Mali : 62 ans après, une nouvelle indépendance ?

Depuis Modibo Keïta, le Mali n’a jamais autant semblé prendre son destin en main qu’en ces temps de transition. À coup de déclarations et de décisions fortes, les autorités actuelles imposent leur marque. Ces actions font-elles écho à celles des premières heures de l’indépendance?

« L’histoire ne se répète pas, mais parfois elle rime », a écrit l’essayiste américain Mark Twain. Le 15 août dernier, après 9 années d’intervention au Mali, le dernier contingent de l’armée française a quitté le pays, comme ce fut le cas le 5 septembre 1961, jour où le dernier soldat colonial français quitta le pays indépendant, à quelques jours près, depuis moins d’un an. Malgré des époques et des contextes différents, beaucoup ont ressenti un sentiment de souveraineté retrouvée. « Ce 22 septembre est une date commémorative de ce passé glorieux retrouvé, car elle est exceptionnelle en termes de restauration et de renforcement de la souveraineté, de la dignité, de la fierté, de l’honneur et surtout de l’unité du peuple », certifie Younouss Soumaré, Secrétaire général du Collectif pour la défense des militaires.

Le ton avait été donné le 25 septembre 2021 à l’ONU par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, habillé pour l’occasion comme Modibo Keïta. Il avait listé dans son discours ce qu’il affirmait être les nouvelles aspirations du peuple malien. À savoir : « le Mali nouveau n’acceptera pas qu’on puisse nous imposer des agendas, qu’on puisse nous imposer notre propre agenda, nos priorités, qu’on puisse nous imposer des diktats », a rappelé le 6 septembre au Togo, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, lors de la 3ème réunion du Groupe de suivi et de soutien à la Transition au Mali. À ces déclarations s’ajoutent, entre autres, les expulsions du représentant de la CEDEAO, Hamidou Boly (25 octobre 2021), de l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer (31 janvier 2022) et du porte-parole de la Minusma, Olivier Salgado (20 juillet).

Fanfaronnades

Des décisions jugées « fortes », mais dans lesquelles ne se « retrouve pas », El Hadj Baba dit Sandy Haïdara, 1er Vice-président de l’US-RDA, parti du père de l’indépendance.

« Modibo Keïta a obtenu l’indépendance et a demandé aux militaires français de sortir de notre pays sans pourtant rompre ses relations ni avec la France ni avec les États-Unis. Il est resté dans une diplomatie constructive, sans fanfaronnade. Comme on le dit, un tigre n’a pas besoin de proclamer sa tigritude. Il se fait respecter par son comportement », explique M. Haïdara, selon lequel le moment de l’indépendance n’a rien à voir avec aujourd’hui.

Pour lui, « on ne peut pas vouloir l’unité africaine, se dire panafricain et être en désaccord avec tous les pays africains. Malheureusement, c’est ce qui se passe actuellement », regrette-t-il.

A contrario, pour le Dr Abdoulaye Amadou Sy, Président de l’Amicale des ambassadeurs et consuls généraux du Mali, « sur le plan diplomatique, au niveau africain, les actions phares qui sont portées par les autorités maliennes sont effectivement acceptées et admirées par une grande partie de la population africaine. Les populations aspirent à l’indépendance et à la souveraineté, de ce fait, elles aiment les dirigeants qui refusent de vivre une politique de soumission. Cela, on l’a senti en 1960 et on le ressent aujourd’hui ».

Du chemin à faire

Si, sur le plan politique, le Mali se présente comme appliquant une souveraineté retrouvée, sur le plan socio-sécuritaire il y a encore du chemin à faire. Rien que dans le cercle d’Ansongo, des sources locales font état d’une centaine de civils tués depuis début septembre. La situation est telle que, dans un message vocal récent, le Général El Haji Ag Gamou a appelé les habitants des localités concernées à quitter les villages reculés pour les grandes villes, pour leur sécurité.

Sur le plan social, « il faut que les responsables arrivent à lutter contre la misère. Il faut que les gens arrivent à circuler dans leur pays pour montrer qu’ils sont indépendants, à manger à leur faim et à boire à leur soif », s’exclame le Dr Sy.

Pour cela, il va falloir trouver des nouveaux paradigmes pour atteindre la souveraineté alimentaire, selon l’économiste Modibo Mao Makalou. « 62 ans après les indépendances, l’Afrique continue à importer un tiers de la nourriture qu’elle consomme, alors qu’elle possède 60% des terres arables au monde, a la population la plus jeune du monde ainsi que beaucoup de ressources hydriques et hydrauliques. Elle possède beaucoup de soleil aussi. Il va falloir tirer profit de tout cela et moderniser nos systèmes de production agricole pour ne pas continuer à dépendre de la pluviométrie, comme nous le faisons à 90% du temps actuellement », explique-t-il.

Tabaski : L’agenda culturel 2019

Elle aura été un peu longue que prévu, cette année scolaire. L’angoisse des examens passée, place aux vacances pour de nombreux élèves. Le hasard du calendrier fait que les dernières classes ferment leurs portes à quelques jours de la fête de Tabaski.

À l’aune de la célébration, de nombreux événements sont programmés. L’un des plus attendus, du moins celui disposant d’un important arsenal de communication, est celui de Sidiki Diabaté. Le Prince de la kora a fait carton plein ce 12 août 2019 lors de son concert au Stade du 26 mars de Bamako, sous le signe de la « Paix et de la réconciliation ». Un concert où il a honoré et célébré DJ Arafat. Un hommage poignant rendu au Yorobo d’Afrique qui a perdu la vie dans un accident de circulation ce 12 août 2019 à Abidjan en Côte d’Ivoire. L’artiste a assuré lors d’un point de presse en juin que le « concert sera pour le Mali entier ». « C’est un défi que nous allons relever pour montrer au monde qu’il est toujours possible au Mali de se rassembler », a-t-il ajouté. Il devrait être en compagnie de nombreux artistes, dont les noms n’ont pour l’heure pas encore été dévoilés. D’un stade à un autre, le rappeur Young Pô et ses « Tchalé » investiront le stade Modibo Keita, également le lendemain de la Tabaski, pour un show inédit pour l’artiste. La capitale ne sera pas la seule concernée par les réjouissances culturelles. Au Stade Amary Daou de Ségou, le rappeur Gaspi, qui se fait rare depuis quelque temps, promet « d’enflammer » la cité des Balanzans. Trois jours plus tard et quelques kilomètres plus loin, le très célèbre groupe de rap Calibre 27 sera au Stade Barema Bocoum de Mopti pour la « Nuit de la paix ». Dans une région très éprouvée, le show de ces jeunes, dont la dernière vidéo Youtube a atteint le million de vues, est attendu avec beaucoup d’enthousiasme. Près d’une semaine après la fête, mais toujours dans son cadre, la diva Oumou Sangaré sera en prestation au Palais de la Culture pour la sixième édition du « Carrefour Tabaski ».

