IBK à l’ONU : « La détérioration de la situation sécuritaire au Mali a eu un impact négatif sur la mise en œuvre de l’Accord».

 

Avancée de l’accord de paix, situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel, force du G5 Sahel, migration, le président de la République du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, a évoqué de nombreux sujets à la tribune de l’ONU, lors de la 72ème assemblée générale des Nations-Unies. Voici ce qu’il faut en retenir.

Durant les premières lignes de son discours, il a tenu a rappelé que depuis sa prise de fonction en 2013, il n’a cessé d’œuvrer en faveur de la paix au Mali. « Je n’ai cessé de m’investir pour porter rapidement la paix et la sécurité à mon peuple à un niveau acceptable, pour créer les conditions véritables d’une vie décente au bénéfice de toutes les populations maliennes et pour améliorer notre environnement de vie ».  Le président IBK a également exprimé sa satisfaction sur l’état d’avancement du processus de paix qu’il juge « satisfaisant ». « A la date d’aujourd’hui, les autorités intérimaires et les collèges transitoires, deux éléments clés de l’Accord, sont opérationnels dans les cinq régions du nord du Mali… je me réjouis particulièrement de la dynamique actuelle qui vise le retour définitif de l’administration à Kidal » soutient-il.

N’occultant pas les difficultés qui ralentissent la mise en œuvre de l’accord de paix, IBK a exprimé sa gratitude envers les Nations-Unies pour les résolutions portant sur le renouvellement du mandat de la MINUSMA et sur un régime de sanctions contre « ceux qui entravent la mise en œuvre de l’accord ».

Il a profité de la tribune qui lui était accordée, pour juger de l’état de la situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel jugé « préoccupante » et profité par la même de plaider pour un financement plus conséquent en faveur de la force du G5 Sahel. « Je voudrais appeler votre attention sur quelques défis qui jalonnent l’opérationnalisation et le maintien de la force. Au nombre de ces défis, figure en bonne place, la mobilisation du financement intégral de la force. C’est donc l’occasion pour moi d’inviter tous les pays amis et les organisations internationales partenaires à la conférence internationale de planification des contributions à la Force, prévue en décembre 2017 à Bruxelles ». Il a annoncé que les premières opérations de la force débuteront en octobre 2017.

Concernant le brûlant sujet de la migration, le président dit « pleinement appuyer le processus qui vise l’adoption en 2018, d’un pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées ». Il a toutefois tenu à saluer « la contribution substantielle de la diaspora malienne au développement économique, scientifique, culturel et social du Mali ». « Cette diaspora constitue à la fois notre fierté et notre richesse » appuie-t-il.

En premier publicitaire pour le Mali, IBK, a présenté avec fierté l’assainissement du cadre macro-économique du pays avant de lancer une invitation à « tous » pour venir faire le pari du Mali les 7 et 8 décembre prochain, à Bamako.

 

 

Sanctions de l’ONU au Mali : 3 questions à Yvan Guichaoua, maître de conférences et spécialiste du Sahel

Est-ce que le régime de sanctions de l’ONU peut être un instrument efficace ?

Pour l’instant aucune sanction n’est prise. Avec cette nouvelle résolution, les Nations Unies se dotent d’un nouvel outil juridique contre ceux qui entravent le processus de paix. Elles étendent leur arsenal punitif potentiel. Mais il reste beaucoup d’étapes avant qu’une sanction concrète puisse être envisagée : il faut que des experts soient nommés, qu’ils puissent rassembler des éléments de preuve, qu’ils soient écoutés par les décideurs et qu’enfin les éventuelles sanctions soient appliquées. Ce n’est pas pour demain, mais peut-être après-demain. La situation est tellement dégradée désormais au Mali que personne ne se satisfera des gestes symboliques, des froncements de sourcils et des formules aseptisées que la MINUSMA emploie dans chacun de ses communiqués. Et puis pourquoi se doter d’un tel outil, aux dispositions si explicites, par exemple en matière de lutte contre les trafics, pour ne pas y recourir in fine ?

Seront-elles être suffisantes, selon vous, pour contraindre chaque partie à avancer dans l’application de l’accord de paix ?

