Sentiment anti-français: la grogne grandit

L’intervention française de janvier 2013 pour stopper les djihadistes avait été célébrée avec pompe par la majorité de la population malienne. Ce grand geste d’amitié, désormais inscrit dans l’histoire, s’estompe-t-il des mémoires ? On peut le croire, au vu de la multiplication de manifestations d’un certain sentiment anti-français.

L’accueil que la population de Tombouctou, tout comme celle de Bamako par la suite, avait réservé à François Hollande illustrait toute la  joie et la reconnaissance du peuple malien à l’égard de la France. Juste après avoir chassé les terroristes de toutes les capitales régionales du Nord avec l’armée malienne, la Force Serval entrera seule dans Kidal. Début de l’incompréhension. Quatre ans après, un sentiment antifrançais gagne certaines couches de la population, en particulier la jeunesse, qui ne se reconnait plus dans « l’ami » qu’elle estime ne plus servir les intérêts du Mali. Dénonciations et critiques virulentes sur les réseaux sociaux, sit-in devant l’ambassade, un sentiment de révolte émerge, qui fustige le « jeu trouble » de la France. Le mouvement « On a tout compris Waati Sera », qui en est l’emblème, dénonce « la partialité et l’ambiguïté des intentions de la France au Mali ». « Nous demandons à la France d’éclaircir son agenda et d’aider le Mali à reconquérir son intégrité et à lutter contre le terrorisme », dit Mohamed Maiga, membre de la commission communication du mouvement. « La France a piétiné notre gouvernement, c’est pour cela qu’on ne doit pas rester les bras croisés » poursuit M. Maiga, qui souhaite lever l’équivoque : « nous ne détestons pas  le peuple  français, mais  nous sommes contre la politique du gouvernement français (au Mali)». Le temps aura peut-être permis à ceux qui étaient opposés à l’intervention française au Mali d’estimer avoir raison.

Les chantres du mouvement « On a tout compris Waati sera », dont les manifestations régulières depuis trois mois accueillent de plus en plus de participants, s’ils reconnaissent toutefois que l’intervention française aura permis au Mali d’éviter le pire, n’en restent pas moins critiques.  « On pensait que la France était venue pour nous aider, mais les faits ont montré qu’elle était plutôt venue pour diviser le pays », déplore Kabili D. Dembélé, un autre membre du mouvement. Pour Oumar Maiga, Secrétaire aux relations extérieures du mouvement ultranationaliste Songhoy Ganda, la France a posé un acte politique très fort en empêchant les FAMAs d’entrer à Kidal et il estime qu’elle est la source de toutes les rebellions et de toutes les déstabilisations de gouvernements que le Mali a vécues.

« ON A TOUT COMPRIS–Waati –Sera » organise son 3ème sit-in devant l’ambassade de la France

 

Le mouvement « ON A TOUT COMPRIS – Waati – Sera » a organisé un sit-in devant l’ambassade de France au Mali, le 07 septembre 2017. L’objectif du rassemblement était de demander à la France de clarifier sa position dans la crise malienne.

Convaincu que la France peut jouer un rôle central dans la stabilisation du Mali, les jeunes du mouvement « ON A Tout COMPRIS-Waati Sera », souhaite que « l’armée malienne soit présente sur tout le territoire et que l’administration soit redéployée, déclare Adama Ben Diarra, porte-parole du mouvement qui ajoute que « face à la position ambigüe de la France », ils ont décidé d’agir. Troisième du genre, ce sit-in sera suivi d’une marche prévue ce 22 septembre 2017.

Selon Mohamed Diarra, malien de la diaspora participant au sit-in, « le Mali dispose d’énormes richesses » pour lui permettre d’assurer son développement. « C’est à la nouvelle génération de prendre conscience et de ne pas se laisser intimider afin d’assurer notre indépendance », ajoute Mr Diarra.

Une conviction partagée par Mohamed Maiga, membre du mouvement, ancien président de la jeunesse de Gao, « L’heure est venue de prendre conscience, après 57 ans d’indépendance, nous devons nous dire la vérité pour assurer la stabilité du Mali. ».

Après cette manifestation qui a mobilisé des dizaines de jeunes, « ON A TOUT COMPRIS-Waati -Sera » entend maintenir la dynamique en réunissant notamment d’autres mouvements autour de ses mots d’ordre.

 

 

Des centaines de manifestants contre la France

Des manifestants se sont regroupés hier devant l’ambassade de France pour dénoncer « la partialité » de la France et « la passivité » de la MINUSMA.

« Non au silence coupable de la France » ou encore « Nous avons enfin compris : la France et Barkhane, on en a marre » c’est sous ces slogans que des centaines de manifestants se sont massés jeudi 3 août devant l’ambassade de France pour dénoncer la « partialité » de la France dans le Nord-Mali. Une toute nouvelle association a été créée pour la circonstance. Le mouvement Waati Sera (le temps est venu) on a tout compris, uniquement composé de jeunes de la société civile. « Nous avons décidé de manifester après les évènements de Menaka, nous avons eu des informations très sûres, sur le terrain qui attestent que la CMA a pris la ville sous l’œil assistante de la MINUSMA et avec la complicité de la France » soutient Moussa Coulibaly, du mouvement Waati Sera. Malgré la faible affluence lors de la marche, les organisateurs se montrent satisfaits. « Nous l’avons organisé en 24 heures, sans parti politique, mais la manifestation a tout de même regroupé des maliens de tous bords qui ont répondu à l’appel pour le pays » affirme Coulibaly. Ils estiment également avoir été victime d’intimidations de la part des forces de l’ordre présentes, pour encadrer la manifestation. « Ils nous intimaient l’ordre de mettre fin à notre sit-in mais il n’y a pas eu de débordement » explique le chargé de communication du néo-mouvement, qui réclament plus d’action de la part de la mission onusienne également.

Pour les initiateurs, ce n’est que le début, de ce qu’ils espèrent être des manifestations qui regrouperont plus de monde pour un plus grand impact. « Il faut que les religieux, que les manifestants du Oui et du Non, qui ont beaucoup de monde, s’unissent pour plaider la cause de notre pays » conclut Coulibaly.