Détendez vos muscles

Les zygomatiques en l’occurrence. Les musiciens ne sont pas les seuls à vous donner rendez-vous, les humoristes seront aussi de la fête. Confrontation au sommet au Magic Cinéma le lendemain de la Tabaski entre Petit Bandit et Tou Gâté, deux membres de la nouvelle vague. Duo plus inédit, l’association entre la légende de l’humour malien Guimba et son « homonyme » Petit Guimba. Un Guimba show à mourir de rire, à n’en pas douter, le jour de la Tabaski. L’actuelle grande star de la comédie malienne Kanté, sacré meilleur dans son domaine aux Mali Awards, sera le même jour au Palais de la Culture.

 

Cardinal Jean Zerbo : « La meilleure des révolutions est celle qui construit, non celle qui brûle »

En 2017, l’Église malienne était accusée d’évasion fiscale et de détenir des comptes bien remplis en Suisse et ailleurs. Depuis ces révélations, Monseigneur Jean Zerbo évitait religieusement la presse. Quelques semaines plus tard, il devenait le premier Malien de l’histoire créé Cardinal, le dixième Africain. L’occasion était belle pour s’exprimer. Il n’en fit rien, des déclarations circonstanciées mises à part. Pour Journal du Mali, il a accepté de sortir de son mutisme. C’est dans ses appartements privés, au milieu des portraits du jour de sa consécration, qu’il nous reçoit, en prenant le soin de s’asseoir juste en dessous du portrait de Monseigneur Luc Auguste Sangaré, son mentor, un homme pour lequel il a le plus grand respect. À 75 ans, le cardinal se dit en mission pour un Mali retrouvé, un « Mali qui retombe sur ses jambes et non sur son cou ».

Le 28 juin 2017, vous êtes devenu le premier Malien créé Cardinal. Comment l’avez-vécu ?

Ca a été une grande surprise pour moi. Ce jour-là je me trouvais à Faladiè pour une cérémonie qu’on appelle la confirmation. Moi mis à part, tout le monde semblait être au courant de la nouvelle. Ils me regardaient donc d’une certaine façon et j’en cherchais la raison. Une sœur est venue me voir avec un téléphone, me disant que le Secrétaire de la Conférence épiscopale voulait me parler. J’ai pensé que c’était pour la nomination de l’évêque de Mopti. Celui qui occupait cette fonction était décédé en 2016, je m’attendais donc à ce que l’on parle de cela. Il m’a vite fait savoir que ce n’était pas pour cela, avant de m’apprendre que j’avais été retenu pour être créé Cardinal. Je l’ai pris avec beaucoup d’humilité. Qu’ai-je fait pour mériter cet honneur ? Je n’en sais rien.

Le Mali est dans une période difficile. Qu’un ressortissant de ce pays ait été choisi comme une ressource pouvant aider l’humanité… Pour servir à relever la réputation du Mali, de ma famille, de la communauté chrétienne, j’ai accepté cette fonction avec humilité.

Votre mission a-t-elle évolué ?

Les problèmes qui concernent la communauté chrétienne du Mali, et même la communauté humaine en général, nous les portons. Nous le faisons à deux niveaux. Nous devons tout d’abord nous poser en sentinelles, en veilleurs. La sentinelle doit scruter, relever, tous les signes. Faire le tri entre ceux qui pourront causer préjudice par la suite et ceux qui ne sont que des bruits. Le leader religieux doit d’abord être une sentinelle. Ensuite, il faut être un intercesseur. À deux niveaux également, entre les humains tout d’abord. Cultiver le vivre ensemble entre les parents et les enfants, entre les époux, au sein du service, sur le plan politique. Partout où se trouvent les humains naissent des conflits, mais le plus important est de les aider à faire le dépassement et à se comprendre.

En second lieu, il faut prier. C’est pourquoi il est demandé aux religieux d’être des personnes recueillies, afin qu’ils puissent présenter les besoins des humains devant Dieu. Être recueilli d’abord pour soi-même. Quand on est leader religieux, les gens peuvent vous rendre orgueilleux. Chacun de nous se connait. Plus tu t’approches de Dieu et plus tu te rends compte que tu es un pêcheur. Nous avons des religieux qui, parce qu’ils ont adulés, deviennent de petits dieux. Cela ne se devrait pas. À ce moment, tu sors de ton rôle et tu deviens une idole. Une fois, une personne m’a dit que j’étais son idole. Je lui ai répondu que non, car une personne qui croit en une idole n’est pas un croyant. Il a par la suite précisé le sens dans lequel il avait employé le mot, mais je souhaitais lui montrer que je n’étais qu’un homme simple. Je peux poser un acte qui lui plaira aujourd’hui et demain en poser un autre avec lequel il sera en total désaccord.

Avez-vous des responsabilités au sein du Vatican ?

Être créé Cardinal signifie que vous êtes un collaborateur direct du Pape. Une de nos tâches est de participer à l’élection du nouveau Pape. Dès ma nomination a été créé un ministère spécial chargé de la Famille. Je suis dans ce dicastère.

Quels sont les problèmes de la communauté chrétienne du Mali ?

Toute communauté doit miser sur sa jeunesse. Au point que le Pape a tenu une grande réunion en 2018, où étaient rassemblés les délégués des jeunes à travers le monde. Une des préoccupations de notre pays est sa jeunesse. C’est une chance, mais également un défi. Faute de pouvoir être absorbée par le gouvernement, cette jeunesse se résout à emprunter la route du désert, à tenter l’aventure, et ce avec toutes les conséquences que nous connaissons. C’est un grand défi que toute Église doit gérer avec la société. Nous faisons face également à l’équation de la famille. Nous entendons des histoires qui convergent vers la fragilité actuelle des foyers. Et quand la famille n’est plus solide dans une société, cette dernière va à sa perte.

