qui entrait dans le cadre de la protection des civils de la région, avait également pour but d’apporter une assistance médicale aux populations dans le besoin. Je salue la bravoure de nos contingents et des FAMas dont l’engagement a permis de neutraliser plusieurs terroristes. J’en appelle à la vigilance, à la solidarité et à l’unité des Maliens pour faire face à la lâcheté de nos adversaires », explique-t-il, en faisant une allusion très claire aux groupes terroristes.

 

Le GATIA de retour à Ménaka

 

La reprise de Ménaka en juillet dernier par la CMA avait contraint le GATIA à se retirer de la ville, sans résister. Le MSA qui était  son allié, a partagé le contrôle de la ville avec le HCUA. Les différentes négociations entamées  entre CMA et Plateforme ont abouti au retour du GATIA dans certaines localités perdues comme Ménaka. Un nouveau tournant entre les protagonistes d’hier.

Les affrontements qui ont éclaté au mois de juillet entre la CMA et le GATIA avaient précipité la perte des positions de ce dernier dans les régions de Kidal et Ménaka. Ces affrontements ont constitué une menace sérieuse sur l’Accord de paix d’Alger et suscité des réactions auprès  de la communauté internationale . Des négociations entamées avaient abouti à la signature de deux trêves de cessez-le-feu, un document dit « Engagement » a couronné la volonté de la CMA et la Plateforme à cesser de façon immédiate et définitive  toutes formes d’hostilités et à mettre en œuvre les points inscrits dans le document. Parmi ces points il y a le retour  coordonné des éléments  de la Plateforme à Takalot et bien d’autres encore visant à restaurer la confiance. Le retour des éléments du Gatia le 30 octobre  à Ménaka sans anicroche avec la CMA est une donne s’inscrivant dans ce sens. « C’est une conséquence des engagements pris le 20 septembre à Bamako, dont la mise en œuvre a été formalisée à Annefif et Takalot » justifie Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du  GATIA.

Les liens entre cette composante de la Plateforme et les populations de Ménaka sont restés vivaces,  en témoignent les manifestations de joie qui  ont accueilli  son retour dans la ville.  « Nous sommes très contents du retour du GATIA, car depuis qu’il a quitté, chaque nuit il y a un  braquage » raconte cet habitant de la ville de Ménaka. Les attaques des bandits sur les tronçons ont aussi considérablement augmenté. Pour Fahad Ag Almahmoud la sécurisation des populations reste la priorité. « Notre priorité reste toujours la sécurisation de nos parents  en attendant que  l’État prenne en charge la sécurité ».  Il n’exclut pas pour ce faire,  la coordination avec les groupes sur le terrain pour sécuriser la région. « Le MSA est notre allié, la CMA de Ménaka aussi  n’a pas de problème de voisinage avec la plateforme comme à Kidal » estime le secrétaire général.  Il faut rappeler que le MSA qui était l’allié du GATIA avant qu’il(GATIA) ne  se retire de la ville,  s’est vu seul face  aux assauts des éléments armés proches d’Adnan Abou Walid, bras long de l’État Islamique dans le Sahel. La persistance des attaques visant le MSA a conduit le 11 octobre passé certains  chefs de fractions à le quitter au profit d’un protecteur plus puissant : la CMA. Aujourd’hui,  la CMA, la Plateforme,  le MSA, la MINUSMA et les FAMAs sont tous présents à Ménaka.  Un tel concentré  d’armées doit parvenir normalement à sécuriser la région avec une coordination étroite  sur le terrain. Une possibilité que n’exclut pas le secrétaire général du GATIA : « On peut le faire avec toutes les forces en présence comme on peut le faire nous seul aussi, c’est un travail quotidien » a assuré le secrétaire général.  Le mécanisme opérationnel de coordination prévu à cet effet n’est pas encore  opérationnel à Ménaka, Tombouctou et Kidal, alors  qu’il constitue l’une des mesures indispensables pour la restauration de la confiance entre les parties et le test vers une armée nationale reconstituée. Les nids du terrorisme planqués dans la région et environs nécessiteront une coordination des efforts et une mise en œuvre rapide de l’Accord. «  Les uns et les autres doivent se donner la main pour une mise en œuvre diligente de l’Accord » selon Fahad Ag Almahmoud qui rappelle que la lutte contre le terrorisme n’est pas du domaine des groupes armés à base communautaire. C’est pour cela qu’il est urgent selon lui, que les groupes armés soient désarmés conformément à l’Accord pour que l’armée nationale soit totalement opérationnelle et faire face aux menaces terroristes.

Ménaka : Le MSA se désagrège

Il y régnait un calme quasi-exceptionnel, mais, depuis quelques semaines, la région de Ménaka tombe dans l’insécurité, avec des affrontements entre le MSA et des groupes armés vers la frontière nigérienne. Ces affrontements ont créé une fissure au sein du mouvement, avec la démission, le 11 octobre dernier, de  certains chefs de fractions de la communauté Daoussahak, au profit du HCUA, membre de la CMA. L’un d’eux, Siguidi Ag Madit, de la fraction Idoguiritan, a expliqué au Journal du Mali les raisons qui les ont poussé à faire ce choix.

Quels sont les chefs de fractions qui ont démissionné du MSA pour le HCUA ?

Le maire de la commune  d’Inekar, Almahmoud Ag Hamad Taha ; Alhassane Ag Afoya, ancien Président du conseil de cercle de Ménaka ; le marabout Hamad Ehya Ag Alwafi,  Rhissa Ag Mahmoud, chef de la fraction Tabhaw, et moi-même, chef de la fraction Idoguiritan, la plus grande fraction de la région de Ménaka, avons décidé de démissionner du MSA avec nos fractions.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à quitter le mouvement ?

La principale raison est directement liée à Moussa Ag  Acharatoumane, le chef du MSA. Quand il y a eu les affrontements entre la CMA et le GATIA, il avait dit que nous, les Daoussahaks, n’étions pas concernés et qu’il faut que nous ayons notre propre un mouvement. C’est ce que nous avons fait. Almahmoud Ag Hamad Taha et moi étions les seuls à le soutenir, ce jour-là. Depuis, il n’a fait que prendre des décisions sans nous consulter, il n’y a pas eu un seul jour où il nous a appelés pour  que nous prenions des décisions ensemble. Une de ces décisions nous a causé tous les problèmes du monde.

