El Ghassim Wane : « L’opération de retrait de la MINUSMA a été complexe et difficile »

Entamé le 1er juillet dernier, le processus de retrait de la MINUSMA est presque bouclé. Après 10 ans de présence, la mission onusienne quitte le Mali, où elle a longtemps été décriée par une grande partie de la population, qui regrettait son inefficacité et son inadaptation face à la complexe crise malienne. Le Mauritanien El Ghassim Wane, nommé le 15 mars 2021 et arrivé au Mali en mai de la même année, aura passé un peu plus deux ans comme chef de la mission. Dans cette longue interview exclusive, il revient sur la rétrocession des bases, les polémiques dans la région de Kidal, l’après 31 décembre 2023, le rapport sur Moura, l’avenir de l’Accord pour la paix et fait un bilan des 10 années de la MINUSMA.

La MINUSMA a organisé une cérémonie de clôture à son quartier général le 11 décembre pour marquer le départ de la mission. Quelle appréciation faites-vous du processus de retrait ?

La cérémonie qui a eu lieu le 11 décembre était destinée à marquer symboliquement le départ de la mission du Mali, à la suite de la demande faite à cet effet par les autorités de la Transition et de l’adoption subséquente par le Conseil de sécurité de la Résolution 2690. Dans les faits, nous avons déjà fermé les dix bases qui devaient l’être d’ici au 31 décembre 2023. Les trois restantes (Bamako, Gao et Tombouctou) seront converties en sites de liquidation à partir du 1er janvier 2024. Mais, même s’agissant de ces dernières emprises, nous avons déjà procédé à une rétrocession partielle aux autorités maliennes de la base de Gao et nous transfèrerons celle de Sénou, à Bamako, d’ici la fin du mois. Pour Tombouctou, tout est fait pour accélérer la cadence et assurer la remise de l’emprise au plus tard en février de l’année prochaine. Plus des deux tiers de nos personnels civils et en uniforme ont déjà quitté le Mali. Tous les personnels restants, à l’exception de ceux qui seront impliqués dans la liquidation de la mission, auront quitté le Mali d’ici la fin de l’année. Nous sommes évidemment satisfaits des résultats obtenus. Réussir le pari d’un retrait dans les délais fixés était loin d’être acquis, compte tenu de l’environnement sécuritaire, de l’envergure de la mission, de l’immensité de notre théâtre d’opération et d’autres contraintes, y compris logistiques.

Les Nations unies craignaient que le délai prévu pour le retrait ne soit trop court. Finalement, le défi a été relevé ?

Il est évident que le délai prescrit pour le retrait est exceptionnellement court. C’est une réalité ! Dans une situation normale, une opération de retrait de cette envergure prend beaucoup plus de temps. La question n’est pas que logistique et sécuritaire, il s’agit aussi d’assurer un transfert adéquat des tâches entre la mission qui part et les autorités du pays hôte et, le cas échéant, avec l’équipe-pays des Nations unies, qui regroupe les Agences, Fonds et Programmes de l’organisation, et d’autres acteurs, de manière à ce qu’il y ait une certaine continuité dans l’effort. Il faut, dans toute la mesure du possible, éviter des vides qui seraient préjudiciables à la stabilité du pays. Une fois que le délai fut déterminé, notre responsabilité était d’œuvrer à la réalisation de l’objectif fixé en préservant par dessus tout la sécurité de nos personnels. C’est ce qui a été fait, grâce au dévouement et au professionnalisme des personnels nationaux et internationaux de la MINUSMA, qui ont travaillé d’arrache-pied et fait montre d’une résilience et d’une créativité remarquables pour surmonter les difficultés rencontrées. Il a fallu aussi une bonne coordination avec notre siège à New York, qui nous a apporté tout le soutien nécessaire, ainsi qu’avec les pays contributeurs de troupes et de personnels de police. Il est crucial de relever que, dès le départ, des mécanismes de coordination ont été mis en place avec les autorités maliennes, tant au niveau national que local, avec pour objectif de faciliter un retrait ordonné et en toute sécurité. Il y a eu indéniablement des difficultés, mais je me réjouis de ce que l’objectif commun d’un retrait d’ici à la fin de l’année soit maintenant sur le point d’être réalisé.

La mission a dénoncé des contraintes dans son processus de retrait, notamment des autorisations de vols non accordées. Cela vous a-t-il obligé à vous adapter ?

On ne le dira jamais assez : le retrait de la MINUSMA est une opération d’une très grande complexité et les délais prescrits sont sans précédent pour une mission de cette envergure. Il a donc fallu s’adapter continuellement, en gardant à l’esprit l’impératif du respect du délai convenu, que nos partenaires maliens, et c’est parfaitement légitime, ont régulièrement rappelé, et celui de la sécurité de nos Casques bleus, qui revêt une importance d’autant plus grande que nous sommes la mission la plus dangereuse jamais déployée par les Nations unies. Oui, il y a eu des difficultés et nous nous en sommes ouverts à nos interlocuteurs maliens, dans le cadre des mécanismes de coordination mis en place pour faciliter le retrait, en plus des discussions que notre siège à New York a régulièrement eues avec la Mission permanente de la République du Mali auprès des Nations unies. En tant que partenaires devant œuvrer ensemble et en bonne intelligence à l’exécution de la Résolution 2690, il était important que nous puissions échanger en toute franchise sur le processus, sur nos préoccupations respectives et sur les difficultés rencontrées pour essayer de trouver les solutions les plus idoines.

Certains Maliens ont dénoncé une trahison de la part de la mission. Les autorités ont évoqué un non-respect de la résolution des Nations unies, notamment pour la rétrocession des bases de la région de Kidal. Pourquoi avoir fait le choix de partir sans cérémonie de rétrocession ?

 Je voudrais tout d’abord souligner que dans la très grande majorité des cas (Ogossagou, Douentza, Goundam, Ménaka, Mopti, Ansongo, entre autres), la fermeture de nos emprises et leur rétrocession se sont très bien passées, à la satisfaction et du gouvernement malien et de la MINUSMA. Cela dénote d’un degré élevé de coordination et de collaboration. Pour revenir plus directement à votre question, il importe d’abord de rappeler qu’avant le début du processus de retrait  nous avons élaboré un chronogramme tenant compte de plusieurs facteurs, notamment logistiques et sécuritaires. Ce plan a été partagé avec les autorités maliennes et, lorsque des ajustements ont dû être opérés du fait de contraintes totalement indépendantes de notre volonté, ceux-ci furent également communiqués, dans l’esprit du partenariat qui sous-tend la bonne mise en œuvre de la Résolution 2690. La fermeture des bases de la mission a été exécutée dans les périodes prévues. Cela n’a pu être le cas à Kidal, où la période envisagée a dû être réaménagée du fait d’impératifs sécuritaires. Je l’ai dit, et le Conseil de sécurité l’a souligné, la sécurité de nos Casques bleus est une préoccupation primordiale. Dans un contexte marqué par l’absence d’un mandat substantif à la suite de la demande de retrait et de la résolution du Conseil, la réduction drastique de nos capacités à nous protéger et l’augmentation très significative des risques sécuritaires, nous avions la responsabilité, l’obligation, de ne pas mettre la vie de nos personnels davantage en danger. Que ce soit lors des retraits de Ber, dans la région de Tombouctou, ou des bases situées dans la région de Kidal, nous avons fait face à des attaques et sommes, à plusieurs reprises, passés tout près de la catastrophe. Nous devons tous être soulagés qu’aucun Casque bleu n’ait perdu la vie dans ces opérations, même s’il y a eu des blessés nombreux : c’est un motif de satisfaction pour la mission, pour les pays contributeurs de troupes et de personnels de police, ainsi que pour les familles et proches des Casques bleus, et pour l’ensemble des États membres des Nations unies, étant donné que la mission a été mandatée par le Conseil de sécurité en leur nom.

Les autorités de la Transition étaient-elles informées de votre départ précipité de Kidal et de l’intention de ne pas faire de cérémonie de rétrocession ?

Comme indiqué plus haut, nous avons établi avec les autorités maliennes des canaux de communication multiples et à différents niveaux pour assurer une exécution aussi efficace et efficiente que possible du retrait de la mission. Dans ce cadre, nous échangeons régulièrement et dans le détail sur tous les aspects du processus de retrait, son évolution et nos préoccupations respectives.

Je crois que tous les acteurs concernés avaient conscience qu’un retrait dans des délais si courts, quelle que soit par ailleurs la bonne volonté des uns et des autres, ne pouvait être sans difficultés, d’autant qu’il est intervenu à un moment où le processus de paix était paralysé. Il peut y avoir des appréciations divergentes de ce qui s’est passé. Mais nous pouvons tous nous féliciter de ce qu’il est maintenant certain que le délai convenu pour le retrait sera respecté.

Une impression générale s’est dégagée, celle d’avoir favorisé les groupes armés, notamment la CMA, en agissant ainsi. Que répondez-vous ?

L’opération de retrait de la MINUSMA a été exécutée dans des conditions dont on ne soulignera jamais assez la complexité et la difficulté. Dans des situations de ce type, il n’est pas rare que des critiques soient entendues de la part des parties. Il ne vous a pas échappé que nous avons aussi fait l’objet de critiques de la part des Mouvements signataires. Notre unique objectif était d’assurer la bonne exécution de la résolution 2690. Et, dans cette entreprise, nous ne nous sommes jamais départis des principes qui gouvernent le fonctionnement des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Oui, il y a eu des incompréhensions et des questionnements, mais tout ceci est maintenant derrière nous. L’important, c’est la poursuite du processus de stabilisation, de paix et réconciliation et, pour cela, le Mali, qui appartient à la famille des Nations unies, pourra toujours compter sur le soutien indéfectible de l’organisation. La MINUSMA part, mais les Nations unies, à travers leurs Agences, Fonds et Programmes, restent pour continuer et renforcer la coopération existante.

Après cette phase de retrait, une nouvelle, dite de liquidation, va débuter le 1er janvier 2024. En quoi consiste-t-elle ? Comment de temps va-t-elle durer ? Quels personnels sont prévus à cet effet ?

Cette phase est mise à profit pour faire transporter hors du Mali les matériels et équipements, notamment ceux appartenant aux contingents qui n’ont pu être rapatriés avant la fin du retrait, ainsi que pour gérer tous les autres aspects, administratifs, financiers et autres, liés aux activités de la mission, et disposer de ses biens. Il importe de s’assurer que tout est en bon ordre.

L’expérience des Nations unies montre que ce type d’activités requiert normalement 18 mois pour être mené à bien. Mais mes collègues qui gèrent ce dossier ont la détermination de faire en sorte que ce travail soit accompli dans les délais les plus courts qui soient. Celui-ci mobilisera des personnels civils, avec le soutien d’effectifs limités de personnels de garde pour protéger les équipements encore au Mali et assurer la sécurité intérieure des sites de liquidation.

Combien d’agents de la MINUSMA auront quitté le Mali d’ici le 31 décembre 2023 ?

Plus des deux tiers de notre personnel sont déjà rentrés dans leurs pays respectifs. L’ensemble des personnels civils et en uniforme de la mission qui ne sont pas impliqués dans la phase de liquidation quitteront le Mali au plus tard le 31 décembre. Les personnels en uniforme – dont le nombre sera très limité – qui resteront au Mali seront ceux des unités de garde déployées sur les sites de liquidation, pour en assurer la sécurité intérieure, étant entendu que la sécurisation du périmètre extérieur de ces sites sera assurée par les autorités maliennes. Nous espérons nous accorder rapidement avec les autorités sur le détail des arrangements à mettre en place. Aux unités de garde s’ajouteront des éléments, également en nombre très réduit – post-curseurs laissés sur place par les contingents dont les équipements n’auront pu être rapatriés d’ici la fin de l’année

La MINUSMA employait de nombreux nationaux et avait des contrats avec des sociétés maliennes. Était-il prévu dans votre plan de retrait une indemnité pour ces personnes et entités ?

Le retrait est intervenu de façon abrupte et a dû être exécuté dans des délais on ne peut plus courts, apportant donc son lot de complications administratives et autres. Nous nous sommes employés à atténuer, dans le cadre strict de ce que permettent les règles des Nations unies et les règles contractuelles en cause, son impact pour nos personnels nationaux et internationaux et les entités avec lesquelles nous avons travaillé. Mais il est évident qu’il y a des limites à ce que nous pouvons faire.

Le Mali, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, a le 16 juin dernier demandé le retrait sans délai de la MINUSMA. Vous étiez présent à cette réunion du Conseil de sécurité de l’ONU. Quel était le ressenti général après cette demande ?

Comme vous le savez sans doute, le Secrétariat des Nations unies, dans le rapport soumis au Conseil de sécurité pour sa session de juin 2023, avait recommandé que le mandat de la MINUSMA fût renouvelé pour une année supplémentaire. Et des consultations informelles avaient déjà commencé entre les membres du Conseil de sécurité sur un projet de résolution. Tel est le contexte dans lequel la demande de retrait a été faite. Les opérations de maintien de la paix, qui, même dans les conditions les plus favorables, sont d’une grande complexité, sont déployées avec le consentement de l’État hôte. Et il est évident qu’en l’absence d’un tel consentement il est quasiment impossible de mener à bien un mandat. La Résolution 2690 a tiré les conséquences de cet état de fait.

Avant que le Conseil n’entérine la fin de la MINUSMA, le 30 juin dernier, y a-t-il eu des discussions pour essayer de faire changer d’avis les autorités maliennes ?

Tout ce que je peux dire est que dès lors que le Mali a annoncé sa demande de retrait, l’attention s’est portée sur les conditions et les modalités de ce retrait, culminant avec l’adoption unanime de la Résolution 2690. Celle-ci constitue le guide commun, pour les Nations unies et pour le Mali, en vue de la réalisation du retrait demandé par les autorités maliennes.

Qu’est-ce qui a, selon vous, motivé la décision des autorités maliennes de réclamer le départ de la mission ?

Le Mali a exposé ses raisons devant le Conseil de sécurité le 16 juin 2023, lors d’une séance ouverte.

Le rapport de Moura, dont la publication avait été retardée, est très mal passé auprès des autorités. Pensez-vous que cela a eu un impact sur leur décision ?

Il n’appartient pas à la MINUSMA de spéculer sur les motivations d’une décision prise par les autorités d’un pays souverain ou de les commenter. Notre rôle, à ce stade, est de mettre en œuvre la résolution du Conseil de sécurité et c’est ce à quoi nous nous sommes attelés depuis le 1er juillet 2023.

La MINUSMA était très importante dans le processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Avec la reprise des hostilités, la prise de Kidal et votre départ, estimez-vous l’Accord enterré ?

Aucune des parties signataires n’a, à ma connaissance, dénoncé l’Accord, qui constitue un cadre de sortie de crise important pour le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que cet organe l’a, du reste, souligné dans le préambule de la Résolution 2690.

L’appui à la mise en œuvre de l’Accord de paix était la première priorité stratégique de la MINUSMA. Et, conformément aux résolutions du Conseil mandatant la mission, celle-ci a joué un rôle crucial, tant en termes de bons offices que de soutien opérationnel. Les Nations unies, en tant qu’organisation, restent bien sûr engagées en appui au Mali dans sa quête d’une paix durable, en prenant en compte les besoins et priorités de l’État malien.

La MINUSMA était également engagée dans le processus de transition, notamment sur le plan électoral. Quid après votre départ ?

Le mandat de la MINUSMA a pris fin le 30 juin 2023, date de l’adoption de la Résolution 2690 du Conseil de sécurité des Nations unies. Dans le cadre de l’accompagnement de la Transition en cours au Mali et des cycles électoraux précédents, la MINUSMA s’était fortement impliquée, et de multiples manières. Elle a assuré la présidence du Comité local de suivi de la Transition, comprenant la CEDEAO, l’UA et la MINUSMA; apporté un soutien technique, logistique, financier et sécuritaire pour la bonne tenue des élections; œuvré à la participation des femmes et des jeunes aux élections et au renforcement de leur rôle dans la gouvernance locale et nationale; mobilisé le soutien de la communauté internationale, etc. Tout ceci a été fait dans un esprit d’excellente coopération avec les autorités maliennes compétentes. Le rôle de la MINUSMA était d’appuyer les efforts du gouvernement du Mali, et non de se substituer à l’État, qui continuera donc à mettre en œuvre ses objectifs de transition. Évidemment, les agences compétentes des Nations unies continueront, dans le cadre des priorités des autorités, à appuyer le processus électoral.

L’heure du départ est également celle des comptes. Après 10 ans de présence, quel bilan chiffré faites-vous de la MINUSMA ?

Il est impossible de faire un bilan exhaustif des 10 ans de la mission en peu de mots. Mais, pour le bénéfice de vos lecteurs, il me semble d’abord important de rappeler les conditions dans lesquelles la mission a été déployée et a opéré au Mali : le contexte sécuritaire, marqué par l’omniprésence du terrorisme, une menace asymétrique pour le moins inhabituelle pour le maintien de la paix; la taille de notre théâtre d’opération, avec une présence tant au centre que dans le nord du Mali et l’attente forte et bien évidemment légitime des populations quant à l’amélioration rapide de la situation sécuritaire et à la matérialisation des dividendes de la paix. À tout cela il convient d’ajouter la fragilité des processus politiques que nous étions mandatés à soutenir. Je peux dire avec certitude que l’action de la mission a eu des effets très bénéfiques et j’ai pu l’observer de mes propres yeux lors des très nombreux déplacements que j’ai effectués à l’intérieur du Mali. Nous avons aidé à la stabilisation des centres urbains dans les zones où nous étions déployés; exécuté des centaines de projets socio-économiques qui ont bénéficié aux populations, notamment dans le centre et le nord; réhabilité de nombreuses infrastructures aériennes, y compris à Gao, Tessalit et Kidal, ainsi que d’autres infrastructures tout aussi importantes tels des ponts  situés entre Sévaré et Bandiagara, le long de la route dite du Poisson qui conduit au Burkina Faso; protégé des civils dans nos zones de déploiement; soutenu de façon multiforme la réconciliation au niveau local; apporté un appui aux forces de défense et de sécurité, y compris en conduisant à leur demande des évacuations sanitaires et médicales et en finançant la construction d’infrastructures; facilité l’acheminement de l’aide humanitaire et appuyé les efforts de promotion et de protection des droits de l’Homme, y compris à travers un programme soutenu de renforcement des capacités. Nous avons aussi, comme je l’ai souligné tantôt, soutenu la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la Transition, en plus du processus d’élaboration d’une stratégie malienne de stabilisation des régions centrales du Mali.

Estimez-vous que la mission a été accomplie et les objectifs atteints ?

L’on ne peut dire, s’agissant d’une opération aussi complexe, que les objectifs ont été complètement atteints. La quête d’une paix durable est une entreprise de longue haleine. Elle repose fondamentalement sur la volonté et les efforts des acteurs nationaux. Dans le cas d’espèce, le rôle de la MINUSMA était de les accompagner et d’appuyer leurs efforts, sans préjudice de la responsabilité première qui est la leur.