Chacun de nous, à un moment de notre vie, connait des crises. Mais ces crises passagères ne nous définissent pas. Il n’est pas rare de voir une personne que l’on croyait irrécupérable changer pour le mieux quelques années plus tard. Donc cette crise de la jeunesse ne doit pas nous effrayer, elle devrait nous appeler à davantage de responsabilité. Et cela commence au sein de la famille. C’est pourquoi, tous les samedis, je dis une messe pour les familles. Je me suis pour cela inspiré du chant d’Amadou et Mariam « Les dimanches à Bamako, c’est le jour des mariages ». Que d’accidents ces jours-là! Les jeunes qui font les fous sur des motos ou avec des voitures, des gens excédés qui les maudissent. A contrario, nous faisons des bénédictions. Que Dieu bénisse le foyer de ceux qui se marient. Que, dans les familles où les choses vont bien, cela puisse continuer, que dans les familles dans lesquelles il y a des crises, il y en a partout, les membres arrivent à s’entendre. Les jeunes qui n’arrivent pas à se décider, que le Seigneur les conduise vers le partenaire adéquat. Et les autres, ceux qui ne veulent pas se marier, qu’ils sachent que dans l’Église, il y a les prêtres et les religieuses, qui restent célibataires, se consacrent à Dieu et prient pour les familles.

Le rôle d’un leader religieux est très important, notamment en période de crise. Quelle approche prônez-vous afin d’aider le pays à se relever ?

C’est au moment des crises que nous devons, particulièrement la jeunesse, montrer notre capacité de résilience. Nous ne pouvons baisser les bras et tenir des discours abattus. Moi, je m’engage afin que l’on puisse sauver la situation et j’accepte ma nomination comme une mission à mener dans ce sens. Comment y arriver ? Je l’ai évoqué plus haut, en étant une sentinelle.

Mais je ne puis le faire seul. C’est pourquoi que les leaders religieux doivent travailler de concert. Cette mission, nous l’avons hérité de nos ainés, Mgr Luc Sangaré, Balla Kallé et Oumar Ly. C’étaient les trois, quand j’étais jeune évêque, que j’admirais. Ce sont eux qui, quand ça n’allait pas au Mali, allaient voir le Président de la République. Ils ne sont plus là. Nous sommes donc investis de cette mission et je compte bien la mener je suis. Je ne veux pas égaler personne, je veux simplement faire avec ce que je suis. Sans compter que les temps ont changé. À l’époque, tout le monde ne pouvait pas parler, mais aujourd’hui nous sommes en démocratie, l’expression est plus libre. J’ai suivi la tournée d’Ousmane Chérif Haidara (en janvier et février), je l’ai écouté. Son discours est un discours de tailleur. Pas celui qui coupe et jette. Mais le tailleur avec l’aiguille et les fils. Ça fait mal, mais quand il a fini de raccommoder, ça guérit. Il tient un discours fédérateur. Les religions ne sont pas là pour mettre les gens dos à dos. Fédérer, c’est ce qui sauvera ce pays, et non tirer à boulets rouges sur les autres. Aimer son prochain comme Dieu le demande, car le seul jugement est celui de Dieu. Nous n’avons pas de leçons à lui donner, nous devons plutôt avec humilité recevoir les siennes. Et les médias doivent nous aider en faisant des analyses non partisanes des situations. Ce n’est pas le cas pour l’heure. Beaucoup nous disent de nous méfier des journalistes. Je me méfie, mais j’ai confiance.

Après la présidentielle de 2018, vous avez entrepris, avec d’autres chefs religieux, de concilier les positions des leaders politiques. Alors que d’habitude vous vous faites discret…

J’étais ici au moment du coup d’État de 1991. Le jour de l’arrestation de Moussa Traoré la ville était au bord de l’implosion. J’étais chez mon frère quand j’ai reçu un coup de téléphone disant que Moussa avait été arrêté. Aussitôt nous avons entendu des coups de feu. Il y a eu des tueries qui m’ont laissé sans voix. Ça m’a fait mal. Notre démocratie a été acquise sur de nombreux péchés, puissions-nous les expier. Ce jour-là, ce sont nos enfants qui ont été les martyrs et c’est terrible. Quand j’y repense, j’ai mal. Qui était responsable ? Moussa Traoré ou les acteurs du mouvement démocratique ? Qui a utilisé les enfants comme boucliers ? En général, quand ça chauffe, c’est au chef de famille d’aller s’enquérir de la situation. C’est ma réflexion personnelle. J’ai 75 ans passé, mais je me dois de pousser cette réflexion, afin que ce qui s’est passé en 1991 ne se répète plus jamais dans notre pays. Jamais !

Si nous sommes obligés de sacrifier nos enfants pour la démocratie ou je ne sais quelle dénomination politique, c’est comme si nous nous crevions un œil afin que notre voisin devienne aveugle (Banyengo). Je parle avec mon cœur.

L’URD m’a envoyé les conclusions de son congrès. Elles disaient : « nous ne partirons plus en guerre, nous pensons que ce serait irresponsable de tenter un coup de force. Nous déplorons la manière dont les élections se sont passées, mais nous assumons ». J’ai relevé cette partie et j’ai dit au Président de l’URD que je partageais ce point de vue. Ça nous évitera une crise postélectorale qui ne nous mènera nulle part. Nous devons changer les ressentiments en amour et en sacrifice pour ce pays. Nous serons jugés sur la manière dont nous gérons cette crise. Il nous faut nous atteler à ce que l’histoire qui en sera contée ne soit pas une tragédie.

Vous avez vécu plusieurs évolutions du Mali. Quel est votre regard sur le pays aujourd’hui ?

En dépit de tout ce qui se dit, je reste optimiste. L’unité nationale doit être préservée. C’est d’ailleurs au nom de cette unité que nous devons mettre de côté nos différends. Des personnels de certaines ambassades sont venus me voir afin que nous explorions l’idée d’imiter la Suisse. Je leur ai opposé un non ferme. « Vous avez votre modèle, ne venez pas nous l’imposer. Respectez notre choix. C’est ce qui avait été décidé au moment de l’indépendance. Nous sommes des partisans de Modibo Keita. C’était un grand homme. Chaque année, le 22 septembre était consacré jour de la rentrée scolaire pour tous les établissements. Il rassemblait tout le monde ce jour-là et tenait des discours marquants. Il disait : « nous avons pris un risque, un grand. Ce risque c’est l’indépendance. Nous n’avons rien, mais nous avons tout ».  Nous nous demandions tous ce qu’il voulait dire. Après, il précisait : « ce tout, c’est vous, en regardant chacun de nous et en nous montrant du doigt. « Retournez dans vos établissements, étudiez et revenez construire ce pays. Nous avons pris le risque de l’indépendance pour vous ». Tu sortais de là en ayant l’impression que ta vie avait un sens. Mais aujourd’hui nous avons oublié toutes ces valeurs. À notre époque, quand nous finissions, nous étions aussitôt pris dans la fonction publique. Mais sachez que l’année de mon baccalauréat nous étions 13 à le passer, toutes séries confondues. Les chiffres ont explosé depuis. Il fallait préparer les gens à l’auto-emploi car le gouvernement ne pourra jamais absorber tous ceux qui passent par l’école malienne. Et, tant que la jeunesse ne sera pas convaincue de s’engager sur cette voie, aucune révolution ne nous fera sortir de l’ornière. Le Mali doit s’assumer et nous devons accepter cette montée de la jeunesse et la préparer à faire face.