Laquelle ?

Quand il est allé au Niger, nous avons appris qu’il avait signé un accord pour combattre les Peulhs et les Arabes. Depuis, ces communautés nous font la guerre et nous n’avons pas les moyens de nous défendre. Il nous a aussi mis en guerre avec  les Imajaghans, dont le chef traditionnel est le député Bajan Ag Hamatou. Tous ces affrontements nous ont affaiblis et maintenant nos populations ne peuvent plus retourner chez elles, car les Daoussahaks ont tué un nombre important de Peulhs. Je n’ai jamais vu une telle catastrophe arriver à Ménaka. Ce problème-là nous préoccupe au plus haut niveau. C’est la paix que nous voulons. Il  ne va plus nous mettre en guerre contre les autres.

Quand Moussa est allé au Niger, qu’est ce qu’il a signé exactement ?

Nous avons appris qu’il nous avait engagés, nous, les Daoussahaks, dans une guerre contre les Peulhs pour aider à combattre le MUJAO, alors que le MUJAO est en guerre contre les forces étrangères. Si nous nous mettons en travers du chemin du MUJAO, il nous chassera de notre terroir. Le MSA ne peut plus faire face à ces gens-là, il ne peut plus nous protéger. Les  déplacés et les morts dont vous entendez parler, c’est à cause de cela.

Donc, ces Peulhs qui vous combattent font partie du MUJAO ?

Moi je ne sais pas vraiment. Je sais seulement que ce sont des Peulhs et des Arabes. Nous cohabitions ensemble paisiblement mais maintenant ils nous font la guerre à cause de ces décisions.

Quelles seront les conséquences de votre démission pour  le MSA ?

Je ne sais pas, mais nous ne sommes plus d’accord avec le leadership de Moussa. On ne peut plus tolérer que des gens d’ailleurs viennent travailler à Ménaka puis nous laissent. Moussa Ag Acharatoumane ne prenait que des personnes originaires de Talatayte (commune d’Ansongo – NDLR), pour tout ce qu’il faisait, et personne parmi nous, à Ménaka.

Vous étiez auparavant au MNLA. Pourquoi avoir choisi le HCUA?

Oui, c’est vrai, nous étions au MNLA. Notre engagement était avec le MNLA car c’est là-bas que nous étions et avions combattu. Mais nous ne nous sommes rendu compte de notre choix qu’après avoir déjà donné notre parole au HCUA. En même temps, il se trouvait que c’est avec Alghabass Ag Intallah (chef du HCUA – ndlr) que nous étions en contact. Nous avons intégré le HCUA aussi pour nous protéger de toutes ces guerres. Ce n’est pas pour l’argent ou autre chose.

Qu’espérez-vous de ce ralliement à la CMA ?

On n’aurait jamais dû quitter la CMA, surtout au moment où il y a eu des avantages,  avec l’Accord de paix. Le MSA n’est pas un grand mouvement, comme la CMA et la Plateforme. Nos enfants n’auront pas de place dans l’intégration, ni de  travail. C’est pour cela aussi que nous avons pris cette décision.

Le tronçon Menaka-Ansongo de nouveau fermé

Après avoir été une première fois fermé durant trois jours (août 2016) par le syndicat des transporteurs, le tronçon Ansongo-Menaka, est depuis hier 20 septembre, de nouveau fermé, et ce pour 15 jours cette fois-ci. Cette décision a été prise à la suite d’une réunion entre les organisations des sociétés civiles de Gao et d’Ansongo qui s’est tenue le 19 septembre.

Elle a été motivée par l’insécurité qui règne sur cette route où de nombreux braquages et attaques ont été enregistrés. C’est sur ce même tronçon, qu’un convoi de l’armée malienne s’est fait attaquer hier, faisant une victime, et un blessé du côté des Famas.« La route n’est pas du tout sécurisée, il y’a énormément d’attaques, et nous savons tous qui sont les responsables de ces attaques, mais personne n’ose les dénoncer, ils continuent donc à faire régner leurs lois » explique cet habitant de Menaka, qui a requis l’anonymat pour des questions de sécurité. « Ce sujet est assez délicat, pour les habitants d’ici (Menaka), beaucoup s’abstiennent d’intervenir dessus, parce qu’il y’a des risques de représailles » confie-t-il.

Ces derniers jours de nombreux véhicules ont été braqués et d’autres ont même été enlevés par des hommes armés. « Il y’a des forces qui règnent en maitre sur ce tronçon, et pour l’heure nul n’arrive à s’opposer à eux, nous vivons dans une insécurité totale » conclut notre source.

 

 

Moussa Maïga : « L’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle »

La Plateforme « On a tout compris, Waati sera », constituée de plus d’une centaine d’associations, a été contrainte vendredi 18 août par les forces de l’ordre, d’effectuer son deuxième sit-in prévu en face de l’ambassade de France, devant la Pyramide du souvenir. Moussa Maïga, membre fondateur de Waati Sera, a expliqué au journal du Mali, les buts de cette Plateforme qui pointe du doigt le rôle «trouble» de la France au Mali et qui prend de plus en plus d’ampleur.

Pourquoi avez-vous voulu faire un nouveau sit-in devant l’ambassade de France ?

Nous l’avons fait dans l’intention de dénoncer l’ingérence française dans la gestion de la crise Malienne.

Qu’appelez vous ingérence française ?

Nous ne sommes pas d’accord avec la politique française, car la France prend parti du côté des ennemis du Mali, comme la CMA, composée de ceux qui se disent nationalistes, le MNLA et de terroristes.

Ne pensez-vous pas que dans la situation actuelle au Nord, il serait dangereux de laisser Kidal sans la présence des forces étrangères ?