De ce point de vue, il me semble que nous avons joué notre rôle. Et il est notable que, dans les zones où nous étions déployés, notre action a eu un effet tangible indéniable et était appréciée. Bien sûr, il y a eu des critiques, et cela est normal, car aucune œuvre ne peut être parfaite. La nôtre encore moins, car dépendant de beaucoup de variables multiples et complexes.

Nous nous sommes constamment employés à renforcer l’efficacité de notre action, y compris en restant à l’écoute des autorités, des autres acteurs concernés et de la population, d’une manière plus générale. Et nous nous sommes dépensés sans compter pour la cause de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Mali. L’engagement des personnels de la mission fut tout simplement remarquable, surtout au regard de l’omniprésence et de la gravité du risque sécuritaire. Le nombre élevé des pertes que nous avons subies et de blessures infligées à nos Casques bleus en est une claire et tragique illustration.

Permettez-moi de saisir cette occasion pour, en mon nom et au nom de l’ensemble de mes collègues, remercier le gouvernement et le peuple maliens pour leur collaboration et soutien au cours de cette décennie et de formuler les vœux les meilleurs pour l’année 2024 et, au-delà, pour l’avènement d’un Mali en paix, stable et prospère.

Sécurité : pour les FAMa, objectif Kidal à « tout prix »

Après les prises d’Anéfis et de Tessalit, tous les regards sont tournés vers la ville de Kidal, dont le contrôle est le principal objectif de l’armée malienne. Alors que la MINUSMA accélère son retrait, « l’inévitable » bataille de Kidal semble plus que jamais imminente.

Dans sa note aux correspondants du 14 octobre dernier, la Minusma alertait sur les « tensions accrues dans le nord du Mali » qui augmentaient la probabilité d’un départ forcé de la Mission de cette région du pays. Une semaine après, le 21 octobre, la Mission onusienne a indiqué avoir achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit, dans la région de Kidal, « dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel ».

« Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies », a précisé la Mission onusienne.

« Les FAMa occupent entièrement le camp de Tessalit. Nous allons défendre corps et âme cette emprise pour honorer le Mali. Il faut aussi savoir que l’ONU n’a laissé aucun matériel de guerre dans le camp. Tous les matériels de guerre ont été soit transportés soit détruits sur place », a confirmé le Chef du détachement FAMa de Tessalit.

La même procédure devrait s’appliquer pour le cas de Kidal, même si le gouvernement de transition, dans un communiqué, le 18 octobre dernier, soupçonne une « fuite orchestrée en prétextant des raisons fallacieuses », visant à « équiper les groupes terroristes en abandonnant délibérément des quantités importantes d’armes et de munitions pour réaliser leur dessein funeste ».

Retrait anticipé

La fermeture du camp de Tessalit, qui marque le premier retrait de la Minusma de la région de Kidal, a été suivie dans la foulée de celle du camp d’Aguelhok. « Nos Casques bleus ont quitté ce jour le camp d’Aguelhok, dans le cadre de notre retrait du Mali et dans la fourchette prévue dans le plan communiqué au gouvernement malien. La situation sur place était devenue très dangereuse pour leur sécurité, avec des informations faisant état de menaces réelles contre eux », a affirmé un communiqué de la Minusma le 23 octobre.

Si à Tessalit l’ex-camp de la Minusma a été rétrocédé à l’armée malienne, ce n’est pas le cas à Aguelhok, où les Casques bleus de l’ONU ont déserté leur ancienne emprise sans rétrocession aux autorités maliennes.

Alors que cette situation faisait craindre une confrontation entre l’armée et le CSP-PSD pour le contrôle du camp, les tensions se sont très vite exacerbées entre les deux parties. Selon un communiqué de l’armée du 24 octobre, qui a souligné que cette situation de départ précipité de la Minusma mettait en péril le processus entamé et menaçait la sécurité et la stabilité dans la localité d’Aguelhok, « les terroristes ont profité de ce désordre pour s’introduire dans le camp et détruire plusieurs installations. Ils ont été neutralisés par les vecteurs aériens des FAMa ».

Quant à la rétrocession du camp de Kidal, qui cristallise les attentions et est source de tensions entre l’armée malienne et la CMA, appuyée par Fahad Ag Almahmoud, la Minusma a indiqué évaluer « attentivement la situation en vue d’ajuster le plan de retrait de sa base dans la ville de Kidal », sans pour autant avancer de date précise. Elle a, selon des sources locales, évacué le 25 octobre une grande partie du personnel du camp de Kidal. Il ne reste plus que quelques soldats tchadiens et togolais qui partiront dans quelques jours. En attendant, la CMA et ses alliés ont pris position autour du camp.

Changement de stratégie ?

Le départ précipité de la MINUSMA de son emprise de la ville de Kidal, contrairement au calendrier initial, pourrait-il impacter le processus de récupération de ce camp par l’armée malienne ?  Pour Ibrahima Harane Diallo, chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel, bien qu’il aurait été souhaitable que la Minusma s’en tienne au calendrier de départ, ce changement n’affectera en rien les plans des FAMa, qui, selon certains observateurs, pourraient presser le pas et risquer des pertes en n’avançant pas à un rythme mieux « sécurisé ».

« À partir du moment où l’armée est déjà présente dans certaines localités telles que Ber, Anéfis ou encore Tessalit, cela suppose que stratégiquement elle peut s’emparer de Kidal », dit-il. « Cette question de changement de calendrier n’est pas à mon avis déterminante dans la stratégie militaire mise en place. Cela peut peut-être changer la tactique de l’armée, mais je ne suis pas sûr qu’elle apporte un changement de stratégie globale », confie celui qui est également chercheur associé au Timbuktu Institute.

À l’intérieur de la ville de Kidal, la CMA mobilise. Sur ses différentes pages, Alghabass Ag Intalla a lancé un appel à la jeunesse de « l’Azawad » afin qu’elle soit la protectrice de la patrie et des faibles. « Un pays que nous ne protégeons pas ne mérite pas d’y vivre », a-t-il ajouté. Dans une déclaration en date du 24 octobre signée du « Meeting de la population de Kidal », il est demandé à la MINUSMA de céder son emprise aux autorités locales. Le meeting, poussé par la CMA, annonce tenir désormais un sit-in permanent à l’aérodrome de Kidal, pour « empêcher tout atterrissage d’avions autres que ceux impliqués dans le processus de retrait de la MINUSMA ». Ce sit-in, s’il a lieu, pourrait mettre en place des boucliers humains, selon un analyste.

Communication contre communication

Comme nous l’écrivions dans l’une de nos récentes parutions, en prévision de la reprise des hostilités à Kidal plusieurs combattants venus de Libye se sont joints à la CMA. Ils ont apporté avec eux de nombreuses armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa. À en croire certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes, qui étaient principalement stationnés aux alentours d’Anefis, se sont rapprochés de Kidal. La tension est très vive et les principaux leaders de la CMA jouent une partie de leur va-tout sur la communication. « Nous nous battons pour défendre notre culture et nos aspirations politiques. Nous continuerons de nous battre jusqu’à obtenir un nouvel accord avec le gouvernement, qui nous garantira une administration en mesure d’offrir une nouvelle gouvernance à nos régions », clamait Bilal Ag Achérif, cadre de la CMA, dans une récente interview accordée à un journal étranger. D’habitude réservé, le Secrétaire général du MNLA multiplie les interviews avec des médias français et britanniques, dans lesquelles il lance des appels à des soutiens matériels et s’évertue à porter des accusations d’exactions sur les FAMa et « Wagner ». La présence du groupe paramilitaire au Mali n’a jamais été confirmée par les autorités, qui évoquent plutôt des instructeurs russes. Sur les réseaux sociaux, notamment X (ex-Twitter) et Facebook, des comptes proches de la CMA relaient des accusations d’exactions supposées sans toutefois apporter de preuves concrètes. Pour tenter de contrer cette communication, l’armée a réajusté sa stratégie. Les « longs » communiqués de la DIRPA sur deux ou trois pages ont été remplacés par des formats plus courts et plus digestes. Face au terme de génocide visant une communauté employé par des proches de la CMA, les autorités utilisent activement l’ORTM. Dans l’une de ses émissions, la chaine nationale a fait intervenir Zeidan Ag Sidilamine, un ancien cadre des mouvements rebelles des années 1990 qui a même été leur porte-parole et qui dément tout amalgame visant des Touaregs à Bamako.

Vers un nouvel accord ?

Une éventuelle prise de Kidal par les FAMa ne signifiera pas non plus la fin de la guerre. Même si, pour beaucoup d’analystes sécuritaires elle permettra de porter un coup aux groupes rebelles et terroristes en les privant d’une base arrière, après l’occupation de Ber. Et pour Bamako ce sera un énorme gain politique. Toutefois, les tactiques de guérilla et de harcèlement se poursuivront certainement. Jusqu’à quand ? La signature ou la relecture d’un Accord pour la paix, répond un analyste en géostratégie. Avec cette fois-ci « l’État en position de force ». Les différents protagonistes ont conscience que cette guerre d’usure ne pourra pas durer éternellement. La voie du dialogue est toujours ouverte, si l’on s’en tient aux différentes déclarations des autorités et des groupes armés. Avec quel médiateur ? L’Algérie toujours, mais son rôle est contesté. La CMA estime « être trahie » par Alger, qu’elle juge beaucoup trop silencieuse et qui ne ferait pas assez pression sur les autorités, qui, de leur côté, n’ont que peu goûté que le Président algérien reçoive une délégation de la CMA.

Minusma : un retrait mouvementé

Alors que la 2ème phase du retrait de la Minusma est marquée par des affrontements entre les Forces armés maliennes et les groupes armés du CSP-PSD, la mission doit également faire face aux accusations des deux parties mettant en doute sa neutralité. Une situation qui complique davantage le désengagement de la mission onusienne, désormais prise entre le marteau et l’enclume.

S’il était déjà difficile pour la Minusma de se retirer du Mali dans des conditions sécuritaires idoines, les accusations des différentes parties qui revendiquent le contrôle des camps de la mission la mettent définitivement dans une situation encore plus délicate.

Le 13 octobre, devant le corps diplomatique accrédité au Mali, le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Abdoulaye Diop, n’a pas mâché ses mots sur la situation à Kidal, où, quelques jours plus tôt, les groupes armés de la CMA avaient pris le contrôle des positions avancés de la Minusma.

« Au-delà du manque de communication sur un sujet aussi sensible, le gouvernement déplore profondément l’abandon des unités maliennes du Bataillon des forces armées reconstitués et aussi l’encerclement et l’occupation de leur camp par la CMA sans aucune réaction de la Minusma », a-t-il fustigé, soulignant que le gouvernement avait été mis devant le fait accompli concernant l’occupation du Camp BAFTAR de Kidal.

Entre deux feux

Dans une note d’information en date du 16 octobre 2023, le ministère a exprimé son étonnement et dénoncé « l’action unilatérale de la Minusma, contraire à l’esprit de coordination et de collaboration voulu entre les deux parties dans le cadre du processus de retrait et non conforme au plan de retrait convenu en ce qui concerne le camp de Kidal ».

Le CSP-PSD, de son côté, a dénoncé dans un communiqué, le 13 octobre, un parti pris de la Minusma avec un « chronogramme flexible que nous soupçonnons d’être en phase avec le rythme opérationnel et tactique des FAMa ». « Nos remarques et suggestions sur la présence de zones d’ombres pendant les précédentes rétrocessions des emprises aux forces maliennes semblent avoir été purement et simplement écartées », a indiqué le CSP, prévenant que ses forces « ne sauraient rester observatrices dans la situation sans également agir ».

Menace d’attaque directe de la mission onusienne ? Pour Dr. Alpha Alhadi Koïna, géopolitologue et expert des groupes extrémistes au Sahel, cela semble très peu probable. « Les groupes armés ne veulent pas du tout se mettre à dos la communauté internationale, qu’ils sollicitent d’une manière ou d’une autre pour une solution pacifique. Certainement ils vont mettre la pression, mais je ne les vois pas directement attaquer les forces onusiennes », tranche-t-il.

Délai tenable ?

Selon la Résolution 2690 du Conseil de sécurité des Nations unies, le désengagement de la Minusma doit être effectif le 31 décembre 2023. Si, d’une part, le gouvernement du Mali et, de l’autre, les groupes armés du CSP-PSD tiennent au respect de ce délai, les Nations unies, également « déterminées à achever le retrait de la Minusma dans le délai prévu », se disent toutefois préoccupées par l’intensification des tensions et une présence armée croissante dans le nord du Mali, « qui risquent d’empêcher le départ ordonné et dans les délais ».

Dans une note aux correspondants en date du 14 octobre 2023, la Minusma a fait cas de convois logistiques n’ayant pas été autorisés à quitter la ville de Gao depuis le 24 septembre pour récupérer le matériel des Nations unies et des pays contributeurs de troupes actuellement à Aguelhok, Tessalit et Kidal. « Cela pourrait avoir un impact important sur la capacité de la mission à respecter le calendrier imparti ». Mais, selon le gouvernement, les autorisations concernant ces convois sont liées à la situation sécuritaire et seront délivrées « en fonction des améliorations constatées ».

« La Minusma va tout faire pour s’en tenir au délai. À défaut de pouvoir acheminer le lot de matériels, je pense qu’elle va les abandonner sur place. Mais le respect du délai est très important pour la mission et jusque-là le déroulement du processus nous conforte dans l’idée qu’elle va le respecter », affirme Soumaila Lah, Coordinateur national de l’Alliance citoyenne pour la réforme du secteur de la Sécurité.

Le 16 octobre, la Minusma a entamé, comme prévu, « dans un climat de haute tension », le processus de retrait de ses camps dans la région de Kidal, en commençant par Tessalit et Aguelhok. Cela alors que dans la matinée l’armée malienne, anticipant le décrochage, avait fait atterrir à Tessalit un avion qui a essuyé des tirs de rebelles séparatistes, mais qui a pu se poser et repartir sans difficulté après que l’aviation eût neutralisé les positions ennemies, selon un communiqué des FAMa. La Minusma a cité ces accrochages comme illustrant la détérioration rapide des conditions de sécurité pour la vie de centaines de soldats de la paix, indiquant que son personnel avait été contraint de chercher abri dans les bunkers en raison de ces échanges de tirs. Initialement prévu pour la mi-novembre, son retrait du camp de Kidal pourrait s’accélérer. Les camps de Tessalit et de Douentza ont été rétrocédés aux FAMa le 21 octobre dernier. Dans un communiqué publié hier 22 octobre, la mission onusienne a révélé avoir « achevé son retrait accéléré de sa base de Tessalit dans la région de Kidal, au nord du Mali, dans un contexte sécuritaire extrêmement tendu et dégradé, mettant en danger la vie de son personnel. De nombreux soldats du contingent tchadien ont été rapatriés directement à Ndjamena à bord d’avions affrétés par leur pays. Pendant ce temps, les autres contingents présents à Tessalit, tels que l’équipe népalaise de neutralisation des explosifs et munitions (EOD), les ingénieurs cambodgiens et l’unité de services et de gestion de l’aérodrome bangladaise, sont tous partis à bord d’avions des Nations unies. Le personnel restant est parti dans un dernier convoi terrestre en direction de Gao le 21 octobre 2023, mettant fin à la présence de la mission à Tessalit. « Avant son départ, la MINUSMA a dû prendre la décision difficile de détruire, désactiver ou mettre hors service des équipements de valeur, tels que des véhicules, des munitions, des générateurs et d’autres biens, parce qu’ils ne pouvaient pas être retournés aux pays contributeurs de troupes auxquels ils appartenaient, ou redéployés vers d’autres missions de maintien de la paix des Nations Unies. Cette décision, qui constitue une option de dernier recours suivant les règles et procédures de Nations-unies, est due au fait que 200 camions, qui devaient se rendre dans la région de Kidal récupérer ce matériel, sont à Gao depuis le 24 septembre, faute d’autorisation des autorités au vu de la situation sécuritaire » peut-on lire dans le communiqué.

Kidal : la reconquête en marche ?

Partie de Gao le 2 octobre dernier, la colonne militaire des Forces armées maliennes (FAMa), en route vers Kidal, poursuit son avancée. Alors qu’elle a repris le contrôle de la ville d’Anefis, à environ 112 km de Kidal, le 7 octobre, l’armée malienne est plus que jamais tournée vers la reconquête de ce bastion des ex-rebelles de la CMA, hors de contrôle de Bamako depuis plus d’une décennie.

Le calme avant la tempête. Après d’intenses combats les 4, 5 et 6 octobre, les forces armées maliennes, appuyées par des Russes, ont pris le contrôle le 7 octobre de la localité d’Anefis, une ville stratégique qui permet d’accéder à Tessalit, Aguelhoc et Kidal. La colonne des FAMa, qui a quitté Gao le 2 octobre vers la région de Kidal, a été la cible de plusieurs attaques de groupes terroristes. Depuis la reprise des hostilités avec la CMA, les autorités de la Transition ainsi que l’armée emploient indistinctement le terme « terroristes » pour désigner les ennemis qu’elles combattent. Selon des sources crédibles, les combats entre les FAMa et la CMA, appuyée par des éléments de GATIA fidèles à Fahad Ag Almahmoud, ont causé de nombreux morts et dégâts. Aucune des parties n’a communiqué le bilan de ses pertes. La colonne, composée de véhicules blindés et pick-up, plus d’une centaine, escortés par des avions et des drones, a finalement eu raison de la résistance des groupes armés grâce à l’apport des vecteurs aériens. Le terrain plat et dégagé favorisait les frappes et offrait peu de possibilités aux assaillants de se couvrir. Désavantagés par le terrain et alors que leurs pertes s’accumulaient, ils ont été contraints d’abandonner Anefis. « Aujourd’hui, l’armée malienne occupe Anefis et ses alentours. La situation sécuritaire est sous contrôle mais reste toujours imprévisible », a confié dans la foulée un officier à la télévision nationale. Selon certaines sources, Fahad Ag Almahmoud et ses hommes sont principalement stationnés aux alentours d’Anefis avec quelques éléments de la CMA. Le reste des troupes est replié sur la ville de Kidal, ainsi qu’à Aguelhoc et à Tessalit. En prévision de la reprise des hostilités, plusieurs combattants venus de Libye sont venus se joindre à la CMA. Ils ont apporté avec eux plusieurs armes, dont des missiles sol-air pour tenter d’abattre les avions des FAMa.