Vous vous dites confiant. Pourtant ce sont les acteurs du mouvement démocratique qui sont aujourd’hui les leaders du pays ?

La meilleure des révolutions est celle qui construit, non celle qui brûle. À chaque rencontre que j’ai avec eux, je leur dis sans ambages qu’ils se sont battus ensemble contre Moussa Traoré et pour l’avènement de la démocratie. « Et, aujourd’hui, vous ne pouvez plus vous sentir. C’est inconcevable. Moussa est toujours en vie, il sera le plus heureux de voir que ceux qui l’ont combattu se font face. C’est malheureux ». En les écoutant, ils affirment tous faire pour le Mali, pour le peuple. Mais ce qui intéresse le peuple, c’est de pouvoir se nourrir, se loger, en soi de pouvoir vivre. Les querelles politiques ne sont pas ce qui les intéresse. Mais, je le répète, j’ai confiance, en notre jeunesse notamment. Faites mieux que nous, construisez, je les exhorte. J’en suis persuadé, ce pays retombera sur ses jambes et non sur son cou.

Le 22 septembre 1960: comme si vous y étiez!

Le Mali s’apprêter à fêter les 58 ans de son indépendance. Le chiffre n’est pas symbolique, mais la date, quant à elle, ravive des souvenirs passionnés chez les « privilégiés » ayant vécu ce moment historique. Une page d’histoire majuscule pour notre pays, qui se libérait alors des chaînes du colonialisme. Pour ce nouvel anniversaire, nous vous faisons revivre ce jour crucial à travers le prisme d’acteurs aux profils différents mais avec une aspiration commune il y a 58 ans, l’indépendance.

Ce jeudi 22 septembre 1960, Mahamadou Touré se réveille en Soudanais, pour finir sa journée en Malien. D’une voix nasillarde, les mains tremblotantes mais la mémoire toujours vive, l’octogénaire se souvient de ce « jour mémorable ». « Je travaillais pour Radio Mali à l’époque, j’y suis entré en 1956, j’en étais un des premiers salariés », raconte-t-il. Un travail qui lui avait permis de couvrir le retour au pays de Modibo Keita et de plusieurs autres dirigeants soudanais suite à l’éclatement de la Fédération du Mali, en août 1960. « À chaque arrêt, les gares étaient pleines de personnes venues les acclamer. Je n’avais jamais vu ça. Et le Président Modibo faisait à chaque fois un petit discours. On aurait cru que c’était préparé, mais tout était réellement improvisé », assure-t-il. Mais le jour historique du 22, il n’était pas avec Modibo et les leaders de l’US-RDA. Pris par son travail (il se trouvait dans les locaux de Radio Mali, alors situés en face de la Grande mosquée de Bamako), il n’a pu assister au congrès qui entérinera l’indépendance du Mali. Il affirme néanmoins l’avoir fêtée comme il se doit, sans baigner dans la profusion. « Mes patrons étaient des Français. Suite à la déclaration, ils ont été très respectueux. Pour le leur rendre, j’ai gardé une certaine réserve ». En replongeant dans ses souvenirs, il avoue avoir « beaucoup bu et un peu travaillé ».  Non sans quelques regrets de n’avoir pas fait le court déplacement jusqu’au congrès.

Indépendance « Day »  

C’est le Collège technique (Lycée technique aujourd’hui), qui a servi d’écrin au congrès extraordinaire de l’US-RDA. Dans le livre « Anw ka Maliba kera an ta ye » (Notre grand Mali nous appartient), paru en 2010 à l’occasion du Cinquantenaire de l’accession à l’indépendance, Gabou Diawara, Secrétaire général de la jeunesse du parti de la charrue, partageait ses souvenirs. Il confie avoir été animé « d’un sentiment de fierté et d’orgueil ». « Je pense que tout le monde partageait ces sentiments » ajoute-t-il. La suite est contée dans l’ouvrage. Une ovation est réservée à Modibo Keita à son entrée en salle. Vêtu d’un costume clair, Il prend place au présidium. Idrissa Traoré, Secrétaire politique de l’US-RDA, ouvre le bal des interventions. « Le Mali continuera quoiqu’il arrive et nous prouverons que les Maliens du XXème siècle sont les dignes héritiers de ce qui surent, dans le passé, exposer au monde leur culture, leur civilisation, leur sens de l’organisation », martèle-t-il.  A sa suite, Modibo Keita prend la parole. Après s’être épanché sur les raisons de l’échec de la Fédération du Mali, il invite le congrès à « autoriser l’Assemblée législative à appréhender les compétences transférées par la République Soudanaise à la Fédération du Mali, à proclamer comme État indépendant et souverain la République Soudanaise, à proclamer que la République Soudanaise s’appelle République du Mali, libre de tous engagements et liens politiques vis à vis de la France… ». Il ajoute : « la République du Mali est née. Le Mali continue. Le mot Mali continuera à résonner comme un gong sur la conscience de tous ceux qui ont œuvré à l’éclatement de la Fédération du Mali ou qui s’en sont réjouis…». A l’issue du congrès, passé à la postérité, les leaders du parti, accompagnés par la population, effectuent à pieds de nuit le trajet vers l’Assemblée législative, où l’indépendance est officiellement proclamée.

Le Mali pluriel

Les téléviseurs étant quasi-inexistants à l’époque, Radio Mali était presque le seul médium pour s’informer. Depuis la fenêtre de son bureau, au premier étage du ministère de l’Éducation Nationale, Mohamedou Dicko voit la foule se masser au pied du monument de la Liberté, lieu de rassemblement, dit-il. Une foule qu’il décrit comme le « Mali dans toute sa diversité et sa richesse ». « Il y avait des gens du Nord et de divers horizons qui sont venus ce jour fêter. Nous ne voyions aucune différence,  c’était l’unité absolue de tous les Maliens, un seul Mali était célébré, celui que nous chérissions ». Porté par la fougue de la jeunesse (il avait 21 ans), il s’est senti capable de « déplacer des montagnes ». Militant US-RDA dès son plus jeune âge, « mon militantisme a débuté vers mes 10 ans », il ne pouvait peindre le Mali autrement qu’indépendant. « Nous venions d’être libérés du joug colonial. Le peuple malien est fier et digne. De par le passé, il avait opposé une résistance farouche à la pénétration coloniale, et quoi de mieux que les fils de ce pays pour mener ce combat à terme », disserte-t-il. Dicko connait bien cette période. Historien, il a fait une thèse sur le parti de Modibo Keita. Il en garde le souvenir d’un homme humble et charismatique. « Il était celui qui pouvait rassembler. C’est pour cela que les Maliens, partout dans le pays, ont accueilli ce jour d’indépendance avec autant d’entrain et d’enthousiasme ».