Avant que la France n’arrive à Kidal, les terroristes occupaient le Nord. À l’époque il n’y avait pas d’attentat, c’était juste leur charia qu’ils appliquaient à la population. La situation s’est aggravée malgré la présence de plusieurs troupes étrangères sur le sol malien. Nous voulons connaître leur agenda, nous ne savons pas ce qu’ils font au Nord. On augmente leur mandat mais la situation ne fait qu’empirer. Même l’autre jour, Ménaka est tombée dans les mains de la CMA sous les yeux de la Minusma. Nous avons vu la libération de Gao et Tombouctou par des forces étrangères mais jusqu’à présent Kidal n’a pas été libérée, qu’attendent les forces françaises pour libérer Kidal ? Si la France avait libéré toutes les régions du nord pour combattre le terrorisme, comme ils le disent, on les soutiendrait sans problème. Qquand ils ont libéré Konna le peuple malien a applaudit, après nous avons constaté qu’au lieu de se ranger auprès du Mali ils se sont rangé au côté des terroristes.

Concrètement, demandez-vous le départ des forces étrangères ?

Ce n’est pas ça notre objectif, nous voulons leur transparence, qu’ils mettent de côté leurs intérêts pour libérer le nord du Mali d’abord. Qu’ils n’oublient pas que le peuple malien aspire à avoir la paix. Cela fait longtemps que nous sommes dans l’impasse totale et c’est la France qui est dessous tout ça.

Pour vous la France est-elle toujours une amie du Mali ?

On peut être ami mais chacun doit garder sa personnalité, l’amitié avec la France ne doit pas nous rendre aveugle. La France est toujours une amie, mais nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’elle fait au Nord.

Selon vous, est-ce seulement la faute de la France ou aussi celle du gouvernement malien qui n’est pas suffisamment fort pour être souverain sur son territoire ?

Nous n’avons pas de gouvernement, c’est un gouvernement incompétent qui a les mains liées et qui ne peut rien faire. C’est au peuple de se défendre. Quelqu’un qui tend la main ne peut pas dénoncer celui qui lui donne à manger, notre gouvernement reste et demeure au côté du néo-colonisateur.

Peut-on vous considérer comme un mouvement anti-français ?

Nous sommes un mouvement anti politique française au mali.

Comme un mouvement nationaliste ?

Nous sommes nationalistes, nous sommes des patriotes. On aime notre pays, on ne veut pas perdre notre pays, quand on perd une chemise elle peut être remplacée pareille pour une chaussure. Mais quand on perd une nation on ne peut jamais la remplacer, nous sommes prêts à mourir pour le Mali.

Après ces deux sit-in jusqu’où comptez-vous aller ?

Nous sommes capables de révolutionner le Mali tout entier de Kayes à Kidal pour dénoncer l’ingérence des autorités étrangères. Nous avns commencer avec 30 associations et aujourd’hui il y en a plus d’une centaine et ça continue. Nous voulons la paix, que ça soit avec les autorités locales ou étrangères mais nous n’acceptons pas leur mauvaise gestion de la crise. Il faut que cette gestion soit transparente que la population sache qu’on est en train d’aller vers la paix. Connaissant les moyens logistiques dont disposent les forces étrangères qui sont au Mali, est ce que les terroristes peuvent vraiment les empêcher de libérer Kidal ? Comment la CMA peut-elle, devant la France, brandir un autre drapeau différent de celui du Mali. Ils réclament leur indépendance sous les yeux de la France et de la Minusma, sachant l’accord de paix qui a été signé. Depuis la signature de cet accord, on pensait aller vers la paix, mais c’est le contraire, nous assistons à une division du pays manigancée par la France. La France défend ses intérêts, parmi lesquels l’exploitation de nos ressources, en oubliant ceux du peuple malien.

Des centaines de manifestants contre la France

Des manifestants se sont regroupés hier devant l’ambassade de France pour dénoncer « la partialité » de la France et « la passivité » de la MINUSMA.

« Non au silence coupable de la France » ou encore « Nous avons enfin compris : la France et Barkhane, on en a marre » c’est sous ces slogans que des centaines de manifestants se sont massés jeudi 3 août devant l’ambassade de France pour dénoncer la « partialité » de la France dans le Nord-Mali. Une toute nouvelle association a été créée pour la circonstance. Le mouvement Waati Sera (le temps est venu) on a tout compris, uniquement composé de jeunes de la société civile. « Nous avons décidé de manifester après les évènements de Menaka, nous avons eu des informations très sûres, sur le terrain qui attestent que la CMA a pris la ville sous l’œil assistante de la MINUSMA et avec la complicité de la France » soutient Moussa Coulibaly, du mouvement Waati Sera. Malgré la faible affluence lors de la marche, les organisateurs se montrent satisfaits. « Nous l’avons organisé en 24 heures, sans parti politique, mais la manifestation a tout de même regroupé des maliens de tous bords qui ont répondu à l’appel pour le pays » affirme Coulibaly. Ils estiment également avoir été victime d’intimidations de la part des forces de l’ordre présentes, pour encadrer la manifestation. « Ils nous intimaient l’ordre de mettre fin à notre sit-in mais il n’y a pas eu de débordement » explique le chargé de communication du néo-mouvement, qui réclament plus d’action de la part de la mission onusienne également.

Pour les initiateurs, ce n’est que le début, de ce qu’ils espèrent être des manifestations qui regrouperont plus de monde pour un plus grand impact. « Il faut que les religieux, que les manifestants du Oui et du Non, qui ont beaucoup de monde, s’unissent pour plaider la cause de notre pays » conclut Coulibaly.

 

Kidal, Anéfis, Ménaka : enjeux d’une partie d’échec

Mercredi 26 juillet, des affrontements ont de nouveau éclaté entre la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme (coalition de mouvements pro-gouvernementaux), les deux frères ennemis, qui se sont soldés par une nouvelle défaite de la Plateforme. Deux jours après les combats, la CMA, à la surprise générale, a repris Ménaka et domine à présent le terrain avec les coudées franches pour négocier un cessez-le-feu qui pourra entériner ses positions actuelles, face à une Plateforme affaiblie par deux défaites consécutives, mais qui ne semble pas vouloir s’avouer vaincue.