Ce nouvel outil vise en priorité les signataires de l’accord de paix ; il ne concerne donc qu’une partie du problème de la violence au Mali. La communauté internationale n’a toujours pas trouvé d’instrument non coercitif pour régler la question des mouvements djihadistes. Pour ce qui est des signataires, l’étau se resserre autour d’acteurs connus pour jouer sur plusieurs tableaux et que l’on sait capables de déstabiliser la situation selon leurs intérêts du moment. Ces gens se savent dans le viseur de la communauté internationale et la perspective d’être punis va peut-être les inciter à se montrer plus accommodants. En même temps, les ancrages politiques et dans l’économie parfaitement licite de ces groupes d’intérêts, les rendent difficiles à déboulonner sans effets collatéraux imprévisibles. Mais après tout, les FARC en Colombie  sont la preuve qu’un mouvement qui s’est criminalisé peut être décriminalisé.

Autrement, comment empêcher les parties de faire obstruction à la paix ?

On peut utiliser le bâton, comme c’est le cas avec ce nouvel outil, ou la carotte, comme ce fut le cas à Alger. On peut aussi multiplier les échelles d’interventions : traiter le clivage Nord-Sud comme à Alger ou les rivalités intercommunautaires comme à Anéfis en 2015. En travaillant sur ces deux axes, de proche en proche, par exemple en développant des démarches plus inclusives, on peut imaginer parvenir à des équilibres sécuritaires temporaires. Mais la reconstruction de la légitimité politique prend nécessairement du temps et elle ne peut guère être pilotée de l’extérieur. Le processus est d’autant plus fragile qu’il se produit sous l’œil plus qu’attentif des mouvements djihadistes. Il est parfaitement vain de faire comme si on avait des disputes à résoudre entre gens raisonnables d’un côté et un ennemi uniforme irrémédiablement perdu pour le dialogue de l’autre. Les mobilisations violentes des uns et des autres sont interdépendantes et pourtant les réponses de la communauté internationale sont totalement compartimentées. On pourrait aussi se demander comment éviter que d’autres parties n’émergent. On voit que d’autres foyers de violence potentielle s’ouvrent : entre communautés peules et dogons, ou parmi les jeunes de Gao récemment. Il y a un impératif de court terme de protection impartiale des populations sans laquelle rien n’est possible à plus long terme.

 

Nations Unies : Les sanctions sont-elles efficaces ?

Les sanctions ciblées sont de plus en plus souvent utilisées par l’ONU quand la diplomatie n’a pas donné les résultats escomptés. Elles sont censées permettre d’éviter des atteintes à la paix et à la sécurité internationale, mais, après plus de vingt ans d’expérience, peut-on vraiment dire qu’elles sont efficaces ?

Le couperet est tombé pour la Corée du Nord. Une résolution proposée par les États-Unis et soutenue par la Russie et la Chine a été adoptée par le Conseil de sécurité, lundi 11 septembre, pour punir l’essai nucléaire de Pyongyang du 3 septembre dernier. Cette nouvelle résolution, qui ampute le régime communiste d’une importante manne financière, vient s’ajouter à sept précédentes qui n’ont pas fait fléchir le leader nord coréen qui compte continuer son programme nucléaire et ses essais de tirs balistiques.

Un succès mitigé Les sanctions, embargo sur les armes, gel des avoirs, interdictions de voyager, interdictions visant les produits de base ou restrictions financières, bien qu’ayant fonctionné dans quelques pays comme la Libye ou l’Afrique du Sud, ne parviennent généralement pas à atteindre leurs objectifs. Une étude faisant autorité sur la question, parue en 2006, a montré qu’elles sont efficaces au mieux 30 % des fois et qu’elles ont rarement, ou peu, changé les choses. En Iran, elles n’ont pas dissuadé la République de poursuivre son programme d’armement nucléaire, et en Russie elles furent incapables de contraindre le Président Vladimir Poutine à changer de politique concernant l’Ukraine. Les sanctions ont même eu pour effet de renforcer sa popularité dans l’opinion publique russe. « Le régime des sanctions a une efficacité variable. Mises en place contre Al-Qaeda et les Talibans,  en 1999 et étendu à l’État Islamique (EI), elles ont eu des effets considérables sur les ONG prosélytes ou le système bancaire, longtemps peut regardant. Les conséquences opérationnelles directes ont été, en revanche, assez faibles. La démarche, cependant, reste essentiellement politique et personne n’a envie de figurer sur une liste de cette nature. Les terroristes s’en moquent, mais ceux qui leur sont liés tout en espérant avoir une carrière politique y sont très sensibles », explique Yves Trotignon, analyste, spécialiste du terrorisme. Malgré la nature des sanctions, qui a évolué pour passer de mesures globales imposées aux États à des actions ciblant des individus, des petits groupes ou des entités, nombre d’experts affirment que leur impact reste limité. « Les sanctions ne peuvent être un objectif en soi », explique Laurent Bigot, ancien diplomate français et consultant, qui pense qu’elles doivent être combinées avec d’autres leviers pour être efficace. « Elles accompagnent une stratégie générale et permettent de faire pression. Mais elles peuvent avoir aussi un effet pervers et tendre la situation », conclut-il.

