Mali : l’ONU déçue de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies au Mali a animé ce jeudi à la maison de la presse une conférence. Le chef de la MINUSMA a présenté les innovations apportées au nouveau Mandat de la mission, mais aussi fait part de la frustration de la communauté internationale dans la mise en œuvre de l’Accord.


« Cette résolution 2423 ne fixe pas uniquement le mandat de la MINUSMA, elle adresse également un certain nombre des messages forts du Conseil de sécurité aussi bien aux Maliennes et Maliens, mais surtout aux trois parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation », a déclaré dans son introduction, le chef de la mission Mahamat Saleh Annadif.

Ladite résolution qui renouvelle le mandat jusqu’à a juin 2019, fixe en même temps, les orientations et agissements de la MINUSMA dans les domaines qui lui sont confiés. Elle intervient suite à la récente visite du secrétaire général de l’ONU au Mali et le troisième anniversaire de la signature de l’Accord.Cependant, trois ans après, c’est le désenchantement non seulement chez la CMA, la Plateforme et le Gouvernement, mais aussi chez les partenaires internationaux.


La situation au nord et au centre s’aggrave. L’accroissement des violences intercommunautaires, des violations des droits de l’homme et des attaques terroristes installent un climat de constante préoccupation. « Pour la communauté internationale, ces retards qui persistent dans la mise en œuvre des principales dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation interpelle. La résolution exprime cette frustration en dépit de l’appui et de l’assistance considérable reçus de la part de la communauté internationale », rapporte le chef de la MINUSMA.


Le dernier rapport trimestriel du secrétaire général de l’ONU sur la situation au Mali et le premier rapport de l’Observateur indépendant dirigé par la fondation Carter ont souligné l’urgence d’aller aux priorités. « Les sujets centraux de l’Accord, à savoir une nouvelle architecture institutionnelle pour le Mali, une armée nationale représentative, reconstituée, et redéployée, y compris la démobilisation des anciens combattants; et une zone de développement au Nord semble avoir été délaissée au profit des éléments qui revêtent un caractère plus périphérique ou de préalable, tels que les autorités intérimaires, le MOC, et l’opérationnalisation des régions des Ménaka et Taoudéni », décris le rapport de l’Observateur. Pour le chef de la mission des Nations Unies, la dégradation de la situation au centre du pays est la conséquence du non-application de l’Accord.


C’est pourquoi, dans la nouvelle résolution, à la différence de la précédente, le conseil invite la CMA, la Plateforme et le Gouvernement « à s’acquitter rapidement de leurs obligations restantes au titre de l’Accord’’.
Désormais, il tient à des résultats, faute de quoi, le mandat de la MINUSMA cessera d’être renouvelé automatiquement. « Le statuquo actuelle ne peut pas continuer », estime le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. Face à l’ampleur de la déception, Annadif exprime son sentiment. « J’avoue que je suis frustré par le fait que depuis deux ans, nous avons construit au moins huit camps pour le cantonnement des combattants et que jusque-là ces camps demeurent vides », a regretté, d’un ton las, le chef de la MINUSMA.


Des sanctions imminentes
Pour la première fois, le conseil de sécurité a évoqué la possibilité de faire usage des mesures prévues dans la résolution 2374 ayant mis en place un régime des sanctions sur le Mali. Si ces mesures ne semblent pas effrayer les parties, elles s’avèrent de plus en plus possibles au regard des timides avancées dans le processus. «Je crois que maintenant les choses vont commencer à mûrir. Le Conseil de sécurité a réuni suffisamment d’éléments. Je ne serai pas surpris si bientôt quelque chose se déclare dans ce sens », avertit Mahamat Saleh Annadif.

Koen Davidse : « La protection des civils incombe aux autorités maliennes »

Le mandat de la MINUSMA arrive à son terme le 30 juin prochain. Il sera renouvelé sans surprise pour une durée d’un an. Insécurité, force de réaction rapide, efficacité de la mission onusienne, Koen Davidse, Représentant spécial adjoint de la MINUSMA, a livré au Journal du Mali son point de vue sur ces questions d’importance, alors qu’une majorité de Maliens doute de l’impact réel des actions de la mission onusienne.

 Quel bilan faites-vous, au regard du processus de paix, de la situation sécuritaire au Mali et dans la région ?

La situation sécuritaire dans le Nord demeure fragile avec une recrudescence de l’activité des extrémistes violents et des éléments terroristes dans les régions centrales, ciblant entre autres des responsables étatiques et alimentant diverses tensions, notamment communautaires. Depuis juin de l’année dernière, 201 attaques ont été menées contre les forces maliennes, internationales et la MINUSMA, ainsi que contre les mouvements signataires. Par ailleurs, l’implication de certains de ces groupes au sein de réseaux criminels transnationaux, souligne l’urgente nécessité de contrer l’expansion du terrorisme dans la zone sahélo-saharienne. À cet égard, l’initiative du G5 Sahel de déployer une force conjointe au Mali répond aux défis sécuritaires transfrontaliers. Il convient de souligner que la responsabilité première d’assurer la protection des civils menacés de violences physiques incombe aux autorités maliennes.

Le mandat de la MINUSMA prendra fin le 30 juin prochain. Que peut-on attendre de ce nouveau mandat qui devrait lui être accordé ?

On ne doit pas s’attendre à des changements majeurs. Les principes clés et les objectifs sont clairs et inscrits dans le mandat actuel. Les rôles de bons offices du Représentant spécial et de la Mission sont appelés à se poursuivre dans le cadre des mécanismes de suivi et d’appui au processus de paix afin d’accélérer la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix. Par ailleurs la MINUSMA entend soutenir le PSIRC (Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre), mis en place par le gouvernement afin de faire face aux défis sécuritaires dans le Centre du pays et ceci en étroite concertation avec d’autres acteurs, notamment l’Union européenne. Une réflexion est sur le point d’être engagée sur un transfert progressif des responsabilités de consolidation de la paix aux autres membres du système des Nations unies, notamment des agences, en fonction de leurs avantages comparatifs et de leurs expertises.