À Bamako, tout est bloqué depuis le 19 juillet dernier, date à laquelle le cessez-le-feu devait être signé entre la CMA et la Plateforme. À la dernière minute, la Plateforme qui la veille avait validé le document, a refusé de le signer et ainsi d’acter la fin des hostilités, condition préalable à une seconde phase qui pourrait remettre sur la table l’installation du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et le retour de l’administration malienne dans la région de Kidal. Depuis le 11 juillet dernier en effet, les conditions de cessez-le-feu exigées par les uns, refusées par les autres, à l’image des différents qui les opposent et qui se concrétisent violemment sur le terrain, mettent en échec de façon quasi-systématique les tentatives mises en place pour parvenir à un consensus. Loin de ces tractations politiques, dans la région de Kidal devenue une sorte d’échiquier régional, si pendant une semaine la quiétude du désert n’a pas été rompue par le feu des combats, un second round s’est discrètement mis en place, pour l’obtention de positions dominantes.  « Les gens qui rejettent le cessez-le-feu à Bamako, vous pouvez bien comprendre que sur le terrain ils ne vont pas être pacifiques. Donc, parallèlement au rejet du cessez-le-feu, la Plateforme a continué de faire des mouvements de troupes en direction de Takelote, Aghelhok, Anéfis, Tessalit et mercredi dernier, ils sont allés provoquer la CMA jusqu’à une trentaine de km de Kidal. C’est le geste qui a mis le feu aux poudres », relate cet employé humanitaire de la région.

C’est ainsi qu’aux alentours de 7 heures du matin, mercredi 26 juillet, de nouveaux combats violents ont éclaté entre la CMA et la Plateforme, comme l’explique cet habitant de Kidal joint au téléphone : « Les troupes de la Plateforme se trouvaient, depuis une semaine, à une quarantaine de kilomètres de Kidal. La CMA est partie les attaquer sur deux points chauds. Le GATIA (principale composante armée de la Plateforme) a eu le dessus jusqu’à environ 11 heures avant que des renforts de la CMA, menés par Rhissa Ag Bissada, viennent en appui d’Anéfis et parviennent à faire reculer la Plateforme vers Amassine ». La CMA a ensuite poursuivi les troupes de la Plateforme sur environ 100 km en direction de Ménaka. « De notre point de vue, c’était une défaite presque totale pour la Plateforme », déclare satisfait cet officier de la CMA. Dans l’après-midi de ce funeste mercredi, après la violence et la fureur des combats, c’est un bilan lourd en vies humaines et en dégâts matériels, qui résultait de ce nouvel affrontement. Selon un cadre militaire de la CMA, 5 morts et 5 blessés étaient à déplorer de leur côté, contre une vingtaine de morts pour la Plateforme, des dizaines de prisonniers et 22 véhicules saisis par la coordination. « Une dizaine de morts tout au plus et 9 prisonniers ! », rectifie ce sympathisant du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIAqui tient à souligner que parmi les nombreux prisonniers annoncés par la CMA, beaucoup étaient des civils pro-GATIA pris dans la brousse, notamment dans la zone de Takalote.

Parmi les victimes des affrontements, deux chefs militaires appartenant aux deux camps, Rhissa Ag Bissada du Mouvement National de Libération de L’Azawad (MNLA) et Ahmed Ould Cheikh surnommé Intakardé (en référence aux amulettes de protection qu’il portait en combat, censées le rendre invincible). Ce combattant du MAA (Mouvement Arabe de l’Azawad) pro-Mali, ancien officier de l’armée malienne, qui a été membre du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) à sa création, passé ensuite à la Plateforme et devenu bras droit du général Gamou, combattait sans merci ses ennemis qui pouvaient aussi être des parents. « On a essayé de le dissuader plusieurs fois, mais rien n’y a fait. Pour des histoires d’intérêt lié au narcotrafic, il a dévié de la ligne du mouvement et il a rejoint les militaires qui continuent à servir ce même narcotrafic. Quand on parle d’une guerre fratricide, ce n’est pas un vain mot et cela montre la gravité de ce conflit », lâche amer, ce cadre de la CMA, parent de ce défunt grand combattant de la Plateforme.

La perte d’un parent ou d’un proche qui a eu le malheur de s’engager dans l’autre camp, n’est pas rare dans les affrontements qui opposent ces Touaregs issus de la même région, de la même ville ou de la même famille. « On avait beaucoup de gens dans l’armée régulière, ils disent qu’ils sont restés loyaux au gouvernement malien, qu’ils répondent au commandement du général Gamou », poursuit ce même cadre de la coordination. « Pour nous, ce sont des satellites pro-gouvernementaux, qui ne sont pas d’accord avec le concept de l’Azawad, ils nous le disent carrément,  »nous, on est malien à part entière et on veut rien entendre de l’Azawad ». La cassure est là. Sans vraiment dire que ce sont des patriotes, nous sommes persuadés qu’ils servent des intérêts occultes, le grand banditisme, le narcotrafic, en tout cas, c’est loin d’être du patriotisme sincère », confie-t-il.

Mais au-delà des nombreux morts tombés aux combats, la Plateforme a aussi perdu l’enjeu principal de ces guerres, à savoir les positions qu’elle occupait autour de la ville de Kidal et dans la région, permettant ainsi à la CMA de dominer le terrain.

Le grand échiquier « À différents niveaux, dans les différentes parties, il y a ceux qui veulent avoir des positions de force, mais qui se sentent en position de faiblesse à chaque fois qu’ils veulent négocier des choses, c’est valable pour la partie gouvernementale, c’est valable pour la Plateforme et c’est valable aussi pour le CMA. Donc, gagner des positions sur le terrain permet de négocier plus fortement autour de la table à Bamako », analyse cet officiel malien proche du dossier.