Objectif Kidal

Si l’objectif final reste l’occupation de l’emprise de la MINUSMA dans la ville de Kidal, programmée pour novembre, les FAMa doivent aussi, selon le calendrier, prendre possession des emprises de la mission onusienne à Aguelhoc et à Tessalit. Du fait de la situation sécuritaire précaire, les acteurs, aussi bien gouvernementaux que de la MINUSMA, se gardent de donner une date précise pour la reprise de ces camps. La seule certitude qui semble partagée est que la MINUSMA va achever son retrait le 31 décembre 2023. En attendant, les différentes forces se préparent. « La CMA, qui a attaqué plusieurs camps le mois dernier (Bourem, Léré, Bamba, Dioura…), ne peut se permettre de perdre ses positions à Kidal », confie un analyste qui a requis l’anonymat. De leur côté, les autorités de la Transition, qui pourraient faire face à une contestation suite au report de la présidentielle, ont grandement besoin du gain politique que leur apporterait la prise des bastions de la rébellion, qui cristallise l’attention de beaucoup de Maliens. Selon des observateurs, de nouvelles batailles sanglantes et coûteuses s’annoncent. D’autant que se trouvent aussi dans cette zone les terroristes du JNIM, dont la collusion avec la CMA a été rapporté par de nombreuses sources, qui prendront certainement part aux différentes batailles. L’environnement devrait leur être favorable, notamment dans l’Adrar du Tigharghar, une montagne située entre Kidal et Tessalit qui a servi de sanctuaire aux terroristes d’Al Qaïda et d’Ansar Eddine en 2012, et qui est une cachette parfaite pour tendre des embuscades et prendre à revers une unité de combat.

Panique à Kidal ?

En attendant, des sources rapportent une certaine panique dans la ville de Kidal. Les habitants redoutent l’offensive. Beaucoup d’entre eux, qui s’étaient habitués à la non présence de l’État malien, plient bagage en direction de Tinzawatene, à la frontière avec l’Algérie, ou de Bordj Badji Moctar, sur le territoire algérien. C’est dans cette situation tendue que la composante FAMa et celle et de la Plateforme des mouvements du 14 juin d’Alger du Bataillon des Forces armées reconstituées a quitté le 10 octobre le Camp 1 de Kidal pour celui de la MINUSMA. Le camp est depuis occupé exclusivement par la CMA. La MINUSMA précise qu’elle n’a pas évacué les 110 éléments mais qu’ils sont « venus » d’eux-mêmes. Rappelons qu’en février 2020, la première compagnie du Bataillon reconstitué de l’armée malienne (BAFTAR) est arrivée à Kidal. Depuis lors, cette armée, cantonnée dans son camp, n’a pas pu mener d’opérations.

Accord pour la paix : l’inévitable confrontation entre les parties ?

Alors que le processus du retrait de la MINUSMA doit s’achever le 31 décembre 2023, la mission onusienne a entamé le 1er septembre 2023 la deuxième phase de rétrocession de ses emprises à l’État malien. Cette phase, qui verra la rétrocession des camps d’Aguelhok, de Tessalit et de Kidal à l’armée malienne, des zones sous contrôle de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), fait craindre une reprise des affrontements armés entre les deux parties.

Si la rétrocession du camp de Ber, dans la région de Tombouctou, avait déjà occasionné mi-août un regain de tensions entre l’armée malienne et les groupes armés terroristes, d’une part, et la CMA, de l’autre, celles en vue dans le bastion des ex-rebelles des camps d’Aguelhok et de Tessalit, du 15 au 30 septembre 2023, et de Kidal deux mois après, le 15 novembre, risque de marquer définitivement la reprise des affrontements entre les Forces armées maliennes (FAMa) et la CMA, depuis la signature du cessez-le-feu du 23 mai 2014. C’est du moins ce que laissent présager les différentes prises de position des deux camps depuis un certain temps.

Escalade

Assurant le 12 août dernier qu’elle poursuivrait pleinement la défense de ses positions, consacrées par le cessez-le-feu du 23 mai 2014 et par les arrangements sécuritaires, lors des heurts qui ont émaillé la reprise en main du camp de Ber par les FAMa, la CMA a dénoncé dans un communiqué, le 28 août 2023, le largage de deux bombes par des avions FAMa sur le village d’Anefis, pour « terroriser les habitants et sur une position de la CMA, sans faire de victimes ».

« Après maintes analyses, et au vu de ce qui précède, la CMA considère que la junte de Bamako a définitivement et délibérément opté pour une escalade vers des hostilités ouvertes aux conséquences obligatoirement désastreuses », indique le communiqué, signé du Porte-parole Ibrahim Ag Eouegh.

Dans la foulée, l’armée malienne a de son côté annoncé avoir mené le même jour dans la localité une frappe aérienne contre un « groupe de terroristes armés, neutralisant plusieurs terroristes et quatre camions ».

À l’occasion de la réunion du Conseil de sécurité, à la même date, sur le rapport d’étape du Secrétaire général des Nations Unies sur le retrait de la MINUSMA, Issa Konfourou, Représentant permanent de la République du Mali auprès des Nations Unies à New York, a déclaré que si les Forces armées maliennes étaient attaquées ou empêchées d’accomplir leurs missions elles se verraient dans l’obligation de réagir vigoureusement.

« La détermination du Mali à faire occuper par l’Armée malienne tous les camps qui seront libérés par la MINUSMA ne constitue pas un acte de belligérance ou de rupture du processus de paix. Au contraire, cela s’inscrit dans le processus régulier de rétrocession des emprises de la Mission et dans le respect du cadre juridique en vigueur, notamment l’Accord pour la paix et la réconciliation, ainsi que toutes les résolutions du Conseil de sécurité qui reconnaissent la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Mali », a clamé l’ambassadeur.

La CMA soutient le contraire. Pour les ex-rebelles, en tenant « coûte que coûte à occuper les emprises de la MINUSMA, y compris celles situées dans les zones sous contrôle de la CMA », Bamako « viole tous les arrangements sécuritaires garantis jusqu’ici par la mission onusienne et la communauté internationale ».

Pour Baba Dakono, Secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la Gouvernance et la Sécurité (OCGS), la question d’une violation ou non aujourd’hui des arrangements sécuritaires devient une « guerre d’interprétation » entre le gouvernement et la CMA.

« À partir de la signature de l’Accord pour la paix, il convient de s’interroger sur le cessez-le-feu de mai 2014, s’il va au-delà de cet Accord, qui prévoit des mécanismes, notamment l’armée reconstituée pour la gestion des zones qui étaient précédemment sous contrôle d’acteurs armés comme la CMA », relève -t-il, précisant qu’il n’y a pas eu d’arrangements sécuritaires sur la rétrocession des emprises de la MINUSMA dans le cadre de son retrait et que les arrangements que la CMA évoque sont ceux de 2014, qui avaient convenu que chaque camp devait rester sur ses positions.

Affrontements en vue ?

Selon Baba Dakono, la poursuite de la rétrocession des camps de la MINUSMA à l’armée malienne dans les régions du nord sera inévitablement jalonnée de tensions entre Bamako et la CMA, parce que la MINUSMA ne peut rétrocéder ses camps qu’à l’armée malienne, ce que conteste la CMA.

Le ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, le Colonel-Major Ismaël Wagué, a invité le 28 août 2023 les « frères » des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali à « revenir à la table des négociations dans le processus de paix, en vue de surmonter les défis actuels par la voie du dialogue ». Un « non évènement » du côté de la CMA, où la main tendue du gouvernement semble être rejetée.

« Un communiqué laconique d’appel au dialogue de la part de l’adversaire, publié concomitamment à des frappes aériennes sur tes positions, ne saurait être qu’une pièce d’un jeu préétabli. Celui qui consiste déjà à refuser d’assumer que l’on te vise en déclarant exclusivement cibler des terroristes. La recette est bien facile mais indigeste », a fustigé le 29 août Attaye Ag Mohamed, l’un des porte-voix de la CMA. « Nous avions tellement gardé les mains tendues pour le dialogue qu’elles souffrent encore de crampes », a-t-il ironisé.

Pour la poursuite de la rétrocession des camps de la MINUSMA à l’État malien, notamment dans le fief de la CMA à Kidal, Dr. Mady Ibrahim Kanté, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences administratives et politiques (FSAP) de l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako, envisage pour sa part trois scénarios. Le premier serait celui, comme dans le cas de Ber, où l’armée malienne récupérerait les camps après des accrochages avec la CMA sans une véritable guerre.

Le deuxième serait un affrontement entre les deux parties, les camps de la MINUSMA revenant à la partie qui prendrait le dessus. Mais, avec un tel scénario, la partie perdante continuerait à harceler l’autre, avec le risque d’une aggravation par la suite de la situation, souligne-t-il.

Le troisième scénario, selon l’universitaire, serait celui de « discussions sous la table », qui seraient par ailleurs déjà en cours. À l’en croire, même si le gouvernement ne fait pas d’annonces, des discussions discrètes sont menées pour aller vers une solution négociée. Discussions qui, si elles aboutissaient, permettraient une entente entre l’armée malienne et la CMA pour éviter la « guerre ».

« Je pense que ce dernier scénario est le plus probable, parce que la guerre n’arrange pas la CMA aujourd’hui. Elle n’a pas la même position de force qu’en 2012, où elle était plus forte que l’armée malienne. Aujourd’hui, c’est le contraire, l’armée malienne a pris le dessus. Par ailleurs, la CMA n’a plus le soutien des populations locales dans certaines régions du Nord, comme en 2012 où elle était soutenue par ces dernières pour mener les combats contre l’État malien », avance Dr Mady Ibrahim Kanté.

Accord compromis

Soumis à plusieurs difficultés dans son application depuis sa signature en 2015, l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’a jamais autant frôlé la rupture que ces derniers mois.

Selon les analystes, une éventuelle reprise des combats entre la CMA et les Forces armées maliennes sonnerait le glas définitif de cet Accord, déjà bloqué depuis des mois dans sa mise en œuvre suite au retrait des groupes armés signataires réunis au sein du CSP-PSD de tous les mécanismes de son suivi depuis décembre 2022.

« Sauf illusion, il est difficile de croire qu’on puisse revenir à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger. Je pense que ce qui pourrait être fait aujourd’hui, ce sont de nouvelles discussions ou de nouveaux arrangements pour permettre de rétablir la stabilité dans le Nord du Mali », préconise Baba Dakono.

Accord pour la paix : le gouvernement invite les signataires à revenir à la table des négociations

Dans son communiqué le ministre de la réconciliation, de la paix et de la cohésion sociale chargé de l’accord le colonel Major Ismaël Wagué, affirme que le Mali reste attaché à l’accord pour la paix et la réconciliation ainsi qu’a l’accord de cessez le feu du 23 mai 2014. Ainsi il invite « les frères des mouvements signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation à revenir sur la table de négociation en vue de surmonter les défis actuels par la voie du dialogue » peut-on lire dans le document. La coordination des mouvements de l’Azawad accuse des avions de l’armée d’avoir bombardé ces positions à Anefis. L’armée de son côté assure avoir mené une opération contre des terroristes.

Depuis plusieurs mois, les tensions sont au plus haut entre le gouvernement et la CMA. Elles se sont intensifiées avec le début du retrait de la MINUSMA.

L’armée récupère les camps de la mission, alors que la CMA s’oppose à la rétrocession de certaines de ses emprises. Le transfert du camp de Ber a illustré cette tension qui a donné lieu à des combats entre l’armée et les groupes terroristes, mais aussi entre armée et CMA selon un communiqué des responsables de ce groupe.

Par ailleurs lors du conseil de sécurité sur la situation au Mali lundi 28 août, l’ONU a exprimé son inquiétude quant à l’avenir de l’accord et à appeler à une reprise du dialogue. Le Chef de la MINUSMA quant à lui a dénoncé ce qu’il a appelé une paralysie des structures de suivi de l’accord. Des inquiétudes qui risquent de s’étendre alors que la MINUSMA doit encore rétrocédé les camps de Tessalit, Aguelhok et Kidal.

 

MINUSMA : le conseil de sécurité se penche sur le processus de retrait

Le conseil de sécurité des Nations Unies s’est réuni hier lundi pour évoquer la situation au Mali ainsi que le processus de retrait de la MINUSMA. Dans son allocution, le chef de la MINUSMA a tenu a signalé des difficultés constatées dans ce processus de retrait, spécifiquement celui du camp de Ber marqué par une attaque contre les casques bleus qui a fait 4 blessés. « Clôturer une mission bâtie sur une décennie en l’espace de six mois est une entreprise complexe et ambitieuse », a ajouté le chef de la MINUSMA. Concrètement, cela implique le rapatriement de 12.947 personnels en uniforme, la séparation de 1.786 personnels civils, le rapatriement et/ou la relocalisation d’un chargement d’environ 5.500 conteneurs maritimes de matériel des contingents et appartenant à l’ONU et de près de 4.000 véhicules, ainsi que le fermeture et remise de 12 camps et d’une base opérationnelle temporaire aux autorités civiles maliennes.

La 2e phase du processus de retrait du personnel et des bases de la MINUSMA se déroulera jusqu’au 15 décembre 2023 affirme le chef de la MINUSMA. Il se concentrera sur la fermeture de 6 bases (Tessalit, Aguelhok et Kidal, au Nord, Douentza et Mopti, au Centre, et Ansongo à l’Est). Le personnel, les équipements et matériels concernés seront redéployés dans les super camps de Tombouctou, Gao et Bamako, avant d’être rapatriés dans leurs pays respectifs. Une phase qui sera très complexe prévient le chef de la MINUSMA.

Pour sa part, le Mali regrette les incidents intervenus dans le retrait de la MINUSMA de certain camp et tient au respect strict du calendrier établi pour le retrait de la MINUSMA au plus tard le 31 décembre 2023. « Je tiens à rappeler que le Gouvernement du Mali n’envisage pas de prolongation du départ de la Mission » a assuré Issa Konfourou, ambassadeur représentant permanent du Mali auprès des Nations Unies.

Ber : les FAMa prennent possession du camp après plusieurs incidents

Dans le cadre du processus de rétrocession des emprises de la MINUSMA, les FAMa ont annoncé hier dimanche avoir pris possession du camp de BER. Le mouvement des unités a été émaillé de plusieurs incidents précise le communiqué.

En effet, Sur le chemin menant à Ber pour récupérer le camp, les Fama ont indiqué avoir riposté à une tentative d’incursion dans leur dispositif et à des tirs de harcèlement le vendredi 11 août 2023 par les groupes armés terroristes. Samedi le bilan de cet affrontement faisait état de 6 morts et 4 blessés côté Fama, et les GAT ont abandonné 24 corps, 18 AK-47 et 12 motos d’après des chiffres avancés dans le communiqué.

Toujours selon le communiqué de l’Etat Major général des armées, des tirs sporadiques ont visé dimanche encore les soldats qui progressaient vers Ber avec la destruction par le Famas de 4 Engins explosifs improvisés.

Ber est une localité de la région de Tombouctou. Dimanche la MINUSMA avait annoncé sur son compte X anciennement Twitter, avoir anticipé son retrait du camp de Ber en raison de la dégradation de la sécurité dans la zone et des risques élevés que cela fait peser sur nos Casques Bleus.  Dans un autre post, la Mission a indiqué que son convoi qui s’est retiré de Ber a été attaquée à 2 reprises, blessant 3 casques bleus qui ont été évacués vers Tombouctou.  Le camp de Ber était occupé par des Casques bleus burkinabè. Il est source de tension entre les FAMa et la coordination des mouvements de l’Azawad, groupe armé signataire de l’accord pour la paix. Ses différents responsables ont multiplié les publications le week-end sur leur compte officiel. Le porte-parole de la CMA Almou Ag Mohamed a assuré le 12 août qu’occuper les emprises de la MINUSMA situées dans les zones sous contrôle de la CMA est une violation des arrangements sécuritaires et du cessez-le-feu du 23 mai 2014. La CMA n’a pas encore fait de déclaration après que les FAMa ont pris possession du camp. L’armée quant à elle n’a pas fait mention d’incidents avec la CMA dans ses différents communiqués.

Moura : l’ONU accuse les FAMa et du personnel militaire étranger d’avoir tué plus de 500 personnes

Dans un rapport publié ce vendredi 11 mai 2023, le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme des Nations unies, accuse l’armée malienne et des combattants « étrangers » d’avoir exécuté entre le 27 et le 31 mars 2022 au moins 500 personnes lors d’une opération de traque de terroristes à Moura.

Le rapport de la mission d’établissement des faits du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a conclu qu’il y’a de fortes indications que plus de 500 personnes aient été tuées par les soldats maliens et du personnel militaire étranger en mars 2022 au cours d’une opération militaire dans le village de Moura. D’après l’ONU, le rapport est le résultat d’une vaste mission visant à établir des faits menés durant plusieurs mois par le personnel des Nations Unies au Mali. Le rapport précise que les demandes d’accès au village ont été refusées par les autorités maliennes. La méthodologie se base sur des entretiens avec des victimes et des témoins, ainsi que des sources d’informations médico-légales et autres telles que l’imagerie satellitaire. Les Forces Armées Maliennes ont toujours démenti les informations portant sur des exactions commises sur des civils à Moura. C’est une opération assure-t-elle antiterroristes qui a permis de neutraliser au moins 203 terroristes. Dans le rapport publié ce vendredi, les pages 18 à 21 sont consacrées au déroulement de l’opération militaire menée par les Forces Armées Maliennes, avec des éléments des forces spéciales et appuyées par des personnels militaires étrangers. Pour Volker Türk Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, la tragédie de Moura pourrait constituer un crime de guerre.

Sur la BBC le 17 avril 2022, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop qui invite à dépolitiser la question des droits de l’homme a assuré qu’il n’y avait pas eu de massacre à Moura, fustigeant une « propagande occidentale ».

La question de Moura cristallise les tensions entre les autorités de la transition et plusieurs pays occidentaux. Quelques jours après l’opération, des ONG de défense des Droits de l’homme ont accusé l’armée d’exactions sur les civils. Mais des organisations locales se sont désolidarisés de certains des rapports produits dénonçant la méthodologie. « Nous nous sommes désolidarisés du communiqué de la FIDH, car nous avons des antennes à Mopti à Douentza et à Bandiagara et aucune ne nous a saisi pour des soupçons d’exactions de l’armée sur les populations civiles » a explique Me Moctar Mariko, président de l’association malienne des droits de l’Homme.

Le gouvernement n’a pas encore officiellement réagi au rapport de l’ONU mais ce nouveau document pourrait porter un coup dur aux relations entre les autorités et la MINUSMA alors que le renouvellement du mandat de la mission sera débattue le mois prochain.

MINUSMA : 10 ans après, à la croisée des chemins

Le 25 avril 2013, quand le Conseil de sécurité de sécurité des Nations unies adoptait la résolution 2100 créant la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (Minusma), il misait sur un retour rapide à la paix dans un pays en proie à une instabilité sans précédent. 10 ans après, la Minusma est toujours présente, soumise aux multiples évolutions d’une crise à rebondissements qui, à bien des égards, ont fini par impacter son efficacité. Entre avancées et doutes, retour sur une décennie de présence onusienne au Mali.

L’histoire entre la Mission onusienne et le Mali pourrait se résumer aujourd’hui à celle d’un couple au bord du divorce. Le grand amour des débuts d’un « mariage en grande pompe » s’est dissipé au fil des années, sur fond de malentendus qui ont fini par faire voler en éclats la confiance mutuelle. Résultat, après 10 ans de chemin commun, jamais les deux partenaires n’ont autant frôlé la séparation. Renouvellement du mandat en juin dernier sur fond d’incompréhensions entre le gouvernement malien et le Conseil de sécurité, restrictions de la liberté de déplacement de la Mission sur le territoire national, contestations publiques des rapports à la tribune des Nations unies, entre autres.