Le Mali au-dessus de tout

L’euphorie n’a cessé de croître après la déclaration du Collège technique. La veille déjà, le 21 septembre, la retraite aux flambeaux avait mobilisé du beau monde. Avec un itinéraire allant de N’Tominkorobougou à la place de la République, la ville de Bamako est le temps d’une nuit devenue la ville ne dormant pas. « Nous avions la fanfare en tête, qui faisait marcher les gens au pas. Cette ambiance indescriptible préfigurait déjà de très belles fêtes à venir », raconte Birama Diakité, ancien du Parti africain pour l’indépendance (PAI). Ce dernier a, selon les mots de Diakité, eu « des différends » avec l’US-RDA. Le jour de la déclaration d’indépendance, il était chez Amadou Seydou Traoré, l’un des leaders du PAI. « Nous avions un arrière-goût un peu amer pour n’avoir pas participé, mais nous étions quand même fiers, car l’indépendance c’est tout ce à quoi nous aspirions », révèle-t-il. Plus tard ce jour-là, il garde en tête l’image d’un « gobi » (nom qu’ils donnaient aux soldats français) saccageant un parterre qui se trouve être l’actuel monument de l’indépendance, y tirer trois balles et lui lancer « nous reviendrons ». Ce à quoi il n’a pas répondu. « Modibo nous avait prévenus de ne pas céder à la provocation ». Cheick Sadibou Cissé, militant US-RDA, se rappelle également avoir assisté à des actes de sabotage de la part de gobis. Mais qu’importe, l’essentiel était ailleurs pour ce très proche de la famille de Modibo Keita (ils vivaient dans le même quartier). « Quand toute votre vie on vous apprend que vos ancêtres sont des Gaulois, que vous connaissez mieux l’histoire de la France que celle de votre pays, que vous chantez la Marseillaise, que tous les postes intéressants sont occupés par des Français, vous ne pouvez être que très heureux et très ému quand vous voyez votre pays indépendant ». Ce jour, comme le confie Mahamadou Touré, le drapeau malien a été monté devant l’Assemblée.  Ce n’était pas encore celui que nous connaissons aujourd’hui, car il portait un idéogramme en son milieu, mais le Tricolore vert – or – rouge était déjà une grande « victoire ».

Panafricanisme au Mali : Où en est-on aujourd’hui ?

L’Afrique est un continent d’histoire et de luttes acharnées pour la liberté, l’égalité et l’indépendance. De la nécessité de faire converger les efforts pour le salut commun, un concept est né : le panafricanisme. Que reste-il au Mali aujourd’hui de ce qui a été mûri avant même les pères des indépendances ?

« Nous devons maintenant nous unir où périr », disait Kwame Nkrumah en 1963 à Addis-Abeba, à l’occasion de la fondation de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Cette citation, comme une prophétie, est plus que jamais une urgente interpellation. Promouvoir l’unité et la solidarité africaine, avec une vision sociale, économique, culturelle et politique d’émancipation des peuples, est le socle du panafricanisme. « Le mouvement est né d’une certaine atmosphère et il a été porté par un enthousiasme populaire et la forte volonté politique de certains leaders. Mais 55 ans après la création de l’OUA, il n’y a pas eu  de projets forts alimentés par l’élan donné en 63 », explique avec mélancolie Gaoussou Drabo, ancien ministre de la Communication et des nouvelles technologies et membre de la Haute autorité de la communication (HAC).

Pourtant, les icônes des indépendances comme Kwame Nkrumah du Ghana,  Modibo Keita du Mali, Sékou Touré de la Guinée pensaient avoir balisé le terrain pour la jeunesse africaine. Le Mali dans sa Constitution a toujours affirmé « son attachement à la réalisation de  l’Unité africaine », mais ce sont plutôt le spleen et l’idéalisme qui ont pris le pas sur l’action. De la flamme d’hier, Gaoussou Drabo « ne vois pas ce qui reste » aujourd’hui. « Il y a de l’héritage dans les idées, mais pas dans la réalité. Or quand les idées ne s’appuient pas sur des réalisations visibles et symboliques, cela pose problème », analyse-t-il, suggérant de commencer par un partage des objectifs économiques, comme ce fut le cas pour l’Union Européenne avec la Communauté européenne du charbon et de  l’acier (CECA). « Si on obtient le libre échange sur le continent africain et  que les économistes le développent selon les principes de la complémentarité, cela sera formidable », affirme Gaoussou Drabo, saluant l’exemple de la CEDEAO.

L’arrivée à la tête de l’Union africaine du Président rwandais est vue par certains comme le début d’une nouvelle gouvernance et des réformes nécessaires au bien-être du continent. « Ce que le Président Paul Kagamé est en train d’élaborer devrait permettre à l’UA de se prendre financièrement en charge au plan administratif », espère l’ancien ministre.

La relève ?

Malgré les désillusions, des voix très intransigeantes, comme celles de Kémi Sèba, Président de l’ONG Urgences panafricanistes et de nombreux jeunes maliens, chérissent « la seule voie qui sortira l’Afrique de l’ornière », selon Mahalmoudou Wadidié, membre du Mouvement fédéraliste panafricain (MFP). Celui-ci organise du 24 au 26 mai à Bamako la 2ème  conférence du Comité d’initiative régionale (CIR)  – Afrique de l’Ouest, sur le thème : « États africains unis dans moins d’une génération : Quelles actions de la jeunesse malienne ? », qui participe à la célébration de la Journée de l’Afrique, le 25 mai. « Nous pensons que cela sera l’occasion de faire parler la jeunesse pour qu’elle prenne conscience de son devoir de relève et formule des propositions pour le plan d’action », explique Mahalmoudou Wadidié. Sa vision est basée sur « une Afrique nouvelle, unifiée, pacifique, libre, démocratique et prospère, occupant sa juste place au sein de la communauté des peuples et du concert des Nations », les États Africains Unis (EAU), avec une gestion de la base vers le sommet. Il s’agira pour le mouvement d’organiser dans chaque pays africain un referendum invitant les citoyens à voter pour ou contre l’adhésion à la Fédération de leur État. « En décembre 2018 est prévue au Ghana une rencontre pour l’harmonisation des textes et une vision commune de la démarche, et, en octobre 2019, un grand congrès doit définir l’organisation du referendum », informe le natif de Tombouctou. Car il estime que l’Union africaine, financée encore par des fonds occidentaux est « sous contrôle et limitée. On peut s’inspirer de ce qu’ils ont fait. Il faut prendre l’avis des peuples pour le salut de l’Afrique, qui n’existera que dans l’union », philosophe Mahamadou Wadidié.