Cette guerre de positionnement que se livrent les deux frères ennemis suspend, pour le moment, tout accord de cessez-le-feu qui, une fois signé, entérinera les positions sur le terrain des belligérants qui devront rester inchangées. Les deux camps se livrent donc à des opérations de reconquête ou de maintien de position, dont la ville de Kidal reste l’enjeu principal et qui permettront à celui qui dominera le terrain d’imposer ses conditions pour la paix.

Avant la signature de l’Accord d’Alger en juin 2015, c’était la CMA qui occupait Anéfis, par la suite la Plateforme a repris cette ville à la coordination et le gouvernement a laissé faire. La CMA considère que ses positions sur le terrain doivent être conformes à celles qu’elle occupait au moment où l’accord de paix a été signé. Pour elle, Anéfis doilui revenir de droit. « La Plateforme doit certainement juger qu’ils sont défavorisés parce qu’ils prétendent avoir perdu Anéfis qui était une position de la CMA lors du cessez-le-feu de 2014. Nous ne pensons pas qu’ils sont défavorisés par rapport à ça dans la mesure où Anéfis est juste une position qui ne devait pas être entre dans leur main et qui nous revient », affirme ce cadre du HCUA, qui ajoute, sibyllin, « je me demande si la CMA va accepter un cessez-le-feu maintenant qu’elle est carrément en position dominante. La Plateforme qui s’est engagée dans cette opération aurait dû prendre cela en compte, avec une probabilité principale, celle de sortir encore plus affaiblie ».

Selon nos informations, depuis les combats du 26 juillet, les unités de la Plateforme auraient convergé vers Tabankort, d’autres unités se trouveraient non loin d’Anéfis, désertée par la CMA après les combats du 26 juillet. « Ils sont en train de se regrouper à Tabankort pour préparer une nouvelle offensive. Aujourd’hui, ils ont de nombreuses unités qui sont concentrées dans la zone », confirme cet officier du MNLA bien renseigné sur les mouvements du camp adverse dans la région. « Je pense que ce n’est pas un retrait, je pense qu’ils veulent se regrouper pour ensuite former un seul front pour attaquer Kidal. Reste à savoir si Barkhane et la Minusma laisseront faire », poursuit-il.

Main basse sur Ménaka, Toujours est-il que 48 heures après avoir défait la Plateforme dans la région de Kidal, vendredi 28 juillet, La CMA mettait en branle une force constituée de « 50 à 100 véhicules », selon certaines sources, qui est arrivée à Ménaka en fin de journée. Cette colonne de la CMA a pu pénétrer, sans un coup de feu, dans cette ville stratégique que la coordination avait perdu face à la Plateforme à l’été 2016. « Nos éléments qui sont entrés à Ménaka appartiennent à la tribu Ichinidharen, ils sont de la région de Ménaka, ils avaient été chassés il y a quelques mois par l’alliance GATIA-MSA (Mouvement pour le Salut de l’Azawad – ndlr), alors qu’ils étaient venus visiter leur campement vers Tin Fadimata. Tout s’est passé dans le calme, tout est rentré dans l’ordre », affirme ce gradé du MNLA joint au téléphone et qui a suivi, heure par heure, le retour de de ses troupes dans la ville.

Pourtant, l’arrivée « en force » des troupes de la CMA a suscité crainte et tension dans la ville, poussant le chef de cabinet du gouverneur de Ménaka à se réfugier avec son administration dans le camp de la Minusma et mettant en alerte les FAMA qui eux aussi se sont retranchés dans le camp de la mission onusienne. Le samedi matin, la confusion passée, des discussions entre la CMA, les FAMA, le MSA et la Minusma ont permis d’établir un partage équitable concernant la sécurisation et la gestion de la ville. La CMA occupe désormais le Nord de Ménaka, tandis que le MSA est chargé du sud et les FAMA sécurisent le centre où se trouve le gouvernorat. Cette nouvelle alliance de circonstance entre la CMA et le MSA pose néanmoins certaines questions quant aux relations futures du mouvement de Moussa Ag Acharatoumane avec le GATIA et sa cohabitation avec la CMA, même si sur place, on explique qu’« ils ont un objectif commun, une même volonté de sécuriser les populations et d’aider à la gestion de la ville », un leitmotiv que le MSA partageait, déjà, il y a encore quelques jours avec le GATIA.

Une partie loin d’être finie À Bamako, l’entrée de la CMA à Ménaka a été jugée par le ministère de la Défense comme un acte « contraire à l’Accord de paix ». Le Ministre de la défense, Tiena Coulibaly, a d’ailleurs rencontré, samedi 29 juillet en matinée, tous les partenaires, CMA , Plateforme, Minusma et Barkhane, pour tenter de « trouver une solution et ramener les belligérants dans l’Accord ».

Sur un autre front de négociation, à Kidal, la mission de bons offices menée par l’Imam Mahmoud Dicko, président du Haut conseil islamique du Mali, et diligentée par le gouvernement pour négocier le retour de l’administration malienne, a rencontré jeudi 27 juillet, la société civile, les chefs de fractions et les notables de la région, pour recenser les conditions qui permettraient d’y parvenir. La nomination d’un gouverneur neutre, contrairement à l’actuel jugé trop proche du GATIA, la mise en place du MOC à Kidal avec seulement 200 éléments des FAMA et 200 éléments de la CMA, sans les éléments du GATIA dont la participation se voit conditionnée à un hypothétique apaisement de la situation dans le futur, la prise en compte des Accords d’Alger par l’amendement de la Constitution du Mali et enfin un retour aux dispositions du cessez-le-feu signé par les différentes parties le 20 juin 2015. Tels sont,  au sortir de ces concertations, les préalables à un retour de l’administration malienne et de la paix dans la région. « La médiation de Dicko qui favorise la CMA, c’est une nouvelle raison qui va pousser le GATIA à aller à la guerre. Ce document ce n’est pas la paix, on fait la paix avec tout le monde et pas comme ça. Pour moi, il a été influencé par Mohamed Ag Intalla et les vraies raisons de son déplacement à Kidal, ce n’est pas ce qui a été dit dans son document, c’est plus pour essayer d’avoir un lien avec Iyad et négocier », maugrée cet officier du MNLA, qui craint que la situation continue de s’envenimer. « D’une façon, oui, nous avons inversé le rapport de force sur le terrain, mais c’est encore trop tôt pour crier victoire. Le GATIA a subi beaucoup de pertes ces dernières semaines, à Ménaka, dans la région de Kidal et lors des deux derniers affrontements. Ils ont perdu beaucoup d’hommes, morts aux combats ou fait prisonniers, beaucoup de véhicules, c’est conséquent. Mais les  choses sont claires, pour eux et donc pour nous, et je suis sûr que la partie n’est pas finie », conclut notre interlocuteur.