D’ailleurs, une certaine opinion publique malienne favorable à un départ pur et simple de la Mission onusienne du Mali n’a cessé de se faire entendre ces dernières années, même si elle contraste avec le soutien que continue de lui apporter une partie des populations du Nord auprès de laquelle la Minusma intervient principalement, notamment à Gao ou à Tombouctou.

Le Mouvement Yèrewolo Debout sur les Remparts, après sa lettre adressée en août 2022 aux responsables de la Mission et d’autres petites actions menées, entend hausser le ton lors d’un meeting ce 28 avril 2023. Le slogan demeure le même, « Minusma dégage ! ».

L’analyse, par ailleurs, des résultats de l’enquête d’opinion « Mali-Mètre 2022 » de la Fondation Friedrich Ebert montrait que plus de la moitié de la population malienne n’était pas satisfaite de la Minusma, avec « 14% plutôt insatisfaits et 45% très insatisfaits ».

Un bilan « mitigé » 

La Minusma est poussée vers la sortie par certains Maliens et doit aujourd’hui faire avec les restrictions de mouvements imposées par les autorités de la Transition. Environ 24,1% des autorisations de vols d’hélicoptères et drones ont été récemment refusées. Le gouvernement l’impute au non-respect des procédures convenues. Elle aura pourtant réussi durant cette décennie de présence dans le pays à atteindre des résultats.

« Pour moi, le bilan n’est pas négatif. Quand on parle de la Minusma, il ne faut pas seulement voir le volet sécuritaire. Il y a d’autres volets, comme le politique, le judiciaire, l’humanitaire, entre autres », soutient Abdoulaye Tamboura. Pour ce géopolitologue, le bilan de la Mission onusienne au Mali durant ces dix dernières années est plutôt mitigé. Si certains Maliens estiment qu’il est négatif, ce n’est pas le cas des acteurs de la Minusma, même si beaucoup reste à faire. Le sentiment d’insatisfaction des populations maliennes vis-à-vis de la Minusma, explique-t-il, est lié à son mandat, jugé non adapté mais qu’elle ne peut pas outrepasser.

Hamadoun Touré, ancien ministre et ancien Porte-parole de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) abonde dans le même sens. « Ce qui est fait dans le bilan de la Minusma ne correspond pas avec ce qui était attendu de la part des populations maliennes. Ces dernières pensaient que la Minusma allait venir tout régler, remettre juste les  clés du Mali au Maliens et partir, ce qui ne s’est pas passé durant ces 10 ans », glisse-t-il. Les deux  analystes s’accordent sur un  acquis important à mettre à l’actif de la Mission onusienne : la fin de la belligérance entre l’État malien et les ex-rebelles. En effet, depuis le cessez-le feu de 2014, les armes ont été mises de côté pour laisser une chance à l’Accord pour la paix signé en 2015, même si celui est de plus en plus fragile ces dernières semaines.

Pour la Porte-parole de la Minusma, Fatoumata Sinkou Kaba, le bilan de ces 10 ans de  présence au Mali est positif sous l’angle de la mise en œuvre des mandats successifs, malgré « une conjoncture internationale défavorable, avec des ressources humaines et financières de plus en plus réduites pour répondre aux besoins de plusieurs foyers de tension ».

« La mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation a permis de stabiliser les régions du Nord. Il demeure l’instrument par excellence pour le retour de la paix au Mali. Aujourd’hui, dans des villes comme Gao et Tombouctou, les habitants jouissent à nouveau de leur liberté de circulation, y compris au-delà, notamment les jours où des foires hebdomadaires se tiennent dans les localités environnantes. La reprise du commerce est un signe d’un retour relatif de la paix », argue-t-elle. Outre cet aspect, la nouvelle Porte-parole liste les réalisations de la structure, qu’elle a rejointe en février dernier, en remplacement du Français Olivier Sagaldo, expulsé du Mali quelques mois plus tôt.

Réduction des violences entre communautés au Centre du Mali, sécurisation des routes principales, notamment la RN15, revitalisation des Commissions foncières (COFO) dans les régions du Centre pour réduire les violences liées au foncier, mise en œuvre de projets à impact rapide et d’autres, plus structurants, financés à travers le Fonds fiduciaire pour la paix et la sécurité au Mali, formation des Forces de défense et de sécurité maliennes… La liste est loin d’être exhaustive.

Avenir fragilisé ?

À deux mois d’un éventuel renouvellement de son mandat pour une année supplémentaire, difficile de prévoir la durée de vie restante de la Minusma. Autant les signaux d’une « mort programmée » de la Mission onusienne sont réunis depuis quelques mois, autant, les différentes parties (l’État malien et le Conseil de sécurité des Nations Unies) ne semblent pas prêtes à « l’enterrer ».

Mais le retrait des forces internationales, qui avaient contribué à la protection des camps et des secteurs, et le fait que les moyens aériens critiques prévus dans le plan d’adaptation de la force « continuent de faire défaut », ainsi que les « restrictions non déclarées » font débat. À cela il faut ajouter le retrait imminent de plusieurs pays contributeurs, dont l’Allemagne, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou encore l’Égypte, qui a suspendu sa participation. Dans un récent  rapport soumis au Conseil de sécurité pour un examen interne de la Minusma, le Secrétaire général António Guterres fait trois propositions pour une reconfiguration future de la Mission. Selon le document, la première consiste à augmenter les capacités (Soit environ 2 000 ou 3 680 membres du personnel en tenue supplémentaires), de manière à permettre à la Mission d’exécuter son mandat dans son intégralité dans tous les secteurs où elle est déployée.

La seconde veut continuer de se concentrer sur les priorités stratégiques, avec une présence consolidée pour soutenir les priorités actuellement prescrites dans le mandat de la Mission ou alors dans les limites de l’effectif maximum autorisé, l’accent étant mis principalement sur le soutien à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Enfin, la troisième proposition, plus drastique que les deux premières : retirer les unités en tenue et transformer la Mission en mission politique spéciale, parce que « l’élargissement du mandat de la MINUSMA en 2019, sans que des capacités supplémentaires lui soient accordées, a mis la Mission à rude épreuve. La situation actuelle est intenable », alerte  António Guterres.

« En l’absence d’une composante Personnel en tenue, la Mission ne serait pas en mesure de maintenir une présence civile hors de Bamako, en raison des menaces asymétriques. Elle consoliderait en conséquence sa présence à Bamako et pourrait continuer d’apporter son soutien au dialogue politique et à la réconciliation, au renforcement des capacités de gouvernance et à la surveillance, à la promotion et à la protection des droits humains et encourager le rétablissement de l’autorité de l’État », explique le Secrétaire général.

Une telle reconfiguration pourrait bien permettre à la Minusma d’échapper à sa perception par les populations de « force d’occupation », résultat selon l’ancien porte-parole de l’Onuci, Hamadoun Touré, de sa longue durée, « ennemie de toute mission de paix ».

Coopération : l’Allemagne quitte la MINUSMA mais maintiendra son aide au Mali

Avec quelque 1400 soldats, l’Allemagne est la plus importante contributrice de l’Union européenne au sein de la MINUSMA. Mais depuis l’arrivée des russes au Mali, Berlin considère que les conditions ne sont plus réunies pour continuer à participer à la MINUSMA. En visite à Bamako jeudi et hier vendredi, son ministre de la défense affirme pourtant que l’Allemagne ne veut pas claquer la porte. « Le Président de la transition a dit que non seulement il appréciait énormément l’engagement de l’Allemagne ici, mais aussi la manière dont cet engagement a eu lieu dans le pays, c’est-à-dire sur un pied d’égalité et entre partenaires. Ceci nous confirme dans notre travail, dans notre coopération et nous allons continuer cette coopération avec le pays » a assuré le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius. Tablé sur neuf à douze mois pour le retrait de ses soldats de la MINUSMA, le Ministre précise qu’avec le Mali, les ponts ne sont pas entièrement rompus dans le domaine militaire, mais aussi à l’aide au développement. « Vous savez que nous retirerons nos forces armées de la MINUSMA l’année prochaine. Nous avons parlé des raisons pour ce retrait, mais de toute façon, une coopération, nous voulons la continuer sous une autre forme. Nous pensons à la formation militaire et nous aurons toujours des conseillers militaires sur place, et nous voulons continuer notre échange » a t-il ajouté.

Minusma : renforts logistiques en vue

Alors que plusieurs pays se sont retirés ou ont annoncé récemment leur intention de se  retirer de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan vont y déployer une unité d’hélicoptères utilitaires d’ici à mars 2023, a annoncé Farhan Haq, Porte-parole du Secrétaire général des Nations Unis, António Guterres, lors de son point de presse régulier il y a quelques jours au siège de l’ONU à New-York. « Ces hélicoptères  fournissent un soutien indispensable à nos forces et sont essentiels pour l’alerte précoce et la réponse rapide afin de protéger les civils », a-t-il souligné. À l’en croire, l’ONU continue de discuter avec les États membres du déploiement de nouveaux moyens au sein de la MINUSMA et prévoit de combler les lacunes de plus longue date de la Mission, en plus de celles résultant des récentes annonces de retraits.

Yèrèwolo – Minusma : après l’ultimatum, la « guerre » ?

22 septembre 2022. La date est doublement symbolique. Le Mali commémore les 62 ans de son accession à l’indépendance, mais ce jour marque également la fin de l’ultimatum du mouvement « Yèrèwolo debout sur les remparts » pour le retrait de la MINUSMA, devenue, selon ses tenants, une « force d’occupation ». Comme pour le départ de Barkhane, dont il en avait fait un « combat » de premier ordre, Yèrèwolo fera-t-il fléchir la mission onusienne au Mali ? La manifestation que ce mouvement « panafricaniste et souverainiste »  organise ce jeudi pourrait bien marquer le début d’une longue série d’actions.

C’est « l’assaut final », soutient-on à Yèrèwolo. Ce 22 septembre marquera tout simplement le lancement du « début des hostilités contre la MINUSMA », clame Ibrahima Maka Keita, membre du mouvement. Et comme pour la plupart des manifestations de ce collectif, devenu en moins de 3 ans le porte-voix des acteurs de la « Révolution souverainiste » au Mali, c’est du Boulevard de l’Indépendance de Bamako que va partir le « nouveau combat ».

Un combat porté depuis toujours par Yéréwolo, qui se dresse contre la présence de forces étrangères sur le territoire malien et dont la lutte a pris un important tournant le 20 juillet 2022, quand le « Commandant en chef » Adama Ben Diarra et ses camarades ont déposé une lettre au Quartier Général de la MINUSMA exigeant le « retrait pur et simple » de la mission onusienne  du Mali.

« À présent, la MINUSMA est devenue une force d’occupation qui ravive et entretient la peur, les clivages ethniques et la méfiance entre les communautés du Mali », accuse Yèrèwolo, pour lequel le mandat le mandat de la Mission a été vidé de son contenu authentique.

Le mouvement, dans la foulée du dépôt de cette lettre d’ultimatum, n’est pas resté inactif. Dans la dynamique de pousser la MINUSMA « dehors », il a tenu le 5 août dernier  un meeting « d’avertissement » au Palais de la Culture de Bamako, « l’opération Bonnets bleus contre Casques bleus », pour appuyer sa demande de retrait du Mali.

Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, Yèrèwolo a parfaitement raison, dans le fond, de demander le départ de la Minusma, parce que le Mali n’a tout simplement pas besoin aujourd’hui d’une mission d’interposition mais plutôt d’hommes pour faire la guerre.

« Dès lors que sa structuration ne répond pas à une co-entreprise militaire des Nations pour faire la guerre, forcément, à un moment donné, la MINUSMA devient désuète », avance-t-il.

Ultimatum et après ?

La MINUSMA, dont le mandat a été prolongé, sur fonds de réserves du gouvernement malien, il y a quelques mois, ne s’inscrit visiblement pas dans un retrait du Mali, du moins pas dans l’immédiat, comme le demande le mouvement « Yèrèwolo debout sur les remparts ».

Selon Adama Ben Diarra, après la lettre du 20 juillet,  les premiers responsables de la mission sont allés voir les plus hautes autorités du pays et « nous avons eu des retours de ces différentes rencontres qui parlaient de notre demande ». Pour autant, affirme-t-il, le mouvement n’a pas été directement approché.

La fin de l’ultimatum reste donc sujette à plusieurs interrogations sur la suite des évènements. La seule certitude est que Yèrèwolo, qui, comme le clame sa devise, « préfère la mort à l’esclavage »  et s’est juré de « combattre l’ennemi quelle qu’en soit la nature, endogène ou exogène », ne compte pas lâcher prise.

« Ce que le peuple veut, le peuple le peut. S’il défend une cause de manière pacifique et qu’on joue avec l’oreille de l’âne, au fur à mesure que le temps passe cela peut aussi le pousser  à changer son approche », prévient le « Commandant en Chef », par ailleurs membre du Conseil national de transition (CNT), en laissant entrevoir un prochain passage à une vitesse supérieure dans leurs actions.

« Nous prévoyons quand même que tout est possible. Mais où, quand et ce que nous allons poser concrètement comme actions, c’est le terrain qui commandera », confie-t-il,  affirmant que plusieurs démarches à venir seront communiquées lors de la mobilisation générale du 22 septembre.

« Je pense qu’ils vont planifier d’autres sorties, jusqu’à ce qu’il y ait une plus forte adhésion populaire, parce que tout le monde ne comprend pas la dimension de la démarche aujourd’hui et qu’il va falloir travailler de façon pédagogique sur la question et surtout annoncer une solution alternative si la MINUSMA s’en va », analyse pour sa part Boubacar Bocoum.

« Victoire certaine »

« Nous sommes dans la révolution intelligente et c’est à travers cette intelligence que nous avons pu chasser la France. Cela se passera un peu de la même manière avec la MINUSMA, sans violences », déclare, confiant, Ibrahima Maka Keita.

L’exemple du départ « demandé et obtenu » de la force française Barkhane du Mali constitue justement le premier « signal » de la force du mouvement, même si, sur un plan politique, malgré les ajustements de la mission que souhaite le gouvernement de transition, ce dernier n’a pas la question du retrait de la MINUSMA dans son agenda.

À en croire Adama Ben Diarra, l’absence d’un « soutien » gouvernemental dans cette lutte ne devrait pas être une entrave à son aboutissement. D’ailleurs, selon lui « une autre victoire du peuple malien s’annonce pour très bientôt ».

« Peut-être que ce sont les autorités qui ont besoin de notre soutien, pas l’inverse », relativise le numéro un de Yèrèwolo, avant de rappeler qu’aux premières heures de leur combat contre Barkhane, il n’y avait également pas de soutien politique à leur cause.

« Le 20 janvier 2021, nous avons subi des tirs de gaz lacrymogènes lors d’un rassemblement exigeant le départ de Barkhane, mais la suite on la connait tous », argue celui qui est surnommé « Ben le cerveau ».

«Nous savons ce que nous voulons et nous allons continuer à défendre notre conviction. Nous n’avons pas besoin d’un soutien quelconque d’une autorité. C’est le peuple qui demande et le peuple a les moyens. C’est à sa volonté que les autorités sont tenues de se plier et non l’inverse », ajoute-t-il.

Au même moment, pour certains observateurs, « Yèrèwolo debout sur les remparts », dont le leader est réputé proche des militaires au pouvoir sous la transition, serait en mission pour amener la communauté internationale à constater un rejet apparent par la population malienne de la MINUSMA et ouvrir la voie à un retrait de la force onusienne qui s’imposerait de lui-même aux Nations unies.

« Le mouvement aura gain de cause tôt ou tard mais il faudra de la persévérance. La MINUSMA est décriée par tout le monde, que les autorités l’affichent de façon officielle ou pas », glisse  M. Bocoum

Une ascension fulgurante

Partis de l’idée que le colonialisme a toujours un impact en Afrique et au Mali, plusieurs associations et mouvements de jeunes impliqués dans la lutte panafricaniste se regroupent  pour  lancer le mouvement « Yèrèwolo  debout sur les remparts» le 19 novembre 2019 à Kayo, dans la région de Koulikoro, lieu emblématique du mouvement, où avait été arrêté en 1968 le président Modibo Keita, dont ils se réclament défenseurs des idéaux.

Dans ses premières heures, sous la présidence de l’ancien président feu Ibrahim Boubacar Keita,  le mouvement connait des périodes difficiles et fait profil bas pendant que ses responsables, qui ne s’affichaient que sous des pseudonymes, tentent de se faire entendre à travers quelques actions, dont une grande marche, le 10 janvier 2020, qui marquera véritablement le début de l’ascension de « Ben le cerveau » et des siens.

Le 5 mars 2022, un « Appel sous le drapeau » est lancé, invitant à un soutien accru du peuple malien à son armée et, rapidement, les dirigeants de Yèrèwolo se lancent dans une vaste dynamique d’implantation du mouvement sur toute l’étendue du territoire national et multiplient les meetings à travers le pays. À les croire, « Yèrèwolo  debout sur les remparts » est aujourd’hui présent dans  571 communes sur 703, sur la base de l’actuelle organisation territoriale, et dans « plus de 13 pays de la diaspora ».

Le mouvement est organisé en « Compartiments », avec à sa tête un « Haut commandement » et un « Comité de pilotage », organe suprême qui se réunit périodiquement. Des réunions ordinaires sont tenues tous les mardis au Quartier Général à Bolibana, mais chaque compartiment, à travers le District de Bamako et à l’intérieur du pays, a son propre jour de réunion hebdomadaire.

« Nous avons créé ce mouvement pour combattre  tout le mal  et tout ce qui peut être un frein au développement de l’Afrique et du Mali. C’est la raison pour laquelle nous ne nous considérons pas comme un mouvement « Anti » mais tout simplement « Pro » Mali et Afrique, qui se bat pour la vraie souveraineté de l’Afrique et du Mali », se justifie Ibrahima Maka Keita.

Axé vers un combat « principalement idéologique » pour la jeune génération, Yèrèwolo accorde une importance particulière à la formation de ses adhérents. À intervalles réguliers, des séances d’information sont tenues entre autres sur le panafricanisme, la citoyenneté ou encore les grandes figures révolutionnaires historiques.

Sécurité : 317 civils tués entre le 1er avril et le 30 juin 2022 selon la MINUSMA

La MINUSMA a publié hier mercredi sa note trimestrielle des tendances des violations et atteintes aux droits de l’homme au Mali. Elle note 467 violations et atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire soit une baisse de 42 % en comparaison avec le trimestre précédent. 317 civils ont été tués durant cette période contre 547 lors du trimestre précédent. Selon la MINUSMA « les principaux auteurs des actes de violence contre les civils sont entre autres le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) et autres groupes similaires responsables de 297 atteintes graves aux droits de l’homme ». Concernant les groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, la Minusma affirme avoir documenté « 14 atteintes aux droits de l’homme qui leur sont imputables, soit une hausse de 16 % en comparaison avec le trimestre précédent ». La mission onusienne explique que « les violations des droits de l’homme imputables aux Forces de défense et de sécurité maliennes ont, quant à elles, enregistré une baisse de 62 %, passant de 320 entre la période de janvier à mars 2022, à 122 au cours de la période couverte par cette note ». La dernière note de la MINUSMA publiée le 27 mai dernier avait fait l’objet de débats. Elle avait été transmise aux autorités pour observations. Dans leurs conclusions, elles avaient regretté que l’accent soit exagérément mis sur de prétendues allégations de l’armée, tandis que les nombreux succès qu’elle engrange sur le terrain sont évoqués de manière laconique.