Le pari d’une Afrique unie, indépendante et respectée est à gagner. Le Mali, sous assistance internationale, devrait être plus que jamais conscient de la nécessité du panafricanisme, seule voie pour que les peuples africains aient réellement la maitrise de leur destin.

Le Mali et la Tunisie étoffent leur coopération

Le Premier ministre tunisien est depuis ce jeudi 6 avril à Bamako où il va prendre part au forum économique Mali-Tunisie et signer des accords bilatéraux entre les deux pays.

Bamako est la dernière étape de la visite entamée le 3 avril par le Premier ministre tunisien Youssef Chahed qui s’est notamment rendu au Niger et au Burkina Faso.

Avec son homologue malien, Modibo Keita, il a présidé ce matin l’ouverture du forum des hommes d’affaires maliens et tunisiens. Cette rencontre placée sous le thème du partenariat gagnant-gagnant se tient actuellement à l’Hôtel Amitié de Bamako. Les deux pays veulent à travers cette visite développer leurs échanges commerciaux et insuffler un nouvel élan à leur coopération bilatérale. « Nous voulons re-dynamiser nos relations notamment dans la lutte contre le terrorisme, car les défis sont communs et la lutte contre le terrorisme doit être une priorité absolue pour nos deux pays », a déclaré le chef du gouvernement tunisien.

La Tunisie a été la cible d’un attentat en juin 2015 qui avait fait 39 morts, alors que le Mali est constamment victime d’attaques. Youssef Chahed a affirmé que son pays dispose d’une expertise avérée dans la lutte contre le terrorisme et il a aussi plaidé pour une réponse concertée afin de « vaincre ce fléau ». Outre l’aspect sécuritaire, des accords sur le plan de la santé et de la formation professionnelle devraient également être noués. Cela fait presque un mois que le corps médical observe une grève illimitée au Mali. Plusieurs maliens se soignent d’ailleurs en Tunisie, qui dispose de professionnels de la santé et d’un plateau technique de qualité. Le Mali serait également le pays avec la plus forte colonie d’étudiants étrangers en Tunisie. Ils seraient plus d’un millier, selon le président des étudiants et stagiaires du Mali, en Tunisie. Une forte affluence qui a amené la plus grande université privée de Tunis, l’université Montplaisir, à ouvrir une filiale à Bamako l’année dernière. La visite de l’établissement sera d’ailleurs au programme du premier ministre tunisien.

Conventions signées

Deux conventions ont déjà été signées lors de cette journée. La Banque nationale de développement agricole (BNDA) a signé avec le Banque internationale de Tunisie (BIAT) un accord qui porte sur plusieurs axes : efficacité commerciale et marketing, audit, management du captal humain…

L’organisation patronale de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce, et de l’artisanat a aussi signé des accords avec la Chambre de commerce et d’industrie du Mali. Youssef Chahed s’entretiendra avec le président de l’Assemblée Nationale, Issiaka Sidibé et le président de la République Ibrahim Boubacar Keita aujourd’hui.

 

Prochain gouvernement : le PARENA va-t-il embarquer ?

Qu’un nouveau gouvernement advienne dans les prochains jours est désormais admis. La grande question reste sa composition. Les challengers pour sa direction sont connus et les supputations vont bon train pour les postes majeurs. Un nom revient de plus en plus, celui de Tiébilé Dramé…

La rumeur persistante de la démission du Premier ministre Modibo Keïta qui s’est emparée de la ville de Bamako en fin de semaine dernière, s’est dégonflée. Mais la question de l’entrée du Parti pour la renaissance africaine (PARENA), dont les têtes d’affiche sont quasiment en rupture avec le pouvoir, demeure posée. Que penser de l’éventualité que ceux-ci entrent dans le gouvernement ? D’aucuns estiment que ce ne serait ni conséquent, ni politiquement envisageable. Cela signifierait en effet pour le PARENA, l’abandon total de sa stature d’opposant et les leaders pourraient avoir beaucoup de mal à faire admettre ce revirement aux militants. Et pourtant, après trois années de rupture, le Rassemblement pour le Mali (RPM) et le PARENA semblent inscrire leurs relations dans une dynamique de normalisation. Pour preuve, la rencontre de haut niveau entre les deux formations le mardi 31 janvier dernier, au siège du PARENA. Dans un communiqué conjoint signé par les présidents respectifs, les deux partis se sont engagés à mener des réflexions sur des sujets d’intérêt national.

Si le secrétaire général du PARENA, Djiguiba Keïta dit PPR, admet ce rapprochement, il exclut en revanche toute possibilité pour son parti d’entrer dans le prochain gouvernement. « Les concertations nationales d’abord, après nous allons voir le reste. Nous avons simplement eu une rencontre avec le RPM. Nous ne pouvons pas être appelés dans le gouvernement de cette manière. Cette éventualité n’est même pas à l’ordre du jour au sein du parti », assure-t-il. Pourtant, la question ne semble pas tranchée, et certains analystes politiques estiment qu’il ne faut jurer de rien, le microcosme politique malien étant le lieu de bien des revirements.

Chasse gardée La majorité va-t-elle accepter de partager ? Voilà une autre question que pose la large victoire de la Coalition de la majorité présidentielle (CMP), et particulièrement le RPM, lors des dernières élections locales en novembre 2016. « Par le résultat sans appel de la CMP aux communales, le chef de l’État peut donc confier l’exécution de son programme à la future équipe gouvernementale sans se soucier de nouer des alliances éphémères avec d’autres formations politiques », analyse le Dr Harouna Diallo de l’Université de sciences politiques et juridiques de Bamako (USJPB).

 

 

 

Quatrième sommet arabo-africain : le plaidoyer du premier Ministre Keita

Dégager les voies et moyens afin de proposer des solutions concrètes pour redynamiser le partenariat afro-arabe qui peine à prendre son envol, tels étaient les objectifs visés de ce quatrième sommet Afrique-pays arabes, qui se tient dans la capitale équato-guinéenne.