 

Violences sexuelles liées au conflit : 600 cas recensés au Mali

Les auteurs de ces actes sont essentiellement des groupes armés et des djihadistes (AQMI, MUJAO, Ansardine), surtout pendant l’occupation des régions du nord. Mais également des forces de la MINUSMA ou quatre cas de viols ont été confirmés, entrainant le rapatriement des auteurs dans leurs pays d’origine.

Le 19 juin marquera la première édition de la journée mondiale des Nations Unies pour l’élimination des violences sexuelles en période de conflit. Invitée à la conférence de presse hebdomadaire de la MINUSMA, la conseillère principale pour la protection des femmes, Mme Bernadette SENE, a profité de l’occasion pour faire le point sur la question des violences sexuelles liées au conflit. « La violence couvre les actes allant du harcèlement verbal à la pénétration forcée, ainsi que des formes de contrainte très variées allant de la pression et de l’intimidation sociale jusqu’à la force physique », a-t-elle expliqué.

Le conflit armé qui a touché le Mali dans sa partie septentrional en 2012 a amené une crise politique, institutionnelle et sécuritaire, qui a profondément déstabilisé le pays. Cette situation a engendré une crise humanitaire et affaibli les capacités de réponse de l’État dans lesdites régions. Comme le démontrent plusieurs rapports depuis l’occupation du Nord, des femmes et des filles ont été victimes de plusieurs formes de violences sexuelles, comprenant le viol, parfois collectif, l’esclavage sexuel et le mariage forcé. Sur le nombre total de viols signalés en 2013, 25% ont été perpétrés sur des mineurs et, pour plus d’un tiers, par plusieurs individus. Pour plusieurs raisons, les violences sexuelles demeurent un sujet tabou dans notre pays.

En effet, la stigmatisation, le rejet des victimes par la société et même par leur propre communauté et famille ainsi que l’absence de lois spécifiques sur les violences basées sur le genre contribuent à l’impunité des auteurs. Pour circonscrire cet état de fait, le 8 juin dernier, le bureau de la conseillère principale pour la protection des femmes a participé à la réunion mensuelle de l’association Accès à la Justice et Etat de droit (AJED) présidée par la division des droits de l’homme de la MINUSMA. Cette réunion a été l’occasion de faire l’état d’avancement des dossiers des 80 victimes de violences sexuelles déposées dans la commune III du District depuis novembre 2014. À la date d’aujourd’hui, 37 victimes ont été entendues. La MINUSMA, à travers son mandat donné par le conseil de sécurité de l’ONU dans les résolutions 2100 et 2227, s’engage dans lutte contre les violences sexuelles liées au conflit.

Il a été constaté que beaucoup d’auteurs qui avaient été arrêtés pour violences sexuelles ont été libérés dans le cadre de négociation pour obtenir l’Accord de paix. Ce qui accentue, selon elle, la peur des victimes. « Dans cette lutte contre l’impunité, le gouvernement malien se doit de jouer un rôle régalien, en veillant à ce que les questions liées aux violences sexuelles soient incluses et fasse l’objet d’un suivi dans la mise en œuvre de l’accord de paix » a-t-elle indiqué.

Minusma : mission impossible ?