Adama Ben Diarra : « La MINUSMA a échoué, elle doit l’assumer et partir »

Après le dépôt d’un courrier au siège de la MINUSMA pour qu’elle quitte le Mali avant le 22 septembre 2022, « Yerowolo debout sur les remparts » entend  manifester ce vendredi. Son « Commandant en chef », Adama Ben Diarra dit Ben le cerveau, membre du Conseil national de transition (CNT), nous explique le « combat » contre la mission onusienne.

Que reprochez-vous concrètement à la MINUSMA ?

Sa mission a été un échec. Elle n’a jamais pu sécuriser les civils, ni aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa stabilité. Elle a échoué, elle doit l’assumer et partir.

Le Chef de la Mission, El-Gassim Wane, a annoncé lundi qu’une « revue stratégique » était prévue très bientôt. Cette déclaration ne suffit-elle pas à calmer vos protestations ? 

Non. Ils ont clairement dit qu’ils ne sont pas là pour lutter contre le terrorisme. Nous, notre problème, c’est le terrorisme. Ensuite, la Mission dit que c’est Barkhane qui la sécurisait et que puisque Barkhane s’en va c’est à l’armée malienne de le faire. Si l’armée doit sécuriser 15 000 hommes et nos populations civiles, la MINUSMA n’est plus une solution, elle devient un problème. Et à chaque fois que nos militaires tuent un grand nombre de terroristes, ils font des rapports pour les accuser d’exactions. Il se trouve que la France, qui a créé notre guerre et qui se nourrit de cette guerre, a des personnes aux postes-clés de la MINUSMA. De ce fait, si on chasse Barkhane pour maintenir la MINUSMA, c’est comme si l’ennemi restait toujours là.

Avez-vous eu une réponse à la lettre du 20 juillet ?

Ils disent qu’ils l’ont reçu et pris bonne note. Nous n’étions pas allés là-bas discuter, mais ils ont tenté de nous expliquer que ce que nous demandons la MINUSMA ne peut pas le faire. Qu’ils n’ont pas le mandat, les moyens logistiques et les équipements pour combattre le terrorisme.

Et si avec la révision annoncée cela changeait ?

Nous sommes dans une dynamique : si la MINUSMA doit rester au Mali, elle doit respecter certaines conditions. Il faut que les postes stratégiques soient assurés par un partenaire fiable du Mali, non par la France ou ses alliés. Sur les 84 pays membres de la MINUSMA, seuls 4 sont des partenaires sincères du Mali. Tous les autres sont ou manipulés ou alliés de la France. Si on pouvait réviser ces conditions et donner le leadership de la MINUSMA par exemple à la Russie ou à la Chine, on pourrait être assurés qu’elle sera une mission de soutien et non de déstabilisation.

MINUSMA-El-Ghassim Wane : « Notre mandat est suffisant »

Six semaines depuis son arrivée au Mali. Le nouveau Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU, Chef de la MINUSMA, qui a remplacé Mahamet Saleh Annadif, n’a pas chômé. El-Ghassim Wane s’est déjà rendu dans le nord du pays et trois fois dans le centre, a assisté à un nouveau coup d’État, géré des attaques terroristes contre des positions de la mission onusienne et rencontré de nombreux acteurs. Ce qui n’est pas de trop vu la profondeur de la crise et les défis immenses qui l’attendent à la tête d’une MINUSMA incomprise par de nombreux Maliens. Dans ce long entretien, le diplomate mauritanien évoque la transition, la fin de Barkhane, le mandat de la MINUSMA et la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Moins d’un mois après votre arrivée au Mali, le 5 mai dernier, vous avez assisté à un coup dÉtat, le deuxième en un an, et vu les troupes de la MINUSMA subir des attaques. Cela vous a mis directement dans le vif de la réalité malienne.

La réalité malienne ne m’échappait pas, parce que jai eu loccasion de travailler sur les questions liées à la situation au Mali depuis 2012, aussi bien dans le cadre de mes fonctions précédentes à lUnion africaine que dans celui des Nations unies. Je suis venu ici en 2016 et en 2017 pour faire la revue de la MINUSMA et en assurer le suivi. Javais donc une idée des réalités et des difficultés. La situation est loin d’être facile. Elle l’était déjà avant que je narrive et elle est restée difficile après mon arrivée. Je ne mattendais pas à ce que les choses changent immédiatement. Le Mali est au milieu dune crise multiforme dont le règlement va prendre du temps. Il est évident que cette complexité ne mavait pas échappé. Malheureusement, nous avons connu des développements subséquents pendant les mois de mai et de juin, y compris lattaque contre les forces de la MINUSMA. Ce n’était pas la première. Javais une claire conscience des difficultés auxquelles le Mali est confronté et auxquelles la MINUSMA est confrontée dans lexercice de son mandat. Plus que la prise de conscience de ces difficultés, ce qui compte le plus cest la volonté de la mission, la volonté des Maliens, de redoubler defforts pour que cette page soit  tournée. Cest dans cette dynamique que je minscris : faire en sorte que nous renforcions ce que nous faisons déjà et que nous ajustions nos modes daction là où cela est nécessaire, de manière à être le plus utile possible aux Maliens et aux Maliennes et les aider à clore le chapitre douloureux que le pays connait actuellement.

Vous avez pris fonction dans une période dexception pour le Mali, avec une transition en cours. La MINUSMA affirmant accompagner cette transition, comment cela se traduit-il ?

Le processus de transition dans lequel le Mali est engagé est extrêmement important. Important pour permettre au Mali de retourner dans une situation de normalité constitutionnelle, mais important également pour permettre au pays de sattaquer aux défis complexes auxquels il est confronté. La MINUSMA et les Nations unies, dune façon plus générale, sont engagées dans ce processus. Comme vous le savez, lappui à la transition est lune des priorités stratégiques de la MINUSMA et nous assistons les acteurs maliens de plusieurs manières. Nous le faisons sur le plan politique, à travers nos bons offices, à travers la participation de la MINUSMA aux activités du Comité local de suivi de la transition, à travers le dialogue régulier que nous avons avec le médiateur de la CEDEAO, ainsi qu’avec d’autres acteurs internationaux, dont l’UA. Nous le faisons aussi sur le plan technique, en appuyant un certain nombre dinstitutions maliennes, notamment celles impliquées dans la préparation des élections qui doivent couronner la transition et dont la tenue est prévue au mois de février prochain. Cest une tâche complexe, qui doit être menée dans des délais qui sont courts. Cela signifie que notre appui technique est extrêmement important pour que les institutions maliennes soient prêtes et à même d’organiser les élections dans des conditions qui en assureront la crédibilité et qui permettront au pays de surmonter la crise institutionnelle. Nous appuierons  également le processus de transition à travers le soutien que nous allons apporter pour la sécurisation des élections aux départements ministériels compétents. Notre appui ira au-delà de cela pour s’étendre aux aspects logistiques, notamment le transport du matériel électoral, et à dautres domaines. Cest un appui multiforme, de concert avec dautres partenaires du Mali, y compris les partenaires politiques que sont la CEDEAO et lUA.

La transition semble engagée sur une nouvelle trajectoire, avec de nombreux chantiers annoncés, lesquels pourraient potentiellement ouvrir la voie à un prolongement du délai imparti. La MINUSMA accompagnera-t-elle la transition si ce scénario se réalisait ?

Il a été convenu avec la CEDEAO que la transition devait se conclure au mois de février 2022. Cela a été affirmé lors du sommet dAccra, auquel jai pris part, et les nouvelles autorités de la transition, aussi bien le Président que le Premier ministre, ont également dit leur intention de conduire la transition dans le délai qui a été convenu. Je pense quil est important que ce délai soient respectés, parce quil faut sortir au plus vite dune situation comme vous le dites exceptionnelle et permettre aux autorités nouvellement élues dengager les réformes de fond. Cela ne signifie pas que la transition ne peut pas entamer un certain nombre de réformes, mais, comme cela a été souligné lors de la visite du médiateur, ainsi que par le Comité local de suivi de la transition, il faudra articuler un certain nombre de priorités pour voir ce quil est possible de faire pendant cette période, à charge pour les autorités nouvellement élues d’amplifier ce qui aura été entrepris et d’ouvrir de nouveaux chantiers. Il est important que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir, de concert avec les autres partenaires, pour que l’objectif dune transition conclue au mois de février 2022 soit atteint.

La communauté internationale presse pour que les élections se tiennent à date. Nestimez-vous pas que cela est une erreur, car de scrutins à la va-vite pourraient découler de nouvelles crises ?

Le meilleur antidote à une possible crise postélectorale est dorganiser les élections dans les meilleures conditions de transparence et de régularité. Un travail a été engagé à cet effet, travail que nous soutenons à travers lappui technique que nous apportons aux institutions compétentes. Le deuxième élément qu’il convient de garder à l’esprit est le parachèvement de la transition en février 2022. Cest un objectif convenu avec les Maliens, sachant que, dans un contexte de transition, il nest pas évident de sattaquer à certains problèmes structurels. Je pense que le retour à une légalité constitutionnelle donnera au Mali tous les moyens nécessaires pour sattaquer à ces problèmes de fond. Je ne crois pas que le délai en lui-même soit un problème, bien au contraire. Plus vite on retournera à la légalité constitutionnelle, mieux le Mali sera équipé pour sattaquer à ses problèmes. Les acteurs maliens se sont engagés, la CEDEAO aussi, et la communauté internationale soutient cet objectif. Il sagit maintenant de mobiliser toutes les énergies, maliennes et internationales, pour que cet objectif soit atteint et que les élections de février 2022 soient transparentes et crédibles.

Vous avez récemment déclaré au Conseil de sécurité de lONU que le temps était venu pour les « dirigeants maliens de s’élever au-dessus de la politique partisane et des intérêts personnels pour faire face à la crise ». Un message destiné aux militaires et aux acteurs politiques ?

Tout dabord, le point de départ de ma déclaration est la profondeur de la crise dans laquelle le Mali est plongé. Quand un pays connait une crise dune telle ampleur, la meilleure réponse, et la première, est celle e l’unité nationale. Nous sommes dans un contexte où le Mali a besoin du concours de tous ses fils et de toutes ses filles pour surmonter les défis auxquels il est confronté. Il est important que tout soit fait pour permettre à lÉtat malien de retrouver toutes ses forces, dexercer son autorité sur lensemble du territoire national, dassurer la sécurisation des Maliens, de mettre fin aux violences commises sur les populations civiles. Il est impératif que tous les acteurs engagés dans ce processus se mettent à la hauteur des défis. Je pense que lespoir des Maliens est que cette page douloureuse soit tournée le plus rapidement possible et quune autre, plus heureuse, soit ouverte, et cela exige un effort particulier, un effort d’élévation au-dessus des intérêts partisans dans un contexte qui est exceptionnel. Il ya des urgences qui exigent le concours de tous. Mon appel sadresse à toutes les Maliennes et à tous les Maliens. Il sagit aujourdhui de sortir de cette crise structurelle, profonde, qui affecte le pays de manière multiforme. Mettre lintérêt du Mali au-dessus de toute autre considération, tel est le sens de lappel que jai lancé.

Le Président français Emmanuel Macron a annoncé la fin de Barkhane sous sa forme actuelle. Comment accueillez-vous cette nouvelle et quelles peuvent en être les conséquences ?

Nous avons suivi lannonce de la décision de faire évoluer lopération Barkhane. Comme vous le savez, la mission et ses activités sont déterminées en fonction du mandat qui nous a été donné. Nous coopérons évidemment avec la force Barkhane et, dans un tel contexte, toute évolution de son format induira évidemment des conséquences que nous devons prendre en compte. Un travail d’évaluation est en cours. Nous nous réjouissons de lappui que la France apporte à la MINUSMA sur plusieurs plans, non seulement en mettant à disposition des personnels qui travaillent en son sein, mais aussi à travers Barkhane. Nous nous félicitons aussi de lappui de la France au Conseil de sécurité et je pense que cet appui multiforme ne va pas changer. Ses modalités pourraient évoluer, mais je suis persuadé que le soutien de la France se poursuivra et quil restera aussi efficace quil la été jusquici.

Cette annonce peut-elle changer la dynamique de la MINUSMA à quelques jours de la fin du mandat, qui en principe doit être renouvelé et que beaucoup espèrent plus robuste ?

Les discussions sur le mandat se poursuivent au Conseil de sécurité et la nouvelle résolution devrait être adoptée à la fin du mois. Nous verrons alors quel sera son contenu. Mais je pense que le mandat de la MINUSMA, et cest un aspect sur lequel  jai beaucoup insisté lors de mes visites sur le terrain et mes interactions avec les acteurs, est  robuste. Il nous donne les moyens de mener à bien les tâches pour lesquelles la mission est déployée au Mali. Jentends certains de nos interlocuteurs dire souvent qu’ils veulent un mandat plus robuste, mais une lecture de la résolution qui nous mandate convaincra chacun que le mandat est robuste et la mission s’emploie à agir en fonction de ce mandat. Cette perception vient très certainement du fait quil y a une attente, que je comprends parfaitement, pour que la mission réponde à tous les problèmes sécuritaires qui se posent, quelle apporte une protection, partout où elle est déployée, à chaque Malienne et à chaque Malien qui est en danger. Il y a des limites évidentes. La Mission ne peut pas apporter une telle protection. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre action soit la plus efficace possible. Nous pensons que le mandat qui nous a été donné est suffisant et que notre action ne doit pas simplement être appréciée à la lumière du recours à la force, ce que nous faisons quand il sagit de protéger les populations civiles. Elle doit être aussi appréciée à la lumière dun certain nombre dautres activités qui concourent à la protection des civils, qu’il s’agisse du travail fait en faveur de la réconciliation intercommunautaire ou de l’appui que nous apportons à larmée malienne, très significatif, pour laider à remplir la mission qui est la sienne et aider le gouvernement à remplir ses responsabilités, dont la principale est de protéger sa population.

Une mission de paix dans un pays encore en guerre, nest-ce pas antinomique ?

Noubliez pas que nous avons été déployés pour aider à appliquer un Accord de paix. Nous opérons dans un contexte extrêmement difficile, qui a conduit au renforcement de notre mandat en 2017, précisément pour faire face à un certain nombre de menaces. Noubliez pas non plus que nous opérons aux côtés dautres forces : les FAMa évidemment, mais aussi les opérations Barkhane, Takuba et G5, qui ont un mandat plus orienté vers la lutte anti-terroriste. Dans le cadre de notre mandat, nous faisons ce qui est en notre pouvoir. Il y a certainement des choses à améliorer. Jentends, j’écoute, jinteragis de manière fréquente avec différents segments de la population malienne et je comprends les préoccupations qui sont les leurs. Croyez-moi, nous faisons ce tout pour renforcer lefficacité de nos actions. Cela dit, nous faisons déjà beaucoup, et cela nest pas suffisamment souligné.

À Aguelhok, la MINUSMA a été récemment accusée de faire fuir les populations locales. Certains l’indexent en faisant une corrélation entre sa présence et les attaques dans la zone. Comment faites-vous face à cela ?

À Aguelhok, il y a deux éléments à prendre en compte. Le premier est que notre présence apporte la sécurité. Nous devons protéger les populations locales, ce que nous faisons. Le deuxième élément est que nous subissons des attaques et que malheureusement, dans ce contexte, des populations se sont déplacées hors de la localité. Nous faisons un travail soutenu pour renforcer la confiance avec la population locale et tout un effort de dialogue est en cours. Nous avons dépêché une délégation il ny a pas longtemps. Notre bureau à Kidal et notre représentation à Aguelhok sont en contact avec la population pour encourager ceux qui ont quitté la localité à revenir. Dans l’intervalle, les humanitaires apportent une assistance aux déplacés. Je voudrais souligner que notre présence à Aguelhok vise à renforcer la sécurité des populations et que l’insécurité qui a été notée est à imputer à ceux-là mêmes qui ont attaqué notre camp au début du mois davril.

Vous avez lancé le 15 juin le projet « 50 jours pour le Centre ». En quoi consiste-t-il et quels en sont les objectifs ?

Ce projet, appelé « An ka barokè » (Dialoguons), vise à renforcer lefficacité de notre appui aux autorités maliennes, tant nationales que régionales, pour hâter la stabilisation du centre du Mali, l’une des priorités stratégiques de la MINUSMA. Nous poursuivons trois objectifs : renforcer la cohésion sociale au regard des tensions intercommunautaires que connait la région; renforcer la confiance entre lÉtat malien et les populations locales et, en troisième lieu, fournir des perspectives socio-économiques, faire en sorte que la paix se traduise par des dividendes qui profitent à la population. Nous navons pas la prétention en 50 jours de stabiliser le Centre, il faudra, pour ce faire une action s’inscrivant dans une durée beaucoup plus longue. Ce que nous voulons, c’est impulser une nouvelle dynamique qui donne une efficacité accrue à l’appui que nous apportons aux autorités maliennes. Nous tirerons  les leçons de ce qui aura été fait pendant ces 50 jours pour élaborer une action à plus long terme, beaucoup plus ambitieuse, afin de créer les conditions de la stabilisation du Centre. Je me suis rendu à Mopti à trois reprises. Jai aussi été à Bandiagara et à Douentza. Jai échangé avec de multiples acteurs et ma conviction, forte à la suite de ces réunions, est que la stabilisation du Centre est à notre portée. Nous devons pour cela œuvrer en faveur d’une appropriation malienne, d’une mobilisation des savoirs locaux, notamment en termes de médiation, ainsi que d’un appui international mieux coordonné et renforcé. Cest ce triple objectif que nous allons poursuivre, mais d’ores et déjà nous espérons pouvoir impulser une dynamique qui sera amplifiée dans la période qui suivra.

Dans le centre du Mali, notamment le pays dogon, la défiance à l’égard de la MINUSMA est très prégnante. Comment atteindre votre but dans ce contexte ?

Il est clair que le combat pour stabiliser le Centre ne peut être gagné quavec lappui des populations. Cest pour cela que jai décidé de my rendre aussi fréquemment que possible pour nouer un dialogue régulier avec les acteurs locaux, l’objectif étant de créer le climat de confiance nécessaire à la réussite de nos efforts. Évidemment, notre bureau régional et les forces de police et militaires déployées sur place font un effort soutenu dappui à la sécurisation des populations à travers un certain nombre dopérations. Je dois vous dire que lors de ma visite à Bandiagara, la semaine dernière, jai pu discuter avec différents segments de la population et je crois avoir décelé une confiance accrue en laction de la MINUSMA. La population veut une présence plus forte de la MINUSMA, pas moins. Et si elle le souhaite, cela veut dire que l’action que nous menons est perçue favorablement. Nous sommes déterminés à améliorer notre présence et nos actions autant que faire se peut.