Près de quarante ans après le premier sommet tenu en mars 1977 au Caire, les chefs d’Etat et de gouvernement entendent adopter des engagements ambitieux et réalisables. Les présidents tchadiens, Idriss Déby, Mohame Ould Abdel Aziz, respectivement président en exercice l’Union africaine (UA) et président de la ligue arabe, ont coprésidés le mercredi 23 novembre, la cérémonie d’ouverture des travaux en présence de la présidente de la commission de l’UA, le Dr Nkosazana Dlamini-Zuma, et du secrétaire général de la Ligue arabe, Cheick Sabah al-Ahmed. Y ont participé plusieurs, Émirs, chefs d’État et de gouvernement. Le président Ibrahim Boubacar Keita y était représenté par son Premier ministre Modibo Keita. Le chef du gouvernement, lors des travaux a plaidé en faveur de la relance d’un partenariat afro-arabe par l’adoption de résolutions réalistes. Il a entre autres appelé à la synergie d’actions sur la migration, avant de réaffirmer le soutien de notre pays à la cause palestinienne.

Un appel qui n’est pas tombé dans l’oreille des sourds, puisque les Émirs, chefs d’État et de gouvernement présents se sont engagés à soutenir les efforts de résilience et de développement déployés par le Mali. Référence faite aux dynamiques de paix enclenchées par les plus hautes autorités de la République dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger. Modibo Keita a, par la suite, renouvelé l’invitation du chef de l’Etat Ibrahim Boubacar Keita à ses pairs pour leur participation au sommet Afrique-France qui se tiendra en janvier 2017 à Bamako.

Placé sous le thème « ensemble pour le développement durable », ce quatrième sommet se tient pour la première fois, dans un pays non arabe. Conscients du fait que les décisions issues des trois premières rencontres dorment dans les tiroirs, les chefs d’Etat et de gouvernement présents à Malabo entendent donner un coup d’accélérateur à la morose coopération entre l’Afrique et le monde arabe. Pour ce faire, ils ont examiné le rapport de la présidente de la commission de l’UA et du secrétaire général de la ligue arabe sur la mise en œuvre des résolutions du 3ème sommet tenu à Koweït-City en 2013. Ils ont aussi adopté la déclaration de Malabo sur la situation en Palestine.

Un incident diplomatique, a cependant perturbé la sérénité de ce quatrième sommet. Le Maroc et 8 autres pays arabes ont boycotté les travaux pour protester contre la présence d’une délégation sahraouie. Le royaume chérifien qui bénéficie de liens solides avec les pays du Golfe, a pu mobiliser derrière lui l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Qatar, le Sultanat d’Oman, la Jordanie, le Yémen et la Somalie, qui ont tous annoncé leur boycott. Les diplomates marocains considèrent que seuls les pays membres de l’ONU ont le droit de siéger à ce sommet, or la République arabe sahraouie démocratique n’en fait pas partie.

Mali : Quelle indépendance pour le Mali de 2016? 

22 septembre 1960. Il y a 56 ans, le Mali accédait à la souveraineté internationale, reprenant ainsi la main sur le colonisateur, la France, qui occupait une position prédominante dans le pays depuis près de 80 ans. Les jeunes autorités maliennes se sont retrouvées face à la gestion d’un pays immense, à la pauvreté, à la nécessité de scolariser des centaines de milliers d’enfants, et à la sauvegarde de la paix. Chaque 22 septembre, les Maliens célèbrent l’anniversaire de l’indépendance. Au moment où l’économie malienne, pourvoyeuse de matières premières, est sous la dépendance économique des institutions occidentales et que la sécurité est assurée en grande partie par les forces internationales, que reste-t-il des idéaux de 1960, chers à Modibo Keïta, qui prônait la souveraineté politique et l’autonomie financière ?

« Un pays indépendant c’est un pays qui décide de son sort, qui décide de ses relations avec les autres, que ce soit les grands, les moins grands ou les petits, qui assume son économie, sa défense, sa culture, qui croit en lui-même, qui sait que le destin est décidé par Dieu mais que c’est l’homme qui le façonne. Un pays indépendant est un pays qui à son sort en main », déclare Seydou Badian, militant de la première heure de l’US-RDA, le parti de Modibo Keïta, dont il fut le ministre.

Assis chez lui, ce vénérable Malien, qui scandait avec des milliers d’autres, en 1960 à la fin de la colonisation, « vive l’indépendance » et a qui l’on doit l’hymne national du Mali, ajoute d’un ton las, qu’ « on ne peut être indépendant en tendant la main ». Au sortir de ces années 60, où l’on vibrait avec ferveur pour la libération du pays et du peuple, le réveil fut brutal et les désillusions nombreuses. La réalité de l’indépendance s’est heurtée à l’héritage laissé par le colonisateur, dont le Mali a gardé des traces tout au long de son histoire administrative, politique, éducative et culturelle, jusqu’à aujourd’hui, et qui ont servi de modèle à l’administration et à son mode de gouvernance. L’indépendance chèrement  acquise semble s’être dissoute, au fil des décennies, dans le socialisme de Modibo Keïta pris dans la guerre froide, le libéralisme, la violence de la dictature de Moussa Traoré, la démocratisation, les conflits avec des Touaregs au nord du pays, l’importation des modèles de développement, et la dépendance économique persistante. « Tout s’explique à travers une indépendance politique qui n’a jamais été traduite en indépendance économique depuis plus de 50 ans. Un progrès économique et social insignifiant, des formations académiques inadaptées, des services de santé mal structurés, une dégradation du niveau de vie, un système politique non conforme aux aspirations de la masse, sans oublier l’exploitation des ressources naturelles au profit de l’hexagone. Voilà un peu le bilan qui s’affiche du Mali, plus d’un demi siècle après une soi-disant indépendance », résume Mamadou Koné, conférencier et chercheur à l’Institut des Sciences politiques de l’université de Vienne.

Dépendance politico-économique  Au cours des 23 ans de dictature, le Mali a basculé dans les politiques de développement et d’industrialisation et s’est endetté. Pour faire face à l’endettement, Moussa Traoré puis les gouvernements successifs, ont passé des accords avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), et ont accepté de soumettre le pays aux fameuses politiques d’ajustement structurel (PAS), pour obtenir des crédits censés sortir le pays de la crise économique, conditionnés à des réformes qui imposaient d’énormes contraintes. En a résulté l’effondrement d’un tissu industriel plutôt dynamique, et une ouverture au libéralisme mal préparée.

Trois décennies plus tard, le Mali dépend des apports extérieurs, aussi bien pour les investissements que pour la consommation. « Quand on voit un peu les éléments qui constituent notre économie, on dépend beaucoup des importations, on n’a pas d’industrie pour transformer les produits. Quand je prends l’exploitation minière, 20% des bénéfices nous reviennent et 80% à ceux qui transforment, parce que nous n’avons pas la technologie. Nous dépendons de nos partenaires techniques et financiers, avec l’aide au développement et tout le reste. Le Mali ne maîtrise pas son économie, et est donc dépendant économiquement », explique Soibou Mariko, inspecteur au service économique à la direction générale du budget.