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est présente sur le sol malien depuis juillet 2013. Fin juin, son mandat sera réexaminé par le Conseil de Sécurité des Nations unies. Alors que le Mali continue de réclamer une évolution pour mieux lutter contre l’insécurité, dont sont victimes les casques bleus et les populations, les signaux ne semblent pas aller dans ce sens. Les propos des membres du Conseil de sécurité en mars dernier puis les récentes déclarations du Secrétaire général adjoint des Nations unies aux opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, indiquent que le mandat de la mission est déjà assez robuste pour faire face à la situation au Mali. Des ajustements sont cependant annoncés dans le « modus operandi » avec l’arrivée de nouveaux matériels militaires, mais aussi d’un contingent allemand qui doit renforcer l’effectif déjà déployé. Trois ans après, alors que la mise en œuvre de l’accord de paix avance poussivement, la MINUSMA se pose en acteur clé, tant sur le plan social, politique que militaire…

Une chose est déjà certaine : le mandat de la MINUSMA sera renouvelé au mois de juin prochain. Créée en 2013 pour aider à la stabilisation du Mali qui luttait encore contre des groupes armés dans son septentrion et concluait son processus de retour à la norme constitutionnelle, la mission onusienne a, au fil des années, imprimé son empreinte sur tout le territoire national. Difficile d’échapper aux véhicules estampillés UN (1, comme le lisent la plupart des Maliens) qui sillonnent les routes, tant à l’intérieur du pays que dans la capitale, Bamako. En trois années, elle a d’abord cristallisé les espoirs, puis les frustrations avant de s’engager dans un travail d’information pour mieux faire comprendre son rôle, même s’il reste encore méconnu de la plupart des Maliens.

Sur le plan social, on peut dire que le bilan est plus que positif. Plus de 2,5 milliards de francs CFA ont été investis dans des projets à impact rapide qui ont sensiblement amélioré la vie des populations bénéficiaires. L’éducation, la santé, mais aussi les infrastructures sont au nombre des actions prioritaires de la mission qui fait aussi de l’humanitaire, directement ou à travers l’appui à d’autres organisations. Le déploiement du personnel civil et militaire contribue de manière appréciable à l’économie du pays, même si les critères de choix des prestataires handicapent nombre d’opérateurs économiques peu aguerris au fonctionnement onusien. Le marché de l’immobilier mais aussi de la restauration se porte bien et ses acteurs reconnaissent volontiers le devoir « un peu à la demande des gens de la MINUSMA ». Avec comme corolaire une hausse des prix de certains produits.

Sur le plan sécuritaire, l’année qui s’achève pour la MINUSMA a été tout aussi difficile que les précédentes, avec de nombreuses pertes en vies humaines dans ses rangs. Les attaques contre les camps et surtout les convois provoquent à chaque fois un vif émoi et relancent le débat sur le renforcement du mandat de la mission. « Tout cela va être discuté évidemment, mais je crois que nous avons en face une menace terroriste qui ne se dément pas et qui, au contraire, s’est accélérée, s’est accentuée […] Il faut de ce point de vue, et nous y travaillons activement, tout faire pour que les moyens soient mis à la disposition de la MINUSMA. Des moyens humains, et nous avons de nouvelles unités qui sont sur le point de se déployer, nous avons de nouveaux équipements, y compris les nouvelles technologies de pointe », déclarait Hervé Ladsous lors de sa visite au Mali début mai. Dans ce sens, l’Allemagne devrait envoyer un contingent de 600 à 650 hommes qui renforceront activement la mission. À cela s’ajoute la mise en place d’un dispositif pour mieux sécuriser les hommes et femmes qui composent la force militaire et la police de la MINUSMA. Comme confirmé par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, lors d’un entretien sur Radio Mikado FM, Mahamat Saleh Annadif, un bataillon de logistique de convoyage, sera opérationnel d’ici le mois de juillet. « Pour nous, ce sera un grand changement dans l’accomplissement de notre mission ». En plus de permettre de mieux sécuriser nos forces (les plus touchées des 16 actuellement déployées dans le monde), le nouveau dispositif libérera des effectifs qui pourront être redéployés à la sécurisation des populations à travers les patrouilles militaires et de police. En outre, la porte-parole de la mission, Radhia Achouri insiste sur le fait que « la protection des civils n’est pas seulement militaire. La MINUSMA a usé et continue d’user de ses bons offices pour empêcher des conflits communautaires, de déployer des missions des droits de l’Homme et des affaires civiles pour des fins de protection préventive ou intervention post-conflit/incident, et même de mobiliser et d’assister des missions humanitaires pour venir en aide aux communautés affectées ».

En attendant le renouvellement, le travail de communication continue par tous les canaux, et depuis quelques mois à travers la Radio Mikado, dont l’une des missions est d’expliquer le mandat de la MINUSMA, afin que les Maliens appréhendent mieux ce que font les hommes et femmes de l’ONU au Mali depuis 2013 et apparemment encore pour longtemps.