Ménaka, nouvelle prise stratégique de la CMA

Les affrontements entre la CMA et le GATIA, qui avaient repris le mercredi 26 juillet 2017 à une quarantaine de kilomètres de Kidal se sont transportés jusque dans la région de Ménaka. Le vendredi dernier, aux environs de 18 heures, une vingtaine de véhicules de la CMA sont rentrés dans la ville sans violence, le GATIA ayant plutôt déserté la ville la veille.

L’échec de la signature d’un cessez le feu, mercredi 19 juillet dernier, à Bamako, entre la CMA et la Plateforme, a fait place aux combats dans plusieurs localités de la région de Kidal. Le GATIA à l’issu de ces affrontements a enregistré des lourdes pertes, avec notamment des prisonniers aux mains de la CMA. Les combattants du GATIA auraient abandonné la région pour se replier sur la région de Gao. C’est dans ces conditions de défaite que la CMA, galvanisée par ses succès remportés, a pris le contrôle de la ville de Ménaka, vendredi 28 juillet aux environs de 18 heures sans combat.

Le gouverneur de la région Daouda Maiga a été évacué de la ville par un avion de la MINUSMA avant l’arrivée des combattants de la CMA. D’après des témoignages collectés sur place à Ménaka, la CMA est rentrée dans la ville sans opposition, « aucune balle n’a été tirée » nous confie un habitant. Dans la nuit de vendredi, un silence de mort régnait sur la ville. Personne ne circulait dans les rues. Une atmosphère de crainte et de peur avait gagné la plupart des populations.

Le président de l’autorité régionale Abdoulwahab Ag Ahmed Mohamed a rencontré samedi matin les responsables de la CMA. Ceux-ci ont fait savoir qu’ils sont venus pour protéger la population et récupérer leurs anciennes positions. Ils ont également affirmé qu’ils n’ont pas de problèmes avec les FAMA mais avec le GATIA auquel ils prendraient désormais la place. Aucune remise en cause de l’Accord d’Alger n’a été formulée par les responsables de la CMA. Entre temps, les combattants du GATIA, d’après une source sur le terrain, auraient pris le contrôle d’Anefif dans la region de Kidal, aux environs de 14 heures ce même samedi. Une nouvelle qui aurait motivé le départ de la CMA de Ménaka. «  Ils se sont retirés de la ville, c’est les FAMA et la MINUSMA qui sécurisent la ville » témoigne un habitant joint ce soir. « Aujourd’hui, les gens vaquent à leurs affaires,tout est calme » rassure un jeune à Ménaka contacté. Dans tout les cas, la situation est loin de se normaliser même si la CMA a quitté Ménaka, car la hache de guerre entre celle-ci et le GATIA n’est pas encore enterrée.

 

 

Ménaka : Grand flou autour de l’embuscade tendue aux FAMA

Depuis plusieurs semaines, la région de Ménaka est sous la menace de l’émir de l’Etat islamique au Grand Sahel : Adnan Abou Walid Al-Sahraoui qui opère dans la région. Celui là même qui aurait adressé une lettre dans laquelle il déclarait une « guerre d’extermination » à deux communautés importantes de la région : les Imghads et les Daoushaks, qu’il accuse de collaborer avec la France dans la lutte contre le terrorisme et d’avoir défendu le Niger lors d’une attaque sur une de ses bases à Abala, il y a de ce là deux mois.

Le dimanche 09 juillet, un convoi de l’Armée Malienne en patrouille à 60 km à l’Ouest de Ménaka à été pris pour cible dans la zone d’Inazole à Inkadogotan entre Ménaka et Gao. Les Forces Armées Maliennes dans un communiqué publié le même jour indique que « Le matin du dimanche 9 juillet 2017, une patrouille FAMA de Ménaka a fait l’objet d’une attaque à Inkadogotan entre Ménaka et Gao.  Des véhicules ont été détruits. L’on déplore aussi des portés disparus » souligne le communiqué.

Selon une source bien renseignée, le convoi des FAMA, composé de 08 véhicules, de retour d’une patrouille dans la zone d’Indelimane, s’est arrêté momentanément dans un endroit et quelques instants après avoir repris le chemin, le convoi est tombé dans une embuscade. « C’était huit (08) véhicules équipés, quatre(4) ont pu échapper et quatre (4) autres sont restés avec un équipage de neuf militaires en arrière et sont tombés dans l’embuscade. C’est très possible qu’ils se soient enfoncés dans la boue car la zone était détrempée », explique cette source. « Personne ne sait s’ils sont vivant ou mort » ajoute-t-elle.

Difficile d’obtenir plus d’information sur cette attaque qu’un grand flou entoure pour le moment. Même le communiqué des Forces Armées Maliennes reste vague et rares sont les informations qui filtrent sur cette embuscade et sur ses auteurs. Les personnes susceptibles d’avoir des informations pertinentes sur l’état réel des quatre vehicules et leur équipage n’ont pas voulu se prononcer sur le sujet.

Sur les sites internet d’information, l’embuscade à été évoquée mais sans donner de précisions sur les auteurs et le bilan. RFI AFRIQUE a publié le lundi 10 juillet, un article dans lequel un officier de l’Armée Malienne confie qu’ils sont mobilisés pour avoir des nouvelles. «Nous faisons tout pour avoir des nouvelles précises de nos hommes qui sont pour le moment portés disparus » a t- il affirmé.