La mise en œuvre de lAccord pour la paix est plus que jamais aujourdhui confrontée des difficultés. Le nouveau Premier ministre a parlé dune « relecture intelligente ». Comment la MINUSMA perçoit-elle cela ?

LAccord a été signé il y a six ans. Sa mise en œuvre a connu un retard considérable, cest une réalité. Dans mes interactions avec les autorités maliennes, avec les parties signataires, jai évidemment souligné limportance daccélérer la cadence. Chaque jour de retard dans la mise en œuvre se traduit par des souffrances accrues pour les populations sur le terrain et un retard supplémentaire dans la restauration de lautorité de lÉtat. Il est donc important et de lintérêt de tous daccélérer. Je me félicite de ce que les nouvelles autorités de la transition aient exprimé leur rattachement à lAccord et leur volonté den accélérer la mise en œuvre. Jai entendu les autres signataires marquer la même volonté. Dans la période qui vient, notre intention, de concert avec le chef de file de la médiation internationale, lAlgérie, est de faire ce qui est en notre pouvoir pour aider à mettre en œuvre les dispositions encore pendantes, en réalité les dispositions essentielles de lAccord, le DDR, les réformes institutionnelles et le développement du nord. Jespère que nous pourrons faire de nouvelles avancées.

Quid de la relecture ?

LAccord comporte des dispositions pour sa révision. Si les parties sentendent pour ajuster certaines de ses dispositions sur la base du mécanisme prévu à cet effet, la MINUSMA leur apportera son appui. Mais tout doit être fait dans une démarche consensuelle, parce quil sagit dun accord qui lie différentes parties.

La MINUSMA publie périodiquement des rapports sur les violations et abus en matière de droits de lHomme au Mali. Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?

C’est une situation difficile et cela est parfaitement compréhensible dans le contexte sécuritaire que nous connaissons. Depuis le début de cette année, nous avons eu près de 850 cas de cas de violations et dabus, dont de nombreux enlèvements. Nous travaillons dans le cadre de notre mandat à travers les enquêtes que nous menons et tout un travail de dialogue politique avec les autorités, ainsi qu’avec dautres parties prenantes, pour nous assurer que la dimension droits de lHomme est pleinement intégrée dans ce qui se fait. Lorsque des enquêtes sont diligentées, le suivi requis est fait. Les problèmes sont connus, il ny a pas de déni de la réalité. Une action plus soutenue est requise pour queffectivement les violations soient punies. Cest un travail que nous savons complexe et pour lequel nous comptons sur la coopération des autorités maliennes.

Le Mali a-t-il besoin de la MINUSMA ?

Vous devez concevoir la MINUSMA comme une expression de la solidarité internationale envers le Mali. Elle a été déployée dans le contexte de la mise en œuvre de lAccord pour la paix. Son mandat a été ajusté pour prendre en compte dautres problématiques. Le Mali, comme dautres pays qui sont en situation de crise, a besoin de cette mobilisation internationale multiforme. La MINUSMA est un élément important de cette mobilisation, mais pas le seul. Elle se manifeste de plusieurs autres manières. Aux Nations unies, toutes les agences font un travail soutenu dans le contexte de la crise. Nous avons dautres partenaires sur le terrain. La complexité de la situation et ses implications régionales sont telles quun accompagnement international est nécessaire pour que la crise soit réglée au plus vite. LA MINUSMA a été déployée avec lassentiment du gouvernement malien et sa présence repose sur cet assentiment, car cest à sa demande du Mali que la MINUSMA est là.

Propos recueillis par Boubacar Sidiki Haidara

Cet article a été publié dans Journal du Mali l’Hebdo n°324 du 24 au 30 juin 2021

 

Mali : la Minusma condamne les amputations de civils à Gao

L’Organisation des Nations unies affirme que ces actes rappellent les horreurs qui ont marqué la crise de 2012 et devraient interpeller tous les acteurs de la lutte contre l’impunité au Mali.La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) exprime ses vives préoccupations concernant des cas d’amputation, survenus le 2 mai dernier, de mains et de pieds d’au moins trois civils. Ces derniers sont présumés coupeurs de route, capturés par des membres présumés du Groupe Etat Islamique au Grand Sahara dans le village de Tin-Hama, dans le cercle d’Ansongo, sis dans la région de Gao.

« Ces développements rappellent les horreurs qui ont marqué la crise de 2012 et devraient interpeller tous les acteurs de lutte contre l’impunité au Mali. « Je condamne fermement ces actes ignobles. De tels châtiments corporels exécutés par des groupes armés en dehors de tout cadre légal sont de graves atteintes aux droits de l’homme, y compris le droit de tout être humain à un procès juste et équitable devant un tribunal régulièrement constitué. Ces abus sont notamment punis par le droit malien », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali (RSSG) et Chef de la Minusma, ElGhassim Wane.

Tout en œuvrant à renforcer la lutte contre l’impunité sous toutes ses formes auprès des autorités maliennes, la Minusma rappelle que les atteintes à l’intégrité physique ainsi que les traitements cruels, inhumains et dégradants ne constituent en aucun cas une solution acceptable au regard du droit international et ne sont pas des actes constructifs pour la justice et la paix.

« Je réitère la disponibilité de la MINUSMA à soutenir les enquêtes en cours des autorités maliennes pour combattre l’impunité et veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits devant la justice », a conclu M. WANE.

La Minusma rappelle que conformément à son mandat, mène actuellement une série d’enquêtes sur ces faits et allégations de graves atteintes aux droits de l’homme et poursuit ses efforts de protection des civils en déployant d’importants moyens sécuritaires dans les zones concernées pour renforcer la protection des populations.

Attaque du contingent togolais de la MINUSMA : Le GSIM revendique l’attentat

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) d’Iyad Ag Ghaly a revendiqué, mardi 23 février, l’attentat terroriste du 10 février dernier contre le contingent togolais de la MINUSMA ayant fait  27 blessés dans le centre du pays à Kéréna, cercle de Douentza. Un  des blessés a succombé deux jours après à Dakar où il avait été évacué. Une cérémonie d’adieux a eu lieu en son honneur mardi 23 février sur la place d’arme du Quartier général de la MINUSMA à Bamako.

Le mercredi 10 février, la base temporaire togolaise de la MINUSMA a été attaquée vers sept heures du matin. Un camion chargé d’explosifs conduit par un kamikaze a tenté de se diriger vers une cuve d’essence, mais la réaction des militaires togolais a permis d’amoindrir l’étendue des dégâts. L’explosion a fait 27 blessés dont un succombera plus tard.

Gao : À l’ombre des assassinats ciblés

Même le football fuit Gao. Les matches du championnat national devant se jouer dans la ville seront délocalisés à Mopti, « en raison de la crise sécuritaire et de l’éventualité de l’absence de moyens de transport aérien et / ou du coût y afférent », informe le nouveau règlement spécial de la Ligue 1 malienne. Le climat n’est pas favorable pour jouer au ballon dans ce no man’s land animé par des incidents sécuritaires des plus spectaculaires. Le dernier en date, l’assassinat de l’opérateur économique Abdoulaye Baba Koné. Dans la nuit du 8 au 9 février dernier, il a été abattu aux environs de 3 heures à son domicile par des hommes armés non identifiés. Meurtre qui s’ajoute à la longue liste des assassinats ciblés qui endeuillent la ville de Gao depuis 2012.

Le 26 janvier, c’est une clinique privée qui a été braquée par des hommes armés et  les patients dépossédés de leurs biens. La veille, un jeune homme avait été tué au quartier Sosso Koira par trois hommes armés. Le 24 janvier, c’est un  membre du GATIA (un groupe d’autodéfense, ndlr) qui était tué par deux individus armés à bord d’un véhicule. Ces trois jours suffisent  pour résumer la situation sécuritaire de la ville de Gao et donner une indication de ce qu’est devenu le quotidien de ses habitants. « Aujourd’hui, les populations sont devenues des otages malgré elles. Nous sommes déçus parce que nous ne pouvons pas comprendre que malgré le dispositif militaire en place les populations continuent toujours d’être traquées. Pis encore, imaginez qu’en plein jour à Gao, vous ne pouvez pas porter de beaux habits, vous ne pouvez pas être dans une belle voiture, de peur d’être enlevé », témoigne Almahady Moustapha Cissé, Coordinateur de Songhoy Chawaara Batoo, une coalition d’une dizaine d’organisations et de faitières de la communauté de culture songhoy.

Les opérateurs économiques ciblés

Parmi les victimes figurent plusieurs opérateurs économiques de la ville. Abdoulaye Baba Koné, Abdoulaye Oumar Maïga, Hama Hiya, Hassan Tall, tous opérateurs économiques, ont été ciblés et abattus dans Gao.  Le  13 décembre 2020, Abdoulaye Adama échappe à une tentative d’assassinat. Touché par une balle, il survit. Cette situation pousse la Cité des Askia à se demander à qui profiteraient ces assassinats. « Dans la situation où les groupes terroristes sont vaincus, les ressources financières de l’extérieur n’étant plus à jour, les rançons ne pouvant plus financer leurs activités, les ressources locales sont prioritaires. Pour se financer, les terroristes recourent à la criminalité. Les opérateurs économiques sont obligés de payer pour sécuriser leurs business. Au cas où un opérateur économique refuse, alors il sera une cible », explique le Dr. Mady Ibrahim Kanté, chercheur associé au Timbuktu Institute. « Il y a certains observateurs qui pensent qu’il s’agit d’un règlement de comptes entre opérateurs économiques», soutient Mohamed Ag Ismaël, chercheur. Cependant, pour Almahady Moustapha Cissé, c’est plus que cela. « C’est une forme de terrorisme pour chasser tous ceux qui comptent par le commerce, l’intelligence, le militantisme, pour les effrayer afin qu’ils quittent la ville.  À Ansongo, il y a eu des menaces de mort. Certains opérateurs n’y sont plus. Il en est de même à Gao ».

Incompréhension

À Gao, plusieurs forces militaires se côtoient, mais la sécurité est toujours des plus préoccupantes. C’est ce contraste qui en étonne plus d’un. L’opération française Barkhane y tient une base de 1 600 soldats et la force onusienne, la  Minusma, en déploie plus de 4 000  dans la région. Cela sans compter les 600 éléments du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC) et les centaines d’éléments des forces de sécurité et de défense maliennes. Cependant, malgré cette présence militaire, les enlèvements, braquages et assassinats ciblés sont monnaie courante, avec une facilité éclatante. D’où l’incompréhension et la colère. « C’est un manque de courage politique. Une ville comme Gao, avec des camps et autant de moyens  militaires! Soit ils voient et ferment les yeux ou alors ils n’ont aucune volonté de faire face », déclare Almahady Moustapha Cissé. Pour le chercheur Mohamed Ag Ismaël, « cela ne peut s’expliquer que par des complicités à l’intérieur de la ville et au sein des forces qui contrôlent les sorties de Gao. Le fait est que les auteurs connaissent très souvent leurs victimes et leurs emplois du temps ». Le Secrétaire général de la Fédération des organisations de résistance civile de Gao  (FORC-G) abonde dans le même sens et va même plus loin. Pour Halidou Malicki, « le laxisme » des forces en charge de la sécurité favorise une telle situation. « À Gao, on circule librement, sans qu’on sache qui est qui et qui fait quoi. Il y a un  certain laxisme des forces de défense et de sécurité aux différents postes de contrôle de la région. Il suffit simplement d’avoir quelques liasses de billets pour pouvoir entrer dans la ville. Il n’y a pas non plus de fouilles minutieuses au niveau des postes d’entrée. Et nous ne sentons pas la présence de l’armée. Quant aux forces étrangères, les patrouilles qu’elles ont l’habitude de mener ne sont pas en réalité de nature à dissuader ceux qui veulent commettre des forfaits en ville », tempête-t-il.

Prolifération d’armes

Face à cette nouvelle forme d’insécurité, qui va croissant dans la ville de Gao, le gouverneur de la région, le général Moussa Traoré,  a décidé le 12 février dernier d’instaurer un couvre-feu et d’interdire la circulation des véhicules non immatriculés à l’exception de ceux des forces armées et de sécurité maliennes et de leurs partenaires. Le lendemain, des opérations de patrouille dans la ville ont permis de saisir en neuf heures chrono « 6 véhicules dont 5 pick-up et 1 Hilux, 11 armes de guerre, des munitions en vrac et d’autres matériels de combat ».

Cela corrobore une thèse largement répandue : la prolifération des armes est le terreau de l’insécurité à Gao. « Cela ne me surprend pas que des armes puissent être retrouvées dans des véhicules, parce que chacun aussi se sécurise. C’est une ville où l’on tue les gens tous les jours. Individuellement, chacun aussi cherche à se défendre », explique  Moussa Boureima Yaro, Coordinateur du Mouvement des Jeunes Patrouilleurs de Gao, qui menait des patrouilles citoyennes en 2012 pour veiller sur la sécurité des personnes et de leurs biens alors que la ville était entre les mains des djihadistes.

Selon Georges Berghezan, chargé de recherche au Groupe de recherche et d’informations sur la paix et la sécurité (GRIP), « ce qui favorise la prolifération des armes dans le Nord, c’est d’abord la grande disponibilité d’armes illicites dans la région, due à plusieurs conflits, en cours ou récemment achevés, et la perméabilité des frontières des pays du Sahel. En outre, selon certaines estimations (ni officielles ni étayées), au moins 30% des armes illicites proviendraient des stocks nationaux (principalement FAMa), que ce soit par la vente illicite ou la perte au combat.

Pour le nombre d’armes illicites au Mali, et a fortiori dans la région de Gao, le GRIP ne dispose d’aucune estimation. Notez que l’institut Small Arms Survey estimait que, en 2017, 206 000 armes à feu se trouvaient aux mains de civils au Mali (le terme « civil » étant attribué à toute personne non membre des forces de défense et sécurité), 15 800 aux mains des militaires et 3 000 aux mains des forces de l’ordre. La persistance de conflits non résolus dans le Nord m’apparait donc comme le principal moteur de la prolifération des armes et leur utilisation meurtrière », explique-t-il.

La ville de Gao compte plusieurs mouvements armés, dont les principaux sont les ex indépendantistes de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et la Plateforme.  Selon des données de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et de réinsertion (CNDDR) datant de janvier 2021, près de 24 000 ex combattants ont été enregistrés dans la région de Gao, dont 9 635 avec des armes de guerre et près de 15 000 avec des munitions. 6 770 des ex combattants appartiennent à la Plateforme et  1 761 à la CMA. Grâce au processus DDR, 200 éléments de chacun des deux mouvements composent, à côté de 200 autres éléments de l’armée malienne, le Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), qui effectue des patrouilles mixtes pour la sécurisation des personnes et de leurs biens. Cependant, certains éléments de ce mécanisme sont soupçonnés d’être derrière les braquages, enlèvements et assassinats ciblés dans la ville. « Beaucoup de cas ont révélé que certains auteurs d’actes de banditisme sont des éléments du MOC. Il y a eu beaucoup de cas où les présumés auteurs, pris ou  pourchassés, se sont révélés être des éléments du MOC.  Nous avons demandé, le temps qu’on puisse faire le grand DDR, de faire sortir le MOC hors de la ville, pour permettre de contrôler qui y entre, qui en sort, qui est détenteur d’armes et qui ne l’est pas », explique Almahady Moustapha Cissé.

Outre certains éléments du MOC, des soupçons pèsent également sur les groupes armés présents dans la ville. Faute de voir leurs besoins comblés, certains de leurs membres se lanceraient dans des actes de banditisme. « Il y a des éléments non contrôlés de l’ex rébellion, des mouvements d’autodéfense, etc. Mais je tiens à préciser que ces éléments agissent pour leur propre compte, même si le retard dans l’application de l’Accord pour la paix a sa part de responsabilité. Des jeunes armés sans revenus ont quand même besoin de survivre. Mais, encore une fois, cela ne peut en aucun cas justifier les tueries », explique Mohamed Ag Ismaël. Pour Almahady Moustapha Cissé, même des militaires maliens feraient partie des auteurs. « Ceux qui attaquent, il y en a partout. Récemment on a compris qu’il y avait des militaires. Une fois, un garde a quitté Bourem pour venir mener une attaque à Gao ».

En attendant que les nouvelles mesures sécuritaires prises par les autorités de la région aient l’effet escompté, la ville est pour l’heure un véritable « Far Nord ». Situation que voudrait voir changer la Coalition Songhoy Chawaara Batoo, au risque de « prendre ses responsabilités pour protéger sa communauté contre une épuration ethnique qui ne dit pas son nom à travers ces assassinats ciblés ». Prendre les armes ? « Pour le moment nous n’en sommes pas encore arrivés là. Nous avons d’abord toute une panoplie de moyens et de leviers légaux, dont nous allons nous servir pour faire comprendre notre cause », conclut Almahady Moustapha Cissé.

Boubacar Diallo

Mali – Manifestations de juillet 2020 : la MINUSMA publie son rapport

La MINUSMA a publié lundi 28 décembre le rapport de l’enquête sur les violations et atteintes aux droits de l’homme commises dans le cadre des manifestations du 10 au 13 juillet 2020 au Mali. La mission onusienne a déployé, du 20 juillet au 17 août 2020, une mission spéciale d’établissement des faits, composée de 30 chargés de droits de l’homme, un chargé de la protection de l’enfance et de deux experts scientifiques de la Police des Nations Unies , dans le but d’enquêter sur les allégations de violations et atteintes aux droits de l’homme durant les évènements qui se sont produits à Bamako et dans certaines régions du Mali du 10 au 13 juillet 2020. Dans le cadre de cette enquête spéciale, l’équipe a eu des entretiens avec les principaux protagonistes (victimes, témoins directs et indirects, leaders du M5-RFP, corps médical…ainsi que les autorités). L’équipe a aussi examiné et analysé plus de 50 supports vidéo ainsi qu’au moins 220 clichés photographiques de la Police technique et scientifique. Ont été également examinés plus de 350 publications sur les réseaux sociaux et autres médias, notamment les déclarations, discours et commentaires, surtout ceux susceptibles d’inciter à la haine et à la violence. Par ailleurs, l’équipe de l’enquête a visité les principaux sites et endroits où se sont déroulés les incidents notamment, l’Assemblée nationale, l’Office de radio et télévision du Mali (ORTM), la mosquée de l’Imam Dicko à Badalabougou, la résidence de la Présidente de la Cour constitutionnelle à Badalabougou, le siège de la CMAS, siège du RPM, le Tribunal de la Commune V de Bamako ainsi que les stations-service pillées dans différents quartiers de Bamako. Au terme de cette mission d’enquête, la MINUSMA est en mesure d’établir que, les 10, 11, 12 et 13 juillet à Bamako, quatorze manifestants, tous de sexe masculin, dont deux enfants ont été tués lors des interventions des forces de maintien de l’ordre notamment la Gendarmerie nationale, la Police nationale, la Garde nationale et la Force Spéciale Anti-Terroriste (FORSAT) qui dans certains cas ont fait un usage excessif de la force. Au moins 40 manifestants ont été blessés lors de l’intervention des forces de l’ordre et 118 agents des forces de défense et de sécurité parmi lesquels 81 fonctionnaires de police, ont été blessés du fait d’actes de violence imputables aux manifestants. Au moins 200 personnes (dont six femmes et sept enfants) ont été arrêtées et détenues arbitrairement à Bamako, respectivement à la Brigade de recherche de la gendarmerie de Bamako (au Camp 1) ainsi que dans les commissariats de police des 3e, 7e et 10e arrondissement de Bamako dans le cadre de ces événements. Toutes ces personnes ont par la suite été libérées, le 13 juillet 2020, sur instruction des parquets d’attache. Enfin, entre le 10 et le 13 juillet, des manifestants ont vandalisé, pillé et incendié différents sites ainsi que des biens publics et privés et ont érigé des barricades sur certains axes routiers de la ville. Au regard de la loi malienne, ces actes constituent des violations du Code pénal national et sont punissables par les juridictions compétentes. Toutes les preuves et autres documentions collectées au cours de l’enquête de la MINUSMA seront mises à la disposition des autorités judiciaires à leur requête et conformément au protocole établi.