Cette dépendance du Mali à l’égard de l’aide publique au développement, qui représente plus de 45% du budget national et 80% des investissements publics, est devenue telle que le pays semble sous contrôle permanent des bailleurs de fonds (FMI, BM) et autres partenaires bilatéraux. Les acteurs nationaux sont amenés à définir les politiques nationales en fonction des conditions d’accès à ces aides extérieures, et beaucoup de décisions ne peuvent être prises sans leur consentement. « Ceux qui financent, décident. C’est d’autant plus vrai pour les institutions internationales élaborant et finançant des projets au Mali, que notre État reste un exécutant. La dette extérieure est devenue un fardeau, un moyen de chantage permettant de donner des directives à l’exécutif. La fragilité de notre indépendance politique réside dans sa faiblesse et sa dépendance économique à la France, aux institutions internationales et à l’Union européenne. Ce système est intelligemment conçu. Nos partenaires connaissent bien nos points faibles et en profitent sous forme de coopération ou d’aide militaire, pour appuyer une continuité et renforcer la dépendance, et nos responsables affichent une incapacité à nous en sortir », analyse Mamadou Koné.

Indépendance sécuritaire Économiquement dépendant de ses bailleurs internationaux, le Mali doit aujourd’hui composer avec les armées de ces mêmes pays pour assurer la sécurité de son territoire. Trois ans après l’intervention qui a chassé les mouvements djihadistes du nord et du centre du pays, une bonne partie de l’immense territoire échappe encore à l’État. La présence de ces forces et la sous-traitance de notre appareil sécuritaire et militaire est aussi un autre aspect de notre dépendance. « Aujourd’hui, le Mali ne peut pas mener une attaque contre des éventuels ennemis par manque de moyens logistiques », rappelle Ousmane Kornio, spécialiste des conflits communautaires. « Ceux qui sont en charge de notre protection ou de la formation de nos armées sont aussi, pour certains, ceux qui ont plongé le Mali dans la crise, avec la guerre libyenne, et qui n’ont pas assuré le service après-vente, en permettant à ces groupes de se déplacer jusqu’au Mali et de déstabiliser le pays. Je crois qu’aujourd’hui, dans le malheur il faut choisir le moindre mal, l’armée n’étant pas capable, il est bon d’avoir l’EUTM et Eucap Sahel pour les former. Dans le futur, peut-être, aurons-nous une armée reconstituée et bien formée, mais pour le moment on est obligé de dépendre des partenaires extérieurs pour, par la suite, être autonome », ajoute Ousmane Kornio.

Si un État indépendant se définit par un certain nombre de paramètres classiques, comme les langues dans les administrations, l’impact ou la place de sa propre culture au niveau national, la consommation interne de ses propres produits, la maîtrise de son économie, sa capacité d’assurer la sécurité de son peuple en cas de conflits, ces 56 années qui nous séparent de la déclaration d’indépendance, peuvent pousser à penser que le chemin vers le rêve des pères fondateurs sera encore long. Les plus sceptiques voient dans la forte implication des « partenaires » du Mali dans la gestion de ses affaires, une « mise sous tutelle », et ne voient pas comment, dans les conditions actuelles que certains estiment savamment entretenues, le Mali pourra prétendre à une réelle indépendance politique, économique, voire sociale et culturelle.

Primature : un fauteuil pour 3, voire 4

Les rumeurs sur un prochain changement à la Primature vont de nouveau bon train. Et pour succéder à Modibo Keïta, trois personnalités reviennent souvent sur la liste des « Premier-ministrables ». Néanmoins, il est possible que rien ne change…

De sources concordantes, trois poids lourds du landerneau politique seraient dans les starting blocks pour succéder à Modibo Keïta, nommé en janvier 2015, qui « voudrait rendre le tablier », selon ses proches. Le premier n’est autre que Soumeylou Boubeye Maïga, ancien ministre de la Défense, et président de l’ASMAA/CFP. Fin stratège politique, l’homme serait le choix de certains proches d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Discret, il maîtrise parfaitement le paysage politique malien et aurait ses entrées à Alger, un atout pour qui doit gérer la mise en œuvre de l’Accord de paix, qui semble avoir le hoquet… Son passage au ministère des Affaires étrangères, ainsi que son expérience à la tête de la sécurité d’État pourraient lui permettre de donner un vigoureux coup de pouce à ce processus. Il vient en outre d’être « blanchi » par la commission d’enquête parlementaire sur les événements de mai 2014 à Kidal, qui lui avaient valu son départ du gouvernement.

Le second n’est autre que le numéro 1 du Rassemblement pour le Mali (RPM), et non moins ancien ministre du Développement rural. Bocary Treta « revendiquerait » son droit naturel à occuper le fauteuil de Premier ministre, ne serait-ce qu’au regard de la configuration de l’Hémicycle de Bagadadji, dominé par son parti. Sa relation avec le Président IBK, que l’on dit parfois orageuse, et son départ du gouvernement sur fond de contestation de l’actuel PM, pourraient cependant handicaper une candidature que certains militants du RPM estiment cependant opportune, pour renforcer une majorité où les voix dissonantes se font de plus en plus entendre.

Enfin, celui que beaucoup donnent favori, n’est autre qu’Hamadoun Konaté, actuel ministre de la Solidarité, de l’Action humanitaire et de la Reconstruction du nord. Nouveau militant RPM en Commune III, il aurait, avec sa connaissance du terrain qu’il pratique depuis sa nomination, et bien avant, dans le cadre d’une ONG luxembourgeoise, les cartes pour l’apaisement au nord du Mali. Sa récente tournée dans le septentrion et surtout ses offices de médiateur dans différentes situations de tension, notamment communautaires, justifieraient son choix pour la Primature. Il est cependant gêné par ses liens familiaux avec le président, dont il est le beau frère.

Maintes fois annoncé et par deux fois réduit à un réaménagement de l’effectif, le remaniement viendrait, selon les observateurs, donner au Président IBK le sang neuf dont il a besoin pour relancer la machine de l’État au moment où les groupes armés font de la résistance, l’opposition est dans la rue, et le front social en ébullition. Cependant, l’homme dédaigne agir sous la pression, et pourrait aussi maintenir Modibo Keïta à son poste jusqu’à la fin 2016, pour ensuite entamer la dernière ligne droite de son mandat avec une « équipe de campagne ».