Selon l’AFP, hier lundi 10 juillet, une source locale a affirmé que des militaires maliens blessés  « sont arrivés » dimanche dans l’après midi à Ménaka. « Ils faisaient partis d’un groupe de militaires maliens ayant eu un accrochage avec des jihadistes au sud ouest de Ménaka » indique la même source. Selon des informations circulant sur les réseaux sociaux, des allégations parlent même de 29 militaires disparues et quatre véhicules. Selon le journal L’indépendant de ce mardi 11 juillet, « treize militaires ont été portés disparus. Quatre véhicules ont été détruits dont certains calcinés ». Aucune revendication n’a été faite de cette attaque qui suscite des inquiétudes sur le sort des militaires disparus.

Avec la menace d’Al-Sahroui, les attaques récurrentes de la coalition d’Iyad Ag Agaly d’un coté et les supposés éléments du MUJAO d’un autre c’est probablement la fin de l’accalmie pour cette région qui faisait il y a peu encore figure de modèle de stabilité dans le Nord.

Al-Sahraoui, auteur des menaces sur Gamou et Acharatoumane ?

C’est un messager qui a remis à un membre du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA), mardi 27 juin, les deux feuillets griffonnés en arabe à l’encre rouge, dont Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, l’émir de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) serait l’auteur et qui promettait, entre autres menaces, aux «Pharaons» Moussa Ag Acharatoumane, secrétaire général du MSA et au général Gamou, leader du GATIA, une « guerre d’extermination de votre espèce sur terre par tous les moyens». « La stratégie c’est toujours d’écrire en rouge quand il y a des menaces de mort », confie Daouda Maiga, gouverneur de Ménaka qui malgré la difficulté pour authentifier le message n’exclut pas qu’Al-Sahraoui en soit l’auteur. « C’est peut-être Al-Sahraoui qui a écrit cette lettre ou un de ses lieutenants, en tout cas ça vient de vers chez eux. Ce qui est étrange, bien que les djihadistes sont quand même spécialistes de l’intimidation, c’est qu’il menace d’exterminer les Imghads et les Daoussak les communautés les plus nombreuses, en règle générale les djihadistes ont l’intelligence de ne pas se mettre les communautés à dos », précise-t-il.

Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, président de la région de Ménaka, si cette information ne peut être démentie à 100 %, rappelle que les ennemis de Ménaka sont nombreux : « Il y a beaucoup de gens, de mouvements armés qui sont contre le système mis en place à Ménaka, contre cette accalmie, cette ambiance de paix. Tous ceux qui veulent nuire à la paix vont toujours créer des troubles sur le terrain », explique-t-il, reconnaissant que la communication de ces ennemis, quels qu’ils soient, peut aussi être une arme redoutable contre ce qui est en train de se construire à Ménaka.

Cette lettre d’Adnan Abou Walid Al-Sahraoui, fait suite au raid lancé, début juin, par des combattants du MSA et du GATIA épaulé par la force Barkhane contre les éléments terroristes appartenant à l’EIGS qui avaient attaqué une base de l’armée nigérienne à Abala, non loin de la frontière malienne, dans une zone où les attaques djihadistes sont fréquentes. Quinze terroristes auraient été neutralisés lors de cette attaque. « Cela fait des mois qu’on entend parler de menaces sur Ménaka mais ce n’est que maintenant qu’on a un papier écrit et après que les gars des mouvements soient allés se battre au Niger, je pense que c’est quand même à prendre au sérieux», ajoute le gouverneur de Ménaka.

Ce même mardi où la lettre parvenait à Ménaka, en soirée aux alentours de 20h, à une cinquantaine de kilomètre de la capitale régionale, le village d’Infoukaretane était attaqué par des hommes en armes arrivés à bord de 3 pickups et de motos, selon des témoignages, qui ont cassé et pillé des boutiques et sont repartis dans la nuit avec le matériel dérobé sans toucher à la population. Pour le Chef d’État-major du MSA, Ehya Ag Jaddi, les terroristes sont responsables. «Cette attaque est liée aux menaces d’Al-Sahraoui, Il faut que nous allions vers la population parce que c’est elle qui est visée », explique-t-il

Une mission de la Minusma et des Fama devrait se rendre sur place, jeudi 29 juin, pour faire toute la lumière sur cette attaque. « À Ménaka, une bonne partie de la population pense que ce ne sont pas les terroristes qui ont fait le coup, certains ont pu profiter de cette menace pour se livrer à des actes de banditisme, d’ailleurs cette attaque n’a pas été revendiquée », temporise Daouda Maiga.

Toujours est-il qu’à Ménaka la sécurité de la ville a été renforcée et les combattants du Gatia et du MSA, en alerte, attendent les décisions du Général Gamou et de Moussa Ag Acharatoumane pour savoir quelle posture adopter face à un ennemi pour le moment mal défini.

Ménaka : le nouveau commissariat ouvrira ses portes en juillet

Le premier contingent de policiers est attendu dans la région de Ménaka dès la première quinzaine du mois de juillet. Le bâtiment déjà construit a été inauguré, mercredi 21 juin, par le directeur de la police nationale.

Le Directeur national de la police a présidé mercredi dernier l’inauguration du commissariat de la police de Ménaka en présence de quelques agents de police de la force onusienne présente au Mali (Minusma). La cérémonie s’est déroulée dans la salle du gouvernorat de Ménaka où ont été nommés le directeur régional de la police et le commissaire de police de Ménaka. Selon Djibrila Maïga, président du conseil régional de la jeunesse de Ménaka, le premier contingent est attendu dans la première quinzaine du mois de juillet. Le nombre des agents est pour l’instant inconnu. Toute porte à croire que le gouvernement reste très prudent sur ces questions pour des raisons de sécurité.

Une chose est certaine, le bâtiment est fin prêt, « il manque les équipements qui viendront en même temps avec les agents », explique Djibrila Maiga. On rappelle que le bâtiment censé abriter le nouveau commissariat de police est situé à l’entrée de Ménaka. Il fait face au camp militaire.