Fin de la Mission de la Commission d’enquête internationale pour le Mali

La Commission d’enquête internationale pour le Mali a soumis son rapport au Secrétaire général des Nations Unies ce 26 juin 2020, concluant ainsi sa mission après plus de 20 mois de travaux. Pour rappel, la Commission est entrée en fonction le 22 Octobre 2018.

Le rapport soumis ce 26 juin 2020 au Secrétaire général contient le résultat et les conclusions des enquêtes menées par la Commission sur les abus et violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, ainsi que les crimes internationaux commis sur le territoire du Mali entre le 1er janvier 2012 et le 19 janvier 2018, conformément à son mandat. Il contient aussi des recommandations formulées sur la base de ses constatations dans la perspective de mieux lutter contre l’impunité et de consolider la paix et la réconciliation nationale au Mali.

Dans l’accomplissement de sa mission, la Commission a bénéficié de la coopération agissante de différentes organisations et institutions, notamment le gouvernement du Mali, les autres parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation, certains Etats membres des Nations Unies, la Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) et d’autres entités du système des Nations Unies au Mali, à New York et à Genève, et de nombreuses organisations gouvernementales et non-gouvernementales. La Commission les remercie sincèrement de leur soutien multiforme. Elle remercie également les victimes et les témoins des évènements objets de ses enquêtes, qui ont accepté de partager leurs expériences avec elle, malgré un environnement empreint de menaces et de craintes parfois exprimées.

La Commission est composée de Madame Lena Sundh de la Suède (Présidente) et de Messieurs Simon Munzu du Cameroun et Vinod Boolell de l’Ile Maurice (Membres). Elle a bénéficié dans la conduite de sa mission, de l’appui d’un Secrétariat technique basé à Bamako et composé de 14 fonctionnaires des Nations Unies, dont quatre femmes, experts dans divers domaines thématiques d’intérêt pour son travail, et coordonné par Monsieur Kounkinè Augustin Somé.

 Créée le 19 janvier 2018 par le Secrétaire général des Nations Unies conformément à l’article 46 de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali de juin 2015, la Commission a reçu mandat « d’enquêter sur les allégations d’abus et de violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris les allégations de violences sexuelles liées au conflit commis sur tout le territoire du Mali entre le 1er janvier 2012 et la date de son établissement; d’établir les faits et les circonstances de la perpétration de tels abus et violations, y compris ceux qui peuvent constituer des crimes internationaux ; d’identifier les auteurs présumés de tels abus et violations, et ; de soumettre un rapport écrit au Secrétaire général, contenant les conclusions de ses enquêtes et des recommandations pour la lutte contre l’impunité, à la lumière des abus et violations identifiés ».

Source: ONU

Blocages dans l’Accord pour la paix : à qui la faute ?

Prévue pour le 15 juin, la 40ème session du Comité de suivi (CSA) de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali doit faire un nouveau point sur sa mise en œuvre. Censé aboutir à une « paix globale et durable, garantissant une solution définitive à la crise qui affecte le Nord du Mali », l’Accord est encore loin de l’espoir suscité. Cinq ans après, aucun des axes ne connaît une mise en œuvre satisfaisante, selon les acteurs. Réformes institutionnelles et politiques, défense et sécurité, développement et réconciliation nationale, ou encore justice et questions humanitaires, « les problèmes restent entiers ». Si une relecture peut s’avérer nécessaire, l’Accord doit être mieux partagé afin que l’ensemble de la population y prenne une part active, mais aussi que les parties signataires agissent avec plus de bonne foi.

Dans un communiqué rendu public le 28 mai 2020, en prélude à la 40ème session du CSA, la MINUSMA a exhorté « les parties signataires à s’abstenir de tout acte contraire à l’esprit de l’Accord ou susceptible de remettre en cause, non seulement la souveraineté et l’intégrité territoriale du Mali (…) », quelques jours après le refus de la CMA de laisser entrer à Kidal le bataillon de l’armée nationale reconstituée. Un communiqué du gouvernement reprochait au mouvement de s’emparer de fonctions régaliennes de l’État.

Ce « manque de confiance et de bonne foi des parties prenantes, mouvements signataires, Gouvernement et médiation internationale est le premier obstacle à la mise en œuvre de l’Accord », selon un observateur. Ainsi, malgré la signature de l’Accord,  les ex-rebelles restent armés et contrôlent toutes les régions du Nord du pays, ajoute t-il. Mais ce qui a manqué le plus depuis la signature, « c’est un réel portage politique », estime Monsieur Mahamadou Diouara, sociologue. « C’est un document éminemment politique, qui engage la Nation sur un chemin réformateur qui engendre beaucoup de changements et dont la matérialisation implique la participation inclusive de l’ensemble des composantes de la Nation, au niveau national et local ».

Accord non inclusif

Ce projet politique déterminant aurait obtenu les résultats escomptés s’il avait été mieux partagé, estime les observateurs. Tous les acteurs de sa mise en œuvre concrète, notamment les populations, devraient en avoir une conscience claire, afin d’en comprendre les « tenants et les aboutissants », ainsi que leurs rôles dans le processus.

« Malheureusement, depuis sa signature, ni le gouvernement ni les groupes armés signataires ne sont allés vers le peuple » pour expliquer le contenu de ce document signé en son nom, lui faire connaître les dividendes attendus, les rôles et les risques encourus en cas de non application.

L’absence de ce préalable, essentiel à l’appréhension du processus par la majorité des acteurs, a eu pour conséquence de faire de « la mise en œuvre de l’Accord une entreprise isolée entre le Gouvernement, la CMA, la Plateforme », ajoute M. Diouara.  Entre ces acteurs, les groupes non signataires et une partie de la société civile, qui manifestent leurs désaccords pour une disposition non appliquée ou le retard accusé dans l’application d’une autre. Pendant ce temps, la question de la qualité de l’Accord reste en suspens et ne permet pas au citoyen de participer à son application.

Or le projet politique porté par l’Accord est celui de la régionalisation. Une étape dans le processus de décentralisation pour offrir des réponses locales à des questions dont la connaissance et la maîtrise échappent souvent à l’État central. Mais, dans la réalisation de cette ambition, au lieu d’une vision globale capable d’assurer une mobilisation accrue de tous les acteurs, les parties prenantes ont privilégié « des questions subsidiaires, priorités d’intérêt immédiat ».

Intérêts particuliers

Dès lors, cette défense d’intérêts partisans a transformé « en condition imparable une disposition de l’Accord » : les autorités intérimaires, celles qui devaient durant une période transitoire permettre aux parties signataires, grâce à une convention, d’assurer ensemble la sécurisation des zones à conflit avec un Mécanisme opérationnel de coordination (MOC).

Ces forces, composées de combattants de chaque groupe signataire et de militaires, sous le commandement d’un officier supérieur de l’armée, devaient effectuer des patrouilles mixtes afin de permettre aux autorités d’exercer leurs missions.

L’impossibilité d’accomplir « correctement » ces missions a conduit à la mise en place d’autorités exceptionnelles. Ce qui n’a fait que « réveiller les peurs des populations du nord qu’une communauté se voit octroyer les droits et privilèges de disposer de la destinée des collectivités », estime le sociologue Diouara. Des craintes qui se sont  d’ailleurs justifiées, contribuant à démobiliser les acteurs locaux.

L’absence de vision globale dans la mise en œuvre de l’Accord a aussi entraîné la mise en avant d’une autre question comme condition, celle du DDR. Ainsi, au lieu d’une mobilisation des énergies et intelligences de chaque collectivité, c’est la réinsertion qui a été « vendue » aux jeunes, déplore le sociologue. Engendrant une course aux armes afin d’être affilié à un groupe armé et reconnu comme ex-combattant.

Alors qu’il aurait fallu que chaque région puisse s’organiser, créer une fonction publique territoriale et mettre en place une police territoriale, sous l’autorité du chef de l’exécutif local, élu au suffrage universel direct et appuyé à chacune des échelles  par un comité consultatif local de sécurité composé de représentants des jeunes, des femmes, des autorités traditionnelles. Cela aurait permis de mobiliser les jeunes de chaque ethnie pour constituer une force territoriale afin d’assurer cette sécurité et empêché les affrontements entre différentes ethnies à Mopti.

Mais une mauvaise lecture de l’Accord a engendré une mobilisation contre lui, empêchant cette mesure et favorisant les clivages intercommunautaires et l’émergence de singularités et fondamentalismes.

Pourtant, un tel programme pour utiliser les ressources locales allait créer de l’emploi  et de l’espoir, ainsi que de nouvelles aspirations.

Mauvaise foi

Manifestement, les parties prenantes de l’Accord font preuve de mauvaise foi. « Elles font semblant de jouer leurs rôles », mais comme « au chat et à la souris, prenant en otage le peuple et le pays », parce qu’elles « semblent toutes servir des intérêts personnels et/ou communautaires », plutôt que l’intérêt général, souligne un acteur.

Les principes et les engagements sont clairs et hiérarchisés, précise M. Diouara. L’unité, la souveraineté de l’État sur le territoire, la forme républicaine et la laïcité sont des principes acquis et acceptés par toutes les parties.

À partir de là, les gestes de la CMA ne peuvent se justifier que par « l’architecture institutionnelle de la mise en œuvre de l’Accord, la faiblesse de l’État malien et la duperie de la médiation de la communauté internationale », analyse cet observateur.

Rappelant que l’Accord prevoyait que 90 jours après sa signature les groupes armés donneraient la liste de leurs combattants et armes à la Commission technique de sécurité (CTS), pendant que les MOC sécuriseraient les sites de cantonnement, dont la MINUSMA en avait construit huit une année après la signature, le sociologue Diouara déplore « qu’à ce jour, ces forces n’aient pas déposé les armes. Nous sommes comme au jour de la signature ».

S’il n’est pas exclu de relire le texte de l’Accord, parce qu’il a été rédigé dans un contexte qui n’est pas le même actuellement, certaines déclarations ayant été plus « néfastes » qu’utiles, il est indispensable que « les gens en aient une compréhension claire », suggère M. Diouara.

Il faut surtout lui « donner une chance d’obtenir l’adhésion d’une grande partie des Maliens, afin qu’il soit un instrument approprié de paix, de prévention des crises, porteur de développement équilibré des régions du Mali », conclut un acteur.

Fatoumata Maguiraga

Quelques dates…

Infographie: Boubacar Diallo et Marc Dembelé

Centre: Bandiagara isolé et précarisé

Attaques terroristes, violences intercommunautaires, vols de bétail, insécurité alimentaire, voilà le quotidien des habitants du pays dogon depuis l’enlisement du centre du Mali. Esseulés, ils côtoient la précarité.

Le poste de Mandoli, dans le cercle de Bandiagara, a été attaqué le 5 mai dernier par plusieurs personnes armées. Un civil a été tué et quatre gendarmes blessés. La veille, le pont de Songho, sur la RN15 reliant Sévaré à Bandiagara, avait fait l’objet d’un deuxième sabotage à l’aide d’une mine. C’est tout un corridor international, de la frontière burkinabè jusqu’aux ports de Lomé et de Cotonou qui subit un coup dur. Ce cycle de violences rappelle sans cesse le sinistre écosystème dans lequel vivent les habitants du pays dogon depuis 2015.

Avec une population de 430 000 habitants, selon le recensement de 2009, le cercle de Bandiagara est enclavé. Et, avec la destruction du seul pont qui le reliait au reste du pays, les autorités locales craignent de futures attaques. « Avec l’attaque du poste de contrôle de Mandoli à la veille de la destruction du pont, on se demande si quelque chose d’autre ne se prépare pas », s’inquiète un administrateur. « Pour cette pandémie de Covid-19 on n’a pas encore enregistré de cas, mais s’il faut envoyer des véhicules d’urgence à Mopti, cela va poser des problèmes », poursuit-il. Le samedi 9 mai, des travaux de déviation ont été entamés pour la reprise effective de la circulation des personnes et de leurs biens. Une mission de la MINUSMA avait effectué une visite le 8 mai pour évaluer les dégâts et jugé « crucial que cette voie reste ouverte ».

Démunis

« Dans le cercle de Bandiagara seulement 10% des terres sont cultivables. Donc, même en l’absence d’insécurité, Bandiagara n’est pas autosuffisant au plan alimentaire. La population compense cette insuffisance en terres arables par le maraichage », souligne Siriman Kanouté, le Préfet du cercle.

L’État et ses services techniques sont présents, mais environ une cinquantaine d’écoles restent fermées à cause de l’insécurité, selon des chiffres de la préfecture. Le chef-lieu de cercle dispose de trois forages pour 21 000 habitants. La Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP) fournit 80% des besoins en eau de la ville. Dernièrement, les coupures étaient récurrentes à cause de travaux de maintenance et de problèmes d’électricité. Grâce à un partenariat, la Croix Rouge s’est engagée à doter la SOMAGEP de carburant afin de prévenir les coupures d’eau.

Boubacar Diallo

Mali: Washington veut que la Minusma plie bagage dans 3 ans

Washington ne veut plus du Tchadien Mahamat Saleh Annadif à la tête de la Minusma, Mission onusienne pour la stabilisation du Mali. Le site Africa Intelligence (AI) soutient, à ce propos, que les Etats-Unis tentent depuis plusieurs semaines d’imposer son propre candidat à la tête de la mission.

Il s’agit de David Gressly, actuel n°2 de la Monusco, la Mission de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC). Le diplomate américain, rappelle la même source, est «un familier des arcanes onusiennes et du contexte malien». Avant de rejoindre la Monusco, David Gressly était à la tête du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Mali.

Africa Intelligence estime que «si un départ de Mahamat Saleh Annadif, ancien ministre des Affaires étrangères tchadien et RSSG au Mali depuis 2015, semble quasi acté, le nom de son potentiel successeur fait (par contre) l’objet d’intenses tractations».

La raison ? Il ne ferait pas l’unanimité au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Comme il fallait s’y attendre, les plus grands opposants à l’option américaine sont les Français, qui ne cacheraient pas leurs réserves sur David Gressly et plaideraient, selon AI, pour une candidature africaine.

Africa Intelligence révèle que «l’autre front diplomatique sur lequel s’écharpent Washington et Paris est celui du texte de la résolution du renouvellement de mandat de la Minusma». «Les négociations commencées il y a une dizaine de jours se déroulent dans un climat pour le moins tendu», indique AI, qui ajoute que «les diplomates américains souhaitent que la résolution mentionne une ‘‘échéance de retrait’’ à trois ans»

En d’autres termes, précise la même source, «Washington entend introduire de façon inédite un plan de désengagement graduel de la mission onusienne». Une demande à laquelle Paris, qui assure la rédaction de la résolution, est jusqu’à maintenant très fermement opposée.

Sur le plan opérationnel, ajoute Africa Intelligence, «Washington se montre tout aussi intransigeant et affiche une vive opposition à la descente des soldats de la Minusma dans le centre du Mali». «Le mandat initial de l’opération de l’ONU se limite théoriquement au nord du pays mais, face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le centre malien, la France plaide depuis plusieurs mois au Conseil de sécurité pour un déploiement partiel dans le centre», indique Africa Intelligence. Washington reste très sceptique aussi sur les mécanismes de coordination existants entre la Minusma et le G5 Sahel, que les Etats-Unis ne soutiennent que du bout des lèvres. Washington s’est, rappelle-t-on, opposé au financement de la force du G5 Sahel par l’ONU.

Ayant fait campagne contre les budgets «exorbitants» des opérations de maintien de la paix des Nations unies, Donald Trump s’efforce de mettre cette mesure en pratique.

Selon toujours Africa Intelligence, son équipe diplomatique devrait ainsi plaider pour un retrait d’un millier de Casques bleus sur les 11 200 que compte la Minusma. Un point sur lequel Paris n’est pas d’accord aussi. Un récent rapport de mission du département d’Etat au Mali n’a pas été tendre vis-à-vis de la Minusma, fustigeant notamment les coûts de fonctionnement de la mission de l’ONU pour des résultats jugés limités.

Sources: Africa Intelligence – El Watan

Tessalit: Plusieurs blessés dans l’attaque d’un camp ce jeudi

Une attaque au mortier contre un camp militaire ce matin à Tessalit a fait plusieurs blessés. Selon les informations,17 casques bleus et deux civils maliens ont été blessés dans cette attaque non encore revendiquée. Le camp abrite des soldats de la MINUSMA, de Barkahne qui a annoncé qu’aucun soldat de la force n’avait été touché.

MINUSMA : Vers un mandat « robuste » ?

Le 30 juin, le Conseil de sécurité des Nations Unies doit renouveler le mandat de la Mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Déployée dans le pays depuis 2013, elle a pour mandat principal de stabiliser les grandes agglomérations et de contribuer au rétablissement de l’autorité de l’État en soutenant la mise en œuvre de l’Accord pour la paix de 2015. Six ans après, la paix est toujours un mirage et le centre, jadis stable, est rongé par la violence des milices et des groupes terroristes.

Chaque année, et ce depuis 2013, le Conseil de sécurité de l’ONU prolonge à l’unanimité le mandat de la MINUSMA pour un an, lui fixant des priorités et résultats à atteindre. La principale mission est d’aider le pays à retrouver la paix et à affirmer son autorité, en mettant l’accent sur la protection des civils contre les violences. Avec la signature en 2015 de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger, la MINUSMA s’est investie auprès des parties signataires pour sa mise en œuvre. Mais cette signature « à l’arraché » n’a pas permis le retour de la paix. Le cycle de violences a au fil du temps gagné progressivement le centre du pays, avant que cette zone ne devienne en 2018 la plus dangereuse. Les attaques terroristes visant les forces de défense et de sécurité maliennes ainsi que les forces internationales se sont intensifiées. Les derniers massacres de civils au centre du pays ont couronné « l’impuissance de la MINUSMA » et ré ouvert le débat sur son utilité en l’état, à la veille du renouvellement de son mandat. Car restaurer la paix dans un pays en guerre semble être une mission impossible pour elle.