Pourquoi la force d’intervention rapide n’est-elle toujours pas opérationnelle alors qu’elle devait être déployée en février ? Pouvez-vous nous dire quand elle le sera ?

Le déploiement du premier détachement de cette force de réaction rapide est prévu courant du mois d’août 2017. Il importe de rappeler que cette force a pour vocation, entre autres, de renforcer la protection de la population.

Le rôle de la MINUSMA est aussi de protéger les populations. Pourquoi n’y parvient-elle pas où plutôt pourquoi les populations ont l’impression qu’elle n’est pas là pour les protéger et remettent en cause son efficacité ?

La MINUSMA opère au quotidien dans un environnement particulièrement complexe et vaste. Pourtant, face à ces défis quotidiens, la Mission, par son engagement et ses actions, a évité à bien des égards, des dénouements tragiques. Ainsi, lors des combats entre les mouvements armés signataires aux abords de la ville de Kidal en août 2016, la MINUSMA a rapidement déployé ses moyens de surveillance et de force de maintien de la paix ainsi qu’un cordon sécuritaire, contribuant ainsi activement à la cessation des hostilités. Plus récemment, en mars 2017, la présence de certains groupes armés aux abords de la ville de Tombouctou a entrainé de la part de la MINUSMA un renforcement de ses capacités de surveillance, d’intervention, et de police en ville, contrant avec succès cette menace potentielle. Enfin, la recrudescence de la violence dans la région de Kidal, il y a dix jours, a conduit la Mission a déployer des patrouilles renforcées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, dans la ville de Kidal et à Aguelhok, destinées à apaiser les tensions et à protéger les civils conformément à son mandat. Il importe de rappeler que la protection des civils est l’affaire de tous. La MINUSMA ne saurait accomplir cette responsabilité seule. L’engagement des autorités maliennes et d’autres partenaires impliqués dans le domaine de la réforme du secteur de la sécurité est indispensable dans un cadre concerté.

Quelles voies et moyens préconisez-vous pour faire avancer la paix et la stabilisation dans le contexte actuel ?

Le dialogue constructif et inclusif, notamment à l’égard des femmes et des jeunes, est le seul moyen de faire face aux défis et d’avancer ensemble sur le chemin de la paix. Car il n’y pas d’autre alternative pérenne. La solution à la crise malienne est avant tout politique. Seule la mise en œuvre intégrale de l’Accord de paix peut assurer au Mali de renouer avec la nécessaire stabilité et prospérité.

MINUSMA : Un mandat plus offensif et combatif.

Aujourd’hui grâce au nouveau mandat de la MINUSMA, validé le 29 juin et qui entrera en vigueur le 1er juillet, les forces de la mission onusienne peuvent désormais faire face aux attaques répétitives et à la recrudescence de l’insécurité qui a gagné du terrain. Embuscades, attaques de garnisons ou de postes militaires, tir d’obus, pose d’engins explosifs, sont les attaques récurrentes auxquelles font face les soldats de la paix sur le terrain.

Au conseil de sécurité, le chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, faisait le constat suivant : « À partir du moment où nous avons compris que nous étions devenus une cible privilégiée pour les terroristes, un certain nombre de mesures ont commencé à être prise, notamment pour être plus proactif ». Cette détermination du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, semble avoir porté ses fruits. Les composantes du nouveau mandat, qui a été établi sous le Chapitre VII de la charte des Nations unies, autorisent la MINUSMA à utiliser tous les moyens nécessaires pour accomplir son mandat.

Pour ce faire, le Conseil de sécurité a décidé deux orientations majeures, concernant le processus de paix et le nouveau mandat de la MINUSMA. Sur le processus de paix, la résolution du conseil de sécurité 2295 appelle, le gouvernement et les groupes armés signataires à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de paix en particulier les aspects politiques et institutionnels et ceux portant sur la défense et la sécurité. Elle établit la restauration de l’autorité de l’État comme la finalité recherchée du processus de paix et souligne l’importance du redéploiement progressif des forces de défense malienne reconstituée pour dissuader la menace terroriste. Le nouveau mandat de la mission onusienne, sera désormais plus offensif, permettra de prévenir les attaques terroristes contre les casques bleus et une protection accrue des civils.

En termes d’effectifs, la mission sera renforcée de 2049 soldats et 480 policiers supplémentaires. La nouvelle résolution assigne aussi, comme nouvelle tâche à la MINUSMA, de lutter contre les attaques asymétriques afin de défendre activement son mandat. Dans la perspective du renforcement des capacités des troupes, le Conseil de sécurité exhorte les pays contributeurs à accélérer les procédures d’achat et de déploiement de tout le matériel nécessaire. Cela va se traduire par le renforcement des capacités en matière de renseignement, la fourniture de dispositifs de protection contre les engins explosifs, la dotation en moyens militaires appropriés. Ces recommandations du conseil de sécurité traduisent les engagements sans faille de Mr Annadif en faveur d’un mandat plus robuste. La MINUSMA sera verra donc dotée de drones de surveillance, de blindés et d’ hélicoptères.

Concernant la force Barkhane, le Conseil de sécurité l’autorise « à user de tous les moyens nécessaires dans la limite de leurs capacités et de leurs zones de déploiement, jusqu’à la fin du mandat confié à la MINUSMA par la présente résolution ».