Grand soulagement L’ouverture d’un commissariat de police dans la région est accueillie avec joie par la population et la société civile. « C’est un soulagement de savoir que l’Etat est présent avec nous. Nous avons longtemps attendu ce jour », témoigne Iba Tane, membre de la société civile. Le commissariat de police aidera en effet la gendarmerie nationale dans sa mission de sécurisation des personnes et des biens. Un nouveau pas réussi pour cette région qui est perçu aujourd’hui comme un modèle dans la mise en œuvre de l’accord pour la Paix et la Réconciliation signé en 2015.

 

Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed : « On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après on nous a laissé nous débrouiller tout seul »

Trois mois après l’installation des autorités intérimaires la plupart des assemblées régionales et des conseils transitoires ne sont pas opérationnels, alors que leur mandat devrait prendre fin le 20 juin prochain. Néanmoins dans la région de Ménaka, nouvellement créée, les choses bougent, en marge d’une mise en œuvre de l’Accord de paix qui fait du surplace. Abdoul Wahab Ag Ahmed Mohamed, président de l’assemblée régionale de Kidal, a expliqué au Journal du Mali, comment en local, avec le soutien des populations, il tente d’exercer sa difficile mission.

Vous avez été nommé président de l’Assemblée régionale de Ménaka, aujourd’hui exercez-vous concrètement vos fonctions ?

Nous avons déjà tenu une première session de travail dans des conditions sommaires, mais nous avons pu quand même travailler. Vous savez, la région de Ménaka est une toute nouvelle région, c’est la première fois qu’on installe une structure d’assemblée régionale. Nous avons dû tout construire, créer des conditions pour pouvoir rendre opérationnel les bureaux de l’assemblée régionale, avant nous, il n’y avait pas de personnel, pas de bâtiment, on est parti de zéro à contrario des autres régions qui ont déjà ces structures. Nous pouvons aujourd’hui, malgré cela, affirmer que notre bureau est opérationnel à 100 %, grâce à l’appui du gouvernorat, du bureau de la Minusma, et des personnels de bonne volonté. Nous pouvons dire que nous sommes à jour comme toutes les autres régions et même en avance par rapport à certaines régions qui n’ont pas encore commencé à travailler.

Comment les choses ont-elles pu avancer à Ménaka alors que dans les autres régions ces mêmes autorités intérimaires ne sont pas opérationnelles ?

C’est grâce à la volonté des populations de construire une paix durable, à vouloir le retour de l’État, à vouloir la paix. Les populations, les groupes armés, le représentant de l’État, les forces maliennes, regardent de l’avant pour leur région et non par rapport à ce qui est inscrit dans l’Accord d’Alger. Grâce à leur entente, grâce à la coordination de leur force, grâce à cette cohésion sociale, il y a déjà un résultat, sans attendre que l’application de l’Accord avance. Cela permet aux commerçants de travailler sans problème, aux ONG d’intervenir dans la région, du coup ça soulage la population et donne vraiment un sentiment d’une région où la paix et la quiétude se normalisent peu à peu.

Cela veut-il dire que des résultats sont possibles sans attendre la mise en œuvre de l’Accord qui s’illustre par son retard ?

Tout à fait. Aujourd’hui à Ménaka nous n’avons aucun problème à faire avancer les dispositions de l’Accord. Nous avons besoin quand même de l’appui des acteurs de l’Accord pour légaliser tous ces travaux que nous sommes en train de faire sur le terrain. Nous avons besoin d’un bureau DDR opérationnel, nous avons besoin d’un État fort pour pouvoir rendre légitime tous ces efforts.

Avez-vous reçu les financements promis pour le fonctionnement de ces autorités intérimaires ?

Nous avons exprimé nos besoins, celle des populations, les conditions pour pouvoir faire notre mission comme il se doit. Nous avons aussi élaboré un programme d’urgence pour pouvoir soulager les populations, rendre opérationnelle les autorités intérimaires et pouvoir faire bouger toute la région. Ce programme a été soumis au gouvernement et à certains partenaires et après 3 mois il n’y a pas eu de retour. Au niveau local il y a eu des décisions et un résultat positif, mais au niveau du gouvernement et des partenaires, nous n’avons pas eu de coup de main pour pouvoir poser nos actions et aller au fond de nos initiatives. On a été nommé à la tête des autorités intérimaires puis après plus rien, on nous a laissé nous débrouiller tout seul.

Votre mandat devrait se prendre fin le 20 juin prochain, alors que les objectifs de votre mission ne sont pas atteint, plaiderez-vous pour la prolongation des autorités intérimaires ?

Les autorités intérimaires sont une étape vraiment cruciale pour l’application de cet accord, le gouvernement n’a pas intérêt à organiser les élections avant que les autorités intérimaires ne posent certaines actions qui prouvent qu’il y a vraiment un changement, que l’État revienne et qu’il soit fonctionnel, que les collectivités soient fonctionnelles au niveau des régions et qu’à travers ses collectivités, la communauté internationale pose certaines actions qui prouvent vraiment un retour à la stabilité. Dans la région de Ménaka, il n’y a pas de collectivité actuellemennt pour dire qu’il y a une région opérationnelle à 100 %, il y a des arrondissements mais ces arrondissements ne sont pas encore formés en collectivité. Les fractions ne sont pas réparties entre les arrondissements existants. Il faut faire les choses par étapes car Ménaka n’a pas encore de cercles ni de communes. Si les élections communales et régionales sont organisées dans la précipitation ça risque d’être très compliqué chez nous.

Quelles sont, selon vous, les raisons profondes de ce retard dans la mise en œuvre de l’accord de paix ?

Ce qui est sûr c’est que depuis la signature de cet Accord, il y a eu beaucoup de changements d’interlocuteurs et de problèmes en interne. Cette lenteur dans l’application de l’Accord est dû aux interlocuteurs de certains mouvements, de certaines coordinations, il y a aussi je pense, un problème de moyen pour pouvoir avancer dans l’application de l’accord. Nous pouvons prendre l’exemple des autorités intérimaires aujourd’hui, les acteurs sur le terrain et les populations ne font pas défaut mais ils n’ont pas les moyens pour pouvoir les rendre opérationnelles.