En conférence de presse, le vendredi 21 juin à l’hôtel Sheraton, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies au Mali, chef de la MINUSMA reconnaissait les attentes déçues des Maliens. « Je sais depuis que je suis là que les attentes des Maliens lambda sont au-delà du mandat de  la MINUSMA. Ils estiment qu’il faut une force d’imposition de la paix pour lutter contre le terrorisme. Nous, notre mandat, c’est un mandat de stabilisation du Mali », affirmait Mahamat Saleh Annadif.  « À partir du moment où il y a ce péché originel, que j’ai toujours évoqué, et à partir du moment où nous sommes là et qu’il y a toujours des morts, considérons que nous avons tous échoué et que le premier échec est celui des Maliens d’abord », répliquait-il à une question.

Mandat robuste ou statu quo ?

Alors que les critiques visent la mission, qui a payé un très tribut en vies humaines, le gouvernement, à travers son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, plaide depuis quelques mois auprès du Conseil de sécurité le renouvellement de son mandat. Tiebilé Dramé a demandé « une présence accrue de la MINUSMA dans les régions du centre du Mali, aux côtés des Forces de défense et de sécurité maliennes, afin de protéger les populations civiles et leurs biens, de mettre un terme au cycle de violences et de permettre le retour de l’administration et des services sociaux de base ».  En visite de « solidarité » au Mali du 19 au 21 juin, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de maintien de paix, Jean-Pierre Lacroix informait du renforcement de l’action de la MINUSMA dans le centre mais sans changements majeurs. « L’effectif ne sera pas augmenté, mais notre défi c’est comment faire mieux et plus pour aider les Maliens à inverser la  tendance. L’essentiel, c’est de faire en sorte de prévenir les menaces (…) et de créer des espace de sécurité pour permettre à l’État de revenir ». Le diplomate soulignait que « la MINUSMA a été créée pour répondre aux problématiques du nord et surtout à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale ».

S’il fut un temps où ce mandat était incompris d’une frange de l’opinion malienne, aujourd’hui, il s’avère à ses yeux inadapté au contexte. « Le mandat, tel que défini, ne répond pas du tout à l’urgence du moment. Il faudrait revoir les dispositions, pas un renouvellement seulement. La MINUSMA est considérée aujourd’hui comme une force tampon, d’interposition, il faut penser qu’elle puisse aller au-delà », estime Khalid Dembelé, économiste et chercheur au Centre de recherche et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES). Selon lui, rien ne laisse présager du mandat « robuste » tant réclamé. « C’est à nous de faire en sorte que le mandat puisse aller au-delà : qu’ils acceptent ou qu’ils quittent le pays », affirme-t-il.

Dans son dernier rapport, en date du 31 mai, sur la situation au Mali, le Secrétaire général de l’ONU recommandait une augmentation en « efficacité et en efficience, en assurant une protection accrue lors des déplacements, en étant plus souple et plus agile et en adoptant une attitude proactive dans toutes ses zones de déploiement. Ce qui nécessitera la reconfiguration de certaines unités existantes et le déploiement de capacités supplémentaires ».

C’est ainsi que le camp de Diabali devrait être transféré aux FAMAs début 2020. Les responsables onusiens rappellent souvent que la MINUSMA n’a pas à se substituer à l’État, mais à l’appuyer dans ses efforts. « Il y a une nécessité de réponses maliennes à la crise du centre. Chacun a son rôle. N’essayons pas de considérer qu’il y a une baguette magique quelque part qui s’appelle MINUSMA,  EUTM ou G5 Sahel », rappelle le chef des opérations de maintien de  paix, ajoutant « il faut un renforcement des capacités de l’État, des FAMAs et des forces de sécurité ».

Même si la contribution des Nations Unies est considérable, le mal est toujours vif et le pays peine à se remettre debout. La persistance de l’hémorragie malgré l’assistance des forces internationales agace de plus en plus en l’absence de perspectives. Dr Bréma Ely Dicko, chef du département Sociologie – anthropologie de l’Université des lettres et des sciences humaines de Bamako, recommande un mandat robuste pour la MINUSMA. « C’est le minimum que les Nations Unies puissent faire, pour la simple raison qu’il permettra à la MINUSMA d’être plus efficace sur le terrain et de contribuer à la lutte contre le terrorisme, ce qui n’est pas dans son mandat actuel », souligne-t-il.

Une mission à laquelle doivent faire face, selon Abdoulaye Tamboura, Docteur en géopolitique, d’autres forces. « C’est aux Forces armés maliennes, à Barkhane et au G5 Sahel que revient cette mission ». C’est d’ailleurs dans cette lutte qu’un groupe armé terroriste a abattu mi-juin lors de combats dans le nord-est du pays un hélicoptère de la force Barkhane. Un témoignage de leur capacité de nuisance et de l’urgence à circonscrire les violences au centre.

Pour Dr Bréma Ely Dicko, le temps n’est plus au statu quo. « À quoi sert de vouloir sauvegarder des institutions si le pays sombre de jour en jour et tend vers l’inconnu ? Il est aujourd’hui plus que nécessaire de revoir la façon de faire de la MINUSMA, de la sortir de cette position de stabilisation pour être une force combattante ». Il ajoute « si l’on n’accorde pas à la MINUSMA un mandat robuste, lui permettant de combattre les groupes terroristes, elle comptera toujours ses morts et sera là pour une dizaine d’années ». 

Toutefois, le sociologue suggère qu’à défaut d’accorder un mandat offensif à la mission « ses effectifs soient réduits et de faire en sorte que l’argent qui servait à les prendre en charge soit réorienté au bénéfice du G5 Sahel, qui est une force de lutte contre le terrorisme sans moyens ».

Pour l’heure, malgré les critiques, la présence de la MINUSMA reste indispensable, tant la menace est réelle. Les Forces armées maliennes supposées prendre la relève sont  toujours en reconstruction.

Mandat de la MINUSMA : Des changements en vue ?

Le renouvellement du mandat de  la  Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) était au centre des discussions  du Conseil de sécurité de l’ONU, le  29 mars à New-York. Présente au Mali depuis 2013, la mission est souvent critiquée, face à une situation qui empire de plus en plus, et son utilité fait débat dans le pays. Son éventuel renouvellement sera discuté en juin.

« La présence de la MINUSMA là où je suis, à Douentza, est inutile. On avait eu des menaces ici mais elle n’est jamais intervenue. Ils nous disent que ce n’est pas à eux de prendre des gens ou de lutter contre les bandits », témoigne Hamadoun Dicko, un habitant de Douentza.  « Nous voyons juste qu’ils sont là pour percevoir leur salaire et faire des achats, ce qui ne fait pas notre affaire », précise-t-il. Pourtant, le mandat de la mission est d’aider à la stabilisation du Mali tout en protégeant les civils des violences. Le 23 mars, plus de 160 personnes ont été massacrées dans le village d’Ogossagou. C’est dans ce contexte que le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni à New-York, le 29 mars, sur la situation au Mali et les perspectives du renouvellement du mandat de la mission.

Si le rapport  du secrétaire général de l’ONU en date du 5 mars notait certains progrès dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, notamment le DDR et la tenue de l’élection présidentielle, des axes majeurs, comme la réforme constitutionnelle ou le redéploiement de l’armée reconstituée accusent du retard. « Nous avons été déçus qu’il ne fournisse pas d’évaluation claire de l’absence de progrès significatifs sur tous les points restants.  Cette lacune contraste avec le rapport de l’Observateur indépendant, qui reconnaissait les progrès préliminaires mais tirait la sonnette d’alarme sur le manque de volonté politique pour mettre en œuvre l’Accord », a déclaré M. David Hale, Sous-secrétaire d’État aux affaires politiques des États-Unis, ajoutant attendre de « voir progresser les mesures en suspens avant que le Conseil de sécurité ne négocie la prorogation du mandat de la MINUSMA en juin », avertit-il. Pour l’analyste politique Boubacar Bocoum, « le constat d’échec est là. On avait pensé que la MINUSMA allait réduire les problèmes, mais plus elle dure, plus les attaques et les massacres augmentent », souligne-t-il. Pour le Premier ministre malien, Soumeylou Boubeye Maiga, « une réduction des moyens ou des missions de la MINUSMA aura donc des conséquences extrêmement négatives sur la situation économique, qui aboutira au final au renforcement des groupes terroristes et à une nouvelle dégradation de la situation ».

Accord pour la paix: Le Conseil de sécurité de l’ONU veut insuffler un nouveau souffle

Faire le point sur l’état de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation, ainsi que sur celui de l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel, telle était la mission du Conseil de sécurité de l’ONU en visite au Mali en cette fin de semaine. Lors d’une conférence de presse tenue samedi 23 mars 2019 à l’hôtel Sheraton de Bamako, les membres de la délégation, accompagnés du représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies au mali, ont rendu public les différentes démarches et actions menées avec l’ensemble des acteurs maliens au cours de leur visite.

Cette visite du Conseil de sécurité des Nations Unies au Mali, la quatrième dans le pays depuis 2013, s’inscrit dans un contexte particulier. Elle a été conduite par les ambassadeurs de France, d’Allemagne et de Côte d’ivoire à l’ONU et intervient 6 mois après les élections présidentielles dans le pays et trois mois avant le renouvellement du mandat de la Minusma en juin prochain. Quelques jours d’une réunion ministérielle importante du conseil de sécurité qui se tiendra le 29 mars à New York, occasion de prendre des décisions importantes sur l’avenir de l’accompagnement international du  processus de paix malien et sur le futur de la Minusma.

Accord, prioritaire                     

La délégation a rencontré l’ensemble des acteurs du processus de paix et de réconciliation, notamment le Président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement, les partis politiques de l’opposition ainsi que la société civile à travers diverses associations dont, entre autres, celles des femmes.

Une réunion associant les membres du gouvernement aux côtés de ceux de la coordination, de la plateforme et des partis non concernés, s’est également tenue avec le comité de suivi de l’Accord, en plus de différentes rencontres avec les missions sécuritaires présentes au Mali et au Sahel.

Avec pour  message principal, la nécessité de donner un nouvel élan à la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation et d’en accélérer les différents volets, la visite a permis à la délégation du Conseil de sécurité des Nations Unies de dresser un état des lieux du processus de paix et de réconciliation au Mali.

« Nous avons salué les progrès importants qui ont été réalisés depuis le renouvellement du mandat de la Minusma en juin dernier, notamment la tenue des élections dans des conditions pacifiques, la poursuite du processus de décentralisation, le lancement d’un processus de DDR ou encore l’adoption d’un décret sur les critères d’intégration », a indiqué François Delattre, ambassadeur de France à l’ONU.

En revanche, le Conseil  a exprimé son regret  concernant plusieurs mesures prioritaires identifiées par la résolution 2423 (2018) qui n’ont pu être mises en œuvre avant l’échéance de mars. Il s’agit  notamment de  l’intégration effective de 1000 combattants au sein des FAMa, de l’opérationnalisation des autorités intérimaires et de l’établissement d’une zone de développement spécifique pour le Mali.

Les membres du Conseil ont par ailleurs marqué les attentes fortes de la communauté internationale près de 4 ans après la signature de l’Accord d’Alger.

Pour le conseil de sécurité des Nations Unies, il existe aujourd’hui un besoin de priorisation pour la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord. Aussi, les principaux points sur lesquels des avancées sont attendues de manière urgente sont surtout le processus de révision constitutionnelle après la tenue des consultations indispensables et la définition d’un plan global assorti d’une échéance précise pour le redéploiement des FAMa, reconstitués au nord du Mali.

Une  réunion du CSA a en outre permis  au conseil de proposer aux acteurs maliens, la présentation dès que possible d’une nouvelle feuille de route « réaliste, contraignante et centrée sur un nombre de priorités limitées ».

Réadapter la force du G5 Sahel

Concernant l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel, la délégation du Conseil de sécurité a eu  un échange « de très grande qualité » avec le commandant de la force du G5 Sahel, le secrétaire permanent ainsi que les ministres des Affaires Etrangères du Mali et du Burkina Faso. Elle a salué la relance récente des opérations de la force ainsi que le progrès réalisé dans la mise en place du cadre de conformité en matière de droit de l’homme.

« Le conseil de sécurité a renouvelé son intention de rediscuter du soutien international à la force une fois que celle-ci  sera pleinement opérationnelle et que les premiers résultats seraient obtenus, ce qui est le cas aujourd’hui », a précisé François Delattre.

Sur la base des indications qui ont été formulées par le commandant de la force du G5 sahel et le représentant spécial du secrétaire Général des Nations Unies au Mali, le Conseil de sécurité assure examiner avec l’ensemble des membres l’accord technique existant, pour le rendre plus adapté aux besoins du terrain.

Mais, comme l’a relevé Christoph Heusgen, Ambassadeur d’Allemagne à l’ONU, « Le Mali est confronté à un défi extraordinaire et face à cela, la seule réponse militaire ne suffit pas. Il faut un contrat social élargi à toutes les composantes de la société malienne ».

« Nous avons noté les attentes que le peuple malien, dans sa grande diversité a, vis-à-vis du Conseil de sécurité et nous repartons à New York, enrichis de tout ce que nous avons vu et entendu.  L’objectif était  d’être sur le terrain, toucher du doigt les réalités et voir ensemble avec toutes les parties engagées ce qui peut être fait », a conclut Kacou Houadja Léon Adom, Ambassadeur de Côte d’ivoire à l’ONU.

Bajan Ag Hamatou : « Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles »

Depuis quelques semaines, la ville de Ménaka est confrontée aux vols à mains armées.  Mais jeudi dernier, c’est un vieil arabe qui a été assassiné en plein jour. Dans ce contexte, plusieurs personnalités se sont rencontrées Place de  l’indépendance pour dénoncer ces pratiques et appeler au calme. Bajan Ag Hamatou, député élu à Ménaka et 6ème Vice-président de l’Assemblée nationale, explique à Journal du Mali comment lutter contre ces agissements.

Qu’est ce qui explique  le banditisme à Ménaka, malgré la présence de forces armées dans la ville ?

Depuis 2012, nous sommes soumis à ce grand banditisme. Depuis le déclenchement de la rébellion,  nous  ne connaissons que morts d’hommes et braquages. La grande majorité de la population a encouragé ce banditisme dans le nord du Mali et dans la région de Ménaka. C’est devenu un comportement des jeunes gens et, au fur et à mesure, ce phénomène s’aggrave. Si nous  ajoutons  les morts d’aujourd’hui à ceux d’hier et d’avant-hier, c’est extrêmement inquiétant. La  MINUSMA, Barkhane, les forces armées maliennes et les mouvements sur place ont décidé de lutter contre ce phénomène. Mais son ampleur est telle que ni Barkhane ni la MINUSMA ne peuvent le réduire en un temps record. Il faut que toute la population prenne conscience de ce qui nous arrive et du devoir que nous avons de lutter contre ces pratiques. Malheureusement, c’est à Ménaka et ses alentours que cela se passe.

Que faut-il faire pour  lutter contre ce banditisme ?

Il n’y a pas d’autre solution au phénomène que nous vivons qu’une meilleure coordination. Il faut qu’il y ait une bonne organisation entre ceux qui combattent ces pratiques, les forces armées et de sécurité du Mali, la MINUSMA, Barkhane et les mouvements armés, appuyés par les populations. Tous ceux qui meurent sont membres de nos familles. Chacun d’entre nous a le devoir et l’obligation d’arrêter ce phénomène. La  seule solution passe par  l’implication des cadres, des responsables et de la population. Il ne servira à rien de pleurnicher et de se demander pourquoi cela arrive. Que chacun parle à ceux qui sont autour de lui et qu’on dénonce ceux qui le font.

Quelles sont les mesures prises concrètement ?

Ceux qui sont chargés de la sécurité de nos populations et de leurs biens ont décidé ensemble de se retrouver pour apporter la solution à cette criminalité. Mais elle ne peut être réellement efficace que si la population aide ces forces-là dans ce travail. C’est notre devoir, parce que ce sont nos enfants et les membres de nos familles qui meurent. Le plus rapidement possible une solution sera trouvée.

Point-presse MINUSMA: Pacte pour la paix, de l’ordre enfin ?

La Minusma  a tenu le 18 octobre à son siège à Badalabougou, son traditionnel point de presse bimensuel. Son  porte-parole, Olivier Salgado  est revenu sur les dernières activités de la mission avant d’introduire l’invité spécial Danilson Lopes Da Rosa, responsable de la médiation de la MINUSMA. Ce dernier a développé l’objectif  visé par le pacte pour la paix signé le 15 octobre entre le gouvernement et l’ONU avec l’adhésion des mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation.

Un nouveau document d’à peine trois pages fait désormais  figure de canevas de référence pour  l’accélération de la  mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le pacte pour la paix, a été signé lors de la 28e session du Comité de suivi de l’Accord entre les Nations unis et le Gouvernement du Mali, avec l’approbation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et de la Plateforme, parties prenantes de l’Accord. « Cet acte fort a  pour but de réaffirmer l’engagement des différentes parties pour la résolution du conflit », explique le porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado. Ce document avait été annoncé par la résolution  24-23 du conseil de sécurité de l’ONU.

Plus d’engagements des partis                    

Même si le pacte poursuit le même objectif qui est la mise en œuvre de l’Accord, elle insiste selon le représentant de la médiation sur des éléments nouveaux, tel l’inclusivité . « Il faut prendre en compte les réalités sur le terrain, car il y a des groupes armés qui ont  une importance au niveau locale », souligne-t-il. « Nous sommes arrivés à un moment ou les mouvements armés doivent penser  à autre chose qu’être dans une logique de mouvements armés », ajoute Danilson Lopes Da Rosa.  L’invité du jour a rappelé que « la responsabilité de la mise en œuvre de l’Accord incombe au gouvernement et aux groupes signataires, appuyés par la communauté internationale.» Le pacte stipule qu’en cas des divergences dans la mise en œuvre de l’Accord, les décisions de la médiation auront un caractère exécutoire. Une nouveauté aussi qui découle d’un constat selon le conférencier. « Nous prenons des décisions aux CSA mais quand on quitte la salle,  chacun fait comme si la décision n’a jamais été prise », dit –il. « Nous essayons de mettre de l’ordre .Mieux vaut tard que jamais », a-t-il poursuivi.

Défier le statu quo

C’est face à l’absence des progrès tangibles trois ans après la signature de l’Accord qu’une telle idée est née.

Avant la signature du document, des négociations ont été menées pour harmoniser les points de vue entre la CMA, la Plateforme, le Gouvernement et la médiation internationale. Le texte a ainsi été retravaillé pour que toutes les parties s’y retrouvent. « Comme les mouvements ne doivent pas signer,  et que c’est un pacte entre  le Gouvernement et les Nations-Unies, il a été décidé que la CMA et la Plateforme fassent une déclaration d’adhésion », informe  le médiateur.

Pour  atteindre les engagements, toutes les décisions en lien avec la mise en œuvre de l’Accord sont désormais prises  au sein du  ministère de la Cohésion sociale, de la Paix et de la Réconciliation nationale. « Les parties maliennes se réunissent dorénavant tous les jeudis pour débattre de tous les sujets en conformité avec les quatre piliers de l’Accord », assure Danilson Lopes Da Rosa.